Espérance Liban 108

Les universités et les instituts catholiques

108 Il y a au Liban différents centres académiques, dont certains assurent aussi un enseignement en sciences religieuses. Ces institutions ont leur histoire et leurs traditions propres. Cependant, cette multiplicité peut être source de difficultés dans certaines circonstances, si ne se développe pas un esprit de concertation et de collaboration. On gagnerait à ne plus chercher à créer de nouveaux centres par Eglise patriarcale, mais parfois à regrouper et à unifier ces institutions, afin d’associer les forces vives et de permettre à certains centres de se spécialiser davantage, pour le bien des fidèles (310). J’encourage les pasteurs à promouvoir une formation de qualité pour tous les fidèles. Elle aura une incidence certaine dans la vie des personnes, dans la vie liturgique, pastorale et missionnaire des Eglises particulières et dans les relations avec les autres Eglises et avec l’ensemble du peuple libanais.

Comme les Pères du Synode l’ont aussi constaté, les institutions d’enseignement supérieur rassemblent un nombre limité d’étudiants si on le compare à celui des universités de l’Etat. Pour faire face aux grands défis culturels, pour un meilleur enseignement et pour une plus grande efficacité dans la recherche et dans la formation des futurs professeurs, il est important que les différents instituts universitaires se concertent, afin de faire des propositions communes et, éventuellement, de se regrouper et de confier à certaines institutions une spécificité universitaire particulière. J’invite les évêques à concentrer leurs efforts sur les instituts déjà existants et j’encourage la commission de l’APECL chargée des questions scolaires et universitaires à favoriser les collaborations entre les différents établissements d’enseignement, afin d’éviter les pertes en personnel, en énergies et en moyens matériels.

310) Cf. Proposition 27; Code des Canons des Eglises orientales, can.
CIO 646-648.


109 La liberté de l’éducation et de l’enseignement est une des composantes de la vie d’un pays qui est très attentif aux réalités culturelles et qui garantit la liberté de croyance inhérente à la dignité humaine, parfaitement compatible avec les principes généraux d’enseignement (311). Il est important que les parents puissent choisir la forme d’éducation qu’ils préfèrent pour leurs enfants, en fonction de leurs convictions religieuses et de leurs préférences pédagogiques. Les autorités publiques ont le devoir de rendre cette liberté de choix effective et de veiller à ce qu’elle ne soit pas une occasion de discrimination entre les enfants et les familles et que ne pèsent pas injustement sur les parents des charges trop lourdes (312).

311) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Déclaration Dignitatis humanae, nn.
DH 6-7; Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum educationis, nn. GE 3 GE 5.
312) Cf. Ibid., n. DH 5; Déclaration Gravissimum educationis, n. GE 6.


110 Dans la vie scolaire et universitaire, il convient aussi d’être attentif à la présence et à la qualité de l’animation spirituelle par des aumôneries bien organisées, pour que les jeunes trouvent des instances de réflexion et de prière qui les aident à unifier leur vie d’hommes ou de femmes chrétiens, en prenant en compte les connaissances acquises dans leur cursus éducatif. Les aumôniers de jeunes, les religieux, les religieuses et les laïcs qui en acceptent la charge, recevront une formation approfondie et seront attentifs aux développements culturels de leur temps. La pastorale universitaire concerne aussi bien les étudiants que les professeurs. J’invite donc tous les patriarcats et les Instituts religieux à fournir, dans la mesure de leurs possibilités, des prêtres, des diacres, des consacrés et des laïcs pour cette pastorale, en détachant les personnes les plus idoines en raison de leur culture, de leurs capacités intellectuelles et de leurs qualités humaines et spirituelles (313).

313) Cf. Jean-Paul II, Const. apost. Ex corde Ecclesiae, art. 6: AAS 82 (1990), p. 1507.


IV. Service de l’information

111 Les moyens de communication sociale sont devenus désormais des éléments importants de l’éducation et de l’univers quotidien de nos contemporains, ainsi que de l’évangélisation dans les diverses langues et cultures (314). L’Eglise y a sa place, pour promouvoir la vérité, condition de toute dignité humaine, et les valeurs spirituelles et morales qui permettent à toute personne de se conduire chaque jour avec rectitude et de développer les différents aspects de sa personnalité. J’encourage les initiatives prises dans l’Eglise afin de favoriser des émissions religieuses, des programmes d’information et d’éducation, et d’aider à former le sens critique des adultes et des jeunes face à la multitude des messages médiatiques, qui donnent parfois l’impression que tous les comportements peuvent être considérés de manière équivalente. De même, l’Eglise veillera à former des personnes compétentes pour percevoir les enjeux des moyens de communication.

314) Cf. Proposition 46.


V. Engagement politique

112 «L’Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois signe et sauvegarde de la transcendance de la personne humaine » (315). Sa mission première est de conduire les hommes au Christ, Rédempteur et Sauveur. Il ne lui revient donc pas de s’engager directement dans la vie politique; en effet, «elle n’a pas de solutions techniques, [...] elle ne propose pas des systèmes ou des programmes économiques et politiques, elle ne manifeste pas de préférence pour les uns ou les autres, pourvu que la dignité de l’homme soit dûment respectée et promue et qu’elle-même se voie laisser l’espace nécessaire pour accomplir son ministère dans le monde» (316). Cependant, le devoir incombe à l’Eglise de rappeler inlassablement les principes qui seuls peuvent assurer une vie sociale harmonieuse, sous le regard de Dieu. Parce que l’Eglise vit dans le monde, «tous [ses] membres [...] participent à sa dimension séculière; mais cela de façon diverse. En particulier la participation des fidèles laïcs a une modalité de réalisation et de fonction, qui, selon le Concile, leur est “propre et particulière”: c’est cette modalité que l’on désigne du nom de “caractère séculier”» (317).

Avec sa sagesse et son souci de servir l’homme et l’humanité, l’Eglise souhaite donc aider ceux à qui il appartient d’exercer une activité publique à la remplir pleinement, pour le service de leurs frères. Comme elle l’a maintes fois souligné, elle reconnaît qu’il y a une juste autonomie des réalités humaines, dans lesquelles l’homme est appelé à faire un bon usage de sa raison droite (cf. Si
Si 15,14), en harmonie avec la vie surnaturelle, supérieure à celle de ce monde (318). A toute conscience s’imposent les principes d’humanité, intimant à chacun ce qu’il doit faire ou ne pas faire (319).

Il importe aussi de rappeler qu’il y a une pratique chrétienne de la gestion des affaires temporelles, car le message évangélique éclaire toutes les réalités humaines qui sont des moyens destinés à la fois à édifier la famille humaine et à conduire au bonheur éternel. Les chrétiens ne peuvent donc pas «avoir deux vies parallèles: d’un côté la vie qu’on nomme spirituelle avec ses valeurs et ses exigences; et de l’autre, la vie dite séculière» (320), qui aurait des valeurs différentes ou opposées aux premières. De ce fait, «pour une animation chrétienne de l’ordre temporel, dans le sens [...] qui est celui de servir la personne et la société, les fidèles laïcs ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la “politique”, à savoir à l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun» (321).

315) Conc. oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. GS 76.
316) Jean-Paul II, Encycl. Sollicitudo rei socialis, n. SRS 41: AAS 80 (1988), p. 570.
317) Jean-Paul II, Exhort. apost. postsynodale Christifideles laici, n. CL 15: AAS 81 (1989), p. 414; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 31.
318) Cf. Pie XI, Encycl. Mit brennender Sorge, AAS 29 (1937), pp. 152-155; Conc. oecum. Vat II, Const. past. Gaudium et spes, n. GS 40; Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis, n. RH 14: AAS 71 (1979), pp. 284-285.
319) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Veritatis splendor, n. VS 59: AAS 85 (1993), pp.1180-1181.
320) Jean-Paul II, Exhort. apost. postsynodale Christifideles laici, n. CL 59: AAS 81 (1989), p. 509.
321) Ibid., n. CL 42: loc. cit., p. 472; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 31; Proposition 45, A. 1.


113 Les fidèles laïcs accomplissent ainsi un véritable service de l’homme et de la communauté nationale, et cela en vertu de leur baptême, par lequel ils participent à la triple fonction du Christ: sacerdotale, prophétique et royale. Tout spécialement, par la participation à l’office sacerdotal, ils font de leur action une louange au Créateur en perfectionnant la création; par leur participation à l’office prophétique, ils sont «appelés à faire briller la nouveauté et la force de l’Evangile dans leur vie quotidienne, familiale et sociale, comme aussi à exprimer, avec patience et courage, dans les difficultés de l’époque présente, leur espérance de la gloire, même à travers les structures de la vie du siècle » (322). De ce fait, il feront renaître chez leurs compatriotes, en particulier chez les jeunes, l’espérance qu’un avenir est possible et le désir de contribuer activement aux changements qui s’imposent pour parvenir à une vie commune meilleure. La gestion des affaires publiques est un chemin d’espérance, car elle est tournée vers un monde à construire et elle laisse entrevoir que des transformations sont possibles pour améliorer la condition des hommes.

Les fidèles participent aussi à l’office royal du Seigneur en s’engageant dans la voie de l’ascèse spirituelle, pour vaincre le péché et en faisant don d’eux-mêmes pour servir le Christ, dans la charité et dans la justice. Dans cette perspective, il est important que l’ensemble du peuple de Dieu connaisse la doctrine sociale de l’Eglise, qui donne des éléments de réflexion, des points de repère et des critères de jugement et de décision dans l’action, pour se diriger avec rectitude et intégrité dans les différents domaines de la vie personnelle et sociale.

Dès le plus jeune âge, il convient de fournir à tous les jeunes, dans les différentes institutions éducatives, une éducation civique appropriée, pour les rendre conscients de leurs responsabilités de citoyens et pour promouvoir la vérité et la liberté, la justice et la charité, fondements de la paix et de la fraternité sociales (323).

Je me réjouis que beaucoup de chrétiens travaillent, avec leurs frères des autres confessions religieuses et avec tous les hommes de bonne volonté, dans des services de l’Etat, pour participer à la construction d’une société de justice et de paix, avec désintéressement et dévouement.

322) Ibid., n.
CL 14: loc. cit., pp. 411-412; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 35.
323) Cf. Proposition 45.


VI. Droits de l’homme

114 Parmi les éléments primordiaux d’un Etat de droit, figure la protection des droits de l’homme, c’est-à-dire le respect de toute personne et de tout groupe, car l’homme, qui vit à la fois dans la sphère des valeurs matérielles et des valeurs spirituelles, dépasse tout système social et est la valeur fondamentale. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à la tribune de l’UNESCO, «toute menace contre les droits de l’homme, que ce soit dans le cadre de ses biens spirituels ou dans celui de ses biens matériels, fait violence à cette dimension fondamentale» (324). En raison de ses prérogatives et de ses fonctions, l’Etat est le premier garant des libertés et des droits de la personne humaine.

Après les années de souffrances et la longue période de guerre qu’a connues le Liban, son peuple et les autorités qui le gouvernent sont appelés à des gestes courageux et prophétiques de pardon et de purification de la mémoire (325). Certes, il faut maintenir vivant le souvenir de ce qui s’est passé, pour que jamais plus cela ne se reproduise et que jamais plus «la haine et l’injustice ne s’emparent de nations tout entières et ne les poussent à [des actions qui] sont légitimées et organisées par des idéologies qui se fondent plus sur elles-mêmes que sur la vérité de l’homme» (326). Une société ne peut pas se reconstruire si chacun de ses membres, si ses familles ou les différents groupes qui la composent, ne cherchent pas à sortir des rapports conflictuels qui ont marqué les temps de violence et à apaiser tout désir de vengeance. C’est au prix d’efforts, de gestes tangibles de dépassement de soi et de réconciliation, qui sont les signes de la grandeur d’âme des personnes et des peuples, qu’un avenir commun est possible au sein d’une société trop longtemps déchirée par des conflits et des comportements d’hostilité et d’intolérance. Pour ouvrir un avenir nouveau, l’Eglise n’oublie jamais que le Seigneur l’a chargée d’un ministère de grâce et de pardon, afin de réconcilier les hommes avec Dieu et entre eux, car l’amour est plus fort que la haine et que l’esprit de revanche. Elle s’efforce de se faire l’interprète de la soif de dignité et de justice de ses contemporains, et de conduire les hommes sur le chemin de la paix; elle reconnaît et salue l’attention de la communauté internationale et les nombreuses actions entreprises dans ce domaine au cours des années écoulées.

324) Discours à l’UNESCO (2 juin 1980): AAS 72 (1980), p. 737.
325) Cf. Jean-Paul II, Message à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe (8 mai 1995), n. 2: La Documentation catholique 92 (1995), p. 532.
326) Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, n.
CA 17: AAS 83 (1991), p. 815; cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1980: AAS 71 (1979), pp. 1572- 1580.


115 Au sein d’une nation, les autorités légitimes ont le devoir de veiller à ce que toutes les communautés et tous les individus jouissent des mêmes droits et se soumettent aux mêmes devoirs, selon les principes de l’équité, de l’égalité et de la justice. Comme citoyens ayant une charge publique, les dirigeants doivent s’efforcer de mener une vie droite, avec l’humilité requise pour le service des frères, afin de donner l’exemple de la probité et de l’honnêteté. En effet, la rectitude morale est un des facteurs essentiels de la vie en société (327). Dans les domaines politique, économique et social, les responsables de la vie publique sont appelés à être particulièrement attentifs aux personnes qui risquent toujours d’êtres mises en marge de la société, pour faire progresser leurs conditions de vie et de travail. Pour cela, dans une société où les réalités sont de plus en plus complexes, en particulier au Liban et dans l’ensemble du Moyen-Orient, il convient de former des personnes de haut niveau de qualification qui seront aptes à faire entrer leur pays dans tous les réseaux de la vie internationale, car nous constatons actuellement une mondialisation de plus en plus grande de tous les phénomènes sociaux.

Pour sauvegarder l’homme en qui elle reconnaît l’image de Dieu, l’Eglise «reprend toujours le cri évangélique de la défense des pauvres du monde, de ceux qui sont menacés, méprisés et à qui l’on dénie les droits humains» (328); car le Christ est venu annoncer la libération de tous les hommes (cf.
Lc 4,16-19 Dt 15,15 Is 61,1-2) et rendre évidente la vérité sur l’homme. Par le mystère de l’Incarnation, Dieu s’est fait homme. Cela veut dire qu’en Jésus Christ s’éclaire le mystère de l’homme (329) et que les droits de Dieu et les droits de l’homme sont liés, et que violer les droits de l’homme, c’est violer les droits de Dieu; à l’inverse, servir l’homme c’est aussi, d’une certaine manière, servir Dieu, car il n’y a point de charité qui ne s’accompagne en même temps de justice. «C’est aller à Dieu que servir les pauvres; vous devez regarder Dieu en leurs personnes» (330).

327) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Veritatis splendor, nn. VS 99-101: AAS 85 (1993), pp. 1210-1213.
328) Jean-Paul II, Lettre à tous mes frères dans l’épiscopat sur l’«Evangile de la vie» (19 mai 1991): Insegnamenti XIV, 1 (1991), p. 1294; cf. Encycl. Centesimus annus, n. CA 54: AAS 83 (1991), pp. 859-860.
329) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. GS 22.
330) S. Vincent de Paul, Correspondance, entretiens, documents, IX (1920- 1925), p. 5; cf. S. Ephrem le Syrien, Hymne 26: PO 30, 142-143.


116 Afin que la paix règne au Liban et dans la région, et que le progrès puisse bénéficier à tous, j’exhorte les Autorités et l’ensemble des citoyens libanais à mettre tout en oeuvre pour que les droits de l’homme, éléments fondamentaux du droit positif antérieurs à toute constitution et à toute législation d’un Etat, soient pleinement respectés, spécialement dans l’administration de la justice et dans les garanties auxquelles ceux qui sont accusés et en détention ont légitimement droit.

Parmi les droits fondamentaux, il y a aussi celui de la liberté religieuse. Personne ne doit être soumis à des contraintes de la part soit d’individus, soit de groupes ou de pouvoirs sociaux, ni être poursuivi ou mis à l’écart de la vie sociale pour ses opinions, ni empêché de mener sa vie spirituelle et cultuelle, «de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou en association avec d’autres» (331). La sauvegarde des droits de l’homme est urgente; c’est l’avenir d’une nation qui est en jeu, ainsi que celui de l’humanité entière, car tant qu’un être humain est bafoué dans ses droits les plus fondamentaux, c’est toute la communauté des hommes qui est blessée.

331) Conc. oecum. Vat. II, Déclaration Dignitatis humanae, n.
DH 2.


CONCLUSION

117 «Le Christ est notre espérance ». Comme le soulignaient déjà les documents préparatoires de l’Assemblée synodale, «il n’y aurait pas eu d’appel à un Synode, s’il n’y avait pas eu des raisons d’espérer» (332). Parmi celles-là, il faut souligner l’amour que tous les Libanais portent à leur patrie et leur dynamisme pour faire vivre ce pays. Comme la rencontre sur la route d’Emmaüs fut pour les deux disciples un chemin avec Jésus (cf. Lc 24,13-35), le temps de préparation et l’Assemblée synodale ont été une marche avec le Christ; en relisant le passé, avec ses périodes de souffrances, ses difficultés, ses incompréhensions, ses joies, ses espoirs et ses expériences de solidarité fraternelle, les pasteurs et les fidèles ont pu reconnaître que le Seigneur est présent au milieu d’eux et les accompagne, et ils peuvent repartir affermis et transformés, pour être des ferments de vie nouvelle au coeur du monde.

Au cours de l’Assemblée elle-même, les Pères du Synode ont témoigné de leur union profonde dans le Christ. Par l’Esprit Saint, ils ont donné l’image de l’unité de l’Eglise aux multiples visages, à l’imitation de la première communauté de Jérusalem: «La multitude des croyants n’avait qu’un coeur et qu’une âme» (Ac 4,32). Dans sa mission, l’Eglise est conformée au Christ, qui «n’est pas venu pour être servi mais pour servir» (Mc 10,45), en exerçant comme Lui le ministère du service. L’Assemblée synodale, qui a exprimé les espérances des fidèles, n’est donc pas le terme de la démarche que j’ai voulue pour le Liban, mais une étape. Il convient désormais que les Eglises patriarcales catholiques au Liban poursuivent inlassablement leur marche synodale dans la communion, pour que les espoirs deviennent réalité et que l’espérance apportée par le Christ éclaire la route quotidienne de chaque fidèle et l’aide dans sa participation à la vie ecclésiale et sociale. Dans cet esprit, je renouvelle mon appel à la conversion, à la réconciliation, à une plus grande unité et à la coresponsabilité au sein des communautés catholiques. Ce sera pour tous les hommes un témoignage éloquent.

332) Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Lineamenta, n. 5.


118 Fils et filles de l’Eglise catholique au Liban, pasteurs et laïcs, entendez l’appel du Seigneur et n’ayez pas peur d’y répondre par un ferme engagement, pour le bien de tous. Dans cette nouvelle étape de votre marche synodale, l’Eglise catholique dans sa totalité vous soutient par sa prière et par ses aides multiples.

Fils et Filles de l’Eglise, Dieu accompagne vos efforts. Que la présence active de l’Esprit Saint se manifeste par un accord constant entre vous et avec vos pasteurs! Que l’amour du Christ vous presse de réaliser un seul Corps, de vivre fidèles à l’Evangile et au Magistère, et d’exercer votre mission dans votre terre! La présente Exhortation veut vous aider à marcher ensemble sur la route. Ayez à coeur de raviver en vous le sens de l’Eglise, Corps du Christ et mystère de communion. La mission ecclésiale au Liban suppose l’engagement de tous et la ferme volonté de mettre en valeur les charismes de chaque personne et les richesses spirituelles de chaque communauté ecclésiale pour un meilleur service de notre Maître et Seigneur, Jésus Christ, et de son Eglise. Prenez conscience de votre mission commune: annoncer le Christ, Prince de la Paix dont l’étoile s’est levée dans votre région, être des ferments d’unité et de fraternité! Cela se réalisera aussi par un échange permanent de dons entre tous, en ayant une attention particulière aux plus pauvres, ce qui est un service constitutif de l’Eglise catholique à l’égard de tous.


119 Parce qu’il est composé de plusieurs communautés humaines, le Liban est regardé par nos contemporains comme une terre exemplaire (333). En effet, aujourd’hui comme hier, sont appelés à vivre ensemble, sur le même sol, des hommes différents sur le plan culturel et religieux, pour édifier une nation de dialogue et de convivialité (334) et pour concourir au bien commun. Des communautés, chrétiennes et musulmanes, s’attachent aujourd’hui à rendre plus vivantes leurs traditions. Ce mouvement est positif et peut faire redécouvrir des richesses culturelles communes et complémentaires, qui affermiront la convivialité nationale.

L’expérience synodale doit être un renouveau pour l’Eglise catholique au Liban, ainsi qu’une participation effective au renouveau du pays tout entier, afin de lui faire retrouver les valeurs morales et spirituelles qui le caractérisent et qui assurent sa cohésion. La présence des délégués fraternels des autres Eglises et Communautés chrétiennes, ainsi que celle des représentants des communautés musulmanes et druze, a permis de souligner le prix que tous accordent à une fraternité et à un dialogue toujours plus vrais et plus intenses. Ces gestes constituent une nouvelle étape pour approfondir dans le pays la concertation et le dialogue fraternel.

333) Cf. Jean-Paul II, Message à tous les Evêques de l’Eglise catholique sur la situation du Liban (7 septembre 1989), n. 6: AAS 82 (1990), p. 63.
334) Cf. Jean-Paul II, Message télévisé aux Patriarches et Evêques réunis à Bkerké (25 mai 1990), n. 4: AAS 83 (1991), p. 96.


120 A la suite des Pères du Synode, je vous exhorte, vous tous Libanais de toutes confessions, à réussir ce défi de la réconciliation et de la fraternité, de la liberté et de la solidarité, qui est la condition essentielle de l’existence du Liban et le ciment de votre unité sur cette terre que vous aimez. Les différences et les particularismes au sein de la société, ainsi que les tentations de s’en tenir à des intérêts personnels ou communautaires, doivent passer au second plan. L’unité est une responsabilité que portent chacun de vous et chaque communauté culturelle et religieuse. Elle doit inspirer les démarches de tous dans la vie sociale. Ainsi personne n’aura peur de l’autre; au contraire, tout sera fait pour que les diverses composantes soient respectées et participent pleinement à la vie locale et nationale. Cela requiert des efforts patients et persévérants et le souci d’un dialogue confiant et permanent.


121 Au cours du Synode, j’ai entendu les délégués musulmans affirmer que le Liban sans les chrétiens ne serait plus le Liban. Pour être vraiment lui-même, le Liban a besoin de tous ses fils et filles, et de toutes les composantes de sa population. Chacun a sa place dans le pays et doit retrouver le goût d’y vivre et de relever les défis pour son avenir. Nulle communauté spirituelle ne peut vivre si elle n’est pas reconnue, si elle se trouve dans des conditions précaires et si elle n’a pas la possibilité de participer pleinement à la vie de la nation. Ses membres sont alors tentés d’aller chercher dans d’autres pays un climat plus fraternel et de quoi assurer leur subsistance et celle de leur famille. Dans cet esprit, j’invite donc tous les fidèles de l’Eglise catholique à demeurer attachés à leur terre, avec le souci d’être partie intégrante de la communauté nationale, de participer à la reconstruction de ce qui est nécessaire aux familles et à la collectivité, et de maintenir leur spécificité chrétienne et leur sens missionnaire, à l’exemple de leurs devanciers. De même, les membres des autres composantes de la nation doivent s’efforcer de demeurer sur la terre de leurs ancêtres. Evidemment, tout cela suppose aussi que le pays recouvre sa totale indépendance, une souveraineté complète et une liberté sans ambiguïté (335).

335) Discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège (12 janvier 1991), n. 7: La Documentation catholique 88 (1991), pp. 196-197.


122 Avec les Pères du Synode, nous confions ce grand projet à l’intercession de Notre-Dame du Liban, la Toute-Sainte, que les chrétiens libanais vénèrent sincèrement. En plusieurs circonstances, elle a obtenu de son Fils ce que discrètement elle lui demandait. Si, dans sa délicatesse, elle est intervenue, elle interviendra aussi pour que l’Eglise au Liban sache témoigner de l’amour du Christ. A la Pentecôte aussi, elle était là, priant avec les Apôtres et louant Dieu. Durant tout le Synode, elle a accompagné les prières et le travail des Pères et de tous les fidèles.

Chers fils qui êtes au Liban, «vos ancêtres [...] se trouvèrent parmi les foules qui entouraient Jésus pour écouter son enseignement. [...] Les pieds du Rédempteur du monde ont foulé votre terre, [...] ses yeux en ont admiré la beauté. [...] Je voudrais que [son] regard plein d’amour, vous accompagne tous» (336), sur cette terre qui par le passage du Sauveur est devenue une terre sainte. Soyez forts dans le Christ, votre espérance. Laissez-vous conduire par l’Esprit, pour faire en tout temps la volonté de Dieu, qui poursuivra en vous ce qu’il a déjà commencé. Les catholiques libanais sont donc appelés, dans le Christ mort et ressuscité, à mourir au «vieil homme» (
Col 3,9), c’est-à-dire au péché, à l’égoïsme et à l’individualisme. Ils sont appelés aussi à pardonner et à se faire pardonner, devenant source de paix, tant pour l’unité du corps ecclésial que pour celle de la société libanaise. Ils témoigneront ainsi de la vérité de la Résurrection en aidant les communautés à renaître à l’espérance (337).

336) Jean-Paul II, Homélie de la Célébration eucharistique de clôture de l’Assemblée spéciale pour le Liban (14 décembre 1995), n. 2: La Documentation catholique 93 (1996), pp. 34-35.
337) Cf. Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques, Rapport avant la discussion, n. 14: La Documentation catholique 93 (1996), p. 28. 338) Jean-Paul II, Exhort. apost. postsynodale Vita consecrata, n. VC 75: AAS 88 (1996), p. 451.


123 Le Synode lui-même a été un moment providentiel qui permettra à l’Eglise catholique au Liban de conforter et d’affermir sa mission et de se faire une idée plus claire de sa vocation dans l’Eglise universelle et dans le monde. Aujourd’hui commence la dernière étape de l’Assemblée synodale, qui requiert l’engagement de tous les catholiques libanais pour sa mise en oeuvre effective. La présente Exhortation post-synodale doit vous guider dans votre vie personnelle, dans votre mission de témoins du Christ ressuscité et dans votre service de l’Eglise et de la société. Je demande aux patriarches et aux synodes des évêques des Eglises patriarcales de veiller à ce que toutes les catégories de fidèles puissent réellement participer à l’activité de l’Eglise, en prenant leur part de responsabilité, en fonction de leur état de vie et de leurs aptitudes; en particulier, il importe que les laïcs soient étroitement associés à la vie de l’Eglise à tous les échelons.

Dans les éparchies et le vicariat latin, l’évêque, qui a la charge de l’unité entre toutes les composantes de la communauté ecclésiale, s’attachera à promouvoir l’action des fidèles et la collaboration confiante de tous les membres du peuple de Dieu. De même, dans les paroisses, les prêtres favoriseront la participation de tous les fidèles, enfants, jeunes et adultes, à la vie quotidienne de leur communauté. J’exhorte les membres des Ordres religieux et toutes les personnes consacrées à renouveler les engagements de leur profession, à mener «une vie d’amour oblatif» (338), à manifester chaque jour une fidélité toujours plus grande aux conseils évangéliques et à l’enseignement du Magistère, un désintéressement accru dans l’usage des biens des Instituts, qui doivent être avant tout au service du peuple. Ce sera, pour tous leurs frères libanais, un appel à pratiquer à leur tour le partage et la solidarité. Les personnes consacrées sont aussi invitées à approfondir leurs relations filiales avec les évêques, en vue d’une plus grande unité pastorale. Votre pays a une longue tradition d’organisations laïques qui apportent leur contribution à la vie ecclésiale. Il appartient aux différents organismes d’être attentifs aux besoins de leurs frères et de consacrer toutes leurs forces à les servir avec humilité.


124 Je suis favorable à ce que, comme pasteurs de l’Eglise au Liban, l’Association des Patriarches et Evêques catholiques au Liban et l’ensemble des évêques, en ce qui les concerne, constituent une commission spéciale comprenant des évêques, des prêtres, des diacres, des religieux, des religieuses et des laïcs, avec des programmes d’action courageux, pour la réception et l’application de la présente Exhortation post-synodale. De même, il conviendra que chaque éparchie et chaque Institut religieux, personnellement et collectivement, établissent une commission similaire. De même, il conviendra que les différentes institutions de l’Eglise catholique au Liban, l’APECL et les Synodes des évêques des Eglises patriarcales, les éparchies, les membres du clergé, les Instituts de vie consacrée et les fidèles s’attachent à étudier le présent document. Pour ma part, je vous assure de la pleine disponibilité du Saint-Siège pour aider et servir ces commissions et l’Eglise au Liban, dans le travail pastoral. Concrètement, je donne une charge spéciale à la Congrégation pour les Eglises orientales, afin qu’elle se mette au service de l’Eglise au Liban et qu’elle offre toute l’aide nécessaire à votre action ecclésiale. La Secrétairerie d’Etat et les différents dicastères de la Curie romaine, en particulier la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, la Congrégation pour l’Education catholique, le Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens et le Conseil pontifical pour le Dialogue inter-religieux sont aussi pour vous des interlocuteurs qui souhaitent faciliter votre mission et contribuer à l’élan nouveau de vos communautés chrétiennes.


125 En vous remettant la présente Exhortation, chers fils et filles du Liban, je vous renouvelle ma confiance et, comme le Christ, je vous envoie dans le monde, pour être des témoins de la foi, de l’espérance et du salut. Que la grâce du Christ vous remplisse de charité! Les efforts de chacun par amour pour le Seigneur et pour son Eglise porteront de nombreux fruits pour la vie ecclésiale et pour la société libanaise tout entière. Alors, le Liban, l’heureuse montagne, qui a vu se lever la Lumière des Nations, le Prince de la Paix, pourra pleinement refleurir; il répondra à sa vocation d’être lumière pour les peuples de la région et signe de la paix qui vient de Dieu. Ainsi l’Eglise en ce pays fera la joie de son Dieu (cf. Ct 4,8).

Au seuil du troisième millénaire, j’appelle instamment les fidèles de l’Eglise catholique et des autres Eglises et Communautés chrétiennes à se préparer au Grand Jubilé de l’An 2000, pour être renouvelés par le Christ et pour renouveler la face de la terre, afin «que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité» (1Tm 2,4). Ainsi, la Bonne Nouvelle du Salut sera pour tous les hommes source de force, de joie et d’espérance; alors le peuple «poussera comme un palmier, il grandira comme un cèdre du Liban» (Ps 92 [91], 13). Donné à Beyrouth, le 10 mai 1997, à l’occasion de ma visite pastorale au Liban, en la dix-neuvième année de mon pontificat.

Donné à Beyrouth, le 10 mai 1997, à l'occasion de ma visite pastorale au Liban, en la dix-neuvième année de mon pontificat.



IOANNES PAULUS PP. II




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Espérance Liban 108