Brentano: Visions de la Bse Emmerich - SAINT SIMON ET SAINT JUDE THADDEE. octobre 1820.


SAINT MARC. 25 avril 1821.

Marc fut un des premiers disciples de Jésus. Il n'était pas du pays de saint Pierre : sa patrie était plus au nord. Il avait loué des pêcheries à Bethsaide et se livrait encore à d'autres occupations. Il était grand et agile : il avait le front chauve, mais il lui restait par derrière quelques cheveux qui venaient se terminer en pointe sur le sommet de la tête. Ses sourcils se rejoignaient au-dessus de son nez qui était long et droit. Ses yeux étaient vifs ; ses joues maigres, colorées et couvertes, ainsi que le menton, d'une barbe d'un blond cendré. Sa taille était droite et ses allures promptes : il était leste, adroit et d'un naturel moins obéissant que Pierre. Il paraissait presque plus âgé que celui-ci.

Marc n'était pas toujours avec Jésus ; il était assez souvent absent : il était de ceux qui se scandalisèrent lorsque le Seigneur dit : " Celui qui ne mange pas ma chair n'aura pas la vie éternelle ". Peu de temps avant la Passion, il prit aussi en mauvaise part ce qu'avait fait Madeleine. Après l'arrestation du Seigneur, il se sépara des disciples pour retourner dans sa patrie et ne revint se joindre à eux que sur la montagne de Thébez où le Sauveur ressuscité leur apparut et où Pierre fit une longue instruction (voir plus haut, page 171). La femme de Marc résida un certain temps à Thébez et elle vint à Bethsaïde pendant les jours qui précédèrent l'Ascension. Elle était grande et longue, avait je visage très rouge et marchait courbée en avant : il y avait quelque chose de risible dans son extérieur. Dans la suite Marc accompagna souvent Pierre avec lequel il alla à Rome : il n'a rien écrit dans son Évangile que sous la dictée de Pierre. Il avait vu lui-même bien des choses, mais il n'était pas présent à la Passion du Seigneur. Pendant une épidémie qui eut lieu a Rome et où l'on mourait en éternuant, je vis la communauté chrétienne, sur la demande de Marc, ériger un chemin de la croix dans le genre de celui que Marie avait établi près d'Éphèse. Il y avait douze pierres dont chacune portait une inscription rappelant un des incidents de la Passion. Les chrétiens allaient d'une pierre à l'autre en priant et en récitant des litanies, et tous ceux qui faisaient ainsi étaient préservés du fléau. Lorsque les païens en eurent connaissance, beaucoup d'entre eux s'associèrent à cette dévotion et furent guéris eux aussi : ce miracle opéra un grand nombre de conversions. J'ai vu en outre que ces processions furent rétablies et reçurent de nouveaux développements sous le pontificat de Grégoire le Grand.

Je vis Marc aller en Égypte et propager le christianisme sur toute la route que Jésus-Christ avait parcourue. Je le vis d'abord dans la ville d'Alexandrie. Il y était venu avec quelque répugnance : il aurait mieux aimé prêcher tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre. Comme il était en route pour s'y rendre, il se fit une forte coupure à l'index de la main droite et il aurait perdu ce doigt s'il n'avait été guéri par une merveilleuse apparition dont il fut très effrayé, comme l'avait été saint Paul dans une occasion semblable. Il conserva jusqu'à la fin de sa vie une cicatrice rouge tout autour du doigt.

Lorsqu'il entra dans Alexandrie, sa chaussure se déchira et il la donna au cordonnier Anianus pour qu'il la raccommodât. Celui-ci se blessa à la main en y travaillant ; mais Marc guérit la blessure avec un enduit de terre et de salive. Là-dessus Anianus se convertit et Marc prit son logement chez lui : cet homme avait une grande maison, de nombreux ouvriers, une femme et dix enfants.

Note : Anne Catherine disait que saint Marc guérissait spécialement les coupures et les piqûres, et que la plante appelée Pinguicula vulgaris (Grassette commune, fleur violette dans les prairies marécageuses), lorsqu'on l'applique sur les blessures en invoquant le nom du saint, a une vertu très efficace pour les guérir, Elle-même avait souvent fait usage de cette plante.

Les premières réunions des nouveaux fidèles avaient lieu dans une pièce qui dépendait du logement assigné à Marc. Les apôtres ne célébraient la sainte messe dans une communauté nouvellement établie que lorsque ses membres étaient déjà affermis dans la foi et suffisamment instruits : ils avaient dès lors fixé le rite suivant lequel la sainte communion devait être donnée pendant le saint sacrifice.

Marc alla aussi à Héliopolis. L'oratoire qu'y avait la sainte Famille pendant son séjour en Egypte était devenu une église, et il y eut plus tard un petit couvent. En suivant Marc sur le chemin qui le conduisait là, je vis pendant un moment Marie résidant à Héliopolis. Je vis l'enfant assis dans une espèce de baquet qui était placé sur un tréteau élevé. Marie avait une corbeille près d'elle et tricotait avec de petits crochets : il y avait là trois autres femmes. - Les gens que Marc baptisa à Héliopolis étaient juifs pour la plupart. Il s'y trouvait un assez grand nombre d'Israélites pieux qui vivaient en anachorètes : on les appelait Thérapites. Il y en avait déjà quelques-uns en Egypte près des frontières de la Palestine, lorsque Jésus passa par là au retour de son voyage chez les païens. Je ne sais pas si je l'ai dit dans mon récit. Jésus visita un endroit où plusieurs d'entre eux vivaient réunis. C'est d'eux que sont sortis plus tard les nombreux anachorètes de l'Egypte.
Le cordonnier Anianus avait parmi ses enfants trois fils, qui devinrent prêtres par la suite. Le père succéda à Marc sur le siège d'Alexandrie et c'est aussi sa fête aujourd'hui.

Note: Saint Anianus, commémoré le 25 avril au martyrologe romain, premier successeur de Saint Marc en la 8e année de Néron selon Eusèbe: après octobre 62 - jusqu'en 84.

Je vis Marc jeté en prison à Alexandrie et étranglé avec une corde. Lorsqu'il fut incarcéré, je vis Jésus lui apparaître tenant une patène sur laquelle était un petit pain rond qu'il lui présenta. Je vis aussi comment son corps fut transporté à Venise à une époque postérieure.


SAINT LUC. 18 octobre 1820.


Les parents de Luc appartenaient à la classe moyenne et demeuraient devant Antioche : il les perdit de bonne heure. Il était très intelligent et d'un caractère vif et gai. Je le vis, comme il n'avait encore que douze ans, chercher des fleurs dans les champs et faire toute espèce d'observations. Il apprit à peindre en Grèce : je le vis dessiner sur les murs de grandes figures d'hommes debout. Quand il fut plus âgé, je le vis dans une ville égyptienne étudier la médecine et l'astronomie. Je vis qu'il portait pendu à son côté un tube semblable à une longue vue et qu'il se réunissait souvent à de nombreux compagnons. Ils entraient dans l'intérieur de constructions en maçonnerie très élevées et montaient jusqu'en haut à l'aide de perches : il y avait là de petits sièges comme des chaises d'enfants, et ils regardaient à travers un tube qui était bien aussi gros qu'un tuyau de poêle. Dans la ville où Luc étudia la médecine, se trouvait une maison remplie d'animaux et d'oiseaux malades qu'on soignait comme dans un hôpital. On faisait des expériences sur eux avec le suc qu'on extrayait d'herbes de toute espèce. Je vis que Luc se servait uniquement de remèdes végétaux et qu'il observait les astres quand il avait des malades à traiter. Plus tard je l'ai vu guérir beaucoup de personnes. Il traitait des gens qui semblaient être sans connaissance en leur soufflant sur la bouche et sur le creux de l'estomac et aussi en leur faisant des frictions. A cette époque il n'était pas encore chrétien.

Je n'ai jamais vu Luc avec le Seigneur lorsqu'il était sur la terre. Peu après le baptême de Jésus, il reçut le baptême de Jean et assista aux prédications de ce dernier, mais ordinairement il allait d'un endroit à l'autre pour exercer sa profession de médecin, et il n'avait que par intervalles des relations passagères avec les disciples. Je le voyais toujours beaucoup écrire, notamment sur les plantes : il portait sur lui des rouleaux, et prenait souvent des notes.
Je ne le vis pas non plus au commencement avec les apôtres ; il était vis-à-vis d'eux comme un étranger et s'enquérait d'eux de temps en temps, mais de loin et sans se réunir à eux. Lorsque le Seigneur alla de Jéricho à Samarie avant la résurrection de Lazare, je le vis dans les environs de Samarie : étant arrivé à l'endroit où le Seigneur avait séjourné quelque temps chez des bergers (voir plus haut) et où étaient restés les trois jeunes gens qui avaient accompagné Jésus en Egypte, je le vis se faire raconter plusieurs choses. Je ne le vis pas venir à Béthanie lors de la résurrection de Lazare, mais prendre des informations à Jérusalem auprès de Nicodème et auprès de Joseph d'Arimathie qui était en secret disciple de Jésus, et qui avait été voir Lazare. Il eut aussi des rapports avec la mère de Jean Marc, et après la mort de Jésus, avec Simon de Cyrène qui s'était converti : je le vis surtout en relations intimes avec Cléophas qui lui-même ne fut ouvertement disciple du Seigneur que peu de temps avant sa mort. Luc douta longtemps, et ce ne fut qu'à la rencontre d'Emmaus que sa foi devint ferme et vivante. L'arrestation et le crucifiement du Seigneur l'avaient jeté dans de grands doutes et il s'était tenu plus à l'écart qu'avant. Je le vis aller à Emmaus avec Cléophas : je vis que, sans cesser la conversation, il cueillait ça et là sur le chemin des plantes médicinales et je méditais en même temps sur ce qu'il allait bientôt recevoir, de la main de Jésus que je voyais marcher derrière lui sans qu'il le sût, le remède par excellence, le pain de vie. Je vis toute la scène comme je l'avais déjà vue d'autres fois. Je vis que Marie Salomé les rencontra à leur retour et qu'ils se communiquèrent réciproquement ce qui leur était arrivé. Cette sainte femme était fille d'une soeur de sainte Anne.
Je ne me souviens plus si je le vis assister à l'Ascension de Jésus-Christ. Je le vis près de Jean lorsque celui-ci était à Ephèse et je le vis aussi près de Marie dans sa maison : je le vis ensuite avec André qui était venu d'Egypte pour voir Jean, et enfin dans sa patrie où il fit connaissance avec Paul qu'il accompagna.

Il écrivit son évangile par le conseil de Paul et parce qu'il courait des livres pleins de faussetés sur la vie du Seigneur. Il l'écrivit vingt cinq ans après l'Ascension et presque toujours, d'après des renseignements recueillis partout auprès de témoins oculaires. Je l'avais déjà vu à l'époque de la résurrection de Lazare visiter les lieux où le Seigneur avait fait des miracles et s'enquérir de tout. Barsabas était du nombre des disciples qu'il connaissait. J'ai appris que Marc aussi n'a écrit son Évangile que sur des relations de témoins oculaires et qu'aucun des Evangélistes n'a connu le travail des autres et n'en a fait usage pour le sien. Il m'a été dit aussi que, s'ils avaient tout écrit, ils auraient trouvé encore moins de créance, et que, pour ne pas allonger leur récit, ils n'ont pas mentionné les miracles qui se sont répétés fréquemment. Je vis encore que Luc étant devenu évêque fut martyrisé à Thèbes, Si je ne me trompe : je vis qu'on l'attacha à un olivier par le milieu du corps et qu'on le tua là à coups de lance. Une lance lui ayant traversé la poitrine, la partie supérieure du corps tomba en avant : alors les bourreaux le redressèrent, l'attachèrent de nouveau et le percèrent encore de plusieurs coups. On lui donna la sépulture en secret pendant la nuit.

Le remède dont Luc se servait principalement dans les derniers temps où il exerça la médecine, était du réséda mêlé d'huile de palme et bénit. Il faisait alors sur le front et la bouche des malades une onction en forme de croix : il employait aussi du réséda desséché avec une infusion d'eau. Je vis une fois Luc préparer cet onguent dans un jardin où il y avait toute une plate-bande de réséda à tige très haute et où s'élevaient aussi des palmiers. J'ai appris à cette occasion beaucoup de choses touchant le palmier, qui est un symbole de la chasteté parce que les sexes y sont séparés et que la fécondation ne se produit que par la volonté de Dieu. Il me fut dit que le palmier se comporte modestement, qu'il ne fait pas parade de ses fleurs, mais les tient cachées, et que c'est pour cela qu'il est si fécond, tandis que d'autres arbres qui étaient leurs fleurs au grand jour, en laissent tomber la moitié à terre. Luc s'attacha beaucoup de personnes par ses guérisons. Le réséda avait un rapport avec Marie qui l'avait cultivé et en avait fait usage. Par son martyre subi contre un olivier, Luc a obtenu pour cet arbre et pour ses fruits une vertu curative liée à l'invocation de son nom. Employant l'huile fréquemment, il avait demandé à Dieu que sa mort sous l'olivier conférât à cet arbre de nouvelles vertus.

DES TABLEAUX PEINTS PAR SAINT LUC. 18 octobre 1821.

J'ai vu Luc peindre plusieurs portraits de la sainte Vierge et quelquefois avec des circonstances miraculeuses. Un jour il travaillait à un portrait en buste de Marie : comme il ne pouvait pas en venir à bout, il pria, fut ravi en extase et quand il revint à lui il le trouva terminé. Ce portrait se conserve à Rome, à l'église de Sainte-Marie Majeure, sur l'autel d'une chapelle qui est à droite du grand autel. Mais ce n'est pas l'original : ce n'est qu'une copie. L'original est dans un pan de muraille auquel on a donné la forme d'un pilier : il a été caché là dans un moment de danger, avec d'autres objets sacrés parmi lesquels il y a des ossements de saints et des manuscrits d'une grande antiquité. Quand le prêtre dit Dominus Vobiscum à l'autel où est le portrait de Marie, sa main droite s'étend dans la direction du piller central où sont conservées ces reliques. Luc fit encore un portrait de la sainte Vierge dans son costume de fiancée : je ne sais pas ce qu'il est devenu. Il en fit un autre également en pied ou elle est en habits de deuil : je crois l'avoir vu dans l'église où est l'anneau nuptial de Marie (à Pérouse). Luc peignit aussi Marie allant assister a la descente de croix et cela se fit d'une façon merveilleuse. Lorsque tous les apôtres et les disciples eurent pris la fuite, je vis Marie se rendant près de la croix à la lueur du crépuscule : elle était accompagnée, je crois, de Marie de Cléophas et de Salomé. Je vis que Luc se tenait sur le chemin et que, tout ému de sa douleur, il présenta un linge en face d'elle comme elle passait, avec le désir que son image s'y imprimât. Je ne sais pas comment tout cela se fit : Luc ne fit pas toucher le linge à la sainte Vierge et je crois que l'image s'y montra sans qu'il en eût connaissance. Il y trouva plus tard cette image semblable à une ombre qui passe, et il fit d'après elle son tableau où il y avait deux figures, lui-même avec le linge et Marie qui passait. Vers ce même moment, peu d'heures après le crucifiement, plusieurs amis et disciples de Jésus contemplaient le suaire de Véronique où la face du Seigneur, avec toutes ses blessures et sa barbe ensanglantée, était reproduite en traits de sang épais et pourtant bien distincts. L'image imprimée sur le suaire était plus grande que la face elle-même, parce que le linge avait suivi tous les contours du visage. Luc se retira à la dérobée, tout plein d'angoisse et comme cherchant quelque chose : le linge qu'il tenait était, ainsi que le suaire, deux fois plus long que large. J'ignore ce qui poussa Luc à présenter son linge, si ce fut uniquement le désir que l'image de Marie s'y imprimât, ou s'il voulut suivre la coutume d'après laquelle on présentait un linge aux affligés ou remplir à l'égard de Marie l'office de charité exercé par Véronique envers Jésus.

J'ai vu l'image peinte par Luc existant encore chez une singulière peuplade habitant entre la Syrie et l'Arménie. Ce ne sont pas, à proprement parler, des chrétiens : ils croient à Jean-Baptiste et ils ont un baptême de pénitence qu'ils reçoivent chaque fois qu'ils veulent se purifier de leurs péchés. Luc prêcha l'Évangile dans leur pays et opéra beaucoup de miracles avec cette image. Ils le persécutèrent et peu s'en fallut qu'ils ne le lapidassent : mais ils gardèrent l'image. Luc emmena avec lui douze d'entre eux qu'il avait convertis. Ces gens habitaient dans le voisinage d'une montagne qui est à peu près à douze lieues à l'est du Liban : il y a un cours d'eau qui descend de cette montagne et qui coule autour : cette eau est trouble et fangeuse. Ils logent dans de mauvaises cabanes, comme j'en ai vu en Egypte : ils ne sont pas les maîtres du pays : ils y sont comme des esclaves et païent des redevances. J'ai entendu dans cette contrée dire quelque chose touchant Laodicée. A l'époque de saint Luc ils n'étaient guère plus de deux cents. Leur église est comme une grotte attenante à la montagne ; il faut descendre pour y entrer : on voit des coupoles dans le haut de même qu'on voit à la voûte d'une église les ouvertures pratiquées pour les fenêtres.

J'ai encore vu là à une époque postérieure l'image de Marie peinte par saint Luc ; je ne sais pas si c'est l'époque actuelle, mais cela est bien possible, car du temps de saint Luc tout était plus simple. L'église me parut plus grande : il me sembla aussi qu'on y faisait d'autres cérémonies : le prêtre était assis sous une arcade devant un autel ; l'image était suspendue à la voûte et plusieurs lampes étaient allumées devant elle. Elle était toute noircie et on ne distinguait plus rien. Ils reçoivent des grâces par le moyen de cette image et ils la révèrent parce qu'ils ont vu des miracles opérés par elle. Ils pratiquent la circoncision et croient que les âmes des morts passent dans d'autres corps, notamment dans ceux des enfants. Ils ne connaissent plus bien leur origine ; ils descendent d'esclaves qui étaient venus au baptême de Jean avec des caravanes arabes et qui étaient repartis sans avoir eu connaissance d'autre chose que de ce baptême. Des restes de paganisme doivent s'être conservés chez eux, car ils ont des livres secrets contenant une espèce de révélation. Ils se livrent aussi à diverses pratiques magiques : ainsi ils brûlent des objets appartenant à des gens qu'ils veulent par ce moyen ensorceler ou même faire mourir. Ils se placent au-dessus de la fumée pour se transporter ainsi dans des lieux éloignés. Leur prêtres se font sur la peau du bras des incisions en forme de croix : c'est peut-être parce que Jean Baptiste portait ordinairement un bâton surmonté d'une croix. Ils ont le plus souvent la poitrine nue et portent une pièce d'étoffe de poil de chameau jetée en travers sur les épaules. Ils ne savent pas les paroles que Jean annonçait en administrant le baptême ; ils disaient seulement : Je te baptise du baptême dont Jean baptisait. Je ne sais plus bien distinguer dans ce que je viens de raconter ce qui appartient au temps de saint Luc ou aux époques postérieures.


LE FIANCE NATHANAEL.

Le fiancé Nathanaël avait pour mère la fille d'une soeur de sainte Anne. Il avait un frère qui devint aussi disciple de Jésus. Étant enfant il assista à la fête donnée chez Anne, lorsque Jésus dans sa douzième année revint de Jérusalem après les fêtes de Pâques. Jésus alors fit allusion à de grands mystères : il raconta les futures noces de Cana sous forme de parabole et promit à Nathanaël qu'il irait à son mariage. Je vis qu'à cette occasion encore le Seigneur fit choix de Silvain pour son futur disciple. Les parents de celui-ci étaient de la race d'Aaron. Je vis les noces de Cana et le changement mystérieux de l'eau en vin : je vis qu'après ce miracle la fiancée et le fiancé se retirèrent dans une chambre séparée et firent voeu de chasteté. Nathanaël devint aussitôt disciple du Sauveur et sa fiancée se joignit aux saintes femmes. Elle tirait son origine de Bethléhem et de la famille de saint Joseph. Nathanael reçut au baptême un nom qui ressemble à Amandor. Plus tard il devint évêque d'Edesse ou saint Thaddée a guéri le roi Abgare. Il alla aussi en Crète avec Carpus puis en Arménie où il fit beaucoup de conversions ;il y fut mis en prison et ensuite relégué sur les bords de la mer Noire où il eut beaucoup à souffrir. Ayant recouvré sa liberté, il voyagea dans le pays du roi Mensor. Il fit là un grand miracle dont une femme fut l'objet : mais je l'ai oublié. Il s'était fait beaucoup aimer et il convertit un grand nombre de personnes. Je vis son martyre dans une île de l'Euphrate : le nom de l'endroit est quelque chose comme Acaïacula.


SAINT PARMENAS

Parménas, qui fut l'un des sept diacres, était allié au Sauveur du côté d'Élisabeth. Il était de Nazareth où ses parents possédaient une maison et un jardin de plantes aromatiques. Sa mère était soeur du second époux de Marie de Cléophas. Elle avait douze enfants et s'était mariée trois fois. Son troisième mari était un grec et Parménas fut le premier fils né de ce mariage : de là venait le nom grec qu'il portait. Il avait environ cinq ans de moins que Jésus il naquit, je crois, vers le temps où la sainte Famille revint d'Égypte. Il était l'un des compagnons d'enfance de Jésus et il lui resta toujours fidèle. Ses parents qui étaient des amis sincères de la sainte Famille et qui, lorsque Jésus se perdit à Jérusalem, aidèrent très activement à le chercher, se firent baptiser par Jean dès le commencement. Parménas lui-même fut baptisé le même jour que Jésus et vit le Saint Esprit descendre sur lui. Il fut toujours comme un serviteur parmi les apôtres et les disciples et ne voulut jamais être fait prêtre par humilité.

Lorsqu'Étienne eut été lapidé, il s'enfuit et résida un certain temps dans les environs d'Éphèse. Plus tard il fut avec Paul et il fit un voyage en Chypre avec Barnabé : je le vis aussi avec plusieurs autres, notamment avec Pierre. Il a converti beaucoup de monde par sa prédication et il était très avancé en âge lorsqu'il fut massacré dans une émeute à Philippes.


SAINT SATURNIN

Saturnin était né à Patras. Sa mère était de descendance royale et son père avait un rang équivalant à celui de comte. Il y avait au service de son père un homme d'un teint très brun, qui avait été dans le cortège du plus basané des rois mages et qui avait vu comme lui l'Enfant-Jésus. Il en parlait souvent et longuement, sans être converti lui-même, il prépara d'avance la conversion de beaucoup d'autres. Ses récits sur l'étoile vue par les rois, sur leur voyage et sur ce qu'ils avaient trouvé firent une vive impression sur Saturnin. Bientôt son père mourut laissant après lui une jeune veuve du nom de Cyriaca qu'il avait épousée en secondes noces et qui avait elle-même plusieurs enfants d'un premier mariage. Alors Saturnin qui était encore jeune partit pour Jérusalem afin d'avoir des informations plus précises sur tout ce qui lui avait été raconté C'était précisément le temps où Jean-Baptiste commençait sa prédication. Il alla le trouver, fut baptisé par lui, se fit circoncire et devint un des plus fidèles disciples de Jean et l'ami de coeur d'André : il tint le manteau de Jésus lors de son baptême, le suivit aussitôt après avec André et ils furent, l'un et l'autre, ceux des disciples que Jésus chargea le plus souvent d'administrer le baptême. Sa belle-mère vint environ six mois après lui à Jérusalem : plus tard il baptisa à Capharnaüm son oncle et ses beaux-frères : ceux-ci repartirent avec leur mère (tome III, page 208)

Lorsque Saturnin était encore enfant, je le vis un Jour couché au bord de la mer et appuyé sur le coude. Il eut une vision dans laquelle il vit un jeune garçon portant un bâton avec une banderole, qui venait à lui sur la mer. C'était Jean-Baptiste qui lui dit de venir le trouver dans le désert, lorsqu'il aurait atteint l'âge de seize ans. Il lui donna ensuite un bâton épiscopal et un livre qu'il devait remplir plus tard, puis il lui reprit ces deux objets et disparut. Anne Catherine raconta brièvement l'apostolat de Saturnin : son récit est parfaitement d'accord avec ce qu'on lit à ce sujet dans la Fleur des Saints. Il a fait beaucoup de miracles à Toulouse, il y a prêché et opéré des guérisons, après quoi il est parti pour l'Espagne : il a eu en France plusieurs disciples qui sont devenus des saints. Lorsqu'il fut revenu à Toulouse, on se saisit de lui et les prêtres des idoles l'attachèrent à un taureau furieux qui le traîna du haut en bas de la hauteur où était le temple

Sa cervelle jaillit de tous les côtés : il ne resta de sa tête que les mâchoires attachées au tronc, une pieuse femme lui donna la sépulture. On mit une fois dans son tombeau un voleur que la terre rejeta : je l'ai vu. Il est mort soixante-dix ans après Jésus-Christ : il était parvenu à l'âge de cent sept ans : lors de la mort du Christ il en avait trente-sept.

Plus tard la relique du saint ayant été de nouveau mise près d'Anne Catherine, elle répéta ce qu'elle avait dit précédemment et ajouta ce qui suit : Saturnin était toujours appelé " le disciple fidèle " et tout le monde l'aimait à cause de sa docilité, de sa droiture et de sa simplicité. Les personnes de sa famille reçurent plus tard le baptême et s'établirent dans une grande ville près de Sarepta. Après la mort de Jésus-Christ, ayant été prêcher à Tarse, les habitants de cette ville le maltraitèrent cruellement et ils allaient le mettre à mort, mais un vent d'orage qui s'éleva leur jeta tant de sable dans les veux qu'il leur échappa. Anne Catherine l'a vu en plusieurs autres endroits, notamment à Rome près de Pierre qui l'envoya dans les Gaules. Il résida à Arles, à peu de distance de l'île de Pontitien sur le Rhône, à Nimes et dans beaucoup d'autres lieux : il a guéri des malades, prêché et baptisé ; il a eu beaucoup de disciples et formé des catéchistes. Il a longtemps résidé à Toulouse où il a converti beaucoup de personnes, entre autres une femme qu'il a guérie de la lèpre après avoir prêché devant sa maison. De là il est allé ailleurs et il a eu beaucoup à souffrir, mais il est revenu à Toulouse et c'est là qu'il a été martyrisé. Elle a vu encore deux autres Saturnin, un diacre et un évêque qu'elle distingue de celui-ci qui est plus ancien.

Stimulée par une relique, Anne-Catherine vit aussi la vie et le martyre de saint Saturnin, évêque de Toulouse, et voici ce qu'elle en raconta. Le saint évêque Saturnin a souffert le martyre sous l'empereur Maximin, à l'âge de quatre-vingts ans. Je ne puis pas comprendre comment on l'a confondu avec le premier, celui qui avait été disciple de Jean-Baptiste. Le premier Saturnin fut attaché à un taureau sur une éminence où était le temple. Le taureau fut lancé avec des aiguillons vers la partie la plus escarpée de la hauteur, en sorte qu'il entra en fureur, se précipita, trépigna et que la tête du saint fut bientôt brisée en morceaux. L'évêque postérieur, nommé aussi Saturnin, fut conduit sur une tour contre le mur de laquelle on avait disposé des crochets de haut en bas. Il fut jeté sur ces crochets et resta suspendu à chacun d'eux jusqu'à ce que, sa chair étant déchirée, il tombât sur celui qui venait après. Pendant qu'il subissait ce supplice, je l'entendis crier au peuple qui se tenait au pied de la tour : " Mon corps est suspendu en l'air, mais mon âme est sur la terre auprès de vous ". Il ne cessa d'exhorter ainsi le peuple jusqu'au moment où il tomba à terre, et, lorsqu'on lui eut percé la gorge pour l'achever, il récita un psaume tout entier. Son corps fut enseveli près des tombeaux des autres martyrs : lorsque plus tard saint Hilaire, si je ne me trompe, fit élever une chapelle sur le tombeau du premier Saturnin, on y réunit les corps de plusieurs autres saints, en sorte qu'avec le temps on finit par ne plus distinguer les deux Saturnin. La corruption des moeurs était si grande à Toulouse qu'on entendit une fois le saint évêque dire que les pierres de cette ville porteraient témoignage au jugement dernier contre les vices infâmes de ses habitants.


SAINT ETIENNE. 2 août 1820.

J'eus une vision touchant le martyre d'Etienne ; je vis qu'il resta comme insensible au supplice de la lapidation, ne pensant qu'à prier pour ses bourreaux et à regarder dans le ciel ouvert sur sa tête. Il fut lapidé devant une porte qui est au nord de Jérusalem, près d'un grand chemin. Il y avait la une espèce de place circulaire et au milieu une pierre sur laquelle le jeune homme s'agenouilla et pria, les mains levées au ciel. Il portait un long vêtement blanc serré par une ceinture et par-dessus lequel était passé sur le des et sur la poitrine une espèce de scapulaire avec une double attache transversale : je crois que ce scapulaire faisait partie de son vêtement sacerdotal. On procéda à la lapidation suivant un certain ordre : ceux qui y prenaient part étaient rangés en cercle et chacun avait auprès de lui un tas de pierres. Je vis aussi Saul qui était un homme d'une rigidité et d'un zèle extraordinaire. Il s'était occupé de tous les préparatifs du supplice, et ceux qui lapidèrent Etienne déposèrent leurs manteaux à ses pieds. Etienne priait les mains levées au ciel et restait immobile sous les coups de pierre : on eût dit qu'il ne les sentait pas, il ne faisait rien pour les parer, et ne tressaillait pas en les recevant. Il semblait ravi en extase ; il avait les yeux levés en l'air et le ciel était ouvert au-dessus de lui. Il voyait Jésus, et près de Jésus, Marie sa mère. Enfin une pierre le frappa à la tête et il tomba mort. C'était un grand et beau jeune homme, avec des cheveux bruns et lisses, Saul, malgré l'ardeur passionnée qu'il montrait dans cette circonstance, ne faisait pas horreur comme la plupart des autres qui étaient pleins d'envie et d'hypocrisie : quant à lui, il était poussé par un zèle aveugle, mais sincère pour le judaïsme : c'est pourquoi Dieu l'éclaira par la suite.

Je vis plus tard un homme d'un aspect vénérable, avec une robe blanche, une longue barbe et une petite baguette d'or à la main, apparaître la nuit à un prêtre qui reposait sur sa couche ; à droite de cette apparition étaient deux vases supportant deux pyramides de fleurs de hauteur inégale : deux vases semblables étaient à sa gauche : c'étaient des bouquets de forme pyramidale. Il dit que le bouquet rouge représentait Etienne, l'un des bouquets blancs Nicodème, l'autre, celui qui parlait (c'était Gamaliel) : le quatrième enfin fait de fleurs couleur de safran, son fils Abibon : les corps de tous les quatre étaient entrés dans cet endroit. Je vis qu'après cela on creusa à l'endroit indiqué et que les quatre corps furent trouvés dans les grottes d'un caveau sépulcral d'où on les retira. Le corps d'Etienne dont les ossements étaient rangés à leur place fut transporté à Jérusalem dans une église située sur la montagne où avait été le cénacle Je vis plus tard qu'on fit plusieurs parts des ossements, qu'ils furent portés en divers lieux et opérèrent beaucoup de miracles. Je me rappelle un aveugle qui fit toucher des fleurs à la châsse du saint et qui recouvra la vue au contact de ces fleurs. Je vis dans un autre endroit beaucoup de Juifs se convertir. Je vis, je ne sais plus ou, le démon, sous la forme d'un homme de haut rang, demander quelques parcelles des ossements de saint Etienne : mais l'évêque ayant prié Dieu de lui faire connaître si ce personnage était digne de les recevoir, le démon se manifesta sous une forme hideuse et s'enfuit en poussant des hurlements. Je vis beaucoup de miracles semblables : je vis aussi plusieurs ossements d'Etienne portés à Rome et placés auprès de ceux de Saint Laurent.


SAINT BARNABE 10 juin 1820

Les parents de Barnabé avaient du bien en Chypre, et lui-même y était né. Il étudia à Jérusalem et accompagna Jésus en Chypre. Plus tard, il accompagna souvent Paul : il fit aussi une partie du chemin avec Thaddée lorsque celui-ci alla en Perse. Barnabé fut le premier qui prêcha l'Evangile à Milan. Il fut lapidé en Chypre par les Juifs et jeté sur un bûcher, mais son corps ne fut pas consumé et ses disciples lui donnèrent la sépulture. Lorsqu'on le retrouva, il avait sur la poitrine une partie de l'Évangile de saint Matthieu. Barnabé a aussi écrit quelque chose.


SAINT THIMOTHEE

Le 24 janvier 1821, Anne Catherine qui, le jour précédent, était hors d'état de parler et semblait même au moment de succomber à une violente oppression de poitrine et à des accès de toux convulsive, raconta ce qui suit au Pèlerin : " un saint évêque m'a secourue : il a été près de moi dès hier et toute la journée d'aujourd'hui. J'ai à côté de moi une relique de lui. Il résidait dans un endroit où a aussi résidé saint Jean ". Le Pèlerin lui répondit quelque temps après : " C'est aujourd'hui la fête de saint Timothée auquel saint Paul a ordonné de boire du vin ", sur quoi elle reprit : " Moi, je ne lui ai rien offert et pourtant il m'a secourue " ! Il se trouva qu'à cette occasion elle avait eu une vision sur toute la vie de saint Timothée, mais des dérangements extérieurs ne lui permirent d'en raconter que ce qui suit.

A l'époque où Jean fut exilé dans l'île de Pathmos, Timothée était en prison dans l'île de Chio. Tous les habitants l'aimaient et il en avait converti un nombre suffisant pour former une communauté : les soldats même qui le gardaient s'étaient attachés à lui. Il y avait dans le pays une femme de distinction qui était chrétienne, mais qui s'était rendue coupable d'un péché grave et qui avait en un prêtre pour complice. Un jour Timothée se préparait à célébrer dans une toute petite église le saint sacrifice de la messe, et il était déjà au pied de l'autel lorsqu'il vit en esprit cette personne s'approcher de l'église : il quitta alors l'autel pour aller se mettre sur la porte, reprocha à cette femme son crime et l'excommunia. Il résulta de là une persécution contre Timothée qui fut relégué en Arménie, à peu de distance du pays de Théokéno. Il fut rendu à la liberté avant que Jean eût recouvré la sienne : après cela, Paul dont il était disciple et qui l'avait fait circoncire, l'envoya en qualité d'évêque à Ephèse où Jean je visita lorsqu'il fut redevenu libre. Ce fut vers ce temps que Jean baptisa Fidèle, et, qu'accompagné des frères de celui-ci, il se rendit par Cédar en Perse où il écrivit son Evangile.

Quant à Paul, j'ai vu qu'il n'était pas grand, mais ramassé, robuste et très brun. Tout en lui annonçait la droiture, la fermeté et l'énergie, toutefois sans raideur et sans obstination. Après sa conversion il devint très doux et très affectueux, mais avec quelque chose d'austère, d'ardent et d'énergique.

Timothée fut massacré par les païens à Ephèse, lors d'une fête où ils parcouraient la ville, masqués et portants des idoles, parce qu'il avait prêché avec véhémence contre ces abominations.


SAINT QUADRAT - 10 mai 1821.


Brentano: Visions de la Bse Emmerich - SAINT SIMON ET SAINT JUDE THADDEE. octobre 1820.