Ignace exercices



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Saint Ignace de Loyola

(1491 – 1556)


Les Exercices Spirituelles


Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola

Annotations

propres à faciliter l'intelligence des Exercices spirituels qui suivent, utiles à celui qui doit les donner et à celui qui doit les recevoir

1 ‹ Première annotation. ‹ Par ce mot, Exercices spirituels, on entend toute manière d'examiner sa conscience, de méditer, de contempler, de prier vocalement et mentalement, et les autres opérations spirituelles dont nous parlerons dans la suite.
En effet, comme se promener, marcher, courir, sont des exercices corporels, de même les différents modes de préparer et de disposer l'âme à se défaire de toutes ses affections déréglées et, après s'en être défait, à chercher et à trouver la volonté de Dieu dans le règlement de sa vie, en vue de son salut, s'appellent Exercices spirituels.

2 ‹ Deuxième annotation. ‹ Que celui qui explique à un autre le mode à tenir et l'ordre à suivre dans la méditation ou dans la contemplation, lui raconte fidèlement l'histoire qui doit faire le sujet de cette contemplation ou de cette méditation, se contentant d'en parcourir les points avec une exposition sommaire. Parce que, si la personne qui fait la contemplation, s'attachant au fond de la vérité historique, parvient, en raisonnant et en réfléchissant par elle-même, à découvrir quelque chose qui lui fasse un peu plus connaître ou goûter son sujet, soit par le raisonnement propre, soit par la lumière divine qui éclaire son entendement, elle y trouvera plus de goût et plus de fruit spirituel que si celui qui donne les Exercices lui eût développé fort au long tout ce que renfermait le sujet de sa méditation.
Car ce n'est pas l'abondance de la science qui rassasie l'âme et la satisfait, c'est le sentiment et le goût intérieur des vérités qu'elle médite.

3 ‹ Troisième annotation. ‹ Comme dans tous les Exercices spirituels suivants nous faisons usage des actes de l'entendement en employant le raisonnement et de ceux de la volonté en excitant en nous des affections, il est à remarquer que, dans les actes de la volonté, lorsque nous parlons vocalement ou mentalement à Dieu, notre Seigneur ou à ses saints, il faut de notre part un plus grand respect que quand nous faisons usage de l'entendement par la réflexion.

4 ‹ Quatrième annotation. ‹ Les Exercices suivants se divisent en quatre parties : la première est la considération et la contemplation des péchés ; la seconde, la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ jusqu'au dimanche des Rameaux inclusivement ; la troisième, la Passion du Sauveur ; la quatrième, sa Résurrection et son Ascension, avec les trois manières de prier.
Supposé que l'on y emploie quatre semaines, pour correspondre à cette division, il ne faut pas croire que chaque semaine doive nécessairement se composer de sept ou de huit jours.
Car il arrive que dans la première semaine, les uns sont plus lents que les autres à trouver ce qu'ils cherchent, c'est-à-dire la contrition, la douleur, des larmes pour leurs péchés, que d'autres sont plus actifs et plus diligents ; que d'autres sont plus agités et plus éprouvés par les mouvements des divers esprits ; d'où il résulte qu'il faut quelquefois abréger, et d'autres fois prolonger cette semaine ; j'en dis autant des suivantes, cherchant toujours à retirer le fruit propre de chacune d'elles. Mais ordinairement on terminera les Exercices en trente jours environ.

5 ‹ Cinquième annotation. ‹ Celui qui reçoit les Exercices gagnera beaucoup à y entrer avec un grand courage et une grande libéralité envers son Créateur et Seigneur, lui offrant toute sa volonté et toute sa liberté, afin que sa divine Majesté dispose de sa personne et de tout ce qu'il a selon sa très sainte volonté.

6 ‹ Sixième annotation. ‹ Quand celui qui donne les Exercices s'aperçoit qu'il ne survient dans l'âme de celui qui les reçoit aucun mouvement spirituel, soit de consolation, soit de désolation, qu'il ne ressent aucune touche des divers esprits, il doit l'interroger avec soin sur les exercices, lui demandant s'il les fait aux temps marqués et comment il s'en acquitte. Il s'assurera de la même manière s'il observe exactement les additions, entrant dans des détails sur chacun de ces points.
Il est parlé plus loin de la consolation et de la désolation
316 et aussi des additions 73 .

7 ‹ Septième annotation. ‹ Si celui qui donne les Exercices voit que celui qui les reçoit est désolé et tenté, qu'il ne se montre à son égard ni dur ni âpre, mais doux et suave ; découvrant les ruses de l'ennemi de la nature humaine, et l'aidant à se préparer et à se disposer à la consolation future.

8 ‹ Huitième annotation. ‹ Si celui qui donne les Exercices reconnaît dans celui qui les reçoit le besoin d'être instruit sur les désolations et les ruses de l'ennemi, ainsi que sur les consolations, il pourra lui expliquer, autant qu'il le jugera nécessaire, les règles de la première et de la seconde Semaine, qui ont pour but de faire connaître les divers esprits 313 et 328 .

9 ‹ Neuvième annotation. ‹ Si celui qui s'exerce n'est point versé dans les choses spirituelles et est tenté pendant les exercices de la première Semaine d'une manière grossière et évidente, rencontrant, par exemple, dans la crainte du travail, dans la fausse honte et l'honneur selon le monde, etc., des obstacles qui l'empêchent d'aller en avant dans le service de Dieu, notre Seigneur ; que celui qui donne les Exercices ne lui explique pas les règles du discernement des esprits de la Seconde semaine : car, autant celles de la première Semaine lui seront utiles, autant celles de la seconde lui seront nuisibles, parce que la matière qu'elles traitent est trop subtile et trop relevée pour qu'il la puisse comprendre.

10 ‹ Dixième annotation. ‹ Quand celui qui donne les Exercices remarque que celui qui les reçoit est combattu et tenté sous l'apparence du bien, c'est alors le moment de lui expliquer les règles de la seconde Semaine, dont nous avons déjà parlé ; parce que ordinairement, l'ennemi de la nature humaine tente plus sous apparence de bien quand on s'exerce dans la vie illuminative, qui correspond aux Exercices de la seconde Semaine, que lorsqu'on est encore dans la vie purgative, qui correspond aux Exercices de la première Semaine.

11 ‹ Onzième annotation. ‹ Il est avantageux à celui qui fait les Exercices de ne rien savoir dans la première Semaine de ce qu'il doit faire dans la seconde, et de travailler dans l'une à obtenir la fin qu'il se propose, comme s'il ne devait rien trouver de bon dans l'autre.

12 ‹ Douzième annotation. ‹ Comme celui qui reçoit les Exercices doit employer une heure à chacun des cinq exercices ou contemplations qui se font chaque jour, celui qui les donne aura grand soin de l'avertir de faire toujours en sorte que son esprit trouve le repos dans la pensée qu'il a consacré une heure entière à chaque exercice, et plutôt plus que moins ; car l'ennemi a coutume de mettre en usage toute son industrie pour nous faire abréger le temps que nous devons donner à la contemplation, à la méditation ou à l'oraison.

13 ‹ Treizième annotation. ‹ Il faut encore remarquer que si, dans le temps de la consolation, c'est chose facile et légère de donner à la contemplation une heure pleine, dans le temps de la désolation, au contraire, il est très difficile de l'achever. Pour cette raison, celui qui s'exerce doit toujours, afin d'agir contre la désolation et de vaincre les tentations, persévérer un peu au-delà de l'heure accomplie. Ainsi s'accoutumera-t-il, non seulement à résister à l'ennemi, mais encore à le terrasser.

14 ‹ Quatorzième annotation. ‹ Si celui qui donne les Exercices voit que celui qui les reçoit est dans la consolation et dans une grande ferveur, il doit l'avertir de ne faire aucune promesse, aucun voeu indiscret et précipité ; et plus il reconnaîtra qu'il est d'un caractère léger, plus il doit réitérer cet avertissement. Car, bien que l'on puisse avec raison porter quelqu'un à entrer dans un ordre religieux où il a intention de faire les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, et bien qu'une bonne action faite en vertu d'un voeu soit plus méritoire que celle que l'on fait sans voeu, on doit cependant considérer avec attention la condition et les qualités personnelles du sujet, ainsi que la facilité ou la difficulté qu'il pourra trouver à accomplir ce qu'il voudrait promettre.

15 ‹ Quinzième annotation. ‹ Celui qui donne les Exercices ne doit point porter celui qui les reçoit à embrasser ou à promettre d'embrasser la pauvreté volontaire plutôt que l'état contraire, ni à choisir un état de vie plutôt qu'un autre. Car, quoique nous puissions licitement et méritoirement, hors du temps des Exercices, porter toutes les personnes qui paraissent avoir les dispositions nécessaires à choisir la continence, la virginité, l'état religieux et toute autre pratique de perfection évangélique ; néanmoins, dans le temps même des Exercices, tandis que l'âme cherche la volonté divine, il est plus convenable et beaucoup mieux que le Créateur et Seigneur se communique lui-même à cette âme qui est toute à lui, l'attirant à son amour et à sa louange, et la disposant à suivre la voie dans laquelle elle pourra mieux le servir dans la suite : de sorte que celui qui donne les Exercices ne doit ni pencher, ni incliner d'un côté ou de l'autre ; mais, se tenant en équilibre comme la balance, laisser agir immédiatement le Créateur avec la créature, et la créature avec son Créateur et Seigneur.

16 ‹ Seizième annotation. ‹ A cette fin, c'est-à-dire pour que le Créateur et Seigneur opère plus efficacement en sa créature, il est important, si cette âme, peut-être, se sent affectionnée et portée à un objet d'une manière désordonnée, qu'elle emploie toutes ses forces pour tâcher de parvenir à ce qui est l'opposé de son affection désordonnée. Que, si par exemple, elle se sent portée à chercher et à posséder un emploi ou un bénéfice, non pour l'honneur et la gloire de Dieu, notre Seigneur, ni pour le salut spirituel des âmes, mais pour ses propres avantages et pour ses intérêts temporels, elle doit se porter à ce qui est contraire et le demander à Dieu, notre Seigneur. Qu'elle fasse de vives instances dans ses prières et dans ses autres exercices spirituels, protestant qu'elle ne veut ni cet emploi ou ce bénéfice, ni aucune autre chose, à moins que Dieu, réglant ses désirs, ne change sa première affection ; en sorte que la raison de désirer ou de posséder une chose ou une autre soit uniquement le service, l'honneur et la gloire de sa divine Majesté.

17 ‹ Dix-septième annotation. ‹ Il est très utile que celui qui donne les Exercices, sans chercher à connaître les pensées et les péchés de celui qui les reçoit, soit fidèlement instruit des pensées et des mouvements divers que les différents esprits excitent en lui ; afin que, selon son avancement plus ou moins grand, il puisse lui donner quelques exercices spirituels convenables et conformes à la nécessité de son âme agitée.

18 ‹ Dix-huitième annotation. ‹ Il faut adapter les Exercices spirituels à la disposition des personnes qui veulent les faire, c'est-à-dire à leur âge, à leur science, à leur talent, et ne pas donner à celui qui est ignorant ou d'une complexion faible, des choses qu'il ne puisse pas supporter aisément, et dont il est incapable de profiter. On doit également consulter l'intention du retraitant, et, selon le désir qu'il aura de s'avancer dans le service de Dieu, lui donner ce qui est le plus convenable pour l'aider à obtenir le but qu'il se propose.
Par conséquent, s'il ne veut que s'instruire de ses devoirs et parvenir à un certain degré de repos intérieur, on peut lui donner l'examen particulier
24 , et ensuite l'examen général 32 . Il consacrera en même temps une demi-heure le matin à la première manière de prier, sur les commandements et sur les péchés capitaux, etc. 238 . On lui recommandera aussi de se confesser tous les huit jours, et, s'il le peut, de recevoir le sacrement de l'Eucharistie tous les quinze jours, et mieux encore tous les huit jours, s'il en a la dévotion. Cette méthode convient surtout aux personnes simples et sans études. On leur expliquera tous les commandements de Dieu et de l'Eglise, les péchés capitaux, ce qui regarde les cinq sens corporels et les oeuvres de miséricorde.
De même, si celui qui donne les Exercices reconnaît que celui qui les reçoit a peu de fond ou de capacité naturelle, et qu'on ne peut pas espérer de lui beaucoup de fruits, il est plus convenable de lui donner quelques-uns de ces exercices faciles, jusqu'à ce qu'il fasse la confession de ses péchés. On lui donnera ensuite quelques méthodes d'examen de conscience, et quelques règles à suivre pour se confesser plus souvent qu'il n'avait coutume de le faire, afin de conserver les fruits qu'il aura recueillis ; mais on laissera de côté les matières de l'élection et tous les exercices qui sont hors de la première Semaine ; surtout quand on peut obtenir un plus grand fruit auprès d'autres personnes, et que le temps manque pour toutes.

19 ‹ Dix-neuvième annotation. ‹ S'il s'agit d'un homme retenu par un emploi public ou par des affaires auxquelles il ne peut se soustraire ; d'un homme qui ait de l'instruction, de l'intelligence, et qui puisse prendre une heure et demie chaque jour pour faire les Exercices, on lui expliquera d'abord pourquoi l'homme est créé 21 ; on pourra de même lui assigner une demi-heure pour s'occuper de l'examen particulier, puis de l'examen général, de la manière de se confesser et de recevoir le sacrement de l'Eucharistie. Il fera, durant trois jours, tous les matins, pendant l'espace d'une heure, la méditation du premier, du second et du troisième péché 45 ; et trois autres jours, à la même heure, la méditation sur les péchés personnels 55 ; et trois autres jours encore, à la même heure, la méditation des peines dues aux péchés 65 . On lui donnera pour chacune de ces méditations les dix additions de la première Semaine 73 , et l'on conservera, pour la contemplation des mystères de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, la méthode qui est expliquée plus bas et au long dans le livre même des Exercices.

20 ‹ Vingtième annotation. ‹ Mais, si quelqu'un est plus libre d'affaires, et désire retirer des Exercices spirituels tout le fruit qu'il peut en recueillir, qu'on les lui donne tout entiers, gardant exactement l'ordre dans lequel ils sont ici développés. Et ordinairement il en retirera d'autant plus de profit qu'il sera plus séparé de ses amis, de ses proches et de toute sollicitude terrestre, quittant, par exemple, son habitation ordinaire et choisissant une autre maison ou une autre chambre pour y habiter le plus à l'écart qu'il pourra, de manière qu'il soit en son pouvoir d'aller tous les jours à la messe et à vêpres sans crainte d'être dérangé par personne.
Cette solitude lui procurera trois avantages spirituels, entre beaucoup d'autres.
Premièrement, la séparation de ses amis, de ses proches, ainsi que de beaucoup d'affaires moins réglées, afin de mieux servir et louer Dieu, notre Seigneur, est d'un grand mérite devant la Majesté divine.
Secondement, se trouvant ainsi seul avec lui-même, n'ayant plus l'esprit partagé entre plusieurs objets, mais réunissant toute sa sollicitude en un seul, qui est de servir son Créateur et d'être utile à son âme, il fait usage de ses puissances naturelles plus librement pour chercher avec diligence ce qu'il désire avec tant d'ardeur.
Troisièmement, plus notre âme se trouve seule et séparée des créatures, plus elle se rend apte à s'approcher de son Créateur et Seigneur et à s'unir à lui ; et plus elle s'approche effectivement de lui, plus elle se dispose à recevoir les grâces et les dons de sa divine et souveraine bonté.
Ame de Jésus-Christ, sanctifiez-moi.
Corps de Jésus-Christ, sauvez-moi.
Sang de Jésus-Christ, enivrez-moi.
Eau du côté de Jésus-Christ, purifiez-moi.
Passion de Jésus-Christ, fortifiez-moi.
O bon Jésus, exaucez-moi.
Dans vos plaies sacrées, cachez-moi.
Ne permettez pas que je me sépare de vous.
Contre l'esprit du mal défendez-moi.
A l'heure de ma mort appelez-moi.
Et commandez que je vienne à vous,
Afin qu'avec vos Saints je vous loue,
Dans tous les siècles des siècles.
Amen.


21 Exercices spirituels pour se vaincre soi-même et régler sa vie sans se déterminer par aucune affection désordonnée

22

Supposition préalable

Afin que celui qui donne les Exercices et celui qui les reçoit se prêtent un mutuel secours, et retirent un plus grand profit spirituel, il faut présupposer que tout homme vraiment chrétien doit être plus disposé à justifier une proposition obscure du prochain qu'à la condamner. S'il ne peut la justifier, qu'il sache de lui comment il la comprend ; et s'il la comprend mal, qu'il le corrige avec amour ; et si cela ne suffit pas, qu'il cherche tous les moyens convenables pour le mettre dans la voie de la vérité et du salut.

23

Principe et Fondement

L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, Notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme.
Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l'homme et pour l'aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D'où il suit qu'il doit en faire usage autant qu'elles le conduisent vers sa fin, et qu'il doit s'en dégager autant qu'elles l'en détournent.
Pour cela, il est nécessaire de nous rendre indifférents à l'égard de tous les objets créés, en tout ce qui est laissé au choix de notre libre arbitre et ne lui est pas défendu ; en sorte que, de notre côté, nous ne voulions pas plus la santé que la maladie, les richesses que la pauvreté, l'honneur que le mépris, une longue vie qu'une vie courte, et ainsi de tout le reste ; désirant et choisissant uniquement ce qui nous conduit plus sûrement à la fin pour laquelle nous sommes créés.

examen particulier

Il renferme trois temps et deux examens de conscience chaque jour.

24 ‹ Le premier temps est le matin. Aussitôt qu'on se lève, on doit se proposer de se tenir soigneusement en garde contre le péché ou défaut particulier dont on veut se corriger et se défaire.

25 ‹ Le second temps est après le dîner. On commencera par demander à Dieu, notre Seigneur, ce que l'on désire, c'est-à-dire la grâce de se souvenir combien de fois on est tombé dans ce péché ou défaut particulier et celle de s'en corriger à l'avenir ; puis on fera le premier examen, en se demandant à soi-même un compte exact de ce point spécial, sur lequel on a résolu de se corriger et de se réformer.
On parcourra donc chacune des heures de la matinée, que l'on peut aussi diviser en certains espaces de temps, selon l'ordre des actions, en commençant depuis le moment du lever jusqu'à celui de l'examen présent ; puis on marquera sur la première ligne de la lettre J
voir n° 31 autant de points que l'on est tombé de fois dans ce péché ou défaut particulier.
Enfin, on prendra de nouveau la résolution de s'amender du premier au second examen.

26 ‹ Le troisième temps est après le souper. On fera le second examen, aussi d'heure en heure, en commençant depuis le premier, puis on marquera sur la seconde ligne de la même lettre J autant de points qu'on est tombé de fois dans le péché ou défaut particulier dont on travaille à se corriger.

Quatre additions dont l'observation aidera à se corriger plus promptement du péché ou défaut de l'examen particulier.

27 ‹ Première addition. ‹ Elle consiste, chaque fois que l'on tombe dans le péché ou défaut de l'examen particulier, à porter la main sur la poitrine en s'excitant intérieurement à la douleur : ce que l'on peut faire, même en présence de plusieurs, sans être remarqué.

28 ‹ Deuxième addition. ‹ Comme la première ligne de la lettre J indique le premier examen, et la seconde le second, on observera le soir, en comparant la première et la seconde ligne, s'il y a amendement du premier au second examen.

29 ‹ Troisième addition. ‹ Comparer le second jour avec le premier, c'est-à-dire les deux examens du jour présent avec les deux du jour précédent et voir si d'un jour à l'autre on s'est corrigé.

30 ‹ Quatrième addition. ‹ Comparer également une semaine avec l'autre et voir si, dans la semaine qui vient de s'écouler, le progrès a été plus notable que dans la semaine précédente...

31 ‹ Il faut remarquer que, dans le tableau suivant, le premier J majuscule qui suit signifie le dimanche ; le second, minuscule, le lundi ; le troisième, le mardi, et ainsi de suite.

examen général de conscience pour purifier l'âme et se mieux confesser.

32 ‹ Je suppose qu'il y a en moi trois sortes de pensées : les unes, proprement miennes, naissent de ma volonté et de ma liberté ; les autres viennent du dehors, et ont pour principe le bon ou le mauvais esprit.

I. ‹ De la pensée

33 ‹ On peut mériter en deux manières lorsqu'une mauvaise pensée vient du dehors.
Premièrement, si, lorsque la pensée de commettre un péché mortel se présente, je lui résiste aussitôt, et qu'ainsi j'en triomphe.

34 ‹ Secondement, si, d'abord repoussée, cette mauvaise pensée revient une ou plusieurs fois et que je lui résiste toujours, jusqu'à ce que je la chasse entièrement. Cette seconde manière est d'un plus grand mérite que la première.

35 ‹ On pèche véniellement, quand la pensée de pécher mortellement s'offrant à l'esprit, on lui prête l'oreille en s'y arrêtant quelques instants, ou lorsqu'on en reçoit quelque délectation sensuelle, ou lorsqu'on apporte quelque négligence à rejeter cette pensée.

36 ‹ On pèche mortellement en deux manières :
la première, lorsque l'on consent à la mauvaise pensée, avec l'intention de commettre ensuite le péché dont la pensée se présente, ou avec le désir de le commettre, si on le pouvait ;

37 ‹ La seconde, quand on commet extérieurement ce péché.
Or, le péché d'action est plus grave que le péché de pensée pour trois raisons : premièrement, à cause de la durée qui est plus longue ; secondement à cause de l'affection désordonnée qui est plus forte ; troisièmement à cause du dommage qui est plus grand pour les deux personnes.

II. ‹ De la parole

38 ‹ On ne doit jurer ni par le Créateur ni par la créature qu'avec vérité, respect et nécessité.
Il n'y a point nécessité d'affirmer avec serment toute vérité, mais celle-là seulement dont il doit résulter un avantage de quelque importance pour l'âme, pour le corps ou pour les biens temporels. On jure avec respect quand, en prononçant le nom de Dieu, Créateur et Seigneur de toutes choses, on se rappelle l'honneur et le respect qui lui sont dus.

39 ‹ Encore que dans le jurement fait en vain le péché soit plus grave quand on jure par le Créateur que quand on jure par la créature, il faut cependant remarquer qu'il est plus difficile de jurer avec les conditions requises, c'est-à-dire avec vérité, nécessité et respect, par la créature que par le Créateur, pour les raisons suivantes :
Premièrement. ‹ Lorsque nous voulons jurer par quelque créature, la pensée de nommer la créature ne nous rend pas aussi attentifs ni aussi circonspects pour dire la vérité, ou pour l'affirmer avec nécessité, que la pensée de nommer le Seigneur et Créateur de toutes choses.
Secondement. ‹ Il n'est pas aussi facile de rendre au Créateur un témoignage de vénération et de respect en jurant par la créature, qu'en jurant par le Créateur et Seigneur lui-même et en prononçant son saint Nom. En effet, la pensée de nommer Dieu, notre Seigneur, inspire par elle-même plus de vénération et de respect que la pensée de nommer un objet créé. Il suit de là qu'il est plus permis aux hommes parfaits qu'à ceux qui sont imparfaits de jurer par la créature, parce que les premiers, éclairés par la lumière qu'ils reçoivent dans la contemplation assidue des choses divines, peuvent plus facilement que les seconds méditer et contempler que Dieu, notre Seigneur, est dans toutes les créatures par son essence, par sa présence et par sa puissance ; et ainsi, en jurant par la créature, ils sont plus aptes et plus disposés à rendre un témoignage de vénération et de respect à leur Créateur et Seigneur.
Troisièmement. ‹ En jurant fréquemment par les objets créés, les imparfaits sont plus exposés à l'idolâtrie que les parfaits.

40 ‹ Il ne faut dire aucune parole oiseuse.
J'entends par parole oiseuse celle qui n'est utile ni à nous-mêmes ni au prochain, ou qui n'est point dirigée à cette fin. Toutes les fois donc qu'il doit résulter, ou que nous avons intention qu'il résulte de nos discours un avantage pour notre âme ou pour celle du prochain, pour notre corps ou pour nos biens temporels, ce n'est point une parole oiseuse, quand même nous parlerions de choses étrangères à notre profession : comme si, étant religieux, nous parlions de guerre ou de commerce. Mais, en général, toute parole dite avec une intention louable est méritoire et toute parole proférée avec une intention coupable, ou seulement sans motif raisonnable, est un péché.

41 ‹ Gardez-vous de la détraction et des murmures.
Manifester un péché mortel qui n'est pas encore public, c'est un péché mortel ; si le péché que vous révélez est véniel, vous commettez un péché véniel ; et si vous parlez des défauts d'autrui, vous découvrez votre propre défaut.
Mais, supposé que vous ayez une intention droite, vous pouvez parler en deux circonstances des péchés ou des fautes de votre prochain : premièrement, quand le péché est connu publiquement, par exemple lorsqu'il s'agit d'une personne de mauvaise vie, ou d'une sentence portée par un tribunal, ou d'une erreur publique qui empoisonne les âmes de ceux parmi lesquels elle se propage ; secondement, quand le péché est secret et que vous le révélez à une personne dans l'intention qu'elle aide celui qui l'a commis à sortir de son mauvais état, pourvu toutefois que vous ayez des raisons suffisantes de penser qu'elle pourra lui être utile.


III. ‹ De l'action

42 ‹ On doit s'examiner sur les commandements de Dieu et de l'Eglise et sur les ordres de ses supérieurs. Tout ce qui se fait contre quelqu'une de ces trois parties de nos obligations, selon son importance plus ou moins grande, est un péché plus ou moins grave.
J'entends par ordres des supérieurs tout ce qui est revêtu de leur autorité, comme sont les diplômes accordés par les souverains pontifes, dans l'intention d'obtenir de Dieu le triomphe de l'Eglise sur les infidèles et la concorde entre les princes chrétiens, et autres concessions d'indulgences attachées à l'accomplissement de certaines oeuvres, et surtout à la confession de ses péchés et à la sainte communion. Car ce n'est pas un péché léger d'être cause que les autres méprisent, ou de mépriser soi-même ces règlements et ces recommandations si saintes de nos premiers pasteurs.

Manière de faire l'Examen général

Il renferme cinq points.

43 ‹ Le premier point est de rendre grâces à Dieu, notre Seigneur, des bienfaits que nous avons reçus.
Le deuxième, de demander la grâce de connaître nos péchés et de les bannir de notre coeur.
Le troisième, de demander à notre âme un compte exact de notre conduite depuis l'heure du lever jusqu'au moment de l'examen, en parcourant successivement les heures de la journée, ou certains espaces de temps déterminés par l'ordre de nos actions. On s'examinera premièrement sur les pensées, puis sur les paroles, puis sur les actions selon l'ordre indiqué dans l'examen particulier
25 .
Le quatrième, de demander pardon de nos fautes à Dieu, notre Seigneur.
Le cinquième, de former la résolution de nous corriger avec le secours de sa grâce.
Terminer par l'Oraison dominicale.

Confession générale et Communion

44 ‹ Celui qui voudrait, sans y être obligé, faire une confession générale, y trouvera pendant les Exercices trois avantages entre beaucoup d'autres.
Premièrement. ‹ Il est certain que celui qui se confesse tous les ans avec les dispositions requises n'est pas tenu à faire une confession générale dans le temps des Exercices ; cependant, en la faisant, il retirera un plus grand profit et un plus grand mérite spirituels, à cause de la douleur actuelle plus vive de tous les péchés et de tous les dérèglements de sa vie.
Secondement. ‹ Durant le temps des Exercices, on acquiert de ses péchés et de leur malice une connaissance plus intime que dans tout autre temps où l'on s'adonnait moins sérieusement aux choses intérieures. Or, en obtenant alors cette connaissance plus claire et une douleur plus grande, l'âme retirera plus de profit spirituel et de mérite qu'elle n'eût pu le faire auparavant.
Troisièmement. ‹ Le retraitant, ayant apporté au tribunal de la pénitence des dispositions plus parfaites, recevra par conséquent avec plus de fruit le très saint Sacrement de l'autel, qui l'aidera non seulement à ne point retomber dans le péché, mais encore à conserver et à augmenter la grâce qu'il a reçue.
Le temps le plus convenable pour faire la confession générale est immédiatement après les exercices de la première Semaine.

premier exercice: méditation sur les 3 premiers péchés

45Le premier exercice est la méditation selon les trois puissances de l'âme, sur le premier, le second et le troisième péché. Il renferme, après l'oraison préparatoire et les deux préludes, trois points principaux et un colloque.

46 ‹ L'oraison préparatoire consiste à demander à Dieu, notre Seigneur, que toutes mes intentions, toutes mes actions et toutes mes opérations soient dirigées uniquement au service et à la louange de sa divine Majesté.

47 ‹ Le premier prélude est la composition de lieu.
Il faut remarquer ici que si le sujet de la contemplation ou de la méditation est une chose visible, comme dans la contemplation des mystères de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce prélude consistera à me représenter, à l'aide de l'imagination, le lieu matériel où se trouve l'objet que je veux contempler : par exemple le temple, la montagne où est Jésus-Christ, ou Notre-Dame, selon le mystère que je choisis pour ma contemplation.
Si le sujet de la méditation est une chose invisible, comme sont ici les péchés, la composition de lieu sera de voir des yeux de l'imagination et de considérer mon âme emprisonnée dans ce corps mortel et moi-même, c'est-à-dire mon corps et mon âme, dans cette vallée de larmes, comme exilé parmi les animaux privés de raison.

48 ‹ Le second prélude consiste à demander à Dieu notre Seigneur ce que je veux et ce que je désire.
Cette demande doit être conforme au sujet de la méditation. Dans la contemplation de la Résurrection, par exemple, je demanderai la grâce de participer à la joie ineffable de Jésus-Christ glorieux ; dans celle de la Passion, je demanderai la douleur, les larmes, les souffrances, avec Jésus-Christ dans les tourments.
Dans la méditation présente, je dois demander la honte et la confusion de moi-même, en considérant combien est grand le nombre de ceux qui sont en enfer pour un seul péché mortel et combien de fois j'ai mérité d'être damné éternellement pour mes péchés sans nombre.

49 ‹ Avant chaque contemplation ou méditation, on doit faire exactement l'oraison préparatoire, qui est toujours la même, et les deux préludes qui varient de fois à autre selon le sujet.

50 ‹ Le premier point sera d'exercer la mémoire, en me rappelant le premier péché qui fut celui des anges ; puis l'entendement, en réfléchissant sur le même péché ; puis enfin la volonté, en m'efforçant de me rappeler et de comprendre vivement cette première rébellion et ses suites, afin de me causer plus de honte et de confusion, en mettant mes péchés innombrables en comparaison avec le péché unique des anges. Pour un seul péché ils ont été précipités en enfer ; combien de fois l'ai-je mérité moi-même pour tous ceux que j'ai commis ?
Cet exercice de la mémoire sur le péché des anges consiste donc à se remettre dans la pensée comment ils furent créés dans l'état d'innocence ; comment ils refusèrent de se servir de leur liberté pour rendre à leur Créateur et Seigneur l'hommage et l'obéissance qui lui étaient dus ; comment, l'orgueil venant à s'emparer de leur esprit, ils passèrent de l'état de grâce à un état de malice, et furent précipités du ciel en enfer. Ensuite, l'entendement s'appliquera à réfléchir plus en détail sur le même sujet ; et surtout, la volonté devra exciter en elle des affections en conséquence.

51 ‹ Le second point sera d'exercer, comme dans le premier, les trois puissances de l'âme sur le second péché, qui fut celui d'Adam et d'Eve, me rappelant à la mémoire comment, pour ce péché, ils firent une si longue pénitence et quelle corruption il causa dans tout le genre humain, tant de millions d'hommes se précipitant depuis ce moment dans les enfers !
Cet exercice de la mémoire sur le péché de nos premiers parents consiste donc à se rappeler comment Adam ayant été créé dans la terre de Damas et placé dans le paradis terrestre, et Eve formée d'une de ses côtes, Dieu leur défendit de manger du fruit de l'arbre de la science ; comment, en ayant mangé et s'étant ainsi rendus coupables, ils furent couverts de tuniques de peau et chassés du paradis terrestre ; comment enfin, privés de la justice originelle qu'ils avaient perdue, ils passèrent toute leur vie dans de pénibles travaux et dans un continuel repentir. On réfléchira ensuite par le moyen de l'entendement, et l'on s'efforcera d'exercer la volonté, comme il a été dit dans le premier point.

52 ‹ Le troisième point sera de méditer de la même manière sur le troisième péché, le péché particulier d'un homme quelconque tombé en enfer pour ce seul péché mortel, considérant que des âmes sans nombre sont maintenant damnées pour des péchés moins multipliés que les miens.
Il faudra donc d'abord appliquer la mémoire à ce troisième péché particulier et se représenter la gravité et la malice du péché commis par l'homme contre son Créateur et Seigneur ; puis se convaincre, par le moyen de l'entendement, qu'ayant péché et s'étant révolté contre la Bonté infinie, cet homme a justement été condamné pour toujours. Enfin on terminera par les actes de la volonté, comme il a été dit plus haut.

53 ‹ Colloque. ‹ Me représentant Notre-Seigneur Jésus-Christ en croix devant moi, je lui demanderai dans un colloque comment, étant le Créateur de toutes choses, il en est venu jusqu'à se faire homme ; comment, possédant la vie éternelle, il a daigné accepter une mort temporelle et la subir réellement pour mes péchés.
Puis, me considérant moi-même, je me demanderai ce que j'ai fait pour Jésus-Christ, ce que je fais pour Jésus-Christ, ce que je dois faire pour Jésus-Christ. Et, le voyant ainsi attaché à la croix, je ferai les réflexions qui se présenteront à moi.

54 ‹ Le colloque est, à proprement parler, l'entretien d'un ami avec son ami, ou d'un esclave avec son seigneur. Tantôt il lui demande quelque grâce, tantôt il s'accuse d'une mauvaise action ; il lui communique ses propres affaires, il lui demande conseil.
Réciter en finissant : Notre Père, etc.



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