I pars (Drioux 1852) Qu.44 a.4

ARTICLE IV.— dieu est-il la cause finale de toutes choses (2)?


(2) Amaury prétendait que Dieu est la fin de toutes choses, c'est-à-dire que tout vient de lui et que tout retourne en lui, de manière à ne former avec lui qu'un seul et même être. Ce sens, qui est celui de tous les panthéistes, se trouve ici écarte par saint Thomas.

1. Il semble que Dieu ne soit pas la cause finale de toutes choses. Car il semble qu'il n'y a que l'être qui a besoin d'une fin qui agisse en vue d'elle. Or, Dieu n'a pas besoin d'une fin. Donc il n'est pas possible qu'il agisse pour une fin quelconque.

2. La fin de la génération, la forme de l'être engendré et l'agent ne peuvent se rapporter au même sujet numériquement, d'après Aristote (Phys. n, text. 70), parce que la fin de la génération est la forme de l'être engendré. Or, Dieu est l'agent premier de toutes choses. Donc il n'en peut être la cause finale.

3. Tous les êtres recherchent leur fin. Or, tous les êtres ne recherchent pas Dieu, puisque tous ne le connaissent pas. Donc Dieu n'est pas la fin de tous les êtres.

4. La cause finale est la première des causes. Donc si Dieu est cause efficiente et cause finale, il s'ensuit qu'il y a en lui un avant et un après, ce qui est impossible.

Mais c'est le contraire. Car il est dit au livre des Proverbes : que le Seigneur a tout fait pour lui-même [Prov. xvi, 4).

CONCLUSION. — Puisque Dieu est l'agent premier, il est nécessaire qu'il soit aussi la fin première de toutes choses.

Il faut répondre que tout agent agit pour une fin. Autrement son action ne produirait pas plutôt une chose qu'une autre, sinon fortuitement. Or, la fin de l'agent est toujours la même que celle du patient (1), mais le rapport diffère. Car l'effet que l'agent veut imprimer est le même que celui que le patient veut recevoir. A la vérité il y a des êtres qui sont tout à la fois agents et patients, mais ce sont des êtres imparfaits qui tout en agissant se proposent d'acquérir quelque chose. L'agent premier qui est purement actif n'agit pas en vue d'acquérir une fin quelconque, il n'ad'autre intention que de communiquer sa perfection qui est sa bonté (2). Chaque créature se propose aussi d'arriver à la perfection de sa nature qui est l'image de la perfection et de la bonté de Dieu. Ainsi donc la bonté divine est la fin de toutes choses.

(1) Agir et pâtir, activité et passivité, ce sont tles termes corrélatifs, et c'est dans le même sens qu'il faut entendre ici Vagent et le patient.

(2) Ainsi la fin que Dieu se propose n'est pas extrinsèque ou distincte de lui, mais elle est intrinsèque. C'est sa bonté, et sa bonté est son es-Bence. Cajétan, les théologiens de Salamanque, Sylvius et une foule d'autres théologiens sont du sentiment de saint Thomas.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'il n'y a qu'un agent imparfait qui agisse parce qu'il a besoin de quelque chose, et qu'il est alors dans la nature de cet agent d'agir et de pâtir tout à la fois, mais qu'il n'en peut être ainsi de Dieu. Il est le seul de tous les êtres qui soit souverainement libéral, parce qu'il n'agit point pour son utilité, mais uniquement par bonté.

2. Il faut répondre au second, que la forme de l'être engendré n'est la fin de la génération qu'autant qu'elle est la ressemblance de la forme de celui qui engendre, parce que celui qui engendre tend toujours à communiquer sa forme. Autrement la forme de l'être engendré serait plus noble que celui qui engendre, puisque la fin est plus noble que les moyens.

3. Il faut répondre au troisième, que tous les êtres recherchent Dieu comme leur fin, en recherchant tout ce qui esthon, soit par l'appétit intelligentiel, soit par l'appétit sensitif, soit par l'appétit naturel qui est dépourvu de connaissance (3). Car il n'y a de bon et de digne d'être recherché que ce qui participe à la ressemblance de Dieu.

(3) Cet appétit naturel n'est rien autr« cho»o que les lois auxquelles obéissent tous les êtres physiques qui n'ont pas de connaissance.

4. Il faut répondre au quatrième, que Dieu étant la cause efficiente, exemplaire et finale de toutes choses et la matière première ayant été créée par lui, il s'ensuit qu'il est en réalité le principe unique de tout ce qui existe. Mais rien n'empêche qu'en lui nous ne distinguions rationnellement beaucoup de choses dont l'une est, dans l'ordre de nos connaissances, antérieure aux autres (4).

(4) Dans l'article précédent, saint Thomas redressait les erreurs de Platon sur les idées; ici il redresse la théorie d'Arislote sur la cause finale, parce que le Dieu d'Aristote, bien qu'il soit le principe et la fin de toutes choses:', n'est ni omniscient, ni tout-puissant (Voy. la Met. d'Aristote).


QUESTION XLV. : DE LA MANIÈRE DONT LES CHOSES ÉMANENT DU PREMIER PRINCIPE.


Nous avons maintenant à examiner la manière dont les choses émanent du premier principe, c'est-à-dire la création. — A cet égard huit questions se présentent : 1" Qu'est-ce que la création ? — 2° Dieu peut-il créer quelque chose ? — 3° La création est-elle quelque chose dans la créature? — 4° Quels sont les êtres qui peuvent être créés ? — 5" N'y a-t-il que Dieu qui soit créateur ? — 6° Créer est-ce une chose commune à la Trinité tout entière, ou si elle est propre à une personne? — 7° Y a-t-il dans les créatures un vestige quelconque de la Trinité? — 8° Y a-t-il création dans les oeuvres de la nature et de l'art?

ARTICLE I. — CRÉER EST-CE FAIRE QUELQUE CHOSE DE RIEN (5)?


(5) Ex nihilo nihil fit; tel est l'axiome qu'invoquent tous ceux qui ont nié la création. De ce nombre sont les stoïciens, les épicuriens, et en général tous les philosophes anciens. Averroës, Algazel, Varini et tous les panthéistes, ainsi que les matérialistes, ont attaqué la même vérité. Saint Thomas s'élève surtout contre Averroës, qu'il réfute spécialement dans sa Somme (cont. Génies) (lib. n, cap. 46 et suiv.).

Objections: 1.. Il semble que créer ne soit pas faire quelque chose de rien, Car saint Augustin dit contre un ennemi de la loi et des prophètes : Faire, c'est produire ce qui n'existait point du tout ; mais créer, c'est établir quelque chose en le tirant de ce qui était déjà (lib. i, cap. 23, ant. med.).

2.. La noblesse de l'action et du mouvement se prend des termes auxquels l'action et le mouvement se rapportent. Ainsi l'action qui va du bien au bien, de l'être à l'être, est plus noble que celle qui va du néant à l'être. Or, la création semble être la plus noble des actions, et la première entre toutes. Donc elle ne consiste pas à l'aire passer une chose du néant à l'être, mais plutôt de l'être à l'être.

3.. Cette préposition (ex) implique le rapport d'une cause quelconque et surtout d'une cause matérielle; comme quand nous disons qu'une statue est faite d'airain (ex aere). Or, le néant n'est pas la matière de l'être et n'en est d'aucune sorte la cause. Donc créer, ce n'est pas faire quelque chose de rien (ex nihilo).


Mais c'est le contraire. Car sur ces paroles de la Genèse (Gen. i) : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, la glose dit que créer, c'est faire quelque chose de rien.

CONCLUSION. — Créer c'est faire quelque chose de rien.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. xliv, art. 2), il ne faut pas seulement considérer l'émanation d'un être particulier, d'un autre être particulier qui le produit, mais il faut encore considérer l'émanation de l'être tout entier de la cause universelle qui estîDieu. Et c'est cette dernière émanation que nous désignons par le mot de création. Or, ce qui procède par émanation particulière ne peut être antérieur à cette émanation. Ainsi quand l'homme est engendré, il ne préexistait pas comme homme à l'acte de la génération; mais de non-homme qu'il était il est devenu homme, comme de non-blanc on devient blanc. De là si on considère comment tout l'être dans son universalité émane du premier principe, il est impossible de supposer quelque chose qui soit antérieur à cette émanation. Or, le néant est la même chose que la négation de l'être. Donc comme la génération de l'homme se fait du non-être qui dans ce cas est le non-homme, de même la création qui est l'émanation de tout l'être universel se fait du non-être qui est le néant.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin prend ici le mot création équivoquement ; il entend par création le perfectionnement d'un être qui a reçu une forme nouvelle, comme quand on dit de quelqu'un qu'il vient d'être créé évêque. Il ne s'agit donc pas là de la création telle que nous l'entendons.

2. Il faut répondre au second, que les mutations des êtres tirent leur dignité et leur caractère non du terme qui est leur point de départ, mais de celui qui est leur but. Par conséquent une mutation est d'autant plus parfaite et plus élevée, que le terme auquel elle tend est lui-même plus noble et plus élevé, quelle que soit l'imperfection du terme opposé d'où l'êtreest parti. Ainsi la génération est absolument plus noble et plus élevée que l'altération, parce que la forme substantielle est plus noble que la forme accidentelle, bien que la privation de la forme substantielle, qui est le point de départ de la génération, soit plus imparfaite que l'existence de cette forme qui est le point de départ de l'altération. Pour la même raison la création est plus parfaite et plus élevée que la génération et l'altération, parce qu'elle a pour but la production de la substance tout entière de l'être, quoique son point de départ soit le néant absolu.

3. Il faut répondre au troisième, que quand on dit que quelque chose est fait de rien (ex nihilo), cette préposition ex ne désigne pas la cause matérielle, mais seulement l'ordre, comme quand on dit : Que du matin se fait le midi, ce qui signifie qu'après le matin arrive le midi (1). Mais il faut savoir que cette préposition ex peut renfermer la négation comprise dans le mot néant (nihil), ou être renfermée par cette négation même. Si on l'entend de la première manière, l'ordre est affirmé et l'on montre que ce qui est a succédé à ce qui n'était pas précédemment. Mais si la négation comprend la préposition, l'ordre est alors nié, et les mots faire de rien (fit ex nihilo) signifient ce qui n'est pas fait de quelque chose : comme si l'on disait de quelqu'un qu'il ne parle de rien parce qu'il ne parle pas de quelque chose. Quand on dit qu'une chose est faite de rien, cette proposition est vraie dans les deux sens. Mais clans le premier la préposition ex impli ¦ que l'ordre, comme nous l'avons dit au commencement de cette réponse ; dans le second elle implique le rapport de la cause matérielle que l'on nie (2).

(1) Ex mane fit meridies.

(2) Saint Thomas justifie ainsi sous tous les rapports cette expression que la tradition a consacrée.


ARTICLE II — dieu peut-il créeh quelque chose (3)?


(3) In principio Deus creavit caelum et terram (Gen. i). L'Eglise a fait entrer lc mot créateur dans toutes ses professions de foi : Credo in Deum Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae, et par le mot créer elle entend faire de rien, 'fous les Pères sont unanimessur ce point, et saint Epiphanc, Philastrc, saint Augustin, placent au nombre des hérésies le sentiment contraire.

Objections: 1.. Il semble que Dieu ne puisse pas créer quelque chose. Car, d'après Aristote (Phys. lib. i, text. 34), les philosophes anciens ont admis comme un principe général que de rien, rien ne se fait. Or, la puissance de Dieu ne va pas à contredireles premiers principes ; parexemple, il ne peut pas faire que le tout ne soit pas plus grand que la partie, ou que l'affirmation et la négation soient vraies l'une et l'autre à la fois. Donc Dieu ne peut pas faire quelque chose de rien, il ne peut par conséquent pas créer.

2.. Si créer est faire quelque chose de rien, être créé c'est être fait quelque chose ; mais être fait c'est être changé. Donc la création est une mutation. Or, toute mutation suppose un sujet quelconque, comme on le voit par la définition du mouvement. Car le mouvement est l'acte de ce qui existe en puissance (4). Donc il est impossible à Dieu de faire quelque chose de rien.

(4) Cette définition est celle d'Aristote (Phys. lib. m, text. 6).

3.. Il est nécessaire que ce qui a été fait se soit fait un jour, mais on ne peut pas dire que ce qui est créé se soit fait et ait été fait en même temps ; car ce qui se fait n'existe pas encore, tandis que ce qui a été fait existe déjà, et ce serait dire par conséquent que la même chose était et n'était pas. Donc il faut toujours qu'une chose soit faite avant d'avoir été faite, ce qui ne peut arriver, s'il n'y a pas préalablement un sujet qui serve de base à la production de l'être. Donc il est impossible qu'une chose soit faite de rien.

4.. On ne peut franchir une distance infinie. Or, il y a une distance infinie entre l'être et le néant. Donc il n'est pas possible que de rien on fasse quelque chose.


Mais c'est le contraire. Car à propos de ces paroles de la Genèse : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, la glose dit que créer c'est de rien faire quelque chose.

CONCLUSION. — Puisque dans l'universalité des êtres il n'y en a point que Dieu n'ait produit, non-seulement il est possible, mais il est nécessaire qu'il ait tout créé.

Il faut répondre que non-seulement il n'est pas impossible à Dieu de créer quelque chose, mais qu'il est même nécessaire que tout soit créé par lui. C'est du moins ce qui résulte de ce que nous avons dit précédemment (quest. préc. art. 4). Car quiconque fait une chose d'une autre, celle qu'il emploie est antérieure à son action et n'est pas produite par elle. C'est ainsi qu'un artisan se sert des choses que la nature lui fournit, telles que le bois et l'airain; ce n'estpas son art qui donne l'être à ces objets, mais c'est la nature qui les produit. Encore la nature ne les produit que quant à la forme, car l'action de la nature' présuppose la matière existante. Si Dieu n'agissait qu'en mettant en oeuvre ce qui existait déjà, il s'ensuivrait qu'il ne serait pas lui-même cause de ce qui préexisterait antérieurement à son action. Or, nous avons prouvé que dans les êtres rien ne peut exister qu'il ne vienne de Dieu qui est la cause universelle de tout ce qui est. Par conséquent on est forcé de dire que Dieu fait passer les choses du néant à l'être.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que les anciens philosophes, comme nous l'avons dit (quest. préc, art. 2), n'ont considéré que l'émanation des effets particuliers des causes particulières qui supposent nécessairement quelque chose d'antérieur à leur action. C'est ce qui leur avait fait admettre comme un axiome cette maxime que de rien, rien ne se fait; mais ce principe n'est pas applicable à l'émanation première du principe universel des êtres.

2. Il faut répondre au second, que la création n'est une mutation que d'après notre manière de comprendre. Car il est de l'essence de la mutation, que la même chose soit maintenant autrement qu'elle n'était auparavant. Ainsi tantôt c'est le même être en acte qui est maintenant autrement qu'auparavant, comme dans les mouvements qui s'apprécient d'après la quantité et la qualité. Tantôt c'est le même être en puissance, comme il arrive dans une mutation substantielle dont le sujet est la matière. Mais dans la création qui produit la substance totale de l'être, il n'est pas possible que la chose soit alors autrement qu'elle n'était auparavant, ou du moins il ne peut en être ainsi que dans notre esprit, comme quand nous nous représentons qu'une chose qui n'existait point du tout auparavant a ensuite existé. Mais puisque l'action et la passion s'unissent ensemble pour former la substance du mouvement et qu'elles ne diffèrent que suivant la diversité de leur rapport, comme le dit Aristote (Phys. lib. m, text. 20), il faut, si l'on fait abstraction du mouvement, qu'il ne reste plus qu'une diversité de rapports entre le créateur et la créature. Or, comme nous exprimons les choses telles que nous les comprenons, ainsi que nous l'avons dit (quest. xiii, art. \), nous parlons de la création de la même manière que du changement. C'est pour cela qu'on dit que créer, c'est faire quelque chose de rien. Les mots faire et être fait conviennent néanmoins beaucoup mieux que les mots changer et être changé, parce que faire et être fait impliquent le rapport de la cause à l'effet, et de l'effet à la cause, mais ils n'expriment le changement que par voie de conséquence (1).

(1) Ainsi, après tout changement, la chose qui était en acte ou en puissance se trouve clans un autre état qu'elle n'était auparavant; mais il n'en est pas de même dans la création. La chose ne peut être autre que selon notre manière de voir. C'est pourquoi la création n'est qu'un rapport entre celui qui crée et la chose créée ; mais nous exprimons ce rapport par un terme qui désigne le changement.

3. Il faut répondre au troisième, que pour les choses qui se font sans mouvement, être fait et avoir été fait est une seule et même chose, soit que la production de l'effet soit le terme du mouvement, comme l'illumination (car une chose est et a été illuminée en même temps (1), soit qu'elle ne soit pas le terme du mouvement ; ainsi le Verbe est et a été formé en même temps daps le coeur. Dans ces circonstances ce qui est fait existe dumêmentoù l'on dit que c'est fait, mais on indique par là que la chose vient d'un autre, et qu'auparavant elle n'existait pas. Par conséquent puisque la création a lieu sans mouvement, être créé et avoir été créé sont deux choses simultanées. Ainsi donc la création ayant lieu sans mouvement, on peut dire en même temps de la même chose qu'elle est et qu'elle a été créée.
(
1) On croyait alors que la lumière était instantanée.

4. Il faut répondre au quatrième, que cette objection repose sur une fausse imagination parce qu'elle suppose qu'il y a entre le néant et l'être un milieu infini. Ce qui est évidemment faux. La cause de cette erreur, c'est que la création dans notre langage est représentée comme un changement qui existe entre deux termes (2).

(2) Saint Thomas ne nie pas dans cette réponse qu'il y ait une distance infinie entre l'être et le non-être, mais il ne veut pas qu'on considère cette distance comme quelque chose de positif, et qu'on se représente la créalion comme un mouvement qui va d'un terme à un autre. Voy. l'art, b où il démontre qu'il n'y a que Dieu qui puisse créer.


ARTICLE III. — LA CRÉATION EST-ELLE QUELQUE CHOSE DANS LA CRÉATURE (3)?


(3) Cet article attaque spécialement l'erreur des arnaudistes, qui faisaient de la création quelque chose d'intermédiaire entre Dieu et les créatures, se fondant principalement sur le raisonnement que saint Thomas rapporte dans la seconde objection.

Objections: 1.. Il semble que la création ne soit pas quelque chose dans la créature. Car comme la création prise au passif s'attribue à la créature, de même la création prise à l'actif s'attribue au créateur. Or, la création active n'est pas quelque chose dans le créateur, parce que si elle était quelque chose il s'ensuivrait qu'il y a en Dieu quelque chose de temporel. Donc la création passive n'est pas non plus quelque chose dans la créature.

2.. Ce qui tient le milieu entre le créateur et la créature n'est rien. Or, la création est comme le milieu entre l'un et l'autre. Car elle n'est pas le créateur, puisqu'elle n'est pas éternelle ; et elle n'est pas la créature, parce qu'il faudrait alors admettre une autre création qui serait cause delà première, et cela indéfiniment. La création n'est doncpas quelque chose dans la créature.

3.. Si la création est quelque chose de plus que la substance créée, il faut quece soit unde ses accidents. Or, tout accident existe dans un sujet. La créature serait donc le sujet de la création et elle en serait tout à la fois le terme, ce qui est impossible. Car le sujet est avant l'accident et le conserve, tandis que le terme est postérieur à l'action et à la passion, de telle sorte que du mêment où le terme se produit, l'action et la passion cessent. Donc la création elle-même n'est rien.


Mais c'est le contraire. C'est une oeuvre plus grande de produire la substance totale d'une chose que sa forme substantielle ou accidentelle. Or, la génération absolue ou relative qui produit la forme substantielle des êtres ou leur forme accidentelle est quelque chose dans l'être engendré. Donc à plus forte raison la création qui produit la substance totalede l'être doit-elle être quelque chose dans ce qui est créé.

CONCLUSION. — La création n'est clans la créature que le rapport qu'elle a avec son créateur, comme avec son principe.

Il faut répondre que la création ne pose dans la créature qu'un rapport, parce que ce qui est créé n'est le produit ni du mouvement, ni du changement. Car ce qui est produit par le mouvement ou le changement se fait toujours de quelque chose qui préexistait. C'est ce qui arrive dans la production particulière de certains êtres. Mais il ne peut en être ainsi de la production de l'univers par la cause générale de tous les êtres qui est Dieu. Dieu en créant produit toutes choses sans mouvement, et quand on abstrait de l'activité et de la passivité le mouvement il ne reste plus, comme nous l'avons dit (art. préc. ad 2), que la relation. Par conséquent la création dans la créature n'est rien autre chose que le rappprt de celle-ci au créateur comme au principe de son être. C'est ainsi que dans la passion qui existe avec mouvement il y a relation au principe du mouvement lui-même (1).

(1) Cet article n'est par conséquent que le corollaire de la question précédente.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la création, prise à l'actif, signifie l'action divine, qui est son essence, avec un rapport à la créature. Or, la relation de Dieu à la créature n'est pas réelle, mais seulement rationnelle, tandis que la relation de la créature à Dieu est réelle (2), comme nous l'avons dit (quest. xm, art. 7) en traitant des noms divins.

(2) C'est ainsi que la création met quelque chose dans la créature quoiqu'elle ne mette rien dans le créateur.

2. Il faut répondre au second, que le mot création ayant la signification du mot mutation, comme la mutation est quelque chose d'intermédiaire entre le moteur et celui qui est mû, de même on prend la création pour quelque chose d'intermédiaire entre le créateur et la créature. Néanmoins la création, prise passivement, est dans la créature et elle est une créature. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'elle soit créée par une autre création. Car puisque les relations, par là même qu'elles existent, se rapportent à quelque chose, elles n'ont pas besoin d'autres relations pour se rapporter à leur terme, elles s'y rapportent par elles-mêmes, comme nous l'avons dit (quest. xlii, art. 1 ad 4) en traitant de l'égalité des personnes.

3. Il faut répondre au troisième, que la créature est le terme de la création quand on donne au mot création la signification du mot changement. Mais en tant que relation la créature est son sujet, et celle-ci a sur elle la priorité comme le sujet sur l'accident. Mais la création a la priorité du côté de l'objet, parce que sous ce rapport elle est le principe de la créature. Il ne faut cependant pas que tant que la créature existe on dise qu'elle est créée, parce que la création implique de la créature au créateur un rapport qui a une certaine nouveauté ou commencement (3).

(3) De là vient que tout ce qui a l'être ne peut être dit créé, à proprement parler, s'il ne sort du néant.


ARTICLE IV. — le propre des êtres composés et subsistants est-il d'être créé (4)?


(4) Cet article purement philosophique a pour objet de faire ressortir la différence qu'il y a entre la substance et l'accident.

Objections: 1.. Il semble qu'être créé ne soit pas le propre des êtres composés et subsistants. Car il est dit au livre des Causes (prop. 4) : La première des créatures est l'être. Or, l'être d'une créature n'est pas subsistant. Donc la création n'est pas propre à l'être subsistant et composé.

2.. Ce qui est créé est fait de rien. Or, les êtres composés ne sont pas faits de rien, mais des parties dont ils se composent. Donc les êtres composés ne peuvent être créés.

3.. Ce que la seconde émanation suppose est le produit propre de la première ; ainsi une chose naturelle est produite par la génération de la nature que l'art suppose (5). Or, ce que la génération naturelle suppose, c'est la matière. Donc la matière est ce qui est créé, à proprement parler, et ce n'est pas l'être composé.

(5) C'est co qui fait dire à Aristote que l'art imite la nature (Phys. liv. H, test. 22).


Mais c'est le contraire. Car il est dit au commencement de la Genèse : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Or, le ciel et la terre sont des êtres composés et subsistants. Donc le propre de ces êtres est d'avoir été créés.

CONCLUSION. — Les choses qui subsistent dans leur être ont été créées, à proprement parler; les autres ont été concréées, c'est-à-dire créées avec elles.

Il faut répondre qu'être créé c'est être fait, comme nous l'avons dit (art. préc.) ; être fait c'est recevoir l'être. Par conséquent il n'y a que les êtres qui peuvent exister, qui puissent être faits ou créés. Or, toutes les subsistances peuvent réellement recevoir l'être, qu'elles soient simples comme les substances séparées ou qu'elles soient composées comme les substances matérielles. Car l'être convient, à proprement parler, aux choses qui existent et qui subsistent en elles-mêmes. On ne donne pas le nom d'êtres aux formes, aux accidents et aux autres choses semblables, comme s'ils existaient eux-mêmes, mais parce qu'ils n'existent que par leur suppôt on ne leur donne ce nom que relativement au suppôt lui-même. Ainsi on dit de la blancheur qu'elle est un être clans le sens que le sujet auquel elle s'attache est blanc. De là, d'après Aristote (Met. lib. vu, text. 2), l'accident est de l'être plutôt qu'il n'est l'être lui-même (1). Ainsi donc les accidents, les formes et toutes les autres choses de cette nature, qui ne subsistent pas, sont plutôt des êtres coexistants que des êtres réels, et pour ce motif on doit dire qu'ils ont été concréés, c'est-à-dire créés avec les êtres plutôt que créés. Il n'y a à proprement parler que les substances qui aient été créées.

(1) C'est ce qui ressort de ce que dit Aristote de la substance, au commencement du VIIe livre de sa Métaphysique. Cependant sa pensée n'a pas la précision que lui donne saint Thomas.

(2) Mais quand on demande quelles sont les choses qui sont créées, à proprement parler, on fait une autre question et on peut répondre que ce sont les substances pour les raisons qui sont exposées dans le corps de cet article.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que quand on dit que la première des choses créées c'est l'être, le mot être ne désigne pas une substance créée, mais il exprime la raison propre de l'objet de la création. Car on dit d!une chose qu'elle est créée par là même qu'elle est un être, mais on ne dit pas qu'elle est créée parce qu'elle est tel ou tel être en particulier, puisque la création est l'émanation de la totalité de l'être de la cause universelle, comme nous l'avons dit (quest. xliv, art. 1). On emploie une locution analogue quand on dit que la première des choses visibles c'est la couleur, quoique ce qui tombe, à proprement parler, sous la vue soit un objet coloré (2).

2. Il faut répondre au second, que le mot création ne signifie pas la formation d'un être composé d'après des principes ou des éléments préexistants. Mais on dit que l'être composé est créé dans le sens qu'il a reçu l'être avec tous ses éléments constitutifs et qu'il a été tiré avec eux du néant.

3. Il faut répondre au troisième, que cette raison-là ne prouve pas que la matière seule est créée, mais que la matière n'existe que par l'effet de la création. Car la création est la production de tout l'être dans son universalité et n'est pas la production exclusive de la matière.


ARTICLE V. — n'y a-t-il que dieu qui puisse créer (3)?


(3) D'après l'Ecriture et les conciles, Dieu est le principe de tous les êtres. Nous ne citerons que les paroles du concile de Latran, sous Innocent III : Deus est unum universorum principium visibilium et invisibilium qui ab initio temporis utramque simul ex nihilo condidit naturam spiritualem et corporalem. Les manichéens ont nié cette vérité en admettant deux principes, les gnostiques l'ont attaquée en prétendant que le inonde était l'oeuvre d'une puissance inférieure à Dieu.

Objections: 1.. Il semble qu'il n'appartienne pas qu'à Dieu de créer. Car, d'après Aristote (De anima, lib. n, text. 34), le parfait est ce qui peut produire son semblable. Or, les créatures immatérielles sont plus parfaites que les créatures matérielles qui produisent leur semblable. Car le feu engendre le feu, l'homme engendre l'homme. Donc la substance immatérielle peut produire une substance semblable à elle. Et comme une substance immatérielle ne peut être produite que par la création, puisqu'elle n'a pas en elle de matière pour faire une autre substance, il s'ensuit qu'il y a des créatures qui peuvent créer.

2.. Plus la chose que l'on fait offre de résistance et plus il faut que celui qui la fait déploie de puissance. Or, le contraire offre plus de résistance que le néant. Donc il faut déployer plus de puissance pour faire quelque chose d'un contraire (ce que fait pourtant la créature) que pour faire quelque chose de rien. Donc à plus forte raison la créature peut-elle créer ou faire quelque chose de rien.

3.. La puissance de celui qui fait une chose a pour mesure la chose même qu'il a faite. Or, l'être créé est fini, comme nous l'avons dit en traitant de l'infinité de Dieu (quest. vu, art. 2, 3 et 4). Donc pour créer un être on n'a besoin que d'une puissance finie. Et comme il n'est pas contraire à la nature de la créature d'avoir une puissance finie, il s'ensuit qu'il ne lui est pas impossible de créer.


Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit [De Trin. lib. m, cap. 8) que ni les bons, ni les mauvais anges ne peuvent créer quelque chose ; par conséquent les autres créatures le peuvent encore beaucoup moins.

CONCLUSION. — Puisque l'être lui-même qui est l'effet le plus universel est le terme de la création, il n'appartient de créer qu'à Dieu qui est la cause première et la plus universelle.

Il faut répondre qu'au premier aspect on voit assez, d'après ce que nous avons dit précédemment (art. 1 huj. quaest.), que la création ne peut être que l'action de Dieu. Car il faut que les effets les plus universels soient rapportés aux causes les plus universelles et les plus élevées. Or, entre tous les effets, le plus universel c'est l'être même, II faut donc que cet effet soit propre à la cause première et universelle qui est Dieu. Aussi il est dit dans le livre des Causes (prop. 3) qu'il n'y a pas d'intelligence, ni d'esprit assez élevé pour donner l'être s'il n'est aidé par l'opération divine elle-même. Or, produire l'être d'une manière absolue et non produire tel ou tel être est ce qui constitue l'essence même de la création. D'où il est évident que la création est un acte propre à Dieu seul. — Mais il peut se faire qu'un être produise un acte propre à un autre, non par sa puissance à lui, mais en devenant son instrument et en agissant par la puissance qu'il en aurait reçue. C'est ainsi que l'air a la propriété d'échauffer et de brûler par la vertu du feu. En s'appuyant sur ces principes il y a des philosophes qui ont pensé que bien que la création soit l'action propre de la cause universelle, cependant une des causes inférieures pourrait créer en agissant par la vertu de la cause première (4). Avicenne est parti de là pour supposer que la première intelligence créée par Dieu a créé une seconde intelligence qui vient après elle, que celle-ci a créé la substance de l'univers et son âme, et que cette dernière qu'il appelle l'intelligence du monde crée la matière inférieure des corps. Le Maître des sentences a dit aussi (dist. v, sent. 4) que Dieu peut donner à la créature le pouvoir de créer, mais de telle sorte que cette créature n'agisse que comme son ministre et non de son autorité propre (2). Mais il ne peut en être ainsi, parce que la cause seconde instrumentale ne peut participer à l'action de la cause supérieure, si elle n'a en elle-même une vertu propre qui la dispose et qui la rende apte à produire l'effet voulu par l'agent principal. Car si elle n'agissait pas suivant la vertu ou la disposition qui lui est propre il serait inutile de l'employer. On n'aurait pas besoin non plus de choisir des instruments en rapport avec le but qu'on se proposé. Ainsi nous voyons que la hache en fendant le bois, propriété qu'elle tient de sa forme, produit un escabeau qui est l'effet ou l'oeuvre propre de l'agent principal qui l'a employée. Or, l'effet propre de Dieu qui crée est ce qui est antérieur à toutes les autres choses, c'est l'être absolu. Il ne peut pas par conséquent disposer un être ou se servir de lui comme d'un instrument pour produire cet effet, puisque la création ne résulte pas d'éléments préexistants qui pourraient être ensuite disposés ou préparés à l'aide d'une cause instrumentale. Il est donc impossible qu'une créature crée soit par sa vertu propre, soit comme instrument ou comme ministre de Dieu. Cette impossibilité est encore plus sensible pour les corps ; car les corps n'agissent que par le contact ou le mouvement. Par conséquent leur action suppose nécessairement quelque chose de préexistant qui soit susceptible d'être touché ou d'être mû. Ce qui est contraire à l'essence même de la création.

(1) Le système d'Avicenne que saint Thomas combat ici tout particulièrement, se rapproche tle celui des gnosiiques, et par conséquent du système des alexandrins.

(2) Ce sentiment de Pierre Lombard est rejeté par la grande majorité des théologiens, mais ils sont partagés entre eux sur cette autre question, à savoir si Dieu peut se servir d'une créature comme d'un instrument moral ; c'est-à-dire si une créature peut être la cause occasionnelle d'une création ; ce qu'il n'est pas facile de nier. (I) C'est-à-dire la substance immatérielle a le pouvoir de perfectionner une substance immatérielle de même nature qu'elle.


Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'être parfait qui participe à une nature quelconque produit son semblable, non en produisant la nature qui est en lui d'une manière absolue, mais en l'appliquant à un individu. Car l'homme ne peut pas être cause de la nature humaine absolument parlant, parce que dans ce cas il serait sa cause à lui-même ; mais il est cause que la nature humaine existe dans tel ou tel individu qu'il a engendré. Ainsi son action présuppose une matière déterminée par laquelle il existe individuellement. Or, comme tout homme participe àla nature humaine, ainsi tout être créé participe pour ainsi dire à la nature de l'être, puisqu'il n'y a que Dieu qui soit son être, comme nous l'avons dit (quest. m, art. 4). Il n'y a donc pas d'être créé qui puisse produire un être absolument parlant, il ne peut produire l'être que dans tel ou tel sujet. C'est pourquoi il faut toujours que ce qui individualise une chose soit conçu antérieurement à l'action par laquelle il rend cette chose semblable à lui. Dans la substance immatérielle on ne peut pas concevoir ce qui l'individualise comme antérieur à elle, parce que ce qui l'individualise c'est ce qui lui donne l'être, c'est sa forme, puisqu'on définit les substances immatérielles des formes subsistantes. C'est pourquoi la substance immatérielle ne peut pas produire une autre substance immatérielle semblable à elle quant à son être, mais seulement quant à la perfection qu'elle peut y surajouter (1), comme si, par exemple, nous disions que l'ange supérieur illumine l'ange inférieur, d'après saint Denis (De coelest. hier. cap. 4). Dans ce sens on peut dire aussi qu'il y a paternité dans le ciel, suivant ces paroles de l'Apôtre : Duquel toute paternité dans le ciel et sur la terre reçoit son nom (Ephes. m, IS). Par toutes ces considérations il est évident qu'aucun être créé ne peut produire d'effet sans supposer quelque chose de préexistant à son action, ce qui est contraire à l'idée que nous avons de la création.

2. Il faut répondre au second, que c'est par accident qu'on fait des contraires quelque chose, comme le dit Aristote (Phys. lib. i, text. 43). Par soi on fait quelque chose d'un sujet qui est en puissance. Le contraire résiste donc à l'agent dans le sens qu'il empêche sa puissance de produire l'acte qu'il s'efforce d'obtenir. Ainsi le feu tend à réduire l'eau à un état semblable au sien, mais il en est empêché par la forme et par les dispositions contraires qui lient sa puissance et qui l'empêchent de passer en acte. Et plus la puissance est entravée, plus il faut de vertu dans l'agent pour produire l'acte auqueLil tend. Par conséquent il faudra beaucoup plus de force dans l'agent s'il n'y a pas de puissance qui soit préexistante à son action (1). C'est ce qui prouve jusqu'à l'évidence que pour faire quelque chose de rien il faut plus de puissance que pour faire quelque chose d'un contraire.

(1) Il faut une plus grande vertu pour faire de rien quelque chose, que pour faire une chose de son contraire, parce que la chose qu'on tire de son contraire y existait préalablement en puissance, et qu'il suffisait de lever l'obstacle qui l'empêchait de se produire, tandis que la création ne présuppose rien.

3. Il faut répondre au troisième, que la puissance de celui qui fait une chose ne se considère pas seulement d'après la substance de la chose qu'il produit, mais encore d'après la manière dont il l'a fait. Car une plus grande chaleur échauffe non-seulement davantage, mais encore plus vite. Quoique créer un effet fini ne démontre pas une puissance infinie, cependant créer quelque chose de rien le démontre, ce qui est évident d'après ce que nous venons de dire (dans la réponse précéd.). Car s'il faut dans l'agent une force d'autant plus grande que la puissance est plus éloignée de l'acte, la force d'un agent tel que le créateur, qui ne suppose aucune puissance antérieure à son action, doit être nécessairement infinie. Car il n'y a nul rapport à établir entre ce qui n'a aucune puissance et la puissance que présuppose la force de tout agent naturel ; elles sont entre elles ce que le non-être est à l'être (2). Et comme une créature n'a pas plus l'infinité de la puissance que l'infinité de l'être, ainsi que nous l'avons prouvé (quest. vu, art. 2), il s'ensuit qu'il n'y a pas de créature qui puisse créer.

(2) Par conséquent, il n'y a nulle proportion entre elles, et l'on peut dire avec Fénelon qu'il y a une distance infinie du néant à l'être (Exist. de Dieu,édit. de Versailles, p. -175) ; seulemcntcelte distance n'est pas positive comme celle qui existe entre deux termes, mais elle est négative. C'est ce qu'a voulu dire saint,Thomas (pag. 406 not. 2).


I pars (Drioux 1852) Qu.44 a.4