Ignace exercices 54

deuxième exercice: méditation sur ses propres péchés

Le deuxième exercice est la méditation sur ses propres péchés. Il renferme, outre l'oraison préparatoire et les deux préludes, cinq points et un colloque.

55 ‹ L'oraison préparatoire sera la même 46 .
Le premier prélude sera la même composition de lieu.
Le second prélude consiste à demander ce que l'on veut obtenir. Dans cette méditation, je demanderai une douleur intense et profonde et des larmes pour pleurer mes péchés.

56 ‹ Le premier point est comme une revue générale. Je tâcherai donc de me souvenir de tous les péchés de ma vie, la repassant tout entière d'année en année, ou d'époque en époque.
Pour cela, il me sera très utile de me rappeler trois choses : premièrement, les lieux que j'ai habités ; secondement, les relations que j'ai eues avec d'autres personnes ; troisièmement, les emplois que j'ai exercés.

57 ‹ Dans le second point, je pèserai mes péchés : c'est-à-dire que je considérerai la laideur et la malice intrinsèque de chaque péché mortel, supposé même qu'il ne soit pas défendu.

58 ‹ Dans le troisième, je considérerai qui je suis, en m'efforçant par diverses comparaisons de paraître de plus en plus petit à mes yeux. Premièrement, que suis-je en comparaison de tous les hommes ? Deuxièmement, que sont tous les hommes en comparaison de tous les Anges et de tous les Saints du paradis ? Troisièmement, que sont toutes les créatures en comparaison de Dieu ? Donc moi seul, enfin, que puis-je être ? Quatrièmement, je considérerai toute la corruption et toute l'infection de mon corps. Cinquièmement, je me regarderai comme un ulcère et un abcès d'où sont sortis tant de péchés, tant de crimes et tant de souillures honteuses.

59 ‹ Dans le quatrième point, je m'appliquerai à connaître Dieu que j'ai offensé. Je m'aiderai de la considération de ses attributs, que je comparerai aux défauts contraires qui sont en moi : sa sagesse à mon ignorance, sa toute-puissance à ma faiblesse, sa justice à mon iniquité, sa bonté à ma malice.

60 ‹ Le cinquième point sera le cri d'étonnement d'une âme profondément émue. Je parcourrai toutes les créatures, leur demandant comment elles m'ont laissé la vie, comment elles ont concouru à me la conserver.
Je demanderai aux Anges, qui sont le glaive de la justice divine, comment ils m'ont souffert et gardé, comment ils ont même prié pour moi ; aux Saints, comment ils ont aussi intercédé et prié pour moi. Je m'étonnerai que les cieux, le soleil, la lune, les étoiles et les éléments, les fruits de la terre, les oiseaux, les poissons et les animaux, que toutes les créatures aient continué à me servir et ne se soient point élevées contre moi ; que la terre ne se soit pas entrouverte pour m'engloutir, creusant de nouveaux enfers où je devais brûler éternellement.

61 ‹ Je terminerai par un colloque, dans lequel j'exalterai la miséricorde de mon Dieu ; je lui rendrai grâces de m'avoir conservé la vie jusqu'à ce moment, et je prendrai la résolution de me corriger avec le secours de sa grâce. Notre Père, etc.


troisième exercice: répétition du premier et du deuxième

Le troisième exercice est la répétition du premier et du deuxième, terminée par trois colloques.

62 ‹ Après l'oraison préparatoire et les deux préludes, je répéterai le premier exercice et le deuxième, faisant une attention spéciale aux endroits qui m'auront fait éprouver plus de consolation ou de désolation et que j'aurai médités avec plus de goût spirituel, m'y arrêtant quelque temps. Je ferai ensuite les trois colloques de la manière suivante :

63 ‹ Le premier à Notre-Dame pour qu'elle m'obtienne de son Fils et Seigneur trois grâces :
la première, de connaître d'une connaissance intime mes péchés et d'en concevoir de l'horreur ;
la deuxième, de sentir le désordre de mes actions, afin que, le détestant, je me corrige et je règle ma conduite ;
la troisième, de connaître le monde, afin que l'ayant en horreur, je m'éloigne de tout ce qui est vain et périssable.
Terminer ce premier colloque par la Salutation angélique.
Le second au Fils, lui demandant les mêmes grâces et le priant de me les obtenir de son Père céleste.
Terminer par la prière : Ame de Jésus-Christ
p. 22 .
Le troisième à Dieu le Père, lui demandant toujours les mêmes grâces et le suppliant de me les accorder lui-même, lui qui est le Seigneur éternel de toutes choses.
Je réciterai l'Oraison dominicale.


quatrième exercice: résumé du troisième

Le quatrième exercice est un résumé du troisième.

64 ‹ Je dis un résumé, dans lequel l'entendement, sans s'égarer, réfléchit attentivement, en se rappelant les vérités qu'il a contemplées dans les exercices précédents. On terminera en faisant les trois mêmes colloques.


cinquième exercice: méditation de l'enfer

Le cinquième exercice est la méditation de l'enfer.
Il renferme, outre l'oraison préparatoire et les deux préludes, cinq points et un colloque.

65 ‹ L'oraison préparatoire, comme à l'ordinaire.
Le premier prélude est la composition de lieu, qui consiste, dans cette méditation, à voir des yeux de l'imagination la longueur, la largeur et la profondeur de l'enfer.
Le second est la demande de la grâce que l'on veut obtenir. Ici je demanderai le sentiment intérieur des peines que souffrent les damnés, afin que, si mes fautes me faisaient jamais oublier l'amour du Seigneur éternel, du moins la crainte des peines m'aidât à ne point tomber dans le péché.

66 ‹ Dans le premier point, je verrai des yeux de l'imagination ces feux immenses et les âmes des réprouvés comme enfermées dans des corps de feu.

67 ‹ Dans le deuxième, j'entendrai, à l'aide de l'imagination, les gémissements, les cris, les clameurs, les blasphèmes contre Jésus-Christ, notre-Seigneur et contre tous les Saints.

68 ‹ Dans le troisième, je me figurerai que je respire la fumée, le soufre, l'odeur d'une sentine et de matières en putréfaction.

69 ‹ Dans le quatrième, je m'imaginerai goûter intérieurement des choses amères, comme les larmes, la tristesse, le ver de la conscience.

70 ‹ Dans le cinquième, je toucherai ces flammes vengeresses, m'efforçant de comprendre vivement comment elles environnent et brûlent les âmes des réprouvés.

71 ‹ Faisant un colloque avec Jésus-Christ Notre-Seigneur, je me rappellerai combien d'âmes sont en enfer, les unes parce qu'elles n'ont pas cru à la venue du Sauveur, les autres parce qu'en y croyant elles n'ont pas agi selon ses commandements ; partageant ces âmes en trois classes : la première, celles qui se sont perdues avant sa venue ; la deuxième, pendant sa vie ; la troisième, après sa vie en ce monde.
Je lui rendrai grâces de ne m'avoir laissé tomber par la mort dans aucune de ces classes ; me rappelant, au contraire, comment j'ai toujours été jusqu'ici l'objet de sa grande compassion et de sa grande miséricorde.
Je terminerai en récitant l'Oraison dominicale.

72 ‹ Le premier exercice se fera au milieu de la nuit ; le deuxième, le matin, aussitôt après le lever ; le troisième, avant ou après la Messe, mais toujours avant le dîner ; le quatrième, à l'heure de vêpres ; le cinquième, une heure avant le souper.
Ce règlement, tel ou à peu près tel que nous venons de l'indiquer, est le même pour les quatre semaines, autant que l'âge, la disposition et les forces de la personne qui fait les Exercices lui permettront d'en faire cinq, ou l'obligeront d'en diminuer le nombre.


Additions à observer

pour mieux faire les Exercices et trouver plus sûrement ce que l'on désire.

73 ‹ Première addition. ‹ Après m'être couché, et avant de m'endormir, je penserai à l'heure à laquelle je dois me lever, et pour quelle fin, et je résumerai pendant l'espace d'un Ave Maria l'exercice que je dois faire.

74 ‹ Deuxième addition. ‹ Lorsque je me réveillerai, j'éloignerai de mon esprit toute autre pensée, pour m'occuper de suite du sujet que je dois méditer dans le premier exercice, qui se fait au milieu de la nuit, m'excitant à la confusion de mes péchés, si grands et si nombreux ; je me proposerai quelques comparaisons, par exemple celle d'un gentilhomme qui se trouverait devant son roi et devant toute sa cour, honteux et confus d'avoir grandement offensé celui dont il a d'abord reçu de nombreux bienfaits et des faveurs signalées.
De même, dans le second exercice, je me regarderai comme un grand pécheur, enchaîné, et sur le point de comparaître devant le Juge suprême et éternel, m'aidant de la comparaison d'un criminel digne de mort, que l'on conduit chargé de fers devant son juge temporel.
Et, dans ces pensées ou d'autres semblables, selon la matière de l'exercice, je prendrai mes vêtements.

75 ‹ Troisième addition. ‹ Avant de commencer, je me tiendrai debout le temps de réciter l'Oraison dominicale, à un ou deux pas de l'endroit où je dois méditer, l'esprit élevé vers le ciel, et considérant comment Dieu, notre Seigneur, me regarde ; puis je me prosternerai en m'humiliant devant lui.

76 ‹ Quatrième addition. ‹ Je commencerai ma contemplation, tantôt à genoux, tantôt prosterné, tantôt étendu sur la terre, le visage vers le ciel, tantôt assis, tantôt debout ; cherchant toujours à trouver ce que je désire.
Et en cela j'observerai deux choses : premièrement, si je trouve ce que je désire à genoux ou prosterné, je ne chercherai pas une autre position ; secondement, si j'éprouve dans un point de la méditation les sentiments que je voulais exciter en moi, je m'y arrêterai et m'y reposerai sans me mettre en peine de passer outre, jusqu'à ce que mon âme soit pleinement satisfaite.

77 ‹ Cinquième addition. ‹ L'exercice terminé, assis ou en me promenant, j'examinerai pendant un quart d'heure quel en a été le succès : s'il n'a pas été heureux, j'en rechercherai attentivement la cause et, l'ayant découverte, je m'exciterai au repentir, afin de me corriger dans la suite ; s'il a été heureux, j'en rendrai grâces à Dieu, notre Seigneur, et me conduirai une autre fois de la même manière.

78 ‹ Sixième addition. ‹ Je ne m'arrêterai volontairement à aucune pensée capable de me causer du contentement ou de la joie, comme serait le souvenir du ciel ou de la résurrection : car toute considération de cette nature m'empêcherait de ressentir de la peine et de la douleur, et de verser des larmes sur mes péchés. Je tâcherai, au contraire, de conserver toujours le désir d'éprouver de la douleur et du repentir, me rappelant plutôt à la mémoire la mort et le jugement.

79 ‹ Septième addition. ‹ Pour la même raison, je me priverai entièrement de jour, fermant les fenêtres et les portes de l'appartement que j'occupe, tout le temps où je m'y trouverai, excepté lorsque je devrai réciter l'Office divin, lire et prendre mon repas.

80 ‹ Huitième addition. ‹ Je m'abstiendrai de rire et de proférer aucune parole qui puisse porter à rire.

81 ‹ Neuvième addition. ‹ Je veillerai sur mes yeux et ne les lèverai sur personne, excepté lorsqu'il me faudra parler à quelqu'un, en l'abordant ou en le quittant.

82 ‹ Dixième addition. ‹ La dixième addition regarde la pénitence, qui se divise en intérieure et extérieure.
La pénitence intérieure consiste dans la douleur de ses péchés, accompagnée d'un ferme propos de ne plus retomber dans ces mêmes péchés ni dans aucun autre.
La pénitence extérieure est un fruit de la première et consiste à se punir de ses fautes passées ; ce qui peut surtout se pratiquer en trois manières.

83 ‹ Premièrement, à l'égard de la nourriture. Sur quoi il faut remarquer que le retranchement du superflu n'est pas pénitence, mais tempérance. Il n'y a pénitence que lorsqu'on retranche quelque chose de ce que l'on pourrait prendre convenablement ; et dans ce sens, plus nous parvenons à retrancher, plus la pénitence est grande et louable, pourvu qu'elle n'aille pas jusqu'à ruiner les forces et qu'elle n'altère pas notablement la santé.

84 ‹ Deuxièmement, à l'égard du sommeil. Pour la manière de le prendre, remarquez encore que ce n'est pas pénitence de retrancher ce qui ne servirait qu'à flatter notre délicatesse et notre sensualité. Il n'y a pénitence que dans la privation d'une partie des objets dont nous pourrions convenablement user ; et, dans ce sens, plus on parviendra à retrancher, mieux on fera, pourvu qu'on n'altère point considérablement sa santé et qu'il ne s'ensuive pas une infirmité notable. Quant au temps à donner au sommeil, il ne faut ordinairement rien retrancher de ce qui est convenable, à moins qu'il ne s'agisse de corriger l'habitude vicieuse de dormir trop et d'arriver à une juste mesure.

85 ‹ Troisièmement, à l'égard du corps. Elle consiste à lui faire souffrir une douleur sensible en portant des cilices, des cordes, des chaînes de fer sur la chair ; en prenant des disciplines, ou en se faisant des plaies et en pratiquant d'autres genres d'austérités.

86 ‹ Ce qui paraît le plus convenable et le moins dangereux en ce point, c'est que la douleur ne soit sensible que dans la chair, et qu'elle ne pénètre pas jusqu'aux os : de sorte que la pénitence cause de la douleur et non quelque infirmité. Aussi semble-t-il à propos de faire usage de disciplines faites de petites cordes qui causent extérieurement de la douleur, plutôt que d'employer un instrument qui puisse causer une infirmité notable.

87 ‹ Première remarque. ‹ Les pénitences extérieures se pratiquent principalement pour trois fins :
la première pour la satisfaction des péchés que l'on a commis ;
la seconde, pour se vaincre soi-même, c'est-à-dire pour obliger la sensualité à obéir à la raison, et la partie inférieure de l'âme à se soumettre, autant qu'il est possible, à la partie supérieure ;
la troisième, pour obtenir de Dieu quelque grâce particulière que l'on désire, par exemple, celle de ressentir intérieurement une vive douleur de ses péchés, de les pleurer amèrement, ou de verser des larmes sur les douleurs et les souffrances que Notre-Seigneur Jésus-Christ endura dans sa passion, ou enfin la solution de quelque doute.

88 ‹ Deuxième remarque. ‹ La première et la deuxième addition ne regardent que les exercices de la nuit et de l'aurore, et non ceux qui se font en d'autres temps. La quatrième addition ne s'observera jamais dans l'église ou en présence d'autres personnes, mais uniquement quand on est seul dans sa chambre ou ailleurs.

89 ‹ Troisième remarque. ‹ Quand celui qui fait les Exercices n'obtient pas ce qu'il désire, comme des larmes, des consolations, etc., il est souvent avantageux qu'il fasse quelque changement dans la nourriture, dans le coucher, ou dans le sommeil, et dans les autres manières de faire pénitence ; qu'il modifie sa conduite, pratiquant des mortifications deux ou trois jours de suite, et les suspendant les deux ou trois jours suivants. Car quelques-uns ont besoin de faire plus de pénitences, et d'autres moins ; et aussi parce que souvent nous omettons les pratiques extérieures de pénitence par amour des sens, et par un jugement erroné qui nous fait croire faussement que nous ne pourrons les supporter sans causer à notre santé un tort considérable. Quelquefois, au contraire, nous faisons trop, ne consultant pas assez nos forces ; et, comme Dieu, notre Seigneur, connaît infiniment mieux notre nature que nous ne la connaissons nous-mêmes, il daigne souvent, tandis que nous alternons de la sorte, nous faire connaître clairement ce qui nous est convenable.

90 ‹ Quatrième remarque. ‹ On se proposera, dans l'examen particulier 24-31 , de corriger les défauts et les négligences commises, soit dans les exercices, soit dans l'observation des additions. La matière de cet examen sera la même dans la seconde, la troisième et la quatrième Semaine.


SECONDE SEMAINE

considération: L'appel d'un roi temporel pour aider à contempler la vie du Roi éternel

91 ‹ L'oraison préparatoire est la même qu'à l'ordinaire 46 .
Le premier prélude est la composition de lieu. Il consistera ici à voir, des yeux de l'imagination, les synagogues, les bourgs et les villages que parcourait Notre-Seigneur Jésus-Christ en annonçant son Evangile.
Le second prélude consiste à demander la grâce que je veux obtenir. Ce sera ici de demander à Notre-Seigneur la grâce de n'être pas sourd à son appel, mais prompt et diligent à accomplir sa très sainte volonté.

première partie [un roi que la main de Dieu a choisi]

92 ‹ Premier point. ‹ Je me représenterai un roi que la main de Dieu a choisi, et à qui tous les princes et tous les peuples chrétiens rendent respect et obéissance.

93 ‹ Second point. ‹ Je m'imaginerai entendre ce même roi parlant à tous ses sujets, et leur disant : « Ma volonté est de conquérir tout le pays des infidèles. Que celui qui voudra me suivre se contente de la même nourriture, de la même boisson, des mêmes vêtements que moi. Qu'il travaille durant le jour, qu'il veille pendant la nuit, comme moi, afin de partager un jour avec moi, selon la mesure de ses travaux, les fruits de la victoire. »

94 ‹ Troisième point. ‹ Je considérerai ce que devraient répondre de fidèles sujets à un roi si généreux et si bon, et combien celui qui n'accepterait pas de telles offres serait digne du mépris de tout le monde, et mériterait de passer pour le plus lâche des hommes.

seconde partie [appliquer à Jésus-Christ]

95 ‹ La seconde partie de cet exercice consiste à appliquer à Jésus-Christ, notre Seigneur, les trois points de la parabole précédente.
Et quant au premier point, si l'appel d'un roi de la terre à ses sujets fait impression sur nos coeurs, combien plus vivement ne devons-nous pas être touchés de voir Jésus-Christ, notre Seigneur, Roi éternel, et devant lui le monde entier, et chaque homme en particulier, qu'il appelle en disant : « Ma volonté est de conquérir le monde entier, de soumettre tous mes ennemis, et d'entrer ainsi dans la gloire de mon Père. Que celui qui veut venir avec moi travaille avec moi ; qu'il me suive dans les fatigues, afin de me suivre aussi dans la gloire. »

96 ‹ Je considérerai, dans le second point, que tout homme qui fait usage de son jugement et de sa raison ne peut pas balancer à s'offrir généreusement à tous les sacrifices et à tous les travaux.

97 ‹ Je considérerai, dans le troisième point, que tous ceux qui voudront s'attacher plus étroitement à Jésus-Christ, et se signaler au service de leur Roi éternel et Seigneur universel, ne se contenteront pas de s'offrir à partager ses travaux ; mais, agissant contre leur propre sensualité, contre l'amour de la chair et du monde, ils lui feront encore des offres d'une plus haute importance et d'un plus grand prix, en disant :

98 ‹ « Roi éternel et souverain Seigneur de toutes choses, je viens vous présenter mon offrande : aidé du secours de votre grâce, en présence de votre infinie bonté, sous les yeux de votre glorieuse Mère et de tous les Saints et Saintes de la cour céleste, je proteste que je désire, que je veux, et que c'est de ma part une détermination arrêtée, pourvu que tels soient votre plus grand service et votre plus grande gloire, vous imiter en supportant les injures, les opprobres, la pauvreté d'esprit et de coeur, et même la pauvreté réelle, si votre très sainte Majesté veut me choisir et m'admettre à cet état de vie. »

99 ‹ On fera cet exercice deux fois dans la journée : le matin, en se levant, et une heure avant le dîner ou le souper.

100 ‹ Pendant la seconde semaine et les suivantes, il sera très utile de lire de temps en temps quelques passages de l'Imitation de Jésus-Christ, des Evangiles et de la vie des Saints.

premier jour: Incarnation et Nativité

première contemplation : £[Incarnation]

101La première contemplation est celle de l'Incarnation :
elle renferme l'oraison préparatoire, trois préludes, trois points et un colloque.
L'oraison préparatoire ordinaire.

102 ‹ Le premier prélude consiste à se rappeler l'histoire du mystère que l'on doit contempler. Ici, je me rappellerai comment les trois Personnes divines, contemplant la surface de la terre couverte d'hommes, et voyant que tous se précipitent en enfer, décrètent, dans leur éternité, que la seconde Personne de l'auguste Trinité se fasse homme pour sauver le genre humain ; et comment ce mystère s'accomplit, lorsque dans la plénitude des temps l'archange Gabriel fut envoyé à Marie. Voir les Mystères, 262

103 ‹ Le second prélude est la composition de lieu. Ici, je me représenterai l'immense étendue de la terre, peuplée de tant de nations diverses ; puis je considérerai en particulier la maison et la chambre de Notre-Dame dans la ville de Nazareth, en Galilée.

104 ‹ Le troisième prélude est la demande de ce que l'on veut obtenir. Dans la contemplation présente, je demanderai la connaissance intime du Seigneur qui s'est fait homme pour moi, afin de l'aimer avec plus d'ardeur et de le suivre avec plus de fidélité.

105 ‹ Il faut remarquer que l'oraison préparatoire doit se faire cette Semaine et les suivantes telle qu'elle se trouve au commencement du premier exercice de la première Semaine 46 , sans y rien changer. On fera de même les trois préludes, mais en les modifiant selon le sujet que l'on médite.

106 ‹ Dans le premier point, je verrai successivement les personnes. Premièrement, les hommes qui sont sur la terre, si divers de costumes et de visages : les uns blancs, les autres noirs ; les uns en paix, les autres en guerre ; les uns pleurant, les autres riant ; les uns sains, les autres malades ; les uns naissant et les autres mourant. Secondement, je verrai et je considérerai les trois Personnes de la sainte Trinité, assises sur le trône royal de la divine Majesté ; comme elles regardent tout cet univers et les nations plongées dans un aveuglement profond, et comme elles voient les hommes mourir et descendre en enfer.
Troisièmement, je verrai Notre-Dame et l'Ange qui la salue.
Puis je réfléchirai, afin de tirer de l'utilité de cette considération.

107 ‹ Dans le second point, j'écouterai les paroles : premièrement, des hommes qui sont sur la terre, comment ils parlent les uns avec les autres, comment ils jurent et blasphèment, etc. ; secondement, des Personnes divines, disant : « Opérons la rédemption du genre humain, etc. » ; troisièmement, de l'Ange et de Notre-Dame.
Et je réfléchirai sur ces discours pour en tirer du profit.

108 ‹ Dans le troisième point, je considérerai les actions : premièrement, des hommes qui sont sur la terre ; ils s'attaquent, ils s'entre-tuent, ils tombent dans les enfers, etc. ;
secondement, des trois Personnes divines, qui opèrent la très sainte Incarnation, etc. ;
troisièmement, de l'Ange et de Notre-Dame : l'Ange s'acquitte de l'ambassade céleste, Marie s'humilie et rend grâces à la divine Majesté.
Ensuite je réfléchirai pour tirer quelque utilité de chacune de ces circonstances.

109 ‹ Enfin, je ferai le colloque, en pensant à ce que je dois dire aux trois Personnes divines, au Verbe éternel incarné, à la Mère du Verbe et Notre-Dame ; et, selon le sentiment que j'éprouverai en moi-même, je demanderai tout ce qui peut m'aider à suivre de plus près et à imiter plus fidèlement Notre-Seigneur, comme s'il venait de s'incarner pour moi.
Je terminerai en récitant l'Oraison dominicale.


seconde contemplation:

La seconde contemplation est la Nativité de Notre-Seigneur.

110 ‹ L'oraison préparatoire ordinaire.

111 ‹ Le premier prélude est l'histoire du mystère. On se rappellera, dans la contemplation présente, comment Notre-Dame, dans le neuvième mois de sa grossesse, partit de Nazareth, assise, comme on peut pieusement le méditer, sur une ânesse, accompagnée de Joseph et d'une servante qui mènent un boeuf. Ils vont à Bethléem payer le tribut imposé par César à tous les habitants de cette province 264 .

112 ‹ Le second prélude est la composition de lieu. Dans cette contemplation, je verrai des yeux de l'imagination le chemin de Nazareth à Bethléem, considérant sa longueur, sa largeur. Est-il sur des collines ? Je considérerai de même la grotte où naît le Sauveur.
Est-elle grande ou petite ? Est-elle haute ou basse ? Comment est-elle préparée ?

113 ‹ Le troisième prélude est entièrement le même que dans la contemplation précédente 104 .

114 ‹ Dans le premier point, je verrai les personnes : Notre-Dame, Joseph, la servante, et l'Enfant-Jésus lorsqu'il sera né. Je me tiendrai en leur présence comme un petit mendiant et un petit esclave indigne de paraître devant eux. Je les considérerai, je les contemplerai, je les servirai dans leurs besoins avec tout l'empressement et tout le respect dont je suis capable, comme si je me trouvais présent. Ensuite je réfléchirai en moi-même pour tirer de là quelque profit.

115 ‹ Dans le second point, j'observerai, je remarquerai et je contemplerai ce qu'ils disent ; puis je réfléchirai en moi-même pour tirer quelque profit.

116 ‹ Dans le troisième point, je regarderai et je considérerai ce qu'ils font, comme ils ont voyagé, comme ils souffrent, afin que le Seigneur de toutes choses naisse dans une extrême pauvreté, et qu'après tant de travaux, après avoir enduré la faim, la soif, la chaleur, le froid, les injures et les affronts, il meure sur la croix ; et tout cela pour moi. Et je réfléchirai pour tirer quelque profit spirituel.

117 ‹ Je terminerai par un colloque, comme dans la contemplation précédente, et je réciterai l'Oraison dominicale.

troisième contemplation [répétition]

La troisième contemplation est la répétition du premier et du second exercice.

118 ‹ Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, on fera la répétition du premier et du second exercice, insistant toujours sur quelques passages principaux, dans la méditation desquels on aura reçu plus de lumières, senti plus de consolation ou de désolation intérieure ; et on terminera de même par un colloque suivi de l'Oraison dominicale.

119 ‹ Dans cette répétition et dans les suivantes, on gardera la même méthode que dans celles de la première Semaine 62 , changeant la matière et conservant la forme.

quatrième contemplation [répétition]

120 La quatrième contemplation sera encore une répétition du premier et du second
exercice, et se fera de la même manière que la précédente.

cinquième contemplation [application des sens]

La cinquième contemplation sera l'application des cinq sens à la première et à la seconde contemplation

121 ‹ Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, il sera utile d'exercer les cinq sens de l'imagination sur les mystères de la première et de la seconde contemplation, de la manière suivante :

122 ‹ Dans le premier point, je verrai des yeux de l'imagination les personnes, méditant et contemplant, dans le détail, les circonstances dans lesquelles elles se trouvent, et tâchant de tirer de cette vue quelque profit.

123 ‹ Dans le second point, j'entendrai, à l'aide de l'imagination, ce qu'elles disent ou peuvent dire, réfléchissant en moi-même pour en tirer quelque profit.

124 ‹ Dans le troisième, je m'imaginerai sentir, respirer et goûter la suavité et la douceur infinies de la Divinité, de l'âme, de ses vertus et de tout le reste, selon la personne que je contemple, réfléchissant en moi-même et m'efforçant d'en retirer de l'utilité.

125 ‹ Dans le quatrième, j'exercerai le sens du toucher, embrassant, par exemple, et baisant les endroits où marchent, où reposent les personnes que je contemple, tâchant toujours de le faire avec profit.

126 ‹ Je terminerai par un colloque, comme dans la première et la seconde contemplation, et par l'Oraison dominicale.


Remarques

127 ‹ Première remarque. ‹ On aura soin, cette semaine et les suivantes, de ne lire aucun mystère que l'on ne doive contempler dans la journée ou à l'heure même, de peur que la considération de l'un ne nuise à celle de l'autre.

128 ‹ Deuxième remarque. ‹ Le premier Exercice, qui est la contemplation de l'Incarnation, se fera au milieu de la nuit ; le second, au commencement du jour ; le troisième, à l'heure de la messe ; le quatrième, à l'heure des vêpres ; et le cinquième, avant le souper. Chacun de ces Exercices durera une heure. Tel est l'ordre que l'on suivra désormais.

129 ‹ Troisième remarque. ‹ On fera attention que, si la personne qui fait les Exercices est d'un âge avancé ou d'une santé faible, ou, bien que robuste, si elle se trouve en quelque manière affaiblie par les Exercices de la première semaine, il sera mieux, cette seconde semaine, qu'elle s'abstienne, au moins quelquefois, de se lever au milieu de la nuit. Elle fera alors une contemplation le matin, une autre à l'heure de la messe et une troisième avant le dîner ; puis une répétition de ces trois Exercices à l'heure des vêpres et l'application des sens avant le souper.

130 ‹ Quatrième remarque. ‹ Dans cette seconde semaine, on modifiera de la manière suivante la deuxième, la septième et la dixième des additions de la première semaine.
Deuxième addition
74 . ‹ Aussitôt que je serai réveillé, je me mettrai devant les yeux la contemplation que je dois faire, excitant en moi un vif désir de connaître davantage le Verbe incarné, pour le suivre de plus près et le servir avec plus de fidélité.
Sixième addition 78 . ‹ Je rappellerai fréquemment à ma mémoire la vie et les mystères de Jésus-Christ, Notre-Seigneur, depuis son Incarnation jusqu'au mystère que je contemple actuellement.
Septième addition 79 . ‹ Je choisirai la lumière ou les ténèbres ; je profiterai de la sérénité ou de l'obscurité du ciel, autant que j'espérerai en retirer de l'utilité pour trouver ce que je désire.
Dixième addition 82-86 . ‹ Celui qui fait les Exercices doit s'efforcer de se conformer à la nature des mystères qu'il contemple ; car quelques-uns demandent des sentiments et des oeuvres de pénitence, et d'autres ne les exigent pas. Enfin, on observera les dix additions avec beaucoup de soin.

131 ‹ Cinquième remarque. ‹ Dans les Exercices autres que celui du milieu de la nuit et du matin, on fera l'équivalent de la deuxième addition 74 de la manière qui suit : quelques instants avant l'heure de l'Exercice que je suis sur le point de faire, je me représenterai où je vais et devant qui je dois paraître ; puis, je repasserai brièvement le sujet que je dois méditer ou contempler, et, après avoir fait la troisième addition 75 je commencerai mon exercice.

second jour

132 ‹ La première contemplation du second jour sera la Présentation au temple 268 ; la seconde, la Fuite en Egypte comme en un lieu d'exil 269 . On fera sur ces deux contemplations deux répétitions et l'application des sens, de la même manière que le jour précédent.

133 ‹ Quoique celui qui fait les Exercices ne manque ni de force corporelle ni de dispositions spirituelles, il lui sera quelquefois utile, pour trouver plus efficacement ce qu'il désire, de diminuer le nombre des Exercices depuis ce second jour jusqu'au quatrième inclusivement. Il pourra donc ne faire qu'une contemplation le matin et une autre à l'heure de la Messe. Il les répétera à l'heure des Vêpres, et appliquera les sens avant le souper.

troisième jour

134 ‹ Dans la première contemplation, on considérera comment l'Enfant-Jésus était soumis à ses parents dans la maison de Nazareth 271 ; et dans la seconde, comment ils le retrouvèrent dans le Temple 272 . On fera également deux répétitions et l'application des sens.


prélude pour la considération de divers états de vie.

135 ‹ Nous venons de considérer l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans deux états de vie : dans le premier, qui est celui de l'observation des commandements, lorsqu'il était sous l'obéissance de ses parents ; dans le second, qui est celui de la perfection évangélique, lorsqu'il resta dans le Temple, abandonnant son père adoptif et sa mère selon la nature pour vaquer uniquement au service de son Père éternel.
Nous commencerons donc ici, tout en contemplant sa vie, à rechercher devant Dieu, et à lui demander avec instance la grâce de nous faire connaître en quel état ou genre de vie sa divine Majesté veut se servir de nous.
Pour introduction à cet examen, nous découvrirons dans l'exercice suivant, d'un côté, l'intention de Jésus-Christ, notre Seigneur, et, de l'autre, celle de l'ennemi de la nature humaine, et nous apprendrons ce que nous devons faire pour nous mettre en état de parvenir à la perfection, dans quelque état ou genre de vie que Dieu notre Seigneur nous aura donné de choisir.



Ignace exercices 54