Brentano - Emmerich: Douloureuse Passion 266


267. RAPPORT DES GARDES SUR LE TOMBEAU

267
Cassius était venu trouver Pilate environ une heure après la résurrection. Le gouverneur romain était encore couché, et on fit entrer Cassius prés de lui. Il lui raconta tout ce qu'il avait vu avec une grande émotion, lui parla du rocher ébranlé, de la pierre repoussés par un ange, des linceuls restés vides : il ajouta que Jésus était certainement le Messie et le Fils de Dieu, qu'il était ressuscité et qu'il n'était plus là. Il parla encore de diverses autres choses qu'il avait vues. Pilate écouta ce récit avec une terreur secrète, mais il n'en laissa rien voir, et dit à Cassius : « Tu es un superstitieux, tu as follement agit en allant te mettre près du tombeau du Galiléen ; ses dieux ont pris avantage sur toi, et t'ont fait voir toutes ces visions fantastiques ; je te conseille de ne pas raconter cela aux Princes des prêtres, car ils te feraient un mauvais parti ». Il fit aussi semblant de croire que le corps de Jésus avait été dérobé par ses disciples et que les gardes racontaient la chose autrement, soit pour s'excuser et cacher leur négligence, soit parce qu'ils avaient été trompés par des sortilèges. Quand il eût parlé quelque temps sur ce ton, Cassius le quitta, et Pilate alla sacrifier à ses dieux.

Quatre soldats vinrent bientôt faire le même récit à Pilate ; mais il ne s'expliqua pas avec eux et les renvoya à Caïphe (
Mt 28,11). Je vis une partie de la garde dans une grande cour voisine du Temple où étaient rassemblés beaucoup de vieux Juifs. Après quelques délibérations, on prit les soldats un à un, et, à force d'argent et de menaces, on les poussa à dire que les disciples avaient enlevé le corps de Jésus pendant leur sommeil. Ils objectèrent d'abord que leurs compagnons qui étaient allés chez Pilate les contrediraient, et les Pharisiens leur promirent d'arranger la chose avec le gouverneur. Mais lorsque les quatre gardes arrivèrent, ils ne voulurent pas dire autrement qu'ils n'avaient fait chez Pilate. Le bruit s'était déjà répandu que Joseph d'Arimathie était sorti miraculeusement de sa prison, et comme les Pharisiens donnaient à entendre que ces soldats avaient été subornés pour laisser enlever le corps de Jésus et leur faisaient de grandes menaces, s'ils ne le représentaient pas, ceux-ci répondirent qu'ils ne pouvaient pas plus représenter ce corps, que les gardes de la prison ne pouvaient représenter Joseph d'Arimathie. Ils persévérèrent dans leurs dires et parlèrent si librement du jugement inique de l'avant veille, et de la manière dont la Pâque avait été interrompue, qu'on les arrêta et qu'on les mit en prison. Les autres répandirent le bruit que Jésus avait été enlevé par ses disciples et ce mensonge fut propagé par les Pharisiens, les Sadducéens et les Hérodiens : il eut cours dans toutes les synagogues où on l'accompagna d'injures contre Jésus (Mt 28,15).

Toutefois cette imposture ne réussit pas généralement, car après la résurrection de Jésus, beaucoup de justes de l'ancienne loi apparurent de nouveau à plusieurs de leurs descendants qui étaient encore capables de recevoir la grâce, et les poussèrent à se convertir à Jésus. Plusieurs disciples qui s'étaient dispersés dans le pays et dont le courage était abattu, virent aussi des apparitions semblables qui les consolèrent et les confirmèrent dans la foi.

L'apparition des morts qui sortirent de leurs tombeaux après la mort de Jésus ne ressemblait en rien à la résurrection du Seigneur. Jésus ressuscita avec son corps renouvelé et glorifié, qui n'était plus sujet à la mort et avec lequel il monta au ciel sous les yeux de ses amis. Mais ces corps sortis du tombeau n'étaient que des cadavres sans mouvement, donnés un instant pour vêtement aux âmes qui les avait habités, et qu'elles replacèrent dans le sein de la terre, d'où ils ne ressusciteront comme nous tous qu'au jugement dernier. Ils étaient moins ressuscités d'entre les morts que Lazare qui vécut réellement et dut mourir une seconde fois.




268. FIN DE CES MEDITATIONS POUR LE CAREME

268
" Le dimanche suivant (1), si je ne me trompe, je vis les Juifs laver et purifier le Temple. Ils y jetèrent des herbes et des cendres d'os de morts, offrirent des sacrifices expiatoires, enlevèrent les décombres, cachèrent les traces du tremblement de terre avec des planches et des tapis, et reprirent celles des cérémonies de la Pâque qui n'avaient pas pu être accomplies le jour même.



(1) Elle raconta ceci un peu plus tard, et il est difficile de savoir si elle veut parler du jour même de la Résurrection ou du premier dimanche après Pâques.



Ils s'efforcèrent de mettre un terme à tous les propos et à tous les murmures, en déclarant que l'interruption de la fête et les dégâts opérés dans le Temple, avaient été le résultat du tremblement de terre et de l'assistance au sacrifice de personnes impures. Ils appliquèrent, je ne sais pas bien comment, à ce qui s'était passé, une vision d'Ézéchiel sur la résurrection des morts. Ils obtinrent ainsi le silence d'autant plus aisément qu'un grand nombre de gens avaient été complices du crime. Du reste, ils menacèrent de peines graves ceux qui parleraient ou murmureraient : toutefois, ils ne calmèrent que la portion du peuple la plus grossière et la moins morale : les meilleurs se convertirent d'abord en silence, puis ouvertement après la Pentecôte, ou plus tard, revenus chez eux, lorsque les apôtres vinrent y prêcher. Les Princes des prêtres devinrent de moins en moins arrogants à la vue de la rapide propagation de la doctrine de Jésus. Au temps du diaconat d'Etienne, Ophel tout entier et la partie orientale de Sion ne pouvaient plus contenir la communauté chrétienne, dont une partie dut occuper sous des baraques et des tentes l'espace qui s'étend de la ville à Béthanie. Je vis, en ces jours-là, Anne comme possédé du démon ; on l'enferma et il ne reparut plus. Caïphe était comme un fou furieux, tant la rage secrète qui l'animait était violente " !

Le jeudi après Pâques, elle dit : "J'ai vu aujourd'hui Pilate faire chercher inutilement sa femme. Je vis ensuite qu'elle était cachée dans la maison de Lazare, à Jérusalem. On ne pouvait le deviner, car il n'y avait point de femmes logées là ; c'était Etienne, encore peu connu comme disciple, qui allait quelquefois la visiter : il lui apportait sa nourriture et des nouvelles du dehors, et la préparait à la connaissance de l'Evangile. Etienne était cousin de Paul : ils étaient fils des deux frères. Simon de Cyrène vint trouver les apôtres après le sabbat, demandant à être baptisé et admis dans la communauté chrétienne ".

Ici se termine le récit de ces visions, qui dura depuis 18 février jusqu'au 6 avril 1823, jeudi de la semaine après Pâques.




APPENDICE

269. FRAGMENT SUR JOSEPH D'ARIMATHIE

269
Excitée par le voisinage d'une relique, Anne Catherine communiqua, dans la matinée du 17 mars 1821, les fragments suivants d'une vision de la nuit précédente.

Je vis que Joseph était d'un endroit situé à environ six milles romains, c'est-à-dire à deux lieues de Jérusalem, au couchant du chemin de Nazareth. Je crois qu'il y avait dans le voisinage une espèce de fossé, à moins que ce ne fût le lit, souvent desséché, d'un cours d'eau. Il se trouvait là des hauteurs escarpées et des carrières de pierre blanche. Ces carrières appartenaient à Joseph. Il s'était séparé de ses frères qui habitaient encore cet endroit, et vers le commencement de la prédication du Sauveur, il avait tout à fait établi son domicile à Jérusalem. C'était un homme calme, intelligent, mais pourtant simple et qui allait tout droit devant lui. Il n'était pas marié et habitait une petite maison peu éloignée de celle de Jean Marc. Il y avait dans le voisinage des magasins et des cours entourées de murs où étaient déposées en grand nombre des pierres blanches, provenant de ses carrières. Il en faisait commerce, les travaillait quelquefois lui-même ou les faisait travailler par des tailleurs de pierre pour en faire des auges, des vases en forme de navires, et de grandes dalles où l'on figurait en creux un homme couché de grandeur naturelle. Ce devaient être des pierres tombales. Il était très lié avec Nicodème qui faisait quelquefois des travaux du même genre. Ils s'étaient associés pour diverses entreprises. Dernièrement, j'ai vu Nicodème, lorsque des disciples vinrent le visiter, travailler la pierre dans un caveau éclairé par une lampe. Il creusait dans une dalle la figure d'un enfant emmailloté, à face ronde, comme on représente le soleil : c'était peut-être la pierre sépulcrale d'un enfant. Je les ai vus aussi travailler ensemble au tombeau où fut déposé plus tard le très saint corps du Sauveur. Nicodème était veuf et avait deux enfants. Joseph n'avait pas de ménage à lui ; il mangeait chez ses amis, la plupart du temps chez Nicodème, souvent aussi chez le mari de Véronique. Voilà ce que je me rappelle encore de tout ce que j'ai vu aujourd'hui touchant Joseph. Je crois que, lors de la persécution qui eut lieu après la mort de Jésus, il fut chassé de la terre promise en même temps que Lazare et sa famille, et qu'il n'y revint plus. Ils étaient au nombre de sept, dont deux seulement revinrent. Je ne me souviens plus de leurs noms.



270. FRAGMENT SUR LONGIN

270
Le 15 mars 1821, la soeur Emmerich communiqua ces fragments d'une vision qu'elle avait eue la nuit sur saint Longin, dont la fête tombait ce jour même, ce que la soeur ignorait.



J'ai vu cette nuit, dit-elle, beaucoup de choses touchant Longin (je ne sais pas, du reste, si c'est là son vrai nom). Je ne pourrai en rapporter que peu de chose. Longin faisait un service demi civil, demi militaire, auprès de Pilate. Il courait de côté et d'autre, s'occupait de beaucoup de choses, observait tout, prenait des renseignements et faisait des rapports. C'était un homme très actif, ressemblant à N. de B. qui, lorsqu'il est venu me visiter, m'a tout à fait rappelé Longin : seulement celui-ci était un peu plus grand. Il était bon et serviable : mais avant sa conversion, il manquait de solidité et de force de caractère. Il faisait tout avec empressement, aimait à se donner de l'importance, et comme il était louche et avait la vue mauvaise, il était souvent en butte aux railleries de ses compagnons. Je l'ai vu souvent cette nuit, et à son occasion, j'ai vu toute la Passion : ce matin je ne savais pas d'abord comment j'étais venue là, puis je me suis souvenue que c'était à cause de lui.

"Longin n'avait qu'un grade inférieur dans l'armée, mais, comme attaché au service particulier de Pilate, il se trouvait partout où se faisait quelque chose d'un peu important et venait rendre compte au gouverneur de ce qu'il avait vu. Je vis que dans la nuit où Jésus fut conduit au tribunal de Caïphe, il était dans le vestibule, parmi les soldats, et allait et venait sans cesse. Il était tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre. Je le vis une fois prés de Notre Seigneur, sur les degrés où celui-ci se tenait en présence du tribunal, et je remarquai que l'aspect de Jésus le touchait. Ensuite il descendit et se promena de nouveau dans le vestibule. Lorsque Pierre fut effrayé des propos de la servante auprès du feu, ce fut lui qui dit une fois : " Tu es aussi des partisans de cet homme ". Lorsqu'on conduisit Jésus au Calvaire, il se tenait près du cortège par ordre de Pilate, et le Sauveur lui lança un regard qui le toucha. Je le vis ensuite sur le Golgotha avec les soldats. Il était à cheval et avait une lance. Je le vis chez Pilate après la mort du Seigneur ; il demandait avec chaleur qu'on ne rompit pas les jambes de Jésus (1). Il revint promptement au Calvaire.



(1) Il semble ici qu'après la mort de Jésus, Cassius (Longin) se rendit une fois du Calvaire à la ville pour voir Pilate. Dans ses récits sur la Passion, la soeur Emmerich a oublié de mentionner cette circonstance, à moins qu'elle ne l'ait indiquée vaguement par ces paroles (page 296), " Cassius, à cheval, allait de côté et d'autre ".



Sa lance était faite de plusieurs morceaux qui rentraient l'un dans l'autre : en les tirant on pouvait la rendre trois fois plus longue. C'est ce qu'il venait de faire au moment où il se détermina subitement à percer le côté du Sauveur. Je le vis aussi assister à la mise au tombeau de Notre Seigneur : il voulait être informé de tout. Il se convertit sur le Calvaire, et exprima plus tard à Pilate sa conviction que Jésus était le fils de Dieu. Pilate le traita de rêveur, et comme il se présentait devant lui avec sa lance Pilate, par un sentiment de dégoût ou par superstition, lui ordonna de la déposer devant la porte. Bientôt après, Longin s'entretint avec Nicodème qui demanda que la lance lui fût donnée et l'obtint du gouverneur. Je vis Nicodème en séparer les diverses parties afin de pouvoir mieux les conserver. Au commencement il les garda dans une enveloppe de cuir, plus tard dans une auge de pierre. J'ai vu beaucoup de choses relatives à l'histoire de cette lance. Longin converti quitta le service militaire et s'adjoignit aux disciples. Lui aussi vit le Seigneur après sa résurrection. Il fut des premiers auxquels le baptême fut donné après la Pentecôte, ainsi que deux autres soldats qui s étaient convertis au pied de la croix.

J'ai vu ensuite Longin et ces deux hommes, habillés de longs vêtements blancs, revenir dans leur patrie. Ils y habitaient à la campagne, prés d'une petite ville, dans une contrée stérile et marécageuse. C'est dans ce lieu que moururent les quarante martyrs. Longin n'était pas prêtre mais diacre : il parcourait le pays en cette qualité, annonçait le Christ et racontait sa Passion et sa Résurrection comme témoin oculaire. Il convertissait beaucoup de monde et guérissait des malades en leur faisant toucher un morceau de la sainte lance qu'il portait avec lui. Il avait aussi du précieux sang desséché, recueilli au pied de la croix. Les Juifs étaient très irrités contre lui et contre ses deux compagnons, parce qu'ils faisaient connaître partout la vérité de la résurrection du Sauveur, et révélaient leurs cruautés et leurs fourberies. A leur instigation, on envoya des soldats romains dans la patrie de Longin pour le prendre et le juger, comme troublant la tranquillité publique. Il était occupé à cultiver son champ lorsqu'ils arrivèrent, et il les conduisit dans sa maison où il leur donna l'hospitalité. Ils ne le connaissaient pas, et quand ils lui eurent fait savoir l'objet de leur voyage, il fit appeler ses deux compagnons qui vivaient dans une espèce d'ermitage à peu de distance, et il dit aux soldats qu'eux et lui étaient ceux qu'ils venaient chercher. La même chose arriva au saint jardinier Phocas. Les soldats furent très affligés, car ils l'avaient pris en amitié. Je vis ses deux compagnons et lui conduits dans une petite ville voisine, où ils furent interrogés. On ne les mit pas en prison : je les vis, pendant deux jours, aller et venir comme des prisonniers sur parole, mais ils avaient un signe particulier sur l'épaule. On les décapita ensuite tous les trois sur une colline située entre la petite ville et la demeure de Longin, ils furent enterrés là même. Je crois me souvenir que cette colline lui appartenait et qu'il avait demandé à être exécuté et enterré en cet endroit. Les soldats mirent la tête de Longin au bout d'une pique, et la portèrent à Jérusalem pour prouver qu'ils avaient rempli leur mission. Je crois me ressouvenir que ceci arriva peu d'années après la mort de Notre Seigneur.

" J'eus ensuite une vision d'une époque postérieure. Une femme aveugle du pays de saint Longin s'en alla avec son fils en pèlerinage à Jérusalem, espérant trouver sa guérison dans la sainte ville où les yeux de Longin avaient été guéris. Elle se faisait conduire par son enfant, mais il mourut et elle resta délaissée et sans consolation. Alors saint Longin lui apparut et lui dit qu'elle recouvrerait la vue lorsqu'elle aurait tiré sa tête d'un égout où les Juifs l'avaient jetée. C'était une fosse revêtue en maçonnerie où plusieurs conduits amenaient les immondices. Je vis plusieurs personnes y conduire cette pauvre femme : elle entra dans l'égout jusqu'au cou et en tira la sainte tête. Elle fut guérie et s'en retourna dans sa patrie ; ceux qui l'avaient accompagnée conservèrent la tête. Voilà tout ce dont je me souviens ".






271. FRAGMENT SUR LE CENTURION ABENADAR

271
Le 1er avril 1823, la soeur Emmerich, excitée par la vue d'une relique, dit que ce jour était la fête de saint Ctésiphon, le centurion qui avait assisté au crucifiement et qu'elle avait vu pendant la nuit plusieurs particularités de vie. Mais la souffrance et les distractions extérieures lui avaient fait oublier la plus grande partie. Voici ce qu'elle raconta :

" Abénadar, qui fut ensuite appelé Ctésiphon, est d'un pays situé entre Babylone et l'Egypte, dans l'Arabie heureuse, à droite de la dernière demeure de Job. Il y a là, sur une montagne peu escarpée, un assemblage de maisons quadrangulaires, avec des toits plats sur lesquels les habitants se promènent. On voit là beaucoup de petits arbres : on y recueille l'encens et le baume. Le temps était nébuleux lorsque je m'y trouvai, j'ai été dans la maison d'Abénadar, édifice singulier qui n'est guère qu'un assemblage de loges carrées recouvertes d'un toit plat. Elle est grande et spacieuse, comme celle d'un homme riche, mais fort basse. Les maisons sont toutes ainsi bâties, peut-être à cause du vent, car leur position est élevée. Abénadar était entré comme volontaire dans la garnison de la forteresse Antonia à Jérusalem. Il avait pris du service chez les Romains, afin de se perfectionner dans les arts libéraux, car il était savant. C'était un homme très décidé ; son teint était brun, sa taille ramassée, son extérieur était un peu celui du chaudronnier M... ".

Les premiers enseignements de Jésus et un miracle dont il avait été témoin, lui avaient persuadé que le salut était chez les Juifs, et il avait adopté la loi de Moise. Il n'était pas encore disciple du Sauveur, toutefois il n'avait pas de mauvaises intentions à son égard ; il éprouvait même de la sympathie et une vénération secrète pour lui. C'était un homme très grave : lorsqu'il vint sur le Calvaire relever la garde qui s'y trouvait, il maintint partout l'ordre et la décence jusqu'au moment où la vérité triompha de lui et où il rendit hommage devant tout le peuple à la divinité de Jésus. Comme il était riche et volontaire, il lui fut facile de résigner à l'instant son emploi. Il aida à la descente de croix et à la mise au tombeau de Notre Seigneur, ce qui le mit en rapport intime avec les amis de Jésus : après la Pentecôte, il reçut le baptême un des premiers à la piscine de Bethsaida, et prit le nom de Ctésiphon. Il avait un frère en Arabie ; il lui fit savoir les miracles dont il avait le témoin, et l'appela dans la voie du salut. Celui-ci vint à Jérusalem, fut baptisé sous le nom de Cécile, et fut chargé, ainsi que Ctésiphon, d'aider aux diacres, dans la communauté chrétienne.

" Ctésiphon accompagna en Espagne avec plusieurs autres l'apôtre saint Jacques le Majeur, et revint aussi avec lui. Plus tard, il fut encore envoyé en Espagne par les apôtres, et il y porta le corps de saint Jacques qui avait souffert le martyre à Jérusalem. Il y fut évêque, et avait sa résidence habituelle dans une espèce d'île ou de presqu'île peu éloignée de la France. Il alla aussi dans ce dernier pays, où beaucoup de gens vinrent l'entendre, et où il fit quelques disciples. Le nom du lieu de sa résidence ressemble à Vergui. Cet endroit fut plus tard dévasté par une inondation. Je ne crois pas que Ctésiphon ait été martyrisé : je ne l'aurais pas oublié. Il a écrit plusieurs ouvrages où se trouvent quelques détails sur la passion de Jésus-Christ ; mais des livres falsifiés ont couru sous son nom, ou des livres faits par lui ont été attribués à d'autres. Rome a rejeté plus tard ces écrits, dont la plus grande partie était apocryphe, mais où il y avait pourtant quelque chose de lui.

" Un des gardes du tombeau du Christ, qui ne voulut pas se laisser corrompre par les Juifs, était son compatriote et son ami. Son nom ressemblait à Sulei ou Suleii. Après avoir été quelque temps en prison, il se retira dans une caverne du mont Sinaï, où il vécut sept ans et où les amis de Ctésiphon lui portaient des aliments. Cet homme reçut de grandes grâces et écrivit des livres très profonds dans le genre de ceux de Denis l'Aréopagite. Un autre écrivain a profité de ses ouvrages, et il en est ainsi venu quelque chose jusqu'à nous. J'ai lu moi-même au couvent un livre où j'ai reconnu depuis qu'il y avait des choses qui venaient originairement de lui. J'ai su tout cela et aussi le nom du livre, mais je l'ai oublié. Ce compatriote de Ctésiphon le suivit plus tard en Espagne. Parmi les compagnons de Ctésiphon dans ce pays, se trouvait son frère Cécilius : d'autres s'appelaient Intalécius, Hésicius et Euphrasius. Un autre Arabe, nommé Sulima se convertit dans les premiers temps, je ne sais plus dans quelles circonstances ; plus tard, au temps des diacres, un compatriote de Ctésiphon, dont le nom sonnait comme Sulensis, se convertit également ".



(1) Dans l'été de 1831, neuf ans après avoir reçu cette communication et huit ans après la mort de la soeur Emmerich, le rédacteur de ce livre a lu, dans le troisième volume du Viage litterario a las Iglesias de Espagna de D. J. L. Villanuera, 10 tomos, Madrid, 1803-23, les détails suivants rapportés ici en abrégé.

En 1595, on trouva dans la terre, à Grenade, des reliques, des manuscrits et des tables de plomb où se trouvaient les noms de Ctésiphon et d'Hiscius de saint Jacques le Majeur. Plusieurs personnes : entre autres J. B. Perez, évêque de Ségovie, virent là une fraude ayant pour but d'assurer à la ville de Grenade la possession du tombeau de ces deux saints près de celui de Cécilius. Perez dit que l'auteur de cette fraude a dû en prendre l'idée dans la chronique attribuée à Dexter et reconnue fausse, laquelle nomme Ctésiphon, Hiscius et Cécilius comme disciples de saint Jacques. Il ajoute que, suivant un vieux manuscrit gothique, les personnages nommés ci-après débarquèrent à Cadix pour prêcher le christianisme : Torquatus resta a Acci (Cadix), Hésychius (Hiscius) alla à Garcesa (Garzorla), Indalesius à Ursi (Almeria ou bien Orce près de Galera) ; Secundus à Abula (Avila) ; Cecilius à Eliberrl (Sierra Elvira près de Grenade) ; Euphrasius à Iliturgi (Andujar) ; Ctésiphon à Berge, que les uns disent être Verja en Aragon, d'autres Verga dans le royaume de Grenade, d'autres encore Vera au bord de la mer, entre Carthagène et Capo de Gata. Ces disciples enseignèrent dans ces divers lieux, ils y moururent et leurs restes y furent honorés : ils avaient été envoyés de Rome par les apôtres. Un seul écrit sur la translation du corps de saint Jacques le Majeur en Espagne, écrit attribué au pape Calixte II, mais reconnu apocryphe, les nomme disciples de cet apôtre. Ses disciples, selon l'Histoire d'Espagne de Pélage, évêque d'Oviédo, furent Cadosérus, Basile, Chrysogone, Théodore, Archanasius et Maxime.

La principale preuve de la fraude selon l'évêque Perez, c'est que les tables de plomb disent que Ctésiphon s'appelait Abénadar avant sa conversion, or les sept autres ayant des noms grecs et latins, comment pourrait il se trouver un Arabe parmi eux ? Jamais Arabe n'est venu en Espagne à cette époque ? Pourquoi aurait-il quitté son nom arabe ? etc. Ces mêmes monuments indiquaient que Ctésiphon avait écrit un livre en arabe avec les caractères de Salomon. Là-dessus, l'évêque Perez demande ce que cela veut dire puisqu'alors il n'y avait pas encore d'Arabes en Espagne et se moque de ces lettres de Salomon employées à écrire en arabe.

En mai 1833, pendant que cette feuille était sous presse, nous avons trouvé dans Mariana, de Rebus Hispanicus, que la tradition ajoute aux disciples mentionnés plus haut, un Athanase et un Théodore qu'on disait avoir été parmi des gardes du tombeau du Christ. Le lendemain, nous avons trouvé dans les Acta Sanctorum, tome III, 1er février, une dissertation sur saint Cécilius et ses compagnons, où se trouvent beaucoup de détails sur ces écrits trouvés à Grenade, les déclarations du pape Urbain VIII contre ces documents apocryphes, une indication de ce qu'ils contenaient d'après l'Apparatus sacer de Possevin et une autre un peu différente d'après le commentaire de Bivar sur la chronique attribuée à Dexter. On y trouve entre autres choses les titres suivants : de l'empire infernal, de la suprême Providence, de la Miséricorde, de la Justice, de tout ce qu'a fait le Dieu Créateur, de la Création des Anges, des Gloires et des Miracles de Jésus-Christ et de sa Mère depuis l'Incarnation du Verbe jusqu'à l'Ascension, etc... Ces titres rappellent ce que dit la soeur Emmerich des écrits dans la manière de Denys l'Aréopagite, composés par Sulei, ami de Ctésiphon, de même que les détails rapportés dans cette note ressemblent singulièrement à ceux que la soeur a donnés, ce dont le lecteur sera sans doute aussi surpris que nous l'avons été nous mêmes

Les écrits de ces disciples arabes ont-ils existé et ont-ils été falsifiés par des sectaires comme l'histoire des apôtres d'Abdias et les Ouvrages de Denis l'Aréopagite. La soeur Emmerich a répété plusieurs fois que les écrits de ces derniers avaient été falsifiés, et elle a dit la même chose de ceux de Ctésiphon. Malheureusement il y a tant de lacunes dans tout ce qu'elle a raconté à ce sujet qu'on en est réduit aux conjectures.

FIN DU LIVRE

" LA PASSION DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST "



Brentano - Emmerich: Douloureuse Passion 266