Brentano: Visions de la Bse Emmerich - CHAPITRE DOUZIÈME. Visions appartenant au temps compris entre le dimanche de Pâques et l'Ascension


TREIZIEME CHAPITRE. L'Ascension et la Pentecôte. Mai et Juin 1821.


Dans les premiers jours du mois de mai, Anne-Catherine, empêchée par une foule de dérangements extérieurs, ne put donner que les brèves indications qui suivent sur les derniers jours que le Seigneur passa sur la terre

Le Seigneur alla plusieurs fois avec les apôtres dans les environs de Jérusalem, en sorte que plusieurs Juifs le virent apparaître. Mais lorsqu'il se montrait à eux, ils se cachaient et fermaient leurs maisons. Les apôtres et les disciples ne l'accompagnaient qu'avec un certain effroi : il y avait en lui quelque chose de trop surhumain. Il enseigna beaucoup et adressa quelques reproches aux apôtres. Pendant la nuit je vis le Seigneur apparaître dans divers endroits, à Bethléhem par exemple, et répandre ses bénédictions. Même à Jérusalem où il avait tant d'ennemis, il apparut à plusieurs incrédules et spécialement à des personnes avec lesquelles sa mère et lui-même avaient eu des rapports antérieurs. Je le vis encore apparaître en d'autres lieux. Les gens qui le virent devinrent ensuite très croyants et s'unirent aux apôtres et aux disciples après la Pentecôte.

Dans les derniers jours Jésus se montra fréquemment aux apôtres, et ses rapports avec eux furent ceux d'un homme ordinaire. Il a mangé et prié avec eux, et il les a enseignés. Il les a accompagnés sur plusieurs chemins, et il leur a répété toutes les instructions qu'il leur avait déjà données. Ce n'était que la nuit qu'il se montrait, à leur insu dans divers endroits.

Jésus est venu à Béthanie par le côté du levant, en compagnie d'environ cinq disciples. Marie y alla de Jérusalem avec les autres saintes femmes. Ils se rencontrèrent chez Lazare où se trouvaient aussi Marthe et Madeleine. Beaucoup de gens sont rassemblés autour de la maison : ils ont entendu dire que le Seigneur va les quitter, ils veulent le voir encore et prendre congé de lui. Il y a là une grande cour : lorsque le Seigneur fut dans la maison, on laissa entrer les gens et on ferma la cour. Pourquoi donc Lazare vit-il si retiré ? Depuis sa résurrection, il ne vient jamais à Jérusalem, il ne va pas avec les disciples, il reste chez lui, presque toujours renfermé dans une pièce souterraine, comme dans un caveau, et il ne se montre maintenant que quand toutes les portes Sont fermées. Ils ont pris ensemble un peu de nourriture, mais sans s'asseoir. Comme les disciples pleuraient amèrement : " Pourquoi pleurez-vous ainsi, chers frères ? Regardez cette femme, elle ne pleure pas " ! Il adresse ces paroles à ces disciples qui sont si affligés et qui pleurent parce qu'il veut les quitter et il montre sa mère qui ne pleure point. Qu'il est touchant de voir des hommes de cet âge pleurer ainsi : ils pleurent si amèrement ! "

Note : Anne Catherine raconta toute cette scène au Pèlerin au moment où elle la voyait : de là vient ce qu'il y a parfois de très vif dans la narration.

Les femmes, comme d'ordinaire. ne se tenaient pas près des nommes : cependant elles, n'étaient pas tout à fait séparées. Marie se tenait à l'entrée de la chambre voisine, près des autres femmes. C'était ainsi qu'elles faisaient ordinairement, à moins qu'elles ne se tinssent modestement sur le plan le plus éloigné. Je crois cet usage fort bon : quand les femmes se tiennent à l'écart, cela prévient beaucoup de mal et les empêche de se mêler de choses auxquelles elles n'entendent rien. Combien le Seigneur est bon ! Il sort de la maison pour aller voir les nombreux étrangers qui sont là : on a dressé pour eux une longue table dans la cour : il bénit des petits pains qu'il leur distribue et il leur fait signe de la main de se retirer.

Ils se retirèrent en effet. Alors la sainte Vierge s'approcha modestement pour lui demander quelque chose : mais il avança la main comme s'il n'eût pas voulu qu'elle le touchât et lui dit qu'il ne pouvait pas faire ce qu'elle désirait. Elle le remercia humblement, même de son refus, puis elle s'éloigna.

Je vis le Seigneur prendre tout spécialement congé de Lazare. Je le vis bénir du pain qu'il lui donna a manger et qui devint lumineux. Il le bénit lui-même et lui donna la mail1 Lazare n'accompagna pas le Seigneur lorsqu'il quitta la maison avec les disciples. Après une longue pause, la narratrice reprit : " Le Seigneur se rend à Jérusalem par un chemin détourné. Ils suivirent d'abord la route directe, puis ils s'écartèrent et firent de grands détours. Il y avait quatre groupes qui suivaient le Seigneur à des intervalles assez éloignés : il n'avait près de lui que les onze apôtres. Le dernier groupe était le plus nombreux. Les femmes venaient ensuite. Je vis le Seigneur marcher il était tout lumineux et dominait tout ce qui l'entourait : je ne sais pas si les disciples le virent ainsi ".

Ils ne pouvaient pas se persuader qu'il fût au moment de les quitter. Ils se disaient entre eux : " n'a-t-il pas déjà plus d'une fois disparu à nos yeux " ?

Voilà qu'il indique du doigt divers points de l'horizon en disant : " Quand tous ces endroits croiront à la suite de votre enseignement, quand des étrangers en chasseront les habitants et que tout ici sera dévasté, ce sera un temps bien triste ". (Ici elle se fut quelques moments.) Il dit encore : " Vous ne me comprenez pas maintenant : vous comprendrez mieux quand ce soir vous aurez soupé avec moi pour la dernière fois ". Marie se rend à Jérusalem par le chemin direct elle va dans une grande maison qui est en face du mur d'enceinte, à peu de distance du Temple. Nicodème et Joseph d'Arimathie préparent là un repas et elle les aide.

Après une pause pendant laquelle il semblait qu'Anne-Catherine se fût éloignée corporellement de Jésus en suivant la sainte Vierge et fût ensuite ramenée près de lui, survint l'incident qui va être rapporté. Dans le sommeil où elle était plongée, elle leva un peu les bras comme une personne qu'on prend sous les épaules pour la porter, puis elle se replia sur elle-même comme si on l'eût tout a coup déposée par terre, et dit d'un air étonné : " Ou suis-je ? Comment suis-je venue ici ? Ils allaient si vite que je ne pouvais plus les suivre : alors deux d'entre eux m'ont portée ici. C'est le chemin où passa le cortège du dimanche des Rameaux. Voilà qu'ils viennent. Je ne vois pas toujours les plaies de Jésus, mais quand elles sont visibles pour moi, elles brillent comme le soleil.

Sur le chemin que suivait Jésus, je vis çà et là, dans de jolis petits jardins, des Juifs occupés à tailler et à entrelacer des haies. On y voit de belles masses de fleurs disposées en pyramide. Souvent, à l'approche de Jésus et des siens, ces gens se cachaient je visage dans leurs mains et se jetaient la face contre terre, ou bien s'enfuyaient dans les jardins et derrière les haies. Je ne sais pas si le Seigneur était visible ou invisible pour eux, si c'était l'effroi qui les faisait fuir ou l'émotion qui les faisait se prosterner. Depuis la résurrection, j'ai toujours vu les gens s'enfuir ainsi sur les chemins par où il passait.

J'ai vu ces derniers jours les Juifs dévaster par méchanceté tous les lieux auxquels était attaché quelque souvenir particulier de la vie et de la Passion du Sauveur, et que les siens avaient en vénération. Sur le chemin de la croix, aux endroits où le Seigneur était tombé, ils avaient coupé la route par des fossés. Ils avaient rendu inaccessibles et entouré de clôtures les jardins et les jolies pelouses ou Jésus avait enseigné et s'était arrêté le plus souvent. Dans certains endroits, ils avaient disposé des fosses recouvertes de gazon afin que ceux qui viendraient pour honorer le souvenir du Seigneur y tombassent. Mais j'ai vu quelques méchants Juifs y tomber eux-mêmes. Je reconnus par là que, dans tous les temps, les ennemis des chrétiens qui leur tendent des pièges sont ainsi punis : ils le seront bien davantage le jour du jugement. J'appris, a cette occasion, que ceux qui dévastent et détruisent les chemins de croix, les croix, les chapelles et les églises qui abolissent les anciennes dévotions, les pieuses pratiques, et en général tout ce qui excite dans les âmes un souvenir plus vif de l'histoire de la rédemption, -- que ce soient des décorations de feuillage, des sculptures, des inscriptions, des fondations ou des coutumes, des solennités ou des prières, ceux-là, dis-je, appartiennent à la race criminelle de ces ennemis de Jésus qui voulaient effacer les traces sanglantes de ses pas et ils seront jugés avec eux. Bien plus, je vis que ceux dont l'aspect émouvant des vieux crucifix révérés par nos pères choque la délicatesse, qui les remplacent par des figures attrayantes, vraiment païennes, et qui représentent les saints avec des formes sensuelles et voluptueuses, ont des rapports étroits avec les hommes qui élevèrent sur le Calvaire un temple de Vénus et qui souillèrent la grotte de la crèche par des représentations encore plus abominables.
Je vis raser le sommet du Calvaire et répandre la terre comme on répand des engrais, sur les sentiers et les cinq emplacements gazonnés en forme de coeur que ces sentiers formaient sur la hauteur à l'endroit où Jésus fut crucifié En faisant disparaître l'éminence sur laquelle la croix s'élevait, on mit à nu une pierre blanche, avec un trou carré, profond d'un mètre tout au moins, dans lequel la croix avait été plantée. Je les vis faire tous leurs efforts pour enlever cette pierre avec des leviers : toutefois ils ne purent pas y réussir et elle s'enfonça de plus en plus mais ils la couvrirent de terre.

Le saint Sépulcre comme propriété privée de Nicodème était resté intact. La tête du Christ dans le tombeau reposait du côté de l'orient : quand on sortait du caveau vers midi, on avait le soleil en face et à peu près au-dessus de soi et le couchant à sa droite.

Le repas fut préparé dans une salle qui avait la forme d'un carré long : elle était ouverte et avait vue sur une cour plantée d'arbres et entourée de murs : à gauche l'oeil plongeait sur un passage dans l'habitation et dans la cuisine. Sur le côté droit du vestibule ouvert, on voyait des galeries à arcades où étaient dressées des tables pour les disciples et pour d'autres personnes. La table destinée à Jésus, aux apôtres et aux amis les plus intimes était dressée dans la salle. Je vis plusieurs fois la sainte Vierge occupée dans le passage. Il y avait de petites cruches sur la table et on y avait placé un grand plateau sur lequel étaient posées verticalement des touffes d'une plante verte très élégante, dont ha beauté me remit en mémoire ces herbes que je vois souvent sur les tables du paradis et qui sont le symbole de toutes sortes de choses. D'un côté ; on avait laissé un vide au milieu des herbes pour mettre un poisson : de l'autre côté, il y avait de la place pour des petits pains. Les tables qui étaient dans la galerie étaient formées de grandes planches rapprochées les unes des autres : on y avait servi des fruits et des plats triangulaires avec des rayons de miel où était fichée une spatule en os. Près de chacun de ces plats triangulaires était un autre plat rond où se trouvaient trois tranches de pain, longues chacune d'un doigt et larges de deux. Un de ces plats servait pour trois convives.

Cependant je vis Jésus avec les onze apôtres suivre divers chemins autour de la montagne des Oliviers : les autres groupes venaient à leur suite. Jésus s'arrêta plusieurs fois pour leur expliquer quelque chose. Tous étaient dans une grande anxiété, quelques-uns pleuraient, d'autres étaient tout abattus. J'en vis un qui avait les cheveux noirs et qui se disait : " s'il s'en va maintenant, qui sera le maître ? et comment s'accomplira tout ce qui a été prédit du Messie " ? Pierre et Jean étaient plus calmes et semblaient mieux comprendre tout cela. Souvent le Seigneur, interrogé par quelques-uns d'entre eux, s'arrêtait et leur donnait des explications. Ils marchèrent ainsi jusqu'au soir. Souvent le Seigneur avait l'air très grave et leur donnait des enseignements : quelquefois il disparaissait à leurs yeux, ce qui les troublait profondément : puis tout à coup, il se retrouvait au milieu d'eux. C'était comme s'il eut voulu les préparer ;' son prochain départ. Le soleil se couchait dans toute sa splendeur. Je les vis parcourir de jolis chemins. des prairies et des endroits plantés d'arbres.

Le soleil était déjà sous l'horizon lorsque Jésus arriva prés de la maison où le repas était préparé : il ne faisait presque plus jour. Marc, Nicodème et Joseph d'Arimathie vinrent à sa rencontre devant la porte. Il avait plus un peu les devants sur les apôtres qui se rendirent à la salle à manger. Jésus entra dans la maison avec sa mère. Le foyer s'y trouvait au niveau du sol. Les autres femmes vinrent plus tard. Sur quelque chose que Jésus leur dit, elles se laissèrent aller à l'espoir qu'il resterait. Mais Marie savait tout et n'avait aucun doute à cet égard. Les autres disciples étant arrivés, Jésus entra dans la salle du festin. Plusieurs autres membres de la communauté étaient là debout et l'attendaient. Jésus et les siens occupèrent l'un des longs côtés de la table. Elle était plus haute que de coutume ; les apôtres étaient couchés sur des sièges placés transversalement. Il n'y avait pas de siège à la place de Jésus : il resta debout. Jean était placé à côté de lui. Il était plus serein que les autres : il avait dans le caractère ; quelque chose qui le faisait ressembler à un enfant : il s'attristait facilement, et un instant après on le voyait consolé et même joyeux. La lampe était allumée au-dessus de la table : Nicodème et Joseph s'occupaient du service et je vis la sainte Vierge à l'entrée du passage. Le Seigneur bénit le poisson, le pain et les herbes vertes, puis il fit passer à la ronde. Chacun en eut une petite portion. Il enseigna tout le temps et avec beaucoup de gravité. Je vis souvent ses paroles sortir de sa bouche comme des rayons de lumière et entrer plus ou moins rapidement dans cette de tel ou tel apôtre, suivant qu'il était plus avide, plus affamé des enseignements de Jésus. C'est ainsi qu'on voit les choses : tout ce qui est saint se montre sous forme de lumière, tout ce qui est profane sous forme de ténèbres : le désir ardent apparaît comme une faim, et lorsqu'il est satisfait, il semble que c'est un aliment qui est mangé. On perçoit cela très distinctement et on ne trouve pas étrange de voir ainsi les choses. A la fin du repas, le Seigneur bénit aussi une coupe, il y but et la fit passer de main en main : tous y burent après lui. Ce n'était pas toutefois le Saint Sacrement : c'était quelque chose de semblable à ce que Pierre avait fait lors du repas qui avait eu lieu le dimanche d'après la résurrection.

Quand les disciples qui prenaient part au repas se furent levés, les autres qui avaient mangé dans la salle latérale se réunirent dans la cour sous les arbres et je vis le Seigneur aller à eux, les instruire longuement, puis les bénir, après quoi ils s'éloignèrent.

Je vis alors que les autres femmes qui étaient arrivées pendant ce temps, s'étaient rendues de la porte de la maison dans le jardin sans passer par la salle. La sainte Vierge était près d'elles. Jésus alla à elles et tendit la main à sa mère. Il leur parla avec beaucoup de gravité. Toutes étaient très émues et j'eus le sentiment que Madeleine avait un ardent désir d'embrasser les pieds de Jésus. Elle ne le fit pourtant pas, car il y avait dans la personne du Seigneur quelque chose de si imposant que toutes se retirèrent à quelque distance de lui. Quand Jésus se fut ainsi entretenu quelque temps avec elles et leur eut donné sa bénédiction, il les quitta. Elles pleuraient beaucoup, mais en elles-mêmes, pour ainsi dire. Ce n'était pas une douleur extérieure comme celle des gens d'à présent quand ils pleurent, c'était pour ainsi dire Leur âme qui pleurait. Cette fois je ne vis pas pleurer la sainte Vierge. En général Je ne l'ai Jamais vu pleurer avec de vives démonstrations extérieures. si ce n'est quand elle eut perdu l'enfant Jésus âgé de douze ans, à son retour de la fête de Pâques et lorsqu'elle le vit mourir sur la croix. Elles restèrent ici jusqu'un peu avant minuit.
Je vis alors le Seigneur se rendre à la ville par le chemin qu'il avait suivi le dimanche des Rameaux. Marie marchait derrière les apôtres. Ils étaient Suivis en outre d'une troupe de trente à quarante disciples. Quelques-unes des femmes allèrent aussi à la ville, d'autres se rendirent à Béthanie. Pendant ce court trajet, il vint à eux divers groupes de personnes auxquels le Seigneur adressa la parole : mais tout près de la ville, les uns prirent à droite, les autres à gauche : ils n'entrèrent Pas avec lui pour ne pas faire d'éclat.

Cependant Jésus monta au cénacle avec les onze, environ trente disciples, la sainte Vierge et quelques-unes des saintes femmes.

Jésus, les onze et Marie entrèrent seuls dans la salle intérieure : les disciples se rendirent dans la salle latérale où étaient les lits de repos. Je ne me souviens plus s'ils dormirent ou s'ils prièrent. Les compagnes de Marie restèrent dans le vestibule. La table de la cène était préparée et la lampe était allumée. Il n'y avait sur la table qu'un pain azyme et un petit calice. Les apôtres mirent leurs vêtements de cérémonie, et Pierre l'ornement qui le distinguait entre tous. Je vis la sainte Vierge s'asseoir vis-à-vis de Jésus. Je vis le Seigneur faire comme à la sainte cène, entailler le nain. en faire l'oblation. le rompre. le bénir et le leur présenter : tous ensuite burent dans le calice sans qu'on l'eût rempli de nouveau. Je vis le Très Saint Sacrement devenir resplendissant à la parole de Jésus et entrer comme un petit corps lumineux dans la bouche des apôtres.

Lors de la consécration du calice, je vis ses paroles y couler sous la forme d'un jet de lumière couleur de sang. Dans les derniers jours déjà, Madeleine, Marthe et Marie de Cléophas avaient reçu aussi la sainte Eucharistie.

Au point du jour ils récitèrent les matines sous la lampe, mais avec plus de solennité qu'à l'ordinaire. Jésus donna encore une fois à Pierre autorité sur les autres, il le revêtit encore une fois du manteau et répéta ce qu'il leur avait dit lors de son apparition près du lac de Tibériade et sur la montagne. Il leur donna aussi des instructions touchant le baptême et la bénédiction de l'eau. Le matin je vis, outre les apôtres, dix-sept des disciples les plus intimes assister à la prière et à l'instruction : ils se tenaient debout dans la salle, derrière la sainte Vierge.

Avant de quitter le cénacle, le Seigneur leur présenta la sainte Vierge comme leur centre et celle qui devait intercéder pour eux : Pierre et les autres s'inclinèrent et elle les bénit.
Au moment ou cela as ait lieu, je vis Marie comme revêtue surnaturellement d'un grand manteau bleu céleste ; une couronne planait au-dessus de sa tête et elle fut comme élevée sur un trône. C'était une image symbolique de sa dignité qui m'était ainsi montrée. Dans des visions antérieures, j'ai vu dans des occasions importantes, par exemple avant le baptême qui eut lieu le premier et le second jours de la Pentecôte, les apôtres recevoir de Marie une bénédiction semblable.

Le matin, au point du jour, Jésus quitta le cénacle avec les onze apôtres. La sainte Vierge marchait derrière eux et la troupe des disciples suivait à peu de distance. Ils passèrent par les rues de Jérusalem où tout était encore dans le silence et livré au sommeil. Il y eut dans les dis cours et dans tous les actes du Seigneur une solennité et en même temps une promptitude qui allaient toujours croissant. La veille au soir il m'avait paru beaucoup plus affectueux dans ses paroles. Je reconnus le chemin qu'ils suivaient : c'était celui du dimanche des Rameaux, et j'eus le sentiment intérieur que Jésus parcourait avec eux tous les lieux témoins de sa Passion, pour vivifier en eux par ses enseignements et ses exhortations l'accomplissement de la promesse. Ils suivirent toute la voie douloureuse : il s'arrêta quelques instants à chacun des endroits où avait eu lieu quelque incident particulier ; il commenta quelques passages des prophètes dont il leur montra l'accomplissement et il leur expliqua la signification des lieux. Dans certains endroits, comme par exemple ceux où il était tombé sous le poids de la croix, les Juifs avaient tout bouleversé : ils avaient creusé des fossés, amoncelé des pierres et accumulé des obstacles de toute espèce pour empêcher de les visiter et de les honorer. Mais Jésus ordonna au groupe qui le suivait de prendre les devants pour frayer et débarrasser la voie : ce qu'ils firent en peu de temps ; après quoi ils le laissèrent passer devant eux,

Ils arrivèrent à la porte qui conduit au Calvaire. Ils quittèrent là le chemin pour gagner une jolie pelouse qu'ombrageaient des arbres touffus : c'était un endroit ou l'on venait se récréer ou prier, comme il s'en trouvait plusieurs autour de Jérusalem. Jésus s'y assit avec eux, les enseigna et les consola. Pendant ce temps, le jour s'était fait et leurs coeurs étaient un peu allégés : il leur semblait qu'il allait encore rester avec eux.

Toutes les troupes qui la veille s'étaient séparées de lui devant la ville vinrent le rejoindre là. Je vis aussi beaucoup de gens qui venaient d'un autre côté à travers la campagne ; mais il n'y avait pas de femmes parmi eux. Lorsque le soleil fut levé, Jésus reprit le chemin qui mène au Calvaire et au saint Sépulcre. Toutefois il n'alla pas tout à fait jusque-là, mais il se détourna et longea les murs de la ville jusqu'à la montagne des Oliviers. Sur ce chemin aussi, les Juifs avaient dévasté et entouré de barrières divers endroits où Jésus avait coutume de prier et d'enseigner, et ces dégâts furent réparés par les disciples à l'aide d'outils qu'ils trouvèrent dans les jardins d'alentour : je me rappelle entre autres certaines pelles rondes semblables à celles qu'on emploie chez nous pour enfourner le pain.

Arrivé près de la montagne des Oliviers, le Seigneur se reposa de nouveau avec eux dans un lieu de plaisance semblable au précédent, mais plus spacieux. Plusieurs des saintes femmes vinrent encore le rejoindre ici. Ce lieu était très agréable et très frais ; l'herbe y était fort haute et j'étais surprise qu'elle ne fût foulée nulle part Il y avait maintenant tant de personnes autour de Jésus que je ne pouvais plus les compter. Tous les sentiers détournés que le Seigneur avait suivis me rappelaient les nombreux sentiers que je vois ordinairement à côté de la route de vie qui mène directement à la Jérusalem céleste et par lesquels la grâce de Dieu nous conduit pour que nous puissions plus longtemps donner au prochain des marques de notre charité. Il me parut aussi que le Seigneur ne suivait ces chemins détournés que par charité pour les disciples, pour consacrer plus de temps à les préparer. Il s'entretint très longtemps avec eux, comme quelqu'un qui va mettre fin à son oeuvre et qui est sur le point de se séparer de ses amis. Ils pressentaient maintenant que le moment de la séparation approchait ; toutefois ils ne croyaient pas que ce fut si tôt.

Le soleil s'élevait déjà : mais je ne sais pas si je dis bien, car dans ce pays le soleil ne me paraît pas s'élever autant qu'ici : il paraît toujours plus rapproché. Je ne le vois pas se lever comme ici sous la forme d'un petit globe : il m'apparaît bien autrement resplendissant, et la plupart du temps ses rayons ne me semblent pas si délies, mais semblables à de larges bandes de lumière. J'ai commis une erreur en me servant du terme " s'élever " ; j'aime mieux dire que le soleil partant de l'horizon s'était avancé davantage dans le ciel. Ils s'étaient bien arrêtés ici une heure. Maintenant aussi le mouvement de la vie avait recommencé à Jérusalem et beaucoup de gens s'étaient rassemblés autour de la montagne des Oliviers et se livraient à des entretiens animés. Plusieurs groupes sortant de la ville se dirigeaient aussi de ce côté. On voyait déjà dans le lointain une certaine agitation tumultueuse et les chemins les plus étroits étaient encombrés : cependant il restait un espace vide autour de Jésus et des siens.

Le Seigneur se dirigea alors vers Gethsémani : il gravit la montagne à l'endroit où se trouve le jardin des Oliviers, sans passer par le chemin où l'on s'était saisi de lui.

La foule allait comme en procession sur les divers chemins qui serpentaient autour de la montagne, et beaucoup de groupes se frayaient un passage à travers des buissons, des haies et des clôtures de jardins. Le Seigneur devenait de plus en plus lumineux, et la rapidité de sa marche allait croissant. Les disciples se hâtaient, mais sans pouvoir l'atteindre ; et comme le Seigneur était au haut de la montagne, tout environné de lumière, je vis parmi les personnes qui formaient le cercle autour de lui, toutes celles qui étaient venues de Jérusalem à sa rencontre le dimanche des Rameaux : je vis entre autres, parmi elles, la chère Séraphia (Véronique). Lorsque le Seigneur fut arrivé au sommet de la montagne, il parut resplendissant de blancheur comme la lumière du soleil, et il descendit du ciel vers lui une sphère lumineuse où brillaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Tous ceux qui se portaient en avant s'arrêtèrent éblouis et comme aveuglés, formant un large cercle autour de lui. Je vis le Seigneur encore plus lumineux et plus éclatant que l'auréole de gloire qui l'environnait. Il posa sa main gauche sur sa poitrine, et, levant la main droite il se tourna de tous les côtés donnant sa bénédiction au monde entier. La foule se tenait immobile et silencieuse, mais je vis que tous furent bénis. Il ne bénit pas comme les rabbins avec la paume de la main, mais à la façon des évêques chrétiens. La bénédiction qu'il donna au monde me fit éprouver un sentiment très vif de joie intérieure.

Cependant une lumière partant du ciel vint se confondre avec sa propre lumière, et je vis sa forme visible, à partir de la tête, se perdre dans cette splendeur céleste, s'y élever et s'y évanouir en quelque sorte. C'était comme un soleil entrant dans un autre, une flamme se perdant dans une masse lumineuse, une étincelle volant dans une flamme. C'était comme lorsqu'on regarde le soleil en plein midi, si ce n'est que la lumière était d'une blancheur plus éclatante : le plein jour paraissait obscur en comparaison. Je ne pouvais plus voir sa tête, je distinguais encore ses pieds brillants de lumière : mais enfin il disparut complètement, perdu dans la splendeur céleste. Je vis de tous côtés des âmes innombrables entrer dans cette lumière, et disparaître dans le ciel avec le Seigneur. Je ne puis dire que je l'aie vu comme quelque chose qui vole dans l'air et qui va toujours s'amoindrissant, mais je l'ai vue s'élever et disparaître dans une nuée resplendissante.

Avec la nuée lumineuse, il tomba comme une rosée de lumière sur tous les assistants : lorsque l'éclat de la lumière devint tel que les yeux ne purent plus le supporter, tous furent saisis d'effroi et de stupeur. Les apôtres et les disciples étaient ceux qui se tenaient le plus près de Jésus : ils furent la plupart complètement éblouis; tous baissèrent les yeux à terre, et plusieurs se prosternèrent sur leur face. La sainte Vierge se tenait immédiatement derrière eux et regardait tranquillement devant elle.
Au bout de quelques instants, lorsque la lumière se fut un peu affaiblie en s'éloignant, tous les assistants immobiles à leurs places et gardant le plus profond silence, quoique agités par les émotions les plus diverses, suivirent des yeux l'apparition lumineuse qui resta encore quelque temps visible, et je vis descendre dans cette lumière deux figures, petites d'abord, mais qui bientôt grandissant, apparurent sous la forme d'hommes vêtus de longues robes blanches et ayant des bâtons à la main comme des prophètes. Ils parlèrent aux assistants : leur voix était éclatante comme le son de la trompette, et il me semblait qu'on devait les entendre de Jérusalem. Sans faire un geste ni un mouvement, ils prononcèrent ces paroles :

" Hommes de Galilée, pourquoi restez vous là à regarder le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, reviendra comme vous l'avez vu monter au ciel ". Avant ainsi parlé, ces figures disparurent, mais la lumière céleste persista encore un certain temps, puis s'affaiblit par degrés, et enfin s'évanouit de même que le jour se perd dans la nuit. Maintenant les disciples étaient tout à fait hors d'eux mêmes: maintenant ils connaissaient leur sort. Le Seigneur les avait quittés pour retourner à son Père céleste. Plusieurs tombèrent presque évanouis dans l'excès de la douleur et du saisissement. Pendant ce temps-là la lumière céleste disparut tout à fait; ils reprirent des forces et les autres se pressèrent autour d'eux. Beaucoup de personnes formèrent des groupes, et les femmes elles-mêmes se rapprochèrent; ils restèrent ainsi longtemps encore, réfléchissant, s'entretenant et regardant en l'air; puis enfin, les disciples reprirent le chemin de Jérusalem, et les femmes les suivirent. La sainte Vierge, Pierre et Jean avaient l'âme en paix et ressentaient une grande consolation ; mais je vis aussi plusieurs personnes dont le coeur n'était pas touché et qui s'en allaient doutant toujours. Je vis toute cette foule se disperser peu à peu. Il y avait une pierre plate à l'endroit où se lit l'Ascension. Jésus se tenait debout sur cette pierre, lorsqu'il parla pour la dernière fois avant le moment où il donna sa bénédiction, et où il entra dans la nuée lumineuse. La trace de ses pieds resta imprimée sur la pierre comme aussi l'empreinte de la main de la sainte Vierge. (Anne Catherine n'a point dit où se trouvait cette dernière.)
Il était plus de midi lorsque toute la foule s'écoula. Je vis les disciples et la sainte Vierge aller au cénacle. Comme ils se sentaient seuls désormais, ils furent d'abord inquiets, se regardant comme délaissés. Je me disais qu'ils avaient tort puisqu'il leur restait la promesse de Jésus. J'aurais donné ma vie pour la garantir.

Note : Anne Catherine ne reproduisit pas ces paroles qui sont tirées des Actes des Apôtres : elle se borna à dire " qu'ils leur adressèrent quelques paroles. "
(Note du Pèlerin.)

Mais lorsqu'ils furent réunis dans la maison, ils trouvèrent une consolation particulière dans la présence de la sainte Vierge au milieu d'eux, et dans sa contenance calme et assurée : ils mirent toute leur confiance dans la parole du Seigneur suivant laquelle elle devait être pour eux un centre, une mère, une médiatrice, et la paix rentra dans leurs âmes.

Quand ceux qui avaient été témoins de l'Ascension revinrent à Jérusalem, les Juifs éprouvèrent un certain effroi. J'en vis beaucoup fermer leurs portes et leurs boutiques : plusieurs se réunirent ensemble dans certaines maisons. Déjà pendant les jours précédents, je les avais vus particulièrement inquiets et tourmentés : ils le furent aujourd'hui à un haut degré.

L’Ascension de Jésus eut lieu sur le point le plus élevé de la montagne des Oliviers.

Le jour d'après l'Ascension et les jours suivants, je vis les apôtres constamment réunis dans le cénacle et la sainte Vierge parmi eux. Depuis le dernier repas de Jésus où cela avait eu lieu pour la première fois, j'ai toujours vu Marie, lorsqu'on faisait la prière et la fraction du pain, placée en face de Pierre, lequel tenait la place du Seigneur lorsqu'on se réunissait pour prier et pendant les repas.

A la fin du sabbat d'après l'Ascension, je vis les apôtres réunis dans la salle du cénacle et priant. Tous avaient leurs vêtements blancs de cérémonie, mais Pierre et deux autres étaient revêtus de leurs ornements distinctifs. Il me sembla voir quelques changements dans leurs cérémonies. Ils se tenaient en cercle sous la lampe. La sainte Vierge était en face de Pierre. Ils avaient entre eux, sous la lampe, une petite table carrée assez haute qui ressemblait à un autel, et qui était recouverte d'une draperie rouge et d'une autre draperie blanche à jour. Je ne me souviens pas d'autre chose quant à présent.

Depuis que Marie a pris place à la table de la cène, dans la nuit d'avant l'Ascension, j'ai l'impression constante qu'elle a pris un plus haut rang parmi les apôtres et que maintenant elle représente l'Eglise.

Dans ce temps-là, je vis les apôtres et la sainte Vierge se tenir constamment dans le cénacle, où ils priaient, séparés de la portion la plus nombreuse des disciples, du reste de leurs adhérents et des saintes femmes. Ils occupaient différentes pièces. Les apôtres vivaient très retirés et je ne vis personne parmi les fidèles aller les visiter au cénacle. Les apôtres se tenaient plus en garde contre les persécutions des Juifs et persévéraient dans la prière plus strictement et plus régulièrement que les disciples établis dans l'autre salle : ceux-ci allaient et venaient davantage et j'en vis plusieurs parcourir la nuit avec une grande dévotion les chemins sanctifiés par le Seigneur.

J'ai vu aussi l'élection de Matthias comme apôtre. Je vis Pierre revêtu de son manteau épiscopal, debout dans le cénacle au milieu des apôtres : les disciples, réunis dans les salles latérales qui étaient ouvertes, assistaient comme spectateurs. Pierre proposa José Barsabas et Matthias : l’un et l'autre étaient au nombre des disciples présents. Parmi ceux-ci, il y en avait plusieurs qui auraient désiré qu'on les choisît pour remplacer Judas : mais ces deux-là ne le souhaitaient aucunement et ils n'y avaient pas même pensé.

Le premier jour, je vis Pierre proposer ces deux disciples ; le second jour on tira au sort, mais sans qu'ils fussent présents. Le sort étant tombé sur Matthias, un des apôtres alla le chercher à l'endroit où se tenaient les disciples et l'amena.

Je vis dans le cénacle un grand changement et comme les préparatifs d'une fête. Je pus, à cette occasion, me rendre un compte plus exact de la distribution de la maison. On pouvait enlever les parois des galeries latérales qui entouraient la salle, ce qui permettait de voir l'intérieur de cette salle, de même que des bras du transept on voit l'intérieur de la nef d'une église. Une partie de cette galerie à colonnes qui entourait la maison avait été fermée, pour faire des chambres où se tenaient les disciples. Je vis, à cause du sabbat qui allait s'ouvrir, tout l'intérieur de la salle décoré avec des arbres verdoyants entre les branches desquels on avait placé des pots de fleurs et des arbustes : des guirlandes de feuilles couraient d'un côté de la salle à l'autre. On avait ouvert une large trappe dans la partie supérieure, à l'endroit où la lampe était suspendue habituellement, et la lampe elle-même était attachée un peu plus près du rideau qui était devant le Saint des Saints. Les cloisons avaient été enlevées du côté de la salle latérale et les portes étaient ouvertes : la porte extérieure de la cour était seule fermée. Les apôtres étaient rangés dans un ordre un peu différent de celui que j'avais vu précédemment. Pierre, revêtu du manteau épiscopal, se tenait debout au milieu de la salle en face de la lampe et du rideau : la sainte Vierge était vis-à-vis de lui devant la porte ouverte du vestibule. Elle avait son voile entièrement baissé sur son visage. Les autres femmes étaient derrière elle dans le vestibule, dont la porte était ouverte, et assistaient de là à la prière. Les apôtres étaient rangés des deux côtés de la salle, les yeux tournés vers Pierre, qui était debout sous la lampe, près de la table recouverte de rouge et de blanc sur laquelle étaient poses des rouleaux d'écriture. Les disciples, rangés dans les salles latérales dont les parois étaient enlevées, se trouvaient derrière les apôtres et regardaient. On priait et on chantait, mais sans gesticuler beaucoup. Tout avait été ainsi décoré à l'avance à cause du sabbat de la Pentecôte qui tombait le lendemain.

La ville est remplie d'étrangers : dans le temple aussi tout est décoré de guirlandes et de verdure. Il s'y fait beaucoup de cérémonies et il y a beaucoup de mouvement et de bruit.

Veille de la Pentecôte. -- Je vis aujourd'hui tous les disciples rassemblés au cénacle comme le jour précédent La salle était décorée de guirlandes de verdure : les cloisons étaient enlevées et les portes ouvertes, à l'exception de la porte extérieure de la cour. Pendant la nuit, j'ai vu les apôtres dormir contre les murs et dans les salles extérieures. En ce temps-là, je les ai vas aussi le jour se mettre à table dans la salle, et manger des petits pains et un peu de miel. Les disciples étaient assis par terre dans les pièces attenantes : il n'y avait pas de grands apprêts.

Le soir, comme tous étaient de nouveau rangés pour la prière, je vis Pierre prendre sur la petite table qui était devant lui deux pains azymes où étaient tracées des lignes indiquant le nombre des parts à faire, les bénir, les élever en l'air, puis les rompre et en distribuer les morceaux aux apôtres et à la sainte Vierge. Je vis ces morceaux tout lumineux lorsqu'ils les reçurent. Je vis encore aujourd'hui faire plusieurs autres cérémonies. Les apôtres s'approchèrent de Pierre et lui baisèrent la main, la sainte Vierge fit de même. Lui aussi s'inclina vers eux, toutefois je ne sais pas bien s'il leur baisa la main à son tour. Cependant je les vis remplis d'un désir de plus en plus ardent. Lorsque les apôtres mangèrent le pain, je me trouvai moi-même saisie d'une ferveur extraordinaire et je me sentis nourrie et réconfortée d'une façon que je ne puis expliquer. Un aliment semblable à un liquide lumineux entra dans ma bouche. J'en sentis le goût, mais je ne savais pas d'où il venait, car je ne vis pas de main qui me le présentât : toutefois je le savourais avec un plaisir extraordinaire et j'eus la crainte d'avoir rompu le jeûne et de ne pouvoir recevoir la sainte communion le lendemain matin. D'après mon impression, je n'étais pas alors dans ma chambre : pourtant j'entendis parfaitement la cloche sonner minuit et je comptai chacun des douze coups.

Le soir comme je me trouvais près des apôtres et que je regardais de tous les côtés, je vis dans les rues beaucoup d'étrangers aller et venir, puis former des groupes. Ils étaient habillés suivant des modes étrangères : il y avait là des gens de toute espèce, les uns de haute condition, les autres de la basse classe, et ils parlaient entre eux dans un langage tout à fait singulier. Ils avaient aussi quelque chose d'étrange dans leurs manières, dans tous leurs mouvements et dans les gestes qu'ils faisaient en parlant. Ils semblaient se raconter les uns aux autres comment et en quel endroit telle et telle chose s'était passée. Plusieurs d'entre eux parcouraient les chemins par lesquels le Seigneur avait été conduit pendant sa Passion. Lorsque le soir vint, ils disparurent dans de grands hangars où ces gens, venus de loin pour les fêtes de la Pentecôte, trouvaient à se loger la nuit. Je vis aussi dans diverses maisons des traîtres qui tramaient des complots contre les apôtres.

Cette nuit il y eut beaucoup de mouvement dans la maison où se tenaient les membres de la communauté chrétienne. Cent vingt personnes étaient réunies dans le cénacle et dans ses dépendances : la sainte Vierge s'y trouvait avec les femmes, ses amies. Ils me parurent aujourd'hui plus calmes : précédemment ils avaient dans l'esprit des pensées qui les agitaient ; ils se demandaient comment le Consolateur, le Saint Esprit, viendrait à eux et ce qui arriverait alors. Aujourd'hui ils avaient beaucoup plus de confiance.

Je remarquai après minuit dans toute la nature une émotion mystérieuse et je ne sais quel mouvement de joie qui se communiquait à tous les assistants. Il me sembla aussi qu'à travers l'ouverture pratiquée en haut de la salle on voyait poindre dans le ciel une faible lumière. Les apôtres étaient devenus silencieux : ils avaient quitté les places qu'ils occupaient au milieu de la salle pour se ranger contre les parois et ils se tenaient près des piliers. Les disciples étaient placés dans les galeries latérales d'où ils voyaient l'intérieur de la salle. Pierre était debout devant le rideau qui cachait le Très Saint Sacrement ; la sainte Vierge se tenait dans la salle devant la porte du vestibule où se trouvaient les saintes femmes, dont cinq étaient à demeure dans la maison

Tous se tenaient immobiles et dans l'attente, les bras croisés sur la poitrine et les yeux baissés vers la terre, et le calme qui régnait parmi eux se répandit partout de proche en proche. Les disciples, qui étaient dans les salles voisines, cherchèrent chacun sa place et bientôt le plus profond silence régna dans toute l'étendue de la maison.

Vers le matin, Je vis au-dessus de la montagne des Oliviers, à l'endroit ou le Seigneur était monté au ciel, une nuée lumineuse, brillant d'un éclat argentin, descendre du ciel et s'approcher en baissant de la maison des apôtres à Sion. Je vis dans le lointain, sur le premier plan, se mouvoir comme un globe accompagné dans sa marche d'un souffle de vent doux et tiède. En approchant, la nuée grandit et passa au-dessus de la ville comme une brume lumineuse, puis se ramassant et se concentrant au-dessus de Sion et du cénacle, pendant que son éclat et sa transparence allaient toujours en augmentant, elle s'arrêta, semblable à un soleil resplendissant, et descendit comme une nuée d'orage qui s'abaisse, avec un bruit pareil à celui d'un tourbillon de vent impétueux. A ce bruit je vis beaucoup de Juifs qui avaient vu la nuée s'enfuir tout effrayés vers le temple. Pour moi, quand j'entendis arriver ce vent avec une violence toujours croissante, je fus prise d'une terreur d'enfant, et, craignant que cela ne finît tout d'un coup par une terrible explosion, je cherchai avec inquiétude où je pourrais me mettre à l’ abri. C'était comme un orage qui arrive rapidement, mais qui, au lieu de monter de la terre, descend du ciel, qui apporte une vive lumière au lieu d'une profonde obscurité et qui marche accompagné d'un bruit mystérieux au lieu de faire retentir les éclats du tonnerre. Or le mouvement de l'air qui produisait ce bruit se faisait sentir comme un courant d'air chaud dont l'influence était singulièrement agréable

Quand la nuée lumineuse s'abaissa tout à fait sur le cénacle, en même temps que son éclat augmentait et que le bruit du vent redoublait, je vis la maison et tout ce qui l'entourait s'illuminer de plus en plus : je vis aussi les apôtres, les disciples et les saintes femmes de plus en plus recueillis et pleins de ferveur intérieure. Je ne puis rendre à quel point tout m'apparaissait clair et lumineux : tout était transparent pour moi.

Cependant vers trois heures du matin, avant le lever du soleil, je vis partir le la nuée retentissante des courants de lumière blanche qui se croisèrent sept fois et en se croisant ainsi se divisèrent en rayons isolés et en larmes de feu qui tombèrent sur la maison et ses dépendances. Le point ou se coupaient les sept courants lumineux était entouré d'une lumière semblable à celle de l'arc-en-ciel, et je vis s'y dessiner comme une figure resplendissante qui planait en l'air. Il me sembla aussi voir aux épaules de cette figure des ailes qui s'étendaient au lion : toutefois, je ne puis pas dire que ce fussent des ailes à proprement parler : car tout en elle ne semblait être qu'une effusion de lumière. En ce moment, la maison dans toute son étendue fut entièrement inondée et pénétrée par la lumière. Je ne vis plus la lueur de la lampe à cinq bras. Tous ceux qui se trouvaient réunis au cénacle semblaient pétrifiés, ravis en extase : ils levaient instinctivement leur visage en l'air, comme des gens altérés, et je vis entrer dans leur bouche des jets de lumière semblables à de petites langues de feu flamboyantes : ils semblaient aspirer le feu, le boire pour étancher leur soif : on eût dit que leur désir était une flamme qui s'élançait hors de leur bouche à la rencontre de cette autre flamme céleste. Ce feu divin se répandit aussi sur les disciples et sur les femmes qui étaient dans le vestibule, et toute la masse lumineuse se fondit pour ainsi dire comme une nuée qui se résout en pluie de lumière. Les langues de feu qui descendirent sur chacun des assistants différaient quant à l'éclat et à la couleur.

Plusieurs personnes furent réveillées par ce bruit semblable à celui d'un vent impétueux. L'Esprit Saint remua vivement beaucoup de disciples et de partisans de Jésus qui habitaient dans les environs.

Quand le don céleste se fut répandu sur l'assemblée réunie au cénacle, tous se sentirent pleins d'allégresse et de courage. Ils étaient profondément émus : la joie les enivrait et leur confiance était sans bornes. Tous se pressèrent autour de la sainte Vierge que je vis seule, quoique inondée aussi des consolations célestes, calme, tranquille et absorbée comme toujours dans un saint recueillement. Quant aux apôtres, ils s'embrassaient mutuellement transportés de joie et animés d'une hardiesse toute nouvelle. Ils semblaient s'interpeller les uns les autres et se dire : " Qu'étions-nous et que sommes-nous devenus " ? Les saintes femmes aussi s'embrassaient. Les disciples dans les galeries latérales n'étaient pas moins émus. Les apôtres coururent à eux, et il se manifestait chez tous comme une nouvelle vie qui les remplissait de joie, de confiance et d'intrépidité.

Bientôt cette manifestation de lumière et de force intérieure se tourna en actions de grâces. Ils prirent leurs places comme ils le faisaient pour la prière, remercièrent Dieu et chantèrent des cantiques avec une émotion profonde : pendant ce temps la lumière disparut par degrés. Alors Pierre adressa un discours aux disciples et en envoya plusieurs au dehors dans les autres endroits ou logeaient des amis venus pour les fêtes de la Pentecôte.

Il y avait à partir du cénacle jusqu'à la piscine de Béthesda beaucoup d'échoppes et de hangars ouverts, ou des étrangers venus pour la fête passaient la nuit et logeaient leurs bêtes de somme. Un très grand nombre d'entre eux dormaient : d'autres étaient éveillés et avaient ressenti l'influence de la grâce du Saint Esprit, car il y avait eu un mouvement général dans la nature. Beaucoup de gens de bien s'étaient sentis comme réveillés intérieurement, tandis que les méchants saisis d'effroi et d'inquiétude n'en étaient devenus que plus endurcis. La plupart des gens logés dans ce quartier, qui fut le premier séjour de la communauté chrétienne, étaient restés à Jérusalem depuis les fêtes de Pâques, parce qu'étant de pays éloignés il ne leur était pas facile d'aller chez eux et de revenir entre Pâques et la Pentecôte. Or, ceux-ci, par suite de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, étaient plus portés que d'autres vers les disciples et avaient plus de rapports avec eux. Lorsque les disciples envoyés par Pierre vinrent à eux ivres de joie et leur annoncèrent l'accomplissement de la promesse concernant le Saint Esprit, ils se rendirent compte, chacun à sa manière, de l'impression qu'eux-mêmes avaient éprouvée, et sur l'invitation des disciples, ils se rassemblèrent toue autour de la piscine de Bethesda qui était dans le voisinage.

Pendant ce temps, Pierre, dans le cénacle imposait les mains à cinq apôtres qui devaient avec lui enseigner et baptiser à la piscine de Béthesda. Je crois que c'étaient Jacques le Mineur, Barthélémy, Matthias, Thomas et Jude Thaddée. Je vis que pendant cette cérémonie, le dernier eut une vision : il me sembla le voir serrer le Seigneur dans ses bras.

Je les vis ensuite, avant de se rendre à la piscine de Bethesda pour y bénir l'eau et y administrer le baptême, recevoir encore la bénédiction de la sainte Vierge devant laquelle ils s'agenouillèrent. Avant l'Ascension de Jésus, ils la recevaient debout. Les jours suivants je vis toujours les apôtres recevoir cette bénédiction lorsqu'ils sortaient après leur retour. La sainte Vierge, lorsqu'elle donnait cette bénédiction, et en général toutes les fois qu'elle se montrait parmi les apôtres dans quelque circonstance solennelle, portait un grand manteau blanc et un voile de couleur jaunâtre qui lui cachait le visage : elle avait sur la tête une bande d'étoffe bleu de ciel retombant des deux côtés presque jusqu'à terre et ornée de broderies, laquelle était assujettie au haut de la tête par une couronne de soie blanche très fine.

Cependant tous ces gens que les disciples étaient allés convoquer dans les hôtelleries circonvoisines et dans ce grand vieil édifice (le château de David) qui était à peu de distance du cénacle, se rendirent en foule à la piscine de Bethesda. Ils étaient très animés et très émus, et les disciples leur racontaient et leur expliquaient ce qui s'était passé avec de grandes démonstrations de joie.

C'était ce jour-là que devait avoir lieu baptême conformément aux instructions laissées par Jésus, et l'on avait fait pour cette cérémonie des préparatifs de toute espèce dans la synagogue voisine de la piscine dont les disciples avaient pris possession récemment et près de la piscine elle-même. Je vis notamment des tapis tendus sur les murs de la synagogue, des enceintes séparées par des barrières, une espèce d'autel au milieu de la salle et à l'entrée de l'édifice un passage couvert allant jusqu'à la piscine.

Bientôt les apôtres se rendirent du cénacle à cette synagogue ; ils étaient revêtus des vêtements blancs qu'ils portaient dans les cérémonies et marchaient deux à deux comme en procession, apportant avec eux tout ce qui étai nécessaire pour la bénédiction de l'eau et l'administration du baptême. La sainte Vierge, d'autres femmes et plusieurs disciples les suivirent afin de s'occuper de la distribution des robes baptismales. Les apôtres avaient avec eux une outre de cuir pleine d'eau bénite, et un aspersoir qui n'avait pas la forme d'un goupillon. Après le dernier repas qui avait précédé l'Ascension, Jésus leur avait donné de nouvelles instructions sur la bénédiction de l'eau et l'administration du baptême. La foule assemblée les reçut avec une grande joie. Elle sel composait de Juifs étrangers qui s'étaient réunis ici depuis les fêtes de Pâques, et que tout ce qu'ils avaient vu et entendu avait de plus en plus rapprochés de la communauté. Ce quartier qui entourait la piscine était un des emplacements où campaient ordinairement les gens de cette catégorie. Ceux-ci avaient rencontré là des partisans déclarés de Jésus qui s'y étaient déjà établis, en cette circonstance avait mis en quelque sorte la grâce à leur portée : on peut voir par là comment la piscine de Béthesda devint pour eux, par suite du baptême qu'ils y reçurent, ce que la mer de Galilée avait été pour les caravanes qui s'arrêtaient sur ses bords afin d'aller entendre : les sermons de Jésus sur la montagne. Il y avait cependant encore parmi eux beaucoup de gens mal intentionnés ; en outré, beaucoup de personnes de la ville se joignirent à eux, attirées par la curiosité.

Les cinq apôtres auxquels Pierre avait imposé les mains se placèrent aux cinq entrées de la piscine et adressèrent au peuple assemblé des discours pleins d'enthousiasme. Mais Pierre monta dans une chaire qui avait été dressée pour lui dans l'une des enceintes de la piscine : c'était la troisième en partant de l'enceinte extérieure et celle où se trouvait la terrasse la plus spacieuse. Toutes les terrasses de la piscine étaient couvertes d'auditeurs. Lorsque les apôtres leur avaient adressé la parole, ils avaient été stupéfaits, car chacun les entendait parler dans sa langue. Cet étonnement du peuple fut cause que Pierre prit la parole à son tour, ainsi qu'il est rapporté dans les Actes des apôtres. (Ac 2,14-40.)

Beaucoup d'entre eux s étant alors présentés pour être baptisés, Pierre, assisté de Jean et de Jacques le Mineur, bénit l'eau solennellement. A cette occasion, Pierre trempa l'aspersoir dans l'eau bénite qu'ils avaient apportée du cénacle dans une outre, et fit des aspersions qui atteignirent jusqu'au delà de la piscine.

Le baptême et la préparation au baptême durèrent toute la journée. Le peuple, qui couvrait toutes les terrasses, s'approchait par petites troupes qui faisaient successivement le tour de la chaire de Pierre. Les autres apôtres parlaient aux entrées de la piscine.

La sainte Vierge et les autres femmes étaient à la synagogue voisine de la piscine, occupées à distribuer des robes blanches aux néophytes. Les manches de ces robes étaient attachées par-dessus les mains avec des rubans noirs qu'on défaisait et qu'on mettait en tas après le baptême. Les cinq apôtres auxquels Pierre avait imposé les mains se tenaient aux cinq entrées de la piscine et baptisaient. Les néophytes s'appuyaient sur une balustrade : on puisait l'eau avec un bassin ou on la prenait dans la main pour la verser trois fois sur leur tête ; elle tombait ensuite dans des rigoles qui la ramenaient à la piscine.

Le bassin contenait la quantité d'eau nécessaire pour baptiser environ dix couples ; quand il était épuisé on le remplissait de nouveau. Deux baptisés conduisaient toujours deux autres néophytes à la place qu'ils avaient occupée et leur mettaient les mains sur la tête en qualité de parrains. Les premiers baptisés étaient pour la plupart des disciples et des adhérents de Jésus qui avaient reçu seulement le baptême de Jean. Les saintes femmes aussi furent baptisées. Je crois qu'il y eut bien trois mille personnes qui s'adjoignirent aujourd'hui à la communauté chrétienne. Le baptême et les instructions préparatoires durèrent toute la journée. Le soir ils revinrent au cénacle et prirent un repas où l'on distribua beaucoup de pain bénit, après quoi on fit encore la prière du soir.

Je vis aujourd'hui chacun des Juifs qui vinrent au temple offrir dans une corbeille deux petits pains faits avec le blé de cette année. Il y en avait de grands amas : plus tard tout cela fut donné aux pauvres. Je vis aussi une fois le grand prêtre tenant à la main un bouquet d'épis dont la tige était épaisse comme celle du roseau et qui ressemblaient à du blé de Turquie. Ils offrirent encore des objets qui avaient l'air de racines et des fruits qui m'étaient inconnus. Les gens qui se tenaient sous les hangars avaient des ânes chargés de tous ces objets ; ils les vendaient au peuple. Quant au pain chacun le faisait cuire chez soi. Les apôtres n'offrirent pour eux tous que les deux pains ; cela se fit par l'intermédiaire de Pierre.

La piscine de Béthesda, située vis-à-vis de l'angle du Saint des Saints qui regarde le sud-ouest, comme le Calvaire est situé vis-à-vis l'angle qui regarde le nord-ouest, était déjà délaissée depuis longtemps et tombait en ruines. Elle était, comme beaucoup de sanctuaires et d'anciens usages de l'Eglise à notre époque, complètement négligée, et n'était à l'usage que de quelques pauvres croyants, comme dans notre temps l'eau bénite, le chemin de la croix et certaines images miraculeuses. Ce n'est pas, comme bien des gens le croient, la même que la piscine des Brebis : celle-ci est située au nord du temple, près du marché aux bestiaux, dans le voisinage de la porte des Brebis, et elle est maçonnée en pierre. La piscine de Béthesda n'est pas maçonnée, elle est sur un fond de sable d'où jaillissent plusieurs sources ; elle sert aussi d'égout au sang des sacrifices qu'on fait au temple ; ce sang s'y déverse par des conduits placés sons l'autel. Jésus y a guéri et enseigne plusieurs fois : le miracle qu'il y a fait en guérissant le paralytique a ramis un peu la piscine en honneur, mais l'a rendue plus odieuse aux Pharisiens.

Pendant l'absence que fit Jésus après la résurrection de Lazare, les disciples s'y tinrent souvent, car il y a là des recoins, des terrassements, des murs en grand nombre, et sur l'une des pentes qui descend dans la vallée, on trouve des bouquets de genévriers. Après le crucifiement et la résurrection, lorsque les Juifs dévastèrent les chemins, les passages, les lieux où résidaient les partisans de Jésus, afin d'isoler ceux-ci et de leur fermer l'accès aux autres parties de la ville, ils murèrent la porte par laquelle Jésus avait passé, le dimanche des Rameaux, barrèrent le chemin qui allait de la montagne de Sion au temple et interceptèrent celui du Calvaire par des haies, des barrières et des fossés ; ils firent aussi beaucoup de dégâts à la piscine de Béthesda, où les disciples et les fidèles s'étaient tenus cachés habituellement avant et pendant le crucifiement.

La piscine de Bethesda est de forme ovale. Les cinq enceintes, avec leurs terrasses qui s'abaissent en pente douce, entourent la piscine comme un amphithéâtre et sont coupées par cinq chemins qui descendent et aboutissent à quelques marches. Les murs de derrière des terrasses contiennent de petites salles voûtées dans lesquelles sont disposées des couches en pierre pour les malades. La rampe intérieure de ces terrasses n'a pas de murs d'appui du côté de la piscine. On peut voir de partout si l'eau de la piscine s'agite. Le fond de la piscine est de sable blanc brillant. Trois sources bouillonnent au milieu et mettent le sable en mouvement : souvent aussi ces sources jaillissent au dessus de la surface.

Les dépendances de la piscine avec toutes les constructions qui en font partie occupent un très grand espace : lorsqu'on est entré, on monte d'abord un peu, puis on descend devers le bassin. Le bâtiment ovale qui entoure la piscine couvre le ravin qui se trouve entre Sion et le reste de Jérusalem, au sud-ouest du temple. Il s'étend en longueur dans le sens de la vallée qui descend à l'est par une pente escarpée. Plus à l'ouest derrière la piscine, la vallée est moins profonde et des ponts la franchissent. L'enceinte extérieure est comme un rempart percé seulement de trois entrées, mais dans l'intérieur on arrive à l'étang par cinq passages qui coupent les terrasses. Le côté du nord est escarpé et couvert de végétation : il y a au nord-est, en face du temple, une entrée qui maintenant est fermée et tombe en ruines. Depuis longtemps déjà la piscine était abandonnée et ses environs inhabités. Les murs d'enceinte extérieurs sont en très mauvais état et les terrasses sont en grande partie très dégradées. De même la pompe jaillissante ne marchait plus, mais peu après la Pentecôte je la vis réparée et employée pour le baptême. L'école qui est ici ne servait qu'aux étrangers à l'époque des fêtes, de même aussi les nombreux pèlerins qui venaient pour Pâques résidaient ordinairement près de la piscine : c'est surtout maintenant le cas pour ceux qu'ont attirés les fêtes de la Pentecôte.

Lorsque les apôtres et les disciples eurent pris possession du cénacle et de cette école voisine de la piscine de Béthesda, on fit quelques réparations et de nouveaux arrangements. Aujourd'hui de très bonne heure, je vis les brèches des murs écroulés masquées par des couvertures tendues entre des pieux, et le chemin qui mène à la synagogue abrité par des toiles formant une espèce de voûte.

A l'ouest de la piscine, sur un point élevé de la montagne de Sion, se trouve l'ancienne maison des héros de David. Cet endroit est en face de l'angle sud-est du Saint des Saints. Il y a là de petits sentiers qui conduisent dans la ville sans passer par les portes. Jésus se servait souvent de ces sentiers.

Lundi de la Pentecôte. -- Ce matin, de bonne heure, je vis Pierre révéler quelque chose touchant le Saint Sacrement : je croyais d'abord qu'on voulait le transporter à la nouvelle église de la piscine de Béthesda, mais il s'agissait seulement de quelques dispositions nouvelles quant à la manière de le conserver. On retira le calice et la sainte Eucharistie de la grande custode ou du tabernacle, et on les mit dans une espèce de cage qui me sembla en baleine et qu'on revêtit d'un petit manteau blanc transparent. Elle était surmontée d'un anneau par lequel on la prenait, et le tout avait la forme d'une cloche. On remplit l'ancienne custode de petits pains bénits, et on la plaça devant le Saint Sacrement. On distribuait aux fidèles de ces pains bénits qu'ils emportaient chez eux.

Ils retournèrent aujourd'hui a la piscine de Bethesda et à la synagogue qui en était voisine, après avoir distribue des pains bénits à plusieurs fidèles, parmi lesquels étaient les saintes femmes. Avant de sortir du cénacle, les apôtres et les disciples reçurent de nouveau la bénédiction de la sainte Vierge. Aujourd'hui les matines furent plus solennelles qu'à l'ordinaire. Ils baptisèrent et enseignèrent à la piscine de Béthesda pendant la plus grande partie de la journée.

Deuxième jour après la Pentecôte. -- Ce matin les apôtres retournèrent à la nouvelle église de la piscine de Bethesda. On ne baptisa pas ; seulement on continua de travailler aux arrangements intérieurs de l'église. Une grande quantité de membres de la nouvelle communauté étaient rassemblés à l'entrée de l'église et autour de la piscine, priant Dieu et lui demandant de bénir l'oeuvre commencée. Je les vis souvent, dans un clan de ferveur, se prosterner la face contre terre.

Je vis Pierre, Jean et André enseigner tour à tour en trois endroits différents. Jacques le Mineur enseignait dans la chaire de saint Pierre sur la troisième terrasse de la piscine. Du reste, les apôtres ainsi que beaucoup de disciples et d'autres personnes travaillaient aux arrangements intérieurs de l'Eglise.

J'ai très bien vu cette église à plusieurs reprises, ainsi que la piscine et ses dépendances, et je ne puis dire qu'une chose : c'est que, quant aux points principaux, elle n'a guère subi de changements. La piscine est établie dans une vallée qui sépare la montagne de Sion de celle du Temple, et qui, passant au midi du temple, va rejoindre la vallée de Josaphat. Les constructions de la piscine semblent avoir séparé cette vallée du temple du côté de l'ouest, car il y a un côté de la piscine autour duquel on ne peut pas circuler comme on le peut de tous les autres côtés. Il y avait bien encore là un chemin assez large mais les murs s'étaient écroulés en partie, ce chemin était couvert d'herbe et de jonc, et il aboutissait à un ravin dont le fond surtout était tout tapissé de verdure. Les genévriers abondaient dans cet endroit, et on y voyait beaucoup d'ossements amoncelés. C'était là peut-être que se déversait un des égouts du temple. La montagne de Sion se compose de trois éminences : sur la plus élevée, qui est aussi la plus occidentale, se trouve l'ancien château de David où maintenant les caravanes trouvent une espèce d'abri. Sur la pente orientale de ce point culminant de Sion est située l'habitation des héros de David qui est aujourd'hui le cénacle. Au sortir de la cour du cénacle, le chemin descend à l'est en contournant la montagne de Sion ; il fait un coude au nord, puis une autre à l'ouest, après quoi il revient à l'est et se dirige vers la piscine de Béthesda qui occupe là la vallée située entre le temple et Sion.

La partie de Sion qui s'étend jusqu'à la vallée de Josaphat, entre le cénacle et la piscine, est à peu près inhabitée, pleine d'espaces vides, de jardins, d'édifices en ruines et de méchantes cabanes où s'abritent des pauvres. Les Juifs l'évitent soigneusement depuis qu'après la mort du Christ elle est devenue un centre pour la communauté chrétienne, et ils l'ont isolée de la ville en obstruant la plupart des chemins qui y communiquaient. Il y avait dans ce quartier une espèce de grande cour, entourée de vieux murs, ou des caravanes installaient souvent leurs nombreuses bêtes de somme. Le reste de Sion était très habité. La cour du cénacle n'est pas entièrement dégagée : elle a un côté attenant à une rue bordée de maisons.

La nouvelle église de la piscine de Béthesda est beau coup plus isolée et plus dégagée. C'est un grand carré long dans l'intérieur duquel sont disposés de trois côtés des gradins en pierre où s'assoit l'auditoire. Sur l'un des côtés le sol est plus élevé et c'est là qu'est la chaire. Les fenêtres sont placées tout en haut et il y a contre le mur extérieur un escalier pour monter sur le toit de l'édifice qui est en terrasse et e entouré d'une galerie.

Les apôtres ont disposé dans l'intérieur une espèce de choeur et différentes séparations : je vis aussi derrière la chaire un autel placé plus haut que celle-ci, mais pourtant assez éloigné du mur pour qu'on ait pu établir par derrière une espèce de sacristie en plaçant des deux côtés des cloisons en clayonnage dans l'espace compris entre l'autel et les parois latérales de l'édifice. Cet autel repose sur trois marches : c'est un carré long et il n'y a qu'une seule marche sur chacun des petits côtés. Il est en bois et recouvert de nappes : je le crois portatif, car j'ai vu des hommes apporter les diverses parties dont il se compose. Le tout est creux et consiste en coffres remplis de linge et de mobilier d'église, car on peut ouvrir des doux côtés le marchepied de l'autel et en tirer des planches qui sont garnies de tapis. L'autel lui-même peut être démonté par derrière et il est rempli d'ornements d'église. Je le vis apporter par deux hommes dont le costume paraissait étranger ; ils portaient autour de la partie supérieure du corps un vêtement court et Plissé. Leurs bras étaient à moitié découverts : ils avaient autour des reins un tablier qui les enveloppait et qui était plutôt une espèce de caleçon. Ils portaient un bonnet sur la tête. Ils étaient tout à fait habillés à la mode égyptienne. J'ai vu une fois sur les confins de la terre sainte des gens vêtus de même qui faisaient divers travaux en bois et en laine. Je crois que ceux-ci étaient des étrangers convertis qui avaient travaillé aux objets qu'ils apportaient.

Une activité incroyable régna tous ces jours-ci dans la communauté. On tissait, on tressait, on confectionnait toute sorte d'objets destinés à l'église et aux pauvres. Je vis jour par jour ces travaux et ces distributions et toujours avec un vif désir d'y coopérer.

Sur l'autel était une armoire ou un tabernacle ayant la forme d'une cloche : c'était comme une espèce de cage revêtue d'une belle enveloppe avec deux petits fermoirs qui lui donnaient l'air d'un manteau d'évêque, et surmontée d'un bouton dont on se servait pour la transporter. Aux deux côtés de l'autel étaient placées des lampes à plusieurs branches où brûlaient des mèches qui n'étaient pas en laine.
Tout l'autel était entouré d'un rideau blanc rayé de diverses couleurs et suspendu à un dais formé de cinq morceaux d'étoffe qui se réunissaient dans la main d'une figure rembourrée, ouvrage des saintes femmes. Elle représentait un vieillard en costume de grand prêtre, ayant derrière la tête un nimbe triangulaire et elle me rappela des représentations bien connues de Dieu le Père. Elle était penchée comme si elle eût regardé en bas par l'ouverture du toit, étendait une main pour bénir et tenait de l'autre, à leur point de jonction, les cinq bandes d'étoffes qui formaient le dais. J'ai vu souvent de semblables Images chez les Juifs de cette époque : j'ai vu par exemple chez sainte Anne des figures étroitement enveloppées dont il a' fait mention plus d'une fois.

La journée fut employée à des arrangements comme ceux dont j'ai parlé et à des instructions mêlées de prières. Le soir les apôtres revinrent au cénacle.

Ce matin les apôtres portèrent le Très Saint Sacrement à la nouvelle église de la piscine de Béthesda. Auparavant Pierre entouré d'une vingtaine de disciples prêcha publiquement sous la porte de la cour du cénacle ; la foule des auditeurs était très nombreuse et il parla avec beaucoup de feu. Plusieurs Juifs accoururent dans l'espoir de le troubler par leurs objections, mais ils n'y réussirent pas. Après cela le cortège descendit à la nouvelle église. Pierre portait devant lui une pyxide contenant le Saint Sacrement, et renfermée dans une espèce de bourse blanche attachée à son cou. La sainte Vierge marchait à la suite des apôtres avec d'autres femmes et des disciples. Sur une partie du chemin on avait tendu des nattes de chaque côté : dans le voisinage de l'église on les avait disposées de manière à former une espèce de tente. Le Saint Sacrement fut place sur l'autel dans le nouveau tabernacle Ils avaient aussi apporté le coffret rempli de petits pains bénits. La partie de l'église qui s'étendait derrière l'autel était fermée par une cloison en clayonnage recouverte du côté qui regardait l'autel d'une belle draperie blanche, de l'autre côté, d'une étoffe plus grossière. Le dais auquel le rideau était suspendu formait par derrière un hémicycle ou plutôt une niche : le rideau avec ses raies de diverses couleurs ne descendait guère qu'à la hauteur de l'autel : il était assujetti sur les côtés et attaché par devant avec des fermoirs de métal. Il n'y avait pas de séparation dans le haut et il était rejeté en arrière des deux côtés.

Cet autel était placé plus haut que la chaire : l'espace compris entre les deux formait le choeur que les disciples et les apôtres occupaient jusque près de l'autel. Les fidèles se tenaient au-dessous de la chaire, séparés du choeur par une grille avec des ouvertures à travers lesquelles on pouvait donner la sainte communion, a peu près comme cela se fait dans les couvents. Il y avait des deux côtés de la chaire de petites portes par lesquelles les apôtres et les disciples entraient dans le choeur.

Les fidèles étaient rangés suivant une certaine hiérarchie : les femmes étaient à part. Une partie des néophytes convoqués par les apôtres reçut seule la sainte Eucharistie : on donna aux autres du pain bénit.

Le sol de l'église était, comme celui du cénacle dans les derniers temps, couvert de tapis de couleurs variées : on se déchaussait en y entrant.

Il y eût aujourd'hui à l'autel une cérémonie solennelle. Les chandeliers étaient allumés ; un pupitre placé sur l'un des côtés supportait des rouleaux écrits sur deux colonnes ; on les tenait ouverts à l'aide de chevilles fichées en divers endroits du pupitre, et quand un feuillet était lu, on le faisait passer par-dessus le pupitre. Il y avait plusieurs feuillets superposés.

Le toit plat de l'édifice était surmonté de plusieurs petites coupoles (trois, si je ne me trompe), qu'on pouvait ouvrir pour donner de l'air : sous la dernière qui correspondait à l'autel était placée cette figure qui portait le baldaquin.

Le Saint Sacrement se trouvait dans une pyxide dont on ouvrait le couvercle en le faisant tourner. Le pain eucharistique était rompu en petits morceaux placés sur une patène qui recouvrait le fond du ciboire et qu'on pouvait en retirer à l'aide d'un manche pour prendre plus aisément les Particules qui étaient le plus au' fond. Dans aucune de ces cérémonies je n'ai vu donner aux fidèles le précieux sang.

Je vis plusieurs des apôtres et des disciples aller à Béthanie après avoir prêché dans la ville devant différents groupes de personnes. Le cénacle était fermé : le calme régnait aussi près de la piscine de Bethesda.

Le soleil était encore assez haut ; il pouvait être environ trois heures après midi, lorsque je vis Pierre et Jean aller au temple accompagné de deux disciples, l'un desquels était Simon, si je né me trompe. C'était la première fois qu'ils y allaient depuis la dernière instruction qui y avait été donnée. Marie s'y rendit aussi avec quelques femmes.

On venait de déposer à la porte du temple un boiteux qu'on y avait apporté sur une civière : Pierre et Jean au moment d'entrer lui adressèrent quelques paroles. Je vis ensuite Pierre parler quelque temps avec beaucoup de chaleur en présence d'une foule nombreuse : il avait le des tourné au temple, et se trouvait dans un parvis antérieur où se trouve d'un côté l'autel des offrandes : au midi est un emplacement au-dessus duquel sont tendues des tapisseries et où il y a des sièges de pierre pour s'appuyer, Pendant ce discours je vis qu'on faisait occuper les issues par des soldats : je vis aussi s'entretenir ensemble des prêtres qui avaient sur la tête des bonnets à forme haute et à leur vêtement une garniture qui ressemblait à de la fourrure mouchetée.
Je vis alors Pierre et Jean qui s'étaient retournés du côté du temple, interpellés par le boiteux qui leur demandait l'aumône. Il était couché devant la porte, tout à fait ramassé sur lui-même et appuyé sur le coude gauche : il tenait à la main une béquille à l'aide de laquelle il cherchait, sans pouvoir y parvenir, à se redresser un peu. Pierre lui dit : " Regarde-nous " ! Et quand cet homme eut les yeux fixés sur eux, il ajouta : " Je n'ai ni argent ni or, mais je te donne ce que j'ai ! Au nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche ! ", Il le souleva alors en lui prenant la main droite pendant que Jean le soutenait sous les épaules. Le boiteux se leva tout joyeux et se sentit affermi sur ses pieds : je le vis, sautant et poussant des cris de joie, courir à travers le parvis du temple.

Cependant une douzaine de prêtres juifs étaient assis là sur leurs sièges, et je les vis allonger le cou pour voir d'où venait le bruit tumultueux qu'ils entendaient, car la foule grossissait de plus en plus autour du boiteux guéri, si bien qu'ils finirent par quitter leurs sièges et se retirer. Pierre et Jean allèrent dans le vestibule, et j'y vis Pierre monter dans la chaire placée sur l'un des côtés : c'était celle où Jésus avait enseigné à l'âge de douze ans. Il y avait au milieu une autre chaire du haut de laquelle le Seigneur avait fait sa dernière instruction. Le boiteux guéri se trouvait dans cette salle, entouré de beaucoup de gens de la ville et d'étrangers. La sainte Vierge et les autres femmes étaient retournées chez elle précédemment, mais vers le soir, d'autres apôtres et d'autres disciples étaient venus et ils enseignaient en divers endroits du temple. Pierre parla longtemps et avec beaucoup d'enthousiasme, mais lorsque la nuit vint, je vis les soldats du temple se saisir de lui ainsi que de Jean et du boiteux guéri ; puis, on les enferma dans un cachot qui était dans la cour du tribunal où Pierre avait renié le Seigneur, à côté de la prison de Jésus.

Je vis dans le tribunal où Jésus avait été jugé. Anne Caïphe et d'autres prêtres assis sur leurs sièges et tenant conseil : plusieurs des personnes converties la veille par le discours que Pierre avait fait au temple étaient présentes. Je vis ensuite le boiteux guéri ainsi que Pierre et Jean, tirés par les soldats de la prison où Jésus avait été insulté pendant la nuit, et je vis ces soldats les pousser et les frapper à coups de bâton. Ils furent traduits devant Caïphe et les autres prêtres sur le même escalier où Jésus avait comparu, et on leur fit subir un interrogatoire. Mais Pierre parla avec beaucoup de véhémence, et on finit par les relâcher.

Je vis pendant la nuit les autres apôtres et une partie des disciples prier incessamment dans le cénacle pour les prisonniers. Lorsque Pierre et Jean revinrent et leur racontèrent tout ce qui s'était passé, leur joie s'épancha dans une prière d'actions de grâces qu'ils firent à haute voix et pendant laquelle toute la maison trembla comme si le Seigneur eût voulu leur dire par là qu'il était au milieu d'eux, et qu'il avait exaucé leur prière. Ensuite Jacques le Mineur fit connaître aux autres ce que Jésus lui avait dit à lui seul, lors de son apparition sur la montagne en Galilée, à savoir que lorsque Pierre et Jean, étant allés au temple, auraient été arrêtés, puis relâchés, il leur faudrait se tenir un peu plus à l'écart.

Sur cette information, je vis les apôtres fermer tout dans la maison, et Pierre, portant au cou une bourse où était le Saint Sacrement, alla avec les autres à Béthanie. Ils marchaient divisés en trois groupes. La sainte Vierge et d'autres femmes s'y rendirent aussi Je vis qu'on laissa un peu des saintes espèces dans l'église de Béthesda. Jeanne Chusa, la servante de Marie, celle de Madeleine, et, si je ne me trompe, Marie Salomé, restèrent aussi avec environ sept disciples dans les petites habitations voisines de l'église ; quant à l'église elle-même, elle fut fermée et les autres fidèles se dispersèrent et regagnèrent leurs logements.

Beaucoup de personnes étaient rassemblées à Béthanie : les apôtres prêchèrent avec beaucoup d'éloquence dans l'hôtellerie des disciples, dans la maison de Simon et chez Lazare : on mangea chez celui-ci, à trois tables dressées dans la maison, dans la cour et dans les pièces souterraines. Le soir, à l'ouverture du sabbat, ils le célébrèrent en priant sous la lampe.

Le Samedi d'après la Pentecôte. Aujourd'hui les apôtres donnèrent la sainte Communion dans la maison de Lazare, et distribuèrent le pain bénit dans l'hôtellerie des disciples et dans la maison de Simon ; ils continuèrent à prêcher avec un zèle admirable. Joseph d'Arimathie et Nicodème étaient maintenant à demeure chez Lazare à cause de la haine que leur portaient les Juifs.

Le soir, les apôtres retournèrent à Jérusalem. Ils étaient plus ardents et plus résolus que jamais. Je vis les disciples avec les apôtres dans la salle du cénacle où Pierre enseigna. Thomas était dans l'église de Béthesda et enseignait la masse des fidèles. Pierre s'y rendit aussi et y enseigna comme il l'avait fait au cénacle, que quiconque avait reçu l'Esprit envoyé par Jésus, devait maintenant s'éprouver lui-même, car le temps allait venir où il faudrait travailler à l'oeuvre commune, souffrir la persécution et partager avec ses frères tout ce que l'on possédait ; si l'on ne se sentait pas assez fort, il valait mieux se retirer. Je vis alors que dans le nombre très considérable de ceux qui s'étaient adjoints à la communauté dans les derniers temps, il y en eut environ une centaine qui se retirèrent. Mais aucun de ceux qui étaient au cénacle ne fit défection. Je vis ceux-ci prier longtemps encore pendant la nuit avec les apôtres.

Dimanche après la Pentecôte. -- Les apôtres passèrent toute la nuit en prières au cénacle. Au point du jour, ils allèrent au temple avec plusieurs disciples ; Marie y alla aussi avec les saintes femmes. Il semblait qu'il y eût une fête, car on avait érigé devant l'entrée du temple un arc de triomphe au haut duquel était une figure qui brandissait une épée comme pour annoncer une victoire.

A la sortie du temple, Pierre enseigna à l'endroit où il avait enseigné la dernière fois il prêcha aussi sous l'arc de triomphe et parla avec beaucoup d'autorité. Un grand nombre de personnes s'étaient rassemblées autour de lui : il déclara hautement que ni martyre, ni flagellation, ni croix ne les empêcheraient désormais d'annoncer publiquement Jésus-Christ. Il entra aussi dans le temple et enseigna dans la chaire où Jésus avait enseigné : j'entendis une fois tous les apôtres et les disciples interrompre le discours de Pierre par un " oui " prononcé à haute voix. Plus tard, lorsqu'ils se mirent en prières, une nuée lumineuse passa au-dessus du temple, et je vis descendre sur eux une lumière si éclatante que la petite flamme des lampes du temple parut en comparaison sombre et rougeâtre.

Lorsqu'ensuite ils quittèrent le temple, il pouvait être huit heures du matin. Ils allaient deux par deux, comme en procession : les apôtres marchaient les premiers, puis les disciples, les baptisés et les nouveaux convertis. Les apôtres les rangèrent dans cet ordre dans le parvis des gentils qui est devant les bâtiments du temple ; alors ils gagnèrent la porte des Brebis en passant par le marché aux bestiaux, sortirent à l'est de Jérusalem dans la vallée de Josaphat, tournèrent ensuite au midi, puis, revenant vers l'ouest, remontèrent à Sion et au cénacle.

La sainte Vierge et plusieurs autres saintes femmes avaient déjà quitté le temple longtemps auparavant. Marie priait seule dans le cénacle, agenouillée devant le Saint Sacrement. Madeleine priait dans le vestibule, tantôt debout, tantôt à genoux, tantôt prosternée par terre et les bras étendus. Les autres femmes étaient près de l'église de Béthesda dans de petites cellules construites de matériaux légers et attenantes à l'église. Elles habitaient deux par deux ces petits logements et s'occupaient à laver ou à confectionner des tuniques et à classer d'autres objets du même genre qui devaient être distribués.
Lorsque le cortège formé des apôtres, des disciples et des nouveaux convertis, arriva dans la cour du cénacle, ces derniers furent placés par les apôtres en face de la porte d'entrée. Les autres se rangèrent autour de la maison, plusieurs aussi se rendirent à la Piscine de Béthesda.

Mais Pierre et Jean entrèrent au cénacle et conduisirent entre eux la sainte Vierge sous la porte du vestibule qui est en face de la cour environnante. La sainte Vierge était habillée comme dans les occasions solennelles : elle avait un long manteau bleu dont les revers rejetés en arrière étaient ornés de broderies ; elle portait par-dessus son voile l'étroite bande d'étoffe retombant des deux côtés et assujettie à la tête par une petite couronne. Pierre fit une allocution aux nouveaux convertis et les confia, pour ainsi dire, à Marie comme à leur mère commune, car il les amena devant elle les uns après les autres, par troupes d'une vingtaine environ, qu'elle bénit successivement, et auxquelles elle adressa quelques paroles. Elle dit à tous la même chose.

Je vis ensuite une grande cérémonie au cénacle. Toutes les cloisons avaient été enlevées du côté de la salle latérale et du vestibule. Dans le sanctuaire, on avait suspendu au-dessus de l'autel une couronne de feuillage entremêlée de fleurs. (Cette décoration avait peut-être le même sens que l'arc de triomphe érigé devant le temple.) Des lampes étaient allumées des deux côtés du calice de la Cène qui était placé à une certaine hauteur et recouvert seulement d'un voile blanc : je vis, en outre, une lampe devant l'autel. Sur l'autel était placé un calice plus petit et un pain azyme recouverts l'un et l'autre : par derrière était une assiette avec deux vases contenant du vin et de l'eau. On retira l'assiette et on mit le vase de vin d'un côté de l'autel, le vase d'eau de l'autre côté

Pierre s'était revêtu de son manteau épiscopal, et il célébra la messe. Jean et Jacques le Mineur l'assistèrent. Je vis toutes choses se faire comme lors de l'institution de l'Eucharistie par Jésus, l'offertoire, le vin et l'eau versés dans le calice, le lavement des mains et la consécration. Le vin et l'eau furent versés de deux côtés différents. Des rouleaux d'écriture étaient placés sur l'un des côtés de l'autel. Pierre, après avoir communié, présenta aux deux assistants le pain consacré et le calice. Ensuite Jean donna aux autres la sainte Communion. Marie la reçut la première ; ce fut ensuite le tour des apôtres, puis de six disciples qui repurent plus tard la consécration sacerdotale, puis de plusieurs autres assistants. Les communiants étaient à genoux : ils avaient devant eux un linge ou une bande d'étoffe étroite que deux personnes tenaient à chaque bout. Je ne vis pas tous ceux-là recevoir le calice.

Cependant les six disciples qui allaient recevoir la prêtrise avaient quitté leurs places et s'étaient avancés à l'entrée du choeur, à l'endroit où se tenaient les apôtres Marie apporta les ornements dont ils devaient être revêtus et les plaça sur l'autel. C'étaient Zachée, Nathanaël, José Barsabas, Barnabé, Jean Marc et Eliud, fils du vieux Siméon. Ils s'agenouillèrent deux par deux devant Pierre qui leur adressa la parole et lut des prières écrites sur un petit rouleau. Jean et Jacques tenaient des flambeaux et leur mirent la main sur l'épaule. Pierre la leur mit sur la tête. Pierre leur coupa quelques mèches de cheveux qui furent placés sur l'autel dans un petit plat ; et il leur oignit la tête et les doigts avec un onguent pris dans une boîte que lui présenta Jean. On les revêtit ensuite de leurs ornements et on leur passa autour du cou des étoles, les unes passées en travers sous le bras, les autres croisées sur la poitrine.

Je vis encore beaucoup de détails touchant cette solennité, mais je les ai oubliés : toutes les cérémonies étaient beaucoup moins longues qu'aujourd'hui, et pourtant plus solennelles. A la fin, Pierre bénit l'assemblée avec le grand calice de la Cène, sur lequel le Saint Sacrement reposait.

Marie et les autres femmes allèrent ensuite à l'église de Béthesda. Les apôtres, les disciples et les nouveaux néophytes s'y rendirent en procession, portant à la main des branches vertes et chantant des cantiques. Marie pria dans le choeur, agenouillée devant l'autel : Pierre monta dans la chaire et parla des règles à observer dans la nouvelle communauté : Aucun des fidèles, dit-il, ne devait avoir plus que l'autre ; ils devaient tout partager ensemble et il fallait pourvoir aux besoins des nouveaux venus.

Son discours fut aussi une action de grâces pour les bienfaits et les bénédictions que le Sauveur répandait sur la communauté naissante. Il y eut après cela de nouveaux baptêmes.

Sur le rebord en maçonnerie de l'étang de Béthesda, il y avait cinq endroits ou l'on descendait à l'eau par des marches : près de ces marches se trouvaient de petits canots ou des cuves flottantes dans lesquelles les malades se couchaient ou s'asseyaient, de façon à ce que l'eau rejaillit sur eux et les arrosât, quand elle viendrait à s'agiter. D'un des côtés de la piscine, il y avait dans l'eau un tuyau de cuivre, s'élevant au moins à hauteur d'homme et gros à peu près comme une petite baratte. On arrivait là par un petit pont de bois garni d'une balustrade et je vis près de ce pont un tube muni d'un piston qui communiquait avec le tuyau principal : quand on appuyait sur le piston, une soupape s'ouvrait et il en jaillissait un jet d'eau. On pouvait changer quelque chose à l'ouverture de manière à rendre le filet d'eau plus fort ou plus mince et à le diriger sur divers points. On pouvait aussi fermer l'ouverture supérieure et faire jaillir l'eau comme d'un arrosoir par des trous pratiqués sur les côtés. Je vis souvent des malades aller en canot jusqu'au tuyau de pompe et se faire ainsi arroser.

Ce tuyau de pompe, depuis longtemps hors d'usage, n'était pas encore réparé le jour de la Pentecôte, mais il le fut les jours suivants, et je vis dès lors baptiser là d'ordinaire les nouveaux convertis. Cela eut lieu notamment aujourd'hui. Plusieurs apôtres s'y employaient : deux d'entre eux imposaient les mains au néophyte ; celui-ci se tenant à la balustrade penchait la tête pour recevoir l'eau lancée par le tuyau de pompe, tandis que Pierre qui avait mis une ceinture par-dessus sa robe blanche dirigeait trois fois cette eau avec sa main sur la tête du néophyte et prononçait en même temps les paroles sacramentelles. On jetait ensuite sur les épaules du nouveau baptisé un petit manteau blanc assez semblable à l'amict que les prêtres portent par-dessous l'aube. Les femmes qui habitaient près de l'église de Béthesda préparaient ces petits manteaux et avaient soin qu'il y en eût toujours un nombre suffisant.

Je vis aujourd'hui qu'on administra ainsi le baptême à des hommes et à des femmes, tandis qu'avant la Pentecôte je n'avais vu baptiser que des hommes. Je vis souvent une nuée lumineuse s'abaisser sur les baptisés ou un rayon de lumière descendre sur eux. Je les vis recevoir une force merveilleuse : ils étaient comme transfigures et métamorphosés. C'était un spectacle singulièrement touchant de voir tant de gens, établis souvent sur des points éloignés du pays, renoncer à tout ce qu'ils possédaient pour venir se joindre à la communauté chrétienne.

Je vis au bord de la pièce d'eau une lanterne allumée au bout d'un bâton, comme les gardes du saint sépulcre en avaient une. Lorsque je vis pour la première fois baptiser de cette manière, je ne compris pas que c'était un baptême : je ne m'en convainquis que plus tard, car antérieurement j'avais vu le baptême se donner presque toujours dans des rivières et dans des lieux où on prenait des bains. Auparavant la piscine de Béthesda était fermée et les malades seuls y avaient accès.

Ce soir, après le baptême, j'ai vu les apôtres et Marie prendre leur repas à la même table dans le vestibule du cénacle : Joseph d'Arimathie, Nicodème et Lazare y assistaient. Les fidèles étaient répartis suivant les quartiers où ils logeaient.

20 mai. -- Ce matin, de très bonne heure, je vis de nouveau baptiser un très grand nombre de personnes, moins grand pourtant que le jour de la Pentecôte. Tous ceux qui avaient été baptisés hier et ce matin se rendirent aussitôt dans l'église où on leur fit une instruction sur la sainte communion, en attendant qu'on la leur donnât. Ce grand bâtiment, voisin de ceux qui entourent la piscine, forme une salle occupant une surface à peu près égale à celle qu'aurait en carré le couvent de Dulmen. Les lampes étaient allumées et l'église toute remplie d'hommes et de femmes : beaucoup de personnes qui n'y avaient pas trouvé place l'entouraient au dehors. Je vis six apôtres donner en différents endroits des instructions à tout ce monde, y compris les femmes qui étaient séparées des hommes par une grille. Pierre et Jean n'étaient pas présents, ils avaient quelque autre chose à faire dans la. ville. Parmi ceux qui se trouvaient là je reconnus Jacques. Tous les six avaient rois de longs vêtements blancs comme ceux que je leur avais vu mettre pour la prière qui se faisait au cénacle. J'appris ou j'eus l'impression que tous les assistants étaient des nouveaux baptisés qui s'étaient convertis le jour de la Pentecôte et depuis. J'entendis aussi les instructions qu'on leur donnait touchant la sainte Eucharistie : on leur expliqua pourquoi elle avait été instituée dans la nuit : c'était, disait-on, parce que nous vivons dans les ténèbres et que nous devons recevoir la lumière dans la nuit afin que celle-ci s'illumine.

Je vis aussi ce qui occupait Pierre, Jean et les autres. Aujourd'hui, de très bon matin, on amena près de la piscine de Béthesda une grande quantité de montons, de chèvres, de colombes et de grands oiseaux qui avaient les pattes et le bec rouge ; et je vis Simon, le Pharisien de Béthanie, faire des comptes sous une espèce de tente avec les gens qui amenaient ces animaux. Il avait été à la tête d'une maison considérable et entendait l'administration : il semblait prendre note sur un rouleau de la position de fortune de chacun et des dons qu'il apportait. Je vis ensuite tous ces animaux dans la cour du cénacle ; les moutons et les chèvres furent partagés en quartiers et tout fut distribué aux nécessiteux. On remit les peaux à un homme qui devait les préparer. On distribua aussi du pain, des couvertures et des étoffes de laine pour confectionner des habits. Tout fut partagé. Cela se faisait avec beaucoup de régularité : des femmes étaient chargées de faire leur part aux femmes, des hommes de faire la leur aux hommes. Ces dons venaient en grande partie des gens de tous les pays qui, depuis la Pentecôte, étaient venus se joindre à la communauté et qui, bien qu'ils ne se comprissent pas entre eux, partageaient tout ce qu'ils possédaient avec une grande charité ; mais tous étaient compris des apôtres.

Je vis aussi que Pierre envoya Thomas, Philippe et Matthias avec Erémenzear, Silvain de Sichar et Selam de Cédar, à Samarie, à Thébès, à Tibériade et dans les contrées environnantes pour consoler les amis qu'ils avaient là et ; leur faire connaître l'état des choses, parce que le bruit' s'était répandu que Pierre et Jean étaient en prison : ils devaient aussi relever le courage de ceux qui étaient restés dans ces pays et guérir des malades.

Cependant les six apôtres qui étaient à l'église de Béthesda achevèrent de préparer les néophytes à la réception du Saint Sacrement et firent près de l'autel des arrangements de toute sorte. Je les vis tirer du corps de l'autel une espèce de planche à coulisse, étendre dessus un linge rouge recouvert d'une nappe blanche à jour, puis placer au milieu un linge blanc plus petit, à peu près comme on fait aujourd'hui pour le saint sacrifice de la messe. Ensuite d'autres apôtres apportèrent différents objets nécessaires pour le sacrifice qui ne se trouvaient pas pour le moment dans l'église de Béthesda : ils les prirent vraisemblablement au cénacle. Comme Pierre allait arriver avec quelques autres, on mit sur l'autel un plat ovale contenant plusieurs pains azymes superposés : ils étaient très minces, très blancs et rayés d'entailles légères indiquant en combien de morceaux ils devaient être rompus. On plaça à côté un vase à pied ressemblant à une large coupe surbaissée ; puis un apôtre apporta le calice dont Jésus s'était servi lors de l'institution de la sainte Eucharistie. Il pouvait contenir une forte pinte et il était garni de deux oreilles ou de deux anses. Je l'ai vu à une époque postérieure conservé à Jérusalem : on le baisait avec respect. Je crois avoir vu une fois qu'il existait encore et qu'il était conservé chez des gens pieux. Tout cela fut placé sur l'autel. Je ne me souviens plus très exactement de toutes les circonstances et de tous les détails : on procéda comme lors de la première consécration faite par Pierre au cénacle.

Je vis alors entrer l'apôtre Pierre il semblait avoir eu beaucoup à faire dans le voisinage, il marchait très vite et paraissait préoccupé. Il avait son vêtement sacerdotal blanc, avec la ceinture où étaient attachées deux bandes d'étoffe qui tombaient jusqu'aux genoux il mit par là-dessus une espèce de petit manteau qui fut pris dans l'intérieur de l'autel. Cet ornement était rouge et or avec d'autres reflets encore, comme s'il eût été tissé de fils de diverses couleurs. C'était comme un grand collet, plus long par derrière que par devant, dont la partie antérieure se terminait en pointe et qui retombait assez bas de chaque côté pour ne laisser voir que la ceinture autour du corps. Il était attaché sur la poitrine avec des espèces d'agrafes : on y remarquait particulièrement trois petits écussons. Je ne me souviens plus de ce qui était sur l'écusson supérieur : c'était comme un bouton qui brillait. Sur celui qui était au milieu de la poitrine était représenté un homme tenant un pain à la main. Quant à celui qui était le plus rapproché de l'extrémité en pointe du manteau, j'y vis une figure qui me parut être une croix, mais ayant la forme d'un y, qui était celle de la croix de Jésus-Christ. Les deux épaules étaient couvertes de pierres précieuses disposées de manière à figurer quelque chose.

Je vis alors Pierre prier devant l'autel : il avait à ses côtés deux apôtres qui l'assistaient et répondaient à ses prières. Je le vis à l'offertoire élever le pain et le calice, rompre le pain en plusieurs morceaux, les bénir et répéter les paroles prononcées par Jésus lors de l'institution du sacrement : à partir de ce moment, le pain et le vin devinrent lumineux.

Lorsqu'il offrit le pain et le calice en les élevant, je vis paraître sur l'autel une main lumineuse qui semblait sortir d'un nuage : lorsqu'il les bénit de la main et prononça les paroles de la consécration, cette main fit aussi un mouvement pour bénir et je ne la vis disparaître que quand l'assemblée se sépara. Je ne remarquai pas que cette main fût visible pour Pierre. Après la consécration Pierre communia le Premier. Puis il plaça les espèces consacrées dans le vase placé sur l'autel qui était assez grand pour pouvoir contenir un grand nombre d'hosties superposées. Alors les apôtres présents s'approchèrent et il leur mit les hosties dans la bouche : puis les autres assistants s'avancèrent et reçurent la sainte Eucharistie comme la fois précédente. Quand le vase fut vide, Pierre le remplit de nouveau de parcelles prises sur le plat qui était sur l'autel et continua la cérémonie.

Comme la salle n'était pas assez spacieuse pour contenir tout le monde et que beaucoup de personnes se tenaient au dehors, ceux qui reçurent le sacrement les premiers sortirent pour faire place aux autres. Ils ne s'agenouillaient pas pour communier, mais ils se tenaient debout et s'inclinaient au moment de recevoir la sainte Eucharistie. Quand les derniers sortirent, les premiers rentrèrent. Lorsque Pierre consacra le vin, il ne pria pas aussi longtemps que la première fois : je vis les paroles de la consécration sortir de sa bouche comme de la lumière. Il en but et en fit boire aux apôtres, puis les apôtres présentèrent le calice aux autres assistants.

Je vis encore aujourd'hui les apôtres traiter avec les magistrats juifs au sujet des lieux où devaient loger les nouveaux fidèles : car les Juifs voulaient que les habitations des chrétiens fussent séparées des leurs. Les disciples les plus connus des Juifs, savoir Nicodème, Joseph d'Arimathie, Eliud, fils de Siméon, Nathanaël et trois autres encore furent chargés de cette négociation. Ils se rendirent dans une salle située au-dessus du parvis des femmes et où siégeaient environ vingt magistrats juifs. On leur assigna trois emplacements situés hors de la ville et éloignés des chemins fréquentés, un emplacement situé à l'ouest de Béthanie, entre Béthanie et Bethphagé, où il y avait quelques cabanes et quelques hangars, et deux autres au midi de Béthanie, également éloignés du chemin : de leur côté les disciples devaient évacuer l'hôtellerie qui était devant Béthanie sur le chemin et cesser de résider soit à demeure, soit passagèrement dans l'hôtellerie qui est en avant de Jérusalem, sur la route de Bethléhem et où Marie s'était arrêtée avant sa purification au temple. Je vis les magistrats leur montrer de loin les endroits désignés, où quelques troupes de personnes se rendirent lorsque les apôtres eurent rapporté à la communauté la nouvelle des arrangements qui avaient été pris.

22 mai. -- Pierre, Jean et d'autres apôtres sont allés aujourd'hui visiter les gens qui s'établissent sur les emplacements qui leur sont assignés. On apportait sur des ânes toute sorte d'objets nécessaires ; on portait notamment des outres pleines d'eau à l'endroit situé entre Béthanie et Bethphagé, parce que l'eau y manque. Ils y creusèrent un puits.

Nathanaël fut envoyé à Thanath-Silo ; c'est là qu'est l'hôtellerie près de laquelle les apôtres guérirent récemment des malades lorsqu'ils revenaient de Sichar : il doit aussi aller dans l'endroit ou Jésus a guéri les dix lépreux.

Marie est avec Madeleine et Marthe dans la maison de Lazare à Béthanie, car les habitations de Marthe et de Madeleine ont déjà été données aux nouveaux convertis. Lazare est encore au cénacle, ainsi que Nicodème et Joseph d'Arimathie. Lazare s'occupe des mesures à prendre pour transmettre tous ses biens à la communauté. C'est principalement à l'aide de ses dons qu'elle a pu parvenir à se fonder. Quel autre a fait plus que lui ? Il était si riche ! Et il est devenu pauvre comme un mendiant. Plus tard il fut exposé sur la mer dans une méchante barque. Je l'ai vu constamment occupé à distribuer toute sorte de choses et à faire bâtir des maisons.

23 mai. -- Ce matin, Pierre, Jean et les sept autres apôtres se rendirent au temple (Matthias, Thomas et Philippe avaient été envoyés en mission quelques jours auparavant). On avait déjà amené sur des litières un grand nombre de malades qu'on avait placés sous des tentes sur le chemin qui passe devant la ville dans la vallée de Josaphat ; plusieurs aussi étaient couchés autour du temple dans le parvis des gentils et jusqu'auprès du perron du temple. Je vis que c'était Pierre qui opérait les guérisons le plus ordinairement : les autres en opérèrent aussi quelques-unes, mais le plus souvent ils se bornaient à l'assister. Pierre De guérit que ceux qui croyaient et voulaient s'adjoindre à la communauté. Je vis dans un endroit où il y avait une double rangée de malades, ombre de Pierre qui guérissait ceux d'un côté passer sur ceux qui étaient placés du côté opposé, et ils furent guéris, eux aussi, par un simple acte de sa volonté. Il en congédia plusieurs. Il enseigna dans le temple, d'abord à droite vis-à-vis de l'autel des sacrifices, puis ensuite à gauche de l'entrée sur une espèce d'estrade où l'on montait par des degrés et qui se trouvait dans la salle latérale. Personne ne les empêcha, le peuple leur était très favorable.

Je vis le soir plusieurs nouveaux convertis venir au cénacle. Il y avait parmi eux un vieux Juif de Béthanie ; c'était un homme assez riche, parent de Simon le lépreux : il s'appelait Ananie et sa femme Saphira ; ils avaient des fils.

Marie était à Béthanie avec les soeurs de Lazare, probablement parce que Lazare, Nicodème et Joseph d'Arimathie avaient établi leur demeure au cénacle. Il régnait une grande activité à Béthanie autour de la maison de Lazare : on tissait, on tressait et on confectionnait toute sorte d'objets.

Je vis aussi le futur disciple Quadrat qui était alors un enfant, en compagnie du petit Siméon qui était un peu plus âgé et que Marie de Cléophas avait eu de son second mariage. Ils jouaient dans la cour et dans le jardin de la maison de Lazare avec des plantes et des petits bâtons. Le père et la mère de Quadrat étaient retournés dans leur pays pour vendre leurs biens ; l'un des plus pauvres parmi les nouveaux chrétiens les accompagnait en qualité de serviteur. Après leur arrivée en Galilée, ils s'étaient établis entre l'endroit où Jésus chassa les démons dans le corps ; des pourceaux et la ville de Pella où Judas avait résidé antérieurement. Ils avaient une maison, des troupeaux et des serviteurs. Plusieurs fidèles allèrent de même chez eux pour vendre leurs propriétés.

Note : On trouvera d'autres détails sur saint Quadrat dans l'appendice.

Provoquée par une relique de saint Quadrat qui se trouvait près d'elle, Anne Catherine raconta encore ce qui suit : " Quadrat s'est trouve avec moi à Jérusalem et il m'a montré et expliqué tout ce que j'y vois journellement. Je suis allée avec lui à la piscine de Béthesda, au cénacle, au temple, à Béthanie et aux trois endroits où les nouveaux convertis s'établissaient. Comme je crois toujours que ce que je vois est pure imagination, je demandai à Quadrat ce qui en était réellement : alors il me montra toutes choses comme je les vois ordinairement : je les vis absolument de la même manière quoique plus distinctement que les autres fois. Il portait sur sa longue robe blanche une ceinture où des lettres étaient brodées et une étole, et il me dit : " Voici tous les endroits où j'ai couru lorsque j'étais encore enfant ". Je lui demandai, pourquoi on n'avait presque rien écrit de tout ce qui, s'était passé alors. Comme il est plein de bonté, il répond à toutes mes questions, et il me dit : " Les apôtres ne pensaient alors qu'à toucher le coeur des hommes pour les amener à la foi : ceux qui vinrent après eux ne mirent par écrit que les principaux faits miraculeux : tout le reste a passé par tant de milliers de bouches que ceux qui auraient voulu écrire, trouvant des contradictions sans nombre dans les récits qu'on leur faisait, ne pouvaient pas démêler le vrai d'avec le faux et renonçaient à l'entreprendre. Il y avait dans tout cela une conduite mystérieuse de la Providence ".

J'appris aussi alors que Quadrat avait eu beaucoup de visions et beaucoup prophétisé. Il a été mis à mort à Jérusalem, sous l'épiscopat de Siméon. Les scènes au milieu desquelles il m'accompagnait ne différaient pas de celles qui sont rapportées dans les Actes des apôtres

24 mai. -- Aujourd'hui, Pierre et les autres apôtres allèrent à Béthanie : Lazare, Nicodème et Joseph d'Arimathie y revinrent et Marie retourna au cénacle. Le soir les apôtres retournèrent à Jérusalem il y avait près du cénacle beaucoup de malades qui demandaient à être guéris. Pierre les envoya au temple parce qu'il voulait tout faire en public et au nom de Jésus. Il se revêtit ensuite de ses vêtements sacerdotaux et se rendit avec les apôtres au temple où il fit beaucoup de guérisons et où il enseigna. Il ne revint que fort tard au cénacle et il présenta les malades guéris et les nouveaux convertis à la sainte Vierge qui leur donna sa bénédiction. Pierre fit ensuite un discours aux nouveaux convertis qui se tenaient dans le vestibule. Le matin ils durent se retirer lorsque Pierre célébra la sainte messe en présence des apôtres, de Marie et d'une quinzaine de disciples auxquels il donna la communion.

Je me suis trouvé aux trois endroits ou s'établissaient les nouveaux chrétiens. Ils étaient occupés à élever des habitations qui étaient plutôt des espèces de tentes : elles étaient en clayonnage et plates par en haut. Les habitations des femmes étaient séparées de celles des hommes. Au milieu de toutes ces cabanes s'élève une grande tente où ils portent les provisions destinées à la communauté et où réside un disciple qui les dirige et les assiste. Il y a trois agglomérations principales, composées de gens d'Arimathie, de la Samarie et d'étrangers venus du pays des trois rois. Les premiers habitent entre Béthanie et Bethphagé : ils ont creusé un puits et l'eau y est venue. Le disciple qui leur est préposé est allé plus tard avec Thaddée à Edesse chez le roi Abgare et il y a résidé longtemps en qualité d'évêque. Les Samaritains ont avec eux un disciple déjà vieux, dont le nom est Aminadab et qui est cousin de Jeanne Chusa. Les étrangers venus d'Asie sont confies aux soins d'Eliud, le jeune disciple qui a accompagné Jésus dans son voyage au pays des rois mages. Il est leur compatriote.

25 et 26 mai. -- Ananie amena au cénacle des brebis et des ânes : il porta aussi des étoffes de toute espèce dont il faisait don à la communauté et il demanda le baptême. Sa femme n'était pas présente. La communauté forme déjà comme une ville. Les Juifs s'agitent de nouveau. J'ai vu ce matin Pierre passer quelque temps au temple : ensuite on administra le baptême. Les apôtres n'observent pas le sabbat judaïquement : ils guérissent et baptisent le jour du sabbat comme les autres jours.

27 mai. -- Je vis aujourd'hui au cénacle la mort d'Ananie. Il s'y rendit suivi d'un homme qui portait la bourse ou était le prix du champ qu'il avait vendu. Les pièces de monnaie n'étaient pas rondes. De concert avec sa femme Saphira, il avait retenu une partie de l'argent qu'il avait reçu. Lorsqu'il arriva dans la cour du cénacle où se tenait Pierre avec les apôtres et tous les nouveaux convertis et qu'il déposa la bourse aux pieds de Pierre, celui-ci lui adressa la parole et Ananie tomba mort. Ceux qui emportèrent son corps étaient des gens de service à demi vêtus, comme ceux qui avaient apporté l'autel à l'église de Béthesda. Saphira vint deux heures après et mourut de même. Ils n'étaient pas encore baptisés et on les enterra avec leurs vêtements. J'avais de vives inquiétudes pour leur âme, mais ils ne sont pas réprouvés : ils sont morts pour servir d'exemple.

A l'occasion d'Ananie, je vis que Barnabé apporta le prix de son bien de l'île de Chypre qu'il avait fait vendre antérieurement : mais comme d'autres en avaient l'usufruit, il venait seulement d'en recevoir le prix.

Anne Catherine dit plus tard, étant dans un sommeil extatique : " Voici venir aussi cet homme de Capharnaüm chez lequel Jésus a si souvent logé : il se fait recevoir dans la communauté avec tous ses gens. Cet homme s'appelle Lévi ".

Remarque. A la fin de mai les communications d'Anne-Catherine sur l'histoire des apôtres devinrent de plus en plus rares, car les visions de cette catégorie cédaient de plus en plus la place à la contemplation journalière des débuts de la sainte vie enseignante de Jésus.

Les courts fragments qui suivent sont tout ce que le Pèlerin a pu recueillir de plus sur l'histoire apostolique.

13 juin. --Aujourd'hui Je vis de nouveau, comme en passant, quelque chose qui se rapportait aux apôtres. Après les dernières persécutions, Pierre et les autres s'étaient dispersés en Judée pour y prêcher l'Evangile. Pendant ce temps des plaintes s'étaient élevées de la part des veuves et des pauvres touchant la répartition des aumônes. Le cénacle avait été fermé et la sainte Vierge résidait à Béthanie dans la maison de Marthe. Il n'était resté à Jérusalem et près de l'église de Béthesda que Jacques le Mineur et quelques disciples.

Je vis de nouveau tous les apôtres au cénacle de Jérusalem : je les vis reconnaître la suprématie de Pierre dans une cérémonie solennelle. Ils le firent sortir de leurs rangs pour le conduire dans le sanctuaire, où Jean le revêtit du manteau pontifical : d'autres lui présentèrent le bâton pastoral et lui mirent solennellement sur la tête une espèce de mitre : après quoi tous reçurent la communion de sa main.

Après cette cérémonie, je vis Pierre revêtu de ses ornements et entouré des apôtres, se rendre dans le vestibule et faire une allocution à une troupe nombreuse de disciples et de nouveaux convertis qui avaient été convoqués pour prendre connaissance d'un nouveau règlement occasionné par les plaintes sur la répartition des aumônes entre autres choses, qu'il n'était pas convenable de laisser là la prédication de la parole de Dieu pour s'occuper de ce qui concernait la nourriture et le vêtement. Donc, Lazare, Nicodème et Joseph d'Arimathie étant devenus prêtres ne pouvaient plus convenablement administrer les biens temporels de la communauté, comme ils l'avaient fait jusqu'alors. Il dit en outre quelque chose sur l'ordre à suivre dans la distribution des aumônes, sur la tenue des maisons, sur les veuves et les orphelins. Je vis alors Etienne, un beau jeune homme à la taille élancée, s'avancer et offrir ses services. Je reconnus parmi ceux qui firent de même, Parmenas qui était un des plus âgés. Il y avait en outre des Maures qui étaient fort jeunes et qui n'avaient pas encore reçu le Saint Esprit. Je vis ensuite que Pierre leur imposa les mains à tous, qu'il leur mit l'étole allant de l'épaule au côté et qu'alors une lumière descendit sur ceux qui n'avaient pas encore reçu le Saint Esprit.

Je vis aussi à Jérusalem Saul qui se donnait déjà beaucoup de mouvement : il était l'âme des complots qu'ourdissait la haine des Juifs. Je le vis courir de côté et d'autre pour les exciter contre les chrétiens ; il était plein de rage contre eux, et convaincu à un degré incroyable qu'il agissait selon la justice. Il connaissait plusieurs disciples auxquels il allait s'adresser directement, et avec lesquels il disputait. Il cherchait aussi par tous les moyens possibles à mettre le trouble dans la nouvelle colonie chrétienne et à la détruire.

14 et 15 juin. -- Je vis que le trésor et les provisions de la communauté furent remis entre les mains des sept diacres, auxquels on assigna pour résidence la maison de Joseph d'Arimathie qui n'était pas loin de celle de Jean Marc. Je vis aussi Jean Marc occupé à les aider. Les provisions furent transportées sur des ânes. Le trésor consistait en un certain nombre de bourses contenant des monnaies de toute espèce : il y avait des petits bâtons qui ressemblaient à des vis, des plaques marquées d'une empreinte et attachées ensemble par une chaînette, des pièces ayant la forme de feuilles ovales, etc. Les provisions consistaient principalement en gros paquets d'étoffes, en couvertures et en effets d'habillement : il y avait aussi beaucoup de vaisselle et d'ustensiles à l'usage de gens menant une vie très simple.

Je vis Saul s'employer avec beaucoup d'ardeur à exciter les Sadducéens. Je le vis aller des uns aux autres, et se faire donner la main par eux en signe d'assentiment à certains projets convenus. Il était particulièrement irrité de ce que Simon le magicien était allé trouver les disciples à Samarie. et s'était converti. Mais cette conversion ne devait pas être durable.

Le jour d'après celui où la maison de Joseph d'Arimathie fut remise aux diacres, je vis les apôtres se répartir dans les différentes parties de la Judée. Simon de Samarie avait fait défection, et il était venu à Jérusalem visiter Saul dont la fureur allait toujours croissant. Simon avait vu de près les apôtres, il avait pris connaissance de leurs démarches et de leurs desseins, et il eut l'infamie de les trahir. Saul se fit donner des lettres qui le munissaient de pouvoirs très étendus. et il alla persécuter les chrétiens en en plusieurs endroits.

Les apôtres avaient changé l'ordre suivi à leur premier voyage quant aux endroits à visiter. La première fois chacun était allé dans son pays natal. La seule chose dont je me souvienne encore est que cette fois Zachée alla à Cédar, Thaddée dans la patrie de Barthélémy, Thomas à Samarie et Jean jusqu'à Ephèse. Un autre d'entre eux se rendit sur les confins de l'Egypte, dans cet endroit qui devait son origine à des Juifs pieux chassés de leur pays à l'époque des Macchabées. Pierre alla entre Joppé et Lydda dans un endroit voisin de Sarona. Il avait avec lui Silvain, le disciple de Sichar.

Pierre fit plus de miracles que tous les autres. Il chassa des démons et ressuscita des morts ; je vis même qu'un ange apparaissait d'avance aux gens qu'il devait visiter et leur disait de faire pénitence et de recourir à l'assistance de Pierre. Le centurion Corneille entendit dès lors parler de lui, mais ce ne fut pas cette fois qu'il se convertit. Avant le martyre de saint Etienne, ils se réunirent encore une fois tous ensemble à Jérusalem. Lorsqu'ils se sépareront de nouveau, Pierre reviendra ici, et c'est alors qu'aura lieu la conversion de Corneille.

Jacques le Mineur est resté à Jérusalem, car les fidèles sont encore en possession de l'église de Béthesda. Marie et toutes les saintes femmes étaient à Béthanie, même Véronique

25 juin. Il y eut du mécontentement au sujet des aumônes. Les diacres faisaient faire des distributions en trois endroits : devant le cénacle, à Béthanie et à cette station de la route de Bethléem où les trois rois s'arrêtèrent pour la dernière fois avant d'arriver à la crèche. C'étaient des étrangers, ceux des nouveaux chrétiens qui étaient venus de plus loin, qui avaient là leur établissement, et il s'y éleva des plaintes et des dissensions ; je crois que c'était à propos du pain ou de la farine qu'on disait moisis, mais les plaintes n'étaient pas tout à fait fondées. Les diacres, à cette occasion, envoyèrent un message à Pierre. On distribuait quelquefois des petits pains de qualité supérieure, plus souvent de grands pains très minces cuits sous la cendre, et aussi des rayons de miel, des étoffes pour habits, des ustensiles de ménage, etc.

1er juillet. -- Je vis Pierre partir de Sarona qui est dans les environs de Joppé, et revenir à Jérusalem avec un autre apôtre ; je crois que c'était André qui dernièrement se trouvait là près de lui. Thomas, qui était à Samarie, en est aussi revenu avec Philippe, si je ne me trompe, et d'autres compagnons. Ils venaient pour régler des contestations. Etienne et les autres diacres leur avaient envoyé des messages. Il y avait près de Bethsur, sur la route de Bethléhem, à l'endroit où les trois rois avaient fait leur dernière halte, une colonie de nouveaux convertis, parmi lesquels beaucoup de femmes païennes d'origine. Saul qui cherchait à semer partout la désunion, avait remarqué chez eux du mécontentent au sujet des aumônes et il avait excité leurs passions. Ils avaient porté plainte contre les diacres près de ceux qui étaient chargés précédemment du soin des pauvres, notamment près de Nicodème, et comme ceux-ci leur avaient donné tort, ils s'étaient adressés par l'intermédiaire de Saul à Gamaliel et au conseil des prêtres. Ils se prétendaient trompés et lésés, et demandaient assistance et protection.

Je vis alors qu'Etienne fut mandé au temple devant les prêtres. Il se présenta dans une cour du temple sans personne pour l'assister, et il fut accusé et interrogé par des Pharisiens et des Juifs qui montrèrent beaucoup d'emportement. Il était tout seul, et il se défendit avec beaucoup de vigueur et d'éloquence, après quoi il fut relâché.

Cependant je vis Pierre et plusieurs autres apôtres arriver au cénacle. Les plaignants y furent mandés, et le différend fut réglé.

Plusieurs personnes furent séparées du reste de la communauté et on leur assigna de nouvelles habitations. Dernièrement, lors de l'élection des diacres, les apôtres s'étaient soumis à l'autorité de Pierre dans une cérémonie solennelle où je vis qu'ils le firent sortir de leurs rangs, que Jean le revêtit du manteau pontifical, qu'ils lui remirent solennellement le bâton et la coiffure pastorale, et que tous reçurent de sa main la sainte communion.

4 juillet. -- Je vis les apôtres se séparer de nouveau et se rendre en différents endroits, à l'exception de Jacques le Mineur. Pierre était retourné à Sarona, près de Joppé, en passant par Samarie, et André était avec lui. Tous allèrent en mission sur divers points de la frontière et dans la Samarie où les Juifs ne pouvaient rien faire contre eux Il n'y eut qu'une contrée où je ne les vis jamais : ce de y ait être un canton entièrement païen : les gens qui l'habitaient allaient, il est vrai, assez souvent à Jérusalem, mais par pure curiosité.

Le 16 juillet, Anne Catherine eut une vision pendant laquelle elle raconta ce qui suit : " Je vois un mouvement tumultueux à Jérusalem. Etienne a parlé avec beaucoup de véhémence dans une salle qui est devant le temple et ils se sont saisis de lui : toutefois, il n'est pas renfermé dans une prison, mais dans une chambre attenante aux bâtiments du temple. Ce méchant homme de Samarie qui a apostasié (Simon le magicien) est dans la ville, et, de concert avec Saul, il excite tout le monde contre la communauté. Les chrétiens sont dans une grande anxiété. La plupart des apôtres sont fort loin : on les a fait prier de revenir. Les Juifs démolissent les maisons des chrétiens, même dans les endroits qu'eux-mêmes leur ont assignés. Les chrétiens de cet endroit situé sur la route de Bethléem, où se sont élevées les plaintes au sujet de la mauvaise qualité du pain, s'en vont à Salem où le précurseur a baptisé. Ils construisent là des cabanes et une chapelle : ils ont avec eux un prêtre et le Saint Sacrement dans une pyxide.

Cette chapelle a été détruite plus tard, lorsque l'apôtre saint Jean, après la mort de Marie à Éphèse, visita pour la dernière fois de sa vie les fidèles de Jérusalem, je vis que les chrétiens avaient de nouveau bâti là une église tout à fait sur le plan de celle qui était dans la maison de Marie à Ephèse.

Ce qui a donné naissance à la persécution, c'est que Pierre, allant de Samarie à Joppé, a baptisé sur son chemin plusieurs personnes, notamment un homme a propos duquel il y a eu beaucoup de bruit à Jérusalem. Étienne, à cette occasion, fit un plaidoyer si véhément qu'on le jeta en prison. Les fidèles, frappés de terreur, ont envoyé des messagers à Pierre et à d'autres apôtres pour les supplier de revenir.

4 août. -- Je vis à Jérusalem Saul se donner encore beaucoup de mouvement et le sanhédrin envoyer aux colonies chrétiennes deux délégués chargés d'exiger des fidèles quelque chose qui leur était très pénible. Je vus que ceux-ci, à cette occasion, envoyèrent des messagers aux apôtres. Thomas était à Samarie et Pierre près de Joppé. Je vis l ;'tienne mandé à comparaître devant les Juifs. Les apôtres revinrent de leurs voyages. Il n'était guère resté à Jérusalem que Jacques le Mineur ; Nicodème était absent. Joseph d'Arimathie était à Béthanie


Brentano: Visions de la Bse Emmerich - CHAPITRE DOUZIÈME. Visions appartenant au temps compris entre le dimanche de Pâques et l'Ascension