1968 Humanae Vitae

La transmission de la vie

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Le très grave devoir de transmettre la vie humaine, qui fait des époux les libres et responsables collaborateurs du Créateur, a toujours été pour ceux-ci source de grandes joies, accompagnées cependant parfois de bien des difficultés et des peines.
En tout temps, l'accomplissement de ce devoir a posé à la conscience des époux de sérieux problèmes; mais l'évolution récente de la société a entraîné des mutations telles que de nouvelles questions se sont posées : questions que l'Eglise ne pouvait ignorer, en un domaine qui touche de si près à la vie et au bonheur des hommes.


I ASPECTS NOUVEAUX DU PROBLEME ET COMPETENCE DU MAGISTERE


Nouvelles données du problème

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Les changements survenus sont effectivement notables et de plusieurs sorte. Il s'agit tout d'abord du rapide développement démographique. Beaucoup manifestent la crainte que la population mondiale n'augmente plus vite que les ressources à sa disposition: il s'ensuit une inquiétude croissante pour bien des familles et pour des peuples en voie de développement, et grande est la tentation pour les autorité d'opposer à ce péril des mesures radicales. En outre, les conditions de travail et de logement, comme aussi les exigences accrues, dans le domaine économique et dans celui de l'éducation, rendent souvent difficile aujourd'hui la tâche d'élever convenablement un grand nombre d'enfants.
On assiste aussi à un changement tant, dans la façon de considérer la personne de la femme et sa place dans la société que dans la valeur à attribuer à l'amour conjugal dans le mariage, comme aussi dans la manière d'apprécier la signification des actes conjugaux par rapport à cet amour.
Enfin et surtout, l'homme a accompli d'étonnants progrès dans la maîtrise et l'organisation rationnelle des forces de la nature, au point qu'il tend à étendre cette maîtrise à son être lui-même pris dans ensemble: au corps, à la vie physique, à la vie sociale et jusqu'aux lois qui règlent la transmission de la vie.

3
Un tel état de chose fait naître de nouvelles questions. Etant données les conditions de la vie moderne, étant donné la signification des relations conjugales pour l'harmonie entre les époux et pour leur fidélité mutuelle, n'y aurait-il pas lieu de réviser les règles morales jusqu'ici en vigueur surtout si l'on considère qu'elles ne peuvent être observées sans des sacrifices parfois héroïques ?
Etendant à ce domaine l'application du principe dit "de totalité" ne pourrait-on admettre que l'intention d'une fécondité moins abondante, mais plus rationalisée, transforme l'intervention matériellement stérilisante en un licite et sage contrôle des naissances ? Ne pourrait-on admettre, en d'autres termes, que la finalité de procréation concerne l'ensemble de la vie conjugale, plutôt que chacun de ses actes ?
On demande encore si, étant donné le sens accru de responsabilités de l'homme moderne, le moment n'est pas venu pour lui de confier à sa raison et à sa volonté, plutôt qu'aux rythmes biologiques de son organisme, le soin de régler la natalité.

Compétence du Magistère

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De telles questions exigeaient du Magistère de l'Eglise une réflexion nouvelle et approfondie sur les principes de la doctrine morale du mariage: doctrine fondée sur la loi naturelle, éclairée et enrichie par la Révélation divine.
Aucun fidèle ne voudra nier qu'il appartient au Magistère de l'Eglise d'interpréter aussi la loi morale naturelle. Il est incontestable, en effet, comme l'ont plusieurs fois déclaré Nos Prédécesseurs ( I ), que Jésus-Christ, en communiquant à Pierre et aux apôtres sa divine autorité, et en les envoyant enseigner ses commandements à toutes les nations (Cf.
Mt 28,18-19), les constituait gardiens et interprètes authentiques de toute la loi morale: non seulement de la loi évangélique, mais encore de la loi naturelle, expression elle aussi de la volonté de Dieu, et dont l'observation fidèle est également nécessaire au salut (Cf. Mt 7,21).
Conformément à cette mission qui est la sienne, l'Eglise a toujours donné et avec plus d'ampleur à l'époque récente un enseignement cohérent, tant sur la nature du mariage que sur le juste usage des droits conjugaux et sur les devoirs des époux (4).

(I) Cf. Pie IX, Encycl. Qui Pluribus, 9 novembre 1846. Pie IX P.M. Acta, vol. p. 9-10 ; S. Pie X, Encycl. Singulari Quadant, 24 septembre 1912. A. A. S. 4 (1912). p. 658; Pie XI. Encycl. Casti Connubii, 31 dec. 1930, A A S. 22 (1930), p. 579-581; Pie XII, alloc. Magnificate Dominum à l'episcopat du monde catholique. 2 novembre l954, A. A. S. 46 (1954). p. 671-672; Jean XXIII. Encycl. MM 1, 15 mai 1961. A A S. 53 (1961). p. 457.
(4) Cf. Catechismus Romanus Concilii Tridentini. II - 8 partie. chap. VIII; Leon XIII. Encycl. Arcanum, 10 février 1880. Acta L. Xlll, 2 (1881). p. 2629: Pie XI. Encycl. Divini Illius Magistri, 31 décembre 1929, A A.S. 22 (1930), p. 58-61; Encycl. Casti Connubii. A A.S. 22 ( 1930). p. 545-546: Pie XII. alloc. à l'Union italienne médico-biologique de saint Luc. 12 novembre 1944. Discorsi e Radiomessaggi. Vl. p. 191-192 ; au Congrès de l'Union catholique italienne des sages-femmes. 29 octobre 1951. A A .S.43 ( 1951). p. 853-854 ; au Congres du Front de la famille et de l'Association de familles nombreuses. 28 novembre 1951. A.A.S. 43 (1951). p. 857-859: au VIIe Congrès de la Société internationale d'hématologie. 12 septembre 1958. A.A.S. 50(1958),p. 734-735 ; Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra. A A.S. 53 (1961). p. 446-447 ; Codex juris Canonici, can. CIS 1067 CIS 1068 CIS 1076 1-2 ; Conc. VATICAN, Const. pastorale GS 47-52.


Etudes spéciales

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La conscience de cette même mission Nous amena à confirmer et à élargir la Commission d'étude que Notre prédécesseur Jean XXIII, de vénérée mémoire, avait instituée en mars 1963. Cette Commission, qui comprenait, outre plusieurs spécialistes des différentes disciplines concernées, également des couples, avait pour but de recueillir des avis sur les nouvelles questions relatives à la vie conjugale, et en particulier celle de la régulation de la natalité, et de fournir d'opportuns éléments d'information, pour que le Magistère put donner, à l'attente non seulement des fidèles, mais de l'opinion publique mondiale, une réponse adéquate (5).
Les travaux de ces experts, complétés par les jugements et conseils que Nous fournirent, soit spontanément, soit sur demande expresse, bon nombre de Nos frères dans l'épiscopat, Nous ont permis de mieux mesurer tous les aspects de cette question complexe. Aussi exprimons-Nous à tous de grand coeur Notre vive gratitude.

(5) Cf. Allocution de Paul VI, au Sacré-Collège 23 juin 1964, A.A.S. 56 (1964), p. 588; à la Commission pour l'étude des problèmes de la population. de la famille et de la natalité, 27 mars 1965. A A .S. 57 ( 1965), p. 388; au Congrès national de la Société italienne d'obstétrique et de gynécologie, 29 octobre 1966. AA.S. 58 (1966), p. 1168.


La réponse du Magistère

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Les conclusions auxquelles était parvenue la Commission ne pouvaient toutefois être considérées par Nous comme définitives, ni Nous dispenser d'examiner personnellement ce grave problème, entre autres parce que le plein accord n'avait pas été réalisé au sein de la Commission sur les règles morales à proposer; et surtout parce qu'étaient apparus certains critères de solutions qui s'écartaient de la doctrine morale sur le mariage proposée avec une constante fermeté par la Magistère de l'Eglise.
C'est pourquoi, ayant attentivement examiné la documentation qui Nous a été soumise, après des mûres réflexions et des prières assidues, Nous allons maintenant, en vertu du mandat que le Christ Nous a confié, donner notre réponse à ces graves questions.


II. PRINCIPES DOCTRINAUX


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Comme tout autre problème concernant la vie humaine, le problème de la natalité doit être considéré, au-delà des perspectives partielles - qu'elles soient d'ordre biologique ou psychologique, démographique ou sociologique - dans la lumière d'une vision intégrale de l'homme et de sa vocation, non seulement naturelle et terrestre, mais aussi surnaturelle et éternelle. Et puisque, dans leur tentative de justifier les méthodes artificielles de contrôle des naissances, beaucoup ont fait appel aux exigences soit de l'amour conjugal, soit d'une " paternité responsable ", il convient de bien préciser la vraie conception de ces deux grandes réalités de la vie matrimoniale, en Nous référant principalement à ce qui a été récemment exposé à ce sujet, d'une manière hautement autorisée, par le IIe Concile du Vatican, dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes.

L'amour conjugal

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L'amour conjugal révèle sa vraie nature et sa vraie noblesse quand on le considère dans sa source suprême, Dieu qui est amour (Cf.
1Jn 4,8), " le Père de qui toute paternité tire son nom, au ciel et sur la terre (Cf. Ep 3,15)".
Le mariage n'est donc pas l'effet du hasard ou un produit de l'évolution de forces naturelles inconscientes : c'est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue d'un mutuel perfectionnement personnel pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de nouvelles vies.
De plus, pour les baptisés, le mariage revêt la dignité de signe sacramentel de la grâce, en tant qu'il représente l'union du Christ et de l'Eglise.


Ses caractéristiques

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Dans cette lumière apparaissent clairement les notes et les exigences caractéristiques de l'amour conjugal, dont il est souverainement important d'avoir une idée exacte.
C'est avant tout un amour pleinement humain, c'est-à-dire à la fois sensible et spirituel. Ce n'est donc pas un simple transport d'instinct et de sentiment, mais aussi et surtout un acte de la volonté libre, destiné à se maintenir et à grandir à travers les joies et les douleurs de la vie quotidienne, de sorte que les époux deviennent un seul coeur et une seule âme et atteignent ensemble leur perfection humaine.
C'est ensuite un amour total, c'est-à-dire une forme toute spéciale d'amitié personnelle, par laquelle les époux partagent généreusement toutes choses, sans réserves indues ni calculs égoïstes. Qui aime vraiment son conjoint ne l'aime pas seulement pour ce qu'il reçoit de lui, mais pour lui-même, heureux de pouvoir l'enrichir du don de soi.
C'est encore un amour fidèle et exclusif jusqu'à la mort. C'est bien ainsi, en effet, que le conçoivent l'époux et l'épouse le jour où ils assument librement et en pleine conscience l'engagement du lien matrimonial. Fidélité qui peut parfois être difficile, mais qui est toujours possible et toujours noble et méritoire, nul ne peut le nier. L'exemple de tant d'époux à travers les siècles prouve non seulement qu'elle est conforme à la nature du mariage, mais encore qu'elle est source de bonheur profond et durable.
C'est enfin un amour fécond, qui ne s'épuise pas dans la communion entre époux, mais qui est destiné à se continuer en suscitant de nouvelles vies. " Le mariage et l'amour conjugal sont ordonnés par leur nature à la procréation et à l'éducation des enfants. De fait, les enfants sont le don le plus excellent du mariage et ils contribuent grandement au bien des parents eux- mêmes (8). "

(8) Cf. Conc. Vatican II, Const. pastorale
GS 50.


Paternité responsable

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L'amour conjugal exige donc des époux une conscience de leur mission de "paternité responsable ", sur laquelle, à bon droit, on insiste tant aujourd'hui, et qui doit, elle aussi, être exactement comprise. Elle est à considérer sous divers aspects légitimes et liés entre eux.
Par rapport aux processus biologiques, la paternité responsable signifie connaissance et respect de leurs fonctions: l'intelligence découvre, dans le pouvoir de donner la vie, des lois biologiques qui font partie de la personne humaine (9).
Par rapport aux tendances de l'instinct et des passions, la paternité responsable signifie la nécessaire maîtrise que la raison et la volonté doivent exercer sur elles.
Par rapport aux conditions physiques, économiques, psychologiques et sociales, la paternité responsable s'exerce soit par la détermination réfléchie et généreuse de faire grandir une famille nombreuse, soit par la décision, prise pour de graves motifs et dans le respect de la loi morale, d'éviter temporairement ou même pour un temps indéterminé une nouvelle naissance.
La paternité responsable comporte encore et surtout un plus profond rapport avec l'ordre moral objectif, établi par Dieu, et dont la conscience droite est la fidèle interprète. L'exercice responsable de la paternité implique donc que les conjoints reconnaissent pleinement leurs devoirs envers Dieu, envers eux- mêmes, envers la famille et envers la société, dans une juste hiérarchie des valeurs. Dans la tâche de transmettre la vie, ils ne sont par conséquent pas libres de procéder à leur guise, comme s'ils pouvaient déterminer de façon entièrement autonome les voies honnêtes à suivre, mais ils doivent conformer leur conduite à l'intention créatrice de Dieu, exprimée dans la nature même du mariage et de ses actes, et manifestée par l'enseignement constant de l'Eglise ( Cf.
GS 50 GS 51).

(9) Cf. S. Thomas. Sum Theol. I-II 94,2.


Respecter la nature et les finalités de l'acte matrimonial

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Ces actes, par lesquels les époux s'unissent dans une chaste intimité, et par le moyen desquels se transmet la vie humaine, sont, comme l'a rappelé le Concile, " honnêtes et dignes (10), et ils ne cessent pas d'être légitimes si, pour des causes indépendantes de la volonté des conjoints, on prévoit qu'ils seront inféconds: ils restent en effet ordonnés à exprimer et à consolider leur union. De fait, comme l'expérience l'atteste, chaque rencontre conjugale n'engendre pas une nouvelle vie. Dieu a sagement fixé des lois et des rythmes naturels de fécondité qui espacent déjà par eux-mêmes la succession des naissances. Mais l'Eglise, rappelant les hommes à l'observation de la loi naturelle, interprétée par sa constante doctrine, enseigne que tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie (11).

(10)
GS 49
(11) Cf. Pie XI Encycl. Casti Connubii A A S 22 (1930), p. 560; Pie XII, A A.S. 43 (1951)


Deux aspect indissociables ; union et procréation

12
Cette doctrine, plusieurs fois exposée par le Magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux significations de l'acte conjugal: union et procréation. En effet, par sa structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. C'est en sauvegardant ces deux aspects essentiels, union et procréation que l'acte conjugal conserve intégralement le sens de mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de l'homme à la paternité (12). Nous pensons que les hommes de notre temps sont particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément raisonnable et humain de ce principe fondamental.

(12) Cf. Pie XI Encycl. Casti Connubii A A S 22 (1930), p. 560; Pie XII, A A.S. 43 (1951),


13
On remarque justement, en effet, qu'un acte conjugal imposé au conjoint sans égard à ses conditions et à ses légitimes désirs, n'est pas un véritable acte d'amour et contredit par conséquent une exigence du bon ordre moral dans les rapports entre époux. De même, qui réfléchit bien devra reconnaître aussi qu'un acte d'amour mutuel qui porterait atteinte à la disponibilité à transmettre la vie que le Créateur a attachée à cet acte selon des lois particulières, est en contradiction avec le dessein constitutif du mariage et avec la volonté de l'auteur de la vie. User de ce don divin en détruisant, fût-ce partiellement, sa signification et sa finalité, c'est contredire à la nature de l'homme comme à celle de la femme et de leur rapport le plus intime, c'est donc contredire aussi au plan de Dieu et à sa volonté. Au contraire, user du don de l'amour conjugal en respectant les lois du processus de la génération, c'est reconnaître que nous ne sommes pas les maîtres des sources de la vie humaine, mais plutôt les ministres du dessein établi par le Créateur. De même, en effet, que l'homme n'a pas sur son corps en général un pouvoir illimité, de même il ne l'a pas, pour une raison particulière, sur ses facultés de génération en tant que telles, à cause de leur ordination intrinsèque à susciter la vie, dont Dieu est le principe. " La vie humaine est sacrée, rappelait Jean XXIII; dès son origine, elle engage directement l'action créatrice de Dieu (13). "

(13) Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra A A S. 53 (1961), p. 447
MM 1.


Moyens illicites de régulation des naissances

14
En conformité avec ces points fondamentaux de la conception humaine et chrétienne du mariage, nous devons encore une fois déclarer qu'est absolument à exclure, comme moyen licite de régulation des naissances l'interruption directe du processus de génération déjà engagé et surtout l'avortement directement voulu et procuré même pour des raisons thérapeutiques (14).
Est pareillement à exclure comme le Magistère de l'Eglise l'a plusieurs fois déclare, la stérilisation directe qu'elle soit perpétuelle ou temporaire, tant chez l'homme que chez la femme (15).
Est exclue également toute action qui soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation (16).
Et on ne peut invoquer comme raisons valables, pour justifier des actes conjugaux rendus intentionnellement inféconds, le moindre mal ou le fait que ces actes constitueraient un tout avec les actes féconds qui ont précédés ou qui suivront, et dont ils partageraient l'unique et identique bonté morale. En vérité, s'il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d'éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand (17), il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien (Cf.
Rm 3,8), c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et, par conséquent, une chose indigne de la personne humaine, même avec l'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux. C'est donc une erreur de penser qu'un acte conjugal rendu volontairement infécond et, par conséquent, intrinsèquement déshonnête, puisse être rendu honnête par l'ensemble d'une vie conjugale féconde.

(14) Cf. Catechismus Romanus Concilii Tridentini, IIe partie. chap. VIII ; Pie XI, Encycl. Casti Connubii, AAS 22 (1930). p.562-564; Pie XII. Discorsi e Radiomessaggi, VI (1944), p. 191-192 ; AAS 43 (1951). p. 842-843; p. 857-859; Jean XXIII, Encycl. Pacem in Terris, 11 avril 1963 ; AAS 55 (1963). p. 259-260 PT 1; GS 51.
(15) Cf. Pie XI, Encycl. Casti Connubii, AAS, 22 ( 1930). p. 565; décret du Saint-Office. 22 février 1940, AAS 32 (1940). p. 73; Pie XII. AAS (1951). p. 813-844;A A S. 50 (1958). p. 734- 735.
(16) Cf. Catechismus Romanus Concilii Tridentini. IIe partie, chap. VIII; Pie XI, Encycl. Casti Connubii. AAS 22 (1930). p. 559-561; Pie XII. ,AAS 43 (1951), p. 843 ; AAS 50 (1958). p. 734-735 ; Jean XXIII, Encycl. Mater et Magistra. AAS 53 (1961), p. 447.
(17) Cf. Pie XII. alloc. au Congrès national de l'Union des juristes catholiques italiens. 6 décembre 1953, AAS 45 (1953). p.798-799


Licéité des moyens thérapeutiques

15
L'Eglise, en revanche, n'estime nullement illicite l'usage des moyens thérapeutiques vraiment nécessaires pour soigner des maladies de l'organisme, même si l'on prévoit qu'il en résultera un empêchement à la procréation, pourvu que cet empêchement ne soit pas, pour quelque motif que ce soit, directement voulu (19).

(19) Cf. Pie XII. alloc. au Congrès de l'Assoc ital. d'urologie, 8 octobre 1953. AAS 45 (1953) p. 674-675 : AAS 50 (1958), p. 734-735


Licéité du recours aux périodes infécondes

16
A cet enseignement de l'Eglise sur la morale conjugale, on objecte aujourd'hui, comme Nous l'observions plus haut (
n3 ). que c'est la prérogative de l'intelligence humaine de maîtriser les énergies offertes par la nature irrationnelle et de les orienter vers un but conforme au bien de l'homme. Or, certains se demandent : dans le cas présent, n'est-il pas raisonnable, en bien des circonstances, de recourir au contrôle artificiel des naissances, si on obtient par là l'harmonie et la tranquillité du foyer et de meilleures conditions pour l'éducation des enfants déjà nés ? A cette question, il faut répondre avec clarté: l'Eglise est la première à louer et à recommander l'intervention de l'intelligence dans une oeuvre qui associe de si près la créature raisonnable à son Créateur, mais elle affirme que cela doit se faire dans le respect de l'ordre établi par Dieu.
Si donc il existe, pour espacer les naissances, de sérieux motifs dus soit aux conditions physiques ou psychologiques des conjoints, soit à des circonstances extérieures, l'Eglise enseigne qu'il est alors permis de tenir compte des rythmes naturels, inhérents aux fonctions de la génération, pour user du mariage dans les seules périodes infécondes et régler ainsi la natalité sans porter atteinte aux principes moraux que Nous venons de rappeler (20).
L'Eglise est conséquente avec elle-même quand elle estime licite le recours aux périodes infécondes, alors qu'elle condamne comme toujours illicite l'usage des moyens directement contraires à la fécondation, même inspirés par des raisons qui peuvent paraître honnêtes et sérieuses. En réalité, il existe entre les deux cas une différence essentielle: dans le premier cas, les conjoints usent légitimement d'une disposition naturelle; dans l'autre cas, ils empêchent le déroulement des processus naturels. Il est vrai que, dans l'un et l'autre cas, les conjoints s'accordent dans la volonté positive d'éviter l'enfant pour des raisons plausibles, en cherchant à avoir l'assurance qu'il ne viendra pas: mais il est vrai aussi que dans le premier cas seulement ils savent renoncer à l'usage du mariage dans les périodes fécondes quand, pour de justes motifs, la procréation n'est pas désirable, et en user dans les périodes agénésiques, comme manifestation d'affection et sauvegarde de mutuelle fidélité. Ce faisant, ils donnent la preuve d'un amour vraiment et intégralement honnête.

(20) Cf. Pie XII. AAS 43 (1951) p. 816


Graves conséquences des méthodes de régulation artificielle de la natalité

17
Les hommes droits pourront encore mieux se convaincre du bien-fondé de la doctrine de l'Eglise en ce domaine, s'ils veulent bien réfléchir aux conséquences des méthodes de régulation artificielle de la natalité.
Qu'ils considèrent d'abord quelle voie large et facile ils ouvriraient ainsi à l'infidélité conjugale et à l'abaissement général de la moralité. Il n'est pas besoin de beaucoup d'expérience pour connaître la faiblesse humaine et pour comprendre que les hommes, les jeunes en particulier, si vulnérables sur ce point, ont besoin d'encouragement à être fidèles à la loi morale, et qu'il ne faut pas leur offrir quelque moyen facile pour en éluder l'observance. On peut craindre aussi que l'homme en s'habituant à l'usage des pratiques anticonceptionnelles ne finisse par perdre le respect de la femme et, sans plus se soucier de l'équilibre physique et psychologique de celle-ci, n'en vienne à la considérer comme un simple instrument de jouissance égoïste, et non plus comme sa compagne respectée et aimée.
Qu'on réfléchisse aussi à l'arme dangereuse que l'on viendrait à mettre ainsi aux mains d'autorités publiques peu soucieuses des exigences morales. Qui pourra reprocher à un gouvernement d'appliquer à la solution des problèmes de la collectivité ce qui serait reconnu permis aux conjoints pour la solution d'un problème familial ? Qui empêchera les gouvernants de favoriser et même d'imposer à leurs peuples, s'ils le jugeaient nécessaire, la méthode de contraception estimée par eux la plus efficace ? Et ainsi les hommes, en voulant éviter les difficultés individuelles, familiales ou sociales que l'on rencontre dans l'observation de la loi divine, en arriveraient à laisser à la merci de l'intervention des autorités publiques le secteur le plus personnel et le plus réservé de l'intimité conjugale.
Si donc on ne veut pas abandonner à l'arbitraire des hommes la mission d'engendrer la vie, il faut nécessairement reconnaître des limites infranchissables au pouvoir de l'homme sur son corps et sur ses fonctions; limites que nul homme, qu'il soit simple particulier ou revêtu d'autorité, n'a le droit d'enfreindre. Et ces limites ne peuvent être déterminées que par le respect qui est du à l'intégrité de l'organisme humain et de ses fonctions, selon les principes rappelés ci-dessus et selon la juste intelligence du "principe de totalité" exposé par Notre prédécesseur Pie XII (21).

(21) Cf. AAS 45 (1953). p. 674-675 ; alloc. aux dirigeants et membres de l'Assoc ital des donneurs de la cornée. 8 oct. 1953. AAS 48 (1956) p. 461-462.


L'Eglise garante des authentiques valeurs humaines

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On peut prévoir que cet enseignement ne sera peut-être pas facilement accueilli par tout le monde: trop de voix amplifiées par les moyens modernes de propagande s'opposent à la voix de l'Eglise. Celle-ci, à vrai dire, ne s'étonne pas d'être, à la ressemblance de son divin Fondateur, un " signe de contradiction" (Cf.
Lc 2,31); mais elle ne cesse pas pour autant de proclamer avec une humble fermeté, toute la loi morale, tant naturelle qu'évangélique. Ce n'est pas elle qui a crée cette loi, elle ne saurait donc en être l'arbitre; elle en est seulement la dépositaire et l'interprète, sans pouvoir jamais déclarer licite une chose qui ne l'est pas à cause de son intime et immuable opposition au vrai bien de l'homme.
En défendant la morale conjugale dans son intégralité, l'Eglise sait qu'elle contribue à l'instauration d'une civilisation vraiment humaine; elle engage l'homme à ne pas abdiquer sa responsabilité pour s'en remettre aux moyens techniques; elle défend par là même la dignité des époux. Fidèle à l'enseignement comme à l'exemple du Sauveur, elle se montre l'amie sincère et désintéressée des hommes, qu'elle veut aider, dès leur cheminement terrestre, " à participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes (23) ".

(23) Cf. Paul Vl. Encycl. PP 21 26 mars 1967.



III. DIRECTIVES PASTORALES


L'Eglise " MATER ET MAGISTRA "

19
Notre parole ne serait pas l'expression adéquate de la pensée et de la sollicitude de l'Eglise, Mère et Maîtresse de toutes les nations, si, après avoir rappelé les hommes à l'observance et au respect de la loi divine au sujet du mariage. elle ne les encourageait pas dans la voie d'une honnête régulation de la natalité, même au milieu des difficiles conditions qui éprouvent aujourd'hui les familles et les peuples. L'Eglise. en effet, ne peut avoir, vis-à-vis des hommes. une conduite différente de celle du Rédempteur: elle connaît leur faiblesse, elle a compassion de la foule. elle accueille les pécheurs; mais elle ne peut renoncer à enseigner la loi qui est en réalité celle d'une vie humaine rendue à sa vérité originelle et conduite par l'esprit de Dieu (Cf.
Rm 8,1).


Possibilité de l'observance de la loi divine

20
La doctrine de l'Eglise sur la régulation des naissances, qui promulgue la loi divine, pourra apparaître à beaucoup difficile, pour ne pas dire impossible à mettre en pratique. Et certes, comme toutes les réalités grandes et bienfaisantes, cette loi requiert une sérieuse application et beaucoup d'efforts, individuels, familiaux et sociaux. On peut même dire qu'elle ne serait pas observable sans l'aide de Dieu qui soutient et fortifie la bonne volonté des hommes. Mais si l'on réfléchit bien, on ne peut pas ne pas voir que ces efforts sont ennoblissants pour l'homme et bienfaisants pour la communauté humaine.

21
Une pratique honnête de régulation de la natalité exige avant tout des époux qu'ils acquièrent et possèdent de solides convictions sur les vraies valeurs de la vie et de la famille et qu'ils tendent à acquérir une parfaite possession d'eux-mêmes. La maîtrise de l'instinct par la raison et la libre volonté impose sans nul doute une ascèse pour que les manifestations affectives de la vie conjugale soient dûment réglées, en particulier pour l'observance de la continence périodique. Mais cette discipline, propre à la pureté des époux, bien loin de nuire à l'amour conjugal, lui confère au contraire une plus haute valeur humaine.
Elle exige un effort continuel, mais grâce à son influence bienfaisante, les conjoints développent intégralement leur personnalité, en s'enrichissant de valeurs spirituelles :elle apporte à la vie familiale des fruits de sérénité et de paix, et elle facilite la solution d'autres problèmes; elle favorise l'attention à l'autre conjoint, aide les époux à bannir l'égoïsme, ennemi du véritable amour, et approfondit leur sens de responsabilité. Les parents acquièrent par là la capacité d'une influence plus profonde et plus efficace pour l'éducation des enfants; l'enfance et la jeunesse grandissent dans la juste estime des valeurs humaines et dans le développement serein et harmonieux de leurs facultés spirituelles et sensibles.

Créer un climat favorable à la chasteté

22
Nous voulons à cette occasion rappeler l'attention des éducateurs et de tous ceux qui ont des tâches de responsabilité pour le bien commun de la société sur la nécessite de créer un climat favorable à l'éducation de la chasteté, c'est-à-dire au triomphe de la saine liberté sur la licence par le respect de l'ordre moral.
Tout ce qui, dans les moyens modernes de communication sociale. porte à l excitation des sens, au dérèglement des moeurs, comme aussi toute forme de pornographie ou de spectacles licencieux, doit provoquer la franche et unanime réaction de toutes les personnes soucieuses du progrès de la civilisation et de la défense des biens suprêmes de l'esprit humain. Et c'est en vain qu'on chercherait à justifier ces dépravations par de prétendues exigences artistiques ou scientifiques (25), ou à tirer argument de la liberté laissée en ce domaine par les autorités publiques.

(25) Conc. Vat. II, décret
IM 6-7.


Appel aux pouvoirs publics

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Aux gouvernants, qui sont les principaux responsables du bien commun, et qui peuvent tant pour la sauvegarde des valeurs morales. Nous disons: ne laissez pas se dégrader la moralité de vos peuples ; n'acceptez pas que s'introduisent, par voie légale, dans cette cellule fondamentale de la société qu'est la famille, des pratiques contraires à la loi naturelle et divine. Toute autre est la voie par laquelle les pouvoirs publics peuvent et doivent contribuer à la solution du problème démographique: c'est la voie d'une prévoyante politique familiale, d'une sage éducation des peuples, respectueuse de la loi morale et de la liberté des citoyens.
Nous sommes bien conscient des graves difficultés dans lesquelles se trouvent les pouvoirs publics à cet égard, spécialement dans les pays en voie de développement. A leurs légitimes préoccupations, Nous avons consacre Notre encyclique Populorum progressio. Mais avec Notre prédécesseur Jean XXIII, Nous répétons : "Ces difficultés ne doivent pas être résolues par le recours à des méthodes et à des moyens qui sont indignes de l'homme, et qui ne trouvent leur explication que dans une conception purement matérialiste de l'homme et de sa vie. La vraie solution se trouve seulement dans le développement économique et dans le progrès social qui respectent et promeuvent les vraies valeurs humaines, individuelles et sociales (26). " Et l'on ne saurait, sans une grave injustice, rendre la divine Providence responsable de ce qui dépendrait au contraire d'un défaut de sagesse de gouvernement d'un sens insuffisant de la justice sociale, d'un accaparement égoïste, ou encore d'une blâmable indolence à affronter les efforts et les sacrifices nécessaires pour assurer l'élévation du niveau de vie d'un peuple et de tous ses enfants (27). Que tous les pouvoirs responsables comme certains le font déjà si louablement renouvellent généreusement leurs efforts. Et que l'entraide ne cesse de s'amplifier entre tous les membres de la grande famille humaine: c'est un champ d'action presque illimité qui s'ouvre là à l'activité des grandes organisations internationales.

(26) Cf. Encycl. Mater et Magistra, AAS 53 ( 1961). p.447
MM 1.
(27) Cf. Encycl. PP 48-55.



1968 Humanae Vitae