I-II (trad. Drioux 1852) Qu.102 a.5

ARTICLE V. — peut-on assigner une cause convenable aux sacrements de l'ancienne loi?


Objections: 1. Il semble qu'on ne puisse assigner une cause convenable aux sacrements de l'ancienne loi. En effet, les choses qui se font pour le culte divin ne doivent pas ressembler à celles que les idolâtres observaient. En effet il est dit (Dt 12,31) : fous ne ferez pas comme les nations à l'égard du Seigneur votre Dieu. Car elles ont fait pour honorer leurs dieux toutes les abominations que le Seigneur a en horreur. Or, les adorateurs des idoles se faisaient des incisions avec des couteaux jusqu'à ce que le sang en sortît. Ainsi l'Ecriture rapporte (1R 18,28) : Qu'ils se faisaient des incisions selon leur coutume avec des couteaux et des lancettes jusqu'à ce qu'ils fussent couverts de leur sang. C'est pourquoi le Seigneur dit aux Juifs (Dt 14,1): Ne vous faites point d'incisions et ne vous faites point tondre pour pleurer les morts, parce que vous êtes un peuple saint et consacré au Seigneur votre Dieu, et qu'il vous a choisi de toutes les nations qui sont sur la terre, afin que vous fussiez particulièrement son peuple. C'est donc à tort que la loi avait prescrit la circoncision.

2. Ce que l'on fait pour honorer Dieu doit avoir de la décence et de la gravité, d'après ces paroles du Psalmiste (Ps 34,18) : Je vous louerai au milieu d'un peuple grave et nombreux. Or, il semble que ce soit pour les hommes une marque de légèreté de manger avec précipitation. On a donc eu tort de commander aux Juifs (Ex 12) de manger l'agneau pascal avec hâte. D'ailleurs toutes les prescriptions qui regardent la manière dont on devait manger cet agneau paraissent absolument déraisonnables.

3. Les sacrements de l'ancienne loi ont été la figure des sacrements de la loi nouvelle. Or, l'agneau pascal figurait le sacrement de l'eucharistie, d'après ces paroles de l'Apôtre (1Co 5,7): Le Christ notre Pâque a été immolé. Il aurait donc fallu qu'il y eût aussi dans l'ancienne loi des sacrements qui fussent la figure des autres sacrements de la loi nouvelle, de la confirmation, de l'extrême-onction, du mariage, etc.

4. On ne peut être raisonnablement purifié qu'autant qu'on est souillé. Or, par rapport à Dieu il n'y a pas de souillure corporelle, parce que tout corps est une créature et que toute créature de Dieu étant bonne, on ne doit rien rejeter de ce qu'on reçoit en action de grâces (1Tm 4,4). C'est donc à tort que l'on se purifiait pour avoir touché un mort ou pour toute autre souillure corporelle.

5. Il est écrit (Qo 34,4) : Comment ce qui est impur peut-il rendre pur? Or, la cendre de la vache rousse que l'on brûlait était impure, puisqu'elle rendait tel. Car il est dit (iVwm. 19, 7), que le prêtre qui l'immolait était souillé jusqu'au soir. Il en était de même de celui qui recueillait ses cendres. C'est donc à tort que l'on ordonnait de répandre ces cendres pour purifier ceux qui étaient souillés.

6. Les péchés ne sont pas quelque chose de matériel qu'on puisse porter d'un lieu à un autre, et l'homme ne peut pas être purifié de ses iniquités par ce qui est immonde. C'est donc à tort que pour l'expiation des péchés du peuple, le prêtre les confessait sur un bouc, pour qu'il les emportât dans le désert, tandis que l'autre bouc dont on se servait pour les purifications était brûlé hors du camp avec un veau, et qu'il souillait les sacrificateurs au point qu'ils étaient obligés de laver dans l'eau leur vêtement et leur chair.

7. Ce qui a déjà été purifié ne doit pas l'être de nouveau. Il n'était donc pas convenable quand la lèpre d'un homme ou de sa maison avait été purifiée de faire une autre purification, comme on le voit (Lv 14).

8. Une souillure spirituelle ne peut pas être effacée par l'eau matérielle ou en rasant les poils de la peau. Il semble donc déraisonnable que le Seigneur ait dit (Ex 30,18), de faire un bassin d'airain élevé sur une base pour laver les mains et les pieds des prêtres qui devaient entrer dans le tabernacle, et qu'il ait ordonné (Nb 8,7) aux lévites de se purifier avec de l'eau lustrale et de raser tous les poils de leur chair.

9. Ce qu'il y a de plus grand ne peut pas être sanctifié par ce qui l'est moins. On avait donc tort de consacrer d'après la loi par une onction corporelle , par des sacrifices et des oblations corporels aussi, les prêtres et les lévites, comme on le voit (Lv 8, Num. 8).

0. Il est dit (1S 16,7), que les hommes voient ce qui paraît au dehors, mais que Dieu voit le fond du coeur. Or, ce qui se manifeste au-de- hors dans l'homme, c'est la disposition du corps et ce sont les vêtements. Il ne convenait donc pas de déterminer pour les grands prêtres et pour les autres des vêtements particuliers, comme on l'a fait (Ex 28). Il semble aussi qu'il n'y avait pas de raison pour éloigner du sacerdoce ceux qui avaient des défauts corporels. Ainsi il est dit à Aaron (Lv 21,17) : Si un homme d'entre les familles de votre race a une difformité corporelle, il n'offrira point les pains à son Dieu. Il ne s'approchera point du ministère de son autel, s'il est aveugle, s'il est boiteux, etc. Il semble donc que les sacrements de l'ancienne loi n'aient pas été raisonnables.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit (Lv 20,8) : Je suis le Seigneur, c'est moi qui vous sanctifie. Or, Dieu ne fait rien sans raison. Car il est dit (Ps 103,24) : Vous avez tout fait avec sagesse. Donc dans les sacrements de l'ancienne loi qui avaient pour but la sanctification des hommes, il n'y avait rien qui n'eût une cause raisonnable.

CONCLUSION. — Tous les sacrements de l'ancienne loi avaient des causes raisonnables; littéralement il se rapportaient au culte de Dieu, selon le temps et figurativement ils représentaient le Christ.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. ci, art. 4), on appelait sacrements proprement dits, les choses qu'on employait pour la consécration des personnes qui se dévouaient de quelque façon au culte de Dieu. Or, le culte de Dieu appartenait d'une manière générale à tout le peuple, et d'une manière particulière aux prêtres et aux lévites qui en étaient les ministres. C'est pourquoi dans les sacrements de l'ancienne loi, il y avait des choses qui appartenaient en général à tout le peuple et il y en avait d'autres qui regardaient en particulier les ministres. Mais à l'égard des uns et des autres il y avait trois choses nécessaires. La première c'est qu'ils fussent mis en état d'honorer Dieu. Cette institution se faisait en général à l'égard de tout le monde au moyen de la circoncision, sans laquelle personne n'était admis à la participation des choses légales. Elle avait lieu par rapport aux prêtres au moyen de leur consécration. La seconde, c'est qu'ils devaient faire usage des choses qui appartenaient au culte divin. Le peuple en usait, en mangeant l'agneau pascal auquel aucun incirconcis ne participait, comme on le voit (Ex 12), et les prêtres le faisaient, en offrant les victimes, et en mangeant les pains de proposition ainsi que les autres choses qui étaient destinées à leur usage. En troisième lieu, il fallait éloigner tout ce qui était un obstacle au culte de Dieu, c'est-à-dire toutes les souillures. C'était dans ce but qu'on avait établi pour le peuple des purifications qui le purgeaient de toutes ses souillures extérieures, et des expiations pour ses péchés. Aux prêtres et aux lévites on avait commandé de laver leurs mains et leurs pieds et de se raser la peau. Toutes ces choses avaient des causes raisonnables, puisque littéralement elles avaient pour but d'honorer Dieu, comme on devait le faire à cette époque, et que figurativement elles représentaient le Christ, comme on le verra en les examinant l'une après l'autre en particulier.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la principale raison littérale de la circoncision, c'est qu'elle fut instituée pour protester de la foi en un seul Dieu. Et parce que Abraham fut le premier qui se sépara des infidèles en sortant de sa maison et de sa famille, il fut aussi le premier qui reçut la circoncision. L'Apôtre en donne lui-même cette cause (Rm 4,11). Il reçut, dit-il, la marque de la circoncision, comme le sceau de la justice qu'il avait reçue par la foi, lorsqu'il était encore incirconcis. Sa foi lui fut imputée à justice, parce qu'il espéra contre toute espérance, c'est-à-dire qu'il espéra dans la grâce contre l'espérance de la nature, qu'il deviendrait le père de beaucoup de nations, quoiqu'il fût vieux lui-même et que son épouse fût aussi très-âgée et stérile. Et pour que cette protestation et cette imitation de la foi d'Abraham s'affermit dans le coeur des Juifs, ils reçurent dans leur chair ce signe qu'ils ne pouvaient plus oublier. C'est pourquoi il est dit (Gn 17,13) : Le pacte que j e fais avec vous sera marqué clans votre chair, comme le signe de notre alliance éternelle. On ne faisait la circoncision qu'au huitième jour, parce qu'auparavant l'enfant était trop faible et qu'on aurait pu le blesser grièvement, ses chairs n'étant pas encore assez affermies. C'est pour le même motif qu'on n'offrait pas d'animaux avant le huitième jour (1). On ne différait pas davantage, de peur que la crainte de la douleur n'en empêchât quelques-uns de se soumettre à cette cérémonie, et aussi de peur que les parents dont l'amour grandit, à mesure que leurs enfants se développent, ne soient portés à les soustraire à cette marque, après avoir vécu quelque temps avec eux et après les avoir vu croître et se fortifier. La seconde raison c'est que la circoncision avait pour but d'affaiblir la concupiscence. La troisième c'est qu'elle était une détestation des plaisirs de Vénus et de Priape, dans lesquels on honorait cette partie du corps. Le Seigneur n'a d'ailleurs défendu que les incisions qu'on se faisait dans le culte des idoles, par rapport auxquelles la circoncision n'avait pas la moindre ressemblance. — La raison figurative de la circoncision, c'est qu'elle représentait la destruction de la corruption qui devait être l'oeuvre du Christ et qui sera parfaite dans le huitième âge qui est celui de la résurrection. Et parce que toute corruption qui résulte du péché et du châtiment a en nous une origine charnelle par suite du péché du premier homme, la circoncision se pratiquait pour ce motif sur l'organe de la génération. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (Col 2,11) : c'est en Jésus-Christ que vous avez été circoncis d'une circoncision qui n'a pas été faite de la main des hommes, mais par l'Esprit de Dieu, et qui consiste dans le dépouillement du corps de péché que produit la concupiscence de la chair, et qui est la véritable circoncision de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

2. Il faut répondre au second, que le festin pascal avait pour cause littérale le souvenir du bienfait, par lequel le Seigneur tira les Juifs de l'Egypte. Ainsi en faisant ce repas ils avouaient qu'ils appartenaient à ce peuple que Dieu s'était choisi. Car quand ils furent délivrés de l'Egypte, on leur ordonna de marquer du sang de l'agneau le frontispice de leurs maisons, pour montrer qu'ils s'éloignaient des rites des Egyptiens qui adoraient le bélier. C'est pourquoi en aspergeant du sang de l'agneau ou en marquant les portes de leurs maisons, ils furent délivrés de la menace d'extermination qui pesait sur les Egyptiens. Or, en sortant de l'Egypte, il y eut deux choses qui caractérisèrent leur marche. C'est d'abord la précipitation de leur départ; car les Egyptiens les pressaient de sortir arec rapidité, comme on le voit (Ex 12,33). Et celui qui ne se serait pas hâté de sortir avec la multitude, aurait été exposé à être victime des Egyptiens. Or, cette précipitation était exprimée de deux manières. l°Par ïes choses qu'ils mangeaient. Car on leur avait ordonné de manger des pains azymes pour indiquer qu' ils ne pouvaient les laisser fermenter, parce que les Egyptiens les pressaient trop vivement, et on leur avait dit de manger ce qui avait été rôti au feu, sans broyer les os, parce que c'est la manière la plus expéditive de préparer une viande, et que celui qui est pressé ne prend pas le temps de briser les os. 2° Elle était exprimée par la manière dont ils devaient le manger. Car il est dit : Vous aurez les reins ceints, vos chaussures seront dans vos pieds, vous tiendrez à la main un bâton et vous mangerez en toute hâte ; ce qui montre manifestement des hommes prêts à partir en voyage. Le précepte qui leur ordonnait de manger l'agneau dans une seule maison et de ne pas en disperser les chairs au dehors avait le même sens, parce que leur empressement ne leur permettait pas de s'envoyer des cadeaux (\). Les laitues amères indiquaient l'amertume des souffrances qu'ils avaient endurées en Egypte. — La raison figurative est évidente. Car l'immolation de l'agneau pascal signifiait l'immolation du Christ, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 5,7) : Le Christ notre pâque a été immolé. Le sang de l'agneau qui délivre de l'ange exterminateur, lorsqu'on en place sur le frontispice des maisons, indique la foi dans la passion du Christ qui est dans le coeur et la bouche des fidèles, et qui nous délivre du péché et de la mort, d'après ces paroles de saint Pierre (1P 1,18) : Vous avez été rachetés… par le précieux sang de l'agneau sans tache. On mangeait les chairs de l'agneau pour figurer la manducation du corps du Christ dans le sacrement. On les faisait rôtir au feu pour représenter sa passion ou sa charité. On les mangeait avec des pains azymes, pour montrer la vie pure des fidèles qui recevaient le corps du Christ, d'après ces paroles de saint Paul (1Co 5,8) : Nourrissons-nous des azymes de la sincérité et de la vérité. On y ajoutait des laitues amères en signe de la pénitence, qui est nécessaire aux pécheurs qui reçoivent le corps du Christ. Les reins ceints indiquent le lien de la chasteté, les chaussures que l'on a aux pieds sont les exemples des ancêtres qui ne sont plus (2), le bâton que l'on doit tenir à la main est le symbole de la garde vigilante qu'exercent les pasteurs. Il était commandé de manger l'agneau pascal dans une même maison, c'est-à-dire dans l'Eglise catholique, mais non dans les conciliabules des hérétiques.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il y a des sacrements de la loi nouvelle qui ont eu dans la loi ancienne des sacrements figuratifs qui leur correspondaient. Car le baptême qui est le sacrement de la foi répond à la circoncision. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (Col. ii, il) : Vous avez été circoncis de la circoncision du Christ et vous avez été ensevelis avec lui dans le baptême. Au festin de l'agneau pascal répond dans la loi nouvelle le sacrement de l'Eucharistie. Le sacrement de la Pénitence dans la loi nouvelle répond à toutes les purifications de l'ancienne loi. Le sacrement de l'Ordre répond à la consécration du pontife et des prêtres. Celui de la Confirmation, qui est le sacrement de la plénitude de la grâce, ne pouvait avoir dans l'ancienne loi de sacrement qui lui correspondît, parce que le temps de la plénitude n'était pas encore arrivé, puisque la loi ne menait à rien de parfait (He 7,19). Il en est de même du sacrement de l'Extrême-Onction qui est une préparation immédiate à l'entrée dans la gloire, dont l'accès n'était pas ouvert dans l'ancienne loi, la dette n'ayant pas été payée. Le mariage exista sous la loi ancienne comme un devoir de la nature, mais non comme un sacrement ou comme un signe sacré de l'union du Christ et de l'Eglise, parce que cette union n'existait pas encore (1). C'est pourquoi il y avait alors le libelle de répudiation qui est contraire à l'essence du sacrement.

4. Il faut répondre au quatrième, que, comme nous l'avons dit (in cor p. art.), les purifications de l'ancienne loi avaient pour but d'écarter tout ce qui est un obstacle au culte divin. Or, il y a deux sortes de cultes : le culte spirituel qui consiste dans le dévouement de l'esprit à Dieu, et le culte corporel qui consiste dans les sacrifices, les oblations et les autres choses de cette nature. Ce qui détournait les hommes du culte spirituel, ce sont les péchés qui les souillaient, comme l'idolâtrie, l'homicide, les adultères et les incestes. Les hommes étaient purifiés de ces souillures par des sacrifices que l'on offrait pour la multitude entière ou pour les fautes de chaque individu. Ce n'est pas que ces sacrifices charnels aient eu par eux-mêmes la vertu d'expier le péché, mais c'est parce qu'ils signifiaient l'expiation future des péchés par le Christ, à laquelle les anciens participaient, en montrant leur foi dans le Rédempteur dont ces sacrifices étaient la figure. — Ce qui éloignait les hommes du culte extérieur, c'étaient les impuretés corporelles. On les considérait d'abord dans les hommes et ensuite dans les animaux, dans les vêtements, les maisons et les vases. L'impureté dans les hommes provenait en partie d'eux-mêmes et en partie du contact des choses immondes. D'après les hommes eux-mêmes, on réputait immonde tout ce qui était une corruption ou ce qui y était exposé. Ainsi la mort étant une corruption, on regardait comme immonde le cadavre d'un individu. De même parce que la lèpre résulte de la corruption des humeurs qui s'échappent au dehors et qui souillent les autres, on regardait aussi les lépreux comme impurs. On considérait également de la même manière les femmes qui avaient des pertes de sang, soit par infirmité, soit naturellement, au temps de leurs règles ou de leur conception. Pour la même raison, on disait impurs les hommes qui avaient fait des pertes honteuses par infirmité ou par l'effet d'une pollution nocturne ou dans l'acte de la génération. Car tout ce qui sort de l'homme de ces différentes manières produit une souillure immonde. Il y avait aussi dans les hommes une souillure qui résultait du contact des choses impures. — La raison de ces impuretés était littérale et figurative. Leur raison littérale c'est qu'elles avaient été établies pour faire respecter ce qui appartient au culte divin ; soit parce que les hommes n'ont pas l'habitude de toucher aux choses précieuses quand ils sont impurs, soit parce qu'ils vénèrent davantage les choses saintes quand ils s'en approchent plus rarement. Car comme il était rare qu'on pût éviter toutes ces impuretés, il en résultait que les hommes pouvaient rarement toucher aux choses qui appartenaient au culte divin, et par conséquent quand ils s'en approchaient, c'était avec un respect plus profond et une plus grande humilité d'esprit. Quelques-unes de ces prescriptions avaient littéralement pour but d'empêcher qu'on ne craignit de s'approcher du culte de Dieu, sous prétexte qu'on redoutait la compagnie des lépreux et des autres malades, dont le mal était abominable et contagieux. D'autres avaient pour but d'éviter l'idolâtrie, parce que les gentils dans les rites de leurs sacrifices se servaient quelquefois du sang et du sperme humain. Toutes ces impuretés corporelles étaient purifiées par la seule aspersion de l'eau, ou quand elles étaient plus grandes, par un sacrifice expiatoire du péché d'où provenaient ces infirmités. — La raison figurative de ces impuretés, c'est que ces souillures extérieures figuraient divers péchés. En effet l'impureté du cadavre désigne la souillure du péché qui est la mort de l'âme. L'impureté de la lèpre marque la souillure que l'hérésie imprime, soit parce que l'enseignement des hérétiques est contagieux comme elle, soit parce qu'il n'y a pas d'hérésie tellement fausse qu'elle ne renferme quelque chose de vrai, comme on voit sur la surface du corps d'un lépreux de petites taches qui indiquent ce qu'il y a de sain dans sa chair. L'impureté de la femme qui subit une perte de sang désigne l'idolâtrie, parce qu'elle versait le s

ang dans les sacrifices. Celle de l'homme est la figure des vains discours, parce que la semence est la parole de Dieu. Celle de la génération et de la conception représente la tache du péché originel ; celle de la femme qui a ses règles indique l'impureté de l'esprit que les débauches ont amolli. En général par l'impureté résultant du contact d'une chose immonde, on désigne la souillure qui résulte de ce que l'on consent au péché d'autrui, suivant ces paroles de saint Paul (2Co 6,11) : Sortez du milieu d'eux, séparez-vous et ne touchez pas celui qui est immonde. Un contact impur souillait jusqu'aux choses inanimées. Car tout ce que touchait de quelque manière celui qui était impur devenait impur comme lui. La loi atténuait sous ce rapport la superstition des gentils qui prétendaient qu'on était souillé, non-seulement par le contact de celui qui est impur, mais encore par sa parole ou par son regard, comme le dit le rabbin Moïse (1) à l'égard de la femme qui a ses règles. (Dux errant. lib. iii , cap. 48). Mystiquement ces impuretés légales désignaient ce que dit la Sagesse (Sg 14,9) : C'est que Dieu a également en haine l'impie et son impiété. — Il y avait des impuretés qui s'attachaient aux choses inanimées considérées en elles- mêmes. Ainsi il y avait l'impureté de la lèpre qui s'attachait aux maisons et aux vêtements. Car comme les hommes gagnent la maladie de la lèpre par sui te de l'humeur qui se gâte et qui corrompt avec elle la chair, ainsi la fétidité et l'excès de sécheresse ou d'humidité sont quelquefois cause d'une corruption qui se montre sur les pierres des maisons ou sur les habits. La loi donnait à cette souillure le nom de lèpre, d'où l'on considérait comme impure la maison ou les vêtements qui en étaient atteints ; soit parce que toute corruption se rapportait à cette impureté, comme nous l'avons dit plus haut, soit parce que les gentils invoquaient leurs dieux pénates contre ce fléau. C'est pourquoi la loi ordonna de détruire les maisons ou de brûler les habits qu'on ne pourrait préserver de ce mal, afin d'enlever cette occasion d'idolâtrie. Il y avait aussi l'impureté des vases dont il est dit (Nb 19,15) : Tout vase qui n'aura pas de couvercle ou qui ne sera pas lié par-dessus sera réputé impur. La cause de cette impureté, c'est qu'il pouvait facilement tomber dans un vase ouvert quelque chose d'immonde capable de le souiller. Ce précepte avait aussi pour but de détourner les Juifs de l'idolâtrie. Car les idolâtres croyaient que si une souris, un lézard, ou d'autres animaux semblables qu'ils immolaient aux idoles, venaient à tomber dans des vases ou dans de l'eau, ils n'en étaient que plus agréables à Dieu. Maintenant encore il y a des femmes qui laissent des vases découverts pour être agréables à des divinités nocturnes qu'elles appellent Janas. — La raison figurative de ces impuretés, c'est que la lèpre de la maison désigne l'impureté de l'assemblée des hérétiques ; la lèpre du vêtement de lin représente la corruption des moeurs qui provient de l'aigreur de l'esprit; la lèpre du vêtement de laine est le symbole de la perversité des flatteurs; la lèpre du vêtement de fil indique les vices de l'âme; la lèpre de la trame signifie les péchés de la chair, parce que le fil est dans la trame, comme l'âme est dans le corps. Le vase qui n'a pas de couvercle et qui n'est pas lié par-dessus est l'image de l'homme qui ne sait pas garder le silence et qui ne peut pas se soumettre aux règles de la discipline.

5. Il faut répondre au cinquième, que, comme nous l'avons dit (in sol. arg. praec.), il y avait dans la loi deux sortes d'impuretés. L'une qui résultait d'une corruption quelconque de l'esprit et du corps; c'était la plus grande. L'autre qui provenait uniquement du contact d'une chose impure; c'était la moindre et la plus facile à expier. Car la première s'expiait par des sacrifices pour le péché, parce que toute corruption procède du péché et en est le symbole; tandis que la seconde s'expiait simplement par l'aspersion de l'eau d'expiation, dont il est parlé (Nb 19). Le Seigneur ordonne en cet endroit de prendre une vache rousse en mémoire du péché que les Juifs avaient commis par l'adoration du veau d'or. On désigne une vache plutôt qu'un veau, parce que le Seigneur avait coutume d'appeler de ce nom la synagogue, d'après ce mot du prophète Osée (Os 4,16) : Israël s'est détourné du Seigneur, comme une génisse qui ne peut souffrir le joug. Et il lui donnait, ce nom, sans doute parce que les Juifs adorèrent des vaches à la façon des Egyptiens (1). Ils ont adoré les vaches de Bethaven, dit encore le même prophète (Os 10,5). On immolait hors du camp, en haine du péché d'idolâtrie, et partout où l'on faisait un sacrifice pour l'expiation des péchés de la multitude, on le brûlait tout entier hors du camp. Et pour indiquer que ce sacrifice purifiait le peuple de toutes ses fautes en général, le prêtre trempait son doigt dans le sang de la victime et en aspergeait les portes du sanctuaire sept fois, parce que le nombre sept exprime l'universalité. L'aspersion du sang se faisait en haine du culte des idolâtres, qui ne répandaient pas le sang des victimes, mais qui le recueillaient au contraire, et qui se mettaient autour pour faire un festin en l'honneur des idoles. La victime était brûlée, soit parce que Dieu apparut à Moïse dans le feu et que la loi fut donnée de cette manière; soit parce qu'on voulait montrer qu'on devait absolument détruire l'idolâtrie et tout ce qui lui appartenait, comme la vache dont on livrait aux flammes la peau, les chairs, le sang, et jusqu'aux excréments. Sur le bûcher on plaçait du bois de cèdre, de l'hysope, de l'écarlate deux fois teinte, pour montrer que comme le bois de cèdre ne se corrompt pas facilement, comme l'écarlate deux fois teinte ne perd pas sa couleur, et comme l'hysope conserve son odeur après qu'elle a été desséchée, de même ce sacrifice devait avoir pour effet de conserver le peuple lui-même, sa gloire et ses vertus. C'est pourquoi il est dit des cendres de la vache rousse qu'elles devaient être une sauvegarde pour la multitude des enfants d'Israël. Ou bien, d'après Josèphe (Jntiq. lib. iii, cap. 8,9 et 10), on figurait par là les quatre éléments. Ainsi le cèdre qu'on plaçait sur le feu indiquait la terre parce que sa nature est toute terrestre ; l'hysope signifiait l'air à cause de son odeur ; l'écarlate représentait l'eau pour la même raison que la pourpre, parce que les teintures viennent de l'eau. Et on employait toutes ces choses pour montrer que ce sacrifice était offert au créateur des quatre éléments. Et parce qu'on l'offrait pour le péché de l'idolâtrie et en haine de ce crime, celui qui brûlait la vache, celui qui en recueillait les cendres et celui qui faisait l'aspersion de l’eau dans laquelle on avait mis de la cendre, étaient tous considérés comme impurs; afin de montrer par là que tout ce qui appartient à l'idolâtrie, de quelque manière, doit être rejeté comme immonde. On se purifiait de cette impureté par l'ablution seule des vêtements. On n'avait pas besoin d'être aspergé d'eau à cause de cette impureté, parce qu'il aurait fallu aller indéfiniment de purification en purification. Car comme celui qui aspergeait devenait impur, s'il se fût aspergé lui-même il serait resté tel, et si un autre l'eût aspergé il aurait été souillé; de même celui qui aurait aspergé ce dernier, et cela indéfiniment. — La raison figurative de ce sacrifice, c'est que la vache rousse représente le Christ. Elle était du sexe féminin pour figurer l'infirmité de la nature que le Christ a épousée ; sa couleur marquait le sang de sa passion. Elle était dans la perfection de son âge, parce que toutes les opérations du Christ sont parfaites. Il n'y avait en elle aucune tache et elle n'avait point porté le joug, parce que le Christ fut innocent et qu'il ne connut pas le joug du péché. Il est ordonné de la consacrer à Moïse, parce que les Juifs devaient accuser le Christ d'avoir transgressé la loi mosaïque en violant le jour du sabbat. Elle devait être livrée au prêtre Eléazar, parce que le Christ a été mis lui-même entre les mains des prêtres pour être crucifié. On l'immole hors du camp, parce que le Christ a souffert hors de la porte de Jérusalem. Le prêtre trempe son doigt dans le sang de la victime, parce qu'on doit considérer et imiter le martyre de la passion du Christ, avec la discrétion dont le doigt est l'indice. On asperge contre le tabernacle qui représente la synagogue, soit pour condamner les Juifs qui ne croient pas, soit pour purifier ceux qui croient. On le fait sept fois à cause des sept dons de l'Esprit-Saint, ou à cause des sept jours, dans lesquels tout le temps est compris. Tout ce qui regarde l'incarnation du Christ doit être brûlé par le feu, c'est-à-dire qu'on doit l'entendre spirituellement. Car la peau et la chair désignent l'opération extérieure du Christ; le sang, sa vertu intérieure et subtile qui vivifiait tous ses actes extérieurs; les excréments, sa lassitude, sa soif et tout ce qui se rapportait à son infirmité. On y ajoutait trois choses : le cèdre qui montre la hauteur de l'espérance ou de la contemplation; l'hysope qui signifie l'humilité ou la foi ; l'écarlate deux fois teinte qui marque le double amour de Dieu et du prochain. Car c'est par ces vertus que nous devons nous attacher au Christ qui a souffert pour nous. Un homme pur recueillait la cendre du bûcher ; parce que les restes de la passion sont parvenus aux gentils qui n'ont pas été coupables dans la mort du Christ. On mettait les cendres dans de l'eau pour l'expiation, parce que c'est de la passion du Christ que le baptême tire la vertu qu'il a de purifier les péchés. Le prêtre qui immolait et brûlait la vache, celui qui recueillait les cendres, ainsi que celui qui aspergeait l'eau, étaient tous impurs, parce que les Juifs ont été rendus impurs à l'occasion du Christ, par lequel nos péchés sont expiés. Et cela jusqu'au soir, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde, quand les restes d'Israël seront convertis. Ou bien parce que ceux qui ont en main les choses saintes, en s'appliquant à la purification des autres, contractent eux-mêmes quelques souillures, comme le dit saint Grégoire (.Past part, ii, cap. 5), et il en sera ainsi jusqu'au soir, c'est-à-dire jusqu'à la fin de la vie présente.

6. Il faut répondre au sixième, que, comme nous l'avons dit (in resp. ad 4), l'impureté qui provenait de la corruption de l'esprit ou du corps était expiée par les sacrifices pour le péché. Or, on offrait des sacrifices particuliers pour les péchés de chacun. Mais comme il y en avait qui négligeaient d'expier ces péchés et ces impuretés, ou bien qui manquaient de le faire par ignorance, il fut établi qu'une fois par an, le dixième jour du septième mois, on ferait un sacrifice d'expiation pour tout le peuple. Et parce que, selon l'expression de l'Apôtre (He 7,28), la loi établit pour prêtres des hommes remplis de faiblesse, il fallait que le prêtre offrit pour lui-même un veau pour le péché, en mémoire du péchéqu'Aaron avait fait en fondant le veau d'or; et il devait offrir un bélier en holocauste, pour représenter que la prééminence du sacerdoce, figurée par le bélier] qui est le chef du troupeau, doit avoir pour fin la gloire de Dieu. Ensuite il offrait deux boucs, dont l'un était immolé pour l'expiation des péchés de la multitude. Car le bouc est un animal fétide, et l'on fait avec ses poils des vêtements très- rudes pour indiquer par là ce que le péché a de honteux et d'impur, et de quels tourments il assiège la conscience. On portait le sang de ce bouc qui avait été immolé avec le sang du veau dans le Saint des saints, et on aspergeait tout le sanctuaire, pour montrer que le tabernacle était pur de toutes les souillures des enfants d'Israël. Le corps du bouc et du veau, qui avaient été immolés pour le péché, devait être brûlé pour montrer que les péchés étaient anéantis. Mais on ne les brûlait pas sur l'autel, parce qu'on ne brûlait là totalement que les holocaustes. Il avait été commandé de les brûler hors du camp en haine du péché. Car on le faisait toutes les fois qu'on immolait un sacrifice pour un péché grave ou pour la multitude des fautes. L'autre bouc était envoyé dans le désert, non pour être offert aux démons à la manière des gentils qui les adoraient dans ces lieux, parce qu'il n'était pas permis aux Juifs de les sacrifier, mais pour marquer l'effet du sacrifice que l'on venait d'immoler. C'est pourquoi le prêtre plaçait sa main sur la tête de ce bouc, en confessant les péchés des enfants d'Israël, comme si cet animal les eût emportés dans le désert où les bêtes sauvages devaient le manger et lui faire porter d'une certaine manière le châtiment des péchés du peuple. On disait qu'il portait les péchés du peuple; parce que son départ indiquait que ces péchés étaient remis, ou parce qu'on lui liait sur la tête un feuillet sur lequel ils étaient inscrits. — La raison figurative de toutes ces choses, c'est que le veau représentait le Christ à cause de sa force; le bélier, parce qu'il est le chef des fidèles, et le bouc parce qu'il a pris la ressemblance de la chair du péché. Le Christ a été aussi immolé pour les péchés des prêtres et du peuple, parce que sa passion a purifié du péché les petits et les grands. Le pontife portait dans le Saint des saints le sang du bouc et du veau, parce que c'est le sang de la passion du Christ qui nous a ouvert l'entrée du royaume des deux. On brûlait leurs corps, parce que le Christ a souffert hors la porte de la ville, selon la remarque de saint Paul lui- même (He 13 He 12). Le bouc qui était conduit dans le désert peut représenter, ou la divinité même  du Christ qui s'était comme retirée de son humanité pendant sa passion, non en changeant de lieu, mais en comprimant sa puissance, ou bien il signifie la concupiscence mauvaise que nous devons éloigner de nous, pour offrir à Dieu les bons mouvements de notre coeur. Quant à l'impureté que contractaient ceux qui offraient ces sacrifices, on doit faire le même  raisonnement que pour le sacrifice de la vache rousse (Vid. resp. ad 5).

7. Il faut répondre au septième, que le rit légal ne purifiait pas le lépreux de la tache de la lèpre, mais il était une preuve qu'il l'était. C est le sens de ces paroles qu'on lit à l'égard du prêtre (Lv 14,3) : Quand il aura reconnu que la lèpre est bien guérie, il ordonnera à celui qui doit être purifié d'offrir, etc. La lèpre était donc déjà guérie, mais on disait qu'il était purifié en ce sens que d'après la sentence du prêtre, il était rendu à la société des hommes et au culte de Dieu(l). Cependant il arrivait quelquefois que par un miracle de Dieu, le rit de la loi guérissait la lèpre corporelle, quand le prêtre s'était trompé en portant son jugement. Cette purification du lépreux se faisait de deux manières. D'abord on jugeait qu'il était pur, ensuite on le rendait comme tel à la société des hommes et au culte de Dieu «après sept jours. Dans la première purification, le lépreux qui devait être purifié offrait pour lui deux passereaux vivants, du bois de cèdre, un vermisseau et de l'hysope ; on liait avec un fil de couleur écarlate un passereau et l'hysope avec le bois de cèdre, de telle sorte que le bois de cèdre formait comme le manche d'un goupillon. L'hysope et le passereau recevaient le sang de l'autre passereau qu'on avait immolé dans des eaux vives et étaient ainsi employés à l'aspersion. On offrait ces quatre choses par opposition aux quatre maux qui résultaient de la lèpre. Ainsi le cèdre qui est un bois incorruptible se trouvait en opposition avec la pourriture que cette maladie engendre. l'hysope qui est une herbe odoriférante était contre la mauvaise odeur qu'elle exhale; le passereau vivant contre l'insensibilité qu'elle produit, le vermisseau qui a une couleur vive contre la couleur pâle qu'elle imprime. On laissait le passereau vivant s'envoler dans les champs, parce que le lépreux était rendu à son ancienne liberté. Au huitième jour on admettait le lépreux au culte de Dieu et on lui permettait de communiquer avec ses semblables. Toutefois, on l'obligeait d'abord à se raser tous les poils du corps et à laver ses vêtements parce que la lèpre ronge les poils qu'elle souille et rend fétides les habits. On offrait ensuite un sacrifice pour son péché, parce que la plupart du temps la lèpre avait pour cause quelque transgression. On prenait du sang du sacrifice pour lui en marquer l'extrémité de l'oreille, les pouces de la main droite et du pied, parce que c'est par là que la lèpre se manifeste tout d'abord et se fait sentir. On employait pour ce rit trois sortes de substances liquides: le sang, par opposition à la corruption sanguine qui est l'effet de la lèpre, l'huile pour \ désigner que le malade était guéri, et l'eau vive pour le purifier de ses souillures. — La raison figurative de ce rit, c'est que les deux passereaux signifient la divinité et l'humanité du Christ. Celui qui représente l'humanité est immolé dans un vase de terre sur des eaux vives, parce que la passion du Christ a consacré les eaux du baptême. Celui qui représente la Divinité impassible restait vivant, parce que la Divinité ne peut mourir, et il s'envolait, parce que la Divinité ne pouvait être soumise aux souffrances de la passion. Ce passereau vivant était lié avec le bois de cèdre, l'écarlate, le vermisseau et l'hysope qui étaient les symboles de la foi, de l'espérance et de la charité, comme nous l’avons dit (art. i huj. quaest. ad 4). On le plongeait dans l'eau pour asperger, pour montrer que nous sommes baptisés dans la foi du Christ, qui est Dieu et homme. L'homme lave par l'eau du baptême et de la pénitence ses vêtements et ses poils, c'est-à-dire ses actions et ses pensées. On marquait de sang et d'huile l'extrémité de l'oreille droite de celui qui était purifié, pour prémunir son ouïe contre les paroles qui pouvaient la corrompre. On en faisait autant aux pouces de sa main droite et de son pied, pour que son action fût sainte. Quant aux autres cérémonies qui regardent la purification de la lèpre ou des autres souillures, elles n'ont rien de particulier; elles ne sont qu'une répétition des autres sacrifices offerts pour le péché.

8. Il faut répondre au huitième, que comme la circoncision établissait le peuple pour le culte de Dieu, de même il fallait pour les ministres une purification et une consécration toute spéciale. Ainsi on ordonne de les séparer des autres, comme étant tout particulièrement destinés au service divin. Et tout ce que l'on faisait à leur égard dans leur consécration ou leur-institution avait pour but de montrer qu'ils avaient une certaine prééminence de pureté, de vertu et de dignité. C'est pourquoi dans leur institution on faisait trois choses: 1° on les purifiait ; 2° on les ordonnait et on les consacrait; 3° on les appliquait aux fonctions de leur ministère. On les purifiait tous en général par» l'ablution de l'eau et par des sacrifices, mais les lévites en particulier rasaient tous les poils de leur chair, comme on levoit(Let\ viii et Num. viii). La consécration des pontifes et des prêtres se faisait de la manière suivante. Après l'ablution, on les revêtait d'habits spéciaux qui représentaient leur dignité. Le pontife était particulièrement oint sur la tôle de l'huile sainte, pour montrer que c'est de lui que découle vers les autres la puissance de consacrer, comme l'huile découle de la tête vers les parties inférieures du corps, suivant cette comparaison du Psalmiste (Ps 132,2) : Comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur toute la barbe d'Aaron. Les lévites n'avaient pas d'autre consécration que d'être offerts au Seigneur de la part des enfants d'Israël, par les mains du pontife qui priait pour eux. Pour les prêtres d'un rang inférieur, on ne consacrait que leurs mains, dont ils devaient faire usage dans les sacrifices. On leur marquait avec le sang de la victime l'extrémité de l'oreille droite et les pouces du pied ou de la main droite, pour qu'ils observassent la loi de Dieu dans l'oblation des sacrifices, ce qu'indiquait le signe dont on les marquait à l'oreille droite, et pour qu'ils eussent du zèle et de l'activité dans l'exécution de leurs fonctions, ce que représentait le sang qu'on leur imprimait sur le pied et la main droite. On les aspergeait ainsi que leurs vêtements avec le sang de l'animal qu'on avait immolé, en mémoire du sang de l'agneau qui les avait délivrés de l'Egypte. On offrait dans leur consécration les sacrifices suivants : un veau pour le péché, en mémoire du pardon accordé à Aaron à l'occasion du veau d'or; un bélier en holocauste, en souvenir de l'offrande d'Abraham dont le pontife devait imiter l'obéissance; un bélier de consécration, qui était comme une hostie pacifique qui rappelait la délivrance de l'Egypte par le sang de l'agneau ; une corbeille de pain, en mémoire de la manne que Dieu avait envoyée à son peuple. Pour les appliquer à leurs fonctions, on mettait sur leurs mains la graisse du bélier, la mie d'un pain et l'épaule droite, pour montrer qu'ils recevaient la puissance d'offrir ces choses au Seigneur. Pour les lévites, on les introduisait dans l'arche d'alliance pour montrer qu'ils devaient s'occuper des vases du sanctuaire. — La raison figurative de toutes ces cérémonies c'est que ceux qui sont consacrés au ministère spirituel du Christ doivent d'abord être purifiés par l'eau du baptême et les larmes dans la foi de la

passion du Christ qui est un sacrifice expiatoire et purgatif. Ils doivent raser tous les poils de leur chair, c'est-à-dire toutes les pensées mauvaises; ils doivent aussi être ornés de toutes les vertus et consacrés par l'huile de l'Esprit-Saint et l'aspersion du sang du Christ, enfin ils sont obligés de s'appliquer tout entiers à l'exercice de leurs fonctions spirituelles. La réponse au neuvième argument est par là même évidente. Ii faut répondre au dixième, que, comme nous l'avons dit (in sol. arg. 8 et art. 4 huj. quaest.), le but de la loi était de porter au respect du culte divin, et elle le faisait de deux manières : 1° en écartant du culte tout ce qui pouvait être méprisable; 2° en y faisant entrer tout ce qui paraissait capable d'en rehausser l'éclat. Et si on observait cette double règle à l'égard du tabernacle, des vases sacrés et des animaux que l'on devait immoler, à plus forte raison devait-on la suivre pour les ministres eux-mêmes. C'est pourquoi, pour que les ministres ne fussent pas méprisables, on exigeait qu'ils fussent sans tache ou qu'ils n'eussent pas de défaut corporel (1), parce que les hommes qui ont quelque difformité sont ordinairement un objet de dérision pour les autres. C'est aussi pour cette raison qu'on décida qu'on ne prendrait pas çà et là des hommes de toute famille pour en faire les ministres de Dieu, mais qu'on ne les choisirait que dans une certaine lignée et par voie de succession pour les rendre plus nobles et plus illustres. Pour qu'ils fussent respectés, on affecta à leurs vêtements des ornements particuliers, et ils eurent une consécration spéciale. Voilà en général la raison des ornements attachés à leurs habits. Pour entrer dans le détail il faut observer que le pontife avait huit ornements : 1° il avait une veste de lin; 2° il avait une tunique d'hyacinthe autour de laquelle on avait placé à l'extrémité, vers les pieds, des sonnettes et des grenades faites d'hyacinthe, de pourpre et d'écarlate deux fois teinte ; 3° il avait l'éphod qui lui couvrait les épaules et la partie antérieure du corps jusqu'à la ceinture. Il était d'or, d'hyacinthe, de pourpre, d'écarlate deux fois teinte et de fin lin retors. Il avait sur les épaules deux grosses pierres précieuses sur lesquelles étaient écrits les noms des enfants d'Israël. 4° Il avait le rational fait de la même matière que l'éphod. Il était carré, s'adaptait sur la poitrine et s'unissait à l'éphod. Sur ce rational il y avait douze pierres précieuses placées sur quatre rangs, et sur lesquelles étaient écrits les noms des enfant d'Israël. Le grand prêtre portait leurs noms sur ses épaules pour indiquer qu'il avait à sa charge le peuple entier, et il les portait sur sa poitrine pour faire voir qu'il devait toujours penser à leur salut et les avoir constamment dans son coeur. Le Seigneur ordonna d'écrire sur le rational ces mots : doctrine et vérité; parce qu'il y avait des choses qui appartiennent à la vérité de la justice et de la doctrine qui s'y trouvaient écrites. Toutefois il y a des Juifs qui ont imaginé qu'il y avait sur le rational une pierre qui changeait de couleur, selon les divers événements qui devaient arriver aux enfants d'Israël, et c'est ce qu'ils appellent vérité et doctrine. 5° Il avait le baudrier, qui était un cordon où l'on voyait briller les quatre couleurs que nous venons d'énumérer. 6° Il avait la tiare, qui était une mitre faite de lin. 7° Il avait la lame d'or qui brillait sur son front et sur laquelle était écrit le nom du Seigneur. 8° Enfin il portait des caleçons de lin pour cacher sa nudité, lorsqu'il s'approchait du sanctuaire ou de l'autel. De ces huit ornements les prêtres inférieurs n'en avaient que quatre : la tunique de lin les caleçons, le baudrier et la tiare.— On donne pour raison littérale de tous ces ornements qu'ils marquaient la disposition de l'univers, comme si le pontife eût protesté qu'il était le ministre du créateur du monde. Ainsi il est dit dans la Sagesse (xviii, 14) que le monde entier était décrit sur le vêtement d'Aaron. En effet le caleçon de lin figurait la terre qui produit

le lin ; le baudrier en faisant le tour du corps, représentait l'Océan qui environne la terre; la tunique d'hyacinthe représentait par sa couleur la région bleue des airs; les clochettes marquaient le tonnerre, et les grenades les éclairs; le surhuméral indiquait par la variété de ses couleurs le ciel sidéral ; les deux grosses pierres précieuses les deux hémisphères, ou le soleil et la lune; les douze gemmes qui brillaient sur sa poitrine les douze signes du zodiaque, et on disait qu'elles étaient placées sur le rational, parce que c'est dans les choses célestes que se trouvent les raisons des choses terrestres, d'après ces paroles de Job (Jb 38,33) : Savez-vous l'ordre du ciel et en rendez-vous bien raison, vous qui êtes sur la terre ? Le cidarix ou la tiare rappelait le ciel empyrée, et la lame d'or Dieu qui préside à tout (1). — La raison figurative de toutes ces choses est évidente. En effet, les taches ou les défauts corporels dont les prêtres doivent être exempts montrent les vices divers et les péchés qu'on ne doit pas trouver en eux. Ainsi il est défendu qu'ils soient aveugles, c'est-à-dire ignorants; boiteux, c'est-à-dire sans stabilité, se portant tantôt vers une chose et tantôt vers une autre ; qu'ils n'aient pas le nez trop grand, ou trop petit, ou difforme, c'est-à-dire qu'ils ne manquent pas de discrétion en péchant par excès ou par défaut, ou en faisant de mauvaises choses ; car le nez est le symbole du discernement, parce qu'il lui appartient de discerner les odeurs; qu'ils n'aient pas le pied ou la main brisés, c'est-à-dire qu'ils ne perdent pas la puissance de bien faire. On les rejetait, s'ils avaient une bosse par devant ou par derrière, ce qui indique l'amour superflu des choses terrestres ; s'ils étaient chassieux, c'est-à-dire si leur esprit était obscurci par des affections charnelles, parce que cette maladie vient de l'écoulement des humeurs. On les rejetait encore s'ils avaient une blancheur sur l'oeil, c'est-à-dire s'ils avaient la présomption d'avoir en eux-mêmes la candeur de la justice; s'ils avaient la gale ou la chair constamment bouillonnante, ou la gratelle qui envahit le corps sans douleur et souille le teint des membres ; ce qui désigne l'avarice ; enfin s'ils avaient une hernie ou qu'ils fussent trop pesants, parce que le prêtre ne doit pas seulement s'abstenir d'actions mauvaises, mais il ne doit pas non plus en porter la honte dans son coeur. Les ornements indiquent les vertus des ministres de Dieu. Or, il y en a quatre qui sont nécessaires à tous ceux qui sont attachés au service de Dieu : ce sont la chasteté que les caleçons représentent ; la pureté de vie qui est indiquée par la tunique de lin; l'esprit de modération et de discernement dont le cordon est le symbole; enfin la droiture d'intention qui est figurée par la tiare qui couvre la tête. Indépendamment de ces vertus les pontifes doivent encore en avoir quatre autres : 1° ils doivent avoir le souvenir de Dieu toujours présent dans la contemplation, et c'est ce que signifie la lame d'or qu'ils avaient sur le front avec le nom du Seigneur; 2° ils doivent supporter les infirmités du peuple, ce qu'indique le surhuméral; 3° il faut que la sollicitude de la charité mette le peuple dans leur coeur et dans leurs entrailles ; ce qui est exprimé par le rational ; 4° ils doivent vivre d'une manière céleste en ne faisant que des oeuvres parfaites, ce que montre la tunique d'hyacinthe. Aussi on avait placé à l'extrémité de cette tunique des sonnettes pour représenter la doctrine des mystères divins qui doit toujours être unie à la vie céleste du pontife. Les grenades qu'on y avait aussi ajoutées marquent l'unité de foi et la concorde dans les bonnes moeurs, parce que la doctrine du prêtre doit être telle qu'elle ne rompe jamais ni l'unité de la foi, ni l'unité de la paix.

(I) C'est ce qui est expressément recommandé dans la loi (Ex 22,29 22,50) : Septem diebus sit cum matre sud; die octavA reddes illum mihi.
(0 Le mot xenia, qui est ici employé, vient du grec Çe'-JOí, et a d'aboril signilié des présents faits à des étrangers, dona hospilalia.
(2) Elles indiquaient que l'on devait marcher sur leurs traces. Ce symbolisme se retrouve dans la liturgie.
(I) Ce fut le Christ qui eleva ce contrat à la dignité d'un sacrement.Cette question des sacrement» se trouve d'ailleurs longuement traitée dans la 5e partie de la Somme.
(I) Moïse Maimonide, dont nous avons parlé plus haut (pag. 476 et 480).
(1) Saint Augustin parle du respect que les Egvptiens avaient pour ces animaux et de leur culte pour le boeuf (De eiv. Dei, lib. xviii, cap. o).
( I ) La sentence du prêtre n'était généralement que déclaratoire.
(t) C'est pour le même, motif que sous la loi nouvelle les défauts corporeis constituent encore des irrégularités qui empêchent d'être appelé aux saints ordres.
(1) Ce symbolisme se retrouve dans les auteurs juifs ; il est spécialement exposé par Josèphe.



I-II (trad. Drioux 1852) Qu.102 a.5