I pars (Drioux 1852) Qu.93 a.5

ARTICLE V. — l'image de dieu qui est dans l'homme représente-t-elle les trois personnes de la sainte trinité (2) ?


(2) Tons les Pères ont reconnu l'image de la Trinité danslTiomme. On peut lire spécialement saint Ambroise De diyn. hom. cap. Il', saint \ugustin i De Trin. lib. ix, cap. -i et seq., lib. xii', et Théodoiet (quest. xx in Gen.).

Objections: 1.. Il semble que l'image de Dieu qui est dans l'homme ne représente pas la Trinité des personnes divines. Car saint Augustin dit (Lib. de fid. ad Pet. cap. i): La divinité de la sainte Trinité et son image conformément à laquelle l'homme a été fait est essentiellement une. Et saint Hilaire dit aussi (De Trin. lib. v) que l'homme est fait à l'image commune de la sainte Trinité. Donc l'image de Dieu qui est dans l'homme représente son essence et non la Trinité des personnes.

2.. Il est écrit (In lib. de Eccles. dogm. cap. 88) que l'image de Dieu est dans l'homme en raison de l'éternité (3). Saint Jean Damascénc dit aussi [De juf. ortk. lib.ii, cap. 12) que l'homme esta l'image de Dieu, c'est-à-dire qu'il est intelligent, qu'il a son libre arbitre et qu'il est maitre de ses actions (1). Saint Grégoire de Nysse prétend (De hom. opif. cap. 10) que quand l'Ecriture dit que l'homme a été fait à l'image de Dieu, c'est comme si elle disait que la nature humaine a participé à toute espèce de bien. Car la Divinité est la plénitude de la bonté. Or, aucune de ces choses ne se rapporte à la distinction des personnes, mais plutôt à l'unité de l'essence divine. Donc l'image de Dieu qui est dans l'homme ne représente pas la Trinité des personnes, mais plutôt l'unité de l'essence.

(3) Cette opinion se trouve encore dans Fausta de Riez [De lib. arb. lib. i, cap. 1), dans saii.t Prudence (in Apoth.), dans saint Maxi me, etc.

(1) Saint Chrysostomo [Hom. x in Gen. et Hom. ii in Hebr,), saint Isidore de Péluse (lib. iii, cap. 95), l'hilopon (De opif. mundi, lib. vi, eap. (i , font aussi consister dans ce dernier caractère l'image de Dieu qui est dans l'homme.

3.. L'image mène à la connaissance de l'objet qu'elle représente. Si l'image de Dieu qui est dans l'homme représentait la Trinité des personnes, comme l'homme peut naturellement se connaître lui-même il s'ensuivrait que l'homme pourrait naturellement connaître la Trinité des personnes divines, ce qui est faux, comme nous l'avons prouvé (quest. xxxn, art. 1 ).

4.. Les trois personnes divines ne peuvent être appelées des images, il n'y a qu'au Fils que ce nom convienne. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. vi, cap. 2) que le Fils seul est l'image du Père. Si l'image de Dieu qui est dans l'homme se rapportait à la personne, l'image de la Trinité entière n'existerait donc pas en lui, il n'y aurait que l'image du Fils.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. iv) : Par là même que l'homme a été fait à l'image de Dieu, il faut qu'il représente la pluralité des personnes divines.

CONCLUSION. — Puisqu'en Dieu il n'y a qu'une seule nature en trois personnes, il faut dire que l'image de Dieu qui est dans l'homme représente l'unité de nature et la Trinité des personnes divines.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. xl, art. 2), la distinction des personnes n'a lieu que selon l'origine ou plutôt selon les relations d'origine. Or, tous les êtres n'ont pas le même mode d'origine, mais chacun d'eux procède d'une manière conforme à sa nature. Ainsi les êtres animés sont produits autrement que les êtres inanimés et les animaux autrement que les plantes. D'où il résulte évidemment que les personnes divines se distinguent comme il convient à leur nature. Par conséquent on peut être à l'image de Dieu par l'imitation de sa nature sans que cela empêche d'être à son image par la représentation des trois personnes, ou plutôt l'une de ces choses n'est que la conséquence de l'autre. Il faut donc dire que l'image de Dieu est dans l'homme, et quant à la nature divine et quant à la Trinité des personnes, puisqu'en Dieu la nature est une en trois personnes.


Solutions: 1. et 2. La réponse aux deux premières objections est par là même évidente.

3. Il faut répondre au troisième argument, que cette raison aurait de la valeur si l'image de Dieu qui estdans l'homme le représentaitparfaitement. Mais, comme le dit saint Augustin, il y a une très-grande différence entre la trinité qui est en nous et la Trinité divine. C'est pourquoi, dit-il, nous voyons la trinité qui est en nous plutôt que nous n'y croyons, tandis que nous croyons la Trinité qui est en Dieu plutôt que nous ne la voyons.

4. Il faut répondre au quatrième, qu'il y a des auteurs qui ont dit que l'homme n'était que l'image du Fils. Mais saint Augustin attaque ce sentiment (De Trin. lib. xn, cap. 5 et 6). 1° Parce que par suite de l'égalité d'essence le Fils étant semblable au Père, il faut que l'homme, s'il a été tait à l'image du Fils, soit aussi à l'image du Père. 2° Parce que si l'homme avait été fait uniquement à 1 image du Fils, le Père ne dirait pas : Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance, mais bien à ton image et à ta ressemblance. Ainsi donc quand il est dit : Dieu le fit à son image, on ne doit pas entendre que le Père le Ut exclusivement à l'image de son Fils, comme quelques-uns l'ont soutenu. Mais il faut entendre que les trois personnes divines qui sont Dieu ont fait l'homme à leur image, c'est-à-dire de manière qu'il représentât la Trinité entière. — On peut entendre de deux manières ces paroles que Dieu fit Vhomme à son image. 1° La préposition à (ad) désigne le terme de l'ouvrage de telle sorte que le sens de la proposition est celui-ci : faisons l'homme de manière que notre image soit en lui. 2° La préposition à (ad) peut désigner la cause exemplaire; comme quand on dit : ce livre a été fait selon lui (ad illum (i), Alors l'image de Dieu est l'essence divine elle-même, qui par abus reçoit le nom d'image parce que l'image est prise pour le type ou l'original lui-même, ou bien quelques auteurs donnent à l'essence divine le nom d'image en ce sens que c'est d'après elle qu'une personne divine imite l'autre (2).

(2) Cette opinion parait avoir été celle de saint Irénée (lib. v , cap. 16) et de quelques autres Pères. Philon dit aussi la même chose en plusieurs endroits, mais spécialement dans son livre De opificio mundi.

(1) Dans ce sens ad apoursynonimcsj'uicià, ex.

(2) Puisque, en effet, l'essence est la même pour (ont. s les trois.


ARTICLE VI. — l'image de dieu n\B'existe-t-elle que dans l'intelligence de  i\b.'llOMME (3)?


(3) Par le mot d'intelligence (mens , saint Thomas comprend l'entendement et la volonté. Cet article est une réfutation de tous ceux qui n'admettaient dans l'homme qu'une image corporelle de Dieu, soit qu'ils aient cru, avec les anthro-ponmrphiles, que Dieu a lui-même un corps, soit qu'ils aient pensé, avec Tertullien, que l'homme était seulement l'image du Verbe qui devait s'incarner.

Objections: 1.. Il semble que l'image de Dieu n'existe pas que dans l'intelligence de l'homme. Car saint Paul dit (I. Cor. xi, 7) que Vhomme est l'image de Dieu. Or, l'homme n'a pas que l'intelligence. Donc l'image de Dieu n'existe pas exclusivement dans son esprit.

2.. La Genèse dit (Gen. i, 27) : Dieu a créé Vhomme à son image, et il les a créés mâle et femelle. Or, la distinction des sexes se rapporte au corps. Donc l'image de Dieu qui existe dans l'homme se rapporte au corps aussi bien qu'à 1 intelligence.

3.. L image parait surtout se rapporter àla figure. Or, la figure appartient au corps. Donc l'image de Dieu qui existe dans l'homme se rapporte au corps et non à l'esprit exclusivement.

4.. Saint Augustin (Sup. Gen. ad litt. lib. xii, cap. 7 et 24) distingue en nous trois sortes de vision : la vision corporelle, la vision spirituelle ou imaginaire, et la vision intellectuelle. Si donc à l'égard de la vision intellectuelle, qui appartient à l'esprit, il y a en nous une Trinité d'après laquelle nous sommes à 1 image de Dieu, pour la même raison il doit aussi y avoir trinitéen nous à l'égard des autres visions.


Mais c'est le contraire. SaintPauldit (Eph es. iv, 23) : Renouvelez l'esprit de votre intelligence et revêtez Vhomme nouveau. Ce qui nous donne à comprendre que notre régénération qui a lieu en revêtant l'homme nouveau, appartient à l'intelligence. Il dit ailleurs (Col. m, 10) : Revêtez Vhomme nouveau qui se renouvelle par la connaissance de Dieu selon Vimâge de celui qui Va créé. Ainsi donc il attribue à l'image de Dieu la régénération qui s'opère lorsqu'on revi t l'homme nouveau. Par conséquent, l'homme n'est à l'image de Dieu que par son intelligence.

CONCLUSION. — L'homme ne ressemble à Dieu au point d'être son image que par son intelligence; toutes ses autres parties ne portent que des vestiges ou des traits de la Divinité à l'imitation des autres créatures.

II faut répondre que dans toutes les créatures il y a une ressemblance quelconque de Dieu, mais qu'il n'y a que la créature raisonnable qui soit à son image, comme nous l'avons dit (art. 1 et 2) ; les autres créatures ne représentent que des vestiges de ses perfections. Or, ce que la créature raisonnable ado plus que les autres créatures, c'est l'intellect ou l'esprit. D'où il résulte que 1 image de Dieu n'existe dans la créature raisonnable que par rapport à l'esprit. Dans les autres parties, si la créature raisonnable en possède, il y a des vestiges des perfections divines, comme dans les autres êtres qui leur ressemblent. On peut facilement se rendre compte de cette distinction si l'on observe la différence de mode qu'il y a entre le vestige et l'image. En effet l'image représente l'objet selon la ressemblance propre à son espèce, comme nous lavons dit (art. 2; : le vestige le représente comme l'effet représente la cause-, ce qui ne va pas jusqu'à la ressemblance de l'espèce. Ainsi on donne le nom de vestige aux traces que les animaux laissent sur leur passage; on dit aussi que la cendre est un vestige du feu, que la désolation d'un pays est un vestige de l'armée ennemie qui fa traversé. On peut donc établir entre les créatures raisonnables et les autres cette différence, c'est que les créatures raisonnables représentent l'image delà nature divine etqu'en même temps elles reproduisent l'image de la Trinité incréée. Car pour ce qui regarde la nature divine, les créatures raisonnables paraissent représenter en quelque sorte son espécedans le sens qu'elles représentent Dieu non-seulement dans son être et sa vie, mais encore dans son intelligence, comme nous l'avons dit (art. 2). Les autres créatures ne sont pas intelligentes, mais on remarque en elles un vestige de l'entendement qui les produit si on observe leur disposition (1). Comme dans la Trinité incréée le Verbe se distingue du Père qui le profère et l'amour se distingue de l'un et de l'autre, ainsi que nous l'avons dit (quest. xiv, art. 7), de même dans la créature raisonnable on distingue la procession du verbe qui vient de 1 intellect et la procession de l'amour qui résulte de la volonté (2). C'est pour-quoion peut dire que 1 image de laTrinité incréée est en elle et qu'elleen représente, pour ainsi dire, l'espèce. Dans les autres créatures on ne trouve ni le principe du verbe, ni le verbe, ni l'amour. Il n'y aen elles qu'un vestige qui les rappelle à la manière dont l effet reproduit sa cause. Car par là même que la créature a une substance modiliée et finie, c'est une preuve qu'elle vient d'un principe quelconque. Son espèce démontre la parole ou le verbe de celui qui l'a produite, comme la forme d'une maison démontre la pensée de l'architecte qui l'a construite. D'un autre côté l'ordre qui la régit et qui larapporte au bien témoigne de l'amour de son auteur, comme l'usage deledilice indique la volonté de l'ouvrier qui l'a bâti. Ainsi donc il n'y a que l'intelligence de l'homme qui reproduise la ressemblance de Dieu sous forme d'image, toutes les autres parties de lui même ne la reproduisent que par manière de vestige.

(1) On voit briller en elles l'intelligence de celui qui les a créées et ordonnées.

(2) Voyez lu magnifique développement do ces pensées dans Bossuet, Discours sur l'histoire universelle et ses Elévations tur les mystères.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que si l'on dit que l'homme est J'i-magede Dieu, ce n'est pas parce qu'il est essentiellement son image,mais c'est parce que l'image de Dieu est imprimée dans son intelligence. Ainsi on dit qu'un denier est l'image de César parce qu'il porte son effigie. Il n'est donc pas nécessaire que toutes les parties de l'homme reproduisent l'image de Dieu.

2. Il faut répondre au second, que. comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. xii, cap. 5), il y en a qui ont supposé que l'image de la Trinité existait dans l'homme , mais non dans un seul individu. Ainsi, ils disaient que l'homme représentait la personne du Père, les enfants la personne du fils parce qu'ils naissent du père, et la femme la troisième personne ou l'Esprit-Saint, parce qu'elle procède de l'homme sans être ni son fils ni sa lille. Mais au premier coup d'oeil on voit que cette explication est absurde : 1° Parce qu'il s'ensuivrait que l'Esprit-Saint serait le principe du Fils comme la femme est le principe de l'enfant qui naît de l'homme. 2° Parce qu'un homme ne serait à l'image que d'une seule personne de la sainte Trinité. 3° Parce que d'après ce sentiment l'Ecriture n'aurait dû parler de l'image de Dieu dans l'homme qu'après qu'il eût été père de famille (1). Il faut donc dire que si l'Ecriture après avoir dit : Que Dieu créa Vhomme à son image, ajoute qu'il les créa mâle et femelle, ce n'est pas pour que l'on considère l'image de Dieu comme résultant de la distinction des sexes, mais c'est parce que cette image est commune à l'un et à i'autre, puisqu'elle a pour base l'intelligence qui existe dans la femme aussi bien que dans l'homme. C'est pourquoi saint Paul après avoir dit (Col. m) : Que Vhomme se renouvelle selon Vimage de celui qui Va créé, ajoute qu'il n'y a plus alors sous ce rapport de distinction entre Vhomme et la femme.

(1) On peut admettre cette application que M. de lionald a souvent laite , mais plus ingénieusement à la société domestique, car elle n'a rien de condamnable quand on ne la propose pas comme exclusive de la première.

3. Il faut répondre au troisième, que quoique l'image de Dieu dans l'homme ne s'entende pas de la figure de, son corps, cependant comme le corps de l'homme est le seul parmi les animaux qui ne soit pas courbé vers la terre, mais qu'il est disposé de la manière la plus convenable pour contempler le ciel, on peut croire avec raison qu'il a été fait à la ressemblance et à l'image de Dieu plutôt que celui des autres animaux. C'est la remarque de saint Augustin (Quaest. lib. lxxxhi, quaest. 51). Toutefois il ne faut pas supposer que l'image de Dieu soit dans le corps humain; il faut seulement reconnaître qu'il y a dans sa figure un vestige qui rappelle cette image que Dieu a imprimée dans son âme (2).

(2) Saint Jean Damaseène (Eclog.), saint Grégoire de Nysse (De hom. opificio, cap. 8i et plusieurs autres Pères montrent comment le corps de l'homme est à l'image de Dieu.

4. Il faut répondre au quatrième, que dans la vision corporelle aussi bien que dans la vision imaginaire on trouve une sorte de trinité, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. i, cap. G, et lib. xi, cap. 2). En effet dans la vision corporelle il y a : 1° l'espèce ou l'apparence du corps extérieur; 2" la vision elle-même qui résulte de l'impression que la ressemblance de l'espèce produit sur la vue ; 3° l'action de la volonté qui applique la vue à l'objet et qui la fixe sur lui. De même dans la vision imaginaire il y a 1" l'espèce que la mémoire a conservée; 2°la vision imaginaire elle-même qui provient de ce que l'activité de l'esprit ou la force même de f imagination est excitée par l'espèce ; 3° l'action de la volonté qui les unit l'une à l'autre. Mais cette double trinité n'a pas ce qui constitue l'image divine. Car l'espèce du corps extérieur est en dehors de la nature de l'àme. L'espèce qui est dans la mémoire n'est pas à la vérité en dehors de l'âme, mais elle n'est qu'adventive. Par conséquent dans l'une et l'autre il n'y a rien qui représente l'unité de nature et la coéternité des personnes divines. Ensuite la vision corporelle ne procède pas seulement de l'espèce du corps extérieur, elle procède encore simultanément du sens de celui qui voit l'objet. De même la vision imaginaire ne procède pas seulement de l'espèce qui est conservée dans la mémoire, mais elle procède encore de l'imagination. Par conséquent ces deux visions ne représentent pas convenablement la procession du Fils qui ne vient que du Père. Enfin l'action de la volonté qui unit la vision à l'espèce ne procède de l'une et de l'autre ni dans la vision corporelle, ni dans la vision spirituelle. Elle représente donc mal la procession de l'Esprit-Saint qui est produit par le Père et le Fils.


ARTICLE VII. —l'ame reproduit-elle l'image de dieu dans ses actes (1)?


(1) On peut remanserit gradation qu'il y a entre toutes lesqucstiqpsquc sc fait s. Thomas, et comme il arrive logiquement ii approfondir son sujcl

Objections: 1.. Il semble que l'àme ne reproduise pas l'image de Dieu dans ses actes. Car saint Augustin dit (De civ. Dei, lib. xi, cap. 2(3) que l'homme a été fait à l'image de Dieu, en ce sens que nous avons l'être, que nous savons que nous l'avons et que nous aimons notre être et notre connaissance. Or, l'être ne signifie pas l'acte. Donc l'image de Dieu n'existe pas dans l'àme par rapport à ses actes.

2.. D'après saint Augustin (De Trin. lib. ix, cap. 4), l'image de Dieu dans l'àme se manifeste par trois choses, l'intelligence, la connaissance et l'amour. Or, l'intelligence ne désigne pas l'acte, mais plutôt la puissance ou même l'essence de l'àme intellectuelle. Donc l'image de Dieu ne se rapporte pas aux actes de l'âme.

3.. Saint Augustin dit encore (De Trin. lib. x, cap. 11) que l'image de la Trinité est dans l'âme parce qu'il y a en elle, mémoire, intelligence et volonté. Or, ces trois choses sont des puissances naturelles de l'âme, comme le dit le Maître des sentences (lib. î, dist. 3). Donc l'image se considère d'après les puissances et non d'après les actes.

4.. L'image de la Trinité subsiste toujours dans l'âme. Or, les actes sont transitoires. Donc l'image de Dieu qui est dansl'âmene serapportepas aux actes.

Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (De Trin. lib. ix, cap. 6) que la Trinité existe dans les parties inférieures de l'âme d'après les actes de la vision sensible et de la vision imaginaire. Par conséquent la Trinité qui est dans l'intelligence, d'après laquelle l'homme est à l'image de Dieu, doit se considérer d'après les actes.

CONCLUSION. — L'image de la Trinité qui est dans la créature raisonnable, existe directement dans l'acte du Verbe et dans celui de l'amour, et elle existe indirectement dans les puissances et surtout dans les hahitudes de l'àme.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 2), il est de l'essence de l'image qu'elle représente de quelque manière l'espèce. Par conséquent pour qu'on puisse reconnaître l'image de la Trinité dans l'âme, il faut qu'on la considère principalement sous le rapport de ce qui est de nature à représenter autant que possible l'espèce des personnes divines. Or, les personnes divines se distinguent par la procession du Verbe qui vient du Père qui le profère et par celle du Saint-Esprit ou de l'amour qui est le lien qui unit le Père et le Fils. Le verbe ne peut exister dans notre âme sans une pensée actuelle, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. xiv, cap. 7). C'est pourquoi l'image de la Trinité qui est dans notre intelligence se rapporte directement et principalement aux actes, dans le sens que c'est en pensant d'après la connaissance que nous avons que nous formons le verbe intérieur et que de là nous passons à l'amour. Mais comme les principes des actes sont les habitudes et les puissances et que chaque chose est virtuellement renfermée dans son prineipe, l'image de la Trinité qui est dans l'âme peut être considérée indi-rectementet par voie dé conséquence dans les puissances et surtout dans les habitudes, puisque les actes existent eux-mêmes virtuellement, en elles (2).

(2) L'explication que donne Bossuet sur l'image de la Trinité dans l'homme revient absolument au sentiment de saint Thomas.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'être qui est en nous à l'image de Dieu est l'être propre qui constitue notre supériorité à l'égard des autres animaux. Cet être n'existe en nous qu'autant que nous avons l'intelligence. C'est pourquoi la Trinité dont parle saint Augustin en cet endroit est la même que celle qu'il fait consister dans l'intelligence, la connaissance et l'amour.

2. Il faut répondre au second, que saint Augustin a d'abord dit que la Trinité consistait dans l'esprit (mens). Mais l'esprit, quoiqu'il se connaisse tout entier sous un rapport s'ignore cependant sous un autre, par exemple en tant qu'il est distinct des autres êtres, et il a besoin de s'étudier sous cet aspect, comme le prouve saint Augustin lui-même (De Trin. lib. x, cap. 3 et i); c'est pourquoi la connaissance n'étant pas absolument adéquate à l'esprit, l'illustre docteur a reconnu dans l'àme trois choses qui sont propres à l'esprit : la mémoire, l'intelligence et la volonté. Tout le monde sachant qu'il possède ces trois choses, il a plutôt fait consister en elles l'image de la Trinité, et il a préféré cette seconde détermination à la première qui avait quelque chose de défectueux.

3. Il faut répondre au troisième, que, comme le prouve saint Augustin (De Trin. lib. xiv, cap. 7), on dit que nous comprenons et que nous voulons ou que nouslaimons certaines choses, quand nous y pensons et quand nous n'y pensons pas. Les choses auxquelles nous ne pensons pas ne se rapportent qu'à la mémoire qui n'est rien autre chose en elle-même que ce qui retient habituellement ce que l'on connaît et ce que l'on aime. Mais parce que le verbe, selon l'observation du même docteur, ne peut exister sans la connaissance, et que nous pensons tout ce que nous disons même par ce verbe intérieur qui n'appartient à la langue d'aucune nation, l'image de Dieu consiste surtout en ces trois choses ; la mémoire, l'intelligence et la volonté. Et j'appelle, ajoute-t-il, intelligence ce qui fait que nous comprenons quand nous pensons, et la volonté, l'amour ou la dilection qui unit l'àme à ce qu'elle produit. D'où il résulte évidemment que saint Augustin place plutôt l'image de la Trinité dans l'intelligence et la volonté actuelle que dans la mémoire où elles résident habituellement quoique sous ce rapport l'image de la Trinité existe dans l'àme d'une certaine manière, comme ledit ce même docteur. Ainsi il est manifeste que la mémoire, l'intelligence etla volonté ne sont pas trois puissances, comme le suppose le Maître des sentences.

4. Il faut répondre au quatrième, qu'on pourrait dire avec saint Augustin (De Trin. lib. xiv, cap. G) que l'esprit se ressouvient toujours de lui-même, qu'il se comprend et qu'il s'aime toujours. Il y en a qui comprennent par là que l'âme a toujours l'intelligence et l'amour actuels d'elle-même. Mais saint Augustin repousse lui-même ce sens, puisqu'il ajoute que l'àme ne se connaît pas toujours comme distincte de ce qui n'est pas elle. Il est donc évident que l'intelligence et l'amour qu'a l'àme d'elle-même ne sont pas actuels, mais habituels. On peut dire aussi que l'àme en percevant son acte se comprend elle-même toutes les lois qu'elle comprend quelque chose. Mais parce qu'elle n'est pas toujours intelligente en acte, comme on le voit dans ceux qui dorment, il faut reconnaître que, bien que les actes ne subsistent pas toujours en eux-mêmes, ils subsistent néanmoins toujours dans leurs principes, c'est-à-dire dans les puissances et les habitudes qui les produisent. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (De Trin. lib. xiv, cap. 4) : Si l'âme raisonnable a été faite à l'image de Dieu de telle sorte qu'elle puisse se servir de sa raison et de son intellect pour le comprendre et le contempler, cette image a été en elle dès le commencement de son existence.

(1) Saint Thomas, d'après son explication, en fait plutôt des actes, et il veut que, considerées comme actes, elles représentent actuellement l'image de la sainte Trinité, et que, considérées comme puissances, elles ne la représentent que virtuellement.


ARTICLE VIII. \B— l'image de la trinité divine qui est dans l'ame n'y existe-t-elle que par rapport a son objet qui est dieu (1)?


(1) Cet article admirable nous découvre le but de la création de l'homme. Car si l'homme a été créé a 1 image de Dieu, et que cette image consiste dans la connaissance et l'amour de son auteur, il s'ensuit que Dieu l'a fait, selon l'expression si juste et si profonde du catéchisme, pour le connaître et pour l'aimer.

Objections: 1.. Il semble que l'image de la Trinité divine ne soit pas seulement dans l'âme relativement à son objet qui est Dieu. Car cette image existe dans l'âme, comme nous l'avons dit (art. préc), selon que le verbe qui est en nous procède de celui qui le profère et selon que l'amour procède de l'un et de l'autre. Or, ce double phénomène se reproduit en nous à l'occasion de tout objet en général. Par conséquent l'image de la Trinité qui est en nous se rapporte à tout objet quel qu'il soit.

2.. Saint Augustin dit (De Trin, lib. xii, cap. 4) que quand nous cherchons la Trinité dans notre âme, nous la cherchons dans l'âme tout entière, nous ne distinguons pas les actes rationnels qui ont rapport aux choses temporelles de ceux qui se rapportent aux choses éternelles. Donc l'image de 1 Trinité, qui est dans l'âme, se rapporte également aux objets temporels.

3.. L'intelligence et l'amour que nous avons de Dieu est un don de la grâce. Si l'image de la Trinité qui est dans l'âme se considère d'après la mémoire, l'intelligence et la volonté, l'image de Dieu n'existerait pas dans l'homme selon la nature, mais selon la grâce. Et par conséquent elle ne serait pas commune à tous les hommes.

4.. Les saints qui sont dans le ciel sont surtout conformes à l'image de Dieu d'après la vision de sagloire. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (IL Cor. m, 18): Nous sommes transformés en ta ?nême image en avançant de clarté en clarté. Or, d'après la vision de la gloire on connaît les choses temporelles. Donc l'image de Dieu qui est en nous se rapporte également à ces choses.

Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (De Trin. lib. xiv, cap. 12) que l'image de Dieu n'est pas dans notre âme parce qu'elle se souvient d'elle-même, parce qu'elle s'aime et qu'elle se comprend, mais parce qu'elle peut se rappeler, comprendre et aimer bieu qui l'a créée. L'image de Dieu qui est en nous se rapporte encore moins aux autres objets.

CONCLUSION. — L'àme raisonnable est à l'image de Dieu et de la Trinité divine dans le sens qu'elle est portée ou qu'elle est faite pour être portée vers Dieu par la connaissance et l'amour.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 2 et 7), l'image implique une ressemblance qui approche en quelque sorte delà représentation de l'espèce. Il faut donc que limage de la Trinité qui est dans l'âme soit considérée d'après ce qui est de nature à représenter l'espèce des personnes divines, du moins autant qu'une créature le peut. Or, comme nous l'avons dit (art. préc), on distingue les personnes divines d'après la procession du Verbe qui vient du Père qui le profère et par la procession de l'amour qui vient de l'un et de l'autre. Le Verbe divin naît de Dieu selon la connaissance qu'il a de lui-même, et l'amour procède de Dieu selon qu'il s'aime lui-même. Or, il est évident que la diversité des objets diversifie l'espèce du Verbe et de l'amour. Car le verbe conçu dans le coeur de l'homme à propos d'une pierre n'est pas de même espèce que celui qu'il conçoit à l'occasion d'un cheval, et il en est de même pour l'amour. L'image divine qui existe dans l'homme se rapporte au verbe qu'il conçoit de la connaissance qu'il a de Dieu, et à l'amour qui en dérive. Par conséquent cette image existe dans l'âme selon qu'elle est portée ou qu'elle est laite pour être portée vers Dieu. Mais il est à remarquer que l'esprit peut se porter vers une chose de deux manières : 1° directement et immédiatement; 2° indirectement et médiatement, comme quand on dit de quelqu'un qui voit l'image d'un homme dans un miroir, qu'il se porte vers l'homme lui-même. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (De Trin. lib. xiv. cap. 8) que l'âme se souvient, qu'elle se comprend et qu'elle s'aime, et que quand nous nous voyons dans cette triple action, nous voyons la sainte Trinité, non pas Dieu lui-même, mais son image. Et il en est ainsi non parce que l'esprit se porte vers lui-même absolument, mais parce que par cette triple action il peut ultérieurement se porter vers Dieu, comme le dit saint Augustin dans le passage cité avant la conclusion de cet article.


Solutions: 1. Il faut répondre an premier argument, que pour l'essence de l'image il ne faut pas seulement considérer si une chose procède d'une autre, mais encore la nature de la chose qui en procède, alin de savoir par exemple si elle en procède comme le Verbe de Dieu procède de Dieu.

2. Il faut répondre au second, que dans l'âme entière on trouve une trinité, ce qui ne signifie pas toutefois qu'indépendamment de l'action des choses temporelles et de la contemplation des choses éternelles on puisse trouver un troisième terme qui complète cette trinité. Mais on peut dire que dans la partie de l'âme qui a rapport aux choses temporelles, bien qu'on puisse y trouver une trinité, on ne saurait cependant y voir l'image de Dieu, parée que la connaissance des choses temporelles est adventive, et que les habitudes par lesquelles nous connaissons ces choses ne sont pas elles-mêmes toujours présentes à l'esprit. Tantôt elles y sont présentes, tantôt elles n'existent que dans la mémoire même après qu'elles ont commencé d'être. C'est ce qui est évident pour la foi qui maintenant existe temporellcment en nous, et qui dans l'état de la vie heureuse n'existe plus qu'en souvenir.

3. Il faut répondre au troisième, que la connaissance et l'amour de Dieu, quand ils sont méritoires, n'existent que par la grâce. Mais nous avons de lui une connaissance et un amour naturels, comme nous l'avons vu (art. 4). Il est également naturel que l'àme puisse se servir de sa raison pour comprendre Dieu, et nous avons dit que c'était là ce qui faisait que l'image de Dieu était permanente dans son esprit, soit qu'elle soit effacée ou voilée au point d'être nulle, comme dans ceux qui n'ont pas l'usage de la raison, soit qu'elle soit obscurcie et déformée comme dans les pécheurs, soit qu'elle soit brillante et belle comme dans les justes, suivant ce que dit saint Augustin (De Trin. lib. xiv, cap. 1).

4. Il faut répondre au quatrième, que par la vision de la gloire nous verrons en Dieu les choses temporelles, et c'est ce qui fait que cette vision appartiendra alors à l'image de Dieu qui sera en nous. C'est pour ecla que saint Augustin dit (De Trin. lib. xiv, cap. U) que dans la nature à laquelle l'âme^ s'attachera avec bonheur, elle verra d'une manière immuable tout ce qu'elle verra. Carie Verbe incréé renferme lui-même les raisons d'être de toutes les créatures.

ARTICLE IX. — est-il convenable de distinguer la ressemblance de l'image (1)?


(l) La plupart dos Pères ont établi une différence entre l'image et la ressemblance. D'après saint lrénée, l'image consiste dans la nature; la ressemblance est l'effet surnaturel des dons de l'Kspril-Sainl Ur. lib. v, cap. 10. Clément d'Alexandrie  Slrom.  Il] dit r;ue l'homme reçoit l'imago de Dieu en naissant, et qu'il aura sa ressemblance dans la consommation de la gloire, Saint Ambroise place l'image dans la nature et la ressemblance dans la vertu -, saint Grégoire do Nysse, saint Jean Damasco ne, saint Chrysostomo, saint Isidore de I'éiuse, rapportent l'image à l'essence cl la ressemblance aux qualités accidentelles, comme la sainteté, lasagOSSe, etc.

Objections: 1.. Il semble qu'il ne soit pas convenable de distinguer la ressemblance de l'image. Car il n'est pas convenable de distinguer le genre de l'espèce. <>r, la ressemblance est à Limage ce que le genre est à l'espèce, parce que là où il y a image il y a toujours ressemblance et non réciproquement, comme le dit saint Augustin [Quaest. lib. i.xxxm, quaest. 74). Il n'est donc pas convenable de distinguer la ressemblance de l'image.

2.. La nature de l'image consiste non-seulement dans la représentation des personnes divines, mais encore dans la représentation de l'essence, et c'est à cette représentation que se rapportent l'immortalité et l'indivisibilité. 11 n'est donc pas convenable de dire que la ressemblance est dans l'essence parce qu'elle est immortelle et indivisible, tandis que l'image est dans le reste.

3.. L'image de Dieu dans l'homme est de trois sortes; elle est l'effet de la nature, de la grâce ou de la gloire, comme nous l'avons dit (art. 4). Or, l'innocence et la justice appartiennent à la grâce. Il n'est donc pas convenable de dire que l'image s'entend de la mémoire, de l'intelligence et de la volonté, tandis que la ressemblance se rapporte à l'innocence et à la justice.

4.. La connaissance de la vérité appartient à l'intelligence et l'amour de la vertu à la volonté. L'intelligence et la volonté faisant partie de l'image l'une et l'autre, il n'est donc pas convenable de dire que l'image consiste dans la connaissance de la vérité et la ressemblance dans l'amour de la vertu.

Mais c'est le contraire. Saint Augustin a dit (Quaest, lib. lxxxhi, qua;st. 51) : Il y en a qui pensent avec raison que la ressemblance n'est pas la même chose que l'image. Car si cela était la même chose, on n'aurait employé qu'un nom pour les exprimer l'une et l'autre.

CONCLUSION. — On distingue la ressemblance de l'image, car elle lui est antérieure en ce sens qu'elle est plus générale qu'elle, et elle en est la conséquence parce que c'est elle qui en indique la perfection.

Il faut répondre que la ressemblance est une sorte d'unité -, car il y a ressemblance entre les choses qui ont une même qualité, comme le dit Aristote (Met. lib. v, text. 20;. L'unité étant du nombre des choses transcendantes est commune à tous les êtres, et peut convenir à chacun d'eux, comme le bon et le vrai. Ainsi le bon pouvant se l'apporter à une chose particulière comme une prédisposition à cette chose et comme sa perfection dernière, il en est de mémo de la ressemblance à l'égard de l'image. Car le bon est une prédisposition à l'égard de l'homme en ce sens que l'homme est un bien particulier. Il est aussi un avantage qui s'ajoute à sa nature, puisque nous disons spécialement d'un homme qu'il est bon, à cause de la perfection de sa vertu. De même on considère la ressemblance comme une préparation à l'image, parce qu'elle est plus générale qu'elle, et on la considère comme son complément, parce qu'elle en détermine la perfection. Car nous disons que l'image d'une chose lui ressemble ou ne lui ressemble pas selon qu'elle la représente parfaitement ou imparfaitement. Ainsi donc on peut distinguer la ressemblance de l'image de deux manières : 1° comme lui étant antérieure et comme existant dans un plus grand nombre de sujets. La ressemblance, par exemple, se rapporte à des choses plus générales que les propriétés de la nature intellectuelle d'après lesquelles on considère l'image à proprement parler. C'est en ce sens que saint Augustin dit (toc. cit.) que l'esprit ou la partie intelligente de l'âme a été fait sans aucun doute à l'image de Dieu. Pour les autres parties de l'homme qui appartiennent soit à l'âme sensitive, soit au corps, il y a des théologiens qui veulent qu'elles aient été faites à sa ressemblance. Saint Augustin dit (Lib. de quant, anim. cap. 2) que la ressemblance de Dieu qui existe dans l'âme consiste en ce qu'elle est incorruptible. Car le corruptible et l'incorruptible sont les différences de l'être en général. 2° On peut considérer la ressemblance comme désignant la perfection de l'image. C'est en ce sens que saint Jean Damaseène dit (De fid. orth. lib. it, cap. 12) que ce qui est fait à l'image comprend l'intelligence, le libre arbitre et la puissance que l'homme exerce, et ce qui est fait à la ressemblance embrasse la ressemblance de la vertu qu'il est donné à l'homme d'acquérir. On exprime la même pensée quand on dit que la ressemblance appartient à l'amour de la vertu ; car il n'y a pas de vertu sans cet amour (1).

(1) L'opinion de saint Thomas concilie toutes les interprétations diverses que l'on a données à ces deux mots. Nous ferons cependant remarquer que tous les Pères ne les ont pas distinguées, et que plusieurs prennent indifféremment l'une pour l'autre. Le P. Petau pense que Moïse les a considérées comme synonymes. Dans ce cas, alors pourquoi cette redondance?


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la ressemblance ne se distingue pas de l'image par sa nature en général. Car elle est comprise sous ce rapport dans la nature de l'image elle-même -, mais elle s'en distingue en ce que la ressemblance n'a pas d'un côté le caractère de l'image et que de l'autre elle en est la perfection.

2. Il faut répondre au second, que l'essence de l'âme appartient à l'image dans le sens qu'elle représente l'essence divine par ce qui est propre à la nature intellectuelle, mais non par les propriétés qui sont une conséquence de l'être en général, comme la simplicité, l'indissolubilité.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il y ades vertus qui sont naturellement innées dans l'âme ou qui y existent au moins virtuellement parles germes qui doivent les produire. On pourrait rapporter la ressemblance naturelle à ces sortes de vertus, quoiqu'il n'y ait pas d'ailleurs de répugnance à ce qu'une chose qui reçoit sous un rapport le nom d'image, reçoive sous un autre celui de ressemblance.

4. Il faut répondre au quatrième, que l'amour du verbe qui est la connaissance aimée appartient à la nature même de l'image, mais que l'amour de la vertu appartient, comme la vertu, à la ressemblance.


I pars (Drioux 1852) Qu.93 a.5