I pars (Drioux 1852) Qu.27 a.2

Article II. — Y A-T-IL EN DIEU UNE PROCESSION QU'ON PUISSE APPELER : GÉNÉRATION (3) ?


(3) L'Ecriture dit en plusieurs endroits que le Fils a été engendré : saint Paul lui applique ces paroles du Psalmiste : Ego hodie gênai te, etail-leurs:ae«iero ante luciferumçienui(Ps.ci%). Les quatre grands conciles oecuméniques de Nicéc, de Conslantinople, d'Ephcsc et de Chalcédoine ont défini que le Verbe avait été engendré.


Objections: 1.. Il semble qu'il n'y ait pas en Dieu de procession qu'on puisse appeler génération. Car la génération est un changement opposé à la corruption ; elle va du non-être à l'être, tandis que la corruption va de l'être au non-être; et la matière est le sujet de l'une et de l'autre. Or, en Dieu il ne peut y avoir rien de semblable. Donc il ne peut y avoir en lui génération.

2.. En Dieu il y a procession d'une manière intellectuelle, comme nous venons de le prouver (art. préc). Or, nous ne donnons pas en nous à cette procession le nom de génération. Donc on ne doit pas non plus l'appeler ainsi en Dieu.

3.. Tout ce qui est engendré reçoit l'être de celui qui l'engendre. Donc tout ce qui est engendré n'a qu'un être qu'il a reçu d'un autre. Un être reçu ou communiqué ne subsiste pas par lui-même. Et puisque l'être de Dieu est un être qui subsiste par lui-même, comme nous l'avons prouvé (quest. vu, art. 1), il s'ensuit qu'il n'y a pas d'être engendré qui soit un être divin. Donc il n'y a pas génération en Dieu.


Mais c'est le contraire. Car il est dit dans les Psaumes : Je vous ai engendré aujourd'hui (Psal, o, 7).

CONCLUSION. — La procession du Verbe dans les personnes divines est une génération, non dans le sens général, mais dans le sens propre ; cette génération est l'origine d'un être vivant qui procède d'un être vivant avec lequel il est uni par la similitude parfaite de la même nature.

Il faut répondre que la procession du Verbe dans les personnes divines prend le nom de génération. Mais il est à remarquer que ce mot peut être pris en deux sens. 1° On appelle génération en général tout ce qui est susceptible d'être engendré et de se corrompre. La génération dans ce sens n'est que le changement ou le passage du non-être à l'être. 2° Dans un sens propre on applique ce mot aux êtres vivants. Dans ce cas la génération exprime l'origine d'un être vivant qui sort d'un principe vivant avec lequel il est uni; c'est à proprement parler la naissance. Toutefois, il ne faut pas croire que tout ce qui naît soit engendré ; on ne donne cette qualification qu'aux êtres qui ont de la ressemblance avec leur principe. Ainsi la barbe et les cheveux ne sont pas engendrés, parce qu'ils n'ont aucune ressemblance avec le principe qui leur donne naissance. Les vers qui se forment de la substance des animaux, n'ont pas non plus les caractères de la génération et de la filiation quoiqu'il y ait entre eux et l'animal qui les a produits ressemblance de genre. Il faut, pour qu'il y ait réellement génération, que l'être qui procède ait tous les caractères de ressemblance qui constituent la nature de l'espèce d'où il sort. C'est ainsi que l'homme procède de l'homme et le cheval du cheval. — Dans les êtres vivants qui passent de la puissance à l'acte, du non-être à l'être, comme les hommes et les animaux, on trouve ces deux sortes de génération. Mais s'il y a un être vivant dont la vie ne soit pas soumise ainsi au passage de la puissance à l'acte, la procession (s'il y en a une pour un tel être) exclut entièrement la première espèce de génération, mais elle peut avoir tous les caractères de la seconde qui est propre aux êtres vivants. — C'est dans ce dernier sens que la procession du Verbe est appelée génération. Car il procède de l'action intellectuelle de Dieu, qui est son opération vivante, il procède, comme nous l'avons dit (art. préc), d'un principe avec lequel il est uni et il en procède par ressemblance. Car la conception intellectuelle est l'image de la chose comprise, et elle existe dans la même nature, parce qu'en Dieu l'être et le comprendre sont une seule et même chose (1), comme nous l'avons prouvé (quest. m, art. 4; quest. xiv, art. 4). C'est pourquoi la procession du Verbe est appelée en Dieu génération, et le Verbe lui-même qui procède a reçu le nom de Fils.

(1) Dans un traité spécial, saint Thomas s'est appliqué à faire ressortir les différences qu'il y a entre le Verliedivin et le Verbe humain. Il en reconnaît trois : la première c'est qu'en nous le Verbe est une puissance avant d'être un acte, tandis qu'en Dieu le Verbe est toujours en acte ; la seconde, c'est que le Verbe est en nous imparfait, puisque nous ne pouvons, uno verbo , exprimer toutes nos pensées, et qu'il nous faut pour cela une multitude de paroles, tandis que le Verbe divin embrasse tout ce qui est en Dieu par un seul et même acte ; la troisième c'est que notre Verbe n'est pas de même nature que nous, tandis que le Verbe est de même nature que Dieu , puisque 'être et le comprendre sont en Dieu une même chose. De là il tire trois conséquences, c'est que le Verbe divin est coélernel à son Père, puisqu'il est toujours en acte ; c'est qu'il lui est égal, puisqu'il est parfait ; c'est qu'il lui est consubstanticl, puisqu'il subsiste dans sa nature (Voyez opusc. XI, edit Vcnet.).


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que cette objection ne tombe que sur la première espèce de génération, celle qui regarde l'être en tant qu'il passe de la puissance à l'acte. Nous avons dit que cette sorte de génération n'existait pas en Dieu.

2. Il faut répondre au second, qu'en nous le comprendre n'est pas la substance même de l'entendement. Par conséquent, le Verbe que produit en nous l'action de l'intelligence n'est pas de même nature que le sujet dont il procède. C'est pour ce motif que le mot de génération ne lui convient pas dans son sens propre et dans toute l'étendue de son acception. Mais en Dieu le comprendre est la substance même de son entendement, comme nous l'avons prouvé (quest. xiv, art. 4). En conséquence, le Verbe qui en procède est de même nature et il est substantiel comme le principe qui le produit. C'est pourquoi on dit, à proprement parler, qu'il est engendré, et on lui donne le nom de Fils. De là, pour exprimer la procession de la sagesse divine, l'Ecriture se sert des mots conception et enfantement. Ainsi il est dit de la divine sagesse dans les Proverbes : Les abîmes n'existaient pas encore, et j'étais déjà conçue; j'étais enfantée avant les'collines (Prov. vin, 24). Nous employons aussi le mot conception pour exprimer la ressemblance qu'il y a entre notre parole et la chose comprise, bien qu'il n'y ait pas identité de nature entre l'idée et son expression.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il n'est pas nécessaire que ce qui vient d'un autre être soit reçu dans un sujet quelconque. Autrement on ne pourrait pas dire que la substance entière de la créature vient de Dieu, puisqu'il n'y a pas de sujet pour la recevoir dans sa totalité. Ainsi en Dieu celui qui est engendré reçoit l'être de celui qui l'engendre, mais il ne le reçoit pas comme dans un sujet ou dans une matière quelconque ; ce qui répugnerait à la nature de l'être divin qui doit subsister par lui-même. Seulement on dit qu'il le reçoit, parce que l'être divin qu'il possède procède d'un autre, bien qu'il n'en diffère pas essentiellement. Car la perfection de Dieu comprend le Verbe qui procède de l'intelligence et le principe du Verbe, comme elle comprend absolument tous les attributs divins, ainsi que nous l'avons démontré (quest. iv, art. 2; quest. xiv, art. 4) (I).

(1) Sur la génération du Verbe saint Thomas se livre à de magnifiques développements (Summ. contra Gentiles, lib. iv, cap. ii).

Article III. — Va-t-il dans les personnes divines une autre procession que la génération du verbe (2)?


(2) Saint Jean parle de la procession de l'Esprit-Saint comme de celle du Fils. (Joan. XV) : Spiritus sanctus procedit à Patre. (Id. xiv) : Alium Paracletum dabit vobis.


Objections: 1.. Il semble qu'il n'y ait pas dans les personnes divines une autre procession que la génération du Verbe. Car si on admet une seconde procession, il n'y aura pas de raison pour n'en pas admettre une troisième, et ainsi de suite indéfiniment ; ce qui répugne. Il faut donc n'en reconnaître qu'une seule.

2.. Tous les êtres n'ont qu'une seule manière de communiquer leur nature; c'est ce qui fait que dans toutes leurs opérations il y a unité et diversité. Or, la procession dans les personnes divines n'est que la communication de la nature de Dieu même. Donc, par là même que la nature divine est une, comme nous l'avons prouvé (quest. xi, art. 3), il faut qu'il n'y ait en Dieu qu'une seule procession.

3.. S'il y avait en Dieu une autre procession que celle du Verbe qui procède de l'intelligence, ce serait la procession de l'amour qui procéderait de la volonté. Mais cette procession ne peut pas être différente de la procession qui vient de l'intelligence, puisque en Dieu la volonté n'est pas autre chose que l'intellect, comme nous l'avons prouvé plus haut (quest. xix, art. I). Donc en Dieu il n'y a pas d'autre procession que la procession du Verbe.


Mais c'est le contraire. Car il est dit en saint Jean (xv, 16) que le Saint-Esprit procède du Père, et ailleurs : que l'Esprit-Saint est autre que le Fils. Je prierai mon Père, et il vous enverra un attire consolateur (xiv, 16). Donc en Dieu il y a une autre procession que celle du Verbe.

CONCLUSION. — Outre la procession du Verbe qui se rapporte à l'action de l'entendement, il y a une autre procession qui se rapporte à l'action de la volonté.

Il faut répondre qu'en Dieu il y a deux processions, celle du Verbe et une autre. Pour s'en convaincre il faut observer qu'en Dieu la procession n'est pas déterminée par un acte qui se produit au dehors, mais par un acte qui est immanent dans l'agent lui-même. Or, dans un être spirituel il n'y a d'action immanente que celle de l'intelligence et celle de la volonté. La procession du Verbe résultant de l'action de l'intelligence, il y a en nous une autre procession qui résulte de l'action de la volonté ; c'est la procession de l'amour qui fait que l'objet aimé est dans celui qui l'aime, comme par la conception la chose comprise est dans l'esprit de celui qui la comprend. Il faut donc, outre la procession du Verbe, admettre en Dieu une autre procession qui est la procession de l'amour.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'il n'est pas nécessaire d'admettre des processions à l'infini. Car dans un être spirituel il n'y a plus d'autre procession ad intrà que celle qui vient de la volonté.

2. II faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (quest. m, art. 3 et 4), tout ce qui est en Dieu est Dieu. Ce qui n'a pas lieu dans les autres êtres. C'est pourquoi la nature divine est communiquée par toute procession ad intrà ; ce qui n'arrive pas à une autre nature.

3. Il faut répondre au troisième, que quoique en Dieu la volonté ne soit pas autre chose que l'intellect, cependant il est dans la nature de la volonté et de l'intellect que leurs processions qui sont déterminées par l'action de l'une et de l'autre soient distinctes, et qu'il y ait entre elles un certain ordre; caria procession de l'amour n'existe qu'autant qu'elle se rapporte à la procession du Verbe, puisque la volonté ne peut aimer que l'objet dont la conception est dans 1 Esprit (1). Ainsi, comme il y a rapport du Verbe à son principe, bien qu'en Dieu l'intellect et la conception de l'intellect soient une même substance, de même, quoiqu'on Dieu la volonté et l'intellect soient une même chose, il est dans la nature de l'amour qu'il procède de la conception de l'intellect, et c'est ce qui fait qu'il y a entre la procession de l'amour et la procession du Verbe une distinction de rapport ou de relation (2).

(1) On voit déjà par là que le Saint-Esprit procède nécessairement du Fils comme du Père.

(2) Saint Augustin a spécialement développé ce système (De Trin. lib. VI, cap. 12, et lib. xv, cap. 17) ; mais la plupart des Pères s'étaient aussi appliqués avant lui à démontrer que le Fils procède de l'intelligence et le Saint-Esprit de la volonté. Ta-tien, Athénagore, saint Irénée, saint Cyrille, Ter-tullien , saint Basile, saint Grégoire de Nazianze , saint Athanase sont formels à ce sujet. Tous les théologiens ont adopté ce sentiment, parce qu'il permet d'expliquer de la manière la plus facile pourquoi on donne le nom de Verbe à la seconde personne et non à la troisième ; pourquoi la procession du Fils est appelée génération plutôt que celle de l'Esprit-Saint; pourquoi la procession du Fils a la priorité sur celle de l'Esprit-Saint ; pourquoi le Saint-Esprit procède du Fils: pourquoi il n'y a que deux processions; pourquoi elles existent ad intrà, etc., etc.


ARTICLE IV. — la procession de l'amour en dieu est-elle une génération (1) ?


(1) Le symbole de saint Athanase dit de l'Esprit-Saint : Spiritus sanctus à Patre et Filio non factus, nec natus, nec genitus, sed procedens. Le concile de Tolède, tenu contre les priscillia-nistes, s'exprime ainsi : Est ergo ingenitus Pater, genitus Filius, non genitus Paracletus, sed à Patre Filioque procedens. Ce qui établit une différence entre la procession de l'Esprit-Saint et celle du Verbe.

Objections: 1.. Il semble que la procession de l'amour soit en Dieu une génération. Car parmi les êtres vivants tout ce qui procède et qui ressemble par sa nature au principe dont il procède , on dit qu'il est né, engendré. Or,' ce qui procède dans les personnes divines par manière d'amour, procède selon la ressemblance de la nature divine ; autrement il lui serait étranger et il en procéderait ad extra. Donc en Dieu la procession de l'amour est une génération, une naissance.

2.. Comme la ressemblance est dans la nature du Verbe, elle est aussi dans la nature de l'amour. C'est pourquoi il est dit que tout animal aime son semblable (Eccl. xm, 19). Si l'on dit que le Verbe est engendré, qu'il est né, parce qu'il y a en lui ressemblance, on doit donc dire la même chose de l'amour qui procède.

3.. Ce qui n'existe pas dans l'espèce d'une manière quelconque, n'existe pas non plus dans le genre. S'il y a une procession d'amour en Dieu, il faut donc qu'indépendamment de ce nom général elle ait un nom spécial. Or, il n'y a pas d'autre nom à employer que celui de génération. Donc il semble que la procession de l'amour soit en Dieu une génération.


Mais c'est le contraire. Car il suit de là que le Saint-Esprit qui procède de l'amour, procéderait comme engendré ; ce qui est opposé à ces paroles du symbole de saint Athanase : Le Saint-Esprit n'a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il en procède.

CONCLUSION. — Puisque la procession de l'amour n'a pas pour fondement la ressemblance, on ne peut aucunement lui donner le nom de génération, et le terme de cette procession ne reçoit ni le nom d'engendré, ni le nom de Fils, mais on l'appelle Esprit.

Il faut répondre qu'en Dieu la procession de l'amour ne peut s'appeler génération. Pour le comprendre il faut savoir qu'il y a cette différence entre l'intelligence et la volonté, c'est que l'intelligence est en acte par là même qu'elle possède en elle l'image de la chose qu'elle comprend, tandis que la volonté est en acte, non quand l'image de l'objet qu'elle veut est en elle, mais quand elle se sent portée vers lui. On peut donc dire que la procession intellectuelle a pour fondement la ressemblance, et qu'on lui donne avec raison le nom de génération, parce que tout être engendre son semblable. Mais la procession de la volonté ayant pour fondement, non la ressemblance , mais l'impulsion, le mouvement qui porte vers un objet quelconque, il s'ensuit qu'en Dieu le terme de la procession de l'amour ne peut recevoir ni le nom d'engendré, ni celui de Fils, mais on l'appelle Esprit (2).

Par ce mot on exprime un mouvement, une impulsion de vie analogue à ce que nous éprouvons quand l'amour nous excite et nous pousse à faire quelque chose.

(2) Les sentiments des théologiens sont là-dessus très-partagés. ilicharddc Saint-Victor et Alain de Liste prétendent qu'on donne au Verbe le nom de Fils, parce qu'il reçoit du Père une nature féconde, et qu'on ne le donne pas au Saint-Esprit, parce que la nature qu'il reçoit est inféconde. Saint Bonaventura dit que le Fils doit procéder scion la nature, comme Seth procède d'Adam, et qu'on ne peut donner au Saint-Esprit le nom de Fils parce qui! procède de la volonté. Scot dit que la procession du Verbe est par elle-même une génération et celle de l'Esprit-Saint une opération. Vasquez, Suarez se l'approchent beaucoup du sentiment de saint Thomas, qui est d'ailleurs le plus suivi. Bossuet dit que c'est un secret réservé à la vision bienheureuse (Voyez Elévation, p. 48, édit. de Vers.).


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que tout ce qui est en Dieu est un avec sa nature. Ce n'est donc pas de l'unité de la nature qu'il faut prendre la raison propre qui distingue une procession d'une autre. Mais il faut prendre cette raison du rapport que les processions ont entre elles. Or, ce rapport se conçoit d'après la nature de la volonté et de l'intellect. C'est pourquoi, comme ces deux processions ont chacune leur raison d'être, il est nécessaire qu'on leur donne à chacune un nom qui exprime leur nature propre. C'est pourquoi ce qui procède par manière d'amour et ce qui reçoit ainsi la nature divine, n'est pas appelé né ou engendré.

2. Il faut répondre au second, que la ressemblance se rapporte au Verbe et à l'amour, mais d'une manière différente. Car elle se rapporte au Verbe dans le sens qu'il est lui-même la ressemblance de la chose comprise, comme l'être engendré est l'image de celui qui l'engendre. Et elle se rapporte à l'amour, non parce que l'amour est lui-même la ressemblance de l'objet aimé, mais parce qu'il a pour principe cette ressemblance. Il ne suit pas de là que l'amour soit engendré, mais qu'il a pour principe celui qui est engendré (1).

3. Il faut répondre au troisième, que nous ne pouvons donner de nom à Dieu que d'après les créatures, comme nous l'avons dit (quest. xiii, art. 1). Et comme les créatures ne communiquent leur nature que par la génération, la procession en Dieu n'a pas d'autre nom propre ou spécial que celui-là. C'est pourquoi pour la procession qui n'est pas une génération nous n'avons pas de nom particulier qui lui convienne spécialement. Cependant on peut l'appeler spiration (spiratio), puisque c'est d'elle que procède VEsprit (Spiritus).

(1) Par conséquent, l'Eglise romaine a eu raison contre les Grecs, en mettant dans son Symbole : A Patre Filioque procedit.


Article V. — y a-t-il en dieu plus de deux processions (2)?


(2) Si l'on admettait en Dieu plus de deux processions, et qu'on en reconnût trois, par exemple il y aurait une quaternité au lieu d'une trinité de personnes, et l'on tomberait dans l'erreur de l'abbé Joachim, qui a été exposée et condamnée par le pape Innocent III au concile de Latran (De sum. Trin. et fid. cath.).

Objections: 1.. Il semble qu'en Dieu il y ait plus de deux processions. Car, comme en Dieu il y a science et volonté, il y a aussi puissance. Par conséquent si on reconnaît en Dieu deux processions qui résultent l'une de l'intelligence et l'autre de la volonté, il faut en admettre une troisième qui aura la puissance pour principe.

2.. La bonté paraît être surtout le principe de la procession, puisque le bon tend naturellement à se répandre (3). Il semble donc qu'on devrait reconnaître en Dieu une procession qui aurait la bonté pour principe.

(3) Bonum est sui diffusivum.

3.. Dieu est plus fécond que nous ne le sommes. Or, en nous il n'y a pas seulement une procession du Verbe, mais il y en a une multitude. Car d'une parole nous en faisons procéder une autre. Il en est de même de l'amour duquel procède en nous un autre amour, et cela indéfiniment. Donc en Dieu il y a plus de deux processions.


Mais c'est le contraire. Car en Dieu il n'y a que le Fils et le Saint-Esprit qui procèdent; il n'y a par conséquent que deux processions.

CONCLUSION. — Puisque en Dieu les processions ne sont déterminées que par les opérations immanentes, et que dans l'être intellectuel et divin il n'y a que deux opérations qui aient ce caractère, l'intelligence et la volonté, il ne peut y avoir en Dieu que deux processions, celle du Verbe et celle de l'amour.

Il faut répondre qu'en Dieu il ne peut y avoir d'autres processions que celles qui sont déterminées par des actions immanentes dans le sujet qui les produit. Or, il n'y a dans l'être intellectuel et divin que deux actions de cette nature, qui sont : comprendre et vouloir. Car la sensation qui paraît être une opération immanente dans le sujet qui sent, n'est pas l'acte d'une nature spirituelle, et il y a d'ailleurs dans l'acte de sentir quelque chose qui suppose un mouvement ad extra. La sensation n'est pas un phénomène purement interne, puisque la faculté de sentir a besoin pour que son opération soit parfaite du concours des choses extérieures. Il faut donc en conclure qu'il ne peut pas y avoir en Dieu d'autre puissance que celle du Verbe et de l'amour.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier, que la puissance est le principe d'action qu'un être a sur un autre. Tous les actes de la puissance sont donc des actes extérieurs. Par conséquent, d'après cet attribut, il ne peut pas y avoir procession en Dieu. Il n'y a qu'une procession ad extra, qui est la procession des créatures (1).

(1 ) D'ailleurs la puissance n'est pas une faculté distincte de la volonté.

2. Il faut répondre au second, que le bon, comme le dit Boece (lib. de Heb-dom.), se rapporte à l'essence de Dieu et non à son action, sinon comme objet de la volonté. Par conséquent, puisque les processions divines sont nécessairement déterminées par les actions, pour la bonté et les autres attributs semblables il n'est pas nécessaire de reconnaître d'autres processions que celles du Verbe et de l'amour ; car c'est par elles que Dieu comprend ét aime son essence, sa vérité et sa bonté.

3. Il faut répondre au troisième, que, comme nous l'avons dit (quest. xiv, art. 5), Dieu comprend tout par un seul et même acte, et il veut tout de la même manière. Par conséquent, en lui il ne peut se faire qu'un Verbe procède d'un autre Verbe, un amour d'un autre amour. Il n'y a en lui qu'un seul Verbe qui est parfait, et un seul amour qui est parfait aussi. Et c'est en cela que se manifeste la perfection même de sa fécondité.



QUESTION XXVIII. : DES  RELATIONS   DIVINES.


Nous avons maintenant à traiter des relations divines. — A cet égard quatre questions se présentent : 1" Y a-t-il en Dieu des relations réelles? — 2° Ces relations sont-elles l'essence divine elle-même ou quelque chose qui lui est extérieur? — 3" Peut-il y avoir en Dieu plusieurs relations réellement distinctes les, unes des autres ? — 4° Quel est le nombre de ces relations?


ARTICLE I. — Y A-T-IL EN DIEU DES RELATIONS RÉELLES (2)?


(2) La réalité des relations divines est indiquée par ces paroles du Symbole de saint Atbanase : Alia est persona Patris, alia Filii, alia Spiritus sancti. Le pape innocent III l'a expressément définie en ces termes : Haec sancta Trinitas secundum communem essentiam individua et secundum proprietates (id est relationes) personales discreta. Le concile de Tolède (ses. xl, can. -i) s'exprime ainsi : In relativis personarum nominibus Pater ad Filium, Filius ad Patrem, Spiritus sanctus ad utrumque refertur. Le concile de Florence : In divinis omnia sunt unum, ubi non obviat relationis oppositio.

Objections: 1.. Il semble qu'en Dieu il n'y ait pas de relations réelles. Car Boëce dit dans son livre de la Trinité (De Trin. in med.), que quand on affirme de Dieu quelque chose, tout ce qu'on affirme est substantiel, et qu'on ne peut absolument rien en affirmer de relatif. Or, on peut affirmer de Dieu tout ce qui existe réellement en lui. Donc la relation n'y existe pas réellement puisqu'elle ne se dit pas de lui.

2.. Boëee dit encore dans le même livre (cire, fin.) que dans la sainte Trinité la relation du Père au Fils, et la relation de l'un et de l'autre au Saint-Esprit sont semblables, parce que c'est toujours la relation du même au même. Or, une relation de cette nature n'est qu'une relation de raison, parce qu'une relation réelle suppose deux extrêmes qui sont réels aussi. Donc les relations qui sont en Dieu ne sont pas des relations réelles, mais des relations de raison.

3.. La relation de paternité est une relation de principe. Or, quand on dit que Dieu est le principe des créatures, cela ne suppose pas qu'il y ait de lui à elles une relation réelle, mais seulement une relation de raison. Donc la paternité n'est pas en Dieu une relation réelle, et pour le même motif on peut en dire autant des autres relations.

4.. La génération en Dieu est la procession de l'intelligence. Or, les relations qui ont pour principe l'action de l'intelligence sont des relations de raison. Donc la paternité et la filiation qui sont en Dieu les termes de la génération ne sont que des relations de raison.


Mais c'est le contraire, Mais c'estle contraire. Car le Père n'étant ainsi appelé qu'à cause de sa paternité et le Fils qu'en raison de sa filiation, si la paternité et la filiation ne sont pas réelles en Dieu, il s'ensuit que Dieu n'est pas réellement père ou fils, et que ces dénominations ne sont que des êtres de raison ; ce qui retombe dans l'hérésie de Sabellius. ¦

(1) Cette question est fondamentale ; cependant Witasse fait mention d'un théologien qui a nié la réalité des relations.

CONCLUSION. — Les relations en Dieu étant déterminées par des processions qui reposent sur l'identité de nature, il est nécessaire qu'elles soient réelles.

Il faut répondre qu'en Dieu il y a des relations réelles. Pour le comprendre il faut observer qu'il n'y a que dans les relations qu'on puisse distinguer des relations réelles et des relations de raison. Dans les autres genres (2) cette distinction n'a pas lieu. Car les autres genres, tels que la quantité et la qualité, par exemple, signifient nécessairement quelque chose d'inhérent à un sujet quelconque, et par conséquent quelque chose de réel, tandis que les relations n'expriment dans le sens strict que le simple rapport d'une chose à une autre. Mais ce rapport est quelquefois fondé sur la nature même des choses. Il en est ainsi quand il a pour termes des êtres qui sont naturellement liés l'un à l'autre, qui ont une inclination réciproque et appartiennent au même ordre. Ces relations doivent être nécessairement réelles. Ainsi les corps sont toujours attirés vers le centre. Le rapport de pesanteur forme une relation réelle, et il en est de même de toutes les relations semblables. Mais le rapport peut n'exister que dans le langage, et il ne consiste alors que dans le rapprochement que l'esprit fait de deux choses quand il les compare. Il n'y a dans ce cas entre ces deux choses qu'une relation de raison. Telle est la relation que l'esprit crée quand il compare l'homme à l'animal comme l'espèce au genre. — Lors donc qu'un être procède d'un principe de même nature que lui, il est nécessaire que tous les deux, c'est-à-dire celui qui procède et celui dont il procède, soient du même ordre. II faut, par conséquent, qu'il y ait entre eux des relations réelles. Donc, puisque les processions divines reposent sur l'identité de nature, comme nous l'avons prouvé (quest. préc. art. 2 et 4), il est nécessaire que les relations qu'elles déterminent soient réelles.

(2) Ces genres sont les dix catégories d'Aristote. (Voyez les Catégories, chap. vu, Des relatifs.)


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la relation ne se dit pas de Dieu selon sa nature propre, parce que par sa nature propre la relation ne se rapporte pas au sujet, mais au terme. Boëce n'a pas voulu dire par là qu'il n'y avait pas relation en Dieu, mais qu'elle ne s'affirmait pas de lui selon sa nature propre ; elle exprime seulement en Dieu un rapport entre celui qui procède et le principe dont il procède.

2. Il faut répondre au second, que la relation du même au même n'est qu'une relation de raison si on prend le mot même dans un sens absolu. Car cette relation ne peut exister que d'après le rapport que l'esprit établit sur le même être considéré sous deux aspects différents. Mais il en est autrement quand deux êtres sont les mêmes, non numériquement, mais dans le genre ou dans l'espèce. Boëce assimile les relations qui sont en Dieu à une relation d'identité. Toutefois il ne veut pas dire que cette identité est absolue, mais il veut faire comprendre que malgré ces relations la substance est une.  -

3. Il faut répondre au troisième, que la créature qui procède de Dieu n'ayant pas la même nature que lui, Dieu n'est pas du même ordre qu'elle, et il n'est pas dans son essence d'être en rapport avec les êtres qu'il^ créés. Car il ne les produit pas nécessairement -, leur création est l'oeuvre de son intelligence et de sa volonté (quest. xix, art. 3 et 4; quest. xiv, art. 8). C'est pourquoi il n'y a pas de rapport réel de Dieu à la créature, mais il y en a un de la créature à Dieu. Car les créatures se rapportent nécessairement à Dieu, et il est dans leur nature qu'elles en dépendent. Mais les processions divines étant dans une seule et même nature, il n'y a donc pas de parité (1).

(1) Ainsi, cette réponse a pour but de faire ressortir la différence qu'il y a entre la procession des puissances divines et la procession des créatures.

4. Il faut répondre au quatrième, que les relations qui résultent exclusivement de l'action de l'intellect ne sont pour les choses que l'entendement comprend que des relations de raison, parce que c'est la raison qui les établit entre nos divers objets de connaissance. Mais lès relations qui résultent de l'action de l'intellect et qui consistent dans le rapport qu'ily a entre le Verbe qui procède de l'intelligence et le principe dont il procède, ne sont pas seulement des relations de raison, mais ce sont des relations réelles, parce que l'intellect et la raison sont eux-mêmes une réalité, et que le rapport qu'il y a entre eux et ce qui en procède intellectuellement est aussi réel que celui qui existe entre un être matériel et ce qui en procède matériellement. Ainsi la paternité et la filiation sont des relations réelles en Dieu.


Article II — en dieu la relation est-elle la même chose que son essence (2)?


(2) Cette question revient à celle-ci : les attributs de "Dieu sont-ils distincts de son essence ? Ceux qui soutiennent qu'ils en sont distincts disent la même chose des relations. C'est ainsi que l'abhé .Ioachim établit en Dieu une quaternité, en séparant les personnes de l'essence.

Objections: 1.. Il semble qu'en Dieu la relation ne soit pas la même chose que son essence. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. v, cap. S) que tout ce qu'on dit de Dieu ne se rapporte pas à sa substance. Car on dit de lui des choses relatives, comme le mot père qui se rapporte au fils. Or, ces choses ne se disent pas de sa substance. Donc la relation n'est pas l'essence divine.

2.. Saint Augustin dit (De Trin. lib. vu, cap. I) : Tout ce qui est relatif est encore quelque chose, indépendamment de son caractère de relativité. Ainsi le seigneur est homme, et l'esclave l'est aussi. Si donc en Dieu il y a des relations, il faut qu'il y ait encore quelqu'autre chose que ces relations, et cette autre chose ne peut être que son essence. Donc l'essence diffère en Dieu des relations.

3.. Etre relatif c'est se rapporter à un autre être, comme le dit Aristote (in Praedic. in cap. ad aliquid). Si donc en Dieu la relation est son essence, il s'ensuit que l'essence divine se rapporte à un autre être, ce qui répugne à la perfection de l'être divin qui'est infiniment absolu et qui subsiste par lui-même, comme nous l'avons prouvé (quest. m, art. 4; quest. iv, art. 2). Donc la relation n'est pas l'essence de Dieu elle-même.


Mais c'est le contraire. Car toute chose qui n'est pas l'essence de Dieu est une créature. Or, la relation existe réellement en Dieu. Si elle n'était pas l'essence de Dieu elle serait une créature, et on ne devrait pas l'adorer; ce qui serait opposé à ce qu'on chante dans la Préface : Nous adorons lapro-priété dans les personnes, l'unité dans l'essence, l'égalité dans la majesté.

CONCLUSION. — La relation qui existe réellement en Dieu est la même chose en réalité que son essence, elle n'en diffère que rationnellement dans le sens que la relation suppose un rapport entre deux termes, ee que ne suppose pas l'essence.

Gilbert de la Porrée (1) a avancé à ce sujet une grave erreur qu'il a ensuite rétractée au concile de Reims. Il avait dit qu'en Dieu les relations sont assistantes, c'est-à-dire qu'elles sont extrinsèquement liées entre elles. — Pour éclaircir cette question il faut remarquer que dans chacun des neuf genres d'accidents il y a deux choses à considérer : La première c'est l'être qui con-xient à chacun d'eux comme accident, et ce qui leur convient à tous c'est d'être dans un sujet, puisqu'il n'y a pas d'accident qui ne soit dans un sujet. La seconde c'est la nature propre de chacun d'eux. Dans les autres genres que la relation, par exemple dans la quantité ou la qualité, la raison propre du genre repose sur son rapport avec le sujet. Ainsi la quantité est la mesure de la substance, la qualité sa disposition. Mais la raison pi'opre de la relation ne se fonde pas sur son rapport avec le sujet dans lequel la relation existe, elle se fonde sur son rapport avec quelque chose d'extérieur. Si donc nous envisageons dans les créatures les relations en elles-mêmes, nous remarquerons qu'elles sont assistantes, non conjointes intrinsèquement, et qu'elles n'expriment que le rapport d'une chose à une autre. Mais si au contraire nous envisageons les relations comme des accidents, nous verrons qu'elles sont inhérentes au sujet et qu'elles ont leur être accidentel en lui. Gilbert de la Porrée n'a considéré la relation que sous le premier de ces deux aspects (2). Or, tout ce qui est accidentel dans les créatures devient substantiel quand on le transporte en Dieu. Car il n'y a rien qui soit en lui comme l'accident est dans le sujet, puisque tout ce qui est en Dieu est son essence. Par conséquent, dès que dans les créatures la relation est accidentelle dans le sujet, si elle existe réellement en Dieu, elle doit y être substantiellement et ne faire qu'une seule et même chose avec son essence. D'ailleurs, dans une expression de rapport il ne faut pas voir quelque chose de relatif à l'essence, mais seulement la relation d'un être à un autre. Ainsi, il est donc évident que la relation qui existe réellement en Dieu est en réalité la même chose que son essence, et elle n'en diffère que rationnellement dans le sens que la relation implique un rapport entre deux termes, ce que n'implique pas l'essence (3). Donc en Dieu la relation et l'essence ne diffèrent point ; elles ne sont qu'une seule et même chose.

(1) L'erreur de Gilbert de la Porrée a été condamnée au concile de Reims, et le concile de Florence a coupé court à toute difficulté sur ce sujet, en posant ce principe : In divinis omnia sunt unum, ubi non obviat relationis oppositio.

(2) fl n'a considéré les relations que dans leur nature propre et non comme accidents.

(3) Les theologicus sont divisés entre eux pour savoir si les relations existent en Dieu, secundum esse in, ou si elles y existent secundum esse ad. Saint Thomas est pour ce dernier sentiment, qui paraît le seul soutenahle, parce que les personnes divines ne se distinguent entre elles que par les relations opposées qu'elles ont l'une à l'autre. (I) C'est la conséquence contraire, puisque le langage humain est dans l'impuissance de rendre tout ce qu'il y a en Dieu de perfection.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que ces paroles de saint Augustin ne signifient pas que la paternité ou toute autre relation qui existe enDieunesoit pas une seule et même chose que son essence. Mais elles signifient seulement qu'elles ne sont pas en lui à la manière de sa substance, puisqu'elles supposent le rapport d'un être à un autre, tandis que la substance existe en elle-même. On dit aussi, pour ce motif, qu'il n'y a en Dieu que deux catégories, parce que toutes les autres se rapportent au sujet auquel on les applique non-seulement suivant leur être, mais encore suivant la nature propre de leur genre, tandis qu'en Dieu il ne peut pas se faire qu'un prédicat ait avec son essence d'autre rapport qu'un rapport d'identité, à cause de la souveraine simplicité de son être.

2. Il faut répondre au second argument, que si dans les créatures une expression de rapport n'indique pas seulement la relation d'une chose à une autre, mais signifie encore quelque autre chose, il en est de même en Dieu, mais d'une autre manière. En effet ce qui existe clans la créature indépendamment de ce qui est renfermé dans le sens de l'expression du rapport, est autre chose que ce rapport même. Mais en Dieu c'est une seule et même chose. L'expression de rapport est impuissante à la rendre, et elle ne peut la comprendre dans sa signification, quelle que soit son étendue. Car nous avons dit (quest. xiii, art. 2) que quand on parlait de Dieu on ne pouvait trouver dans la langue humaine des expressions assez riches pour rendre ses divines perfections. Par conséquent il ne suit pas de là qu'en Dieu, outre la relation, il y ait en réalité quelque autre chose, mais cela n'est vrai qu'autant qu'on s'en rapporte au sens que le mot présente.

3. Il faut répondre au troisième, que si la perfection divine ne renfermait rien de plus que ce que l'expression de rapport signifie, il s'ensuivrait que l'être divin serait imparfait, puisqu'il se rapporterait à un autre être. De même, s'il n'y avait en Dieu que ce que le mot de sagesse exprime, il ne serait pas un être subsistant par lui-même. Mais la perfection de l'essence divine étant trop grande pour être rendue adéquatement par une expression quelconque, il ne s'ensuit pas, si un mot relatif ou tout autre qu'on emploie à l'égard de Dieu ne rend pas tout ce qu'il y a en lui de parfait, il ne s'ensuit pas, dis-je, que son essence soit imparfaite (1). Car, comme nous l'avons dit (quest. iv, art. 2), elle renferme en elle toute espèce de perfections.

(1) C'est la conséquence contraire, puisque le language humain est dans l'impuissance de rendre tout ce qu'il y a en Dieu de perfections.


I pars (Drioux 1852) Qu.27 a.2