Familiaris consortio FR 68

68 Précisément parce que, dans la célébration du mariage, une attention toute spéciale doit être réservée aux dispositions morales et spirituelles des fiançés, en particulier à leur foi, il faut aborder ici une difficulté qui n'est pas rare, et que peuvent rencontrer les pasteurs de l'Eglise dans le contexte de notre société sécularisée.
En effet, la foi de celui qui demande à l'Eglise de se marier peut exister à des degrés divers, et c'est le devoir primaire des pasteurs de la faire redécouvrir, de la nourrir et de l'amener à maturité. Mais ils doivent aussi comprendre les raisons qui conseillent à l'Eglise d'admettre à la célébration même celui qui est imparfaitement disposé.
Parmi tous les sacrements, celui du mariage a ceci de spécifique d'être le sacrement d'une réalité qui existe déjà dans l'économie de la création, d'être lui-même le pacte conjugal institué par le Créateur "au commencement". Par conséquent, la décision de l'homme et de la femme de s'épouser selon ce projet divin, autrement dit la décision d'engager toute leur vie par leur consentement conjugal irrévocable dans un amour indissoluble et dans une fidélité sans conditions, implique réellement, même si ce n'est pas d'une manière pleinement consciente, une attitude de profonde obéissance à la volonté de Dieu, qui ne peut exister sans sa grâce. Ils sont donc déjà entrés dans un véritable cheminement de salut, que la célébration du sacrement et sa préparation immédiate peuvent compléter et porter à terme, étant donné la rectitude de leur intention.
Il est vrai, d'autre part, que, en certains territoires, des motifs de caractère plus social qu'authentiquement religieux poussent les fiancés à demander de se marier à l'église. Cela n'est pas étonnant. Le mariage, en effet, n'est pas un événement qui regarde seulement ceux qui se marient. Il est aussi, par sa nature même, un fait social qui engage les époux devant la société. Et depuis toujours sa célébration a été une fête, qui unit familles et amis. Il va donc de soi que des motifs sociaux entrent, en même temps que des motifs personnels, dans la demande du mariage à l'église.
Cependant, il ne faut pas oublier que ces fiancés, en vertu de leur baptême, sont déjà réellement insérés dans l'Alliance nuptiale du Christ avec l'Eglise, et que par leur intention droite ils ont accueilli le projet de Dieu sur le mariage: par conséquent, au moins implicitement, ils consentent à ce que l'Eglise entend faire lorsqu'elle célèbre le mariage. Aussi, le seul fait que, dans leur demande, il entre également des motifs de caractère social, ne justifie pas un refus éventuel de la part des pasteurs. Du reste, comme l'a enseigné le Concile Vatican II, les sacrements, grâce aux paroles et aux éléments du rite, nourrissent et fortifient la foi (cf.
SC 59): cette foi vers laquelle les fiancés sont déjà en chemin en vertu de la rectitude de leur intention, que la grâce du Christ ne manque assurément pas de favoriser et de soutenir.
Vouloir établir d'ultérieurs critères d'admission à la célébration ecclésiale du mariage, qui devraient concerner le degré de foi des fiancés, comporte en outre de graves risques. Avant tout, celui de prononcer des jugements infondés et discriminatoires ; le risque ensuite de soulever des doutes sur la validité de mariages déjà célébrés, non sans grave dommage pour les communautés chrétiennes, et de nouvelles inquiétudes injustifiées dans la conscience des époux; on tomberait dans le danger de contester ou de mettre en doute la sacramentalité de nombreux mariages de frères séparés de la pleine communion avec l'Eglise catholique, contredisant en cela la tradition ecclésiale.
Lorsque, au contraire, malgré toutes les tentatives qu'on a pu faire, les fiancés manifestent leur refus explicite et formel de ce que l'Eglise entend faire quand est célébré un mariage de baptisés, le pasteur d'âmes ne peut les admettre à la célébration. Même si c'est à contre coeur, il a le devoir de prendre acte de la situation et de faire comprendre aux intéressés que, les choses étant ce qu'elles sont, ce n'est pas l'Eglise, mais eux-mêmes qui empêchent la célébration que pourtant ils demandent.
Encore une fois apparaît dans toute son urgence la nécessité d'une évangélisation et d'une catéchèse pré-matrimoniales et post- matrimoniales à mettre en oeuvre par toute la communauté chrétienne, pour permettre à tout homme et à toute femme qui se marient de célébrer le sacrement de mariage non seulement validement, mais encore avec fruit.

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Pastorale post-matrimoniale

69. La sollicitude pastorale pour la famille régulièrement constituée signifie, concrètement, l'engagement de toutes les instances de la communauté ecclésiale locale pour aider le couple à découvrir et à vivre sa vocation et sa mission nouvelles. Pour que la famille devienne toujours davantage une vraie communauté d'amour, il est nécessaire que tous ses membres soient aidés et formés à leurs responsabilités en face des nouveaux problèmes qui se présentent, au service réciproque, à la participation à la vie de la famille.
Cela vaut surtout pour les jeunes familles qui, se trouvant dans un contexte de nouvelles valeurs et de nouvelles responsabilités, sont plus exposées, spécialement dans les premières années du mariage, à d'éventuelles difficultés, comme celles qui proviennent de l'adaptation à la vie en commun ou de la naissance des enfants. Les jeunes époux sauront accueillir cordialement et utiliser intelligemment l'aide discrète, délicate et généreuse d'autres couples qui vivent déjà depuis un certain temps l'expérience du mariage et de la famille. Ainsi, au sein de la communauté ecclésiale - grande famille formée de familles chrétiennes - se réalisera un échange mutuel, fait de présence et d'entraide, entre toutes les familles, chacune mettant au service des autres son expérience humaine, comme aussi les dons de la foi et de la grâce. Animée par un véritable esprit apostolique, cette entraide de famille à famille constituera l'un des moyens les plus simples, les plus efficaces et à la porté de tous pour répandre de proche en proche les valeurs chrétiennes qui sont le point de départ et le point d'aboutissement de toute charge pastorale. De cette façon, les jeunes familles ne se borneront pas à recevoir, mais à leur tour, grâce à cette aide, elles deviendront, par leur témoignage de vie et leur contribution active, une source d'enrichissement pour les autres familles qui sont fondées depuis un certain temps.
Dans l'action pastorale vis-à-vis des jeunes familles, l'Eglise devra aussi s'appliquer spécialement à les éduquer à vivre l'amour conjugal de façon responsable, en rapport avec ses exigences de communion et de service de la vie, et de même leur apprendre à concilier l'intimité de la vie de foyer avec la tâche généreuse qui incombe à tous d'édifier l'Eglise et la société humaine. Lorsque, avec la venue des enfants, le couple devient une famille au sens plénier et spécifique du terme, l'Eglise sera encore proche des parents pour leur permettre d'accueillir leurs enfants et de les aimer comme un don reçu du Seigneur de la vie, en assumant avec joie la fatigue de les servir dans leur croissance humaine et chrétienne.


II - STRUCTURES DE LA PASTORALE FAMILIALE


L'action pastorale est toujours l'expression dynamique de la réalité de l'Eglise engagée dans sa mission de salut. La pastorale familiale, forme particulière et spécifique de la pastorale, trouve elle aussi dans l'Eglise le principe de son action et son protagoniste responsable, à travers ses structures et ses membres actifs.

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La communauté ecclésiale et en particulier la paroisse

70. Communauté à la fois sauvée et salvatrice, l'Eglise doit être considérée ici dans sa double dimension universelle et particulière. Celle-ci s'exprime et se réalise dans la communauté diocésaine, divisée pour des raisons pastorales en communautés plus petites parmi lesquelles la paroisse a une place à part, vu son importance particulière.
La communion avec l'Eglise universelle, loin de porter atteinte à la valeur et à l'originalité des diverses Eglises particulières, les garantit et les développe ; ces dernières demeurent en effet les agents les plus immédiats et les plus efficaces pour mettre en oeuvre la pastorale familiale. En ce sens, chaque Eglise locale et, en termes plus particuliers, chaque communauté paroissiale doit prendre une plus vive conscience de la grâce et de la responsabilité qu'elle reçoit du Seigneur en vue de promouvoir la pastorale de la famille. Tout plan de pastorale organique, à quelque niveau que ce soit, ne peut jamais omettre de prendre en considération la pastorale de la famille.
C'est à la lumière d'une telle responsabilité qu'il faut comprendre aussi l'importance d'une préparation adéquate pour tous ceux qui seront plus spécifiquement engagés dans ce genre d'apostolat. Les prêtres, les religieux et les religieuses, dès le temps de leur formation, seront orientes et formés de manière progressive et adaptée à leurs tâches respectives. Entre autres initiatives, il me plaît de souligner la récente création à Rome, auprès de l'Université pontificale du Latran, d'un Institut supérieur consacré à l'étude des problèmes de la famille. Dans certains diocèses également des Instituts de ce genre ont été fondés ; les évêques devront faire en sorte que le plus grand nombre possible de prêtres y fréquentent des cours spécialisés, avant d'assumer des responsabilités paroissiales. Ailleurs, des cours de formation sont périodiquement donnés par les Instituts supérieurs d'études théologiques et pastorales. De telles initiatives seront encouragées, soutenues, multipliées et évidemment ouvertes aussi aux laïcs qui y apporteront leur concours professionnel pour aider la famille (au plan de la médecine, du droit, de la psychologie, de la sociologie, de l'éducation).

71

La famille

71. Mais surtout on doit reconnaître la place singulière que tient en ce domaine la mission des conjoints et des familles chrétiennes, en vertu de la grâce reçue dans le sacrement. Une telle mission doit être mise au service de l'édification de l'Eglise, de la construction du Royaume de Dieu dans l'histoire. Cela est requis comme un acte d'obéissance docile au Christ Seigneur. C'est lui qui, en effet, par le mariage des baptisés élevé au rang de sacrement, confère aux époux chrétiens une mission particulière d'apôtres, en les envoyant comme ouvriers dans sa vigne et, de façon toute spéciale, dans le champ de la famille.
Dans cette activité, les époux chrétiens agissent en communion et en collaboration avec les autres membres de l'Eglise qui oeuvrent aussi en faveur de la famille, en faisant fructifier leurs dons et leurs ministères. Ils accompliront cet apostolat avant tout au sein de leur propre famille, par le témoignage d'une vie vécue en conformité avec la loi divine sous tous ses aspects, par la formation chrétienne des enfants, par l'aide apportée à leur maturation dans la foi, par l'éducation à la chasteté, par la préparation à la vie, par le soin accordé à les préserver des dangers idéologiques et moraux dont souvent ils sont menacés, par leur insertion progressive, avec responsabilité, dans la communauté ecclésiale et dans la communauté civile, par l'assistance et les conseils dans le choix de leur vocation, par l'aide mutuelle entre les membres de la famille pour leur croissance commune au plan humain et chrétien, et ainsi de suite. Par ailleurs, l'apostolat de la famille s'épanouira sous forme d'oeuvres de charité spirituelle et matérielle envers les autres familles, spécialement envers celles qui ont le plus besoin d'entraide et de soutien, envers les pauvres, les malades, les personnes âgées, les handicapés, les orphelins, les veuves, les époux abandonnés, les mères célibataires et celles qui, dans des situations difficiles, sont tentées de se défaire du fruit de leur sein, etc.

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Les associations de familles au service des familles

72. Toujours dans le cadre de l'Eglise, sujet responsable de la pastorale familiale, il faut rappeler les divers regroupements de fidèles, dans lesquels se manifeste et se vit dans une certaine mesure le mystère de l'Eglise du Christ. Il importe donc de reconnaître et de valoriser les communautés ecclésiales, les groupes et les nombreux mouvements engagés de diverse manière, à des titres variés et à différents niveaux dans la pastorale familiale, en tenant compte pour chacun des caractéristiques, de la finalité, de l'impact et des méthodes propres.
Pour ce motif, le Synode a expressément reconnu l'apport utile de telles associations de spiritualité, de formation et d'apostolat. Leur rôle sera de susciter chez les fidèles un sens aigu de la solidarité, de favoriser une conduite de vie inspirée de l'Evangile et de la foi de l'Eglise, de former les consciences selon les valeurs chrétiennes et non d'après les critères de l'opinion publique, d'encourager les oeuvres de charité orientées vers l'entraide mutuelle et vers les autres avec un esprit d'ouverture qui fasse des familles chrétiennes une véritable source de lumière et un ferment sain pour les autres familles.
Il est également désirable que, selon un sens très vif du bien commun, les familles chrétiennes s'engagent activement, à tous les niveaux, dans d'autres associations non ecclésiales. Certaines de ces associations se proposent la préservation, la transmission et la sauvegarde des vraies valeurs éthiques et culturelles du peuple auquel elles appartiennent, le développement de la personne humaine, la protection médicale, juridique et sociale de la maternité et de l'enfance, la juste promotion de la femme et la lutte contre tout ce qui blesse sa dignité, l'accroissement de la solidarité mutuelle, la connaissance des problèmes liés à la régulation responsable de la fécondité selon les méthodes naturelles conformes à la dignité humaine et à la doctrine de l'Eglise. D'autres visent la construction d'un monde plus équitable et plus humain, la promotion de lois justes favorisant l'ordre social qui convient dans le plein respect de la dignité et de toutes les libertés légitimes de l'individu et de la famille, au niveau national comme au niveau international, la collaboration avec l'école et avec les autres institutions qui complètent l'éducation des enfants, et ainsi de suite.


III - LES RESPONSABLES DE LA PASTORALE FAMILIALE


En plus de la famille - qui est l'objet, mais avant tout le sujet de la pastorale familiale -, il convient de rappeler aussi les autres responsables principaux dans ce secteur particulier.

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Les évêques et les prêtres

73. Le premier responsable de la pastorale familiale dans le diocèse est l'évêque. Comme père et pasteur, il doit être particulièrement soucieux de ce secteur, sans aucun doute prioritaire, de la pastorale. Il doit lui consacrer intérêt, sollicitude, temps, personnel, ressources: mais par-dessus tout, il doit apporter un appui personnel aux familles et à tous ceux qui, dans les diverses structures diocésaines, l'assistent dans la pastorale de la famille. Il aura particulièrement à coeur la volonté de faire en sorte que son diocèse soit toujours davantage une véritable "famille diocésaine", modèle et source d'espérance pour tant de familles qui en font partie. La création du Conseil pontifical pour la Famille est à considérer dans ce contexte : il est fait pour être un signe de l'importance que j'attribue à la pastorale de la famille dans le monde, et en même temps un instrument efficace pour aider à la promouvoir à tous les niveaux.
Les évêques sont aidés en particulier par les prêtres dont la tâche - comme l'a expressément souligné le Synode - constitue une partie essentielle du ministère de l'Eglise à l'égard du mariage et de la famille. On doit dire la même chose des diacres auxquels sera éventuellement confiée la charge de ce secteur pastoral.
Leur responsabilité s'étend non seulement aux problèmes moraux et liturgiques, mais aussi aux problèmes de caractère personnel et social. Ils doivent soutenir la famille dans ses difficultés et ses souffrances, en se tenant aux côtés de ses membres, en les aidant à voir leur vie à la lumière de l'Evangile. Il n'est pas superflu de noter que, dans cette mission, exercée avec le discernement qui convient et un véritable esprit apostolique, le ministre de l'Eglise puise un nouveau stimulant et de nouvelles énergies pour sa propre vocation et pour l'exercice même de son ministère.
Préparés à cet apostolat en temps utile et de façon sérieuse, le prêtre et le diacre doivent se comporter constamment, au regard des familles, comme des pères, des frères, des pasteurs et des maîtres, en les aidant avec le secours de la grâce et en les éclairant avec la lumière de la vérité. Leur enseignement et leurs conseils devront donc être toujours en pleine consonance avec le Magistère authentique de l'Eglise, de manière à aider le peuple de Dieu à se former un sens exact de la foi à appliquer ensuite à la vie concrète. Cette fidélité au Magistère permettra aussi aux prêtres de veiller avec grand soin à maintenir l'unité dans leurs façons de juger, afin d'éviter aux fidèles des troubles de conscience.
Les pasteurs et les laïcs participent dans l'Eglise à la mission prophétique du Christ : les laïcs, en témoignant de la foi par la parole et par la vie chrétienne; les pasteurs, en discernant dans ce témoignage ce qui est expression de foi authentique et ce qui correspond moins à la lumière de la foi ; la famille, en tant que communauté chrétienne, grâce à sa participation spéciale et à son témoignage de foi. Ainsi s'établit un dialogue entre les pasteurs et les familles. Les théologiens et les experts des problèmes familiaux peuvent favoriser grandement ce dialogue, en exposant exactement le contenu du Magistère de l'Eglise et celui de l'expérience de la vie de famille. En ce sens, l'enseignement du Magistère se comprend mieux et le chemin vers son développement progressif devient plus facile. Il est toutefois utile de rappeler que la norme prochaine et obligatoire dans la doctrine de la foi - cela concerne aussi les problèmes de la famille - appartient au Magistère hiérarchique. Des rapports clairs entre les théologiens, les experts des problèmes familiaux et le Magistère aident passablement à l'intelligence correcte de la foi et à la promotion d'un légitime pluralisme dans les limites de cette foi.

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Religieux et religieuses

74. La contribution que les religieux et les religieuses, ainsi que les âmes consacrées en général, peuvent apporter à l'apostolat de la famille trouve son expression première, fondamentale et originale précisément dans leur consécration à Dieu : grâce à celle-ci, "ils évoquent aux yeux de tous les fidèles cette admirable union établie par Dieu et qui doit être pleinement manifestée dans le siècle futur, par laquelle l'Eglise a le Christ comme unique époux"; PC 12 cette consécration fait d'eux des témoins de la charité universelle qui, par la chasteté embrassée pour le Royaume des cieux, les rend toujours plus disponibles pour se consacrer généreusement au service de Dieu et aux oeuvres d'apostolat.
C'est dire la possibilité qu'ont les religieux et les religieuses, les membres des Instituts séculiers ou d'autres Instituts de perfection, à titre individuel ou associés, d'apporter eux aussi aux familles un certain service, avec une particulière sollicitude pour les enfants, surtout s'ils sont abandonnés, non désirés, orphelins, pauvres ou handicapés ; et cela, en visitant les familles et en prenant soin des malades ; en entretenant des rapports de respect et de charité avec les familles incomplètes, en difficulté ou désunies ; en proposant enseignement et conseils pour préparer les jeunes au mariage et aider les couples dans le problème de la procréation vraiment responsable ; en ouvrant leurs maisons à l'hospitalité avec simplicité et cordialité, afin que les familles puissent y trouver le sens de Dieu, le goût de la prière et du recueillement, l'exemple concret d'une vie vécue dans la charité et dans la joie fraternelle convenant aux membres de la grande famille de Dieu.
Je voudrais ajouter, pour les responsables des Instituts de vie consacrée, une exhortation plus pressante à bien vouloir considérer - toujours dans le respect de l'essentiel de leur charisme propre et originel - l'apostolat au service des familles comme une de leurs tâches prioritaires, rendue plus urgente par la situation présente.

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Laïcs spécialisés

75. Une aide sérieuse peut être apportée aux familles par les laïcs spécialisés (médecins, hommes de loi, psychologues, assistants sociaux et assistantes sociales, conseillers, etc.) : soit individuellement, soit engagés en diverses associations ou initiatives, ils prêtent leur concours pour les éclairer, les conseiller, les orienter, les soutenir. On peut bien leur appliquer les exhortations que j'ai eu l'occasion d'adresser à la Confédération des consulteurs familiaux d'inspiration chrétienne: Votre engagement mérite bien d'être qualifié de "mission", tant sont nobles les fins que vous poursuivez et si déterminants, pour le bien de la société et de la communauté chrétienne elle-même, les résultats qui en découlent... Tout ce que vous parviendrez à faire pour soutenir la famille est destiné à avoir une efficacité qui, débordant ses propres limites, atteindra encore d'autres personnes et influencera la société. L'avenir du monde et de l'Eglise passe par la famille". (JP II Discours à la Confédération des conseillers familiaux, 29/11/1980)

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Usagers et artisans des moyens de communication sociale

76. Une parole particulière doit être réservée à cette catégorie si importante dans la vie moderne. On sait bien que les instruments de communication sociale "affectent, profondément parfois, le psychisme des usagers, tant sous l'aspect affectif et intellectuel que dans le domaine moral et même religieux", spécialement chez les jeunes. (Paul VI, Message pour la IIIe journée des communications sociales 7/4/1969) Ils peuvent donc exercer une influence bénéfique sur la vie et sur les habitudes de la famille comme sur l'éducation des enfants, mais en même temps il cachent aussi "des pièges et des périls qu'on ne saurait négliger ", (JP II, Message pour la journée mondiale des communications sociales 1/5/1980) et ils pourraient devenir le véhicule - parfois habilement et systématiquement manoeuvré, comme il arrive, hélas, en divers pays du monde - d'idéologies destructrices ou de visions déformées de la vie, des familles, de la religion, de la moralité, en ne respectant pas la vraie dignité et le destin de l'homme.
Le péril est d'autant plus réel que "le style de vie, particulièrement au sein des nations industrialisées, entraîne souvent les familles à se décharger de leur responsabilité éducative. La facilité des occasions d'évasion (représentées à la maison par la télévision et certaines publications) permet d'occuper le temps libre et les activités des enfants et des jeunes" (JP II, Message pour la journée mondiale des communications sociales 10/5/1981) D'où "le devoir... de protéger avec soin les jeunes des "agressions" qu'ils subissent sous l'influence des mass media", en veillant à ce que l'usage de ceux- ci dans la famille soit réglé avec sagesse. C'est ainsi également que la famille devrait avoir à coeur de chercher, pour les enfants, d'autres divertissements plus sains, plus utiles et plus formateurs, au point de vue physique, moral et spirituel, "pour promouvoir et valoriser le temps libre des jeunes et mieux orienter leurs énergies". (JP II, Message pour la journée mondiale des communications sociales 10/5/1981)
En outre, vu que les instruments de communication sociale - comme d'ailleurs l'école et le milieu - ont un impact souvent considérable sur la formation des enfants, les parents doivent, en tant qu'usagers, prendre une part active dans l'utilisation modérée, critique, vigilante et prudente de ces moyens, en déterminant leur part d'influence sur leurs enfants, et dans l'intervention qui vise à "éduquer les consciences à porter elles- mêmes des jugements sereins et objectifs, qui les amèneront à accepter ou à refuser tels ou tels des programmes proposés". (Paul VI, Message pour la IIIe journée des communications sociales 7/4/1969)
Les parents feront un effort semblable pour chercher à avoir une influence sur le choix et la préparation des programmes eux- mêmes, en prenant les initiatives qui conviennent pour garder le contact avec les responsables des diverses instances de la production et de la transmission, afin de s'assurer qu'on ne passe pas abusivement sous silence les valeurs humaines fondamentales qui font partie du véritable bien commun de la société, et à plus forte raison qu'on ne leur porte pas expressément atteinte, mais qu'au contraire soient diffusés des programmes aptes à présenter, dans leur juste lumière, les problèmes de la famille et leur solution adéquate. A ce propos, mon prédécesseur Paul VI écrivait

"Les producteurs doivent connaître et respecter les exigences de

la famille. Et cela suppose parfois chez eux un grand courage et toujours un très haut sens de responsabilité. Ils doivent en effet s'interdire... tout ce qui peut blesser la famille, dans son existence, sa stabilité, son équilibre, son bonheur ; car toute atteinte aux valeurs fondamentales de la famille - qu'il s'agisse d'érotisme ou de violence, d'apologie du divorce ou des attitudes antisociales des jeunes - est une atteinte au vrai bien de l'homme". (Paul VI, Message pour la IIIe journée des communications sociales 7/4/1969)
Et moi-même, dans une occasion analogue, je soulignais que les familles "doivent pouvoir compter largement sur la bonne volonté, la droiture et le sens des responsabilités des professionnels des mass media : éditeurs, écrivains, producteurs, directeurs, dramaturges, informateurs, commentateurs et acteurs". (JP II, Message pour la journée mondiale des communications sociales 10/5/1981) C'est pourquoi l'Eglise aussi a le devoir de continuer à consacrer tous les efforts voulus à ces catégories de responsables, tout en encourageant et en soutenant en même temps les catholiques qui se sentent appelés à s'engager dans ces secteurs délicats et qui en ont les capacités.

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IV LA PASTORALE FAMILIALE DANS LES CAS DIFFICILES


Circonstances particulières

77. Un engagement pastoral faisant plus encore appel à la générosité, à l'intelligence et à la prudence, selon l'exemple du Bon Pasteur, est nécessaire à l'égard des familles qui, souvent indépendamment de leur propre volonté ou sous le coup d'autres exigences de nature diverse, se trouvent devoir affronter des situations objectivement difficiles.
A ce sujet, il est nécessaire d'attirer spécialement l'attention sur quelques catégories particulières qui ont davantage besoin non seulement d'assistance, mais d'une action plus décisive sur l'opinion publique et surtout sur les structures culturelles, économiques et juridiques, afin d'éliminer au maximum les causes profondes de leurs difficultés.
Telles sont, par exemple, les familles de ceux qui émigrent pour des raisons de travail ; les familles de ceux qui sont astreints à de longues absences comme par exemple les militaires, les navigateurs, les voyageurs de toute sorte ; les familles des prisonniers, des réfugiés et des exilés ; les familles qui, dans les grandes cités, vivent pratiquement en marge des autres ; celles qui n'ont pas de maison ; celles qui sont incomplètes ou ne comportent que l'un des parents ; les familles qui ont des enfants handicapés ou drogués ; les familles d'alcooliques ; celles qui sont déracinées de leur milieu culturel et social ou qui risquent de le perdre ; celles qui souffrent de discrimination pour des motifs politiques ou pour d'autres raisons ; les familles divisées au plan idéologique ; celles qui ne parviennent pas à avoir facilement un contact avec la paroisse ; celles qui subissent la violence ou d'injustes traitements à cause de leur foi ; celles qui sont composées d'époux encore mineurs ; les personnes âgées plus d'une fois contraintes à vivre dans la solitude et sans les moyens de subsistance qu'il faudrait.
Les familles des migrants, spécialement lorsqu'il s'agit d'ouvriers ou de paysans, doivent pouvoir trouver partout dans l'Eglise une patrie qui soit leur. Il y a là un devoir naturel pour l'Eglise, elle qui est signe d'unité dans la diversité. Les migrants seront assistés autant que possible par des prêtres de leur rite, de leur culture, de leur langue. Il appartient à l'Eglise de faire appel à la conscience des citoyens et à tous ceux qui ont une autorité dans la vie sociale, économique et politique, afin que les ouvriers trouvent du travail dans leur propre région et dans leur patrie, qu'ils reçoivent un juste salaire, que les familles soient le plus tôt possible réunies, qu'elles soient prises en considération dans leur identité culturelle, qu'elles soient traitées à l'égal des autres et que leurs enfants aient la possibilité de bénéficier d'une formation professionnelle et d'exercer leur profession, comme aussi de posséder la terre nécessaire à leur travail et à leur subsistance.
Un problème difficile est celui des familles divisées au plan idéologique. Ces cas requièrent une préoccupation pastorale particulière. Il faut avant tout maintenir, avec la discrétion voulue, un contact personnel avec de telles familles. Les croyants doivent être fortifiés dans la foi et soutenus dans leur vie chrétienne. Même si la partie fidèle au catholicisme ne peut céder, il est nécessaire que soit toujours maintenu vivant le dialogue avec l'autre partie. Il importe de multiplier les manifestations d'amour et de respect, dans la ferme espérance de maintenir fortement l'unité. Cela dépend beaucoup aussi des rapports entre les parents et leurs enfants. Les idéologies étrangères à la foi peuvent du reste stimuler les membres croyants de la famille à croître dans la foi et dans le témoignage de leur amour.
D'autres moments difficiles où la famille a besoin de l'aide de la communauté ecclésiale et de ses pasteurs peuvent être : l'adolescence des enfants, agitée, contestataire et parfois même tumultueuse ; leur mariage, qui les sépare de leur famille d'origine ; l'incompréhension ou le manque d'amour de la part des personnes les plus chères ; le fait d'être abandonné par son conjoint ou de le perdre, ce qui ouvre la porte à la douloureuse expérience du veuvage ; la mort d'un membre de la famille qui mutile et transforme en profondeur le noyau originel de la famille.
De même, l'Eglise ne peut négliger l'étape de la vieillesse, avec tout ce qu'elle comporte de positif et de négatif : approfondissement possible de l'amour conjugal toujours plus purifié et qui bénéficie de la longue fidélité ininterrompue ; disponibilité à mettre au service des autres, sous une forme nouvelle, la bonté et la sagesse accumulées et les énergies qui demeurent ; mais aussi solitude pesante, plus souvent psychologique et affective que physique, à cause de l'éventuel abandon ou d'une insuffisante attention de la part des enfants ou des membres de la parenté ; souffrance provenant de la maladie, du déclin progressif des forces, de l'humiliation de devoir dépendre des autres, de l'amertume de se sentir peut-être à charge à ceux qui sont chers, de l'approche des derniers moments de la vie. Voilà les occasions dans lesquelles - comme l'ont suggéré les Pères du Synode - on peut plus facilement faire comprendre et faire vivre les aspects élevés de la spiritualité du mariage et de la famille, qui trouvent leur inspiration dans la valeur de la croix et de la résurrection du Christ, source de sanctification et de profonde joie dans la vie quotidienne, dans la perspective des grandes réalités eschatologiques de la vie éternelle.
Dans toutes ces situations, on n'omettra jamais la prière, source de lumière et de force en même temps qu'aliment de l'espérance chrétienne.


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