Espérance Liban 77

La Faculté ecclésiastique de théologie

77 Pour qu’elle grandisse et s’affermisse, l’Eglise doit aussi porter son attention sur le renouveau de l’enseignement de la théologie, de la philosophie et du droit canonique, préparant les formateurs et les enseignants — prêtres, diacres, religieux, religieuses, laïcs — qui devront faire face aux nécessités de la vie pastorale. Sans négliger le patrimoine de l’Eglise universelle, le trésor de la théologie et des traditions spirituelles d’Orient doit être sans cesse approfondi. Les recherches ne manqueront pas d’avoir une incidence sur le dialogue oecuménique, notamment avec l’ensemble des Eglises de tradition antiochienne, et sur les relations avec les communautés islamiques, dont le patrimoine spirituel s’est aussi enrichi au cours de l’histoire. La faculté de théologie que possède le Liban a donc une place incomparable pour la formation de niveau universitaire dans les disciplines sacrées, aussi bien pour des membres du clergé, des personnes consacrées et des laïcs.

Pour répondre aux exigences du temps, les programmes d’études doivent être renouvelés de manière à donner une place privilégiée à l’étude de l’Ecriture Sainte, du dogme et des traditions orientales, sans négliger cependant les autres traditions. En particulier, la Faculté de théologie s’efforcera d’élaborer une approche globale de la théologie et une méthode de travail qui tiennent compte du patrimoine propre aux Eglises orientales, cherchant spécialement à mettre en valeur les échanges et les rapports étroits entre la doctrine, la liturgie et la spiritualité qui caractérisent le christianisme d’Orient (222). Ces programmes viseront avant tout à donner aux étudiants une connaissance vivante, dans la prière, de la manière d’exprimer la foi qui appartient à leur identité ecclésiale. Fermement fondés sur ce patrimoine, ils seront ensuite encore enrichis par la connaissance du patrimoine du christianisme d’Occident. Dans ce sens, je me réjouis que des prêtres libanais soient aussi formés dans des facultés ecclésiastiques hors du Liban, pour que s’entrecroisent les différentes traditions occidentales et orientales. C’est la confrontation entre ce qu’ils ont acquis ailleurs et leur patrimoine propre qui fera d’eux des pasteurs précieux pour les patriarcats auxquels ils appartiennent, aptes à fournir des études et des publications scientifiques sérieuses (223).

Dans un esprit de service et d’ouverture, en tenant compte des réalités complexes du Proche-Orient, la faculté de théologie a la mission de donner un enseignement dogmatique et exégétique de qualité, dans la fidélité aux différentes traditions et au Magistère de l’Eglise. De ce point de vue, une responsabilité particulière incombe «aux enseignants en tant qu’ils doivent s’acquitter d’un ministère spécifique de la parole de Dieu: ils seront donc pour les jeunes des maîtres de la foi, pour leurs étudiants et les autres fidèles des témoins de la vérité vivante de l’Evangile et des modèles de fidélité envers l’Eglise» (224). La fonction de théologien s’exerce en vue de l’édification de la communion ecclésiale et elle est un service éminent du peuple de Dieu. De plus, les enseignants ne doivent pas négliger de préparer des chercheurs qui continueront demain l’étude de la théologie, tout en demeurant fermement attachés au donné révélé et en exerçant leurs recherches à l’intérieur de la foi de l’Eglise; sans rien altérer de la doctrine, ils auront à tenir compte de l’évolution des cultures et des mentalités pour enseigner la foi, transmettre les vérités évangéliques dans le langage actuel, et participer ainsi à l’édification sans cesse à poursuivre de l’Eglise. D’autre part, il ne faut jamais oublier que les facultés ecclésiastiques contribuent à établir des dialogues entre l’insondable richesse du message salvifique de l’Evangile et la pluralité des savoirs et des cultures (225), créant ainsi les conditions pour des échanges féconds (226). Cela aidera à l’ouverture missionnaire nécessaire et salutaire, car toute Eglise particulière qui se replie sur elle-même ne remplit plus sa mission.

222) Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Sapientia christiana, préambule III-V; art. 38-45, 65-83: AAS 71 (1979), pp. 472- 476, 485-487, 491-496; Discours à l’Institut pontifical oriental, 12 décembre 1993: L’Osservatore romano en langue française, 51 (1993), pp. 3; 6.
223) Cf. Ibid.
224) Ibid., préambule IV: AAS 71 (1979), pp. 474-475.
225) Congr. pour l’Education catholique, Conseil pont. pour les Laïcs, Conseil pont. pour la Culture, La présence de l’Eglise dans l’Université et dans la Culture universitaire, II, 2: La Documentation catholique 91 (1994), pp. 607-608.
226) Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Ex corde Ecclesiae, n. 6: AAS 82 (1990), p. 1479.


La pastorale des vocations

78 Avec les Pères du Synode, j’aimerais ici souligner la nécessité d’une pastorale commune des vocations, pour mettre les moyens de chaque Eglise patriarcale au service de l’ensemble de l’Eglise catholique au Liban. Dans ce domaine, ce qui serait réalisé sous mode d’opposition ou de concurrence le serait au détriment du dynamisme du Corps ecclésial tout entier. Le travail de discernement suppose de la part des accompagnateurs et des formateurs une grande liberté intérieure permettant d’aider les jeunes à découvrir dans quelle direction l’Esprit les pousse. Tous les partenaires de la vie pastorale doivent unir leurs forces pour aider les jeunes à discerner librement l’appel qu’ils ressentent en vue de servir l’Eglise dans le sacerdoce ou la vie consacrée masculine et féminine. Ils devront avoir à coeur d’offrir aux jeunes des modèles de vie qui suscitent la joie et le désir de répondre à leur vocation dans le sacerdoce, dans la vie consacrée ou dans l’engagement apostolique laïque.

J’invite aussi tous les fidèles à faire monter vers le Seigneur des prières ferventes pour les vocations, notamment dans le cadre de la semaine mondiale de prière pour les vocations, afin que le Seigneur envoie des ouvriers à sa moisson (cf.
Mt 9,38); c’est aussi une excellente manière de sensibiliser les jeunes à la question des vocations, de leur faire entendre les appels de l’Eglise et de leur donner les informations nécessaires sur les différentes formes d’engagement, avec les conditions et les étapes de formation qui y sont liées (227).

227) Cf. Proposition 25.


CHAPITRE IV

La communion

L’Eglise, Corps du Christ


79 Au terme de quatre années de prière et de préparation, durant lesquelles l’Eglise catholique au Liban a courageusement réfléchi sur sa vocation et sur sa mission, l’Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques lui a rappelé le chemin à suivre, invitant tous les catholiques à la conversion, pour «retrouver, traduites dans leur langage, les paroles mêmes par lesquelles notre Sauveur et Maître Jésus Christ a voulu inaugurer sa prédication: “Convertissez-vous et croyez à l’Evangile” (Mc 1,15), c’est-à-dire accueillez la joyeuse nouvelle de l’amour, de votre adoption comme fils de Dieu, et donc de la fraternité » (228).

C’est dans le Christ, leur unique espérance, que les fidèles et le clergé forment ensemble l’Eglise, autour des évêques; le premier devoir des pasteurs est de maintenir l’unité de l’Eglise (229). Chaque Eglise locale manifeste le mystère de cette unité selon sa tradition propre. C’est aussi du Christ crucifié et ressuscité qu’elle reçoit la communion de l’Esprit Saint (cf. 2Co 13,13) en qui elle doit sans cesse être renouvelée. «Chacun a sa fonction propre, mais tous vivent d’une même vie. Or, ce que l’âme est au corps de l’homme, l’Esprit Saint l’est au Corps du Christ qui est l’Eglise; et l’Esprit Saint opère dans toute l’Eglise ce que l’âme opère dans tous les membres d’un seul corps» (230). Mais les fruits du renouveau ne concernent pas seulement les fidèles; ils doivent aussi apparaître dans chaque Eglise patriarcale comme institution et dans la communion entre les différentes Eglises patriarcales.

Aussi, dans le troisième temps de ses travaux, l’Assemblée synodale a-t-elle réfléchi à cet aspect de son thème: «Solidaires, nous témoignons de son amour». Tout au long des séances synodales, j’ai été le témoin de la solidarité entre les Pères synodaux, «selon la vérité et dans la charité» (Ep 4,15); je demande au Seigneur que cette expérience de communion, fruit du Synode, s’étende à tout le peuple, afin que l’Eglise catholique au Liban témoigne de l’Amour qui unit tous ses membres comme des frères, amour auquel tous les hommes aspirent. Témoigner que Dieu est Amour, c’est le prouver d’abord «en acte et en vérité» (1Jn 3,18), car «par la foi en lui, le Christ a augmenté notre amour pour Dieu et pour le prochain » (231). Le témoignage de l’amour entre les catholiques est une des premières exigences qui découlent de l’amour de Dieu, manifesté en son Fils. Le témoignage — le martyre —, qui est la mission essentielle de l’Eglise, «fait éclater la puissance de l’Esprit» (232), car il est la manifestation de la puissance de Dieu dans le monde, malgré la faiblesse de l’homme. Dans la communion effective des différentes Eglises particulières entre elles, il aura toute sa valeur et sa portée.

228) Jean-Paul II, Exhort. apost. Reconciliatio et paenitentia, n. RP 1: AAS 77 (1985), p. 185.
229) Cf. Nersès IV norhali, Inni sacri I, Venise (1973), pp. 95-99.
230) S. Augustin, Sermon pour la Pentecôte, 267, 4: PL 38, 1231.
231) S. Irénée de Lyon, Démonstration de la prédication apostolique, n. 87: SC 62, Paris (1971), p. 203.
232) Idem, Adversus Haereses V, 9, 2: SC 153, Paris (1969), p. 113.


I. La communion au sein de l’Eglise catholique au Liban

Au Liban

80 Les Eglises patriarcales catholiques au Liban appartiennent à l’Eglise catholique et, parce qu’elles sont en pleine communion avec le Successeur de Pierre, elles sont aussi en communion les unes avec les autres comme des «parties de l’unique Eglise du Christ» (233) et «comme des réalisations particulières de l’Eglise une et unique de Jésus Christ» (234) de laquelle elles tirent leur ecclésialité. Il convient maintenant de se demander en vérité si, en chaque lieu, elles vivent réellement cette pleine communion confiante avec le Siège apostolique et entre elles (235), en particulier dans les domaines où la collégialité épiscopale appelle localement à une coresponsabilité efficace. Les évêques, les membres du clergé, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs les plus engagés dans la mission ont conscience qu’il reste encore un long chemin à parcourir, comme l’exprimaient plusieurs interventions et rapports de carrefours avec lucidité et courage. Mais l’avenir et le renouveau voulus par l’Assemblée synodale dépendent en grande partie des efforts de tous les membres de l’Eglise catholique et de leurs gestes fraternels (236). Cependant, tous doivent sans cesse se rappeler que la plus belle offrande et «le plus grand sacrifice que l’on puisse offrir au Seigneur, c’est notre paix, notre concorde fraternelle, un peuple rassemblé dans l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit» (237).

A partir de l’Instrumentum laboris et dans leur dialogue avec les auditeurs laïcs et prêtres, les Pères synodaux ont pu cerner les principales causes du mal profond dont souffrent les fidèles au Liban: l’absence du sens de l’Eglise comme mystère de communion, qui exprime la nature sacramentelle de l’Eglise et l’unité des fidèles en un seul Corps (238). L’ensemble des institutions et la législation canonique expriment ce mystère et invitent tous les membres du peuple de Dieu à une réelle fraternité. Dans cet esprit, il importe que le sens de la foi et de l’Eglise prévale sans cesse sur la mentalité de repli sur sa propre communauté confessionnelle, qui se manifeste trop souvent. Cet état de fait demande une conversion évangélique [metanoia] constante, pour passer de «la mentalité confessionnelle à un sens d’Eglise authentique» (239). C’est donc un retournement radical de perspective qui est requis, comme le disait déjà saint Ignace d’Antioche: «Les divisions, fuyez-les comme le principe de tous les maux» (240). Avec l’aide de l’Esprit Saint, pasteurs et fidèles auront l’audace spirituelle de dépasser les limites socio- culturelles de leur communauté confessionnelle, afin de se placer au niveau de l’Eglise dans son ensemble et d’agir en fonction de toute la communion ecclésiale (241). Les structures existent déjà, prévues par les saints canons, mais leur dynamisme est freiné par diverses formes d’égoïsme personnel ou communautaire, par des difficultés de communication et de collaboration, par le désir tout humain d’avoir une place prépondérante; ce sont des attitudes contraires à la charité (cf.
1Co 13,4-10). Des orientations ont déjà été tracées en ce qui concerne les paroisses, les éparchies, et les synodes des évêques des Eglises patriarcales (242). Mais il est important d’envisager aussi des transformations au niveau national, en vue de la coresponsabilité effective des évêques et d’une plus grande communion entre les différentes Eglises locales.

233) Conc. oecum. Vat. II, Décret Christus Dominus, n. CD 6.
234) Congr. pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Evêques de l’Eglise catholique sur certains aspects de l’Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), n. 9: AAS 85 (1993), p. 843.
235) Jean-Paul II, Discours à la Curie romaine (20 décembre 1990), n. 9: AAS 83 (1991), p. 745.
236) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, III.
237) S. Cyprien de Carthage, De oratione dominica, n. 23: PL 4, 536.
238) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, nn. LG 1 LG 7; Pie XII, Encycl. Mystici Corporis (29 juin 1943): AAS 35 (1943), pp. 200-202.
239) Conseil des Patriarches catholiques d’Orient, IVe Lettre pastorale Mystère de l’Eglise (Noël 1996), n. 50.
240) Lettre aux Smyrniotes, VII, 2: SC 10, Paris (1969), p. 139.
241) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Instrumentum laboris, n. 69; Rapport avant la discussion, n. 22.
242) Cf. supra, chapitre III.

81 En 1967, au lendemain du deuxième Concile oecuménique du Vatican, a été créée l’Assemblée des Patriarches et Evêques catholiques au Liban (APECL). Cette structure collégiale ne se substitue pas aux synodes des évêques des différentes Eglises patriarcales; chaque patriarcat conserve son autorité propre en ce qui concerne sa vie et son organisation interne. Cependant, l’APECL est une manifestation évidente et une expression singulière de l’esprit collégial des évêques, désireux de rester fidèles à leur vocation de pasteurs, dans une pleine et généreuse collaboration entre eux et avec le Successeur de Pierre (243). Selon ses nouveaux statuts, cette assemblée a pour fonction de favoriser et d’intensifier la concertation et la coopération dans tous les domaines où cela est possible. Pour cela, elle est appelée à vérifier sans cesse l’efficacité de son mode de fonctionnement. Dans cette perspective, les membres de l’Assemblée synodale ayant fait de nombreuses suggestions que je fais miennes, j’invite l’Eglise catholique au Liban à prendre en compte les orientations générales suivantes (244).

Tout d’abord, il revient naturellement à chaque patriarcat et à l’APECL de soutenir l’élan et le dynamisme nés de l’Assemblée synodale. Ils diffuseront la présente Exhortation post-synodale auprès de tous les fidèles, afin d’en faire l’objet d’études spécifiques et de la mettre en oeuvre dans chaque Eglise patriarcale et dans toutes les structures communes.

Comme l’ont souhaité les Pères synodaux, il est urgent que l’APECL élabore une pastorale d’ensemble (245) dans les domaines où les différentes Eglises patriarcales catholiques peuvent exercer conjointement leurs responsabilités et leur action pastorale. Une telle concertation, dûment réfléchie et soigneusement préparée, amènera à prendre des décisions d’intérêt commun, qui conduiront les membres de l’APECL à s’engager ensemble dans l’action pastorale (246), pourvu que ces décisions ne s’opposent pas à la tradition essentielle de telle ou telle Eglise patriarcale. Dans l’esprit des renouveaux proposés plus haut (247), il sera très profitable que collaborent aux activités de l’APECL des prêtres, des diacres, des religieux, des religieuses et des laïcs engagés; en particulier, il conviendrait d’étudier la possibilité de mettre en place un conseil pastoral au niveau de l’APECL, afin d’associer tous les membres du peuple de Dieu à la mission de l’Eglise. Il revient en effet aux pasteurs «de reconnaître et de promouvoir la dignité et la responsabilité des laïcs dans l’Eglise», qui «ont la faculté, voire même parfois le devoir de donner leur avis en ce qui concerne le bien de l’Eglise» (248).

Du point de vue fonctionnel, il importe que les Commissions soient réorganisées pour devenir plus opérationnelles et pour être véritablement au service de la mission de l’Eglise. L’APECL est appelée à s’organiser toujours mieux, afin de travailler pour le bien commun des membres des différentes Eglises particulières.

243) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, nn.
LG 22-23; Décret Christus Dominus, n. CD 38; Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 322.
244) Cf. Proposition 22.
245) Cf. Proposition 22, 3.
246) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 322, § 2.
247) Cf. supra, chapitre III.
248) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 37.


Avec l’ensemble de l’Eglise catholique au Moyen-Orient

82 Au cours de l’Assemblée synodale, plusieurs interventions ont attiré l’attention sur la vocation et la mission de l’Eglise catholique au Liban, et sur la nécessité d’établir et de renforcer des liens fraternels avec les chrétiens au Proche et au Moyen-Orient, et spécialement avec ceux qui restent parfois ignorés en Iran, au Soudan et en Afrique du Nord. Cet élargissement de perspective et ce souci de solidarité m’ont beaucoup réjoui; je vois un signe prometteur de renouveau dans un échange de dons entre des Eglises particulières. L’Eglise catholique au Liban, si privilégiée malgré ses souffrances, est invitée à s’ouvrir à ses frères et à répondre joyeusement à la vocation propre à toute Eglise particulière de créer des liens fraternels, selon l’exemple de la première communauté chrétienne de Jérusalem (cf. Ac 2,42-46) (249). Plusieurs Pères synodaux, des prêtres, des religieux, des religieuses et des fidèles laïcs aussi ont proclamé que l’une des voies du renouveau de l’Eglise au Liban sera son ouverture à la mission ad gentes pour coopérer avec d’autres Eglises particulières à travers le monde. L’élan missionnaire vers l’extérieur ne pourra que renouveler la jeunesse et la vigueur de l’Eglise à l’intérieur.

Dans cet esprit, le Conseil des Patriarches catholiques d’Orient (CPCO) (250), appelé à renforcer ses structures, manifestera de manière effective la catholicité de l’Eglise dans la région et sa mission de salut pour tous ses habitants. Le CPCO a un rôle de coordination régionale, donnant à sa manière un témoignage de l’esprit collégial de l’épiscopat, en vue de réalisations communes dans les domaines apostoliques et caritatifs (251). Avec les communautés catholiques de la diaspora

249) Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 148.
250) Hormis les quatre Patriarches membres de l’APECL, le CPCO comprend le Patriarche chaldéen, le Patriarche copte catholique et le Patriarche latin de Jérusalem.


83 Un appel urgent a été lancé par plusieurs intervenants pour maintenir et intensifier les relations entre les communautés catholiques de la diaspora et les différents patriarcats au Liban. En effet, une communauté locale ne peut pas vivre coupée de son centre d’unité sans courir le risque de s’ériger dans une totale indépendance. Ce renouveau des relations comporte des devoirs de part et d’autre. Ainsi, chaque patriarcat prendra soin de fournir à ses fidèles répandus à travers le monde l’assistance spirituelle et morale dont ils ont besoin, en envoyant des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses, qui auront soin de travailler en liaison avec les autres Eglises locales, en particulier avec celle de rite latin; dans le même temps, les évêques seront attentifs à ce que les futurs prêtres, formés dans la diaspora, puissent découvrir concrètement le patrimoine et la culture de leur Eglise patriarcale d’origine. Ces relations se concrétiseront aussi par un partage matériel et spirituel permanent, afin de soutenir le Corps ecclésial tout entier (252).

251) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, V.
252) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can.
CIO 315.


Avec l’ensemble de l’Eglise catholique

84 L’Assemblée synodale a permis une nouvelle Pentecôte, dont nous devons rendre grâce au Seigneur. Les Eglises orientales catholiques en pleine communion avec l’Eglise de Rome sont une manifestation tangible de la maturité de la conscience ecclésiale. En effet, l’unité est une caractéristique primordiale de l’Eglise et elle est requise par sa nature profonde (253). Ce souci de l’unité ne doit pas pour autant affaiblir le patrimoine spécifique des Eglises orientales catholiques, auxquels les fidèles sont invités à accorder «estime et louange», car il est «patrimoine de toute l’Eglise du Christ» (254). Les traditions particulières sont aussi une occasion privilégiée de raviver le dynamisme et l’élan missionnaire, auxquels chaque fidèle doit participer. Les pasteurs prendront soin de donner à tous les catholiques la formation nécessaire, pour qu’ils acquièrent le sens missionnaire et qu’ils viennent en aide à leurs frères chrétiens et aux hommes dans le besoin (255).

253) Jean-Paul II, Lettre apost. Orientale lumen, n. 19: AAS 87 (1995), pp. 765-767.
254) Conc. oecum. Vat. II, Décret Orientalium Ecclesiarum, n.
OE 5.
255) Cf. Proposition 29.


II. Le dialogue avec les Eglises orthodoxes

85 L’Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques a été aussi un temps de grâce, unkairos, en raison de la participation active des délégués fraternels des Eglises orthodoxes au Liban, venant des Patriarcats grec-orthodoxe et syriaque- orthodoxe d’Antioche, du Catholicossat arménien de Cilicie et de l’Eglise assyrienne de l’Orient. Leurs interventions en séance plénière et dans les carrefours, ainsi que lors de rencontres amicales, ont contribué à développer un climat fraternel entre les différentes Eglises. Je les remercie pour leur participation fraternelle et pour leur contribution au dialogue. En effet, il est désormais clair que des études attentives ont permis de dissiper de nombreux malentendus sur la plupart des différends christologiques traditionnels surgis au Ve siècle. L’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes au Liban sont donc appelées, de manière toute spéciale, à «conserver dans une communion de foi et de charité les relations fraternelles qui doivent être en honneur entre les Eglises locales, comme entre des soeurs» (256).

Beaucoup de progrès ont été accomplis depuis le Concile oecuménique Vatican II. Avec l’ensemble de l’Eglise catholique, je me réjouis de l’engagement oecuménique de chacune des Eglises, des dialogues fructueux entre elles et des différents accords théologiques qui ont pu être signés (257). Cela a sans aucun doute permis que soient évoqués, avec sérénité et confiance, les problèmes qui font encore obstacle à la pleine communion dans la charité entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes et d’envisager des éléments de solution, dans le souci de la vérité.

256) Conc. oecum. Vat. II, Décret Unitatis redintegratio, n.
UR 14; cf. Encycl. Ut unum sint, n. UUS 55: AAS 87 (1995), p. 954.
257) Cf. Déclaration commune du Pape Paul VI et du Patriarche de Constantinople Athénagoras Ier (7 décembre 1965): AAS 58 (1966), pp. 20-21; Déclaration commune de Sa Sainteté le Pape Paul VI et de Sa Sainteté Shenouda III, Pape d’Alexandrie et Patriarche du Siège de saint Marc (10 mai 1973): AAS 65 (1973), pp. 299-301; Déclaration commune de Sa Sainteté Jean-Paul II et de Sa Sainteté Moran Mar Ignatius Zakka Ier Iwas, Patriarche syrien d’Antioche et de tout l’Orient, Chef suprême de l’Eglise universelle syrienne orthodoxe (23 juin 1984): La Documentation catholique 81 (1984), pp. 824-826; Déclaration christologique commune entre l’Eglise catholique et l’Eglise assyrienne d’Orient (11 novembre 1994): AAS 87 (1995), pp. 685-687; Déclaration commune du Pape Jean-Paul II et du Catholicos Karekin Ier, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens (13 décembre 1996): La Documentation catholique 94 (1997), pp. 116-117. Déclaration commune du Pape Jean-Paul II et du Catholicos Aram Ier (25 janvier 1997): La Documentation catholique 94 (1997), pp. 226-227; Jean-Paul II, Encycl. Ut unum sint, nn. UUS 50-52: AAS 87 (1995), pp. 950-952 qui mentionne les différentes étapes du dialogue oecuménique avec les Eglises de l’Orient, depuis la reprise des contacts en 1965.


86 La première orientation proposée consiste à redécouvrir et à approfondir la tradition antiochienne qui est commune à un certain nombre d’Eglises patriarcales catholiques et d’Eglises orthodoxes au Moyen-Orient. Ce retour aux sources demande un renouveau dans la formation et dans la réflexion théologiques, dans la vie spirituelle et dans l’action pastorale, tenant compte de la Tradition de l’Eglise, en particulier des Pères d’Orient et d’Occident qui ont exprimé le message évangélique dans leurs diverses cultures. J’invite tous les fidèles du Christ à une prière fervente pour que nous puissions faire la volonté du Seigneur, à une vie de foi et de charité toujours plus intense, à un véritable partage de dons et à la découverte sérieuse des vues spirituelles de leurs frères (258). C’est assurément dans cette ligne-là que les organismes de formation théologique et pastorale peuvent apporter une contribution importante au dialogue oecuménique.

Au cours des discussions, l’Assemblée synodale a évoqué de manière approfondie trois problèmes pastoraux, sources de difficultés dans les relations entre les Eglises patriarcales catholiques et les Eglises orthodoxes (259), qui doivent encore faire l’objet d’études sérieuses en accord avec le Saint-Siège (260). Je me réjouis des efforts concrets entrepris et des collaborations réalisées dans différents domaines, qui devront être poursuivis et approfondis, dans le souci de faire triompher la vérité et le dialogue de la charité. Des possibilités pastorales sont offertes aux pasteurs de l’Eglise catholique, dans le respect des traditions et des sensibilités, en veillant à maintenir une juste exposition de la doctrine catholique (261). Elles doivent être utilisées en prenant soin d’avancer en relation et en harmonie avec les conversations que le Saint-Siège poursuit avec les différentes Eglises et de donner aux fidèles la formation nécessaire (262).

258) Nersès IV norhali, Inni sacri I, Venise (1973), qui rappelle les principes de l’unité de l’Eglise.
259) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, VI.
260) C’est au Saint-Siège qu’il revient de signer des accords avec les Eglises non catholiques: cf. Code des canons des Eglises orientales, can.
CIO 904, §§ 1-2.
261) Cf. Code des Canons des Eglises orientales, can. CIO 625 CIO 907.
262) Cf. Ibid., can. CIO 813-816.


III. Les liens avec les Communautés ecclésiales issues de la Réforme

87 La participation du délégué fraternel des communautés évangéliques au Liban a été accueillie dans la joie et a été l’occasion de dissiper certains malentendus sur les communautés protestantes (263). Le lien primordial entre l’Eglise catholique et les communautés réformées repose sur le baptême, qui nous rend fils de Dieu, ainsi que sur l’écoute de la Parole de Dieu. En même temps, nous avons conscience de ce qui nous sépare, en particulier en ce qui concerne les ministères et la sacramentalité de l’Eglise. Par le dialogue fraternel et la prière, nous pouvons passer peu à peu de la méfiance à des engagements sur la voie de la réconciliation et de la pleine unité, traduits notamment par des actions sociales communes qui mettent en valeur le visage du Christ serviteur de tous les hommes.

263) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport après la discussion, VI.


IV. Le Conseil des Eglises au Moyen-Orient

88 Au Liban, le Conseil des Eglises au Moyen-Orient (CEMO) est devenu l’un des cadres habituels du dialogue oecuménique. C’est dans ce contexte que pourrait être engagée une réflexion commune sur des problèmes tels que la date de la célébration de la Pâque du Seigneur et l’étude d’un texte arabe commun du Notre Père et du Credo, qu’il sera nécessaire cependant de soumettre ensuite aux autorités compétentes. Dans le domaine humanitaire, un témoignage commun peut être rendu, pour manifester à nos contemporains la tendresse et la sollicitude du Seigneur. Le service de l’unité chrétienne exige une compétence et une formation spécialisée, et ne peut être réalisé sans la participation au plus haut niveau des Chefs des Eglises concernées. En effet, les démarches oecuméniques engagent non seulement l’Eglise locale, mais aussi toute l’Eglise et toutes les Eglises. J’exhorte donc les pasteurs et les fidèles à garder vivant le désir de l’unité, et, sans se lasser, par un dialogue oecuménique de proximité, à contribuer à faire évoluer les mentalités, en priant ensemble et en agissant ensemble chaque fois que cela est possible (264).

Dans un esprit de concorde et de fraternité, il convient de mentionner aussi les relations que le CEMO s’attache à développer et à affermir avec les différentes communautés musulmanes, afin d’envisager les collaborations possibles pour servir ensemble la société libanaise.

264) Cf. Proposition 33.


CHAPITRE V


L’eglise catholique au Liban engagée dans le dialogue inter-religieux

Un vrai dialogue


89 Un vrai dialogue entre les croyants des grandes religions monothéistes repose sur l’estime mutuelle, afin de protéger et de promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté (265). Cette tâche commune est particulièrement urgente pour les Libanais, appelés avec courage à se pardonner les uns les autres, à faire taire leurs dissensions et leurs inimitiés, et à changer leurs mentalités, afin de développer la fraternité et la solidarité pour la reconstruction d’une société toujours plus conviviale (266).

Participer à la transformation du monde requiert avant tout la conversion des coeurs et la lutte pour la justice, dans la charité et la fraternité. C’est aussi pour les chrétiens une dimension constitutive de la prédication évangélique, car ils seront reconnus aux bonnes oeuvres qu’ils accompliront. L’Eglise doit sans cesse contribuer à la défense de la dignité de l’homme, «situé au centre de la société», et sa doctrine «révèle l’homme à lui-même» (267). Particulièrement dans les moments critiques de leur histoire, les peuples se tournent avec confiance vers elle pour obtenir conseils, soutien et secours.

«Que ceux qui ont placé leur foi en Dieu aient à coeur d’exceller dans la pratique du bien» (
Tt 3,8). Les communautés spirituelles et les familles de pensée vivant aux Liban, qui se réfèrent à Dieu que tous adorent et s’efforcent de servir (268), doivent désormais s’engager sur la voie d’une solidarité plus profonde; cela se traduira effectivement dans des gestes d’amitié et de compréhension mutuelle, dans le respect inaliénable de la dignité des personnes, de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, éléments constitutifs du bien commun.

265) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Déclaration Nostra aetate, n. NAE 3.
266) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 3.
267) Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, n. CA 54: AAS 83 (1991), p. 860.
268) Cf. Jean-Paul II, Appel à tous les Musulmans en faveur du Liban (7 septembre 1989): La Documentation catholique 86 (1989), p. 869.


Espérance Liban 77