Discours 1982 - Jeudi, 27 mai 1982


AUX MEMBRES DU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE

Jeudi, 27 mai 1982




Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

1. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue, à vous tous, membres du Comité international olympique, réunis à Rome pour votre LXXXVéme session. Je suis très touché de la marque d’honneur que vous avez tenu à me donner, et j’ai vivement apprécié les propos que vient de tenir devant moi votre Président, en illustrant la plus noble idée que l’on puisse se faire du sport et des compétitions sportives. Oui, votre présence est pour moi un motif de profonde joie parce qu’elle me donne l’heureuse occasion de continuer avec votre Comité - qui est l’autorité la plus haute et la plus qualifiée en ce domaine - le dialogue sur le sport et avec les sportifs que l’Eglise a voulu entretenir sereinement, spécialement au cours de ce siècle, alors que ce phénomène prenait des proportions très vastes avec des répercussions sociales multiples.

Il me plaît, en la circonstance, de rappeler d’abord saint Pie X: il encouragea la noble initiative du baron Pierre de Coubertin qui restaura, à l’époque contemporaine, avec un succès croissant, les “Jeux olympiques”. Je pense également à Pie XII, qui nous a laissé un enseignement riche et lumineux sur l’activité physique et sportive dans la vie de l’homme. Jean XXIII, à son tour, en 1960, durant les Jeux olympiques de Rome, reçut en audience les athlètes de 83 nations, et également votre Comité. Paul VI, enfin, en avril 1965, accueillit lui aussi le Comité international olympique, réuni à Rome pour sa LXIVème session.

2. L’Eglise regarde le sport avec sympathie. Elle le considère avant tout comme une éducation physique, car elle voit le corps humain comme le chef-d’oeuvre de la création dans l’ordre matériel; sur ce corps, dit la Bible en un style très imagé, Dieu le Créateur insuffla un “souffle de vie”, en le rendant instrument d’une âme immortelle, avec ses capacités d'intelligence, de volonté, de don de soi, qui transcendent infiniment la composition matérielle du corps: “L’homme devint un être vivant” (Cfr. Gen Gn 2,7). De plus, la Rédemption opérée par le Christ a rendu le corps de l’homme “membre du Christ”, et “temple de l’Esprit Saint” (Cfr 1Co 6,15), destiné certes à tomber en poussière au cours du temps, mais aussi à ressusciter d’une manière définitive pour l’éternité.

Un sport réalisé de façon saine correspond donc à cette vision sereine de la dignité du corps, sans tomber dans certaines conceptions qui arrivent pratiquement à l’idolâtrie de la beauté et de la vigueur physique.

3. Mais l’Eglise voit également dans le sport un puissant facteur d’éducation morale et sociale, au niveau personnel et aussi au plan national et international. Comme manifestation de l’agir de l’homme, il doit être une école authentique et une expérience continuelle de loyauté, de sincérité, de fair-play, de sacrifice, de courage, de ténacité, de solidarité, de désintéressement, de respect! Quand, dans les compétitions sportives, c’est la violence qui l’emporte, l’injustice, la fraude, la soif du gain, les pressions économiques et politiques, les discriminations, alors le sport est ravalé au rang d’instrument de la force, de l’argent.

Je souhaite que votre Comité international olympique défende toujours, avec la clarté et l’énergie nécessaires, les grands idéaux du sport, avec ses caractéristiques de “noblesse et de chevalerie” dont parlait le restaurateur des Jeux olympiques. Vous les avez fort bien exprimés dans votre adresse d’hommage. Et comme le disait mon prédécesseur Paul VI, “la pratique du sport au niveau international... s’est révélée un facteur remarquable pour le progrès de la fraternité entre les hommes, et pour la diffusion de l’idéal de la paix entre les nations... Ils apprennent à s’affronter dans les luttes pacifiques du stade et de la palestre, et non plus dans les luttes fratricides des champs de bataille. La guerre, cette grande ennemie du genre humain, est l’ennemie aussi par excellence de vos nobles et paisibles performances” (Cfr. Insegnamenti di Paolo VI, IV (1966) 207).

Pour cela, l’Eglise entend continuer et approfondir son dialogue ouvert et sincère avec tout le monde du sport, et en particulier avec votre Comité, qui a le devoir de défendre dans le monde les idéaux du combat sportif.

En formulant ces voeux, j’invoque sur vous, sur vos familles, sur vos nations et sur vos travaux, les Bénédictions de Dieu et en particulier les dons de sagesse, de force et d’amour.





Discours aux évêques d’Angleterre et du pays de Galles, 28 mai


Au début de l'après-midi du 28 mai, le Pape a d'abord rendu visite à la reine Elisabeth avant d'aller à la cathédrale Saint-Georges de Southwark où il a rencontré des malades et des handicapés et administré le sacrement des malades. Il est revenu vers 18 h 30 à l'archevêché de Westminster où il a adressé le discours suivant aux évêques de la Conférence épiscopale d'Angleterre et du pays de Galles (1) :

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 30 mai. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


MES CHERS FRÈRES ÉVÊQUES,

1. En nous réunissant ce soir, nous tournons tout aussitôt notre pensée vers notre Seigneur Jésus-Christ. Dans les évangiles, le Christ nous dit qu 'il n 'est pas seul. Il fait l'expérience de la communion avec son Père : « Celui qui m'a envoyé est avec moi : il ne m'a pas laissé seul. » (Jn 8,29) À une autre occasion il dit : « Mais je ne suis pas seul, le Père est avec moi. » (Jn 16,32) La conscience du Christ d'être avec son Père imprègne sa vie et sa mission. C'est pour lui une source de force. Même au coeur de sa Passion, il sait qu'il n'est pas abandonné, même s'il souffre dans sa nature humaine de l'angoisse de la solitude.

La présence du Christ

2. Le Christ sait aussi que ses disciples ont absolument le même besoin que lui : ils ne doivent pas affronter seuls leur mission. Et il a donc fait sa promesse, une promesse qui imprègne à tout jamais la vie de l'Église tout entière. « Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps. » (Mt 28,20)

Cette promesse se faisait l'écho des promesses faites par Dieu autrefois. Moïse avait entendu la parole de Dieu : « Je suis avec toi. » (Ex 3,12) C'est une promesse qui lui avait été faite justement pour qu'il puisse conduire le peuple de Dieu vers la liberté. Jérémie, qui devait reculer de crainte devant la grandeur de sa tâche prophétique, fut rassuré par Dieu : « Je suis avec toi pour te libérer. » (Jr 1,8) L'apôtre Paul, lui aussi, a entendu des paroles rassurantes : « Sois sans crainte, continue de parler, ne te tais pas. Je suis en effet avec toi. » (Ac 18,9)

3. Et aujourd'hui, dans le contexte de la collégialité que nous célébrons, je voudrais proposer à votre méditation la promesse du Christ de rester avec son Église, l'assurance du Christ que vous n'êtes pas seuls.

Le principe de collégialité nous montre comment la propre conviction du Christ à son sujet — « je ne suis pas seul » — s'applique à nous-mêmes. Par l'action de son Esprit-Saint, le Christ est avec vous et en vous, pendant que vous présidez, en tant que ses vicaires (cf. Lumen gentium, LG 27), aux Églises confiées à votre soin pastoral. Il est aussi proche de vous par le ministère de celui à qui l'Église attribue, d'une manière particulière, les titres de vicaire du Christ et de serviteur des serviteurs de Dieu.

Le témoignage de la collégialité

4. Vous tous ensemble en tant que Conférence — Ordinaires de rite latin ainsi que l'évêque Hornyak, pasteur bien-aimé des fidèles ukrainiens —, vous connaissez la solidarité de l'évêque de Rome avec vous dans la prière et l'amour fraternels. Et en tant que membres du collège universel des évêques, vous savez que vous avez le soutien du successeur de l'apôtre Pierre qui a été institué comme « principe et fondement perpétuels et visibles d'unité de foi et de communion », précisément « pour que l'épiscopat lui-même fût un et indivis » (Lumen gentium, LG 18). Ces dernières semaines le Pape a été proche de vous, comme il a été proche de vos frères argentins dans l'épiscopat, dans le grand souci pastoral dont vos deux peuples ont fait l'expérience, à la suite du conflit armé de l'Atlantique sud.

En même temps, les évêques d'Argentine et vous-mêmes avez été assurés des prières et du soutien fraternels de vos frères évêques du monde entier. La messe concélébrée le 22 mai à la basilique Saint-Pierre était, entre autres, un exemple de la puissante collégialité qui dépasse les frontières naturelles, les langues, les cultures et même les générations. L'appel à la paix, lancé à cette occasion, était un acte collégial en faveur de toute l'Église et de toute l'humanité. Le Collège épiscopal se tient au côté de chacun de ses membres. Les problèmes de chaque évêque et de chaque conférence sont, comme vous en avez fait l'expérience, la préoccupation de tout le corps. Vous n'êtes pas seul.

5. À votre tour, vous êtes appelés à collaborer au bien de l'église universelle. Certains d'entre vous ont eu le privilège, comme moi-même, de participer au Concile Vatican II. Tous, vous avez contribué, d'une manière ou d'une autre, au travail du Synode des évêques ou à celui de votre Conférence épiscopale. Certains d'entre vous ont pris part aux activités collégiales que coordonne la Curie romaine.

6. En même temps, l'épiscopat universel, avec lequel vous avez oeuvré pour le bien de l'Église tout entière, collabore avec le Pontife romain dans les sujets importants qui touchent vos Églises locales. Cet aspect est, lui aussi, une partie vitale de la collégialité : non seulement vous collaborez au bien des autres, mais vous acceptez la collaboration du Collège dans votre propre ministère. Cette collaboration est proposée de manière différente, souvent dans des expressions non juridiques, et elle est pour vous d'un grand secours. Cet aspect de la collégialité vous aide vous-mêmes à lire avec soin les « signes des temps », afin de discuter clairement « ce que l'Esprit dit aux Églises » (Ap 2,7). C'est dans ce contexte de collégialité que nous voyons comment les Églises locales et leurs pasteurs contribuent à l'Église universelle, et également comment elles reçoivent les idées partagées par l'épiscopat universel. Ces idées aident les évêques locaux à être toujours plus soucieux du bien de l'Église tout entière ; elles aident de la même manière les évêques à sauvegarder dans leurs Églises locales l'unité de foi et de discipline qui est commune à l'Église tout entière (Lumen gentium, LG 23), et qui doit être authentifiée par l'autorité universelle. Dans le principe de collégialité, les évêques trouvent tout à la foi un soutien fraternel et un critère de responsabilité pour leur sainte mission. Les paroles de Jésus sont assurément pleines de signification pour nous, ses serviteurs : Je ne suis pas seul.

Les prêtres et les religieux

7. Dans votre ministère d'évêques, vous savez combien vos prêtres comptent sur vous et combien vous comptez sur vos prêtres. Ensemble — et non pas seuls —, vous avez été chargés de proclamer l'Évangile et de construire le Corps du Christ. Les prêtres sont vos frères et les collaborateurs de votre ordre épiscopal. Votre fraternité avec eux assure l'efficacité de votre ministère, et leur union avec vous garantit leur union avec le Christ.

8. Maintenant, je voudrais dire un mot des religieux. Le Concile Vatican II et les documents qui le mettent en oeuvre ont largement contribué à montrer la véritable place des religieux dans l'apostolat des Églises locales. Ici encore, votre rôle est des plus importants, non seulement pour coordonner l'activité pastorale, mais aussi pour veiller à ce que la précieuse contribution des religieux et des religieuses soit employée de manière appropriée, dans l'esprit d'une responsabilité partagée pour l'Évangile, « afin que la Parole du Seigneur poursuive sa course, qu'elle soit glorifiée » (2Th 3,1). Dans votre zèle pastoral, la collaboration ordonnée et fructueuse entre les évêques et les religieux confirmera votre joyeuse expérience de ne pas être seuls dans le travail de l'évangélisation et de la catéchèse.

Les laïcs

9. Et qu'en est-il des laïcs ? Je suis également profondément convaincu que l'élargissement de l'apostolat des laïcs est une source de force particulière pour vous, en tant que pasteurs du Peuple de Dieu. Le Concile Vatican II a vigoureusement souligné à quel point les laïcs contribuent au bien de l'Église tout entière. Dans le même contexte, il montre que « les pasteurs savent qu'ils n'ont pas été eux-mêmes institués par le Christ pour assumer à eux seuls tout l'ensemble de la mission salutaire de l'Église » (Lumen gentium, LG 30). Dans le plan de Dieu, en remplissant leur rôle propre, les laïcs sont destinés à rendre un grand service de soutien plein d'amour à l'égard de leurs pasteurs dans le Christ.

La responsabilité de l'évêque

10. En tout ceci, la tâche des évêques reste une tâche redoutable. C'est un ministère qui comporte de lourdes responsabilités, mais la présence du Christ et la juste mesure d'une responsabilité partagée, assumée par la communauté, sont plus que suffisantes pour nous convaincre tous, en tant qu'évêques, que nous ne sommes pas seuls.

Il y a tant de manières par lesquelles nous sommes appelés à servir en évêques — tant de secteurs particuliers de notre mission pastorale : comme enseignants, guidant le Peuple de Dieu « par les bons sentiers pour l'honneur de son nom » (Ps 23,3) ; comme responsables de la liturgie, rendant « grâce dans la vaste assemblée » (Ps 35,18) ; comme pasteurs remplis d'amour et de compassion qui connaissent leurs brebis et que leurs brebis connaissent et aiment. Dans tous ces différents domaines, le principe de collégialité trouve son application adéquate, et la vie et le ministère de l'évêque sont marqués par l'expérience du Christ, le premier des pasteurs, qui proclame sans cesse au monde : je ne suis pas seul.

11. Et aujourd'hui, chers frères, l'Évêque de Rome souhaite souligner avec force ce point : comme le Christ, vous n'êtes pas seuls. Avec vous, l'Évêque de Rome est pasteur du Peuple de Dieu et, pour vous, il est le pasteur et le serviteur universels. En vous confirmant dans la foi, il vous encourage aussi, vous et votre peuple — de même que vos frères argentins et leur peuple —, dans tous les efforts entrepris pour parvenir à la réconciliation et à la paix totales. Avec l'apôtre Pierre, je répète : « Paix à vous tous qui êtes en Christ. » (1P 5,14)

Ensemble, frères évêques — et non pas seuls —, nous devons proclamer que la paix est possible, qu'elle est un devoir humain et chrétien, que la réconciliation est le chemin de la paix, que le Christ lui-même est notre justice et notre paix. Au milieu des joies et des craintes, dans l'espérance et dans la peine, l'épiscopat catholique est conjointement redevable à Jésus-Christ de la manière dont il proclame, en son nom et sous son commandement, son Évangile de paix, et dont il exerce son « ministère de réconciliation » (2Co 5,18).

Avec notre clergé, nos religieux et nos laïcs, et unis les uns aux autres, proclamons le message de salut et de réconciliation, profondément convaincus que — comme Jésus et avec Jésus — nous ne sommes pas seuls. Dans la collégialité de l'épiscopat catholique trouvons une force et une vigueur renouvelées pour conduire le Peuple de Dieu. Et dans le Christ Jésus, puissions-nous prendre toujours conscience que nous ne sommes pas seuls.




La visite à Cantorbéry, 29 mai


Le 29 mai, le Pape s'est d'abord adressé aux religieux et aux religieuses au Digby Stuart Training College avant de se rendre en hélicoptère à Cantorbéry où il a été accueilli par le Dr Runcie, primat de la communion anglicane. La cérémonie a commencé par quelques minutes de prière silencieuse à l'intérieur de la cathédrale et par le chant du Notre Père. Après le discours du Dr Runcie, le doyen de la cathédrale lui a présenté, ainsi qu'au Pape, le célèbre Évangile de Cantorbéry, puis le primat de la communion anglicane a lu un passage de la lettre de saint Paul aux Corinthiens et le Pape un passage du chapitre 17 de saint Jean. La célébration s'est poursuivie par des prières d'intercession, le discours du Pape et elle s'est terminée par le baiser de paix. À la suite de cette cérémonie, une déclaration commune a été rendue publique.


Allocution du Pape (1)

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 30 mai. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


1. Les passages que l’archevêque Runcie et moi-même venons de lire sont extraits de l’Évangile selon saint Jean et contiennent les paroles prononcées par Notre Seigneur Jésus-Christ la veille de sa Passion. Au cours de son repas avec ses disciples, il a prié pour « que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et que je suis en toi, qu’ils soient en nous eux aussi, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21).

Ces paroles sont tout particulièrement marquées par le mystère pascal de notre Sauveur, par sa Passion, sa Mort et sa Résurrection. Bien qu’elles aient été prononcées une seule fois, elles se maintiennent à travers toutes les générations. Le Christ prie sans cesse pour l’unité de son Église, parce qu’il l’aime, de l’amour même dont il a aimé les apôtres et les disciples qui étaient avec lui à la dernière Cène. « Je ne prie pas seulement pour eux, je prie aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. » (Jn 17,20) Le Christ révèle une perspective divine dans laquelle le Père, le Fils et le Saint- Esprit sont présents. Est présent aussi le très profond mystère de l’Église, l’unité dans l’amour qui existe entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit pénètre jusqu’au coeur du peuple que Dieu a choisi pour sien, et elle est la source de son unité.

Les paroles du Christ résonnent d’une manière particulière aujourd'hui dans cette sainte cathédrale qui rappelle la figure de ce grand missionnaire, saint Augustin, que le Pape Grégoire le Grand avait envoyé afin que, par ses paroles, les fils et les filles d’Angleterre croient dans le Christ.

Chers frères, nous sommes devenus particulièrement sensibles à ces paroles de la prière sacerdotale du Christ. L’Église de notre époque est l’Église qui participe tout spécialement à la prière du Christ pour l’unité et qui cherche les chemins de l’unité, obéissant à l'Esprit qui s’exprime par les paroles du Seigneur. Nous désirons obéir aujourd’hui surtout, en ce jour historique que des siècles et des générations ont attendu. Nous désirons obéir à celui que le Christ appelle l’Esprit de vérité.

Le don de l'unité et de la vérité

2. L’année dernière, à l’occasion de la fête de la Pentecôte, les catholiques et les anglicans se sont unis aux orthodoxes et aux protestants, à la fois à Rome et à Constantinople, pour commémorer le premier Concile de Constantinople en professant leur foi commune dans l’Esprit-Saint, le Seigneur qui donne la vie. Une fois encore, en cette vigile de la grande fête de la Pentecôte, nous sommes rassemblés dans la prière pour implorer notre Père céleste afin qu’il répande à nouveau l’Esprit-Saint, l’Esprit du Christ, sur son Église. Car c’est l’Église que nous professons selon les paroles du Credo du Concile, comme l’oeuvre par excellence de l’Esprit-Saint, quand nous disons : « Nous croyons en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique. »

Les passages de l’Évangile d’aujourd’hui ont notamment attiré l'attention sur deux aspects du don de l'Esprit-Saint que Jésus a invoqué sur ses disciples : il est l'Esprit de vérité et l'Esprit d'unité. Le premier jour de la Pentecôte, l'Esprit-Saint est descendu sur ce petit groupe de disciples pour les confirmer dans la vérité du salut de Dieu pour le monde, par la mort et la résurrection de son Fils, et les unir dans l'unique corps du Christ, qui est l'Église. Ainsi nous savons que lorsque nous prions pour « que tous soient un », comme Jésus et son Père sont un, c'est précisément afin que « le monde croie » et qu'il soit sauvé par cette foi (cf. Jn 17,21). En effet, notre foi ne peut être autre que la foi de la Pentecôte, la foi dans laquelle les apôtres ont été confirmés dans l'Esprit de vérité. Nous croyons que le Seigneur ressuscité a le pouvoir de nous sauver du péché et des puissances des ténèbres. Nous croyons aussi que nous sommes appelés « à devenir un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (Prière eucharistique n° 3).

L'union au Christ par le baptême

3. Dans quelques instants nous allons renouveler ensemble nos promesses baptismales Nous voulons accomplir ce rituel, que les anglicans et les catholiques ont en commun, comme un clair témoignage de l'unique sacrement du baptême par lequel nous avons été unis au Christ. En même temps, nous sommes humblement conscients du fait que la foi de l'Église, à laquelle nous nous adressons, n'est pas sans porter les marques de notre séparation. Ensemble, nous renouvellerons notre renonciation au péché afin de montrer clairement que nous croyons que Jésus-Christ a triomphé de la puissante emprise de Satan sur le « monde » (Jn 14 Jn 17). Nous professerons de nouveau notre intention d'éviter tout ce qui est mal et de nous tourner vers Dieu, auteur de tout bien et source de toute sainteté. Alors que nous renouvelons notre profession de foi dans le Dieu trine — Père, Fils et Esprit-Saint —, nous trouvons une grande espérance dans la promesse de Jésus : « Le Paraclet, l'Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera vous ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14,26) La promesse du Christ nous donne confiance dans le pouvoir de ce même Esprit-Saint de guérir les divisions introduites au sein de l'Église au cours des siècles, depuis le premier jour de la Pentecôte. De cette manière, le renouvellement des promesses de notre baptême deviendra un engagement à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour coopérer avec la grâce de l'Esprit-Saint qui, seul, peut nous mener vers le jour où nous professerons ensemble la plénitude de notre foi.

Vers la réconciliation et l'unité

4. En adressant aujourd'hui notre prière pour l'unité à l'Esprit-Saint, nous pouvons avoir confiance car, selon la promesse du Christ, l'Esprit-Saint, le Conseiller, sera toujours avec nous pour toujours (cf. Jn 14,16).

C'est avec confiance que l'archevêque Fisher a pris sur lui de rendre visite au Pape Jean XXIII à l'époque du Concile Vatican II et que les archevêques Ramsey et Coggan sont venus rendre visite au Pape Paul VI. C'est avec tout autant de confiance que j'ai répondu aux inspirations de l'Esprit-Saint d'être avec vous aujourd'hui à Cantorbéry

5. Chers frères et soeurs de la Communion anglicane « frères très aimés et très désirés » (Ph 4,1), combien je suis heureux de pouvoir parler directement avec vous aujourd'hui dans cette grande cathédrale. L'édifice lui-même est un témoin éloquent à la fois de nos longues années d'héritage commun et des tristes années de division qui ont suivi. Sous ce toit, saint Thomas Becket a souffert le martyre. Ici également nous nous souvenons d'Augustin, de Dunstan, d'Anselme, et de tous ces moines qui ont servi cette Église avec tant de zèle. Les grands événements de l'histoire du salut sont rappelés dans les anciens vitraux qui sont au-dessus de nous. Et nous avons vénéré ici le manuscrit des Évangiles envoyé de Rome à Cantorbéry, il y a treize siècles. Encouragé par le témoignage de tant d'hommes qui ont professé leur foi en Jésus- Christ à travers les siècles — souvent au prix de leur propre vie — sacrifice qui aujourd'hui encore est demandé à bien des hommes, comme la nouvelle chapelle que nous visiterons nous le rappelle, je vous demande, dans ce saint lieu, à vous mes frères chrétiens, et particulièrement aux membres de l'Église d'Angleterre et aux membres de la Communion anglicane à travers le monde, d'accepter l'engagement que l'archevêque Runcie et moi-même prenons de nouveau devant vous aujourd'hui. Cet engagement est celui de prier et de travailler pour la réconciliation et l'unité ecclésiales selon l'esprit et le coeur de notre Sauveur Jésus-Christ.

Je viens à vous dans l'amour

6. À l'occasion de cette première visite d'un Pape à Cantorbéryje viens à vous dans l'amour — l'amour de Pierre à qui le Seigneur a dit : « Mais moi j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » (Lc 22,32) Je viens également à vous dans l'amour de Grégoire, qui a envoyé saint Augustin à cet endroit pour être le berger du troupeau du Seigneur (cf 1P 5,2). Comme tout ministre de l'Évangile doit le faire, aujourd'hui aussi je me fais l'écho des paroles du Maître : « Je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert. » (Lc 22,27) Je vous apporte, frères et soeurs bien-aimés de la Communion anglicane, les espérances et les désirs, les prières et la bonne volonté de tous ceux qui sont unis à l'Église de Rome, dont on a dit, dès les premiers temps, qu'elle « présidait dans l'amour » (Ignace, Ad Rom., Proem.).

Vers l'unité dans l'amour

7. Dans quelques instants, l'archevêque Runcie se joindra à moi pour la lecture d'une déclaration commune, par laquelle nous reconnaissons la route que nous avons déjà parcourue sur le chemin de l'unité, et établissons les plans que nous proposons et les espoirs que nous entretenons pour la prochaine étape de notre commun pèlerinage. Et pourtant ces espoirs et ces plans seront réduits à néant si notre effort vers l'unité ne s'enracine pas dans notre union avec Dieu ; car Jésus a dit : « En ce jour-là, vous connaîtrez que je suis en mon Père et que vous êtes en moi et moi en vous. Celui qui a mes commandements et qui les observe, celui-là m'aime : or celui qui m'aime sera aimé de mon Père et à mon tour, moi je l'aimerai et je me manifesterai à lui. » (Jn 14,20-21) Cet amour de Dieu est répandu sur nous en la personne de l'Esprit-Saint, l'Esprit de vérité et d'unité. Ouvrons-nous à son amour puissant tandis que nous prions, pour qu'en parlant le langage de la vérité dans l'amour, nous grandissions à tous égards dans celui qui est la Tête, notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Ep 4,15). Puisse le dialogue que nous avons engagé nous conduire au jour où sera pleinement restaurée l'unité dans la foi et l'amour.

La veille de sa passion, Jésus a dit à ses disciples : « Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements. » (Jn 14,15) Nous nous sommes sentis contraints de nous rassembler ici aujourd'hui en obéissance au grand commandement : le commandement d'amour. Nous voulons l'embrasser dans son entier, le vivre complètement, et faire l'expérience du pouvoir de ce commandement, conformément aux paroles du Maître : « Moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera pour toujours avec vous. C'est lui l'Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous. » (Jn 14,16-17)

L 'amour grandit grâce à la vérité, et la vérité est plus proche de l'homme grâce à l'amour. C'est conscient de cela que j'adresse au Seigneur cette prière : « Ô Christ, fais que toute cette rencontre d'aujourd'hui naisse de l'Esprit de vérité et soit fructifiée par l'amour.

Voici devant nous le passé et l'avenir !

Voici devant nous les désirs de tant de coeurs !

Vous, qui êtes le Seigneur de l'histoire et le Seigneur des coeurs humains, soyez avec nous ! Christ Jésus, Fils éternel de Dieu, soyez avec nous ! » Amen.



Déclaration commune (1)

(1) Texte original anglais dans l’Osservatore Romano du 30 mai. Traduction, titre et notes de la DC.


1. Dans cette église cathédrale du Christ à Cantorbéry, le Pape et l'archevêque de Cantorbéry se sont rencontrés la veille de la Pentecôte afin d'offrir des actions de grâces à Dieu pour les progrès réalisés dans l'oeuvre de la réconciliation entre nos deux communions. Avec les chefs des autres Églises chrétiennes, nous avons écouté la parole de Dieu : ensemble nous nous sommes rappelés notre commun baptême et avons renouvelé les promesses faites à ce moment-là : ensemble nous avons reconnu le témoignage de ceux que leur foi a poussés à sacrifier le don précieux de la vie elle-même au service des autres — à la fois dans le passé et à l'époque moderne.

2. Le lien de notre commun baptême qui nous a greffés sur le Christ a amené nos prédécesseurs à engager un dialogue sérieux entre nos Églises : dialogue fondé sur les Évangiles et les anciennes traditions communes, dialogue qui a pour but l'unité pour laquelle le Christ a prié son Père. « Afin que le monde sache que tu m'as envoyé et que tu les a aimés comme tu m'as aimé. » (Jn 17,23) En 1966, nos prédécesseurs, le Pape Paul VI et l'archevêque Michaël Ramsey, ont fait une Déclaration commune annonçant leur intention d'inaugurer entre l'Église catholique romaine et la Communion anglicane un dialogue sérieux qui « comprendrait non seulement les questions théologiques telles que les Écritures, la Tradition et la liturgie, mais aussi les difficultés pratiques ressenties de chaque côté (Déclaration commune, § 6) (2). Après que ce dialogue eut déjà produit trois déclarations sur l'Eucharistie (3), le ministère et l'ordination (4) et l'autorité dans l'Église (5), le Pape Paul VI et l'archevêque Donald Coggan, dans leur Déclaration commune en 1977 (6), ont profité de l'occasion pour encourager l'achèvement du dialogue sur ces trois questions importantes, de manière que les conclusions de la Commission puissent être évaluées par les autorités respectives à travers les procédures appropriées à chaque communion. La Commission internationale anglicane-catholique romaine a maintenant terminé la tâche qui lui avait été assignée et a publié son Rapport final (7) et, pendant que nos deux communions procèdent à cette évaluation nécessaire, nous nous unissons pour remercier les membres de la Commission de leur dévouement, de leur savoir et de leur intégrité dans cette tâche longue et exigeante, entreprise pour l'amour du Christ et l'unité de son Église.

3. L'achèvement du travail de cette Commission nous oblige à regarder vers l'étape suivante de notre commun pèlerinage dans la foi et dans l'espérance, vers l'unité à laquelle nous aspirons. Nous avons tous deux convenu que l'heure est maintenant venue de créer une nouvelle Commission internationale. Sa tâche sera de continuer l'oeuvre déjà commencée, d'examiner, surtout à la lumière de nos jugements respectifs sur le Rapport final, les différences doctrinales majeures qui nous séparent encore en vue de leur solution éventuelle, d'étudier tout ce qui nous empêche de reconnaître réciproquement les ministères de nos Églises, et de recommander les dispositions pratiques qui seront nécessaires lorsque, sur la base de notre unité dans la foi, nous pourrons en venir au rétablissement de la pleine communion. Nous nous rendons bien compte que la tâche de cette nouvelle Commission ne sera pas facile, mais nous sommes encouragés par notre confiance en la grâce de Dieu et par tout ce que nous avons déjà vu de la puissance de cette grâce à l'oeuvre dans le mouvement oecuménique de notre époque.

4. La poursuite de ce nécessaire travail de clarification théologique doit s'accompagner du travail zélé et de la prière fervente des catholiques romains et des anglicans partout dans le monde, alors qu'ils s'efforcent de grandir dans la compréhension mutuelle, l'amour fraternel et le témoignage commun de l'Évangile. Une fois de plus, nous lançons donc un appel aux évêques, au clergé et aux fidèles de nos deux communions dans tous les pays, diocèses et paroisses où les fidèles vivent côte à côte. Nous leur recommandons instamment de prier pour ce travail et d'employer tous les moyens possibles pour le faire progresser par leur collaboration, en approfondissant leur fidélité envers le Christ et en étant ses témoins devant le monde. C’est seulement par cette collaboration et cette prière que le souvenir des inimitiés passées pourra être guéri et que nos antagonismes passés pourront être surmontés.

5. Notre but ne se limite pas à l’union de nos deux seules communions à l’exclusion des autres chrétiens, mais s’étend au contraire à l’accomplissement de la volonté de Dieu pour l’unité visible de tout son peuple. À la fois dans notre propre dialogue actuel et dans celui des autres chrétiens entre eux et avec nous, nous reconnaissons dans les accords que nous avons réalisés, et dans les difficultés que nous rencontrons, une nouvelle invitation à nous abandonner totalement à la vérité des Évangiles. C’est pourquoi nous sommes heureux de faire aujourd’hui cette Déclaration, en la présence appréciée de tant de frères chrétiens, dont les Églises et les communautés sont déjà partenaires avec nous par la prière et par le travail pour l’unité de tous.

6. Avec eux nous voulons servir la cause de la paix, de la liberté humaine et de la dignité de l’homme, pour que Dieu soit réellement glorifié dans toutes ses créatures. Avec eux nous saluons au nom de Dieu tous les hommes de bonne volonté, à la fois ceux qui croient en lui et ceux qui le cherchent encore.

7. Ce lieu sacré nous rappelle la vision du Pape Grégoire, quand il envoyait saint Augustin en Angleterre comme apôtre plein de zèle pour prêcher l’Évangile et faire paître le troupeau. En cette veille de la Pentecôte, nous nous tournons de nouveau par la prière vers Jésus, le bon Pasteur, qui nous a promis de demander au Père de nous donner un autre Défenseur pour rester avec nous pour toujours, l’Esprit de vérité (Jn 14,6) qui nous conduira vers l’unité parfaite à laquelle il nous appelle. Confiants dans la puissance de ce même Esprit, nous nous engageons à nouveau dans la tâche de travailler pour l’unité, avec une foi ferme, une espérance renouvelée et un amour toujours plus profond.

(2) DC, 1966, n° 1469, col. 682.
(3) DC, 1972, n° 1601, p. 86-88.
(4) DC, 1973, n° 1644, p. 1063-1069.
(5) DC, 1977, n° 1713, p. 118-124.
(6) DC, 1977, n° 1720, p . 458-459.
(7) DC, 1982, n° 1830, p. 497-507.



Juin 1982




Discours aux chefs des églises chrétiennes, Edimbourg 1er juin


Discours 1982 - Jeudi, 27 mai 1982