Discours 1982 - Vendredi 21 mai 1982



Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Laissez-moi vous exprimer la joie profonde que je ressens en vous recevant tous ensemble, autour de votre cher Président, le Cardinal Razafimahatratra, au cours du pèlerinage que vous accomplissez aux tombeaux des apôtres Pierre et Paul. Je sais en effet l’importance que revêt, pour vous mêmes et pour le coeur de tous les chrétiens malgaches qui vous sont unis par la pensée en cette circonstance, la communion spirituelle avec ceux que nous considérons, à juste titre, comme nos pères dans la foi. C’est elle qui nous permet de nous reconnaître frères, dans les liens étroits de la grande famille chrétienne à travers le monde, et, par une disposition mystérieuse du Seigneur Jésus, j’en suis le premier serviteur.

Les conversations très éclairantes que j’ai eues avec chacun d’entre vous, jointes à vos rapports écrits très précis, m’ont familiarisé avec les grands problèmes humains et spirituels qui affectent aujourd’hui les populations de Madagascar, et aussi avec les efforts qui vous déployez dans la situation présente. J’évoque ici seulement quelques-uns de ces problèmes, mais sachez que tous demeurent bien présents à ma pensée et à ma prière.

2. Je tiens à souligner en premier lieu la volonté de cohésion qui vous anime dans les travaux de votre Conférence épiscopale. Cela confère aux sages orientations données, comme à vos interventions, une force de persuasion perceptible au-delà de la communauté catholique. Devant les difficultés que traverse votre pays - comme beaucoup d’autres hélas - et au regard des besoins de l’Eglise elle-même, les chrétiens peuvent ainsi trouver un exemple et un stimulant dans la façon de travailler de leurs évêques. Prêtres, religieux, religieuses et laïcs sont ainsi invités à dépasser les tentations possibles de particularismes de tous ordres, afin de rassembler leurs énergies et d’oeuvrer ensemble dans un esprit de service du grand nombre.

3. Votre premier rôle est de poursuivre l’évangélisation, si bien commencée chez vous par de zélés missionnaires, et poursuivie avec courage par les fidèles et les pasteurs originaires de ce pays. Il faut donc annoncer sans relâche au peuple malgache la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu, lui permettre de bien la saisir et de l’accueillir pour qu’elle pénètre vraiment son langage, sa mentalité et sa façon concrète de vivre, personnellement, en famille, à l’école, dans la société.

Pour que cette évangélisation soit réelle et profonde, vous avez su vibrer vous-mêmes au meilleur des aspirations de vos compatriotes à la liberté, à la vérité, à la justice, au progrès social, au partage fraternel, à travers les vicissitudes de votre histoire. De façon ouverte et positive, vous vous efforcez, avec discernement et ténacité, d’encourager toutes les initiatives prometteuses, pour aider le peuple malgache à résoudre ses problèmes dans la dignité et la paix, avec les moyens dont il dispose; et le cas échéant, avec clarté et fermeté, vous savez relever les imperfections ou les contrefaçons.

Votre responsabilité, vous la ressentez dans tous les domaines de l’éthique, pour contribuer à former des chrétiens qui soient en même temps des citoyens travailleurs, honnêtes, capables de coopérer, avec compétence et désintéressement, au bien commun du pays. Vous savez que, pour cela, il faut prendre la peine d’appeler sans cesse les coeurs à se convertir et de les éduquer patiemment à la vérité et à la charité.

4. D’autre part, l’évolution laisse en marge une foule de pauvres de toutes sortes, de gens qui se sentent mal aimés ou même parfois sans espérance. L’Eglise, tel le Seigneur, doit annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres: elle se sent donc un devoir particulier de se préoccuper d’eux, d’attirer l’attention sur leur sort, de susciter la solidarité à leur endroit. Ce faisant, vous êtes, comme vous l’avez promis au jour de votre ordination épiscopale, les pères des pauvres et la voix de ceux qui ne peuvent se faire entendre.

5. La jeunesse, malgré la scolarisation dont elle bénéficie, connaît particulièrement ce désarroi humain et spirituel, et je sais que c’est là l’un de vos graves soucis. Je pense avec vous à la jeunesse des campagnes, pourtant industrieuse et généreuse, mais qui subit en premier le contrecoup de la crise économique. Je pense aussi à la jeunesse des villes, fréquemment livrée à elle-même: en perdant ses racines dans la société, elle se laisse prendre aux illusions d’un conformisme influencé par ce qu’on pourrait appeler un “internationalisme sans âme”, finalement très réducteur pour les valeurs authentiquement humaines, et croyant même pouvoir se passer de Dieu, alors que la société malgache, même non chrétienne, demeure habitée par une sensibilité spirituelle. Tous ceux qui ont à coeur le bien de ce pays ne peuvent pas ne pas mesurer cet enjeu de leur civilisation.

6. C’est dire qu’il est capital pour ces jeunes de rencontrer des pasteurs attentifs, comme vous l’êtes, capables d’accueillir leurs aspirations, confuses peut-être, mais dignes de respect, pour les faire prendre en considération par tous les responsables.

Et surtout, il faut offrir à ces jeunes une éducation solide et susceptible de les affermir pour affronter les défis du monde moderne. C’est ici que se situe, entre autres, l’apport irremplaçable des écoles catholiques. Je sais le soin que vous en avez pris, malgré de sérieuses difficultés. A ce sujet, je suis heureux de constater que les Autorités civiles ont su écouter les requêtes venant des différentes instances de la société et accepter le dialogue qui a abouti en mil neuf cent soixante-dix-neuf à la promulgation du “Statut de l’Enseignement privé”. Et je souhaite, comme c’est votre grand désir et celui des parents, que ce statut puisse désormais trouver une application plénière à tous les niveaux.

Dans le même ordre d’idée, il est essentiel que les élèves de l’enseignement public puissent recevoir, dans un climat de liberté et de respect, l’appui spirituel, la formation humaine et chrétienne dont ils ont besoin pour devenir des chrétiens adultes et responsables.

7. Dans votre apostolat, vous êtes secondés par des prêtres, des religieux et des religieuses, d’autant plus méritants qu’ils doivent faire face à une tâche immense. L’Eglise à Madagascar a, en fait, la chance de bénéficier des charismes d’un bon nombre de congrégations religieuses, tant masculines que féminines. Je suis sûr que leurs membres ont à coeur de travailler dans l’unité, quitte, s’il le faut, à renforcer les instances permettant de favoriser leur collaboration avec l’épiscopat. L’exemple de leur vie fraternelle, entre eux et avec tous les prêtres séculiers, sera, à n’en pas douter, un facteur déterminant pour que se lèvent à Madagascar de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses, dont toute la communauté chrétienne doit avoir le souci prioritaire.

8. Il importe en effet que le peuple de Dieu, déjà rassemblé par les sacrements, comme d’ailleurs ceux qui ne connaissent pas encore le nom du Christ, puissent compter sur le ministère de prêtres nombreux, remarquables par leurs qualités spirituelles et humaines. Il est donc indispensable que l’évêque se préoccupe lui-même, comme vous le faites, de l’éveil de vocations éventuelles, grâce à un service spécialisé. La fonction d’un tel service est de sensibiliser tous ceux qui, à des degrés divers, collaborent à la formation de la jeunesse, pour qu’ils transmettent sans crainte l’invitation du Seigneur: “Viens, et suis-moi!...”. Car il convient que les familles chrétiennes soient conscientes de la grandeur de la vocation sacerdotale; et il faut que dans vos écoles, l’image du prêtre apparaisse pour ce qu’elle est: l’accomplissement d’une mission qui ennoblit l’homme en le mettant tout entier au service de Dieu et de ses frères.

La richesse du sacerdoce catholique se traduit à la fois dans la vocation du prêtre religieux et dans celle du prêtre séculier. L’un et l’autre sont également vos collaborateurs. Mais le prêtre séculier, du fait de son rattachement permanent au diocèse, est placé dans des liens de communion spécifique avec vous. Il doit se montrer prêt à assumer les tâches pastorales les plus diverses. Cela requiert de lui une remarquable faculté d’adaptation apostolique, sans le soutien très personnel qu’un religieux est en droit d’attendre de sa famille spirituelle. Ainsi, en même temps qu’il y a lieu de souligner la grandeur du ministère du prêtre diocésain, il faut lui assurer, comme vous vous y efforcez, les moyens d’une formation adéquate, non seulement au cours de ses études, mais tout au long de sa vie. Dans la mesure où de tels prêtres sont formés avec soin, spirituellement et intellectuellement, on peut espérer que leur zèle sera un facteur déterminant pour l’éveil des vocations sacerdotales dont Madagascar a le plus grand besoin.

A travers vous, je voudrais saluer et encourager affectueusement tous les séminaristes malgaches: puisse l’Esprit Saint, en ce temps de préparation à la Pentecôte, les éclairer, les rendre forts et joyeux pour le service du Seigneur!

9. Une autre chance de l’Eglise malgache, c’est le sens des responsabilités qui distingue son laïcat, tant à la ville que dans les campagnes. C’est là une tradition ancienne de vos communautés: elle remonte au temps de la persécution, marqué par l’action de cette femme admirable que fut Victoire Rasoamanarivo. Ce laïcat, depuis lors, s’est développé, et assume de nombreuses tâches au service de la mission de l’Eglise. Il convient de souligner, à ce propos, le rôle heureux des structures que vous avez établies pour assurer avec lui une étroite collaboration, par laquelle il vous apporte la richesse de ses réflexions et de ses initiatives.

A ces hommes et à ces femmes, engagés au service des écoles, des dispensaires, des oeuvres caritatives, des paroisses, de l’animation des mouvements de jeunesse, et en d’autres secteurs, ou bien simplement pères et mères de famille, veuillez donner cette assurance: le Pape pense à eux, il les remercie de leur prière et les félicite de la part qu’ils prennent avec générosité, par la parole et le témoignage, à la transmission de la foi qu’ils ont eux-mêmes reçue!

10. Vous accordez aussi toute votre attention à la question de l’inculturation. Vous avez déjà entrepris une réflexion à ce sujet, et vous vous proposez de l’approfondir encore. Certes, il s’agit d’une entreprise délicate; c’est cependant une tâche exaltante qui doit être menée à bien, avec discernement et ténacité. Il est en effet capital, pour l’avenir, que la foi chrétienne - après s’être frayé un chemin pour atteindre l’âme malgache - puisse également trouver dans la culture de Madagascar des moyens d’expression qui lui soient propres, en respectant l’intégralité des richesses de l’Evangile et de la Tradition. Il ne s’agit pas de céder à la tentation du nouveau et du sensationnel, mais de se montrer attentif aux rythmes et aux accents intérieurs d’un peuple qui a fait siens la prière et les sentiments chrétiens, en lui reconnaissant la capacité de les traduire selon son génie propre, et dans l’harmonie de l’unité catholique. Il convient qu’il n’y ait pas de fossé entre culture et liturgie, pas plus qu’il ne doit y en avoir entre culture et catéchèse.

Je sais quels efforts ont déjà été accomplis à propos de cette dernière; des efforts semblables doivent être poursuivis et soutenus, avec détermination et clairvoyance, dans les différents domaines de la liturgie, de la formation des séminaristes et des ouvriers apostoliques en général. Et il importe évidemment que les adaptations nécessaires soient faites en relation étroite et permanente avec le Saint-Siège.

11. Avant de nous séparer, permettez-moi de souligner encore ceci: dans les circonstances lourdes de significations que traverse votre pays, votre voix s’est élevée - dans la seule considération de votre sollicitude pastorale et des responsabilités liées à votre mission de pasteurs et de docteurs - pour la défense des valeurs spirituelles et sociales sans lesquelles est gravement compromise la vie en société fondée sur le respect de la dignité de la personne humaine.

En interprètes zélés de la noble et riche tradition malgache - qui privilégie l’entente fraternelle et la participation de tous à l’édification de la communauté - vous avez bien perçu, avec sérénité et courage, les difficultés et les dangers, et vous avez sagement indiqué les orientations et les solutions permettant de parvenir à une promotion véritable de tout l’homme et de chaque homme.

12. A vous, Pasteurs de l’Eglise à Madagascar, vont mes encouragements chaleureux. Continuez sur cette voie, forts dans la foi, en vous appuyant sur la tradition de l’Eglise du Christ et son Magistère, et aidés par les forces vives de votre communauté catholique, si généreuse.

A travers vos personnes, je veux saluer toute l’Eglise à Madagascar, avec une pensée particulière pour ceux qui souffrent. Je tiens encore à me souvenir avec vous de tous nos frères chrétiens de la Grande Ile, avec qui vous collaborez amicalement en bien des domaines, dans l’attente de la pleine communion.

A chacun de vous, mes souhaits de paix et mon affectueuse Bénédiction Apostolique, que j’étends à tous ceux que le Bon Pasteur vous a confiés.





Message au mouvement « Espérance et vie », 17 mai 1982

(1) Texte français dans l'Osservatore Romano du 23 mai. Titre et sous-titres de la DC.


Aux veuves du mouvement « Espérance et vie » en pèlerinage international à Lourdes

1. Marie, Mère immaculée, en ce lieu de grâce où elle est invoquée par des millions de fils et particulièrement par ceux qui connaissent l'épreuve, accueille aujourd'hui avec un amour spécial toutes les veuves que vous êtes, venues à Lourdes de pays très divers. En tant que femmes vous saisissez mieux que personne que cette Femme « bénie entre toutes les femmes » peut en réalité comprendre pleinement ce que vous vivez comme expérience d'amour et de souffrance. Il est naturel que vous tourniez vers elle votre regard et votre coeur pour trouver dans son exemple et dans son amour de Mère les vraies réponses à votre vie et les plus hautes inspirations pour l'apostolat de votre mouvement « Espérance et vie ».

Bien volontiers, je vous rejoins par la pensée et avec vous je m'agenouille moi aussi devant Notre-Dame de Lourdes, afin de prier pour vous, pour vos familles et aussi pour toutes les veuves qui, dans le monde entier, partagent votre condition.

Les veuves dans l'Église primitive

2. Selon l'apôtre Paul dans sa Lettre à Timothée, les veuves ont constitué, dès la première génération chrétienne, un groupe bien vivant dont l'Église s'est spécialement préoccupée, prolongeant en cela l'attitude du Christ. Les textes qui en parlent vous sont devenus très familiers. Qui ne se rappelle le geste de compassion et la tendresse du Seigneur envers la veuve de Naïm, à laquelle il rendit vivant son fils qui venait de mourir (cf. Lc 7,11-15), ou encore le regard admiratif du Christ pour la générosité de la veuve indigente (cf. Lc 21,1-4) ? Les Actes des Apôtres rapportent que le fait d'avoir délaissé les veuves provoqua dans l'Église primitive des tensions et ce fut l'occasion de donner aux diacres une responsabilité (cf. Ac 6,1). Cette attention aux veuves dans les diverses communautés chrétiennes a vraiment été perçue comme un exercice particulier de la charité évangélique du fait que ces femmes vivaient une réalité humaine et spirituelle profondément marquée par le mystère de la croix. L'Église contemporaine, à son tour, essaie de rénover son regard et son service à l'égard du monde des veuves.

Deux réalités fondamentales

3. Les circonstances très diverses qui marquent la vie des veuves comportent toujours deux réalités fondamentales : l'amour qui a conduit ces femmes au mariage, avec toute la joie et l'espérance que cela représente, et la mort, qui a enlevé d'auprès d'elles le compagnon de toute l'existence, auquel les unissent les liens de l'amour et de la fidélité qui trouvent un prolongement dans l'affection de leurs enfants. Quand la mort de l'époux survient après de longues années de vie familiale, le veuvage — malgré la souffrance qu'il comporte — est rempli de la grande richesse d'expériences et de souvenirs qui, jointe à la foi, peut aider la vie d'une femme veuve. Mais il est des cas où la mort du mari survient de façon imprévue ou violente alors que le jeune foyer est en pleine formation, et la jeune femme qui avait mis tout son espoir dans un amour partagé en resssent un désarroi profond. Essayer de comprendre les drames intérieurs, la douleur, la solitude, le découragement touchant la vie affective et spirituelle de ces veuves, c'est se rendre capable de leur ouvrir, avec sagesse et respect, les chemins que leur offre l'Église, et aussi les préserver des dangers qui souvent les menacent.

Il faut comprendre aussi les circonstances extérieures difficiles que nombre d'entre elles doivent affronter, spécialement si elles sont mères de famille. Tout d'un coup, elles se retrouvent seules, obligées à la fois de travailler et d'édu- quer leurs enfants, surchargées psychiquement et physiquement. Ce sont là des situations qui doivent conduire les pasteurs et les fidèles à regarder avec sympathie ces femmes courageuses et à se rendre proches d'elles.

Mais il faut aussi considérer tout ce que les veuves peuvent apporter, non seulement à leurs propres familles, mais aux communautés chrétiennes et aux sociétés humaines. La maturité que l'épreuve a provoquée, les responsabilités multiples, l'expérience constituent une richesse précieuse dont beaucoup peuvent bénéficier.

L'appartenance à une communauté

4. Le soutien principal, dont une veuve a besoin, est celui d'une communauté qui l'aide à assumer et à valoriser sa nouvelle condition de vie, qui l'appuie aux moments difficiles, qui éclaire son chemin pour qu'elle puisse envisager avec sérénité le dessein de Dieu pour elle : que ce soit un nouveau mariage, ou la libre acceptation de son état de veuvage pour le vivre en plénitude, ou encore la consécration de sa vie à Dieu dans cet état de vie particulier. L'appartenance à une communauté fondée sur la foi favorise la croissance spirituelle et la recherche humble et sincère de la volonté de Dieu. Elle peut aussi empêcher la veuve d'avoir recours à la solution du remariage hâtif ou malheureux.

Votre mouvement, avec les rencontres, les retraites, le bulletin qu'il propose, vous apporte une aide précieuse. Mais c'est toute la communauté chrétienne qui doit s'intéresser à la situation des veuves pour qu'elles disposent de l'aide et des appuis nécessaires. À ce propos, je me permets de rappeler à mes frères dans le sacerdoce, mais aussi à tous les chrétiens, de se souvenir des paroles de l'apôtre Jacques : « La dévotion pure et sans tache, devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves se garder de toute souillure du monde. » (Jc 1,27)

5. La préoccupation majeure doit être de soutenir les veuves, dans la vie de leur propre famille, selon la mission confiée par Dieu, dès l'origine, à toutes les familles. Un soin particulier est à porter aux enfants. La femme doit représenter auprès d'eux, à la fois la tendresse et l'affection maternelles, la force et la sécurité paternelles. Les veuves sont devenues les vrais chefs de famille : les autorités civiles se doivent de leur reconnaître et de faire pleinement respecter cette condition, pour éviter que leurs droits ne soient gravement lésés. L'exhortation apostolique Familiaris consortio (n. FC 22-24) parle de façon spéciale de la place des femmes dans la communauté familiale. L'expérience que vivent à ce sujet les femmes veuves doit enrichir celle des autres, la pastorale familiale doit en tenir compte. Ainsi la plénitude de la personnalité féminine pourra se manifester dans le monde et dans l'Église.

Mais à leur tour, les familles des veuves doivent apporter sens et joie à leur vie. Grande est la responsabilité des enfants devenus adultes vis-à-vis de leur mère veuve ! Ce sont eux qui portent la première et la principale responsabilité de veiller sur elle. « Si quelqu'un ne prend pas soin des siens, surtout de ceux qui vivent avec lui, il a renié la foi : il est pire qu'un infidèle. » (1Tm 5,8) Je saisis donc l'occasion pour rappeler spécialement aux enfants dont la mère est veuve ce devoir filial si important qui constitue un des commandements de la loi divine : « Honore ton père et ta mère. » Trop souvent l'on constate, surtout dans les pays riches, la triste situation de veuves âgées qui, ne pouvant plus rester dans la maison de leurs enfants, passent leurs dernières années dans la solitude, entrecoupée de rares visites, même si les maisons de vieillards qui les accueillent sont confortables.

Le témoignage de la foi

6. « La vraie veuve, dit l'apôtre Paul, met son espérance dans le Seigneur. » (Cf. 1Tm 5,5) Ayant le regard tourné souvent vers l'au-delà, vers la maison du Père que leur époux a rejointe, les femmes veuves peuvent porter cette espérance dans un monde qui, bien souvent, l'a perdue ou l'a placée dans des idoles éphémères incapables de rassasier la soif d'amour et de communion habitant le coeur humain. « Espérance et vie », ce sont les termes mêmes par lesquels vous avez voulu définir votre mouvement, et ceci est déjà un puissant témoignage pour beaucoup.

Vous avez, plus que quiconque, la mission de témoigner votre foi dans la vie parce que vous en connaissez la destinée transcendante et la dimension d'éternité. Et vous demeurez en même temps au service de la vie en cherchant à épanouir celle de chacun des membres de votre famille. C'est une tâche que la mort de votre époux n'abolit pas, mais qu'elle transforme.

7. La veuve, continue l'apôtre, « persevère nuit et jour dans la prière et l'oraison » (cf. 1Tm 5,5). C'est un magnifique appel à cultiver en profondeur votre vie intérieure jusqu'à entretenir un contact vital et intime avec le Christ, l'Époux de l'Église et des âmes, qui habite en vous et dans lequel vous retrouvez tous ceux qui lui sont unis dans la communion des saints. Il vous transmet sa propre vie, et avec elle la force et la joie. La Vierge Très Sainte se présente à vous comme modèle et éducatrice de la vraie prière, elle qui « gardait toutes ces paroles et les méditait en son coeur » (Lc 2,51).

Oui, il y a en vous une capacité remarquable de prière. Parfois, en raison des circonstances mêmes de votre vie, vous avez de longs moments de solitude ; et certaines peuvent être tentées de combler ce vide pesant par des activités semblables à celles que saint Paul rappelle dans sa Lettre à Timothée (cf. 1Tm 5,13). Mais cette solitude extérieure, bien souvent surmontée d'ailleurs dans un travail absorbant et dans les services multiples, peut aussi se transformer en une prière plus fréquente, alimentée par la lecture de l'Écriture sainte et s'exprimant dans la participation eucharistique et en d'autres démarches de foi. La simple et belle prière du rosaire peut être pour vous une compagnie inestimable, peut-être même la prière des Heures (cf. Familiaris consortio, FC 60-61).

Le service des autres

8. L'Église, enfin, vous entraîne — et votre mouvement y insiste — à mettre votre charité au service de votre prochain en participant ainsi à la mission de Jésus-Christ pour construire son Église et la nouvelle humanité qu'il veut offrir à son Père. L'apostolat est l'expression de la maturité de votre vie. Le ministère d'évangélisation confié aux familles chrétiennes doit recevoir par vous une nouvelle impulsion (cf. ibidem, n. FC 52 FC 53 FC 54). Vous êtes particulièrement capables de comprendre la solitude et la douleur. Tenez compagnie à ceux qui sont seuls, et vous serez vous-mêmes moins seules. Apportez votre réconfort à celui qui souffre et vous serez vous-même consolées. Portez le témoignage d'une charité active et votre vie resplendira de paix et de joie.

Tournons à nouveau nos regards vers la Très Sainte Vierge Marie. Je vous remets entre ses mains et je vous confie, vous, vos familles, votre mouvement, à son coeur de Mère. Vous n'avez pas de refuge plus sûr et plus chaleureux ; en elle vous trouverez la tendresse du coeur de Dieu qui bat pour vous. En signe de ce même amour, je vous adresse ma bénédiction apostolique. Du Vatican, le 17 mai 1982.

IOANNES PAULUS PP. II




AU COMITÉ DE SOUTIEN ET DE PROMOTION DU CENTRE CATHOLIQUE INTERNATIONAL INTERNATIONAL POUR L’UNESCO (CCIC)

Lundi, 24 mai 1982




Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,

1. Je salue cordialement tous les participants de la dixième Assemblée générale du Comité de soutien et de promotion du Centre Catholique International pour l’UNESCO (CCIC).

Votre visite me rappelle la rencontre que j’ai eu la joie d’avoir avec un certain nombre d’entre vous, représentants de ce Centre et des Organisations Internationales Catholiques, réunis autour du cher Monsieur Larnaud, dans la chapelle des Clarisses à Paris, juste avant de me rendre au siège de l’UNESCO. Et maintenant, c’est vous qui avez voulu venir à Rome, au centre de l’Eglise, pour étudier les différents aspects du thème de la culture, à partir du discours que je prononçais à l’UNESCO le 2 juin 1980, en harmonie avec le programme de la Session du Conseil exécutif de cette initiative et je vous en félicite.

2. En effet, la réflexion sur la culture et ses rapports avec la vie du monde et avec la mission de l’Eglise doit être poursuivie et approfondie de multiples façons. Les quatre aspects que vous avez retenus pour l’Assemblée de cette année me semblent bien significatifs: culture et développement, spécificité et universalité de la culture, culture et communication, religions et cultures. Je ne peux aujourd’hui entrer dans le vif de ces sujets passionnants et importants, mais j’espère que, avec l’aide des participants venus des divers continents, vous avez pu à la fois élargir votre expérience et cerner les problèmes de façon plus précise, dégager ainsi des points essentiels qui nourriront vos convictions et guideront votre action, dans les différents secteurs et milieux où vous travaillez.

3. L’intérêt du Saint-Siège - et du Pape personnellement - pour ces questions est tel qu’un nouvel organisme vient d’être fondé dans la Curie, à la date du 20 mai: le “Conseil pontifical pour la Culture”. Dans la ligne de ce que le Concile Vatican II a exprimé à ce sujet dans sa constitution “Gaudium et Spes”, je suis bien convaincu que le dialogue de l’Eglise avec les cultures est un domaine vital pour l’Eglise comme pour l’homme. Le lien entre l’Evangile et l’homme est créateur de la culture. Et si la culture est ce par quoi l’homme devient plus homme, c’est le destin de l’homme qui est en jeu. La synthèse entre culture et foi est une exigence non seulement de la culture mais aussi de la foi. Dans les buts que j’ai assignés au nouvel organisme - qui comprendra d’ailleurs un conseil international de représentants qualifiés de la culture catholique -, j’ai indiqué entre autres: témoigner du profond intérêt du Saint-Siège et de sa mission spécifique concernant le progrès de la culture, le dialogue des cultures et la rencontre culture-Evangile; coordonner le travail d’évangélisation des cultures; collaborer avec les Organisations Internationales Catholiques; suivre l’action des organismes internationaux qui s’intéressent à la culture, à commencer par l’UNESCO.

C’est dire combien vos études et l’action de votre Centre sont plus que jamais au coeur des préoccupations du Saint-Siège.

4. L’Eglise et l’UNESCO contribuent chacune, pour leur part, avec leurs moyens et selon leurs objectifs propres, à promouvoir les cultures et notamment l’éducation, et par la à servir l’homme, qui est, en un sens, “le fait primordial de la culture”. Ma visite au siège de l’UNESCO, qui m’avait invité, a pu témoigner des rapports fructueux de dialogue et de coopération qui s’intensifient entre cette Organisation et le Saint-Siège. L’Observateur permanent de celui-ci en est le symbole. Et c’est là aussi que votre Centre catholique international pour l’UNESCO joue un rôle capital, soutenu depuis dix ans par l’Association qui se réunit aujourd’hui. Vous avez en effet accompli depuis la fondation de l’UNESCO un travail remarquable auquel je suis heureux de rendre hommage: non seulement vous observez et synthétisez les multiples aspects des initiatives et activités de cette organisation mondiale - je pense par exemple à votre revue “Le mois à l’Unesco” -, mais vous suscitez aussi une réflexion sur ces entreprises et sur le dialogue des cultures auquel vous assistez, et cela dans une perspective anthropologique cohérente avec la foi. Car les chrétiens ont un témoignage à donner en ce domaine. Et ce faisant, vous rendez un service appréciable aux Organisations Internationales Catholiques qui ont un statut consultatif auprès de l’UNESCO. Vous assurez en quelque sorte, dans les deux sens, une médiation fructueuse, un relais pour l’information, la réflexion et l’action des catholiques.

5. Précisément, j’en profite pour souligner aussi le rôle des “Organisations Internationales Catholiques” qui, en vertu de l’article 71 des Statuts de l’ONU et de l’article 11, 4 des Statuts de l’UNESCO, sont admises, comme Organisations non gouvernementales, pour apporter leur avis et coopérer ainsi au travail multiforme de l’UNESCO.

Cela fait partie du témoignage et de l’action des chrétiens, dont le Concile Vatican II a fortement souligné l’importance, dans tous les domaines de l’activité humaine. Je n’ai pas besoin d’y insister devant vous qui l’avez si bien compris. Mais alors que chaque chrétien ou chaque groupe particulier de chrétiens - familles, associations diverses - porte cette responsabilité d’agir dans les choses temporelles en conformité avec la foi et l’amour selon l’Evangile, pour améliorer les mentalités et les structures, les Organisations Internationales Catholiques ont, elles, des possibilités élargies et portent un témoignage collectif lié à l’Eglise universelle. C’est dire l’importance de leur apostolat et ses exigences. Pour elles, comme pour le CCIC, la collaboration avec l’UNESCO requiert beaucoup de compétence, d’ouverture, de loyauté; une coopération active, jointe à un discernement critique et au refus de toutes les discriminations injustes. Elle suppose surtout que les membres de ce laïcat, solidement enracinés dans la foi, donnent leur témoignage en conformité profonde avec l’Evangile, avec tout l’enseignement de l’Eglise, avec les orientations qu’elle a précisées. Je veux voir dans votre présence en ce lieu et dans votre visite au successeur de Pierre le signe que vous tenez à cette fidélité.

6. Je n’oublie pas, enfin, que vous avez voulu, en venant ici, rencontrer également les Supérieurs et les Supérieures majeurs, ou leurs représentants, afin de vous entretenir avec eux de la présence des chrétiens, et en particulier des Instituts religieux, au sein des Organisations promotrices de la culture.

Heureux de vous donner ces encouragements, je bénis de tout coeur vos personnes, vos familles et vos collaborateurs, et, en ce temps liturgique, j’implore les lumières de l’Esprit Saint sur les travaux que vous poursuivez pour la promotion de l’homme et le rayonnement de l’Eglise.





AUX ÉVÊQUES DU RWANDA EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Jeudi, 27 mai 1982




Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Vous voici à Rome, venus en pèlerinage aux tombeaux des apôtres Pierre et Paul. Pour ma part, je voudrais m’associer à votre légitime action de grâce. Les apôtres ont connu la joie de voir germer et se multiplier la semence de la Parole de Dieu. Nous pouvons de même contempler la belle croissance de la graine de l’Evangile jetée voici moins d’un siècle en terre rwandaise. La foi chrétienne est à présent bien enracinée chez vous et sa vigueur laisse augurer de beaux fruits.

Le développement rapide de la communauté chrétienne au Rwanda a d’ailleurs rendu nécessaire la multiplication régulière des circonscriptions ecclésiastiques. Encore tout récemment, vous avez eu la joie d’accueillir deux nouveaux membres au sein de votre jeune et dynamique Conférence épiscopale. A vous tous, je veux dire mon affection fraternelle et mon estime pour votre labeur.

2. Ce que je sais des travaux de votre Conférence témoigne de votre souci de l’unité entre vous et avec l’Evêque de Rome. On ne saurait jamais trop souligner son importance. Elle contient tout d’abord une invitation à la collaboration des ouvriers apostoliques entre eux et avec nous. Cette unanimité apporte aussi au peuple chrétien un exemple de concorde et affermit la force de persuasion de votre enseignement. Votre cohésion souligne encore la liberté de l’Eglise aux yeux de la nation tout entière, lors des interventions publiques que vous êtes amenés à faire, même si, comme c’est heureusement le cas, vous avez lieu de vous féliciter des bons rapports existant entre l’Eglise et l’Etat.

3. Pour vous seconder dans votre apostolat, vous savez pouvoir compter sur la collaboration efficace et confiante de prêtres, séculiers et religieux; de frères, leur prêtant un très précieux concours; de religieuses appartenant à de nombreuses congrégations et dont la charité est inlassable; de laïcs, hommes et femmes, engagés à plein temps au service de l’Eglise. Parmi eux, les uns sont fils et filles du Rwanda; les autres sont venus de pays de vieille chrétienté et ont suivi l’exemple des missionnaires qui vous ont tout d’abord apporté la foi. Je sais combien vous les entourez tous également de votre affection et quel est votre souci de leur fournir les moyens dont ils ont besoin, tant spirituellement que matériellement, pour leur formation et l’exercice de leur apostolat.

4. Attentifs à la vie de vos prêtres, vous avez pris, voici peu de temps, l’heureuse initiative de créer, au sein de votre Conférence épiscopale, une commission du clergé, venant compléter celle qui s’occupe des religieux. Cela permet de souligner la spécificité du ministère du prêtre séculier. Au sein de cette commission seront également représentés les prêtres “Fidei donum”. Vous marquez par là l’estime que vous leur portez; je la partage bien volontiers. Cette commission pourra servir à favoriser l’adaptation judicieuse des prêtres aux réalités rwandaises, la prise en compte organique des diverses questions touchant à leur recrutement, à leur situation matérielle, et aux modalités de l’aide qu’ils vous apportent si généreusement.

5. Je sais votre souci des vocations sacerdotales et de la formation des séminaristes. Celle-ci requiert évidemment, dès le petit séminaire, et plus encore au grand séminaire, un soin diligent de leur plein épanouissement spirituel, correspondant à la nature propre de l’appel au ministère. Les séminaristes ne sauraient en effet être assimilés en tout à leurs camarades du même âge, ni non plus les séminaires aux autres établissements d’enseignement. A ce propos, je comprends votre inquiétude devant l’éventualité de les voir contraints de participer à des activités susceptibles de mettre en péril leur projet de vie, choisi librement. Je souhaite que cette alarme soit rapidement dissipée.

6. Je voudrais encore mentionner le zèle vraiment méritoire des catéchistes rwandais. Travailleurs apostoliques de base, ils ont besoin, eux aussi, d’un approfondissement doctrinal et d’une formation pédagogique adaptée à l’évolution rapide du monde contemporain, formation qu’ils doivent avoir la possibilité de poursuivre. C’est là une de vos préoccupations majeures dont la réalisation nécessite des moyens matériels et des compétences particulières. Puissiez-vous, éventuellement grâce à la coopération d’autres diocèses, renforcer l’action si bien entreprise! A côté des catéchistes, vous comptez pareillement au nombre de vos collaborateurs, d’autres apôtres laïcs, tant rwandais qu’étrangers. Les uns et les autres constituent le ferment qui permettra au laïcat de prendre toujours davantage ses responsabilités ecclésiales.

7. Grâce au labeur généreux de tous, et à l’aide matérielle venue du Rwanda ou d’autres parties de l’Eglise, vous pouvez soutenir une grande variété d’oeuvres au service du développement de votre pays. L’enseignement catholique tout d’abord appelle votre vigilance: s’il existe une heureuse collaboration avec les autorités publiques, celle-ci doit permettre de sauvegarder le caractère spécifique de la vocation des écoles et institutions relevant de l’Eglise. De son côté, il reviendra à cette dernière de veiller à la formation ea à la compétence des enseignants.

8. L’Eglise rend encore des services très appréciables dans le domaine de la santé: hôpitaux, dispensaires, centres nutritionnels, léproseries. A cela s’ajoutent vos oeuvres sociales: centres de formation artisanale et agricole, “homes” d’accueil pour handicapés, pour vieillards ou orphelins. De telles initiatives manifestent votre volonté de rendre sensible la présence du Christ dans les divers secteurs de la vie de votre pays, et surtout au milieu des personnes souffrantes. A travers la charité et le sens de la justice des chrétiens, c’est la vérité de l’Evangile qui se trouve attestée aux yeux de tous.

9. Votre zèle de pasteurs et de docteurs vous a conduits à relever divers dangers pesant sur la famille rwandaise. Tout d’abord vous avez constaté, en diverses régions, une certaine désaffection vis-à-vis du mariage se traduisant par une baisse sensible des unions célébrées sacramentellement. Tour à tour, le goût d’une modernité de mauvais aloi, le regain de vigueur de certaines coutumes, la multiplication des unions de Rwandais ou de Rwandaises avec des étrangers, le laxisme moral viennent briser l’effort accompli en faveur du mariage chrétien, indissociable de l’évangélisation. Ces déviations recèlent le plus souvent - sauf s’il s’agit de simples négligences coupables - une fausse conception des données anthropologiques fondamentales. Le Christ, en rappelant la volonté de Dieu manifestée “au commencement” de l’humanité, révèle la portée véritable de celles-ci. Elles s’inscrivent harmonieusement dans le mariage, engagement réciproque en vue d’une alliance indissoluble et monogame. Défendre, comme vous le faites, un tel enseignement, c’est promouvoir le progrès authentique de l’homme, lui-même intrinsèquement associé à la sauvegarde des valeurs familiales.

10. Cependant, il est souhaitable d’étudier et d’apprécier ce qui, dans les coutumes de votre pays, est apte à traduire, sans équivoque doctrinale, les valeurs d’alliance, de fécondité et d’intégration dans la vie sociale, qui sont liées à la fondation d’une nouvelle famille chrétienne. Menée avec discernement et compétence, une telle recherche en vue d’adaptations éventuelles s’enrichira de l’expérience recueillie auprès d’autres Eglises, et elle nécessite évidemment une concertation étroite avec les organismes spécialisés du Siège Apostolique.

11. Vous êtes également attentifs à tout ce qui touche à la morale conjugale. Votre pays, en effet, compte une population dense. Les aléas de la conjoncture économique internationale causent des inquiétudes légitimes au sujet d’un développement harmonieux en faveur de tous les Rwandais. De telles perspectives supposent évidemment, de la part des responsables, la mise en place d’une politique familiale. Mais, afin de venir à bout des difficultés, certains sont tentés de céder à l’ésprit de facilité en proposant au problème démographique des solutions moralement irrecevables. S’il convient, certes, de faire confiance à la sagesse des autorités publiques, vous vous montrez à juste titre vigilants en ce domaine. Des pressions diverses peuvent se faire jour et, sous le couvert de la coopération internationale en faveur du développement, tendre à imposer, de façon plus ou moins déguisée, le recours massif à des méthodes et des techniques contraceptives contraires à l’éthique familiale en matière de natalité. Vous venez récemment, selon une suggestion du Conseil pontifical pour la Famille, de décider la création d’un Conseil consacré specialement à l’étude de ces questions familiales, auprès de votre Conférence. Je souhaite que cette initiative vous permette de rassembler toutes sortes d’informations utiles, et qu’ainsi vous puissiez poursuivre dans la voie que vous avez tracée, en développant au sein de la population une prise de conscience claire de tout l’enjeu de cette question. Je forme également des voeux pour que vous trouviez, tant au Rwanda qu’au dehors, l’aide matérielle et les compétences utiles pour soutenir ce travail pastoral vraiment déterminant pour l’avenir des familles rwandaises.

12. Bien d’autres aspects de la vie de l’Eglise au Rwanda mériteraient qu’on s’y attarde. Il m’est apparu que ceux-là étaient particulièrement dignes de mention. Surtout, mon désir le plus cher est d’assurer, par votre intermédiaire, chaque famille chrétienne de votre pays, ainsi que vos collaborateurs, les jeunes, toutes les personnes qui sont marquées par la souffrance, de ma proximité. Et d’abord de ma proximité dans la prière, qui ne connaît pas de frontières, chaque fois notamment que nous célébrons l’eucharistie. Ainsi je me sens proche des joies et des peines de chacun.

Je ne veux pas terminer sans évoquer la préparation des festivités marquant le vingtième anniversaire de l’indépendance: que le chemin parcouru avec succès soit le gage d’un progrès incessant, dans tous les domaines, poursuivi dans la paix.

En vous bénissant affectueusement, je pense également à tous les chrétiens de votre pays. Et j’invoque sur tous les Rwandais la protection du Très-Haut.





Discours 1982 - Vendredi 21 mai 1982