Ignace exercices 135

quatrième jour: méditation de deux étendards

l'un de Jésus-Christ, notre chef souverain et notre Seigneur ; l'autre de Lucifer, ennemi mortel de la nature humaine.

136 ‹ L'oraison préparatoire est toujours la même.

137 ‹ Le premier prélude consiste à se rappeler le fait historique de la méditation. Ici c'est, d'un côté, Jésus-Christ qui appelle tous les hommes et veut les réunir sous son étendard ; de l'autre, c'est Lucifer qui les appelle sous le sien.

138 ‹ Le second prélude est la composition de lieu. Ici, on se représentera une vaste plaine près de Jérusalem, au milieu de laquelle se trouve Notre-Seigneur Jésus-Christ, chef souverain de tous les hommes vertueux, et une autre plaine près de Babylone, où est Lucifer, le chef des ennemis.

139 ‹ Le troisième prélude consiste à demander ce que je veux obtenir. Dans cet exercice ce sera, premièrement, la connaissance des ruses du chef des méchants et le secours dont j'ai besoin pour m'en défendre ; secondement, la connaissance de la véritable vie, qui nous est montrée par le chef souverain et légitime, et la grâce nécessaire pour l'imiter.


première partie

140 ‹ Dans le premier point, je me représenterai le chef du parti ennemi dans cette vaste campagne de Babylone, assis dans une chaire élevée, toute de feu et de fumée, sous des traits horribles et d'un aspect épouvantable.

141 ‹ Dans le second point, je considérerai comment il appelle autour de lui des démons innombrables ; comme il les répand, les uns dans une ville, les autres dans une autre, et ainsi dans tout l'univers, n'oubliant aucune province, aucune condition, aucun lieu, aucune personne en particulier.

142 ‹ Dans le troisième point, j'écouterai le discours qu'il leur adresse, comme il leur ordonne avec menaces de jeter des filets et des chaînes. Ils doivent tenter les hommes, en leur inspirant d'abord le désir des richesses, comme il fait le plus souvent lui-même, afin de les conduire plus facilement à l'amour du vain honneur du monde, et de là à un orgueil sans bornes.
De sorte que le premier degré de la tentation, ce sont les richesses ; le second, les honneurs ; le troisième, l'orgueil ; et de ces trois degrés il porte les hommes à tous les autres vices.


seconde partie

143 ‹ A l'opposé, on se représentera également le chef souverain et véritable, qui est Jésus-Christ, notre Seigneur.

144 ‹ Dans le premier point, je considérerai comment Jésus-Christ, se tient en un lieu humble, dans une vaste plaine des environs de Jérusalem, beau et plein de grâce.

145 ‹ Dans le second point, je considérerai comment le Seigneur du monde entier choisit un si grand nombre de personnes, les Apôtres, les disciples et tant d'autres, et comment il les envoie dans tout l'univers répandre sa doctrine sacrée parmi les hommes de tous les âges et de toutes les conditions.

146 ‹ Dans le troisième, j'écouterai le discours que Jésus-Christ, notre Seigneur, adresse à tous ses serviteurs et à tous ses amis qu'il envoie à cette expédition. Il leur recommande d'aider tous les hommes, en les attirant premièrement à une entière pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle, si la divine Majesté l'a pour agréable et veut les appeler à cet état ; secondement, au désir des opprobres et des mépris, parce que de ces deux choses naît l'humilité.
De sorte qu'il y a, comme au troisième point précédent, trois degrés : le premier, la pauvreté opposée aux richesses ; le second, les opprobres et les mépris opposés à l'honneur du monde : le troisième, l'humilité opposée à l'orgueil ; et de ces trois degrés ils porteront les hommes à toutes les autres vertus.


colloques

147 ‹ Dans un premier colloque, je demanderai à Notre-Dame qu'elle m'obtienne de son Fils et Seigneur la grâce d'être reçu sous son étendard :
‹ premièrement, par la parfaite pauvreté spirituelle, et même, si la divine Majesté l'a pour agréable, et veut me choisir et m'admettre à cet état, par la pauvreté réelle ;
‹ secondement, en souffrant les opprobres et les injures, afin de l'imiter en cela plus parfaitement, pourvu que je puisse les souffrir sans péché de la part du prochain, et sans déplaisir de sa divine Majesté.
Je terminerai ce colloque par la Salutation angélique.
Dans le second colloque, je m'adresserai à Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour qu'il m'obtienne de Dieu le Père la même grâce, et je réciterai la prière Ame de Jésus-Christ .
Dans le troisième colloque, je demanderai la même grâce à Dieu le Père, le suppliant de me l'accorder lui-même, et je réciterai l'Oraison dominicale.

148 ‹ Cet exercice se fera une première fois au milieu de la nuit, et une seconde fois le matin. On en fera deux répétitions : l'une à l'heure de la Messe, et l'autre à l'heure de Vêpres, toujours en finissant par les trois colloques à Notre-Dame, au Fils et au Père. L'exercice suivant, appelé des Trois Classes, se fera avant le souper.

149 ‹ Le même jour on fera la méditation des trois classes d'hommes pour se déterminer à suivre la plus parfaite.
L'oraison préparatoire ordinaire.

150 ‹ Le premier prélude est l'histoire qui doit servir de base à la méditation. Nous supposons ici trois classes d'hommes composées chacune de deux personnes. Toutes les trois ont acquis dix mille ducats, sans se proposer purement et uniquement le motif de l'amour de Dieu. Et elles veulent se sauver et trouver Dieu, notre Seigneur, dans la paix, en se déchargeant d'un poids qui les arrête, et en surmontant l'obstacle qu'elles rencontrent à leur dessein dans l'affection au bien qu'elles ont acquis.

151 ‹ Le second prélude est la composition de lieu. Ici, je me considérerai moi-même en présence de Dieu, notre Seigneur, et de tous les Saints, dans la disposition de désirer et de connaître ce qui sera le plus agréable à sa divine volonté.

152 ‹ Le troisième prélude est la demande de ce que l'on veut obtenir. Ici, je demanderai la grâce de choisir ce qui sera en effet le plus glorieux à la divine Majesté, et le plus avantageux au salut de mon âme.

153 ‹ La première classe voudrait se défaire de l'affection qu'elle éprouve pour le bien qu'elle possède, afin de trouver Dieu, notre Seigneur, dans la paix, et de pouvoir opérer son salut ; mais elle n'emploie de fait aucun moyen avant l'heure de la mort.

154 ‹ La seconde classe veut détruire cette affection ; mais elle le veut à la condition de conserver le bien acquis : elle voudrait amener Dieu à son désir, et elle ne peut se déterminer à quitter ce qu'elle possède pour aller à Dieu, quand même ce parti serait le meilleur pour elle.

155 ‹ La troisième classe veut aussi se dégager de cette affection, et elle le veut de telle sorte, qu'elle n'est pas plus portée à conserver la somme acquise qu'à ne la conserver pas.
Elle ne consultera, pour la retenir ou pour s'en défaire, que le mouvement intérieur de la grâce, et ce qui lui paraîtra le meilleur pour le service et la louange de la divine majesté. En attendant, elle veut se conduire comme ayant tout abandonné de coeur, et s'efforce de ne désirer ni ce qu'elle possède ni aucun autre bien sur la terre que dans la seule considération du service de la majesté divine ; en sorte que le désir de pouvoir mieux servir Dieu, notre Seigneur, sera son unique règle pour se déterminer à retenir le bien qu'elle a acquis ou à s'en dépouiller.

156 ‹ On terminera cet exercice par les trois colloques de la contemplation des Deux Etendards 147 .

157 ‹ Il faut remarquer que, quand nous éprouvons de la répugnance ou une affection contraire à la pauvreté actuelle, quand nous ne sommes pas dans une véritable indifférence entre la pauvreté et les richesses, il est très utile, pour détruire cette affection déréglée, de demander dans les colloques, malgré les mouvements de la nature, que le Seigneur daigne nous appeler à ce genre de pauvreté, en lui protestant que nous le voulons, que nous le lui demandons, que nous l'en supplions, pourvu que ce soit pour la gloire et le service de sa divine Bonté cf. 16 .


cinquième jour: bapteme du Seigneur

158Le sujet de la contemplation du cinquième jour est le départ de Jésus-Christ, notre Seigneur, de Nazareth pour le fleuve du Jourdain, et son baptême par saint Jean 273 .

159 ‹ Cette contemplation se fera une première fois au milieu de la nuit, et une seconde fois le matin. On en fera deux répétitions, l'une à l'heure de la Messe, l'autre à l'heure de Vêpres ; enfin l'application des sens avant le souper.
Avant chacun des cinq Exercices, on fera toujours l'oraison préparatoire ordinaire et les trois préludes, selon ce qui est expliqué dans la contemplation de l'Incarnation
101 et de la Naissance du Sauveur 110 , et on les terminera par les trois colloques des Trois Classes 156 , en observant fidèlement la remarque qui suit cet exercice 157 .

160 ‹ L'examen particulier, après le dîner et après le souper, se fera sur les fautes et les négligences que l'on aura commises dans les exercices du jour et dans la pratique des additions ; et de même les jours suivants.


sixième jour: tentation au désert

161Le sujet de la contemplation du sixième jour sera comment Jésus-Christ, notre Seigneur, alla du Jourdain au désert, et ce qui s'y passa 274 .
On observera, en tout, ce qui est marqué au jour précédent 159 .


septième jour

Comment saint André et les autres Apôtres suivirent Jésus-Christ, notre Seigneur 275 .

huitième jour

Le sermon sur la montagne, ou les huit Béatitudes 278 .

neuvième jour

Comment Notre-Seigneur Jésus-Christ apparut à ses disciples, marchant sur les flots 280 .

dixième jour

Comment le Seigneur prêchait dans le Temple 288 .

onzième jour

La résurrection de Lazare 285 .

douzième jour

Du jour des Rameaux 287 .

Remarques

162 ‹ Première remarque. ‹ On peut, dans cette seconde semaine, selon le temps que l'on veut y employer et le profit spirituel que l'on en retire, multiplier ou diminuer le nombre des contemplations. Dans le premier cas, on ajoutera les mystères de la Visitation 263 , de l'Adoration des Bergers 265 , de la Circoncision 266 , de l'Adoration des Mages 267 , et ainsi des autres ; dans le second, on en retranchera plusieurs, même de ceux qui sont ici indiqués, puisqu'en les réunissant on ne s'est proposé que de présenter une introduction à la méditation des mystères du Sauveur, afin que l'on puisse les contempler ensuite d'une manière plus complète.

163 ‹ Deuxième remarque. ‹ La matière de l'élection commencera à se traiter à la contemplation du départ de Notre-Seigneur de Nazareth pour le Jourdain 158 , c'est-à-dire le cinquième jour inclusivement : ce qui doit se faire selon la méthode indiquée plus bas 169-174 .

164 ‹ Troisième remarque. ‹ Avant d'entrer dans la matière de l'élection, il sera très utile, pour s'affectionner à la véritable doctrine de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de considérer attentivement les trois modes ou degrés d'humilité suivants, de s'en occuper souvent pendant le jour, en faisant les trois colloques, comme il est recommandé plus bas 168 .


les trois degrés d'humilité.

165 ‹ Le premier degré d'humilité est nécessaire pour le salut éternel. Il consiste à m'abaisser et à m'humilier autant qu'il me sera possible et qu'il est nécessaire pour obéir en tout à la loi de Dieu, notre Seigneur : de sorte que, quand on m'offrirait le domaine de l'univers, quand on me menacerait de m'ôter la vie, je ne mette pas même en délibération la possibilité de transgresser un commandement de Dieu ou des hommes, qui m'oblige sous peine de péché mortel.

166 ‹ Le second degré d'humilité est plus parfait que le premier. Il consiste à me trouver dans une entière indifférence de volonté et d'affection entre les richesses et la pauvreté, les honneurs et les mépris, le désir d'une longue vie ou d'une vie courte, pourvu qu'il en revienne à Dieu une gloire égale et un égal avantage au salut de mon âme. De plus, quand il s'agirait de gagner le monde entier, ou de sauver ma propre vie, je ne balancerais pas à rejeter toute pensée de commettre à cette fin un seul péché véniel.

167 ‹ Le troisième degré d'humilité est très parfait. Il renferme les deux premiers, et veut de plus, supposé que la louange et la gloire de la Majesté divine soient égales, que, pour imiter plus parfaitement Jésus-Christ, notre Seigneur, et me rendre de fait plus semblable à lui, je préfère, j'embrasse la pauvreté avec Jésus-Christ pauvre, plutôt que les richesses ; les opprobres avec Jésus-Christ rassasié d'opprobres, plutôt que les honneurs ; le désir d'être regardé comme un homme inutile et insensé, par amour pour Jésus-Christ, qui le premier a été regardé comme tel, plutôt que de passer pour un homme sage et prudent aux yeux du monde.

168 ‹ Il sera donc très utile, pour celui qui désire obtenir ce troisième degré d'humilité, de faire les trois colloques de la méditation des Trois Classes, demandant à Notre-Seigneur qu'il veuille l'appeler à cette vertu dans un degré plus élevé et plus précieux que les deux premiers, afin de l'imiter et de le servir plus parfaitement, pourvu que le service et la louange de sa divine Majesté s'y trouvent également, ou davantage.


de l'élection

I. ‹ prélude, ou principe fondamental

169 ‹ La première condition requise pour faire une bonne élection est, de notre part, que l'oeil de notre intention soit simple. Je ne dois considérer qu'une seule chose, la fin pour laquelle je suis créé. Or cette fin est la gloire de Dieu, notre Seigneur, et le salut de mon âme ; donc, quelle que soit la chose que je me décide à choisir, ce doit être pour qu'elle m'aide à obtenir cette fin : me gardant de subordonner et d'attirer la fin au moyen, mais dirigeant le moyen vers la fin.
Un grand nombre de personnes commencent souvent par se déterminer à embrasser l'état conjugal, par exemple, qui n'est qu'un moyen, puis à servir dans cet état Dieu, notre Seigneur, ce qui est notre fin. D'autres commencent également par prendre la résolution d'accepter des bénéfices ecclésiastiques, et elles pensent ensuite aux moyens de servir Dieu en possédant ces bénéfices. Aucune de ces personnes ne va droit à Dieu ; mais toutes veulent que Dieu vienne droit à leurs affections déréglées ; et, par conséquent, elles font de la fin le moyen, et du moyen la fin. Elles mettent en dernier lieu ce qu'elles devraient avoir premièrement en vue.
Car nous devons en premier lieu nous proposer de servir Dieu, ce qui est notre fin ; et, en second lieu, d'accepter un bénéfice ou de choisir l'état de mariage, si cela nous paraît plus convenable, ce qui est le moyen pour arriver à notre fin. Aucun motif ne doit donc me déterminer à choisir ou à rejeter tout ce qui est proprement moyen, que le service et la louange de Dieu, notre Seigneur, et le salut éternel de mon âme.


II. ‹ de la nature des objets qui peuvent être matière de l'élection

Quatre règles et une remarque.

170 ‹ Première règle. ‹ Il est nécessaire que toutes les choses dont nous voulons faire élection soient indifférentes ou bonnes en elles-mêmes, et admises dans l'Eglise catholique, notre sainte Mère. Elles ne peuvent donc jamais être mauvaises, ni contraires à ce que l'Eglise reçoit.

171 ‹ Deuxième règle ‹ Il est des choses qui rendent l'élection invariable, comme sont le sacerdoce, le mariage, etc. ; il en est d'autres qui la laissent variable, comme sont les bénéfices ecclésiastiques et les biens temporels, que l'on peut accepter et abandonner à volonté.

172 ‹ Troisième règle. ‹ Lorsqu'on a fait une élection qui est, de sa nature, invariable, par exemple, lorsqu'on s'est engagé dans le mariage ou dans les ordres sacrés, il n'y a plus à y revenir, puisque le lien est essentiellement indissoluble.
Si donc on n'a pas fait cette élection avec maturité et sans affection déréglée, comme on le devait, il faut tâcher de s'en repentir, et de mener une vie régulière dans l'état que l'on a choisi, bien que cette élection ne soit pas, ce semble, une vocation divine, puisqu'elle s'est faite avec une intention oblique et avec affection déréglée. Beaucoup de personnes se trompent en prenant une élection semblable pour une vocation divine : car la vocation divine est toujours pure et sans souillure, sans mélange des inclinations de la chair et des sens, ni d'aucune autre affection désordonnée.

173 ‹ Quatrième règle. ‹ Si l'on a fait d'une manière sage et convenable, sans prendre conseil de la chair ni du monde, une élection qui est en elle-même variable, il n'y a pas de raison pour faire de nouveau l'élection. Il suffira de se perfectionner dans l'état que l'on a choisi, autant qu'on le pourra.

174 ‹ Remarque. ‹ Mais si cette élection variable n'a pas été faite avec une intention droite et une affection réglée, il sera utile de la faire de nouveau, si on a le désir de produire des fruits de salut abondants et très agréables à la Majesté divine.


III. ‹ de trois temps ou circonstances dans lesquels on peut faire une bonne et sage élection

175 ‹ Le premier temps est lorsque Dieu, notre Seigneur, meut et attire tellement la volonté, que, sans douter ni pouvoir douter, l'âme pieuse suit ce qui lui est montré ; comme le firent saint Paul et saint Matthieu, en suivant Jésus-Christ, notre Seigneur.

176 ‹ Le second, lorsque l'âme reçoit beaucoup de lumière et de connaissance au moyen des consolations et des désolations intérieures qu'elle éprouve, et par l'expérience du discernement des esprits.

177 ‹ Le troisième est tranquille. L'homme, considérant d'abord pourquoi il est créé, c'est-à-dire pour louer Dieu, notre Seigneur, et sauver son âme, et touché du désir d'obtenir cette fin, choisit comme moyen un état ou genre de vie parmi ceux que l'Eglise autorise, pour mieux travailler au service de son Seigneur et au salut de son âme.
J'appelle temps tranquille celui où l'âme n'est pas agitée de divers esprits, et fait usage de ses puissances naturelles, librement et tranquillement.

178 ‹ Si l'élection ne se fait pas dans le premier ou dans le second temps, voici deux manières de la faire dans le troisième.

IV. ‹ premier mode pour faire une bonne et sage élection

Il renferme six points.
Premier point. ‹ Le premier point consiste à me représenter l'objet qui est la matière de l'élection. C'est un emploi ou un bénéfice que je puis accepter ou refuser, ou toute autre chose qui tombe sous l'élection variable.

179 ‹ Second point. ‹ Dans le second point, je dois me mettre devant les yeux la fin pour laquelle je suis créé, savoir : louer Dieu, notre Seigneur, et sauver mon âme. Je dois en outre me trouver dans une entière indifférence, et sans aucune affection désordonnée ; de sorte que je ne sois pas plus porté ni affectionné à choisir l'objet proposé qu'à le laisser ; ni plus à le laisser qu'à le choisir, gardant l'équilibre de la balance, et prêt à suivre le parti qui me semblera le plus propre à procurer la gloire de Dieu et le salut de mon âme.

180 ‹ Troisième point. ‹ Dans le troisième point, je demanderai à Dieu, notre Seigneur, qu'il daigne toucher ma volonté, et mettre lui-même dans mon âme ce que je dois faire relativement au choix qui m'occupe, à sa plus grande louange et à sa plus grande gloire, réfléchissant de mon côté avec attention et fidélité, au moyen de l'entendement, afin de faire un choix conforme à sa très sainte volonté et à son bon plaisir.

181 ‹ Quatrième point. ‹ Dans le quatrième point, je considérerai avec attention, d'un côté, l'utilité et les avantages qui doivent résulter pour moi de l'acceptation de cet emploi ou de ce bénéfice, sous le rapport unique de la louange de Dieu, notre Seigneur, et du salut de mon âme ; et, de l'autre, je considérerai les inconvénients et les dangers.
Ensuite, j'examinerai avec la même diligence, d'abord l'utilité et les avantages, puis les inconvénients et les dangers du refus.

182 ‹ Cinquième point. ‹ Dans le cinquième point, après avoir ainsi examiné la question sous ses divers points de vue, je considérerai de quel côté la raison incline davantage ; et, ne suivant que sa lumière, sans consulter aucunement les sens, je fixerai mon choix sur la matière que je viens de discuter.

183 ‹ Sixième point. ‹ L'élection ainsi terminée, je m'empresserai de me mettre en prière en la présence de Dieu, notre Seigneur, et de lui offrir le choix que je viens de faire, afin que sa divine Majesté daigne le recevoir et le confirmer, s'il est conforme à son plus grand service et à sa plus grande gloire.


V. ‹ Second mode pour faire une bonne et sage élection

Il renferme quatre règles et une remarque.

184 ‹ Première règle. ‹ L'amour qui me porte et me détermine à choisir tel objet doit venir d'en haut, et descendre de l'amour de Dieu même. Je dois donc, avant d'arrêter mon élection, sentir intérieurement que l'affection plus ou moins grande que j'éprouve pour cet objet est uniquement en considération de mon Créateur et Seigneur.

185 ‹ Seconde règle. ‹ Je me représenterai un homme que je n'ai jamais vu ni connu ; et, lui désirant toute la perfection dont il est capable, j'examinerai ce que je lui dirais de faire et de choisir pour la plus grande gloire de Dieu, notre Seigneur, et pour la plus grande perfection de son âme ; puis, me donnant à moi-même les mêmes conseils, je ferai ce que je lui dirais de faire.

186 ‹ Troisième règle. ‹ Je considérerai, comme si j'étais à l'article de la mort, de quelle manière et avec quel soin je voudrais m'être conduit dans l'élection présente ; et, me réglant sur ce que je voudrais avoir fait alors, je le ferai fidèlement maintenant.

187 ‹ Quatrième règle. ‹ Je considérerai avec attention quelles seront mes pensées au jour du jugement ; je me demanderai comment je voudrais avoir délibéré dans l'élection actuelle ; et la règle que je voudrais alors avoir suivie est celle que je suivrai à cette heure, afin de me trouver en ce jour dans un entier contentement et dans une grande joie.

188 ‹ Remarque. ‹ Après avoir exactement observé ces quatre règles, et pourvu ainsi au repos et au salut éternel de mon âme, je ferai mon élection et mon oblation à Dieu, notre Seigneur, comme il a été dit dans le sixième point du premier mode d'élection 183 .


VI. ‹ De l'amendement personnel et de la réforme à introduire dans l'état de vie que l'on a embrassé

189 ‹ Quant aux personnes constituées en dignité dans l'Eglise ou engagées dans le mariage, il faut, abstraction faite de la grandeur ou de la médiocrité de leur fortune, tenir avec elles la conduite suivante. Lorsque le retraitant n'a pas la facilité, et surtout une volonté ferme de faire l'élection sur certains points qui tombent sous l'élection variable, il est très utile, pour y suppléer, de lui suggérer quelques avis, de lui tracer quelques règles, qui l'aideront à réformer sa conduite personnelle, et sa manière d'être dans l'état de vie qu'il a embrassé.
Ainsi, après s'être rappelé qu'il a été créé pour la gloire et la louange de Dieu, notre Seigneur, et pour le salut de son âme, il fera en sorte de rapporter toute sa conduite et son état de vie à cette double fin.
Pour arriver à ce but, il réfléchira attentivement, à l'aide des exercices précédents, et d'après les modes d'élection que nous avons exposés, quelle doit être sa maison et le nombre de ses domestiques ; comment il doit les conduire et les gouverner ; comment il est de son devoir de les instruire par ses discours et par ses exemples ; de même, quelle partie de ses revenus il peut employer aux besoins de sa famille et de sa maison, et quelle autre il doit distribuer aux pauvres et consacrer aux bonnes oeuvres.
Et il ne doit en tout et pour tout cela ni vouloir, ni chercher autre chose que la plus grande louange et la plus grande gloire de Dieu, notre Seigneur : car il faut que chacun sache qu'il avancera dans les choses spirituelles à proportion qu'il se dépouillera de son amour-propre, de sa volonté propre, et de son propre intérêt.

TROISIEME SEMAINE

premier jour

première contemplation

190 La première contemplation se fera au milieu de la nuit, sur le voyage de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de Béthanie à Jérusalem, jusqu'à la dernière Cène inclusivement cf. Mystères, 289 . Elle renferme l'oraison préparatoire, trois préludes six points et un colloque.
L'oraison préparatoire est la même que les Semaines précédentes.

191 ‹ Le premier prélude consiste à se rappeler l'histoire du mystère. Dans la contemplation présente, on se rappellera comment Jésus-Christ, notre Seigneur, envoya de Béthanie à Jérusalem deux de ses disciples pour préparer la Cène ; comment il y alla lui-même ensuite avec les autres disciples ; comment, après la manducation de l'agneau pascal, à la fin du repas dont elle fut suivie, il leur lava les pieds, leur donna son très saint Corps et son précieux Sang ; comment, enfin, il leur adressa le discours de la Cène, lorsque Judas fut sorti pour aller vendre son Seigneur.

192 ‹ Le second est la composition de lieu. Ici, il consistera à considérer le chemin de Béthanie à Jérusalem. Est-il large ou étroit ? uni ou raboteux ? De même, le lieu de la Cène. Est-il vaste ou resserré ? disposé de telle ou de toute autre manière ?

193 ‹ Le troisième est la demande de ce que l'on veut obtenir. Dans cette contemplation, je demanderai la tristesse, la douleur et la confusion, puisque c'est pour mes péchés que le Seigneur va à sa Passion.

194 ‹ Dans le premier point, je verrai les personnes de la Cène ; puis, réfléchissant en moi-même, je m'efforcerai d'en retirer quelque profit.
Dans le second, j'entendrai ce qu'elles disent, et je tâcherai d'en retirer quelque utilité pour mon âme.
Dans le troisième, je regarderai ce qu'elles font, afin d'en retirer quelque fruit.

195 ‹ Dans le quatrième, je considérerai, selon le passage de la Passion que je contemple, ce que Jésus-Christ, notre Seigneur, souffre ou désire souffrir en son Humanité. Ici, je commencerai à réunir toutes les forces de mon âme pour m'exciter à la douleur, à la tristesse et aux larmes ; ce que je ferai avec la même application dans les points suivants.

196 ‹ Dans le cinquième, je considérerai comment la Divinité reste cachée durant toute la Passion du Sauveur. Elle pourrait détruire ses ennemis, et elle ne le fait pas ; et elle abandonne aux plus cruels tourments la très sainte Humanité qui lui est unie.

197 ‹ Dans le sixième, je considérerai que le Sauveur endure toutes ses souffrances pour mes péchés ; et je me demanderai ce que je dois faire et souffrir pour lui.

198 ‹ Je terminerai par un colloque à Jésus-Christ, notre Seigneur, et par l'Oraison dominicale.

199 ‹ Il faut remarquer, comme nous l'avons déjà dit en partie 54 109 , que dans les colloques nous devons, soit pour le raisonnement, soit pour les demandes, consulter le sujet de la méditation et nos dispositions présentes. J'éprouve, par exemple, des tentations ou des consolations ; je désire obtenir telle ou telle vertu ; j'ai dessein d'embrasser tel parti ou tel autre ; je veux m'exciter à la tristesse ou à la joie, selon le mystère que je contemple ; dans ces suppositions et dans toutes les autres, mes demandes doivent toujours se rapporter à certains points particuliers que je désire plus vivement obtenir. On peut se contenter d'un seul colloque, que l'on adressera à Jésus-Christ, notre Seigneur, ou en faire trois, si le sujet de la méditation ou la dévotion y porte : l'un à la très sainte Vierge, l'autre à son divin Fils, le troisième à Dieu le Père, comme il est dit dans la Seconde semaine à la fin de la méditation des Deux Étendards, en observant ce qui est marqué dans la note qui suit l'exercice des Trois Classes 147 157 .

seconde contemplation

La seconde contemplation, celle du matin, se fera sur les faits qui se sont passés depuis la fin de la Cène jusqu'au jardin inclusivement. Voir 290 .

200 ‹ L'oraison préparatoire ordinaire.

201 ‹ Le premier prélude est un précis de l'histoire. Ici, je me rappellerai comment Jésus-Christ, notre Seigneur, descendit avec ses onze disciples de la montagne de Sion, où il venait de célébrer la Cène, dans la vallée de Josaphat. Il en laisse huit dans un endroit de la vallée, et les trois autres dans une partie du Jardin ; et, se mettant en prière, il répand une sueur comme des gouttes de sang. Il fait par trois fois une prière à son Père ; il réveille ses trois disciples ; ses ennemis tombent à sa voix ; Judas lui donne le baiser de paix ; saint Pierre abat une oreille à Malchus ; Jésus la lui remet en place ; il est pris comme un malfaiteur ; on le conduit, en descendant la vallée, et ensuite en remontant la côte, à la maison d'Anne.

202 ‹ Le second est de voir le lieu de la contemplation. Ici, je considérerai le chemin de la montagne de Sion à la vallée de Josaphat ; de même le Jardin : sa longueur, sa largeur, sa disposition, comme l'imagination me le représentera.

203 ‹ Le troisième est de demander ce que je veux obtenir. Ce qu'il est convenable de demander dans la Passion, c'est la douleur avec Jésus-Christ dans la douleur ; le brisement de l'âme avec Jésus-Christ brisé dans son âme et dans son corps ; des larmes, et le sentiment intérieur de tant de maux que Jésus-Christ a soufferts pour moi.


Remarques

204 ‹ Première remarque. ‹ Après l'oraison préparatoire et les trois préludes, on suivra, dans cette seconde contemplation, le même ordre pour les points et le colloque que dans la première 194 198 . A l'heure de la messe et de vêpres, on fera deux répétitions de l'une et de l'autre, et l'application des sens avant le souper ; commençant par l'oraison préparatoire et les préludes, selon le sujet de la contemplation, suivant ce qui a été recommandé et expliqué dans la seconde Semaine 159 .

205 ‹ Deuxième remarque. ‹ Autant que l'âge, les forces et les dispositions de la personne qui fait les Exercices le permettront, elle fera chaque jour les cinq exercices, au moins.

206 ‹ Troisième remarque. ‹ Dans cette troisième Semaine, on modifiera de la manière suivante la deuxième et la sixième additions.
Deuxième addition
74 . ‹ Aussitôt que je serai réveillé, je me représenterai où je vais, et pourquoi ; je résumerai brièvement le sujet de ma contemplation ; et, selon le mystère que je vais contempler, je m'efforcerai, en me levant et en m'habillant, de m'exciter intérieurement à la douleur et à la tristesse, à la vue des douleurs sans nombre et des souffrances incompréhensibles de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Sixième addition 78 . ‹ Je ne chercherai point à m'entretenir de pensées consolantes, quoique bonnes et saintes, comme seraient celles de la Résurrection et du Ciel ; mais je m'exciterai plutôt à la douleur, à la tristesse, à l'affliction de l'âme ; rappelant souvent à ma mémoire les travaux, les fatigues et les douleurs que Notre-Seigneur Jésus-Christ endura depuis le moment de sa naissance jusqu'au mystère de la Passion que je médite maintenant.

207 ‹ Quatrième. ‹ L'examen particulier se fera sur les exercices et les additions présentes, comme la Semaine précédente.

second jour

208 La contemplation du milieu de la nuit se fera sur ce qui s'est passé depuis la sortie du Jardin jusqu'à la maison d'Anne inclusivement 291 ; et celle du matin, depuis la maison d'Anne jusqu'à la maison de Caïphe inclusivement voir 292 ; et ensuite les deux répétitions et l'application des sens, comme il a été dit 204 .

troisième jour

Au milieu de la nuit, de la maison de Caïphe au Prétoire inclusivement 293 ; le matin, du Prétoire au palais d'Hérode inclusivement 294 ; et ensuite les répétitions et l'application des sens, de la manière déjà dite.

quatrième jour

Au milieu de la nuit, sur le renvoi d'Hérode à Pilate jusqu'à la moitié des mystères qui se sont passés dans la maison de Pilate 295 ; dans l'exercice du matin, les autres Mystères qui se sont passés au Prétoire ; puis les répétitions et l'application des sens, comme il est dit.

cinquième jour

Au milieu de la nuit, ce qui se passa depuis la maison de Pilate jusqu'au Crucifiement du Sauveur 296 ; et le matin, depuis qu'il fut élevé en Croix jusqu'à ce qu'il rendit le dernier soupir 297 ; ensuite les deux répétitions et l'application des sens.

sixième jour

Au milieu de la nuit, depuis la descente de Croix jusqu'au Sépulcre exclusivement 298 ; et le matin, depuis le Sépulcre inclusivement jusqu'à la maison où se retira Notre-Dame, lorsque son Fils fut enseveli.

septième jour

La contemplation de toute la Passion dans l'exercice du milieu de la nuit, et dans celui du matin ; et au lieu des deux répétitions et de l'application des sens, on considérera tout le jour, autant qu'on le pourra, comment le très sacré corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ resta séparé de son âme ; où et comment il fut enseveli. On considérera de même, d'un côté, la solitude de Notre-Dame, plongée dans une grande douleur et dans une grande affliction ; et, de l'autre, l'isolement et la tristesse des disciples.


Ignace exercices 135