Chrysostome sur Ozias 604

604 4. Eh ! quel mérite, dites-moi, quel effort, quelle peine y a-t-il pour le pécheur à reconnaître qu'il est pécheur et à le dire à Dieu? Voyez-vous combien j'avais raison de dire que Dieu nous demande seulement de lui fournir une occasion, et qu'il contribue pour tout le reste à l'oeuvre de notre salut? Faisons donc pénitence, pleurons, lamentons-nous. Un père qui a perdu sa fille passe quelquefois la plus grande partie de son existence dans les larmes et les gémissements: nous, c'est notre âme que nous avons perdue, et nous ne pleurons pas? C'est notre salut qui a fui de nos mains, et nous ne nous frappons pas la poitrine ? Et que dis-je, notre âme, notre salut? Nous avons irrité notre Maître, un maître si doux, si bon, et nous ne nous cachons pas sous la terre? Pourtant ce n'est pas seulement le meilleur des maîtres; sa sollicitude à notre égard surpasse celle du père le plus tendre, de la mère la plus dévouée à ses enfants. « Est-ce qu'une femme oubliera son enfant, au point de n'avoir pas pitié du fruit de ses entrailles? Et quand bien même la femme oublierait, moi, du moins, je ne t'oublierai pas, dit le Seigneur. » (Is 49,15) Voilà une déclaration qui peut se passer de preuves: car elle vient de Dieu. Néanmoins voyons les faits, et cherchons-y la démonstration de cette vérité.

Quand Rébecca engagea son fils à jouer la scène qui devait détourner sur lui la bénédiction paternelle, après l'avoir bien travesti et revêtu des apparences de son frère, voyant que cela ne suffisait pas pour le rassurer, et voulant dissiper ses dernières alarmes : « Sur « moi retombe ta malédiction, » dit-elle, « mon « enfant. » (Gn 27,13) Le mot est bien d'une mère, d'une mère passionnée pour son enfant. Mais le Christ a fait plus que de dire cette parole, il l'a réalisée: il ne s'est pas borné à une promesse, il a agi. Et Paul nous crie: « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous. » (Ga 3,13) Et voilà celui que nous irriterons, dites-moi? Mais n'est-ce point chose plus redoutable que l'enfer lui-même, que le ver impérissable, que le feu inextinguible?

Ainsi donc, au moment de vous approcher de la sainte fable, songez que le Roi de l'univers est là présent: il est là, en effet, scrutant la pensée de chacun ; il voit quel est celui qui vient dans les saintes dispositions requises, celui dont, au contraire, la conscience est chargée de fautes, l'âme impure et souillée, la conduite criminelle. Quand il trouve un homme en pareil état, tout d'abord il le livre au tribunal de sa conscience : ensuite, si ce juge, par le supplice moral qu'il lui inflige,, réussit à le rendre meilleur, Dieu s'approche de nouveau. Que si le coupable demeure incorrigible, il tombe alors entre les mains du Seigneur, comme un ingrat incapable d'amendement. Jugez de l'étendue d'un pareil malheur par ces paroles de Paul: « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant. » (He 10 He 31) Je sais que mes paroles sont cruelles: mais que faire? Si nous reculions devant l'amertume des remèdes, les blessures resteraient incurables: si nous recourons à ces remèdes amers, vous ne pouvez résister à l'excès de la souffrance. Je me sens gêné de toutes parts. D'ailleurs il faut cesser l'opération: car ce que j'ai dit est suffisant pour la (435) correction des auditeurs attentifs. Mais pour que vous ne soyez pas les seuls à en recueillir le fruit, et que vous puissiez y faire participer d'autres encore, il faut récapituler ce qui précède.

Nous vous avons entretenus des séraphins, nous avons montré quel honneur c'est que de se tenir debout auprès du trône royal, et comment les hommes eux-mêmes sont en état d'obtenir cet honneur. Nous avons parlé des ailes, de l'inaccessible puissance de Dieu, de sa condescendance à notre égard : nous avons donné la raison du cri perpétuel, de la perpétuelle admiration des séraphins, et montré comment, dans cette contemplation incessante, la glorification est incessante pareillement; nous vous avons rappelé dans quel choeur nous sommes enrôlés et en quelle compagnie nous célébrons le Maître commun: nous avons parlé ensuite de la pénitence: et en dernier lieu du danger de s'approcher des mystères avec une conscience souillée, de l'impossibilité, pour l'homme incorrigible, d'échapper au châtiment. Ces enseignements, que la terrine les reçoive de son mari, le fils de son père, le serviteur de son maître, le voisin de son voisin, l'ami de son ami: ou plutôt répétons-les à nos ennemis eux-mêmes, puisqu'il n'est pas jusqu'à leur salut dont nous ne soyons responsables. En effet, si nous sommes invités à relever leurs bêtes de somme, quand elles sont tombées, à les garder, à les ramener quand elles sont égarées, à bien plus forte raison devons-nous ramener leur âme quand elle est dans l'erreur, et la relever de ses chutes. Si nous tenons cette conduite tant en ce qui nous regarde qu'en ce qui concerne le prochain, nous pourrons comparaître avec confiance devant le tribunal du Christ, avec qui gloire, honneur, puissance, au Père comme au saint et vivifiant Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




Chrysostome sur Ozias 604