Gravissimum educationis 2




Déclaration sur l’éducation chrétienne




999 L’importance capitale de l’éducation dans la vie des hommes et son influence toujours plus grande sur le progrès social du temps présent sont pour le saint Concile oecuménique l’objet d’une réflexion attentive 1. De fait, l’éducation des jeunes et même une certaine formation permanente des adultes sont rendues à la fois plus faciles et plus urgentes en raison des conditions de notre temps. En effet, les hommes, devenus plus pleinement conscients de leur dignité et de leurs devoirs propres, souhaitent participer toujours plus activement à la vie sociale, et surtout à la vie économique et politique 2 ; les merveilleux progrès de la technique et de la recherche scientifique, les nouveaux moyens de communication sociale fournissent aux hommes, qui disposent dorénavant de plus de loisirs, l’occasion d’accéder plus facilement au patrimoine de la culture intellectuelle et spirituelle et de se compléter mutuellement grâce à des relations plus étroites entre les groupes ou entre les peuples eux-mêmes. C’est pourquoi on s’efforce partout de développer toujours plus l’oeuvre d’éducation ; les droits primordiaux des hommes, et particulièrement des enfants et des parents, relatifs à l’éducation, sont mis en valeur et consignés dans des documents publics 3 ; en raison de l’accroissement rapide du nombre des élèves, les écoles se multiplient largement et se perfectionnent, et d’autres institutions d’éducation sont fondées ; les méthodes d’éducation et d’enseignement sont améliorées grâce à des expériences nouvelles ; des efforts de grande valeur sont déployés pour procurer ces biens à tous les hommes, même si un très grand nombre d’enfants et de jeunes sont encore privés de l’instruction même élémentaire et même si tant d’autres manquent de l’éducation convenable par laquelle sont cultivées à la fois la vérité et la charité. Mais, comme la sainte Mère Église, pour s’acquitter de la charge que lui a confiée son divin fondateur d’annoncer à tous les hommes le mystère du salut et de tout restaurer dans le Christ, doit se soucier de la vie intégrale de l’homme, même de la vie terrestre, dans la mesure où elle est liée à sa vocation céleste 4, elle a son rôle à jouer pour le progrès et pour une diffusion plus large de l’éducation. Par conséquent, le saint Concile proclame quelques principes fondamentaux qui sont relatifs à l’éducation chrétienne, surtout dans les écoles : une commission spéciale devra, après le Concile, les exposer plus en détail et les conférences épiscopales devront les appliquer en fonction des diverses situations de leurs régions.

1 Parmi les nombreux documents qui montrent l’importance de l’éducation, cf. tout d’abord : Benoît XV, lettre apost. Communes litteras, 10 avr. 1919, AAS 11 (1919), p. 172. - Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, 31 déc. 1929, AAS 22 (1930), p. 49-86. - Pie XII, allocution aux jeunes de l’ACI, 20 avr. 1946, Discorsi e Radiomessaggi VIII, p. 53-57. - Alloc. aux pères de famille de France, 18 sept. 1951, Discorsi e Radiomessaggi XIII, p. 241-245. - Jean XXIII, message pour le 30' anniversaire de l’encycl. Divini Illius Magistri, 30 déc. 1959, ASS 52 (1960), p. 57-59. - Paul VI, alloc. aux membres de la FIDAE (Fédération des Instituts dépendant de l’autorité ecclésiastique), 30 déc. 1963, Encicliche e Discorsi di S. S. Paolo VI, I, Roma, 1964, p. 601-603. — Voir également Acta et Documenta Concilio OEcumenico Vaticano II apparando, série I, Antepraeparatoria, vol. III, p. 363-364, 370-371, 373-374.
2 Cf. Jean XXIII, cncycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 413, 415-417, 424. - Encycl. Pacem in terris. 1 1 avr. 1963, AAS 55 (1963), p. 278 s.
3 Cf. Déclaration universelle des droits de l’homme approuvée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 10 déc 1948, et Déclaration des droits de l’enfant, 20 nov. 1959. Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Paris, 20 mars 1952 ; au sujet de cette déclaration universelle des droits de l’homme, cf. Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11 avr. 1963, AAS 55 (1963), p. 295 s.
4 Cf. Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 402. - Conc. Vat. Il, const. dogm. Lumen Gentium, n. 17, AAS 57 (1965), p. 21. (Voir plus haut p. 92.)

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1 Tous les hommes de n’importe quelle race, condition ou âge, possèdent, en tant qu’ils jouissent de la dignité de personne, un droit inaliénable à une éducation 5 qui réponde à leur fin propre6, qui soit adaptée à leur caractère propre, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions de leur pays, et qui soit ouverte en même temps à l’union fraternelle avec d’autres peuples en vue de favoriser l’unité et la paix véritables dans le monde. Or, le but que poursuit la véritable éducation est la formation de la personne humaine ordonnée à la fin suprême de celle-ci en même temps qu’au bien des communautés dont l’homme est membre et dont il partagera les obligations, une fois qu’il sera devenu adulte.

Il faut donc aider les enfants et les adolescents, en tenant compte des progrès des sciences psychologique, pédagogique et didactique, à développer harmonieusement leurs aptitudes physiques, morales et intellectuelles, à acquérir peu à peu un sens plus aigu de leur responsabilité dans l’effort incessant pour bien conduire leur propre vie et pour atteindre la vraie liberté, en surmontant les obstacles avec courage et constance. Qu’ils reçoivent une éducation sexuelle positive et prudente, progressant à mesure qu’ils grandissent. Qu’ils reçoivent, en outre, une formation en vue de la participation à la vie sociale, de telle sorte que, convenablement pourvus des moyens nécessaires et opportuns, ils soient capables de s’insérer de façon active dans les différents groupes de la communauté humaine, qu’ils s’ouvrent au dialogue avec d’autres et qu’ils oeuvrent de bon coeur pour faire progresser le bien commun.

De même, le saint Concile proclame le droit qu’ont les enfants et les adolescents d’être encouragés à apprécier les valeurs morales avec une conscience droite, à les embrasser par une adhésion personnelle, et à connaître et aimer Dieu de façon plus parfaite. C’est pourquoi il demande instamment à tous ceux qui gouvernent les peuples ou qui sont préposés à l’éducation de veiller à ce que jamais la jeunesse ne soit privée de ce droit sacré. Et il exhorte les enfants de l’Église à fournir généreusement leur concours dans tous les domaines de l’éducation, particulièrement à cette fin que les bienfaits d’une éducation et d’une instruction convenables puissent s’étendre plus rapidement à tous, partout sur terre7.

5 Pie XII, radlomcuagc du 24 déc. 1942, AAS 35 (1943), p. 12, 19. -Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11 avr. 1963, AAS 55 (1961), p. 259 s. Cf. la déclaration des droits de l’homme citée dans la note 3.
6 Cf. Pie XI, encycl. Dwtni Illius Magistri, 31 déc. 1929, AAS 22 (1930), p. 50.
7 Cf. Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 441 s.


2 Du fait que tous les chrétiens, devenus créatures nouvelles en renaissant de l’eau et de l’Esprit Saint8, sont appelés enfants de Dieu et le sont, ils ont droit à une éducation chrétienne. Celle-ci à la vérité ne cherche pas seulement à faire acquérir la maturité de la personne humaine décrite plus haut, mais vise principalement à ce que les baptisés, introduits progressivement dans la connaissance du mystère du salut, deviennent toujours plus conscients du don de la foi qu’ils ont reçu, qu’ils apprennent à adorer Dieu le Père en esprit et en vérité (cf. Jn 4,23), avant tout dans l’action liturgique, qu’ils soient formés à mener leur propre vie selon l’homme nouveau dans une justice et une sainteté véritables (Ep 4,22-24), que de cette façon, ils parviennent à l’état d’homme parfait, à l’âge de la plénitude du Christ (Ep 4,13), et apportent leur contribution à la croissance du Corps mystique. En outre, conscients de leur vocation, ils doivent s’habituer à rendre témoignage de l’espérance qui est en eux (1P 3,15) et aussi à aider à une transformation du monde selon la vision chrétienne, par laquelle les valeurs naturelles, assumées dans une vision globale de l’homme racheté par le Christ, contribuent au bien de toute la société9. C’est pourquoi ce saint Concile rappelle aux pasteurs des âmes le très grave devoir qu’ils ont de prendre toutes les dispositions pour que tous les fidèles bénéficient de cette éducation chrétienne, et avant tout les jeunes qui sont l’espoir de l’Église 10.

8 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 83.
9 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 36, AAS 57 (1965), p. 41 s. (voir pri24-T.26).
10 Conc. Vat. II, schéma du décret Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques, n. 12-14. (Voir plus haut p. 216-220.)


3 Comme ils ont donné la vie à leurs enfants, les parents sont tenus par la très grave obligation d’élever leurs enfants, et pour cette raison ils doivent être reconnus comme les premiers et principaux éducateurs “. Cette charge de l’éducation est d’une telle importance que, là où elle fait défaut, il est difficile d’y suppléer. En effet, il appartient aux parents de créer une atmosphère familiale, animée par l’amour, la piété envers Dieu et les hommes, telle qu’elle favorise l’éducation intégrale, personnelle et sociale, des enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales dont toutes les sociétés ont besoin. C’est surtout dans la famille chrétienne, enrichie de la grâce et des devoirs du sacrement du mariage, que les enfants, dès le plus jeune âge, doivent, conformément à la foi reçue au baptême, apprendre à reconnaître et à honorer Dieu, et à aimer le prochain ; c’est là qu’ils font la première expérience de ce que sont l’Église et une saine communauté humaine ; enfin, c’est par la famille qu’ils sont peu à peu introduits dans la vie de la société civile et dans le Peuple de Dieu. Que les parents prennent donc conscience de la grande importance d’une famille vraiment chrétienne pour la vie et le progrès du Peuple de Dieu lui-même 12.

La tâche de dispenser l’éducation, qui est en premier lieu du ressort de la famille, requiert l’aide de toute la société. Outre les droits des parents et des autres éducateurs à qui ils confient une partie de leur tâche, des devoirs et des droits déterminés reviennent à la société civile, dans la mesure où il appartient à celle-ci d’organiser ce qui est exigé par le bien commun temporel. Entre autres tâches, il lui revient de promouvoir l’éducation des jeunes de multiples façons : à savoir, protéger les droits et les devoirs des parents et des autres personnes qui prennent leur part dans l’éducation, et leur fournir une aide dans ce but ; assurer l’oeuvre d’éducation, selon le principe de subsidiarité, à défaut d’initiatives prises par les parents et d’autres groupements, en tenant toutefois compte des désirs des parents ; en outre, créer des écoles et des institutions propres, dans la mesure où le bien commun l’exige 13.

Les tâches de l’éducation concernent enfin l’Église pour une raison toute particulière, non seulement parce qu’elle doit être aussi reconnue comme une société humaine capable de donner une éducation, mais surtout parce qu’elle a la charge d’annoncer la voie du salut à tous les hommes, de communiquer la vie du Christ à ceux qui croient et de les aider par une sollicitude constante à atteindre la plénitude de cette vie 13 14. L’Église est donc tenue, comme Mère, de dispenser à ses enfants une éducation qui pénétrera toute leur vie de l’esprit du Christ ; mais en même temps elle offre son aide à tous les hommes pour favoriser la perfection intégrale de la personne humaine, pour assurer le bien de la société terrestre et la construction d’un monde ayant un visage toujours plus humain I5.

11 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 59 s. ; encycl. Mit brennender Sorge, 14 mars 1937, AAS 29 (1937), p. 164 n. Pie XII, allocution au premier congrès national de l’Association italienne des maîtres catholiques (AIMC), H sept. 1946, Discorsi e radiomessaggi VIII, p. 218.
12 Cf. Conc. Var II, consr. dogm. Lumen Gentium, n. 11 et 35, AAS 57 (1965), p. 16 et 40 s. (Voir plus haut p. 82-84 et 122-124.)
13 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 63 s. — Pie XII, radiomessage du 1er juin 1941, AAS 33 (1941), p. 200 ; Allocution au premier congrès national de l’Association italienne des maîtres catholiques, 8 sept. 1946, Discorsi e radiomessaggi Nlll, p. 218. — Sur le principe de subsidiarité, cf. Jean XXIII, encycl. Pacem in terris, 11 avr. 1963, AAS 35 (1963), p. 294.
14 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit. p. 53 s., 56 s. — Encycl. Non ahbiamo bisogno, 29 juin 1931, AAS 23 (1931), p. 311 s. — Pie XII, lettre de la Secrétairerie d’État à la 28' Semaine sociale d’Italie, 20 sept. 1955, L’Osservatore Romano, 29 sept. 1955.
15 L’Église loue les autorités civiles, locales, nationales et internationales qui, conscientes des urgentes nécessités actuelles, font tout ce qu’elles peuvent pour que tous les peuples puissent participer plus pleinement à l’éducation et à la culture. Cf. Paul VI, allocution à l’Assemblée générale de l’ONU, 4 oct. 1965, AAS 57 (1965), p. 877-885.


4 Dans l’accomplissement de sa tâche éducative, l’Église, soucieuse d’utiliser tous les moyens appropriés, s’occupe principalement de ceux qui lui sont propres et dont le premier est la formation catéchétique 16 qui éclaire la foi et la fortifie, nourrit la vie selon l’esprit du Christ, conduit à une participation active et consciente au mystère liturgique 17 et incite à l’action apostolique. L’Église estime aussi beaucoup, cherchant à les pénétrer de son esprit et à les perfectionner, les autres moyens qui relèvent du patrimoine commun de l’humanité et qui contribuent grandement à cultiver les esprits et à former les hommes, comme les moyens de communication sociale 18, les multiples organismes de culture physique et intellectuelle, les associations de jeunes et surtout les écoles.

16 Cf. Pie XI, motu proprio Orbem catholicum, 29 juin 1923, AAS 15 (1923), p. 327-329 ; décret Provido sane, 12 janv. 1933, AAS. 27 (1935), p. 145-152. - Conc. Vat. II, décret Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques, n. 13 et 14. (Voir plus haut p. 218-220.)
17 Cf. Conc. Vat. Il, const. Sacrosanctum Concilium sur la sainte Liturgie, n. 14, AAS 56 (1964), p. 104. (Voir plus haut p. 16.)
18 Cf. Conc. Vat. II, décret Inter mirifice sur les moyens de communication sociale, n. 13 et 14, AAS 56 (1964), p. 149 s. (Voir plus haut p. 60-62).


5 Parmi tous les moyens d’éducation, une importance particulière revient à l’école 19 qui, en vertu de sa mission, tout en cultivant assidûment les facultés intellectuelles, développe la capacité de porter un jugement droit, introduit au patrimoine culturel hérité des générations passées, promeut le sens des valeurs, prépare à la vie professionnelle, favorise les dispositions à bien se comprendre en faisant naître entre les élèves de condition et de caractère différents des relations amicales ; en outre, elle constitue comme un centre à l’activité et au progrès duquel doivent participer les familles, les maîtres, des associations de tous genres qui cherchent à développer la vie culturelle, civique et religieuse, la société civile et toute la communauté humaine.

Belle, et lourde en même temps, est la vocation de tous ceux qui aident les parents à remplir leur devoir et qui, représentant la communauté humaine, assument la charge de l’éducation dans les écoles ; cette vocation requiert des qualités spéciales d’esprit et de coeur, une préparation très soigneuse, la disponibilité continuelle à se renouveler et à s’adapter.

19 Cf. Pie XI, encyclique Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 76 ; Pie XII, allocution à l’Association des maîtres catholiques de Bavière, 31 déc. 1956, Discorsi e radiomessaggi XVIII, p. 746.


6 Il faut que les parents dont le devoir et le droit premiers et inaliénables sont d’éduquer les enfants, jouissent d’une liberté véritable dans le choix de l’école. Les pouvoirs publics, à qui il appartient de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doivent donc, dans le respect de la justice distributive, prendre soin de répartir les fonds publics de telle sorte que les parents puissent choisir avec une réelle liberté, selon leur conscience, les écoles pour leurs enfants 20.

Par ailleurs, il revient à l’Etat de veiller à ce que tous les citoyens puissent parvenir à une participation convenable à la culture et soient préparés comme il se doit à exercer des devoirs et des droits civiques. L’Etat lui-même doit donc protéger le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres et à la qualité des études, s’occuper de la santé des élèves, et, d’une façon générale, développer l’ensemble du système scolaire, en prenant en considération le principe de subsidiarité et donc en excluant toute forme de monopole scolaire, car tout monopole de ce genre est opposé aux droits innés de la personne, au progrès et à la diffusion de la culture elle-même, aux relations pacifiques entre citoyens et au pluralisme aujourd’hui en vigueur dans de nombreuses sociétés 21.

   Le saint Concile exhorte donc les chrétiens à offrir spontanément leur concours soit en vue de l’élaboration de méthodes pédagogiques ou de programmes d’études appropriés, soit en vue de la formation de maîtres qui soient capables d’éduquer les jeunes comme il faut, et à apporter leur soutien, surtout par les associations de parents, à l’ensemble des tâches de l’école et surtout à l’éducation morale qui doit y être donnée22.

20 Cf. Conc. Prov. de Cincinnati III, en 1861, Collectio Lacensis III, col. 1240, c/d. - Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc cil., p. 60, 63 s.
21 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 63 ; encycl. Non abbiamo bisogno, 29 juin 1931, AAS 23 (1931), p. 305. Pie XII, lettre de la Secrétairerie d’État à la 28' Semaine sociale d’Italie, 20 sept. 1955, L'Osservatorc Romano, 29 sept. 1955. - Paul VI, allocution à l’Association chrétienne des ouvriers italiens (ACLI), 6 oct. 1963, Enciciiche e Discorsi di Paolo VI, I, Rome, 1964, p. 230.
22 Cf. Jean XXIII, message pour le 30e anniversaire de la publication de l’encycl. Divini Illius Magistri, 30 déc. 1959, AAS 52 (1960), p. 57.



7          En outre, ayant une vive conscience du très grave devoir qu’elle a de veiller soigneusement à l’éducation morale et religieuse de tous ses enfants, l’Église se doit d’être présente, avec une affection et une aide toutes particulières, auprès de nombreux jeunes qui sont élevés dans des écoles non catholiques : par le témoignage de la vie des enseignants et des directeurs, par l’action apostolique de leurs condisciples 25, et surtout par le ministère des prêtres et des laïcs qui leur transmettent la doctrine du salut d’une manière adaptée à leur âge et aux circonstances et leur apportent une aide spirituelle par des initiatives opportunes selon les conditions de temps et de lieux.

Mais aux parents l’Église rappelle le grave devoir qui leur incombe de tout mettre en oeuvre, même en posant des exigences, pour que leurs enfants puissent bénéficier de ces secours et progresser dans leur formation chrétienne selon un rythme qui s’harmonise avec celui de la formation profane. C’est pourquoi elle félicite les autorités et les sociétés civiles qui, tenant compte du caractère pluraliste de la société d’aujourd’hui et se montrant soucieuses d’une juste liberté religieuse, aident les familles pour que soit donnée à leurs enfants, dans toutes les écoles, une éducation conforme aux principes moraux et religieux propres à ces familles 24.

25 L’Église apprécie beaucoup l’action apostolique que peuvent exercer, également dans ces écoles, les maîtres et les élèves catholiques.
24 Cf. Pie XII, allocution à l’Association des maîtres catholiques de Bavière, 31 déc. 1956, Discorsi e radiomessaggi XVIII, p. 745 s.


8          La présence de l’Église dans le domaine scolaire se manifeste tout particulièrement par l’école catholique. Celle-ci à la vérité, non moins que les autres écoles, poursuit des fins culturelles et vise la formation humaine des jeunes. Mais il lui appartient en propre de créer pour la communauté scolaire une atmosphère imprégnée d’un esprit évangélique de liberté et de charité, d’aider les adolescents à s’épanouir personnellement et en même temps à grandir selon la nouvelle créature qu’ils sont devenus par le baptême et enfin, à ordonner toute la culture humaine à l’annonce du salut de telle sorte que la connaissance progressive que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l’homme, soit illuminée par la foi25. C’est de cette manière que l’école catholique, tout en s’ouvrant comme il se doit aux conditions des temps actuels, éduque ses élèves à faire progresser efficacement le bien de la cité terrestre, et qu’elle les prépare à apporter leur concours pour l’extension du Royaume de Dieu, afin que, par l’exercice d’une vie exemplaire et apostolique, ils deviennent comme un ferment de salut pour la communauté humaine.

Comme l’école catholique peut apporter une si grande contribution au Peuple de Dieu pour l’accomplissement de sa mission et rendre service pour le dialogue entre l’Eglise et la communauté humaine, pour le bénéfice de l’une et de l’autre, elle garde une importance capitale dans les circonstances actuelles. C’est pourquoi le saint Concile proclame à nouveau le droit de l’Eglise, déjà souligné dans de nombreux documents du magistère26, de fonder et de diriger des écoles de tout ordre et de tout degré, et il rappelle que l’exercice d’un tel droit contribue au plus haut point à la sauvegarde de la liberté de conscience, à la protection des droits des parents et au progrès de la culture elle-même.

Les maîtres se souviendront que c’est avant tout d’eux qu’il dépend que l’école catholique puisse traduire dans les faits ses desseins et ses projets 27 28. C’est avec une particulière sollicitude qu’ils doivent être préparés à acquérir les connaissances tant profanes que religieuses, sanctionnées par les titres appropriés, et être initiés aux méthodes pédagogiques en accord avec les découvertes de l’époque actuelle. Unis entre eux et avec les élèves par la charité et pénétrés d’esprit apostolique, ils rendront témoignage, aussi bien par leur vie que par leur enseignement, à l’unique Maître qui est le Christ. Ils travailleront en collaboration, tout d’abord avec les parents ; ensemble avec ceux-ci, ils tiendront convenablement compte, dans toute l’éducation, de la différence des sexes et de la fin particulière assignée à l’un et à l’autre, par la divine Providence, dans la famille et dans la société. Ils s’appliqueront à susciter l’action personnelle chez leurs élèves et, après l’achèvement des études, ils continueront à les suivre, par leurs conseils, par leur amitié, ainsi qu’au moyen d’associations particulières pénétrées d’un véritable esprit d’Église. Le saint Concile déclare que le ministère de ces maîtres est un apostolat au vrai sens du mot, tout à fait adapté et même nécessaire pour notre temps, ainsi qu’un vrai service rendu à la société. Quant aux parents catholiques, le Concile leur rappelle le devoir de confier leurs enfants, où et quand ils le peuvent, à des écoles catholiques, de soutenir celles-ci selon leurs moyens et de collaborer avec celles-ci pour le bien de leurs enfants28.

25 Cf. Conc. Prov. de Westminster, I, de 1852, Collectio Lacensis III, col. 1334, a/b. — Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc cit, p. 77 s. - Pie XII, allocution à l’Association des maîtres catholiques de Bavière, 31 déc. 1956, Discorsi e radiomessaggi XVIII, p. 746. — Paul VI, allocution aux membres de la FIDAE (Fédération des instituts dépendant de l’autorité ecclésiastique), 30 déc. 1963, Encicliche e Discorsi di Paolo VI, I, Rome 1964, p. 602 s.
26 Cf. en premier lieu les documents cités dans la note 1 ; de plus, ce droit de l’Église a été proclamé par de nombreux conciles provinciaux et également dans les plus récentes déclarations de nombreuses conférences épiscopales.
27 Cf. Pie XI, encycl. Divini Illius Magistri, loc. cit., p. 80 s. — Pie XII, allocution à l’Association catholique italienne des maîtres de l’enseignement secondaire (UCIIM), 5 janv. 1954, Discorsi e radiomessaggi XV, p. 551-556. - Jean XXIII, allocution au VIe Congrès de l’Association italienne des maîtres catholiques (AIMC), 5 sept. 1959, Discorsi, Mcssaggi, Colloquii, Rome, 1960, p. 427-431.
28 Cf. Pie XII, allocution à l’Association catholique italienne des maîtres de l’enseignement secondaire (UCIIM), 5 janv. 1954, loc cit, p. 555.


9 Il faut que toutes les écoles qui, d’une manière ou d’une autre, dépendent de l’Église, se conforment de leur mieux à ce modèle de l’école catholique, bien que, en fonction des situations locales, elles puissent revêtir différentes formes 29. Les écoles catholiques qui, surtout dans les territoires des jeunes Églises, sont fréquentées également par des élèves non catholiques, sont aussi considérées comme très précieuses par l’Église.

Pour le reste, il faut tenir compte des besoins découlant de l’évolution récente, quand il s’agit de créer ou d’organiser les écoles catholiques. C’est pourquoi, tout en continuant à favoriser les écoles des niveaux primaire et moyen qui constituent le fondement de l’éducation, il faut attacher aussi un grand prix à celles qui sont exigées, à un titre particulier, par les conditions actuelles, comme c’est le cas pour les écoles qu’on appelle professionnelles 30 et techniques, les instituts de formation pour adultes, les instituts de promotion sociale et les écoles destinées à ceux qui pour cause d’infirmité ont besoin de soins particuliers, les écoles qui préparent des maîtres pour l’enseignement religieux et pour d’autres formes d’éducation.

Le saint Concile exhorte vivement les pasteurs de l’Église et tous les fidèles à n’épargner aucun sacrifice pour aider les écoles catholiques à remplir toujours mieux leur tâche, avant tout en subvenant aux besoins de ceux qui sont pauvres en biens temporels, qui sont privés de l’aide et de l’affection de la famille ou qui sont étrangers au don de la foi.

29 Cf. Paul VI, allocution à l’Office international d’éducation catholique (OIEC), 25 févr. 1964, Encicliche e Discorsi di S. S. Paolo VI, II, Rome, 1964, p. 232.
30 Cf. Paul VI, allocution à l’Association chrétienne des ouvriers italiens (ACLI), 6 oct. 1963, Encicliche e Discorsi di Paolo VI, Rome I, 1964, p. 229.


10 L’Église s’occupe aussi avec un soin vigilant des écoles de niveau supérieur, notamment des universités et des facultés. Bien plus, dans celles qui dépendent d’elles, elle vise à ce que, d’une manière organique, chaque discipline soit cultivée selon ses propres principes, sa propre méthode et la liberté propre à la recherche scientifique, de telle sorte que l’on acquière des connaissances toujours plus approfondies dans ces domaines, et que, grâce à une étude très attentive des questions et des recherches nouvelles de notre temps, on discerne mieux, en suivant les traces des docteurs de l’Église et surtout de saint Thomas, comment la foi et la raison tendent d’un commun accord vers l’unique vérité31. Que de cette façon se réalise comme une présence publique, stable et universelle de la pensée chrétienne dans tout l’effort pour promouvoir une culture supérieure, et que les étudiants de ces instituts soient formés à devenir des hommes, éminents par leur science, prêts à assumer les charges les plus lourdes dans la société, et témoins de la foi dans le monde 32.

Dans les universités catholiques qui sont dépourvues d’une faculté de théologie, il y aura un institut ou une chaire de théologie qui permettra de dispenser un enseignement adapté également aux étudiants laïcs. Comme les sciences progressent principalement par des recherches spécialisées d’une haute valeur scientifique, les universités et facultés catholiques favoriseront très largement les instituts qui contribuent en premier lieu à promouvoir la recherche scientifique.

Le saint Concile recommande fortement de promouvoir des universités et des facultés catholiques réparties, de façon opportune, dans les différentes parties du monde de telle sorte cependant qu’elles brillent moins par le nombre que par la qualité de leur enseignement et que l’accès en soit largement ouvert aux étudiants qui donnent davantage d’espérances, même s’ils sont de condition modeste, surtout s’ils proviennent des jeunes nations.

Du moment que le sort de la société et de l’Église elle-même est intimement lié aux progrès des jeunes qui font des études supérieures ”, les pasteurs de l’Église ne doivent pas seulement prodiguer leurs soins au profit de la vie spirituelle des étudiants des universités catholiques, mais, pleins de sollicitude pour la formation spirituelle de tous leurs fils, ils doivent se préoccuper, après s’être consultés de façon appropriée entre évêques, de la création, aussi auprès des universités non catholiques, de foyers et de centres universitaires catholiques, où des prêtres, des religieux et des laïcs, soigneusement choisis et préparés, offrent en permanence à la jeunesse universitaire une assistance spirituelle et intellectuelle. Les jeunes gens les plus doués des universités catholiques ou des autres universités, qui semblent avoir des aptitudes pour l’enseignement ou pour la recherche, seront formés avec un soin particulier et encouragés à embrasser la carrière d’enseignant.

31 Cf. Paul VI, alloc. au VIe Congrès thomiste international, 10 sept. 1965, AAS 57 (1965), p. 788-792.
32 Cf. Pie XII, allocution aux maîtres et étudiants des universités catholiques de France, 21 sept. 1950, Discorsi e radiomessaggi XII, p. 219-221; lettre au XXII* Congrès de « Pax Romana», 12 août 1952, Discorsi e radiomessa^i XIV, p. 367-569. - Jean XXIII, allocution à la Fédération des universités catholiques, 1er avr. 1959, Discorsi, Messaggi, Colloqui I, Rome, 1960, p. 226-229. — Paul VI, allocution au Sénat académique de l’Université catholique de Milan, 5 avr. 1964, Encicliche e Discorsi di Paolo VI, Rome, 1964, p. 438-443.


11 L’Église attend beaucoup de l’activité des facultés de sciences sacrées 34. En effet, c’est à elles qu’elle confie la très lourde charge de préparer leurs propres étudiants non seulement au ministère sacerdotal, mais surtout à l’enseignement dans les chaires d’études supérieures ecclésiastiques, au travail personnel en vue de faire progresser les différentes disciplines ou à l’accomplissement des tâches très ardues de l’apostolat intellectuel. Il appartient également à ces facultés d’explorer plus à fond les domaines des différentes sciences sacrées, de façon à parvenir à une intelligence toujours plus pénétrante de la Révélation sacrée, à faire découvrir plus largement le patrimoine de sagesse chrétienne légué par les ancêtres, à promouvoir le dialogue avec nos frères séparés et avec les non-chrétiens et à répondre aux questions posées par le progrès des sciences 35.

C’est pourquoi les facultés ecclésiastiques, après une révision appropriée de leurs statuts propres, développeront avec diligence les sciences sacrées et celles qui leur sont connexes et, en utilisant aussi les méthodes et les moyens les plus récents, elles formeront les étudiants à des recherches plus poussées.

33 Cf. Pie XII, allocution au Sénat académique et aux étudiants de l’Université de Rome, 15 juin 1952, Discorsi e radiomessaggi XIV, p. 208, « La direction de la société de demain repose principalement dans l’esprit et le coeur des universitaires d'aujourd’hui. »
34 Cf. Pie XI, const. apost. Deus scientiarum Dominus, 24 mai 1931, AAS 23 (1931), p. 245-247.
35 Cf. Pie XII, encycl. Humant Generis, 12 août 1950, AAS 42 (1950), p. 568 s., 578. - Paul VI, encycl. Ecclesiam suam, III* partie, 6 août 1964, AAS 56 (1964), p. 637-659. - Conc. Vat. II, décret Unitatis redintegratio sur l'oecuménisme, AAS 57 (1965), p. 90-107 (Voir plus haut p. 184-208).


Gravissimum educationis 2