Brentano: Visions de la Bse Emmerich - SUR LE TRIPLE MARIAGE DE SAINTE ANNE.


SAINT PIERRE. 20 février 1821.


" J'ai appris beaucoup de choses sur saint Pierre, sa belle-mère malade et sainte Pétronille. Ce fut une chose étrange : je vis venir à moi de ma petite armoire un esprit sous la forme d'un vieillard ; il me raconta beaucoup de choses qu'il paraissait savoir comme s'il eût été présent lorsqu'elles s'étaient passées. C'était saint Pierre lui-même dont il y avait une relique dans l'armoire en question, ainsi que le dit plus tard Anne Catherine. Il me fit une longue exhortation et me donna, en outre, des règles de conduite que je ne veux pas dire, de peur qu'elles ne m'attirent des reproches ".

Le père de Pierre avait laissé sa maison à celui-ci : après la mort de sa femme il était allé s'établir dans un autre endroit au bord du lac, et André l'avait suivi ; une nièce tenait son ménage. André était l'aîné de Pierre et moins ardent que lui : il était plus facile à vivre. Plus, tard André se maria et alla s'établir dans une autre maison, à Bethsaïde. Une personne âgée était restée avec Pierre et tenait son ménage : elle était très diligente et très patiente, mais elle était malade et souffrait d'une perte de sang.

Quand on suivait la route qui allait de Jérusalem à la rive occidentale du lac, on passait par Capharnaüm avant d'arriver à Bethsaïde. Capharnaüm n'était pas au bord même du lac, mais à quelque distance sur la rive occidentale d'une rivière qui s'y jetait ; en suivant la rivière de ce côté, on n'avait pas loin à aller pour arriver à Bethsaïde, qui n'était pas non plus tout au bord du lac. Il y avait plusieurs pêcheries sur le lac qui en cet endroit paraissait sujet à des débordements : on rencontrait aussi dans les intervalles des jardins, des champs et plusieurs ruisseaux qui se jetaient dans le lac. Avant d'arriver de Capharnaüm à Bethsaïde, on trouvait le long du cours d'eau peu important une rangée de petites maisons qui formaient comme un village en avant de Bethsaïde. C'était là qu'était allé le père de Pierre avec sa nièce qui avait déjà demeuré avec lui à Capharnaüm : André aussi y résida un certain temps, mais après son mariage, il habita Bethsaïde.

Pierre vécut trois ans dans le célibat ; ensuite il épousa la veuve d'un pêcheur du village voisin de Bethsaïde. Celle-ci ne pouvant plus diriger ses affaires à elle seule, vint habiter la maison paternelle de Pierre, tandis que Jouas, père de Pierre, alla occuper avec André et sa nièce la maison que quittait cette veuve. Je vis chez Pierre deux petits garçons et une jeune fille qui étaient des enfants amenés par sa femme. Quant à lui, il n'avait pas d'enfants. Pierre me raconta beaucoup de choses touchant la maladie de sa belle-mère ; il me dit qu'elle s'était entièrement remise entre les mains de Dieu auquel elle ne demandait rien. J'eus aussi une vision, ou je vis Jésus se rendre dans la maison de Pierre avec quelques disciples et la guérir.
Il ne la guérit pas sur-le-champ, et elle ne lui adressa aucune prière. Elle avait déjà beaucoup entendu parler des guérisons qu'opérait Jésus, mais sans rien désirer pour elle-même. Seulement, elle s'était réjouie de ce que Pierre s'était mis en rapport avec lui. La maison de Pierre était en assez bon état, mais elle était vieille et adossée à une espèce de terrassement. Elle était entourée d'une cour fermée ; il y avait devant, près de l'entrée, une pompe qui ne s'élevait pas à hauteur d'homme. En posant le pied sur quelque chose, on faisait jaillir l'eau par en haut de tous les côtés. Tout auprès de la maison se trouvait un réservoir assez grand où l'on descendait par des marches de gazon. J'y ai vu beaucoup de poissons : c'étaient d'autres poissons que ceux de notre pays ; ils avaient de très grosses têtes. De l'autre côté de la maison était un jardin avec des herbes de toute espèce : il y avait aussi des fleurs.

Ce fut dans la première année de la prédication de Jésus-Christ que je le vis guérir la belle-mère de Pierre. Pierre n'avait pas encore quitté sa maison, mais André lui avait déjà fait connaître Jésus. On a coutume de dire que Pierre a tout quitté sur-le-champ pour suivre le Seigneur. Il m'a dit lui-même qu'il était auparavant allé chez son père et lui avait annoncé sa résolution. Jésus avait déjà fait plusieurs miracles dans le pays : il n'avait pourtant pas encore guéri la belle-mère de Pierre. Elle avait entendu parler de ses miracles, s'était réjouie de cela, et avait appris avec plaisir les rapports de Pierre avec lui, mais elle avait continué à souffrir patiemment sans rien demander.

Je vis Jésus entrer dans la maison avec quelques disciples. Pierre entra avec lui. Je vis la femme de Pierre ; elle était plus âgée que lui : elle avait tout l'extérieur d'une Juive de l'ancien temps. Je ne vis pas Jésus aller près de la malade ; il marcha avec Pierre autour de la maison. Je vis les trois enfants courir près d'eux ; je vis aussi que les autres apôtres badinaient avec ces enfants et appelaient la petite fille Pétronille. J'eus une autre vision où il me fut montré comment cette Pétronille souffrit le martyre, après avoir très activement travaillé a propager le royaume de Jésus-Christ. Thècle, Agathe et elle ont été les plus héroïques d'entre les martyres. J'ai su cela dans une vision particulière.

Lorsque je vis que Jésus ne guérissait pas la belle-mère de Pierre à laquelle je m'intéressais beaucoup à cause de ce que Pierre m'en avait dit et de sa grande patience, je fus toute contristée. Je vis faire les apprêts d'un repas : la table était une pièce de bois assez basse : on mit dessus des petits pains, des herbes vertes qu'on servit comme lorsqu'on apporte du cresson dans un pot ; du miel en grandes tablettes découpées en forme d'étoiles, et, enfin, du poisson. Il y avait avec cela des flacons et de petites coupes dans lesquelles les convives burent debout. Ensuite ils se mirent à table et tout se passa fort tranquillement. Pendant le repas, ou plutôt lorsqu'ils eurent bu, Jésus alla dans la chambre de la malade. Sa couche était une espèce de pierre peu élevée adossée à la muraille ; il y avait devant quatre morceaux de bois fichés en terre soutenant un clayonnage flexible qui empêchait que rien ne tombât, et qui avait légèrement cédé à l'endroit où le coude s'appuyait. La malade avait sous elle des coussins, et sur elle des couvertures de laine blanche très minces. Ce fut André qui accompagna Jésus près d'elle. Elle était couchée le visage contre le mur et ne se retourna pas quand ils entrèrent. Jésus l'appela par son nom ; alors elle tourna un peu la tête vers lui. Il lui tendit la main et elle avança un peu la sienne comme une personne très affaiblie par la maladie. Jésus se baissa vers elle comme pour lui parler ou souffler sur son visage, et alors elle se mit sur son séant. A sa droite était un vêtement d'étoffe rayée que Jésus lui jeta sur les épaules. Elle attacha un bandeau autour de sa tête et se leva en rabattant sur elle le vêtement qui était sur ses épaules, puis, descendant de sa couche, elle suivit Jésus. Je ne l'ai vue ni s'agenouiller, ni remercier avec vivacité, ni témoigner sa reconnaissance par de vives démonstrations. Elle marcha tranquillement à la suite de Jésus, entra après lui dans la salle à manger où Pierre l'embrassa et se mit à servir les convives ; les autres femmes qui étaient dans une autre chambre ne demandèrent que plus tard à la voir.


PIERRE DÉLIVRÉ DE SA PRISON PAR UN ANGE. 1er août 1820.

Je vis saint Pierre dans une prison assez spacieuse : il était couché et dormait entre deux soldats qui dormaient eux-mêmes couches à quelque distance de lui. Il était étendu sur le côté le long du mur, ses pieds étaient retenus dans un bloc de bois et ses poignets passés dans des chaînes attachées aux bras des deux gardes qui dormaient à droite et à gauche. Je vis une lumière éclatante, et dans cette lumière un ange qui descendait d'en haut : c'était une apparition semblable à celle de mon guide. L'ange secoua Pierre qui se réveilla : les chaînes s'étaient détachées de ses mains à droite et à gauche, elles étaient tombées sans bruit et sans mouvement apparent et elles avaient conservé la même position que lorsqu'il les avait aux mains. L'ange lui dit quelque chose : alors Pierre retira ses pieds du bloc de bois sans l'ouvrir, chaussa ses sandales qui étaient attachées autour de ses jambes, se leva, serra sa ceinture sur sa large robe, mit sur ses épaules son manteau qui lui avait servi de couverture et suivit l'ange, qui passai devant lui par la porte qui resta fermée : c'était comme s'ils eussent passé au travers. Ils traversèrent plusieurs pièces où se tenaient des soldats qui veillaient, mais qui ne les virent pas. Enfin ils arrivèrent à une grande porte de fer qui s'ouvrit devant eux. Pendant tout ce temps je ne vis autour d'eux que ce qu'il fallait de lumière pour éclairer l'endroit où ils marchaient. Ils descendirent une rue, alors l'ange disparut et je vis Pierre saisi d'étonnement. Il avait cru jusque-là que tout cela se passait en rêve ; mais alors il se rendit compte de tout et vit qu'il se trouvait réellement en liberté. Il passa par une porte, franchit un petit cours d'eau et sembla sortir de la ville, ce dont je ne suis pas bien sûre ; car à Jérusalem il y avait plusieurs séparations entre les collines sur lesquelles s'élève la ville. Quoi qu'il en soit, je vis que la maison de la mère de Jean-Marc n'était pas dans la ville proprement dite, mais à part et devant une porte. Je vis dans cette maison beaucoup de fidèles et de disciples rassemblés qui priaient dans une salle sous une lampe allumée. Ils avaient grand soin de ne faire aucun bruit qui pût les trahir et gardaient un silence presque absolu : d'épais rideaux étaient tendus devant les fenêtres de la maison pour empêcher de voir la lumière. Je vis Pierre frapper à la porte du vestibule : une servante vint voir qui c'était et Pierre lui dit d'ouvrir ; mais elle rentra en courant et dit aux autres, toute joyeuse, que l'apôtre était là. Ceux-ci ne voulaient pas la croire : je vis alors Pierre frapper de nouveau. Plusieurs d'entre eux vinrent lui ouvrir : il entra et ils l'embrassèrent pleins de joie. Mais il ne s'arrêta pas longtemps avec eux, il leur fit signe de rester calmes et raconta en peu de mots ce qui lui était arrivé ; puis il sortit de la maison et alla plus loin.

Je vis aussi qu'il existe encore à Rome une église où des chaînes sont suspendues dans une châsse : les anneaux sont ronds ; je n'ai rien vu là du bloc de bois ou les pieds étaient retenus, ni des serrures qui le fermaient et qui étaient autrement faites que celles des menottes. Je crois avoir vu une fête ou l'on baisait ces chaînes, mais je ne m'en souviens plus très bien.


SAINT PIERRE à ROME. Juillet 1821.

Ce fut en hiver, le 18 janvier de l'an 44, que Pierre arriva à Rome avec trois compagnons, deux disciples, Martial et Apollinaire, et un serviteur nommé Marcion. Il était allé d'abord d'Antioche à Jérusalem où il vivait une persécution ; il s'était rendu de là à Naples et dans plusieurs autres endroits, puis enfin à Rome. Je vis que Lentulus, qui avait été informé de l'arrivée de Pierre, vint à sa rencontre sur le chemin : il l'emmena, lui et ses compagnons, dans sa maison où il leur offrit l'hospitalité d'une façon toute patriarcale, leur lava les pieds, leur donna de nouveaux vêtements et les hébergea. Cependant ils allèrent loger dans une autre maison ; plus tard ils demeurèrent chez un homme nommé Pudens dont la maison devint la première église de Rome : Lentulus contribua largement aux dépenses faites à cette occasion.

Ce Lentulus était un des personnages les plus considérables de Rome : il était marié et avait une douzaine d'enfants. Il avait ressenti un attrait extraordinaire pour Jésus-Christ. Plusieurs Romains étant allés au baptême de Jean avaient entendu parler du Messie, de l'Esprit Saint qui était descendu sur lui et des prodiges qu'il avait opérés. Lentulus recherchait avec grand soin ceux qui étaient dans ce cas et se faisait raconter par eux ce qu'ils savaient. Ses affaires l'empêchaient d'entreprendre le voyage de Judée ; mais quand il arrivait des navires venant de ce pays, il interrogeait les passagers pour avoir des informations sur Jésus. Il se prit ainsi de loin d'une telle affection pour Jésus qu'il chargea quelqu'un de se glisser dans la foule auprès du Seigneur et de lui faire toucher un suaire de très belle étoffe. On lui envoya ce suaire qu'il reçut avec un grand respect et qu'il conserva précieusement. Les gens riches de cette époque avaient pour s'essuyer le visage des pièces d'une étoffe de laine très fine qui ne se salissaient jamais. Je vis qu'on fit toucher le suaire de Lentulus au vêtement de Jésus la première fois qu'il vint près du Jourdain après l'emprisonnement de Jean. Il ne sembla pas sen apercevoir. Je vis Lentulus profondément ému lorsqu'il reçut ce linge. L'amour que ce païen ressentait de si loin pour Jésus me toucha tellement que je ne pus m'empêcher de pleurer.

J'ai vu encore que Lentulus désirait ardemment de faire le portrait de Jésus et qu'il se fit donner à cet effet beaucoup de détails par Pierre. Il essaya plusieurs fois ; mais Pierre, en voyant ses ébauches, disait toujours que ce n'était pas encore ressemblant. Enfin Lentulus s'étant endormi en priant, je vis une apparition du Sauveur porter le suaire à son visage et y laisser l'empreinte de sa face que Lentulus trouva à son réveil. J'ai l'idée que ce portrait existe encore et qu'il a opéré autrefois beaucoup de miracles. Lentulus fit encore des représentations d'autres objets qu'il s'était fait décrire, par exemple de la grotte d'Elie sur le mont Carmel. Il fut l'un des premiers qui se firent chrétiens à Rome.

J'ai vu souvent trois images miraculeuses de Jésus : j'ai vu tout cela beaucoup plus clairement, quand j'avais neuf a dix ans. Le suaire de Véronique est passé à Thaddée qui s'en est servi pour opérer des miracles à Edesse et ailleurs. Il est maintenant dans une ville où se trouve un des linceuls de Jésus-Christ : c'est à Turin, si je ne me trompe.

Le portrait de Lentulus se trouve dans un endroit (note : à Pérouse) où il y a encore deux des linges qui ont servi à ensevelir Jésus et où l'on conserve dans une belle église l'anneau nuptial de Marie, derrière une grille fermée par plusieurs serrures. Les gens pieux qui se marient font toucher leurs anneaux à ces serrures. Cet anneau est très large, il y a en haut et en bas un rebord : il n'est ni d'or ni d'argent : il est de couleur sombre avec des reflets chatoyants. Des lettres et des signes sont gravés autour. Le suaire qui est a Rome est un linge qui a servi à envelopper ceux sur lesquels Jésus fut déposé pour être embaumé et sur lequel son visage s'est imprimé miraculeusement. En le comparant avec l'autre, on l'a trouvé parfaitement semblable. J'ai su aussi toute l'histoire de ce linge, mais je l'ai oubliée.

Un linceul de Jésus vint en la possession d'un disciple de Jérusalem qui était au temple : il tomba plus tard dans les mains des Juifs. Ils essayèrent de le brûler, mais je vis le linceul s'envoler en l'air : je vis toute une histoire à ce sujet : il y eut un évêque de Syrie qui eut à son sujet beaucoup de contestations avec les Juifs et qui finit, si je ne me trompe par en rester possesseur. Je crois avoir une relique de cet évêque.

Pierre est arrivé à l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans : Il mourut l'an 69, occupa sept ans le siège d'Antioche et vingt-cinq ans celui de Rome. Il fut à Jérusalem en l'an 43 : il alla de là à Rome et y fonda l'Église Romaine. Il se rendit ensuite à Ephèse pour assister à la mort de Marie, puis il retourna à Rome en passant par Jérusalem.

Pierre alla trois fois à Joppé. La première fois il s'y rendit en venant de Samarie, où il s'était mis en rapport avec Simon le magicien. Il revint de là à Jérusalem à l'occasion des réclamations qui s'étaient élevées touchant la distribution des aumônes, et il institua les diacres : il fut reconnu comme chef suprême de l'Eglise et revint à Sarona et à Joppé. Lorsque les femmes se plaignirent d'Étienne à l'occasion du pain moisi, il vint encore à Jérusalem, d'où il retourna à Joppé : il y ressuscita Tabithe et vit la vision où un grand linge contenant des aliments de toute espèce lui fut montré. A cette époque, Jacques le Majeur se mit en rapport à Samarie avec deux magiciens qu'il convertit et qui guérirent ensuite au nom de Jésus comme ils avaient cherché à le faire auparavant au nom du démon. L'un d'eux s'appelle Hermogène.


SAINT ANDRE

J'ai vu la vie de l'apôtre saint André et reconnu une relique provenant de lui. J'ai vu aussi une fête de l'Église en son honneur, à laquelle assistaient tous les apôtres, ainsi que la Mère de Dieu et Madeleine : Marthe n'y était pas. Je le vis après la mort de Jésus parcourir la Grèce et l'Asie et aller continuellement d'un lieu à l'autre en opérant partout des miracles. Il était plus âgé et moins grand que Pierre : sa taille était ramassée : ses manières simples, franches et ouvertes : ses qualités dominantes étaient la sincérité et la libéralité. Il avait la tête chauve, sauf quelques mèches de cheveux blancs comme la neige sur les côtés : son menton aussi était garni de deux mèches blanches assez courtes. Il avait une femme et quatre enfants, deux garçons et deux filles. mais à dater du moment où Jésus l'appela à sa suite il vécut dans la continence la plus absolue. Il fut le premier des apôtres qui renonça à tout ce qu'il possédait et aucun d'eux n'a si promptement et si scrupuleusement donné et distribué tout son bien au profit de la communauté : cela eut lieu lorsque Jésus congédia ses apôtres pour quelque temps, lors du voyage qu'il fit avant sa mort en Arabie et en Egypte.

Lorsqu'André partit pour ses voyages apostoliques, sa femme habita d'abord à Béthanie : ensuite elle alla dans les environs d'Ephèse, mais cependant à une certaine distance de l'habitation de la sainte Vierge. Plus tard j'ai vu presque toujours les enfants des apôtres parmi les disciples et en général assistant les apôtres. André n'était pas proprement un pécheur comme son frère, il était plutôt l'administrateur d'une pêcherie qu'il tenait à ferme et sa maison était au centre de Bethsaïde, tandis que celle de Pierre était à l'extrémité de la ville tout au bord de l'eau.

Je vis André et un autre encore (Saturnin), avec Jean-Baptiste : je vis Jean parler de Jésus qui passait à une certaine distance, sur quoi André et l'autre disciple s'étant entretenus quelques moments avec Jean, le quittèrent pour aller à Jésus qui venait vers eux de l'autre côté du chemin. Il leur demanda qui ils cherchaient et leur permit de le suivre.

Quant aux divers événements de la vie de saint André et des miracles opérés par lui, Anne-Catherine ne raconta que le peu qui suit : Je vis André en Achaïe, en même temps que Matthieu était prisonnier dans une ville éloignée avec des disciples et une soixantaine d'autres personnes. On avait mis du poison dans les yeux de Matthieu, ce qui le faisait beaucoup souffrir : ses yeux étaient très rouges et très enflés et il n'y voyait plus : cependant on ne les avait pas crevés. Cette ville était au sud-est de Jérusalem, de l'autre côté de la mer Rouge, en Éthiopie : elle était située au bord d'une rivière qui était fort grande pour un pays de montagnes. Les habitants de cette contrée sont tout noirs : mais il y a pourtant une partie du pays ou ils sont blancs : cette partie est comme une enclave. André reçut dans une vision l'ordre de se rendre auprès de Matthieu. Il monta sans être connu sur un navire où se trouvaient beaucoup de passagers et dont la marche fut très rapide : ensuite il voyagea par terre et je les vis suivre alternativement les deux bords de la rivière près de laquelle la ville était située. Quand il y fut arrivé, il guérit Matthieu, fit tomber ses chaînes et celles de ses compagnons de captivité et prêcha l'Evangile. Au commencement tout alla bien, mais ensuite les habitants excités par une méchante femme se saisirent d'André et le traînèrent à travers la ville, après lui avoir lié les pieds André pria pour ses bourreaux : ils furent touchés, lui demandèrent pardon et se convertirent : il revînt ensuite en Achaïe. Je le vis guérir un possédé aveugle et ressusciter un enfant égyptien. Un jeune homme que sa mère dénaturée excitait à commettre un inceste avec elle et qu'elle avait accusé devant le proconsul à cause de son refus de consentir a ce crime, se réfugia auprès de lui André et le jeune homme prièrent : l'apôtre fit faire à celui-ci le voeu le jeûner un certain temps et ils allèrent ensemble au tribunal. La mère fut frappée de la foudre et le jeune homme, mis en liberté, jeûna pendant plusieurs jours.

André alla aussi à Nicée où il chassa des sépultures de la ville sept esprits impurs qui aboyaient comme des chiens. Il établit là un évêque qui était des environs de Cédar. Il ressuscita un enfant mort à Nicomédie : il apaisa une tempête sur l'Hellespont : les sauvages habitants de la Thrace voulurent le faire périr, mais effrayes par une éclatante lumière céleste qui l'environna, ils se prosternèrent la face contre terre. Je vis encore l'histoire d'une pécheresse convertie appelée Trophima, contre laquelle aucune force humaine ne pouvait rien lorsqu'elle portait sur sa poitrine le livre des Evangiles. Je vis aussi une fois André exposé aux bêtes, puis rendu à la liberté.

Quant au martyre qui termina sa vie, je me souviens seulement que son juge s'appelait Egéas. La croix à laquelle il fut attaché avait cette forme >I<. Cependant ses pieds n'étaient pas écartés l'un de l'autre, mais attachés au poteau du milieu : l'usage de cette espèce de croix s'était répandu parce qu'elle était plus commode et plus prompte à dresser à l'aide de trois pièces de bois. André resta ainsi suspendu pendant deux jours et deux nuits et il prêcha du haut de sa croix : " la fin, le peuple qui l'avait pris en grande affection se souleva et demanda sa délivrance. Un envoyé d'Egéas étant venu, la foule se pressa si nombreuse autour de la colline que plusieurs personnes furent étouffées. Mais André pria pour obtenir la grâce de mourir : ils ne purent pas le détacher de la croix parce que leurs mains furent frappées de paralysie. Ce fut ainsi qu'il mourut.



SAINT JACQUES LE MAJEUR.

Jacques était grand, il avait les épaules larges sans être trapu, ses cheveux étaient noirs et sa barbe brune. Il avait le teint blanc, la physionomie grave et pourtant pleine de sérénité. Il était marié et vivait à Capharnaüm, mais il n'avait pas d'enfants. Sa femme était une soeur de la veuve de Naïm et se réunit plus tard aux saintes femmes.

La mère de Jacques s'appelait Marie Salomé, elle était fille d'une soeur de sainte Anne, dont le mari s'appelait Salomo : elle avait demeuré d'abord près de Bethléem, puis sur les biens de sainte Anne. Marie Salomé épousa Zébédée dont elle eut Jacques le Majeur et Jean. Elle était du même âge que la fille aînée d'Anne, Marie d'Héli, née dix-huit à vingt ans avant la sainte Vierge, et qui épousa Cléophas, dont elle eut Marie de Cléophas : celle-ci épousa Alphée qui avait eu d'un premier mariage le publicain Matthieu et qui eut d'elle Simon, Jacques le Mineur et Thaddée. D'un second mariage avec Sabas, Marie de Cléophas eut José Barsabas et d'un troisième mariage Siméon évêque de Jérusalem, Marie Salomé était donc nièce de sainte Anne et cousine germaine de Marie, la mère de Dieu.

Lorsqu'Etienne fut lapidé, un an environ après le crucifiement de Jésus-Christ, sa mort ne fut pas suivie d'une persécution en règle contre les apôtres ; seulement, la plupart des chrétiens qui s'étaient établis dans des cabanes autour de Jérusalem, et qui étaient en partie sous la direction d'Etienne, furent chassés de leurs demeures il n'y eut pas d'autre persécution dirigée contre les apôtres et les disciples proprement dits, si ce n'est quelques meurtres isolés. Les Juifs éprouvaient un certain effroi : de temps en temps il y avait un tumulte populaire, puis le calme renaissait. Jacques fut l'un des premiers apôtres qui quittèrent Jérusalem lorsqu'ils se furent partagé les contrées à évangéliser, et il se rendit en Espagne. Il resta un peu plus de quatre ans dans ce pays, fit pendant ce temps plusieurs voyages, rencontra infiniment d'obstacles, et éprouva des tribulations de toute espèce : il eut souvent à soutenir de rudes luttes, et disputa beaucoup avec les savants. Je vis plus d'une fois Marie lui venir miraculeusement en aide lorsqu'il l'invoqua dans ses tribulations. En allant de Jérusalem en Espagne, il passa par les îles grecques et par la Sicile, puis il longea longtemps par mer la côte d'Espagne jusqu'à un étroit passage assez semblable à celui qui est entre la France et l'Angleterre, et enfin, il débarqua à Gadès. Il y a là une presqu'île avec un promontoire de rochers. Sa prédication fut mal accueillie dans cette contrée, et si quelques chrétiens réfugiés là n'avaient pas rendu témoignage de la vérité de ses paroles, on l'aurait mis en prison. Il alla alors dans une autre ville où il ne trouva pas un meilleur accueil, il fut arrêté et on voulait le mettre à mort, mais il fut délivré miraculeusement. Je le vis en prison, rêvant qu'un ange venait à lui et le délivrait en le faisant passer par-dessus une haute muraille. Je vis la chose arriver réellement pendant que Jacques croyait rêver : je le vis au haut du mur se réveiller et regarder derrière lui : il y avait devant le mur une grande étendue d'eau. Je vis un ange descendre du ciel et le transporter de l'autre côté de l'eau. Il se rendit ensuite à Rome, accompagné de deux disciples. Il en laissait derrière lui six ou sept qu'il avait chargés de continuer son oeuvre, leur promettant de revenir en Espagne. Dans son voyage, il passa à Marseille mais il ne vit pas Lazare ni les autres qui étaient plus avant dans l'intérieur du pays. Il continua son voyage par terre, suivant toujours les côtes dans la direction du midi, prêcha en divers endroits et fut mis en prison où il y resta six jours. Il fut ensuite emmené à Rome par des soldats, traduit devant un tribunal, puis remis en liberté. Ce voyage avait bien duré six mois.

Après cela Jacques revint en Espagne ; il retourna à Gadès où le nombre des chrétiens s'était notablement accru par suite des émigrations là, il remonta dans l'intérieur du pays ; il navigua d'abord sur un radeau avec quelques disciples, puis il fit plusieurs journées de voyage à travers des montagnes désertes, évitant les villes avec soin. Il passa devant Tolède et ne s'arrêta nulle part jusqu'à ce qu'il fût arrivé à Caesar-Augusta (Saragosse). Il y eut dans cette ville un très grand nombre de conversions, des rues entières reconnurent le Seigneur, et on en chassa ceux qui restaient attachés au paganisme. Là aussi je vis Jacques courir de grands dangers ; on lâcha sur moi des serpents qu'il prit dans sa main sans s'émouvoir ; ils ne lui firent aucun mal et se précipitèrent sur les païens qui se pressaient autour de lui, et que ce prodige frappa de terreur. Je vis aussi des magiciens faire assaillir Jacques par des démons sous toutes les formes. Je vis encore qu'ayant commencé à prêcher à Grenade, il y fut mis en prison avec tous ceux qui étaient devenus ses disciples. Il implora mentalement l'assistance de Marie qui alors était encore à Jérusalem, et un ange envoyé par elle vint le délivrer miraculeusement ainsi que tous ses disciples. Ce fut alors que Marie lui transmit par les anges l'ordre d'aller en Galice, d'y annoncer l'Evangile et de revenir ensuite à Jérusalem.

LE MIRACLE DE SARAGOSSE.

Note : Ceci est un second récit de ce miracle plus détaillé que celui qui a été donné dans l'introduction au premier volume.


Je vis Jacques, après son retour à Saragosse, en proie à de vives inquiétudes à cause d'une persécution qui commençait et qui menaçait l'existence de la communauté chrétienne. C'était pendant la nuit : il priait avec quelques disciples au bord du fleuve, devant les murailles de la ville. Les disciples étaient dispersés et couchés par terre et je me disais : " C'est ainsi qu'était Jésus-Christ sur la montagne des Oliviers ".

Jacques était couché sur le dos les bras étendus en croix : il priait Dieu de lui faire connaître s'il devait fuir ou rester. Il pensa à la sainte Vierge et la supplia de prier avec lui pour demander conseil et assistance à son fils qui ne refuserait pas d'exaucer sa mère. Je vis alors une lumière éclatante briller tout a coup dans le ciel au-dessus de lui, et apparaître des anges qui faisaient entendre des chants admirables : ils portaient entre eux une colonne de lumière du pied de laquelle partait un rayon délié qui venait toucher la terre à deux pas en avant des pieds de l'apôtre comme pour marquer une place. La colonne était de couleur rougeâtre, avec un mélange d'autres couleurs qui y formaient comme des veines : elle était très hauts et très mince et se terminait comme un lis par des pétales lumineux qui s'épanouissaient pour former une corolle : l'un d'eux s'allongeait et s'agitait du côté de l'ouest, dans la direction de Compostelle. Dans cette fleur resplendissante, je vis la figure de la sainte Vierge : elle était d'une blancheur diaphane, avec des reflets plus doux et plus beaux que ceux de la soie brute, et se tenait dans l'attitude qui lui était ordinaire lorsqu'elle priait debout. Elle avait les mains jointes : son long voile relevé sur sa tête tombait par derrière sur ses épaules et l'enveloppait jusqu'aux pieds : elle s'élevait ainsi gracieuse et svelte, au milieu des cinq pétales qui formaient la fleur lumineuse. C'était quelque chose de merveilleusement beau Je vis que Jacques se releva sur ses genoux en priant et qu'il reçut de Marie l'avertissement intérieur qu'il devait sans tarder ériger une église dans cet endroit, car l'intercession de Marie devait y prendre racine et s'y implanter comme une colonne. En même temps Marie lui annonça qu'après avoir bâti la maison de Dieu il devrait se rendre à Jérusalem. Jacques se leva et appela les disciples qui déjà accouraient près de lui, car ils avaient entendu les chants et vu la lumière ; il leur fit part des merveilles qu'il avait vues et tous suivirent des yeux la lumière qui s'évanouissait.

Dans la cinquième année qui suivit la mort du Christ, un nouvel orage s'était élevé contre la communauté chrétienne. Marie reçut un avertissement et Jean la conduisit avec d'autres personnes dans les environs d'Éphèse où déjà quelques chrétiens s'étaient établis. Lorsque Jacques eut fait à Saragosse ce qui lui avait été prescrit par Marie, il forma comme un collège de douze disciples parmi lesquels il y en avait de fort instruits et les chargea de continuer l'oeuvre fondée par lui au milieu de tant de difficultés.

LE MARTYR DE SAINT JACQUES.

Lui-même quitta l'Espagne pour se rendre à Jérusalem comme Marie le lui avait ordonné. Dans ce voyage il visita Marie à Éphèse. Elle lui annonça qu'il ne tarderait pas à être mis à mort à Jérusalem, elle l'encouragea et le consola. Jacques prit congé de la sainte Vierge et de Jean son frère et se rendit à Jérusalem. Ce fut à cette époque qu'il se mit en relation avec le magicien Hermogène et un autre qui devint son disciple, et qu'il les convertit l'un et l'autre par un miracle. Il fut plusieurs fois arrêté et traduit devant la synagogue. Je vis qu'on se saisit de lui à Jérusalem peu de temps avant la fête de Pâques, comme il prêchait en plein air sur une colline : c'était bien au temps de Pâques, car je vis les étrangers campés autour de la ville comme à l'ordinaire. Jacques ne resta pas longtemps en prison. Il fut condamné dans le lieu même où Jésus avait été jugé, mais la maison était tout autrement disposée. Tout avait été changé aux endroits où Jésus avait porté ses pas : j'ai toujours pensé que nul autre ne devait y paraître après lui. Je vis qu'on le conduisit du côté du Calvaire : sur le chemin il ne cessa de prêcher et convertit plusieurs personnes.

Note : Ici comme ailleurs Anne-Catherine a dit si formellement que Jacques le Majeur était mort avant la sainte Vierge, et qu'il n'était pas présent lorsqu'elle mourut beaucoup plus tard à Éphèse, qu'il est nécessaire de rectifier ce qu'on lit dans " la Vie de la sainte Vierge ". Si elle fait mention de Jacques en racontant la mort de Marie, elle entend parler de José Barsabas qui y parut comme son représentant, ou peut-être de sa présence en esprit. (Note de l'éditeur.)

Lorsqu'on lui lia les mains, il dit : " Vous pouvez enchaîner ces mains, mais non la bénédiction de Dieu ni ma langue " ! Un boiteux qui était assis sur le chemin, s'adressa à lui, le priant de lui donner la main et de le guérir. Jacques répondit : " Viens à moi et donne-moi la main ". Sur quoi le boiteux se leva, prit les mains lices de l'apôtre et fut guéri. Je vis aussi son dénonciateur, nomme Josias, courir vers lui tout ému de repentir et lui demander pardon. Jacques lui demanda s'il ; désirait le baptême, et l'autre lui ayant répondu qu'il le désirait, l'apôtre l'embrassa en disant : " Tu seras baptisé dans ton sang ". Je vis encore une femme tenant à la main un enfant aveugle courir vers Jacques à l'endroit même où il devait être supplicié et obtenir la guérison de, cet enfant.

Jacques fut d'abord placé avec Josias sur une petite éminence : on proclama les crimes qui lui étaient imputés, et le jugement rendu contre lui. Ensuite il s'assit sur une pierre à laquelle ses mains étaient enchaînées des deux côtés ; on lui banda les yeux, et enfin on lui trancha la tête. Pendant ce temps, on avait renfermé Jacques le Mineur dans sa propre maison. Matthieu, Nathanaël Khased et Nathanaël le fiancé étaient alors à Jérusalem. Matthieu résidait à Béthanie. La maison de Lazare, ainsi que toutes ses autres propriétés en Judée, était depuis longtemps affectée à l'usage de la communauté chrétienne, mais les Juifs s'étaient emparés du château qui était dans la ville. Lors de l'exécution de Jacques, il y eut un soulèvement populaire, et beaucoup de gens se convertirent. Les disciples de Jacques voulaient avoir son corps, mais les Juifs se hâtèrent de le faire emporter par les soldats. Hérode mourut bientôt après à Césarée. Son ventre creva pendant une fête, comme il était sur un théâtre, en présence de tout le peuple ; on l'emporta dans une grande salle où était son trône, et qui pouvait contenir facilement cinq cents personnes. La rage et la douleur l'avaient jeté dans un accès de frénésie ; on ne peut dire à quel point il était dégoûtant à voir. On cacha sa mort pendant un certain temps. Je crois que Pierre ne revint à Jérusalem que plusieurs semaines après, et qu'il fut mis en prison. Plus tard, lorsque les disciples de Jacques réclamèrent son corps, les Juifs ne voulurent pas dire où il était, mais on le sut par un miracle, parce que deux malfaiteurs qu'ils avaient chargés de le porter dans un autre endroit afin que ses disciples ne pussent pas découvrir où il se trouvait, se trouvèrent dans l'impossibilité de s'éloigner de là. Les disciples lui donnèrent la sépulture dans le voisinage de Jérusalem, mais pendant une persécution postérieure, ils l'enlevèrent secrètement et le transportèrent sur un navire qui les conduisit en Espagne. Parmi eux se trouvaient Ctésiphon, Joseph d'Arimathie et Saturnin. Celui-ci était déjà allé en Espagne précédemment, et il y avait prêché l'Evangile ; il portait toujours des vêtements de lin. J'ai vu aussi dans quel endroit ces disciples se séparèrent, mais je l'ai oublié. J'ai eu touchant Saturnin une vision des plus claires. Il était né à Patras, en Grèce, de parents d'un rang distingué. Avant entendu parler de Jean Baptiste, il quitta ses parents, alla le trouver et devint son disciple zélé. Je le vis au baptême de Jésus-Christ, et lorsque Jean lui dit que le Christ était au-dessus de lui, il suivit le Seigneur dont il ne se sépara plus. Je vis qu'il travailla extraordinairement : il fit de longs voyages après la mort de Jésus, et baptisa un grand nombre de personnes. Je ne puis pas comprendre pourquoi il n'est pas question de lui dans les Evangiles. Je me souviens encore qu'il fut mis à mort dans une ville appelée Tolosa. Les idoles tombèrent là en sa présence, on le maltraita cruellement, et on l'attacha à des taureaux qui le traînèrent jusqu'à ce qu'il eût rendu l'âme. Je me souviens aussi d'un disciple du nom de Nicolas avec lequel il était en relation, et d'un autre nommé Andronic. J'ai vu tant de personnages et j'ai eu tant de visions qui les concernaient, que mon misérable état me rend absolument impossible de me reconnaître au milieu de tout cela. Saturnin fut évêque et il fit immensément de choses. Il prêcha d'abord en Orient et alla jusqu'aux frontières de la Perse. Dans le pays où il fut martyrisé, il travailla considérablement et fonda plusieurs églises.

Lorsqu'avec Ctésiphon et Joseph d'Arimathie, il porta en Espagne le corps de saint Jacques, j'eus une vision touchant la méchante reine Lupa qui avait persécuté saint Jacques pendant qu'il évangélisait l'Espagne. Elle ne voulait pas permettre qu'on lui donnât la sépulture, mais les disciples l'avaient déposé sur une pierre qui se creusa sous le corps en forme de sépulcre. Il arriva en outre que la terre rejeta d'elle-même à plusieurs reprises d'autres corps qu'on avait enterrés près de lui. Lupa ayant porté des accusations contre les disciples, ils furent mis en prison, mais ils s'en échappèrent miraculeusement, et comme le roi les poursuivait, accompagné de quelques cavaliers, un pont sur lequel il passait s'écroula, en sorte que ses gens et lui périrent. Lupa fut saisie d'un tel effroi qu'elle dit aux disciples d'aller prendre dans un désert des taureaux sauvages et de les atteler ensemble : elle leur permettait de bâtir une église dans l'endroit où ils conduiraient le corps. Elle croyait que ces animaux farouches briseraient tout dans leur fureur. Les disciples, en entrant dans le désert, rencontrèrent un dragon qui tomba mort lorsqu'ils firent sur lui le signe de la croix Les taureaux se laissèrent atteler et conduisirent le corps de Jacques au château de Lupa. Ce fut là qu'on l'enterra, et le château devint une église, car Lupa se convertit et devint chrétienne ainsi que son peuple. J'eus ensuite une vision touchant une femme païenne de Rome : elle était vieille et toute contrefaite, et une impulsion intérieure l'excitait à se convertir. Elle s'adressa en esprit au tombeau de saint Jacques Et ; Espagne : alors Jacques lui apparut décapité et lui dit qu'il voulait lui montrer Jésus pour qu'elle le reçût en elle, et qu'elle irait ensuite visiter le tombeau de l'apôtre. Je vis qu'elle recouvra la santé et qu'elle alla en effet en Espagne au tombeau de saint Jacques. Il s'y opéra beaucoup de miracles, et le corps fut transféré dans un endroit dont le nom ressemble à celui de Constantinople (Compostelle).

Jacques le Mineur fut martyrisé plusieurs années après Jacques le Majeur. Je le vis sept jours de suite traîné devant le tribunal et chaque fois on l'accabla de mauvais traitements pendant une heure. Après avoir été précipité du haut du temple, il fut encore lapidé et achevé à coups de bâton. Il était évêque de Jérusalem. Je vis aussi un disciple du nom de Jacques à Babylone avec Abdias. Tout son désir était de mourir de la même mort que le Seigneur et il fut en effet crucifié plus tard dans un autre endroit.


SAINT JEAN L'ÉVANGÉLISTE. 27 décembre 1820.


Brentano: Visions de la Bse Emmerich - SUR LE TRIPLE MARIAGE DE SAINTE ANNE.