Brentano - Emmerich: Douloureuse Passion 222


223. MARIE PENDANT LA FLAGELLATION DE JESUS

223
Je vis la sainte Vierge en extase continuelle pendant la flagellation de notre divin Rédempteur ; elle vit et souffrit intérieurement avec un amour et une douleur indicibles tout ce que souffrait son fils. Souvent de faibles gémissements sortaient de sa bouche ; ses yeux étaient rouges de larmes. Elle était voilée et étendue dans les bras de Marie d'Héli, sa soeur aînée (1), qui était déjà vieille et ressemblait beaucoup à Anne, leur Mère. Marie de Cléophas, fille de Marie d'Héli était aussi la et se tenait presque toujours au bras de sa mère. Les saintes amies de Marie et de Jésus étaient voilées, tremblantes de douleur et d'inquiétude, serrées autour de la sainte Vierge, et poussant de faibles gémissements comme si elles eussent attendu leur propre sentence de mort. Marie avait une longue robe blanche et par-dessus un grand manteau de laine blanche avec un voile d'un blanc approchant du jaune. Madeleine était bouleversée et terrassé par la douleur, ses cheveux étaient épars sous son voile.



Note : Marie d'Héli est souvent mentionnée dans ce récit. D'après l'ensemble des visions de la soeur sur la sainte Famille, celle-ci était fille de Joachim et d'Anne, née prés de vingt ans avant la sainte Vierge. Elle n'était pas l'enfant de la promesse et elle est distinguée des autres Marie par le nom de Marie d'Héli, parce qu'elle était fille de Joachim ou Heliachim. Son mari s'appelait Cléophas et sa fille Marie de Cléophas. Celle-ci, nièce de la sainte Vierge, était pourtant plus âgée qu'elle. Son premier mari s'appelait Alphée : les fils qu'elle avait eu de celui-ci étaient les apôtres Simon, Jacques-le-Mineur et Jude Thaddée. Elle avait eu de Sabas, son second mari, Joseph Barsabas, et d'un troisième mariage avec un certain Jonas, Siméon, qui fut évêque de Jérusalem.



Lorsque Jésus, après la Flagellation, tomba au pied de la colonne, je vis Claudia Procle, la femme de Pilate, envoyer à la mère de Dieu de grandes pièces de toile. Je ne sais si elle croyait que Jésus serait délivré et que cette toile serait nécessaire à sa mère pour panser ses blessures, ou si la païenne compatissante savait l'usage auquel la sainte Vierge emploierait son présent. Marie, revenue à elle, vit son fils tout déchiré conduit par les archers : il essuya ses yeux pleins de sang pour regarder sa mère. Elle étendit les mains vers lui et suivit des yeux la trace sanglante de ses pieds. Je vis bientôt Marie et Madeleine, comme le peuple se portait d'un autre côté, s'approcher de la place où Jésus avait été flagellé : cachées par les autres saintes femmes et par quelques personnes bien intentionnées qui les entouraient elles se prosternèrent à terre près de la colonne, et essuyèrent partout le sang sacré de Jésus avec les linges qu'avait envoyés Claudia Procle. Jean n'était pas en ce moment près des saintes femmes, qui étaient à peu près au nombre de vingt. Le fils de Siméon, celui de Véronique, celui d'Obed, Aram et Themni, neveu d'Arimathie, étaient occupés dans le Temple, pleins de tristesse et d'angoisse. Il était environ neuf heures du matin lorsque finit la flagellation.




224. INTERRUPTION DES TABLEAUX DE LA PASSION

224
La soeur Emmerich vit jour par jour cette suite de tableaux, depuis le 18 février jusqu'au 8 mars, veille du quatrième dimanche de carême, et pendant ce temps elle souffrit d'inexprimables douleurs du corps et de l'âme. Plongée dans ces contemplations, fermée à toutes les sensations extérieures, elle pleurait et gémissait comme un enfant livré aux bourreaux ; elle tremblait, tressaillait et se tordait sur sa couche en gémissant ; son visage ressemblait à celui d'un homme mourant dans les supplices, et une sueur de sang ruisselait souvent sur sa poitrine et sur ses épaules. En général, sa sueur était si abondante, que tout ce qui était prés d'elle en était trempé et que son lit en était pénétré. Elle souffrait aussi de la soit au point qu'on eût dit d'un homme altéré, perdu dans un désert sans eau. Sa bouche était desséchée le matin et sa langue retirée et contractée, en sorte qu'elle ne pouvait demander qu'on la soulageât qu'avec des sons inarticulés et des signes d'une fièvre continuelle accompagnait toutes ses souffrances ou en était la suite, et en outre ses douleurs habituelles et celles dont elle se chargeait au profit d'autrui continuaient sans relâche. Ce n'était qu'après avoir repris quelque force à grand peine qu'elle pouvait raconter les tableaux de la Passion : encore ne les racontait-elle pas tous les jours et d'une haleine, mais en s'y prenant à plusieurs reprises.

Le samedi 8 mars 1823, elle avait raconté avec une souffrance infinie la flagellation de Jésus-Christ, qui avait été la vision de la nuit précédente, et qui sembla lui être encore présente pendant une partie de la journée : mais vers la fin du jour il y eut une interruption dans la série, jusque-là régulière, de ses visions de la Passion. Nous en rendons compte ici, comme faisant mieux connaître la vie intérieure d'une personne aussi extraordinaire, et aussi comme un point de repos pour le lecteur de ce livre. Car nous avons éprouvé nous-mêmes qu'il y a pour les faibles une certaine fatigue dans la représentation de la Passion du Sauveur, bien quelle se soit accomplie pour leur salut.

La vie spirituelle et corporelle de la Soeur était en union continuelle avec la vie journalière de l'Eglise dans le temps. C'était un rapport plus impérieux peut-être que celui qui met notre vie dans la dépendance des saisons, des heures du jour, du soleil et de la lune, du climat et de la température, et par suite duquel elle rendait un témoignage perpétuel de l'existence et de la signification de tous les mystères Et de toutes les solennités célébrées par l'Eglise dans le temps. Elle les suivait si fidèlement, qu'au moment où commençait l'office de chaque fête, c'est-à-dire la veille au soir, tout son état intérieur et extérieur, spirituel et corporel, éprouvait un changement. Quand le soleil spirituel d'un des jours de l'Eglise s'était couche, elle se tournait à l'instant vers celui du jour suivant pour pénétrer toutes ses prières, tous ses travaux, toutes ses souffrances de la grâce spéciale attachée à cette nouvelle journée, de même qu'une plante se baigne dans la rosée, se joue dans la lumière et la chaleur de l'aurore naissante.

Il se faisait une révolution dans tout son être, non pas précisément quand la cloche du soir tintait l'Angélus, lequel peut être sonné trop tôt ou trop tard, à cause de l'ignorance ou de la paresse de ceux qui en sont chargés, mais quand ce moment d'une nouvelle reproduction de l'ordre éternel dans le temps arrivait réellement, à une heure dont les autres humains ne pouvaient être avertis par leurs sens.

Si l'Eglise célébrait une fête douloureuse, on la voyait accablée, languissante et comme flétrie : mais au moment où commençait une fête de réjouissance, son corps et son âme se relevaient soudainement comme ranimés par la rosée d'une grâce nouvelle, et elle restait jusqu'au soir suivant calme, sérieuse, joyeuse, comme si un voile eût été jeté sur ses douleurs, rendant par là témoignage à la vérité intime et éternelle de cette fête. Or, tout cela se passait en elle sans la participation de sa volonté, au moins n'en avait-elle pas plus la conscience réfléchie que l'abeille, lorsqu'avec le suc des fleurs, elle construit artistement des rayons de miel : mais comme elle avait eu dès sa plus tendre enfance le désir sincère d'être toujours obéissante envers Jésus et l'Eglise, elle avait trouvé grâce devant Dieu, qui pour récompenser sa bonne volonté, avait transformé sa nature de manière à ce qu'elle se tournât spontanément et irrésistiblement vers l'Eg1ise comme une plante vers la lumière, même quand on l'entoure d'une nuit artificielle.

Le samedi 8 mars 1823, après le coucher du soleil, comme elle venait de raconter, non sans beaucoup de peine, les scènes de la flagellation de Notre-Seigneur, elle se tut tout à coup, et celui qui écrit ces pages croyait que son âme était déjà passée à la contemplation du couronnement d'épines. Mais après quelques minutes de repos, son visage, altéré et défait comme celui d'une agonisante, brilla d'une douce et aimable sérénité, et elle prononça quelques paroles de ce ton affectueux avec lequel une personne innocente parle à des enfants : « Ah ! l'aimable petit garçon ! disait-elle. Qui est-il donc ? Attendez, je vais le lui demander. - il s'appelle le petit Joseph. - Il vient à moi en courant à travers la foule.  -  Le pauvre enfant !  -  il est si aimable, il sourit ; il ne sait rien de ce qui se passe. -  il me fait pitié ; il est presque nu ; j'ai peur qu'il n'ait froid. - L'air est si frais ce matin. - Attends, je vais te couvrir un peu ». Après ces paroles, prononcées avec tant de vérité qu'on eût pu regarder autour de soi si l'enfant n'y était pas, elle prit des linges qui étaient prés d'elle, et fit tous les gestes d'une personne compatissante qui veut préserver du froid un petit enfant. Son ami l'observa attentivement et soupçonna que ces gestes indiquaient une prière et un acte intérieur comme il l'avait souvent remarqué déjà.
Cependant il ne put avoir alors l'explication de ce qui avait motivé ses paroles ; car il y eut un changement subit dans son état. Une personne qui la soignait fit entendre le mot d'obéissance : ce mot était le nom d'un des voeux par lesquels elle s'était consacrée au Seigneur, et à l'instant elle recueillit ses esprits comme un enfant docile que sa mère appelle à elle, en le réveillant d'un profond sommeil. Elle saisit vivement son rosaire et le petit crucifix qu'elle avait toujours sur elle, ajusta ses vêtements, se frotta les yeux, et se mit sur son séant ; puis on la porta de son lit sur une chaise, incapable qu'elle était de se tenir debout ou de marcher : c'était le temps où l'on faisait son lit. Son ami la quitta pour mettre par écrit ce qu'il avait recueilli dans la journée.

Le dimanche 9 mars, il demanda à la personne qui la soignait : « Que voulait dire la malade hier soir, lorsqu'elle parlait d'un enfant appelé Joseph » ? Et cette personne répondit : « Elle a été encore longtemps occupée du petit Joseph, c'est le fils d'une de mes cousines qu'elle aime beaucoup. J'ai peur que cela ne présage d'une maladie à cet enfant ; car elle a dit plusieurs fois qu'il était presque nu, qu'elle craignait qu'il n'eût froid ». Son ami se ressouvint alors d'avoir vu, en effet, ce petit Joseph jouer plusieurs fois sur le lit de la malade, et il crut seulement qu'elle avait rêvé la veille à cet enfant. Lorsque plus tard il la visita, pour se faire raconter par elle la suite des scènes de la Passion, il la trouva, contre son attente, plus sereine et en meilleur état que les jours précédents. Elle lui dit qu'elle n'avait plus rien vu après la flagellation et lorsqu'il la questionna au sujet de ce petit Joseph dont elle avait tant parlé, elle ne se souvint plus d'avoir pensé cet enfant. Il lui demanda ce qui faisait qu'elle était en ce jour beaucoup plus calme, plus sereine et mieux portante, et elle répondit qu'il en était toujours ainsi au milieu du Carême, que l'Eglise chantait avec Isaïe à l'introït du saint sacrifice de la messe : « Réjouis-toi, Jérusalem ! Rassemblez-vous, vous tous qui l'aimez ; réjouissez-vous, vous qui étiez tristes ; soyez dans la joie, et rassasiez-vous des mamelles de votre consolation » ; que c'était donc un jour d'allégresse ; que d'ailleurs, dans l'Evangile du jour, le Seigneur avait nourri cinq mille hommes avec cinq pains et deux poissons, dont il était resté douze corbeilles, qu'il fallait donc se réjouir. Elle ajouta qu'il l'avait aussi nourrie le matin avec la sainte communion, et qu'en ce jour de Carême, elle s'était sentie fortifiée corporellement et spirituellement. Son ami jeta les yeux sur l'almanach de Munster, et il y vit qu'outre le dimanche de Laetare, on célébrait encore, dans ce diocèse, la fête de saint Joseph, ce qu'il ignorait, parce qu'ailleurs cette fête tombe le 19 mars. Il le lui fit remarquer, et lui demanda si ce n'était pas là ce qui l'avait fait parler de Joseph, et elle lui dit qu'elle savait bien que c'était la fête du père nourricier de Jésus ; mais qu'elle n'avait point pensé à cet enfant qui portait son nom et qu'on amenait quelquefois près d'elle. Au milieu de cette conversation, elle se souvint tout à coup de ce qui avait été l'objet de sa vision de la veille. C'était, en effet, une joyeuse image de saint Joseph, qui, à l'occasion de sa fête et du dimanche de Laetare, s'était introduite tout d'un coup au milieu des visions de la Passion.

Nous avons souvent reconnu que celui qui lui parlait lui envoyait souvent ses messagers sous une forme enfantine, et que cela arrivait toujours dans des cas où l'art humain aussi aurait pu se servir d'une figure d'enfant pour interpréter sa pensée. Si, par exemple, une de ses visions de l'histoire sainte lui représentait une prophétie accomplie, elle voyait courir près du tableau qui se déroulait sous ses yeux un enfant qui, dans sa pose, dans son vêtement, dans la manière dont il portait à la main ou faisait flotter en l'air au bout d'un bâton un écrit prophétique reproduisait les traits caractéristiques de tel ou tel prophète. Avait-elle de grandes douleurs à souffrir, il venait vers elle un petit enfant doux et silencieux, habillé de vert ; il s'asseyait, d'un air résigné, dans une position très incommode, sur le bord étroit et dur de son lit, se laissait porter d'un bras à l'autre, ou poser à terre sans rien dire. Il la regardait constamment d'un air affectueux, et lui donnait des consolations : c'était la patience. Si, dans un moment de fatigue ou de souffrance extraordinaire prise pour soulager autrui, elle entrait en rapport avec un saint, soit par la célébration de sa fête, soit par l'intermédiaire d'une relique, elle ne voyait que des scènes de l'enfance de ce saint, tandis que, dans d'autres cas, elle voyait son martyre, avec les plus terribles circonstances. Dans ses plus grandes souffrances, lorsqu'elle était totalement épuisée, la consolation, souvent même l'instruction et l'avertissement lui venaient par des figures d'enfants. Il arrivait souvent aussi que, dans certaines peines, dans certaines angoisses auxquelles elle ne savait pas résister, elle s'endormait, et se trouvait reportée à quelque danger couru pendant son enfance. Elle croyait, comme le montraient ses paroles et ses gestes pendant son sommeil, être redevenue une pauvre petite paysanne de cinq ans, qui, en voulant traverser une haie, restait prise dans les épines et pleurait. C'étaient toujours des scènes réelles de son enfance qui se reproduisaient alors, et l'application en était souvent faite par des paroles comme celles-ci : « Pourquoi cries-tu ? Je ne te tirerai pas de la haie tant que tu n'attendras pas mon secours patiemment, en me priant avec amour ». Elle avait obéi à cet ordre étant enfant, lorsqu'elle se trouvait dans la haie, et elle le suivait dans sa vieillesse, lors de ses plus terribles épreuves, puis, quand elle était réveillée, elle parlait en riant de la haie où elle avait été emprisonnée, de ce moyen de la patience et de la prière qui lui avait été donné comme une clef pour en sortir, qu'eue avait reçu dans son enfance et qu'elle avait souvent négligé, mais auquel elle recourait de nouveau avec une confiance qui n'était jamais trompée. Ce rapport symbolique de certaines circonstances de son enfance avec les événements de sa vie postérieure, montrait qu'il y a dans la vie de l'individu, comme dans cette de l'humanité, des types prophétiques. Mais à l'individu, comme au genre humain, un type divin a été donné dans la personne du Rédempteur, afin que l'un et l'autre, s'élançant sur ses traces, et dépassant avec son aide les bornes de la nature, arrivent à la pleine liberté de l'esprit, à l'âge de la plénitude du Christ ; en sorte qua la volonté de Dieu se fasse sur la terre comme dans le ciel et que son règne nous arrive.

Elle raconta les fragments suivants des visions qui, la veille, avaient interrompu les scènes de la Passion, au moment des premières vêpres de la fête de saint Joseph.




225. SAINT JOSEPH ENFANT INTERROMPT LES VISIONS DE LA PASSION

225
Au milieu de ces terribles événements, j'étais à Jérusalem, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, et je pliais sous le poids de l'affliction et d'une souffrance aussi amère que la mort. Pendant qu'ils fouettaient mon adorable fiancé, j'étais assise tout auprès, dans un endroit où aucun Juif n'osait venir de peur de se souiller. Pour moi, ce n'était pas ce que je craignais ; je désirais au contraire qu'une seule goutte de son sang jaillit sur moi pour me purifier. J'avais le coeur si déchiré, qu'il me semblait que j'allais mourir, car je ne pouvais secourir Jésus : je ne pouvais rien empêcher et j'en souffrais à tel point que j'étais près d'expirer. Je gémissais, je sanglotais à chaque coup qu'on lui portait, et m'étonnais seulement de ce qu'on ne me chassait pas. Hélas ! quel affreux spectacle de voir mon fiancé chéri tout déchiré, étendu au pied de la colonne sur le sol tout couvert de son sang précieux ! combien étaient révoltantes ces misérables filles de joie qui le raillaient et se détournaient avec dégoût en passant prés de lui ! avec quel regard touchant il semble leur dire : « C'est vous qui m'avez ainsi déchiré et vous vous raillez de moi ! » Avec quelle inhumanité les bourreaux le poussaient à coups de pied pour le faire avancer pendant qu'il se traînait tout couvert de plaies saignantes pour reprendre ses vêtements ! Et à peine s'en était-il recouvert de ses mains tremblantes, qu'ils le poussaient et le traînaient à de nouveaux supplices en présence de sa pauvre mère. Où ! comme elle tordait ses mains en regardant la trace sanglante de ses pas ! Pendant ce temps, j'entendais, à travers le corps de garde ouvert du côté du marché, les plaisanteries grossières des ignobles valets de bourreau qui, de leurs mains protégées par des gants, tressaient la couronne d'épines et en essayaient les pointes aiguës. Je frissonnais, je tremblais et voulais courir, dans mon angoisse, pour voir mon pauvre fiancé livré à son nouveau martyre. Ce fut alors que la mère de Jésus, avec l'aide des saintes femmes et de quelques hommes compatissants qui l'entouraient et la cachaient, s'approcha furtivement et essuya à la dérobée le sang de son fils au pied de la colonne et ailleurs. Le peuple et les ennemis de Jésus poussaient des cris tumultueux pendant qu'on le conduisait. J'étais malade de douleur et d'angoisse ; je ne pouvais plus pleurer et je voulais pourtant me traîner jusqu'au lieu où Jésus allait être couronné d'épines.

C'est alors que je vis arriver tout à coup un merveilleux enfant, aux cheveux blonds, n'ayant qu'une ceinture autour des reins. Il se glissait au milieu des longs voiles des saintes femmes, passait lestement entre les jambes des hommes, et vint à moi en courant. Il était tout joyeux, tout aimable, me prenait la tête pour la tourner d'un autre côté, me bouchait tantôt les yeux, tantôt les oreilles et cherchait avec ses caresses enfantines à m'empêcher de regarder les tristes spectacles qui étaient sous mes yeux. Cet enfant me dit : « Ne me connais-tu pas ? Je m'appelle Joseph, et je suis de Bethléem ». Puis il se mit à me parler de la crèche, de la naissance du Christ, des bergers, des trois rois, et il racontait combien tout cela avait été beau et merveilleux. Je craignais toujours qu'il n'eût froid, parce qu'il était si peu vêtu, et qu'il tombait un peu de grêle, mais il mit ses petites mains contre mes joues, et me dit : « Vois comme j'ai chaud ;là où je suis on ne sent pas le froid ». Je pleurais toujours à cause de la couronne d'épines que je voyais tresser, mais il me consola et me dit une belle parabole pour m'expliquer comment la joie sortirait de toutes ces souffrances. Il y avait dans cette parabole beaucoup d'explications du sens mystique des souffrances du Christ. Il me montra les champs où étaient venues les épines dont on tressait la couronne de Jésus, m'enseigna ce que signifiaient ces épines, me dit comment ces champs se couvriraient de magnifiques moissons, et comment les épines formeraient autour d'eux une haie protectrice tout ornée de belles roses (1). Il savait tout expliquer d'une manière si affectueuse et si riante, que toutes les épines semblèrent devenir des roses, avec lesquelles nous nous mimes à jouer. Tout ce qu'il disait était plein d'intérêt ; mais j'en ai malheureusement oublié la plus grande partie. Il y avait un long et touchant tableau de la naissance et du développement de l'Eglise, avec de charmantes comparaisons enfantines. L'aimable enfant ne me laissa plus regarder la Passion de Jésus, et m'entraîna dans d'autres scènes tout à fait différentes. J'étais moi-même un enfant ; je ne m'en étonnais pas, et je courais avec Joseph enfant à Bethléem. Il me montrait les lieux où s'était passée son enfance ; nous priions ensemble dans la grotte qui fut plus tard celle de la crèche et où il se réfugiait pendant son enfance quand ses frères le tourmentaient à cause de sa piété précoce. Il me semblait voir sa famille vivant encore dans l'ancienne maison qu'avait habitée autrefois le père David, et qui, à l'époque de la naissance de Jésus-Christ, était tombée en des mains étrangères car il y avait là alors des employés romains auxquels Joseph devait payer l'impôt. Nous étions joyeux comme des enfants, et c'était comme si Jésus et sa mère n'étaient pas encore nés. C'est ainsi que la veille de la Saint Joseph je passai des scènes douloureuses de la Passion a une vision riante et consolante.



(1) Elle a vraisemblablement oublié ici plusieurs choses relatives au dimanche de Laetare, qui s'appelle aussi le dimanche des Roses, parce que le pape, afin de représenter la joie de ce Jour qui brille comme une rose au milieu des épines du Carême, bénit une rose d'or et la porte processionnellement dans les rues de Rome. Ce qui est dit des roses peut avoir rapport à ceci, de même que ce qui est dit des moissons au nom de dimanche réfection et de dimanche des pains, à cause de l'Evangile du jour sur la multiplication des cinq pains. Ce Jour s'appelle aussi pour cette raison Dominica rosata, de panibus, refectionis.



Le jour de Saint Joseph, elle ne vit rien des tableaux de la Passion, mais dit seulement ce qui suit au sujet de la contenance de Marie et de celle de Madeleine.

Les joues de la sainte Vierge sont pâles et tirées ; ses yeux sont rouges de larmes. Je ne saurais exprimer combien elle m'apparaît pleine de naturel et de simplicité. Elle n'a cessé depuis hier d'errer, dans son angoisse, à travers la vallée de Josaphat et les rues de Jérusalem, et pourtant il n'y a ni dérangement ni désordre dans ses vêtements, il n'y a pas un pli de ses habits qui ne respire sa sainteté : tout en elle est simple, digne, plein de pureté et d'innocence. Elle regarde majestueusement autour d'elle, et les plis de son voile, quand elle tourne un peu la tête, ont une beauté singulière. Ses mouvements sont sans violence, et au milieu de la plus poignante douleur, toute son allure est simple et calme. Sa robe est humectée de la rosée de la nuit et des pleurs abondants qu'elle a versés ; mais tout reste propre et bien ordonné dans son costume. Elle est belle d'une beauté inexprimable et tout à fait surnaturelle ; cette beauté n'est que pureté ineffable, simplicité, majesté et sainteté.

Madeleine a un tout autre aspect. Elle est plus grande et plus forte ; il y a quelque chose de plus prononcé dans sa personne et dans ses mouvements. Mais les passions, le repentir, son énergique douleur ont détruit toute sa beauté ; elle est effrayante à voir, tant elle est défigurée par la violence sans bornes de son désespoir. Ses vêtements mouillés et tachés de boue sont en désordre et déchirés ; ses longs cheveux pendent déliés sous son voile humide et presque en lambeaux. Elle est toute bouleversée ; elle ne pense à rien qu'à sa douleur, et ressemble presque à une folle. Il y a là beaucoup de gens de Magdalum et des environs qui l'ont vue autrefois mener une vie d'abord si élégante, puis si scandaleuse. Comme elle a vécu longtemps cachée, ils la montrent aujourd'hui au doigt, et la poursuivent de leurs injures ; même des hommes de la populace de Magdalum lui jettent de la boue. Mais elle ne s'aperçoit de rien, tant elle est absorbée dans sa douleur !




226. COURONNEMENT D'EPINES

226
Lorsque la Soeur rentra dans ses visions sur la Passion, elle ressentit une fièvre très forte et une soif tellement brûlante que sa langue était contractée convulsivement et comme desséchée. Elle était si épuisée et si souffrante, le lundi d'après le dimanche de Laetare, qu'elle ne fit les récits qui suivent qu'avec beaucoup de peine et sans beaucoup d'ordre. Elle ajouta qu'il lui était impossible, dans l'état où elle se trouvait, de raconter tous les mauvais traitements qui avaient accompagné le couronnement d'épines de Jésus, parce que cela faisait revenir sous ses yeux toutes ces scènes, etc.

Pendant la flagellation de Jésus, Pilate parla encore plusieurs fois au peuple, qui une fois fit entendre ce cri : « il faut qu'il meure, quand nous devrions tous mourir aussi » ! Quand Jésus fut conduit au corps de garde, ils crièrent encore : « Qu'on le tue ! qu'on le tue » ! Car il arrivait sans cesse de nouvelles troupes de Juifs que les Commissaires des Princes des Prêtres excitaient à crier ainsi. Il y eut ensuite une pause. Pilate donna des ordres à ses soldats ; les Princes des Princes et leurs conseillers, qui se tenaient sous des arbres et sous des toiles tendues, assis sur des bancs placés des deux côtés de la rue devant la terrasse de Pilate, se firent apporter à manger et à boire par leurs serviteurs. Pilate, l'esprit troublé par ses superstitions, se retira quelques instants pour consulter ses dieux et Leur offrir de l'encens.

La sainte Vierge et ses amis se retirèrent du forum après avoir recueilli le sang de Jésus. Je les vis entrer avec Leurs linges sanglants dans une petite maison peu éloignée bâtie contre un mur. Je ne sais plus à qui elle appartenait. Je ne me souviens pas d'avoir vu Jean pendant la flagellation.

Le couronnement d'épines eut lieu dans la cour intérieure du corps de Barde situé contre le forum, au-dessus des prisons. Elle était entourée de colonnes et les portes étaient ouvertes. Il y avait là environ cinquante misérables, valets de geôliers, archers, esclaves et autres gens de même espèce qui prirent une part active aux mauvais traitements qu'eut à subir Jésus. La foule se pressait d'abord autour de l'édifice ; mais il fut bientôt entouré d'un millier de soldats romains, rangés en bon ordre, dont les rires et les plaisanteries excitaient l'ardeur des bourreaux de Jésus comme les applaudissements du public excitent les comédiens.

Au milieu de la cour ils roulèrent la base d'une colonne où se trouvait un trou qui avait dû servir pour assujettir le fût. Ils placèrent dessus un escabeau très bas, qu'ils couvrirent par méchanceté de cailloux pointus et de tessons de pot. Ils arrachèrent les vêtements de Jésus de dessus son corps couvert de plaies, et lui mirent un vieux manteau rouge de soldat qui ne lui allait pas aux genoux et où pendaient des restes de houppes jaunes. Ce manteau se trouvait dans un coin de la chambre : on en revêtait ordinairement les criminels après leur flagellation, soit pour étancher leur sang, soit pour les tourner en dérision. Ils traînèrent ensuite Jésus au siège qu'ils lui avaient préparé et l'y firent asseoir brutalement. C'est alors qu'ils lui mirent la couronne d'épines. Elle était haute de deux largeurs de main, très épaisse et artistement tressée. Le bord supérieur était saillant. Ils la lui placèrent autour du front en manière de bandeau, et la lièrent fortement par derrière. Elle était faite de trois branches d'épines d'un doigt d'épaisseur, artistement entrelacées, et la plupart des pointes étaient à dessein tournées en dedans. Elles appartenaient à trois espèces d'arbustes épineux, ayant quelques rapports avec ce que sont chez nous le nerprun, le prunellier et l'épine blanche. Ils avaient ajouté un bord supérieur saillant d'une épine semblable à nos ronces : c'était par là qu'ils saisissaient la couronne et la secouaient violemment. J'ai vu l'endroit où ils avaient été chercher ces épines. Quand ils l'eurent attachée sur la tête de Jésus, ils lui mirent un épais roseau dans la main. Ils firent tout cela avec une gravité dérisoire, comme s'ils l'eussent réellement couronné Roi. Ils lui prirent le roseau des mains, et frappèrent si violemment sur la couronne d'épines que les yeux du Sauveur étaient inondés de sang. Ils s'agenouillèrent devant lui, lui firent des grimaces, lui crachèrent au visage et le souffletèrent en criant : « Salut, Roi des Juifs ! » Puis ils le renversèrent avec son siège en riant aux éclats, et l'y replacèrent de nouveau avec violence.

Je ne saurais répéter tous les outrages qu'imaginaient ces hommes. Jésus souffrait horriblement de la soif ; car les blessures faites par sa barbare flagellation lui avaient donné la fièvre (1), et il frissonnait ; sa chair était déchirée jusqu'aux os, sa langue était retirée, et le sang sacré qui coulait de sa tête rafraîchissait seul sa bouche brûlante et entrouverte. Jésus fut ainsi maltraité pendant environ une demi-heure, aux rires et aux cris de joie de la cohorte rangée autour du prétoire.



(1) Cette vue excita une telle compassion chez la Soeur, qu'elle désira éprouver la soif du Sauveur. Elle eut aussitôt un violent accès de fièvre et sa soif fut si violente que le matin elle ne pouvait plus parler, tant sa langue était contractée et ses lèvres sèches et serrées. Son ami la trouva dans cet état de langueur et de défaillance ; elle était pâle, sans connaissance et semblait au moment de mourir. On lui versa, non sans peine, un peu d'eau dans la bouche, mais elle ne put reprendre ses récits qu'après un long intervalle de repos. La personne qui avait veillé près d'elle raconta que, pendant la nuit, elle l'avait vue souvent se tordre en gémissant sur sa couche.




227. ECCE HOMO

227
Jésus recouvert du manteau rouge, la couronne d'épines sur la tête, le sceptre de roseau entre ses mains garrottées, fut reconduit dans le palais de Pilate. Il était méconnaissable à cause du sang qui remplissait ses yeux, sa bouche et sa barbe. Son corps n'était qu'une plaie ; il ressemblait à un linge trempé dans du sang.

Il marchait courbé et chancelant ; le manteau était si court qu'il lui fallait se plier en deux pour cacher sa nudité : car lors du couronnement d'épines, ils lui avaient de nouveau arraché tous ses vêtements. Quand il arriva devant Pilate, cet homme cruel ne put s'empêcher de frémir d'horreur et de pitié ; il s'appuya sur un de ses officiers et tandis que le peuple et les prêtres insultaient et raillaient, il s'écria : « Si le diable des Juifs est aussi cruel qu'eux, il ne fait pas bon être en enfer auprès de lui. » Lorsque Jésus eut été traîné péniblement au haut de l'escalier, Pilate s'avança sur la terrasse et on sonna de la trompette pour annoncer que le gouverneur voulait parler : il s'adressa aux Princes des Prêtres et à tous les assistants, et leur dit : « Je le fais amener encore une fois devant vous, afin que vous sachiez que je ne le trouve coupable d'aucun crime ».

Jésus fut alors conduit prés de Pilate par les archers, de sorte que tout le peuple rassemblé sur le forum pouvait le voir. C'était un spectacle terrible et déchirant, accueilli d'abord par une horreur muette, que cette apparition du fils de Dieu tout sanglant sous sa couronne d'épines, abaissant ses yeux éteints sur les flots du peuple, pendant que Pilate le montrait du doigt et criait aux Juifs « Voilà l'homme. »

Pendant que Jésus, le corps déchiré, couvert de son manteau de dérision, baissant sa tête inondée de sang et transpercée par les épines, tenant le sceptre de roseau dans ses mains garrottées, courbé en deux pour cacher sa nudité, navré de douleur et de tristesse et pourtant ne respirant qu'amour et mansuétude, était exposé comme un fantôme sanglant, devant le palais de Pilate, en face des prêtres et du peuple qui poussaient des cris de fureur, des troupes d'étrangers court vêtus, hommes et femmes, traversaient le forum pour descendre à la piscine des Brebis, afin de prendre part à l'ablution des agneaux de Pâque, dont les bêlements plaintifs se mêlaient sans cesse aux clameurs sanguinaires de la multitude, comme s'ils eussent voulu rendre témoignage en faveur de la vérité qui se taisait. Cependant le véritable Agneau pascal de Dieu, le mystère révélé, mais inconnu de ce saint jour, accomplissait les prophéties et se courbait en silence sur le billot où il devait être immolé.

Les Princes des Prêtres et leurs adhérents furent saisis de rage à l'aspect de Jésus, et ils crièrent : « Qu'on le fasse mourir ! qu'on le crucifie !  - N'en avez-vous pas assez ? dit Pilate ; il a été traité de manière à ne plus avoir le désir d'être roi ». Mais ces forcenés criaient toujours plus fort, et tout le peuple faisait entendre ces terribles paroles : « Qu'on le fasse mourir ! qu'on le crucifie » ! Pilate fit encore sonner de la trompette, et dit : « Alors prenez-le et crucifiez-le, car je ne le trouve coupable d'aucun crime ». Ici, quelques-uns des prêtres s'écrièrent : « Nous avons une loi selon laquelle il doit mourir, car il s'est dit le fils de Dieu ! Sur quoi Pilate répondit : « Si vous avez des lois d'après lesquelles celui-ci doit mourir, je ne me soucie point d'être Juif ». Toutefois cette parole « il s'est dit le fils de Dieu », réveilla les craintes superstitieuses de Pilate : il fit conduire Jésus ailleurs, alla à lui e' lui demanda d'où il était. Mais Jésus ne répondit pas, et Pilate lui dit : « Tu ne me réponds pas ! Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te faire crucifier et celui de te remettre en liberté » ? Et Jésus répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi s'il ne t'avait été donné d'en haut : c'est pourquoi celui qui m'a livré à toi a commis un plus grand péché ».

Claudia Procle, que les hésitations de son mari inquiétaient, lui envoya de nouveau son gage pour lui rappeler sa promesse, mais celui-ci lui fit faire une réponse vague et superstitieuse dont le sens était qu'il s'en rapportait à ses dieux. Les ennemis du Sauveur apprirent les démarches de Claudia en sa faveur, et ils firent répandre parmi le peuple que les partisans de Jésus avaient séduit la femme de Pilate ; que, s'il était mis en liberté, il s'unirait aux Romains et que tous les Juifs seraient exterminés.

Pilate dans son irrésolution était comme un homme ivre sa raison ne savait plus où se prendre. Il dit encore une fois aux ennemis de Jésus qu'il ne trouvait en lui rien de criminel, et comme ceux-ci demandèrent sa mort avec plus de violence que jamais, Pilate, troublé, jeté dans l'indécision, tant par la confusion de ses propres pensées que par les songes de sa femme et les graves paroles de Jésus, voulut obtenir du Sauveur une réponse qui le tirât de ce pénible état ; il revint vers lui dans le prétoire et resta seul avec lui. « Serait-ce donc là un Dieu ? », se dit-il à lui-même en regardant Jésus sanglant et défiguré ; puis tout à coup il l'adjura de lui tirs s'il était Dieu, s'il était ce roi promis aux Juifs, jusqu'où s'étendait son empire et de ; quel ordre était sa divinité ; lui promettant de lui rendre la liberté, s'il lui disait tout cela. Je ne puis répéter que le sens de la réponse que lui fit Jésus. Le Sauveur lui parla avec une sévérité effrayante ; il lui fit voir en quoi consistait sa royauté et son empire, il lui montra ce que c'était que la vérité, car il lui dit la vérité. Il lui dévoila tout ce que lui, Pilate, avait commis de crimes secrets, lui prédit le sort qui l'attendait, l'exil, la misère et une fin terrible, puis il lui annonça que le Fils de l'homme viendrait un jour prononcer sur lui un juste jugement.

Pilate à moitié effrayé, à moitié irrité des paroles de Jésus, revint sur la terrasse et dit encore qu'il voulait délivrer Jésus : alors on lui cria : « Si tu le délivres, tu n'es pas l'ami de César, car celui qui veut se faire roi est l'ennemi de César. » D'autres disaient qu'ils l'accuseraient devant l'empereur d'avoir troublé leur fête ; qu'il fallait en finir parce qu'ils étaient obligés d'être à dix heures au Temple. Le cri : « Qu'il soit crucifié » ! se faisait entendre de tous les côtes, il retentissait jusque sur les toits plats du forum ou beaucoup de gens étaient montés. Pilate vit que ses efforts auprès de ces furieux étaient inutiles. Le tumulte et les cris avaient quelque chose d'effrayant, et la masse entière du peuple était dans un tel état d'agitation qu'une insurrection était à craindre. Pilate se fit apporter de l'eau ; un de ses serviteurs la lui versa sur les mains devant le peuple, et il cria au haut de la terrasse : « Je suis innocent du sang de ce juste, ce sera à vous à en répondre. » Alors s'éleva un cri horriblement unanime de tout le peuple parmi lequel se trouvaient des gens de toutes les parties de la Palestine : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ».




Brentano - Emmerich: Douloureuse Passion 222