I pars (Drioux 1852) Qu.81 a.3


QUESTION LXXXII. : DE LA VOLONTÉ.


Après avoir parlé de la sensualité, nous avons à nous occuper de la volonté. — Sur ce point cinq questions se présentent : 1° La volonté désire-t-elle nécessairement quelque chose ? — 2" Veut-elle tout ce qu'elle veut nécessairement ? — 3" Est-elle une puissance plus noble que l'entendement ? — 4° Meut-elle l'entendement? — 5° Se distingue-t-elle en irascible et en concupiscible?

ARTICLE I. —LA VOLONTÉ DÉSIRE-T-ELLE NÉCESSAIREMENT QUELQUE CHOSE (1)?


(1) Cet article a pour but de distinguer ce qu'il y a de libre et ce qu'il y a de nécessaire dans l'exercice de la volonté. C'est une réfutation de ceux qui ont dit que l'homme était libre dans tous ses actes, et de ceux qui oni soutenu qu'il ne l'était dans aucun.

Objections: 1.. Il semble que la volonté ne désire rien nécessairement. Car saint Augustin dit (De civ. Dei, lib. v, cap. 10) que si une chose est nécessaire elle n'est pas volontaire. Or, tout ce que la volonté désire est volontaire. Donc rien de ce que la volonté désire n'est nécessairement désiré.

2.. Les puissances rationnelles, d'après Aristote (Met. lib. ix, text. 3), se rapportent à des objets opposés. Or, la volonté est une puissance rationnelle, parce que, comme le dit ce même philosophe (De anima, lib. m, text. 42), elle existe dans la raison. Donc la volonté se rapporte à des objets opposés et par conséquent elle n'est déterminée nécessairement à l'égard d'aucun.

3.. Par la volonté nous sommes maîtres de nos actes. Or, nous ne sommes pas maîtres de ce qui arrive nécessairement. Donc l'acte de la volonté ne saurait être nécessaire.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. xiii, eap. 4) que tous les hommes recherchent le bonheur et qu'ils n'ont à cet égard qu'une même volonté. Or, s'ils ne le recherchaient pas nécessairement, mais d'une manière contingente, il y aurait au moins quelques individus qui ne le rechercheraient pas. Donc il y a quelque chose que la volonté veut nécessairement.

CONCLUSION. — La volonté ne peut rien vouloir par une nécessité de coaction, mais elle peut vouloir quelque chose par une nécessité finale ou hypothétique; il y a même une chose qu'elle veut d'une nécessité naturelle, c'est la béatitude.

Il faut répondre qu'il y a plusieurs sortes de nécessités. Car on appelle nécessaire tout ce qui ne peut pas ne pas être. Or, une chose peut être dite nécessaire à un être, soit d'après son principe intrinsèque ou matériel, comme quand nous disons que tout ce qui se compose d'éléments contraires doit nécessairement se corrompre, soit d'après son principe formel, comme quand nous disons que les trois angles d'un triangle doivent être nécessairement égaux à deux angles droits. Cette nécessité s'appelle naturelle et absolue. Une chose est encore nécessaire à une autre quand celle-ci ne peut sans elle atteindre sa fin ou qu'elle est contrainte par elle à agir. Dans le premier sens on dit que la nourriture est nécessaire à la vie, le cheval à la course. Cette nécessité se nomme nécessité finale : quelquefois on lui donne aussi le nom d'utilité (I). Quand un être est contraint par un agent quelconque à agir de telle sorte qu'il ne puisse pas faire l'opposé, on appelle cette nécessité une nécessité de coaction. Cette dernière espèce de nécessité répugne absolument à la volonté. En effet, la violence est ce qui est opposé à l'inclination d'une chose, et le mouvement de la volonté est une inclination qui la porte vers un objet. C'est pourquoi, comme on dit qu'une chose est naturelle parce qu'elle est conforme à l'inclination de la nature, de même on dit qu'une chose est volontaire quand elle est conforme à l'inclination de la volonté. Ainsi donc, comme il est impossible qu'une chose soit tout à la fois violente et naturelle, de même il est impossible qu'un acte soit tout à la fois contraint et volontaire. Mais la nécessité finale ne répugne pas à la volonté quand l'être ne peut arriver à sa fin que d'une manière. Ainsi celui qui veut passer la mer doit nécessairement vouloir prendre un navire. La nécessité naturelle ne lui répugne pas non plus. Il faut même que comme l'intellect s'attache nécessairement aux premiers principes, ainsi la volonté s'attache nécessairement à la fin dernière qui est la béatitude. Car, comme le dit Aristote (Phys. lib. n, text. 89), la fin est pour les choses pratiques ce que les principes sont pour les choses spéculatives. En effet, il faut que ce qui convient naturellement et d'une manière immuable à un être soit le fondement et le principe de toutes les autres choses qui sont en lui, parce que la nature est ce qu'il y a de premier dans chaque être et que tout mouvement procède d'un premier moteur immuable (2).

(1) Dans celle nécessité finale, il faut distinguer ce qui est nécessaire purement et simplement, comme la nourriture est nécessaire pour vivre, et ce qui est nécessaire par pure bienséance. C'est celle dernière espèce de nécessaire qui porte le nom d'utilité. C'est ainsi qu'un cheval est nécessaire pour voyager, parce qu'il est plus commode d'aller en voiture que d'aller à pied.

(2) La béatitude EST ce principe immuable qui sert de base à toutes les déterminations de la volonté.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que ce mot de saint Augustin doit s'entendre de la nécessité de coaction. Car la nécessité naturelle ne détruit pas la liberté de volonté, comme il le dit lui-même dans le même livre.

2. Il faut répondre au second, que la volonté, selon qu'elle veut quelque chose naturellement, répond plutôt à l'intellect qui perçoit les principes naturels (1) qu'à la raison qui se rapporte à des objets opposés. C'est pour cela que dans ce sens elle est plutôt une puissance intellectuelle qu'une puissance rationnelle.

(1) La volonté, considérée dans ses rapports avec la fin dernière, répond .à l'intellect, mais considérée par rapport aux moyens qui mènent à cette fin, elle répond plutôt à la raison, parce que, comme elle, elle peut choisir entre des choses diverses.

3. Il faut répondre au troisième, que nous sommes maîtres de nos actes, dans le sens que nous pouvons choisir telle ou telle chose. Or, nous n'avons pas à choisir notre Un, mais les moyens qui s'y rapportent, comme le dit Aristote (Eth. lib. m, cap. 2). C'est pourquoi le désir de notre fin dernière n'est pas du nombre des choses dont nous sommes les maîtres.


Article II. — la volonté veut-elle nécessairement tout ce qu'elle veut (2)?


(2) Cet article est une réfutation de Calvin, de Luther, des trinitaires, des fatalistes et de tous ceux qui ont nié ou attaqué de quelque manière le lihrc arbitre. Toutes ces erreurs ont été eon damnées par le concile de Trente iConc. Trid, sess, vi, can. \ et Ii).            f

Objections: 1.. Il semble que la volonté veuille nécessairement tout ce qu'elle veut. Car saint Denis dit (De div. nom. cap. 4) que le mal est en dehors de la volonté. Donc la volonté tend nécessairement au bien qu'on lui propose.

2.. L'objet de la volonté est à la volonté elle-même ce que le moteur est au mobile. Or, le mouvement du mobile est une conséquence nécessaire du moteur. Il semble donc que l'objet de la volonté la meuve nécessairement.

3.. Comme ce que les sens perçoivent est l'objet de l'appétit sensitif, de même ce que l'intellect perçoit est l'objet de l'appétit intelligentiel qu'on appelle la volonté. Or, ce que les sens perçoivent meut nécessairement l'appétit sensitif. Car saint Augustin dit (Sup. Gen. ad litt. lib. ix, cap. 14) que les animaux sont mus par ce qu'ils voient. Il semble donc que ce que l'intellect perçoit meuve nécessairement la volonté.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (Retract, lib. i, cap. 9) que c'est la volonté qui fait que nous péchons et que nous vivons vertueusement-, par conséquent elle se rapporte à des objets opposés. Elle ne veut donc pas nécessairement tout ce qu'elle veut.

CONCLUSION. — Il y a des biens particuliers sans lesquels l'homme peut être heureux; c'est pourquoi la volonté ne les veut pas nécessairement; c'est ainsi que l'intellect ne donne pas nécessairement son assentiment aux choses qui n'ont pas une connexion nécessaire avec les premiers principes.

Il faut répondre que la volonté ne veut pas nécessairement tout ce qu'elle veut. Pour s'en convaincre il faut observer que comme il est naturel que l'intellect s'attache nécessairement aux premiers principes, de même la volonté se porte naturellement vers sa fin dernière, comme nous l'avons dit fart. préc). Mais il y a des choses intelligibles qui n'ont pas de connexion nécessaire avec les premiers principes, puisqu'il y ades propositions contingentes qu'on peut rejeter sans pour ceja être obligé de rejeter les premiers principes eux-mêmes. L'intellect ne donne pas nécessairement son assentiment aux propositions de cette nature. Il y a aussi des propositions nécessaires qui ont une connexion nécessaire avec les premiers principes, comme il y a des conséquences démontrables qu'on ne peut nier sans nier les premiers principes eux-mêmes. L'intellect y adhère nécessairement une fois qu'il a connu par une déduction logique la connexion nécessaire qu'il y a entre ces conséquences et leurs principes. Mais il n'y adhère pas nécessairement avant d'avoir connu la nécessité rigoureuse de cette connexion. Il en est de même de la volonté. En effet, il y a des biens particuliers qui n'ont pas une connexion nécessaire avec la béatitude, parce que sans eux l'homme peut être heureux ; sa volonté ne s'y attache pas nécessairement. Mais il y a aussi des biens qui ont une connexion nécessaire avec la béatitude ; ce sont ceux par lesquels l'homme s'attache à Dieu en qui seul consiste le vrai bonheur. Toutefois, tant que par la certitude de la vision céleste la nécessité de cette connexion ne nous est pas démontrée, la volonté ne s'attache nécessairement ni à Dieu, ni aux choses divines. Mais la volonté de celui qui voit Dieu s'attache à lui aussi nécessairement que nous nous attachons maintenant au bonheur (1). Il est donc évident que la volonté ne veut pas nécessairement tout ce qu'elle veut.

(1) Celle question si difficile ne nous parait avoir été traitée nulle part avec autant ae profondeur et de clarté.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la volonté ne peut se porter vers une chose qu'autant qu'elle est bonne. Or, par là même que le bien est multiple il résulte de là que la volonté ne se rapporte pas nécessairement à une seule chose.

2. Il faut répondre au second, que le moteur met nécessairement en mouvement le mobile, quand la puissance du moteur surpasse tellement le mobile que la force de celui-ci lui est totalement soumise. Or, la puissance de la volonté ayant pour objet le bien universel et parfait, elle ne peut être soumise tout entière à aucun bien particulier. C'est pourquoi elle n'est pas mue nécessairement par lui.

3. Il faut répondre au troisième, que la puissance sensitive n'est pas une faculté qui comprenne divers objets, comme la raison, elle ne perçoit absolument qu'une seule chose, c'est pour cela qu'elle porte l'appétit d'une manière fixe et déterminée vers cet objet unique. Mais la raison comprend plusieurs objets, c'est pour ce motif qu'elle peut donner à l'appétit intelli-gentiel ou à la volonté plusieurs impulsions diverses et qu'elle ne la meut pas nécessairement dans une seule et même direction.


Article III. — la volonté est-elle une puissance supérieure a l'intellect (2)?


(2) En déterminant les rapports de l'intelligence et de la volonté saint Thomas répand encore de nouvelles lumières sur ce sujet qu'il a déjà si approfondi.

Objections: 1.. Il semble que la volonté soit une puissance supérieure à l'intellect. Car le bien et la fin voilà l'objet de la volonté. Or, la fin est la première et la plus noble des causes. Donc la volonté est la première et la plus noble des puissances.

2.. On voit que dans l'ordre de la nature on va de l'imparfait au parfait, et qu'il en est de même à l'égard des puissances de l'âme, car on s'élève des sens à l'entendement qui est plus noble qu'eux. Or, on va naturellement aussi de l'acte de l'intellect à l'acte de la volonté. Donc la volonté est une puissance plus parfaite et plus noble que l'intellect.

3.. Les habitudes sont proportionnées aux puissances comme les perfections aux choses perfectibles. Or, l'habitude à laquelle la volonté doit sa perfection est plus noble que celles qui perfectionnent l'intellect. Car saint Paul dit : Quand je connaîtrais tous les mystères et que j'aurais la foi la plus parfaite, si je n'ai pas la charité je ne suis rien (I. Cor. xiii, 2). Donc la volonté est une puissance plus noble que l'intellect.


Mais c'est le contraire. Car Aristote dit (Eth. lib. x, cap. 7) : La plus noble puissance de l'àme c'est l'intellect.

CONCLUSION. — L'objet de l'intellect étant absolument plus noble que celui de la volonté, l'intellect est par là même une puissance plus noble que la volonté ; cependant cette faculté est sous un rapport supérieure à l'intellect dans le sens que son objet peut se rencontrer dans un sujet plus élevé.

Il faut répondre que la supériorité d'une chose sur une autre peut se considérer de deux manières, absolument ou relativement. On considère une chose absolument quand on la considère en elle-même, et on la considère relativement quand on la considère par rapport à une autre. Si on considère l'intellect et la volonté en eux-mêmes, on trouve alors que l'intellect est la faculté la plus noble, et cela résulte de la comparaison de leurs objets. Car l'objet de l'intellect est plus simple et plus absolu que l'objet de la volonté. En effet, l'objet de l'intellect est la raison même du bien que l'on désire, et l'objet de la volonté est ce bien lui-même dont la raison est dans l'intellect. Or, plus une chose est simple et abstraite, plus elle est en elle-même noble et élevée. L'objet de l'intellect est donc plus élevé que l'objet de la volonté. Et comme les facultés sont entre elles comme leur objet, il s'ensuit que l'intellect est une faculté plus noble et plus élevée que la volonté.—Relativement, c'est-à-dire par rapport à ce qui leur est extérieur, la volonté est quelquefois supérieure à l'intellect, dans le sens que l'objet de la volonté existe dans un sujet plus élevé que celui de l'intellect. Par exemple on pourrait dire que l'ouïe est relativement plus noble que la vue, dans le sens que le sujet qui produit le son est quelquefois plus noble que celui qui produit la couleur, quoique la couleur soit en elle-même plus noble et plus simple que le son. Car, comme nous l'avons dit (quest. xvi, art. 1, et quest. xxvii, art. 4), l'action de l'intellect consiste en ce que l'essence ou la raison de l'objet compris est dans le sujet qui le comprend, tandis que l'acte de la volonté n'est parfait qu'autant que la volonté se porte vers la chose elle-même selon ce qu'elle est en soi. C'est ce qui a fait dire à Aristote (Met. lib. vi, text. 8) que le bien et le mal qui sont les objets de la volonté sont dans les choses, tandis que le vrai et le faux qui sont les objets de l'intellect sont dans l'esprit. Si donc l'être dans lequel est le bien est plus noble que l'âme elle-même dans laquelle est la nature ou la raison comprise de ce bien, il s'ensuit que par rapport à cet être la volonté est supérieure à l'entendement. Mais si l'être dans lequel se trouve le bien est inférieur à l'àme, alors c'est l'intellect qui est supérieur à la volonté par rapport à lui. C'est ce qui fait que l'amour de Dieu vaut mieux que sa connaissance, mais que la connaissance des choses temporelles vaut mieux au contraire que leur amour. Cependant absolument parlant l'intellect est plus noble que la volonté.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la nature de la cause suppose le rapport d'une chose à une autre et que dans ce rapport la nature du bien est ce qu'il y a de principal. Mais le vrai s'entend dans un sens plus absolu et exprime la nature du bien lui-même \ c'est pour cela que le bien est une sorte de vrai. Réciproquement le vrai est aussi une sorte de bien dans le sens que l'intellect est une chose qui a le vrai pour fin. Et parmi les autres fins celle-là est la plus excellente comme l'intellect est la puissance la plus élevée entre toutes les autres.

2. Il faut répondre au second, que ce qui a la priorité dans l'ordre de la génération et du temps est ce qu'il y a de plus imparfait, parce que dans un seul et même sujet la puissance précède temporairement l'acte, l'imperfection la perfection. Mais ce qui ala priorité absolument et selon j'ordre de la nature est ce qu'il y a de plus parfait ; car c'est ainsi que l'acte est antérieur à la puissance. De cette manière l'intellect est antérieur à la volonté, comme le moteur au mobile, l'actif au passif; puisque (.'est le bien compris qui meut la volonté.

3. Il faut répondre au troisième, que ce raisonnement s'appuie sur la volonté considérée relativement à ce qui est supérieur à l'âme. Car la vertu de la charité a pour objet l'amour de Dieu (1).

(1) Dieu est incomparablement supérieur à l'àmc, qui en a la connaissance, comme on l'a vu [in cor p. art.).

ARTICLE IV. — la volonté meut-elle l'intellect (2) ?


(2) Il est très-important de déterminer claire ment le domaine de la volonté, parce qu'un acte n'étant bon ou mauvais qu'autant qu'il est volontaire, il faut qu'on sache jusqu'où s'étend l'empire de la volonté.

Objections: 1.. Il semble que la volonté ne meuve pas l'intellect. Car le moteur est plus noble que l'objet mû et lui est antérieur puisqu'il est l'agent, et que celui qui agit est supérieur â celui qui pâtit, comme le disent saint Augustin (Sup. Gen. ad litt. lib. xii, cap. 16) et Aristote (De anima, lib. in, te*t. 19). Or, l'intellect est antérieur à la volonté et plus noble qu'elle, comme nous l'avons vu (art. préc). Donc la volonté ne meut pas l'intellect.

2.. Le moteur n'est pas mû par l'objet qu'il meut, sinon par accident. Or, l'intellect meut la volonté parce que l'objet de l'appétit perçu par l'intellect meut sans être mû, tandis que l'appétit meut et est mû tout à la fois. Donc l'intellect n'est pas mû par la volonté.

3.. Nous ne pouvons rien vouloir que nous ne l'ayons compris. Si donc la volonté meut par son acte l'intelligence, il faudra qu'un autre acte de l'intelligence précède celui de la volonté, et que la volonté veuille à son tour ce nouvel acte d'intelligence et cela indéfiniment, ce qui est impossible. Donc la volonté ne meut pas l'intellect.


Mais c'est le contraire, Mais c'estj le contraire. Car saint Jean Damascène dit : Il est en notre pouvoir d'apprendre ou de ne pas apprendre l'art que nous voulons. Il y a donc en nous des choses qui n'y sont que par l'effet de la volonté. Et comme c'est par l'intellect qu'un art s'apprend, il s'ensuit que la volonté meut cette faculté.

CONCLUSION. — L'intellect meut la volonté comme cause finale, tandis que la volonté qui se rapporte au bien en général meut l'intellect comme cause efficiente.

Il faut répondre qu'il y a deux manières d'entendre qu'une chose en meut une autre : 1° Elle peut la mouvoir comme cause finale, et c'est ainsi que la fin meut l'agent. Dans ce sens l'intellect meut la volonté parce que c'est le bien compris qui est l'objet de la volonté et qui la meut comme sa fin. 2° Elle peut la mouvoir comme agent-, c'est ainsi que ce qui altère meut ce qui est altéré et ce qui pousse ce qui est poussé. En ce sens la volonté meut l'intellect et toutes les forces de l'âme, comme le dit saint Anselme (De similitud. cap. 2). La raison en est que suivant la manière dont toutes les puissances actives sont ordonnées, la puissance qui se rapporte à la fin universelle est celle qui meut les puissances qui se rapportent à des fins particulières. Et il en est ainsi dans l'ordre naturel comme dans l'ordre politique. En effet, le ciel qui conserve universellement tous les corps engendrés et corruptibles meut tous les corps inférieurs qui agissent chacun pour la conservation de leur propre espèce ou même de leur individu. De même le roi, par là même qu'il a pour objet le bien commun de tout le royaume, meut par son ordre chacun des magistrats qui sont chargés de l'administration de chaque cité. Or, l'objet de la volonté est le bien et la fin en général. Donc par là même que toute puissance se rapporte à un bien qui lui est propre, comme la vue à la couleur et l'intellect à la connaissance du vrai, il s'ensuit que la volonté comme agent meut toutes les puissances de l'âme et qu'elle commande leurs actes, à l'exception des puissances naturelles de la partie végétative qui ne sont pas soumises à notre libre arbitre.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on peut considérer l'intellect de deux manières, on peut le considérer : 1° comme percevant l'être et le vrai en général; 2" comme une chose et comme une puissance particulière ayant un acte déterminé. On peut aussi considérer la volonté sous un double point de vue. On petit la considérer : d'après la généralité de son objet ou comme l'appétit du bien en général; 2° comme une puissance déterminée qui a un acte déterminé. Si donc on compare l'intellect et la volonté selon la généralité de leur objet, nous avons dit (art. préc.) que dans ce sens l'intellect est absolument plus élevé et plus noble que la volonté. Mais si l'on considère l'intellect suivant la généralité de son objet et la volonté comme une puissance déterminée, dans ce cas encore l'intellect est supérieur et antérieur à la volonté, parce que dans la nature de l'être et du vrai que l'intellect perçoit est comprise la volonté elle-même avec son acte et son objet L'intellect comprend donc la volonté, son acte et son objet ainsi que tous les autres objets particuliers qu'il perçoit, tels que la pierre ou le bois qui sont compris dans l'idée générale de l'être et du vrai. Si on considère la volonté d'après la nature générale de son objet qui est le bien et l'intellect comme une chose et une puissance spéciale, alors dans l'idée générale du bien se trouve compris, comme un objet spécial, l'intellect lui-même, son acte et son objet qui est le vrai, parce que chacune de ces choses est un bien particulier. Dans ce sens la volonté est supérieure à l'intellect et peut le mouvoir. De toutes ces considérations résulte clairement le motif pour lequel ces deux puissances exercent l'une sur l'autre une action réciproque, c'est que l'intellect comprend que la volonté veut et la volonté veut que l'intellect comprenne. Pour la même raison le bien rentre dans le vrai dans le sens que c'est une sorte de vrai que l'intelligence comprend, et le vrai rentre dans le bien dans le sens que c'est une sorte de bien que la volonté recherche (1).

(1) Ces deux puissances sont par le moyen de leurs actes comme deux cercles qui se renferment l'un et l'autre.

2. Il faut répondre au second, que l'intellect meut la volonté d'une autre manière que la volonté meut l'intellect (2), comme nous l'avons dit (in corp. art.).

(2) L'un est cause linale et l'autre cause efficiente.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il n'est pas nécessaire d'aller ainsi de la volonté à l'intellect et de l'intellect à la volonté indéfiniment, mais qu'on doit s'arrêter à l'intellect comme au premier principe de tout mouvement. Car il est nécessaire que la connaissance précède tout mouvement volontaire, mais tout mouvement volontaire ne précède pas nécessairement toute connaissance. Quant au premier principe de tout conseil et de toute intelligence, il est plus élevé que notre intellect; c'est Dieu (3), comme le dit Aristote (Eth. lib. vu, cap. 18). Et il prouve de cette manière qu'il n'est pas nécessaire de remonter indéfiniment de cause en cause.

(3) Ce principe attaque l'erreur des pélagiens, qui voulaient que l'homme, pour faire le bien", put se passer de Dieu et de sa grâce.


ARTICLE V. — Y a-t-il dans l'appétit supérieur un appétit irascible distinct de l'appétit concupiscible (1)?


(1) Cet article nous donne l'interprétation de ces passages de l'Ecriture : Irascimini ei nolite peccare (Pt. iv). Odio sunt Deo impius et impietas ejus (Sap. xiv). Concupiscet rex decorem tuum (Ps. xliv). Concupivit anima mea, etc. [Ps. cxvin).

Objections: 1.. Il semble qu'on doive distinguer l'appétit irascible et l'appétit concupiscible dans l'appétit supérieur qui est la volonté. Car l'appétit eoncupiscible vient de la concupiscence et l'appétit irascible de la colère. Or, il y a une concupiscence qui ne peut appartenir à l'appétit sensitif, mais seulement à l'appétit intelligentiel qui est la volonté. Telle est la concupiscence de la sagesse, dont il est dit (Sap. vi, 21) : La concupiscence de la sagesse conduit au royaume éternel. Il y a aussi une colère qui ne peut appartenir qu'à cet appétit; telle est celle que nous concevons contre les vices. C'est ce qui fait dire à saint Jérôme (in Mat t. cap. I3j que nous devons avoir dans la puissance irascible de l'âme la haine de tous les vices. Donc on doit dans l'appétit intelligentiel comme dans l'appétit sensitif distinguer l'appétit irascible de l'appétit concupiscible.

2.. On dit généralement que la charité est dans l'appétit concupiscible et l'espérance dans l'irascible. Or, la charité et l'espérance ne peuvent être dans l'appétit sensitif parce que ces vertus n'ont pas pour objets des choses sensibles, mais des choses intelligibles. On doit donc admettre qu il y a dans la partie intellectuelle de l'âme un appétit concupiscible et un appétit irascible.

3.. Dans le livre de VEsprit et de VAme (cap. 3) il est dit que l'âme, avant d'être unie au corps, possède ces puissances : l'appétit irascible, l'appétit concupiscible et la raison. Or, il n'y a pas de puissance sensitive qui se rapporte à l'âme exclusivement, elles se rapportent toutes à l'âme unie au corps, comme nous l'avons dit (quest. lxxviii, art. î> et art. 8). Donc l'appétit irascible et l'appétit concupiscible existent dans la volonté qui est l'appétit intelligentiel.


Mais c'est le contraire. Car Némésius (2) dit (De nat. hom. cap. 10) que c'est la partie déraisonnable de l'âme qui se divise en appétit concupiscible et en appétit irascible. Saint Jean Damaseène dit la même chose [De /id. or th. lib. n, cap. 12). Aristote dit aussi (De anima, lib. m, text. 42) que la volonté réside dans la raison, et il place dans la partie déraisonnable de l'âme la concupiscence et la colère ou le désir et la passion.

(2) Le texte porte saint Grégoire de Nysse, mais désormais nous citerons ainsi le véritable auteur de cet ouvrage.

CONCLUSION. — On ne distingue pas dans l'appétit supérieur de l'homme, c'est-à-dire dans la volonté, l'appétit concupiscible et l'appétit irascible.

Il faut répondre que l'appétit irascible et l'appétit concupiscible ne sont pas des parties de l'appétit intelligentiel qu'on appelle la volonté. Car, comme nous l'avons dit (quest. lxxmi, art. 3, et quest. lxxix, art. 7j, la puissance qui se rapporte à un objet d'une manière générale n'est pas diversifiée par les différences spéciales comprises sous cette raison générale. Ainsi la vue se rapportant à tout ce qui est visible et coloré en général, ne se divise pas en autant de puissances qu'il y a de différentes espèces de couleurs. Mais s'il y avait une puissance qui eût pour objet le blanc considéré comme tel et non comme objet coloré, cette puissance différerait de celle qui se rapporterait au noir, comme à son objet propre. Or, l'appétit sensitif n'a pas pour objet le bien en général, parce que les sens ne perçoivent rien d'universel. C'est ce qui lait que les parties de l'appétit sensitif se diversifient selon la diversité de nature de leurs objets particuliers. Ainsi la concupiscence regarde le bien selon qu'il délecte les sens et qu'il convient à la nature, tandis que la colère se rapporte au bien scion qu'il repousse et combat ce qui pourrait être nuisible. Mais la volonté a pour objet le bien en général. C'est pour ce motif que les puissances appétitives contenues en elle ne sont pas diverses, et qu'on ne distingue pas dans l'appétit intelligentiel une puissance irascible différente de la puissance concupiscible, comme on ne divise pas non plus l'intellect en plusieurs facultés perceptives, bien que dans la partie sensitive ces puissances soient multiples.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'amour et la concupiscence s'entendent de deux manières. Quelquefois on entend par là des passions qui s'élèvent avec une certaine surexcitation de l'esprit. C'est le sens vulgaire qu'on donne à ces affections qui, ainsi comprises, n'existent que dans l'appétit sensitif. D'autres fois on entend par là une simple affection sans passion, sans mouvement de l'esprit. Alors ce sont des actes de la volonté qu'on peut attribuer à Dieu et aux anges. Dans ce dernier sens ils ne se rapportent pas à des puissances diverses, mais à une seule et même puissance qu'on appelle la volonté.

2. Il faut répondre au second, qu'on peut dire que la volonté est irascible dans le sens qu'elle veut combattre le mal, non d'après l'impulsion de la passion, mais d'après le jugement de la raison. On peut dire aussi de la même manière qu'elle est concupiscible parce qu'elle désire le bien. Ainsi la charité et l'espérance sont dans l'irascible et le concupiscible, c'est-à-dire dans la volonté suivant qu'elle se rapporte à ces actes divers. On peut aussi entendre de cette manière ce que dit le livre de l'Esprit et de l'Ame, que l'irascible et le concupiscible appartiennent à l'âme avant qu'elle ne soit unie au corps, pourvu toutefois qu'on entende cette priorité selon l'ordre de nature et non selon l'ordre de temps, quoique d'ailleurs il ne soit pas nécessaire d'ajouter foi à cet ouvrage.

3. Ainsi la réponse au troisième argument est par là même évidente.


QUESTION LXXXÍÍI. : DU LIBRE ARBITRE.


Après avoir parle de la volonté, nous avons à nous occuper maintenant du libre arbitre. — Sur ce point quatre questions se présentent : 1" L'homme a-t-il le libre arbitre:' — 2" Qu'est-ce que le libre arbitre? Est-ce une puissance, un acte, ou une habitude? — 3° Si c'est une puissance, est-elle appétitive ou cognitive? — 4" Si elle est appétitive, est-elle la même que la volonté ou si elle en est distincte?

ARTICLE I. — l'homme a-t-il le libre arbitre (1)?


(1) Toutes les différentes erreurs de Luther, de Calvin, d'OEcolampade, de Mélanchton, de Pelage et tle tous les hérésiarques anciens et modernes sur le libre arbitre sont ici attaquées et réfutées.

Objections: 1.. Il semble que l'homme n'ait pas le libre arbitre. Car quiconque a le libre arbitre fait ce qu'il veut. Or, l'homme ne fait pas ce qu'il veut. Car l'Apôtre dit (Rm 7,49) : Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais. Donc l'homme n'a pas le libre arbitre.

2.. A quiconque a le libre arbitre il appartient de vouloir et de ne pas vouloir, d'agir et de ne pas agir. Or, le pouvoir n'appartient pas à l'homme. Car saint Paul dit (Rm 9,16) : Il ne vous appartient ni de vouloir, ni de courir. Donc l'homme n'a pas le libre arbitre.

3.. L'être libre est celui qui s'appartient et qui est cause de ses déterminations, comme le dit Aristote (Mel. lib. i, cap. 2). Ce qui est mû par un autre n'est donc pas libre. Or, Dieu meut la volonté. Car il est dit (Pr 21,1) : Le coeur du roi est dans la main de Dieu et il le tourne comme il veut. Et saint Paul ajoute (Ph 2,13) : C'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire. Donc l'homme n'a pas de libre arbitre.

4.. Quiconque a le libre arbitre est maître de ses actes. Or, l'homme n'est pas maître de ses actes. Car, comme le dit Jérémie (Jr 10,23) : Ce n'est pas à l'homme à choisir sa voie, et ce n'est pas à lui à diriger ses joas. Donc l'homme n'a pas de libre arbitre.

5.. Aristote dit (Eth. lib. ni, cap. 5) : Suivant ce qu'est un être, telle lui paraît sa fin. Or, il n'est pas en notre pouvoir d'être de telle ou telle manière, mais c'est à la nature que nous devons ce que nous sommes. Il nous est donc naturel de suivre une fin, et par conséquent ce n'est pas le fait du libre arbitre.


Mais c'est le contraire. Car il est dit dans l'Ecclésiaste (Si 15,14) : Dieu a établi l'homme dès le commencement et l'a placé dans la main de son conseil, c'est-à-dire, explique la glose, dans son libre arbitre.

CONCLUSION. — Puisque l'homme est raisonnable il a nécessairement le libre arbitre.

II faut répondre que l'homme a le libre arbitre, parce qu'autrement les conseils, les exhortations, les préceptes, les défenses, les récompenses et les peines seraient inutiles. Pour s'en convaincre jusqu'à l'évidence il faut remarquer qu'il y a des êtres qui agissent sans jugement, c'est ainsi que la pierre se précipite en bas. Il en est de même de tous les êtres sans connaissance. Il y en a qui agissent avec jugement, mais non avec liberté ; tels sont les animaux. Car la brebis qui voit le loup juge qu'elle doit le fuir, mais ce jugement est purement instinctif ou naturel, il n'est pas libre, parce qu'elle ne juge pas d'après la comparaison des objets, et il en est ainsi du jugement de toutes les bêtes brutes. Mais l'homme agit avec jugement parce que c'est d'après sa connaissance qu'il juge qu'il doit fuir ou rechercher une chose. Et comme son jugement n'est pas instinctif quand il s'agit de faire quelque action particulière, mais qu'il résulte du travail logique de la raison, il s'ensuit qu'il agit avec liberté et qu'il peut se décider entre des objets opposés. Car à l'égard des choses contingentes la raison peut choisir entre les contraires (4), comme on le voit dans les syllogismes dialectiques et dans l'art de la persuasion que la rhétorique enseigne. Or, les actions particulières sont des choses contingentes, et c'est pour cela que la raison peut porter sur elles des jugements divers et qu'elle n'est pas par conséquent nécessitée à se prononcer d'une manière déterminée. Donc par cela seul que l'homme est raisonnable il est nécessaire qu'il soit libre.

(1) C'est ce qui prouve que s'il y a des motifs déterminants, il n'y a pas de motifs nécessitants. Cette objection, sur laquelle les philosophes on» tant appuyé, rot par la mcmc détruite.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi, art. 3 ad 2), l'appétit sensitif, bien qu'il obéisse à la raison, peut cependant la contrarier sous un aspect en convoitant une chose opposée à ce que la raison commande. Il y a donc un bien que l'homme ne fait pas quand il le veut, c'est celui qui consiste à ne rien désirer de contraire à la raison, d'après l'explication que donne saint Augustin lui-même (Cont. Jul. lib. m, cap. 26).

2. Il faut répondre au second, que cette parole de l'Apôtre ne signifie pas que l'homme ne veuille pas et qu'il ne coure pas par l'effet de son libre arbitre, mais que le libre arbitre seul ne suffit pas pour produire ces actes, s'il n'est mû et aidé par Dieu.

3. Il faut répondre au troisième, que le libre arbitre est cause de son mouvement, parce que c'est par lui que l'homme se meut pour agir. Cependant il n'est pas essentiel à la liberté que l'être libre soit sa propre cause, comme il n'est pas nécessaire pour qu'une chose soit cause d'une autre, qu'elle soit sa cause première. Ainsi Dieu est la cause première qui meut toutes les causes naturelles et volontaires. Et comme en mettant en mouvement les causes naturelles il n'empêche pas que leurs actes ne soient naturels, de même en agissant sur les causes volontaires il n'empêche pas leurs actions d'être volontaires, mais il leur donne plutôt ce caractère, car il agit en chaque être d'une manière conforme à ce qui lui est propre (1).

(1) C'est ce qui concilie la liberté de l'homme avec tous les attributs de Dieu.

4. Il faut répondre au quatrième, que quand on dit que l'homme n'est pas maître de choisir la voie dans laquelle il marche, cela signifie qu'il n'est pas libre de mettre à exécution ce qu'il choisit, parce qu'il peut trouver des obstacles à ses désirs, malgré sa volonté. Mais nous sommes maîtres de fixer nos choix, en supposant toutefois que Dieu vienne à notre secours.

5. Il faut répondre au cinquième, qu'il y a dans l'homme deux sortes de qualité, l'une naturelle et l'autre acquise. La qualité naturelle peut se rapporter soit à la partie intellectuelle de l'âme, soit au corps et aux vertus qui lui sont annexées. De ee que l'homme jouit du côté de l'intellect d'une certaine qualité naturelle il s'en suit qu'il appète naturellement sa fin dernière, c'est-à-dire la béatitude. Cet appétit est naturel et il n'est pas conséquemment soumis au libre arbitre, comme nous l'avons dit (quest. préc. art. 2). Du côté du corps et des puissances qui s'y rattachent, un homme peut aussi avoir certaine qualité naturelle, jouir ainsi de telle ou de telle complexion, de telle ou telle disposition d'après l'impulsion des causes matérielles qui ne peuvent affecter la partie intellectuelle parce qu'elle n'est pas un acte du corps. Ainsi l'homme s'attache à telle ou telle lin suivant ce qu'il est d'après ses qualités corporelles, parce que ce sont ses dispositions qui le portent à choisir une chose et à repousser l'autre. Mais ces penchants sont soumis au jugement de la raison qui a tout pouvoir sur l'appétit inférieur, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi, art. 3). C'est ce qui fait qu'ils ne sont point un obstacle au libre arbitre. Les qualités acquises sont les habitudes et les passions qui portent quelqu'un vers une chose plutôt que vers une autre. Ces inclinations sont cependant soumises aussi au jugement de la raison. Elle les domine dans le sens qu'il est en notre pouvoir de les acquérir, soit en les produisant nous-mêmes, soit en nous disposant à les recevoir, et qu'il ne dépend que de nous de les repousser. Il n'y a donc là rien qui répugne à la liberté.



I pars (Drioux 1852) Qu.81 a.3