Discours 1982 - Message à la IIe session extraordinaire des Nations Unies, lu le 11 juin


VOYAGE EN ARGENTINE


La paix dans le monde

Discours à l’escale de Rio de Janeiro, 11 juin 1982


Comme il l'avait annoncé lors de l'audience générale du 26 mai (1), le Pape a entrepris un voyage éclair en Argentine quelques jours après la fin du voyage en Grande-Bretagne. Il a quitté Rome le 10 juin à 22 h 38. Le DC 10 de la compagnie Alitalia a fait une escale technique à Rio de Janeiro où il est arrivé le 11 juin à 4 h 42. Avant de poursuivre son voyage, le Pape a adressé le discours suivant aux personnes venues le saluer à l'aéroport (2) :

(1) DC, 1982, n° 1832, p. 617.
(2) Texte portugais dans l'Osservatore Romano du 12 juin. Traduction, titre, sous-titre et notes de la DC.


Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur le cardinal archevêque de Rio de Janeiro et Frères dans l'épis- copat, Monsieur le Ministre de l'Aéronautique et autres autorités, Mesdames et messieurs, très chers Brésiliens.

1. En foulant de nouveau le sol brésilien, ne serait-ce que pendant quelques brefs instants — dans cette escale technique de mon voyage en Argentine — une foule de sentiments et d'agréables souvenirs me remplissent le coeur. J'aurais voulu que la grande joie et la grande affection qui entourent mes sentiments et nos retrouvailles fussent exemptes de toute ombre de préoccupation : quoi qu'il en soit, c'est de tout coeur que je salue, en ce moment, le cher peuple brésilien, à travers ceux qui sont ici présents.

Je vous remercie de cette présence, que l'heure nocturne rend encore plus significative et plus méritoire. Je vous remercie tous : monsieur le Ministre des Affaires étrangères personnellement, de même que les autorités qu'il représente ici, tout particulièrement monsieur le Président de la République ; je remercie messieurs les cardinaux et évêques qui, avec mon cher Frère Dom Eugênio de Araujo Sales, rendent visible pour moi l'Église du Brésil, représentée également par la communauté diocésaine locale de Rio de Janeiro et par d'autres fidèles, venus d'autres diocèses.

Rio de Janeiro ! Brésil ! Que de souvenirs, en ce moment et en ce lieu, ces noms évoquent dans mon esprit : les douze jours de ma visite pastorale aux « Terre de Sainte-Croix » (3), la rencontre inoubliable avec l'Église de cette nation bien- aimée, de Rio Grande do Sul jusqu'à Bélem du Para et au coeur même des Amazonies ! « Grâces soient rendues à Dieu » pour tout cela.

Je me rappelle avec une particulière vivacité chaque Brésilien que j'ai rencontré alors et qui m'a accueilli si cordialement. Sur son visage, j'ai essayé de voir le visage du Christ : le Christ des Béatitudes, le Christ rédempteur et sauveur, le Christ prince de la paix. En effet, la paix, racine de tous les biens, continue d'être le fruit d'une éducation constante, fondée sur la verité, respectueuse de la liberté, et don de Dieu confié aux hommes.

(3) DC, 1980, n° 1791, p. 733-778 ; n° 1792, p. 785-807.


Des pensées de paix

2. La bouche parle de l'abondance du coeur, chers frères et soeurs du Brésil : et, dans mon coeur, ce sont les pensées de paix qui sont au premier plan. Au Brésil, que j'ai visité il y a deux ans — au cours d'un voyage qui, comme celui que je vais faire en Argentine, était marqué d'un caractère pastoral et ecclésial, sans aucune intention politique — j'ai embrassé dans la paix chaque peuple de ce continent de l'espérance, comme je l'avais également fait lors du précédent voyage au Mexique ; et, dans la communion de l'Église une et universelle, j'ai prié, avec les pasteurs de toute l'Amérique latine, pour la venue d'un monde plus pacifique, plus juste et plus fraternel (cf. Discours de l'arrivée à Rome, 31 janvier 1979).

Dès mon arrivée à Brasilia, je n'ai pu passer sous silence cette profonde aspiration à la paix. Je disais alors que le Pape avait dirigé ses pas ici afin d'encourager aussi tout ce qui se fait en ce pays pour promouvoir la paix ; c'est ce qu'a voulu faire, par sa présence même, celui pour qui la construction de la paix est un aspect important de sa mission (cf. Discours de l'arrivée à Brasilia, 30 juillet 1980).

Ce voyage d'aujourd'hui, en Argentine, dans la continuité du voyage apostolique que je viens de faire en Grande- Bretagne, pendant lequel je n'ai cessé d'implorer la paix, prolonge aussi les deux voyages précédents dans ce continent bien-aimé d'Amérique latine et s'inscrit dans la constante sollicitude de « l'Église, qui conserve toujours l'amour pour chaque nation en particulier, sans cesser de défendre l'unité universelle, la paix et la compréhension mutuelle entre les hommes » (cf. Lettre au peuple argentin, 25 mai 1982) (4).

3. C'est le voyage d'amour d'espérance et de bonne volonté, d'un père dans la foi, qui va à la rencontre de fils qui souffrent, animé de sentiments de charité et de réconciliation, comme représentant du Prince de la paix ; un voyage qui a pour but d'encourager et de rassembler les efforts de tous les hommes de bonne volonté, dans le profond désir que le Christ sauveur lui-même vienne a notre secours, et que puisse s'élever bientôt, de notre monde, le cantique des anges dans la nuit de Bethléem : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux », pour la paix sur la terre, parmi les hommes qu'il aime (cf. Lc 2,14).

Et, élargissant la perspective au-delà du conflit qui sème actuellement la désolation et la mort entre les peuples belligérants dans l'Atlantique Sud, mon coeur souffre avec tous les coeurs brisés par le mal de la guerre dans les autres parties du monde.

C'est avec la plus grande estime que je renouvelle donc à chaque fils de cette chère nation brésilienne l'invitation à travailler et à croitre dans la solidarité pour la paix universelle ; c'est avec une particulière intensité d'affection que j'exhorte l'Église qui est au Brésil à faire monter vers Dieu des prières instantes pour la paix, en union avec le Pape, en particulier pendant cette rapide visite : la paix dans les esprits, la paix dans les rapports entre les hommes et la paix entre les peuples dans la grande famille humaine.

Avec estime et affection, je renouvelle ici mes voeux sincères pour la croissante prospérité du cher peuple bresilien, une prospérité exempte des ombres sinistres de la violence, et toujours marquée par le respect de la vie, par le sens de la justice et de la concorde, au service de la paix internationale. Ces voeux, dans mon coeur, se transforment en prière pour implorer à l'intention de chaque Brésilien, par l'intercession de Notre-Dame d'Aparecida, les faveurs de Dieu.

Je vous invite à prier ici avec moi, unis fraternellement comme des frères de la même famille : invoquons Dieu notre Père comme le Christ nous a enseigné, pour que le monde soit toujours davantage la famille humaine, dans l'amour et la paix :

« Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié ; que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour ; pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés, et ne nous soumets pas a la tentation ; mais délivre-nous du mal. Amen.

Béni soit le nom du Seigneur ! Maintenant et à jamais. Notre protection est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. Que le Dieu tout-puissant, Père, Fils et Saint-Esprit, vous bénisse. Amen.

Loué soit Notre Seigneur Jésus-Christ.

(4) DC, 1981, n° 1832, p. 617.
(3) DC, 1980, n° 1791, p. 733-778 ; n° 1792, p. 785-807.



Discours à l’aéroport de Buenos-Aires


Le Pape est arrivé à Buenos-Aires le 11 juin à 8 h 50. À l'aéroport « Ezeiza », il a été accueilli par les cardinaux Aramburu et Primatesta, des évêques d'Argentine et de plusieurs pays d'Amérique Latine, ainsi que par le général Galtieri président de la République. Après avoir baisé le sol à sa descente d'avion, il a prononcé le discours suivant (1) :

(1) Texte espagnol dans l'OsservatoreRomano du 13 juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.



Loué soit Jésus-Christ !

Il nous répète : « Je vous donne la paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14,27).

1. Béni soit le Seigneur qui me fait arriver à cette chère terre argentine.

J'ai voulu venir jusqu'ici pour vous manifester de vive voix les sentiments que je vous exprimais déjà dans la lettre personnelle que, à la fin du mois dernier, je vous adressais, chers fils et filles de la nation Argentine, la veille de mon voyage pastoral aux Églises d'Angleterre, d'Écosse et du Pays de Galles.

2. Si, pendant cette visite apostolique — qui a voulu être et a été de fait une prière incessante pour la paix, ainsi que de service à la cause de l'oecuménisme et de l'Évangile — ma pensée et mon amour ont été aussi avec vous, ma présence ici aujourd'hui veut signifier la preuve visible de cet amour, dans un moment historique si douloureux pour vous comme celui que vous vivez.

Je viens poussé par l'amour du Christ et par la pressante sollicitude que, en tant que successeur du Prince des Apôtres, je dois à l'Église unique et universelle, qui s'incarne dans tous les peuples, nations et cultures, pour annoncer le salut en Jésus-Christ et la communion de destin que tout homme a sous le même Père.

Voilà pourquoi, tout en étant totalement et joyeusement conscient de la condition catholique de cette chère Nation, je voudrais que ma visite, en parfaite continuité avec mon voyage apostolique précédent, revête le même caractère pastoral et ecclésial, qui la place au-dessus de toute intention politique. C'est simplement une rencontre du père dans la foi avec les enfants qui souffrent ; du frère dans le Christ qui Le montre une nouvelle fois comme chemin de paix, de réconciliation et d'espérance.

Une prière pour la paix

3. Mon séjour en Argentine, quoique bref pour des exigences bien connues, sera, avant tout, une prière ardente avec vous à Celui de qui provient toute paternité dans les cieux et sur la terre, pour qu'il remplisse tous les esprits des sentiments de fraternité et de réconciliation.

Dans cet esprit, permettez-moi d'invoquer, dès ce moment, la paix du Christ sur toutes les victimes des deux parties du conflit armé, l'Argentine et la Grande Bretagne ; de dire, combien je me sens affectueusement proche de toutes les familles qui pleurent la perte d'un être cher ; de demander instamment aux gouvernements et à la communauté internationale de prendre les mesures adéquates pour éviter des maux plus graves, guérir les blessures de la guerre, faciliter le rétablissement d'une paix juste et durable et la progressive sérénité des esprits.

À Celle pour qui tout homme n'a qu'un nom : celui de fils ; à la Mère du Christ et Mère de l'Église, aux pieds de laquelle je viens me prosterner dans son Sanctuaire de Lujan, je demande d'essuyer tant de larmes ; d'encourager ceux qui ploient sous le poids de l'épreuve ; de susciter, dans le domaine national et international, de nouvelles énergies pour le bien, capables de soulager les souffrances et les difficultés actuelles, de manière que l'on puisse regarder l'avenir avec un paisible espoir, que les désirs de deux peuples épris de paix deviennent réalité.

4. Ces voeux sont la meilleure salutation cordiale que j'adresse à chacun de vous, chers frères et soeurs d'Argentine, ainsi qu'à chaque famille ou groupe social, et en premier lieu aux Frères dans l'Épiscopat, aux prêtres, religieux, religieuses et séminaristes.

C'est avec une déférence toute spéciale que j'adresse ce mot de respectueuse salutation à M. Ie Président qui a bien voulu m'accueillir ici, interprétant ainsi le souhait de tous les fils de cette nation catholique. Je lui témoigne dès maintenant, de même qu'à chaque argentin, ma plus vive gratitude pour la prompte et joyeuse acceptation de cette visite, malgré les difficultés pratiques qu'elle posait, en raison du peu de temps disponible.

Et au-delà les frontières argentines, je fais parvenir ma salutation de paix et de cordiale affection à chaque peuple et à chaque pays d'Amérique Latine. Cette courte visite me rappelle à nouveau les deux précédentes faites à ce continent et dont je garde un inoubliable souvenir. Avec ma salutation, j'exprime la confiance que, à l'heure où se profilent à l'horizon des problèmes et des inconnues face à l'avenir, ce continent de l'espoir ecclésial trouvera une inspiration et des motivations solidaires vers la paix et le progrès, à partir de ses communes racines chrétiennes.

Il faut que l'humanité s'interroge

5. Mais, fidèle à ma condition de modeste serviteur de la cause de la paix et de la compréhension entre les hommes, je ne puis faire moins que d'étendre d'ici mon regard sur le monde entier.

Le triste spectacle des pertes de vies humaines, dont les conséquences sociales se prolongeront longtemps sur les peuples victimes de la guerre, me fait penser, avec une profonde douleur, au sillage de morts et de désolation que produit toujours tout conflit armé.

Certes, nous ne sommes pas devant des spectacles terrifiants comme ceux d'Hiroshima ou de Nagasaki ; mais chaque fois que nous risquons la vie de l'homme, nous mettons en marche les mécanismes qui conduisent vers ces catastrophes, nous nous engageons dans des chemins dangereux, régressifs et inhumains. C'est pourquoi, il faut qu'en ce moment l'humanité s'interroge, encore une fois, sur l'absurde et toujours injuste phénomène de la guerre, ce théâtre de mort et de douleur où, seule, reste debout la table de négociations qui pouvait et devait l'éviter.

Plaise à Dieu que ce conflit que nous déplorons, ceux de l'Iran et de l'Irak et au Liban, sans compter ceux, plus ou moins cachés, qui désolent d'autres régions du monde, constituent les derniers exemples funestes, la leçon valable où le monde apprendra à mettre au-dessus de tout, toujours et en toute circonstance, le respect du caractère sacré de la vie ; à éliminer à jamais le recours à la guerre, au terrorisme et aux méthodes de violence ; et à suivre avec décision les sentiers de compréhension, de concorde et de paix.

6. Avec ces souhaits, devenus une prière à laquelle je vous invite à vous unir, j'implore la protection et la consolation divines sur chaque personne et chaque famille de cette chère Nation Argentine, avant tout sur les orphelins, les victimes de la guerre, ceux qui souffrent de maladie ou d'incertitude sur le sort d'un être cher. Que la Bénédiction apostolique que je vous accorde à tous avec une vive affection soit le gage de ma bienveillance universelle et de la réconciliation des esprits.



Discours aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, 11 juin


En quittant l'aéroport, le Pape s'est rendu à la cathédrale de Buenos-Aires pour une rencontre avec les prêtres, les religieux et les religieuses à qui il a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte espagnol dans l'Osservatore Romano du 13 juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.

FRÈRES ET SOEURS BIEN-AIMÉS,

1. Je vous salue cordialement, prêtres, religieux, religieuses, membres des instituts séculiers, séminaristes et jeunes qui vous vous formez pour vous consacrer au Christ.

Je me trouve avec vous dans cette cathédrale de Buenos- Aires consacrée à la Très Sainte Trinité, peu de jours après avoir célébré la fête du mystère de la Trinité, et avant celle du Corps du Christ.

Cela nous amène à réfléchir sur le sens profond de l'Eucharistie dans la vocation et dans la vie du prêtre et des âmes consacrées.

Saint Paul place devant nos yeux, d'une manière expressive, l'extraordinaire contenu ecclésial qui jaillit, pour notre existence, de l'eucharistie : « Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps ; car tous nous participons à cet unique pain » (1Co 10,17).

Nous avons là, esquissé en quelques mots, le fondement théologique et existentiel qui, partant du mystère eucharistique, nous conduit à la réalité de la foi, de l'union ecclésiale, de la correspondance à cet amour, qui est à la racine de notre consécration.

Vous qui êtes consacrés au Christ et à l'Église, à l'amour désintéressé du Christ, à une source de vie fondée sur la foi, vous êtes les ministres et les témoins de la foi, les soutiens de la foi et de l'espérance des autres.

Cela fait de vous des personnes vivant très proches des hommes et de la société, de leurs peines et de leurs espérances. Mais cela vous distingue dans la manière de sentir et de vivre votre propre existence.

En effet, le sacerdoce est une consécration à Dieu en Jésus-Christ pour « servir, la multitude » (Mc 10,45). Cette consécration est, comme nous le savons bien, un don sacramentel indélébile, conféré par l'évêque, signe et cause de grâce.

De son côté, la consécration des religieux est un don de soi, accepté par l'Église pour son service. Elle représente une consécration particulière « qui s'enracine intimement dans la consécration du baptême et l'exprime avec plus de plénitude » (Perfectae caritatis, PC 5)

Or, l'un et l'autre don sont plus ou moins efficaces, en nous-mêmes et au sein de la communauté que nous servons, en fonction de la fidélité avec laquelle nous vivons toute notre vie, intérieure et extérieure, conformément au don reçu et à l'engagement accepté.

Pour pouvoir comprendre et vivre ce don dans la fidélité, l'aide de la grâce est nécessaire. En conséquence, un prêtre ou une personne consacrée doit trouver le temps d'être seul avec Dieu, en écoutant ce qu'II a à lui dire dans le silence. Il faut donc être des âmes de prière, des âmes d'eucharistie.

L'unité ecclésiale

2. Et si nous sommes des âmes spécialement consacrées, nous devons être des hommes et des femmes dotés d'un grand sens de cette union ecclésiale, que figure et réalise l'Eucharistie. En vivant unis à un évêque, dans et pour l'Église, dans et pour une Église concrète, nous ne sommes pas autonomes ou indépendants, nous ne parlons pas en notre nom propre, et nous ne nous représentons pas nous-mêmes, mais nous « gardons le mystère » (1Tm 3,9) infiniment supérieur à nous.

La garantie de ce caractère ecclésial de notre vie est l'union avec l'évêque et avec le Pape. Une telle union, fidèle et toujours renouvelée, peut parfois être difficile et même comporter des renoncements et des sacrifices. Mais n'hésitez pas à accepter les uns et les autres quand cela sera nécessaire. C'est le « prix », le « rachat » (Cf. Mc 10,45) que le Seigneur vous demande, pour Lui et avec Lui, pour le bien de la « multitude » (ibid. Mc 10,45) et de vous-mêmes.

En effet, tout prêtre, qu'il soit diocésain ou religieux, est lié au Corps épiscopal en raison de l'ordre et du ministère, et sert le bien de toute l'Église selon la vocation et la grâce de chacun (Cf. Lumen gentium, LG 28). Le religieux est aussi, de son côté, appelé à une insertion dans l'Église locale de par son charisme propre, à l'amour et au respect des pasteurs, au don ecclésial et à la mission de l'Eglise elle-même (Cf. Perfectae caritatis, PC 6).

3. Ces liens communs au sein de l'Église doivent conduire à une union étroite entre vous. L'Eucharistie, source suprême d'unité ecclésiale, doit constamment faire sentir ses fruits de communion active, en renouvelant et en fortifiant chaque jour davantage cette communion dans l'amour du Christ.

Et ainsi, au delà des diversités et des particularités de chaque personne, groupe ou communauté ecclésiale, que le banquet eucharistique soit le centre permanent de notre communion dans le « Corps » (Cf. 1Co 10,17), dans l'amour, dans la vie même de Celui qui a voulu rester avec nous et renouveler sa présence salvifique pour que nous ayons sa propre vie (Cf. Jn 6,51).

4. La manière concrète de réaliser cette communion exigée par l'Eucharistie, doit être la création d'une véritable fraternité. Fraternité sacramentelle dont parle le dernier Concile (Cf. Presbyterorum ordinis, PO 8), en s'adressant aux prêtres, et dont parlait déjà saint Ignace d'Antioche (ad Mag., 6 ; ad Phil., 5) comme une exigence du sacerdoce catholique.

Une fraternité qui doit consolider tous ceux qui participent au même idéal de vie, de vocation et de mission ecclésiale, mais qui doivent avoir une attention particulière pour ceux qui ont des titres spéciaux parmi ceux qui, comme l'enseigne l'Évangile, sont des « frères » (Cf. Mt 23,8).

Une fraternité qui doit se faire présence de vie et de service envers les frères, dans la paroisse, en chaire, à l'école, à l'aumônerie, à l'hôpital, dans la maison religieuse, le bidonville et en tout autre lieu.

Une fraternité qui se traduit par des sentiments, des attitudes et des gestes dans la réalité de chaque jour. Ainsi vécue, elle fait partie de notre témoignage de crédibilité devant le monde. De même que la division et les factions sont des obstacles sur les chemins du Seigneur.

Mais il faut bien se rendre compte que cette fraternité, fruit de l'Eucharistie et vie dans le Christ, ne se limite pas au groupe lui-même, à la communauté ou à la nation. Elle s'élargit et doit comprendre la réalité universelle de l'Église, qui devient présente dans chaque lieu et dans chaque pays, autour de Jésus-Christ, salut de tous ceux qui forment la famille des enfants de Dieu.


La réconciliation dans l'Église et la société

5. La nécessité d'établir un tel climat de fraternité nous conduit logiquement à parler de la réconciliation à l'intérieur de l'Église et de la société. Particulièrement dans les moments délicats d'aujourd'hui qui la rendent bien plus obligatoire et plus urgente.

Tous, nous connaissons les tensions et les blessures, aggravées par les récents événements, qui ont laissé leur marque dans la société argentine, et qu'il faut essayer de surmonter le plus tôt possible.

En tant que prêtres, religieux ou religieuses, il vous incombe de travailler à la paix et à l'édification mutuelle (Cf. Rm 14,19), en essayant de créer l'unanimité des sentiments des uns pour les autres (Cf. Rm 12,16), en enseignant à vaincre le mal par le bien (Cf. Rm 12,21). Et en ouvrant les esprits à l'amour divin, source première de compréhension et de transformation des coeurs (Cf. Is 41,8 Jn 15,14 Jc 2,23 2P 1,4).

C'est à vous qu'il revient d'exercer « le ministère de la réconciliation » (Cf. 2Co 5,18), en proclamant la « parole de réconciliation » qui vous a été confiée (Cf. Ibid). Ainsi vous aiderez votre peuple à se retrouver autour des plus authentiques valeurs de paix, de justice, de générosité et de capacité d'accueil, qui sont à la base de sa tradition chrétienne et de l'enseignement de l'Évangile. Tout cela ne s'oppose pas au véritable patriotisme ni n'entre en conflit avec lui. L'amour authentique de la patrie, dont vous avez tant reçu, peut mener jusqu'au sacrifice ; mais en même temps il doit tenir compte du patriotisme des autres, pour qu'ils puissent communiquer et s'enrichir sereinement dans une perspective d'humanisme et de catholicité.


Le sens du voyage

6. Telle est la perspective de mon voyage en Argentine qui revêt un caractère exceptionnel, complètement différent d'une habituelle visite apostolique et pastorale que je réserve pour une autre occasion opportune. J'ai expliqué les motifs de cette visite dans la lettre, datée du 25 mai dernier, que j'ai adressée aux fils et aux filles de la nation argentine.

Aujourd'hui je viens prier avec vous au milieu de ces événements importants et diffficiles qui se déroulent depuis déjà quelques semaines.

Je viens prier pour tous ceux qui ont perdu la vie ; pour les victimes des deux parties ; pour les familles qui souffrent, comme je l'ai fait également en Grande Bretagne.

Je viens prier pour la paix, pour qu'on trouve une solution digne et juste au conflit armé.

Vous qui, sur cette terre argentine, êtes à un titre tout particulier des hommes et des femmes d'oraison, faites monter vers Dieu votre prière avec plus d'insistance, aussi bien sur le plan personnel qu'en communauté.

Pour ma part, j'ai désiré être ici pour prier avec vous, tout particulièrement pendant ces deux jours.

Nous concentrerons la prière surtout en deux moments : devant la Mère de Dieu dans son sanctuaire de Lujan, et au cours de la célébration de la fête du Très Saint Corps et du Sang du Christ.

7. Je connais le bon esprit ecclésial et religieux qui vous anime. Vous êtes très nombreux à être venus à cette cérémonie. Mais vous représentez aussi les autres prêtres ou familles religieuses du pays qui constituent les premières forces vives de l'Église dans cette chère nation. À tous, je confie cette importante intention. En particulier aux âmes consacrées à Dieu dans le silence des cloîtres.

Pendant ces jours difficiles et peu sûrs, la présence de l'Église priante est nécessaire en terre argentine ; de l'Église qui porte un témoignage d'amour et de paix.

Que ce témoignage devant Dieu et devant les hommes entre dans le cadre des événements importants de votre histoire contemporaine, qu'il élève les coeurs.

Car l'histoire du salut va aussi de pair avec tous les événements de l'histoire humaine.

Que le témoignage de la présence de l'évêque de Rome et de votre union avec lui donnent un élan nouveau à l'histoire du salut sur votre terre natale.

Avec ces souhaits et une profonde affection pour chaque prêtre, religieux, religieuse, séminariste et membre des instituts séculiers d'Argentine, qu'ils soient présents ou absents, je vous donne de tout coeur la bénédiction apostolique.




Discours aux évêques, 12 juin 1982


Le matin du 12 juin, le Pape a rencontré la Conférence épiscopale d'Argentine et des éveques du Celam. Voici le discours qu'il leur a adressé (1) :

(1) Texte espagnol dans l'Osservatore Romano des 14-15 juin. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.


MESSIEURS LES CARDINAUX ET CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT

1. Je suis sûr que vous pourrez lire dans mon âme des sentiments que les paroles ne peuvent exprimer correctement : et d'abord, à quel point cette rencontre avec vous, sur la terre d'Argentine, est consolante pour moi.

Avec vous que le Saint-Esprit a mis comme Pasteurs (He 20,30) des innombrables Églises particulières, qui vivent leur foi et leur espoir sur toute la surface de cette chère nation catholique.

Avec vous aussi, représentants des Conférences épiscopales d'autres pays voisins et du Celam, qui êtes venus vous associer à la prière et à la volonté de paix de vos frères d'Argentine.

Du fond du coeur, je vous salue avec les mots du premier Évêque de Rome : « In fraternitatis amore » (1P 1,22) et « In osculo sancto » (1P 5,14).

2. Pour la troisième fois, la divine Providence dirige mes pas vers l'Amérique latine. Ici, en Argentine se renouvelle l'émotion de mes précédentes visites à l'Église, pasteurs et fidèles de ce grand sous-continent : celles de Saint-Domingue, du Mexique et du Brésil.

Et cela même si l'actuelle rencontre a un aspect et un sens très différents des précédentes. À une heure d'anxiété et de souffrance pour cette nation et son peuple, j'ai été poussé à entreprendre ce voyage inattendu. J'ai été poussé à venir par cet ensemble de raisons que j'ai voulu manifester aux fils et filles de l'Argentine, dans la lettre que je leur ai adressée, avec tant d'affection et de confiance, le 25 mai dernier. Je suis venu parce que j'avais hâte de confirmer par ma présence la profonde affection que j'éprouve pour vous et de partager avec vous mon désir de paix et de concorde entre les hommes du monde entier.


L'universalité du Peuple de Dieu

3. Tandis que je vis avec vous, Frères évêques, cette heure de profonde communion, une splendide image ecclésiale affleure dans mon esprit : l'image du Peuple de Dieu, magnifiquement décrit dans ce dense deuxième chapitre de Lumen gentium.

Dans ce Peuple de Dieu brille, comme une de ses dimensions les plus admirables, la catholicité ou universalité. Il est constitué, en effet, par des hommes et des gens dispersés à travers toute la terre, convoqués et rassemblés par Jésus, tête de ce Peuple, et par le Saint-Esprit, qui est l'âme de ce même Peuple, principe de vie et de cohésion.

Ainsi donc, le Peuple de Dieu ne se limite pas aux frontières, forcément étroites, d'une nation, race ou culture, mais s'étend par tout l'univers. Cependant, il n'ignore ni ne méprise les nations, races ou cultures. Sa grandeur et son originalité consistent précisement à englober dans une unité vivante, organique et dynamique, les peuples les plus divers, de telle façon que ni l'unité ne subisse de rupture ni la diversité ne perde ses richesses essentielles.

D'une méditation sur le chapitre second, et particulièrement le numéro 13 de Lumen gentium LG 13, il est possible de tirer sans cesse, avec une joie spirituelle renouvelée, de nouveaux et féconds enseignements, au contenu théologique des plus profonds. Je voudrais me borner aujourd'hui à deux réflexions que je crois plus appropriées à la circonstance que nous vivons.

4. La première est que, à la lumière de la théologie du Peuple de Dieu, apparaît dans une plus grande clarté la double condition — pas opposée mais complémentaire — du chrétien. En effet, il est membre de l'Église, laquelle est le reflet et le prélude de la cité de Dieu. Et il est à la fois citoyen d'une patrie terrestre concrète, dont il reçoit tant de richesses : de langue et de culture, de tradition et d'histoire, de caractère et de façon de voir l'existence, les hommes, le monde.

Cette sorte de citoyenneté chrétienne et spirituelle n'exclut ni ne détruit l'humain. Bien au contraire, étant par nature universelle et capable de franchir les frontières, cette citoyenneté, caractéristique du Peuple de Dieu, apparaît d'autant plus riche qu'en lui deviennent présents les visages et les multiples identités de tous les Peuples de Dieu qui la composent.

Patriotisme et universalité

5. La deuxième réflexion, explicitement mentionnée dans Lumen gentium, revêt une importance particulière pour nous. Le Peuple de Dieu, précisément parce qu'il est unité dans la diversité, communauté d'hommes et de peuples divers — linguarum multarum, pour reprendre les mots de la liturgie de la Pentecôte — qui ne perdent pas leur diversité, apparaît comme présage et figure ; ou mieux, comme germe et principe vital de la paix universelle. En effet, la communion harmonieuse dans la diversité qui se trouve dans le Peuple de Dieu provoque le désir qu'il en soit de même dans l'univers. Plus encore : ce qui arrive dans le Peuple de Dieu sert de base pour que naisse la même réalité parmi les hommes.

6. En ce sens, l'universalité, dimension essentielle du Peuple de Dieu, ne s'oppose pas au patriotisme et n'entre pas en conflit avec lui. Bien au contraire, il l'intègre, en y renforçant ses valeurs ; surtout l'amour de la propre patrie, porté, si cela est nécessaire, jusqu'au sacrifice ; mais en même temps en ouvrant au patriotisme de chacun le patriotisme d'autrui, pour qu'il y ait des échanges et qu'ils s'enrichissent mutuellement.

La paix véritable et durable doit être le fruit mûr d'un intégration achevée de patriotisme et universalité.

L'évêque, témoin de la catholicité et du patriotisme

7. Ces vérités, même à peine esquissées, projettent déjà une nouvelle lumière sur la mission des évêques.

En effet, en vertu de la fonction spirituelle qu'il exerce devant le Peuple de Dieu — un Peuple de Dieu concret, incarné dans un secteur déterminé de l'humanité — chaque évêque est par vocation et charisme témoin de la catholicité, qu'elle soit à l'échelle diocésaine, nationale ou universelle ; mais il est, en même temps, témoin de ce que nous appelons patriotisme dans le sens de l'appartenance a un peuple déterminé avec les richesses spirituelles et culturelles qui lui sont propres. De là découlent les deux dimensions de la mission épiscopale : celle du service du particulier — son diocèse et, par extension, l'Église locale de son pays — et l'ouverture au catholique, à l'universel, au niveau continental ou mondial.

Placé par le Saint-Esprit à ce point de convergence des deux dimensions, l'évêque a l'obligation et le privilège, la joie et la croix d'être le promoteur de l'identité, à laquelle on ne peut renoncer, des différentes réalités qui composent son peuple ; sans manquer de les conduire à cette unité sans laquelle le Peuple de Dieu n'existe pas. De cette façon, il aide ces différentes réalités à s'enrichir dans le contact, plus encore dans l'interaction mutuelle.

Le service de la réconciliation

8. Et c'est pour cela, précisément, que la mission de l'évêque a toujours un aspect que je n'ai pas à dissimuler.

Il est facile, parfois commode, de laisser les choses diverses abandonnées à leur dispersion. Il est facile, en se plaçant à l'autre extrême, de réduire par la force la diversité à une uniformité monolithique et non discriminée. Il est difficile, par contre, de construire l'unité tout en conservant ou, encore mieux, en encourageant la juste variété. Il s'agit de savoir harmoniser les valeurs légitimes des différentes composantes de l'unité tout en surmontant les résistances naturelles qui jaillissent souvent de chacune d'elles.

Être évêque, ce sera donc toujours être un artisan d'harmonie, de paix et de réconciliation.

C'est pourquoi nous pouvons écouter avec tant de profit le texte de la deuxième Lettre aux Corinthiens, dans laquelle saint Paul, essayant d'éclairer toute l'ampleur de la vocation apostolique, signale, entre autres aspects, le suivant : « Dieu, nous a confié le ministère de la réconciliation, la parole de la réconciliation. » (2Co 5,18 2Co 5,19.)

Ce n'est pas par hasard, mais bien à dessein que saint Paul se réfère au mot de réconciliation, c'est-àdire à l'annonce, à l'exhortation, à la dénonciation, au commandement que chaque apôtre et successeur des apôtres doit associer à un service de réconciliation, autrement dit à des oeuvres, des pas concrets, des efforts. Les deux choses sont nécessaires et indispensables : la parole est complétée par le ministère.

9. Il n'est peut-être pas superflu de souligner, à cet égard, un élément fondamental.

C'est dans le coeur de l'Église, communauté de croyants, que l'évêque apparaît essentiellement comme réconciliateur ; s'efforçant continuellement, à travers sa parole et son ministère, de faire et refaire la paix et la communion, toujours menacées, hélas ! pour ne pas dire lézardées, à cause de l'humana fragilitas, même parmi des disciples de Jésus-Christ qui sont frères en lui.

Mais ne l'oublions jamais : l'Église doit être forma mundi, y compris sur le plan de la paix et de la réconciliation. C'est pourquoi un pasteur de l'Église ne peut pas taire le verbum reconciliationis ni ne peut se dispenser du ministerium reconciliationis pour le monde aussi, où les fractures et les divisions, les haines et les discordes brisent constamment l'unité et la paix. Il ne le fera pas au moyen des instruments de la politique, mais au moyen de la parole humble et convaincante de l'Évangile.

Le Pape et la réconciliation

10. Successeur de l'apôtre Pierre, votre frère aîné et serviteur de l'unité, pourquoi ne pas proclamer devant vous que, face aux tristes événements de l'Atlantique Sud, j'ai voulu devenir, moi aussi avec vous, le héraut et le ministre de la réconciliation ?

Je savais bien qu'au moment de diriger mes pas vers la Grande-Bretagne — dans l'accomplissement d'une mission strictement pastorale qui n'était pas seulement au Pape, mais aussi à toute l'Église — certains pourraient donner, à une telle mission, une interprétation politique et la détourner de son pur sens évangélique. Pourtant, j'ai pensé que la fidélité à mon propre ministère exigeait de moi que je ne m'arrête pas à d'éventuelles interprétations inexactes, mais que j'accomplisse l'ordre de proclamer avec douceur et fermeté le verbum reconciliationis.

Il est vrai que j'ai voulu rencontrer auparavant à plusieurs reprises des représentants autorisés des épiscopats d'Argentine et de Grande-Bretagne, pour solliciter leur point de vue et leurs conseils sur une question d'une telle importance pour les nations concernées et pour les Églises qui s'y trouvent.

Ensuite j'ai voulu célébrer une solennelle eucharistie dans la basilique de Saint-Pierre avec quelques pasteurs des pays impliqués dans ce conflit. Le témoignage émouvant de communion que, au moment même de la lutte entre leur pays d'origine, ont donné ces pasteurs « in uno calice et in uno pane », s'est enrichi plus encore avec la déclaration commune qu'ils ont signée après la messe (2).

Et je n'ai pas besoin de faire allusion ici à la lettre signée de ma propre main que, comme saint Paul avait coutume de le faire, j'ai écrite « aux chers fils et filles de la nation argentine » (3). Ce fut une parole surgie de mon coeur, à une heure de souffrance pour votre peuple, dans le but d'annoncer mon désir ardent de venir vous rencontrer.

Je suis très heureux, enfin, que vos frères les évêques de Grande-Bretagne, lors de ma visite à ces peuples, aient eu le geste noble et généreux de vous écrire, pour sceller avec encore plus de force ce « vinculum pacis » entre des pasteurs. Dieu veuille que ce « vinculum pacis » unisse toujours vos peuples et nations.

Dans tous ces gestes, comment ne pas voir les claires manifestations du « verbum reconciliationis » unies au « ministerium reconciliationis » ?

11. Aujourd'hui, mes chers frères, la solennité du Corps et du Sang du Christ nous trouve rassemblés dans l'unité qui jaillit de la communion à l'unique Seigneur et au même Pain.

Je viens unir ma voix et ma supplication aux vôtres. Ainsi que je l'ai fait en Grande-Bretagne, je viens prier pour ceux qui sont tombés dans ce conflit, pour apporter soulagement et consolation à tant de familles affligées par la mort de leurs êtres aimés. Mais je viens surtout prier avec vous et vos fidèles pour que l'actuel conflit trouve une solution pacifique et stable, dans le cadre du respect, de la justice et de la dignité des peuples intéressés.

Et comme c'est la tâche de l'Évêque de Rome d'encourager l'union des frères, je voudrais vous confirmer dans votre propre mission de réconciliateurs, en proclamant qu'une telle mission est très importante et urgente, bien que difficile et coûteuse. Je vous supplie en même temps de rester avec moi dans le ferme accomplissement de cette tâche, en facilitant ainsi la mienne.

12. Je vous remercie de tout coeur pour votre accueil, tous vos efforts et vos souffrances. Et demandons ensemble au Saint-Esprit, auteur de l'authentique unité, de nous accorder sa grâce et sa persévérance dans la recherche de l'amour et de la paix dans la société argentine.

Mais pas seulement dans cette société. À cette heure où l'Amérique latine tout entière donne des preuves d'une plus grande cohésion, où elle cherche avec ardeur sa plus profonde identité et son caractère propre, la présence réconciliatrice de l'Église est importante, pour qu'un continent qui a un « réel substrat catholique » (Puebla, 412) conserve les inspirations idéales qui l'ont défini.

Au milieu des espoirs et des périls qui peuvent s'amonceler à l'horizon, et en raison des tensions latentes qui de temps en temps surgissent, il faut offrir un service de pacification au nom de la loi et de la compréhension mutuelle, pour que les richesses religieuses et spirituelles, véritables fondements de l'unité soient beaucoup plus fortes que n'importe quelle semence de désunion.

13. Que la Vierge Marie, reine de la paix, vous réconforte et vous encourage. Aux pieds de cette douce Mère, nous nous sommes rencontrés hier dans son sanctuaire de Lujan, coeur marial de l'Argentine. Ensemble, nous allons prier pour la paix. Non seulement pour cette paix qui consiste dans le silence des armes, mais aussi pour celle qui, en sa plénitude, est l'attribut des coeurs réconciliés et libres de ressentiments.

Dès maintenant, je demande à sainte Marie de Buenos Aires d'accorder à tous et à chacun des évêques argentins la grâce de servir Jésus et son Église dans un dévouement plein de joie intérieure.

Avec cette invocation, je vous donne, mes chers Frères, ma particulière bénédiction apostolique. Je vous demande de vous unir à moi, pour étendre cette bénédiction à chaque foyer argentin, surtout à ceux où il y a des larmes nées de la guerre.

Que le Seigneur vous donne la consolation et la paix.

(2)Voir infra, p. 672, note 1.
(3) DC, 1982, n° 1832, p. 616-617.





Discours 1982 - Message à la IIe session extraordinaire des Nations Unies, lu le 11 juin