Discours 1982 - Lundi, 28 juin 1982


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 28 juin 1982



Monsieur l’Ambassadeur,

Les nobles paroles que vous venez de m’adresser soulignent d’heureuse manière la volonté de votre Pays et de ses dirigeants, de conserver et de développer encore des relations très anciennes de dialogue et de coopération avec le Saint-Siège. A travers votre personne, ma gratitude va à Son Excellence le Président Hafez Al-Assad. Je vous serais reconnaissant, Monsieur l’Ambassadeur, de bien vouloir l’en assurer et d’y joindre mes souhaits pour sa personne et pour la population qu’il a la responsabilité de guider dans la conjoncture actuelle particulièrement difficile.

Aujourd’hui donc, vous prenez la relève de nombreux Ambassadeurs qui se sont succédés auprès du Siège Apostolique. Votre mission, comme celle de tous les diplomates, se déroulera dans la discrétion. Il m’apparaît cependant que votre travail, comme celui de vos éminents collègues de la diplomatie, est toujours très précieux. Vous pouvez beaucoup, et plus qu’on ne croit, pour préparer ou rouvrir des voies de dialogue respectueux et courtois, de compréhension progressive, aboutissant à de justes solutions par la négociation et la concertation.

Tout à l’heure, vous étiez heureux de faire mémoire des souvenirs historiques nombreux, anciens ou plus récents, qui fondent en quelque sorte les rapports entretenus par la République Arabe Syrienne avec le Saint-Siège. Vous avez en particulier parlé de la très vénérable Eglise d’Antioche et de l’épopée apostolique de l’apôtre Paul depuis sa conversion célèbre sur le chemin de Damas, capitale de la Syrie moderne. Je vous remercie vivement d’avoir évoqué ces racines anciennes, si chères aux communautés chrétiennes de toujours, et qui les vivifient encore aujourd’hui. En songeant à ces diverses communautés, je vous exprime ma satisfaction pour la volonté manifestée par les Autorités syriennes de promouvoir la compréhension réciproque, le respect et la bonne coexistence entre chrétiens et musulmans.

Vous seriez surpris, Monsieur l’Ambassadeur, si je ne soulignais pas que votre mission diplomatique auprès du Saint-Siège commence dans un contexte douloureux pour toute la région du Moyen-Orient. Je pense notamment au nouveau drame que connaît le Liban. Témoins des violences, des destructions, des déplacements de populations et du sang humain qui ne cesse de couler, mais également responsables - à des niveaux divers - de la paix et de la fraternité qui constituent l’axe de toute civilisation, nous ne pouvons nous résigner, nous ne pouvons laisser l’opinion mondiale finir par croire à une fatalité de l’histoire. Devant vous, je tiens à affirmer une fois de plus que le Saint-Siège, selon les moyens conformes à sa mission spirituelle, rappelle et rappellera à temps et à contretemps que la solution de tout différend, au Moyen-Orient comme partout ailleurs sur la terre, ne peut se régler par les armes. La violence engendre la violence! Le Saint-Siège, par son action propre, les Gouvernements par la leur, doivent faire converger leurs efforts loyaux et persévérants pour accréditer et faire réussir les voies souvent longues et austères de la rencontre, pour des négociations sincères et patientes, qui supposent évidemment la reconnaissance du droit de chaque peuple à sa souverainité, à sa liberté.

Et puisque nous parlons du Moyen-Orient, et donc d’une région où le monothéisme est un très précieux dénominateur commun entre trois familles de croyants, juifs, chrétiens et musulmans, étroitement mêlées depuis des générations, j’ose dire que cette foi commune en Dieu, source de vie et de bonté, demeure une espérance de conversion des coeurs et des esprits. Est-il possible de croire en Dieu, qui a créé toute personne humaine à son image et ressemblance, sans nous efforcer, tous ensemble et chacun en particulier, d’être des défenseurs intrépides de la vie et des diffuseurs infatigables de sa bonté miséricordieuse? Le Moyen-Orient, qui a conservé en profondeur le sens des valeurs spirituelles, ne pourra sortir des impasses où il se trouve présentement qu’en s’unissant pour retrouver aux sources même du monothéisme le sens de son histoire, aussi bien à l’échelon individuel que collectif. Quelle lumière ce serait pour le monde entier, si enclin à s’enfermer dans des structures coupées de racines religieuses, autrement dit de la foi!

En pensant et en priant quotidiennement pour cette région bouleversée et ensanglantée de notre planète, je demeure persuadé que dans chaque Pays du Moyen-Orient il y a des hommes et des croyants, d’une très grande élévation d’esprit et de coeur, qui seraient capables de s’asseoir à la même table pour parvenir ensemble à des solutions de justice et de paix inspirées des riches traditions culturelles et de foi en Dieu commune à tous les peuples du Levant.

Encore une fois, en ces premiers instants de votre haute mission, et en vous souhaitant cordialement, Monsieur l’Ambassadeur, qu’elle soit féconde pour votre cher Pays et pour l’Eglise, j’appelle ardemment tous les hommes en responsabilité, qu’ils soient à la tête des Etats ou dans le monde de la diplomatie, à faire preuve de courage et de créativité pour la sauvegarde de la paix dans toutes les parties de la terre.





Discours aux cardinaux et aux membres de la Curie, 28 juin


Le 28 juin, le Pape a reçu en audience les membres du Sacré Collège et leurs collaborateurs de la Curie romaine et il leur a adressé le discours suivant (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano des 28-29 juin. Traduction, titre et notes de la DC.


1. Je suis heureux de me trouver de nouveau avec vous, après l'audience de fin d'année, vénerés cardinaux, confrères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, collaborateurs laïcs de la Curie romaine, du gouvernement de l'État de la cité du Vatican et du vicariat de Rome. Le cardinal doyen vient d'interpéter vos sentiments avec la finesse d'expression et la noblesse d'âme qui lui sont habituelles. À lui et à vous tous, je dis : merci !

La rencontre a lieu à la veille de la solennité des saints Pierre et Paul, elle en est même une partie essentielle même si, malheureusement, mon état ne l'a pas permis l'année dernière. C'est une fête qui nous touche tous. C'est la fête du premier Pape sur lequel le Christ a fondé son Église (cf. Mt 16,18). C'est la fête de Paul, l'apôtre des Gentils, phare lumineux au cours des siècles. C'est la fête de l'Église. Tous, nous nous y sentons profondement impliqués. Elle me touche certainement comme, du reste, elle a toujours touché ceux qui se sont succédé pour la mission et l'action de Pierre. Mais elle ne touche pas seulement le Pape. La tradition nous parle des collaborateurs immédiats de saint Pierre, qui participent à ses sollicitudes universelles, qui sont les collaborateurs de sa mission même, les responsables, à différents degrés mais dans une unique intensité de foi, du sort du siège apostolique. Vous êtes leurs successeurs et vous avez également la chance de partager la vie et le travail du successeur de Pierre. Vous êtes appelés à cette grande responsabilité qui est unique dans son genre.

Pierre et ses successeurs ont reçu la terrible charge de guider l'Église dans les vicissitudes successives du temps. Mais il ne sont pas seuls. Le Pape n'est pas, ne se sent pas seul. Vous êtes tous appelés à collaborer avec lui. Tous. Depuis les cardinaux jusqu'au plus humble subalterne. Le fait de cette commune conscience de collaboration n'exclut certainement pas qu'il faille donner le poids nécessaire et juste aux aspects de la justice et des droits de travail. Mais cela ne peut pas ne pas être accompagné de la pleine conscience que ce service du siège apostolique comporte une spécificité propre qui tire sa valeur du fait que vous êtes précisément tous appelés à participer à la même mission que le Pape exerce en faveur de l'Église, en lui représentée, comme en Pierre, dans la « totalité de ses membres » (S. Augustin, In Ioann. Ev. Tract. 124, 5 ; PL 35, 1973).

À Noël, je vous ai invités à réfléchir avec moi sur la présence et les contacts de l'Église avec le monde extérieur. À la solennité heureusement ecclésiale de saint Pierre, réfléchissons ensemble sur sa vie interne.

Sanctification de l'homme

2. L'Église a été instituée pour l'homme. « L'homme est la route première et fondamentale de l'Église, route tracée par le Christ lui-même », ai-je écrit dans ma première encyclique (Redemptor hominis, RH 14). La vie interne de l'Église a pour premier but la sanctification de l'homme, voulue par l'amour éternel du Dieu Trinité. La mission qui m'a été confiée et que je cherche inlassablement à faire avancer avec votre aide, qui m'est indispensable, n'est autre chose que cela. Se sanctifier et sanctifier! Vivre et faire vivre le dessein divin de salut ! Comprendre et faire comprendre le mystère de l'Église !

Sous l'action de l'Esprit

3. Ce mystère, à savoir la réalité splendide et mystérieuse de l'Église « cachée depuis des siècles en Dieu » (Ep 3,9), est l'objet des prédilections du Père, le fruit du sacrifice du Christ, animé par l'action sanctifiante du Paraclet.

La présence de cet Esprit-Saint, Seigneur et Vivificateur, nous enveloppe encore après les célébrations des centenaires de l'année dernière (2). Comme suite et conclusion de ces commémorations, j'ai reçu cette année les professeurs et ceux qui ont participé au Congrès international de pneumatologie qui ont approfondi les différents aspects bibliques, patristiques, théologiques, oecuméniques de la doctrine catholique sur l'Esprit-Saint (3).

J'ai ainsi pu revivre l'émotion de la Pentecôte de l'année dernière !

Le travail de nos organismes — je dis de tous et de chacun de ceux qui les composent — doit être porté en avant dans cette attention à l'Esprit-Saint « qui parle aux Églises » (cf. Ap 2,7 Ap 2,11 Ap 2,17 Ap 2,29 Ap 3,6 Ap 3,13 Ap 3,22). C'est une attention qui demande de la prière, de l'humilité, de la disponibilité, du sacrifice, une ouverture aux besoins des Églises locales et du monde tout entier.

Ce travail est exercé au centre de l'Église, pour le service de l'Église, de sa mission sanctificatrice. C'est le but qui absorbe toutes mes forces, qui ont besoin de votre aide pour porter en avant l'action du pontificat. Cherchons à reparcourir les étapes de cette action telle qu'elle s'est développée au cours des mois derniers, en suivant comme points de référence pour notre réflexion les lignes maîtresses de l'ecclésiologie du Concile Vatican II.


(2) Le 1600e anniversaire du Concile de Constantinople et le 1550e anniversaire du Concile d'Éphèse. (Cf. DC, 1981, n° 1811, p. 617-622.)
(3) DC, 1982, n° 1828, p. 403-406.


Le Peuple de Dieu

4. Le Concile a parlé du peuple messianique de Dieu qui « a pour chef le Christ ; [...] pour condition la liberté et la dignité des fils de Dieu ; [.] pour loi le nouveau précepte de l'amour ; [.] pour fin le Royaume » (Lumen gentium, LG 9) ; il en a mis en pleine lumière sa triple fonction sacerdotale, prophétique et royale qui participe directement à la fonction même du Christ.

Le service du Pape, et de la curie romaine avec lui, a accentué aujourd'hui ces dimensions universelles, précisement parce qu'il veut aider les autres frères de « ce peuple messianique » à vivre et à exercer pleinement leur triple fonction.

De là découle la racine théologique des voyages que, grâce à Dieu, j'ai accomplis jusqu'ici et qui sont une application à l'échelle universelle du charisme de Pierre, pour confirmer et consolider la vitalité de l'Église, dans la fidélité à la parole, au service de la vérité, pour l'accroissement de la vie sacramentelle et eucharistique dont j'ai parlé dans l'Encyclique Redemptor hominis (n. RH 20). Tous mes pèlerinages se résument ici. Dans l'enseignement donné, en totale fidélité à l'Évangile, à toutes les catégories du Peuple de Dieu. Dans la proclamation intégrale de la vérité. Dans la célébration eucharistique. La parole de l'Évangile, semée a pleines mains au cours de ces pèlerinages, acquiert sa véritable efficacité parce qu'elle est centrée sur la parole, sur le Verbe, le Christ-Jésus qui se fait présent sur les autels de ces grandes assemblées du Peuple de Dieu, qui demeurent gravées dans ma mémoire comme le souvenir le plus élevé et le plus émouvant de mes visites : Collevalenza et Todi en novembre et, ensuite, cette année, celle faite au Nigeria (4) et au Bénin, au Gabon et à la Guinée équatoriale (5), à Assise (6), Livourne (7) et Bologne (8), au Portugal (9), à la Grande-Bretagne (10) et à l'Argentine (11) et, dernièrement, à Genève (12). Une aspiration qui me tenait tant à coeur depuis quelques temps, a finalement pu se réaliser : l'adoration eucharistique dans la chapelle du Saint- Sacrement que j'ai inaugurée le matin du 2 décembre, à la basilique vaticane. Les cérémonies solennelles romaines et la visite aux paroisses ont comme centre la messe. La journée du Pape commence par la messe. Votre journée, très chers collaborateurs ecclésiastiques, commence aussi par votre messe, tandis que toutes les âmes consacrées et beaucoup de collaborateurs laïcs puisent dans l'Eucharistie de chaque jour, ou du moins du dimanche, la force et la générosité pour leur service. Qu'il est bon de savoir, au-delà du travail diversifié de chacun qui s'intègre dans celui des autres, que chaque jour nous nous retrouvons unis dans le coeur eucharistique du Christ qui renouvelle son offrande.

Dans ce contexte, il me plaît ici de souligner que, cette année, j'ai voulu donner une plus grande impulsion à la session pour le culte divin au sein de la Congrégation pour les Sacrements et le Culte. Ils sont certainement nombreux les fruits que l'Église attend de l'essor de la sacrée liturgie, comme l'a voulu le Concile. La curie romaine a le devoir de répondre avec un engagement exemplaire à cette tâche fondamentale.

Avec l'Eucharistie, je ne peux pas ne pas citer l'administration des sacrements : le renouvellement des promesses du baptême à Wembley et je rappelle en outre les baptêmes que j'ai administrés en janvier au Vatican et les sacrements de l'initiation chrétienne durant la veille du Samedi saint à Saint-Pierre, le sacrement de pénitence que j'ai donné le Vendredi saint dans la basilique, l'onction des malades dans la cathédrale de Southwark, les différentes ordinations épisco- pales et sacerdotales, le renouvellement des engagements pris par de nombreux couples d'époux lors de leur mariage, à York. Il me plaît aussi de souligner combien a été bien comprise cette ligne directrice de ma visite en Grande-Bretagne qui a été une catéchèse itinérante sur la vie sacramentelle.

C'est pour cela que nous rappelons aussi en cette occasion, avec un intérêt particulier, la session du Synode des évêques de l'année prochaine qui sera consacrée à la pénitence et à la réconciliation dans l'Église : en vue de sa préparation, à laquelle sont en train de travailler les épiscopats du monde entier en lien avec le Secrétariat général du Synode, j'ai voulu y consacrer les réflexions de mes entretiens dominicaux à l'Angélus des dimanches de carême. C'est un sujet d'une importance très grande et très vitale pour la vie de l'Église et je confirme ici l'attente que j'ai pour cet événement pour lequel je demande dès maintenant votre prière.

(4) DC, 1982, n° 1825, p.233-250.
(5) DC, 1982, n° 1826, p.283-300.
(6) DC, 1982, n° 1827, p.333-337.
(7) DC, 1982, n° 1828, p.399-403.
(8) DC, 1982, n° 1830, p.483-488.
(9) DC, 1982, n° 1831, p.533-557.
(10) DC, 1982, n° 1832, p.583-603.
(11) DC, 1982, n° 1833, p.633-644.
(12) Ibid., p. 644-662.


OEcuménisme, dialogue, élan missionnaire.

5. Dans le cadre de vie du Peuple de Dieu, Lumen gen- tium a mis dans une lumière spéciale aussi bien les relations que l'on doit entretenir avec les fidèles chrétiens non catholiques, et avec les non-chrétiens, que le caractère missionnaire de l'Église elle-même.

Dans cette perspective, j'ai servi la cause de l'unité. L'oecuménisme a été ma sollicitude principale depuis le début de mon pontificat. Mais cette année a été particulièrement riche de ferments et de promesses. Je n'oublierai certainement jamais la visite du représentant du patriarcat de Constantinople à la polyclinique Gemelli, il y a exactement un an. Je rappelle ensuite la rencontre avec le Patriarche de l'Église orthodoxe éthiopienne, le 17 octobre (13) ; la sainte messe célébrée à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs à la fin de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens (14) ; les audiences, au Vatican, à quelques personnalités et groupes, parmi lesquels les élèves de l'Institut oecuménique de Bossey. Les différentes rencontres avec les chefs des autres Églises chrétiennes durant mes voyages apostoliques et surtout celles qui ont caractérisé ma visite en Grande-Bretagne, demeurent gravées dans ma mémoire. L'homélie durant la messe à la cathédrale catholique de Westminster (15), la prière si suggestive dans la cathédrale historique de Cantorbéry avec l'archevêque, le Dr Runcie, qui a été suivie de la déclaration commune sur les relations entre nos deux Églises (16) ; les autres rencontres de Cantorbéry et celles de Liverpool, d'Edimbourg, de Cardiff, au cours de ce voyage, qu'à Londres j'ai définies comme un « service de l'unité dans l'amour » (homélie à Westminster, 2).

Quant au dialogue avec les représentants des religions non chrétiennes, je dois répéter mon merci pour l'accueil qui m'a été réservé dans les pays à population majoritairement musulmane, en particulier pour la rencontre de Kaduna, au Nigeria (17). Quant aux juifs, je rappelle avec émotion la rencontre à la Fosse Ardeatine avec le grand rabbin de Rome, et les lignes que j'ai tracées dans le discours aux delégués des Conférences épiscopales pour les relations avec le judaïsme (18).

L'élan missionnaire de l'Église est cependant le souci le plus obsédant, même le plus quotidien, de mon coeur : mes pèlerinages dans les terres lointaines où la communauté catholique est en minorité, en sont comme le symbole. La célébration de la journée misssionnaire mondiale pour laquelle j'envoie chaque année mon message, afin qu'il puisse être opportunément médité et illustré par les Églises locales, m'est ensuite particulièrement chère.

Dans cet horizon très vaste de l'annonce de l'Évangile dans le monde entier, il me plaît de souligner également ici la place qu'a la Chine dans mon estime et dans mon coeur. Le quatrième centenaire de l'arrivée sur le continent asiatique du P. Matteo Ricci tombe cette année, et l'évangélisation dans ce noble pays a eu, au cours des siècles, un rayonnement considérable dans le nombre de ses diocèses, dans le zèle et dans la fidélité de ses évêques, du clergé, des missionnaires et des fidèles. En souvenir d'un si riche patrimoine de foi et de tradition qui a loyalement contribué au bien-être et à la paix de la nation, j'ai désiré manifester ma présence et mon espérance aux catholiques chinois aussi bien à ceux qui sont dans leur patrie qu'à ceux qui sont répandus dans le monde : par la lettre pour le nouvel an (19), avec la salutation à l'Angelus du 24 janvier pour la même circonstance, et surtout par la sainte messe célébrée à Saint-Pierre pour l'Église de Chine, le 21 mars dernier.

(13)DC,1982, n° 1821, p.39.
(14)DC,1982, n° 1824, p.185-187.


Les évêques

6. Lumen gentium a ensuite souligné, dans le chapitre 3, le rôle essentiel des évêques dans le mystère de l'Église. « Par institution divine ils sont les successeurs des apôtres comme pasteurs de l'Église et. qui les écoute, écoute le Christ ; qui les rejette, rejette le Christ et Celui qui a envoyé le Christ. » (Cf. Lc 10,16) Ainsi donc, dans la personne des évêques, assistés des prêtres, c'est le Seigneur Jésus-Christ, Pontife suprême qui est présent au milieu des croyants (Lumen gentium, LG 20 LG 21).

Je considère que ma tâche principale, telle qu'elle a été confiée par Jésus-Christ lui-même à l'apôtre Pierre, est celle de « confirmer » mes frères évêques (Cf. Lc 22,32), de réfléchir avec eux sur la grave responsabilité d'être témoins du Christ « jusqu'aux extremités de la Terre » (Ac 1,8). Les moments les plus intenses de mon ministère sont ceux que j'ai passés avec les confrères dans l'épiscopat des différents continents.

Avec la pleine reprise de mes activités, depuis les premiers jours d'octobre de l'année dernière, j'ai eu la joie de recevoir les épiscopats, en visite ad limina, de 22 pays. La venue à Rome des évêques pour la visite ad limina aposto- lorum est, je dirais, une véritable et particulière expérience communautaire de vie entre le Successeur de Pierre et les successeurs des apôtres : rencontre personnelle, audience collective à la fin, concélébration au même autel, repas fraternel à la même table. Ce sont des rencontres tonifiantes, de véritable Koinonia dans la joie de l'esprit.

Les rencontres avec les épiscopats des différentes nations que j'ai visitées acquièrent évidemment un relief particulier. Elles sont le signe visible de cette fraternelle « affection collégiale » (Lumen gentium, LG 23) qui doit caractériser les relations du Pape et des évêques à l'intérieur du collège épisco- pal, comme le Concile en a tracé les lignes.


(15) DC,1982, n° 1832, p.583-587.
(16) ibid., p.587-591.
(17) DC,1982, n° 1825, p.244-245.
(18) DC,1982, n° 1827, p.339-340.
(19) DC,1982, n° 1824, p.183-184.


Les prêtres. Les séminaristes

7. Le même troisième chapitre de Lumen gentium se termine par une synthèse dense du ministère sacerdotal, vu dans toute sa complexité et sa richesse. Si les évêques sont les premiers responsables du soin pastoral dans leur diocèse, ils ne pourraient accomplir leur grave tâche sans l'action des prêtres.

Ma prédilection va, d'une manière très spéciale, à tous les prêtres du monde!

À l'occasion du Jeudi saint dernier, j'ai envoyé à tous les prêtres de l'Église la prière qui a jailli de mon coeur comme une reflexion fortifiante sur le sacerdoce qui nous conforme au Christ dans l'Esprit-Saint (20), et j'ai voulu que cette année également ce « jour de la naissance de notre sacerdoce », je le vive dans « une particulière communion spirituelle » avec tous les prêtres, pour partager avec eux la prière, les soucis pastoraux, les espérances, pour encourager leur service généreux et fidèle, pour les remercier au nom de toute l'Église. Dans tous mes voyages pastoraux également, j'ai voulu réserver une rencontre particulière avec les prêtres. Dans cette continuité, prend également place ma sollicitude pour les séminaristes, les prêtres de demain, espérance de l'Église dont la croissance lente mais progressive est de bon augure pour l'avenir.

(20) DC, 1982, n° 1828, p. 391-393.


Le laïcat

8. La constitution dogmatique conciliaire de l'Église met en lumière l'action des laïcs, c'est-à-dire de « l'ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l'ordre sacré et de l'ordre religieux, qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, fait participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l'Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien » (Lumen gentium, LG 31).

Comme celui de mes prédécesseurs, mon pontificat vise essentiellement à faire en sorte que les laïcs prennent toujours davantage conscience de cette dignité et de cette responsabilité qui sont les leurs et de la pleine confiance qui leur est accordée par l'Église, lorsqu'elle les appelle à prendre la place qui les attend. Ont ce but unique : la catéchèse des audiences du mercredi, de ces grandes rencontres du Pape avec le laïcat de toute provenance. Les rendez-vous du dimanche pour l'Angelus. Les visites aux paroisses romaines, où il m'est donné de nouer des entretiens féconds avec toutes les composantes de la vie paroissiale, portées à leur couronnement suprême par la célébration de l'Eucharistie. Les audiences aux différentes expressions de la vie des laïcs dans le monde. La récente rencontre de Genève avec les membres des Organisations Internationales Catholiques (21), engagées dans un travail sérieux de diffusion minutieuse de l'enseignement de l'Église, dans un contact avec des organismes qualifiés dans tout l'agir humain. Les voyages également sont essentiellement un échange d'amour et de foi avec tous les représentants du laïcat, de ce véritable, grand et irremplaçable tissu conjonctif de la sainte Église.

La famille et le travail sont au premier plan dans les problèmes du laïcat, mais de ces questions, j'ai dejà traité avec vous à Noël. Qu'il suffise de rappeler ici pour le premier point, le Conseil pontifical pour la famille qui, depuis plus d'un an, a commencé son travail : elles sont nombreuses les tâches confiées au nouvel organisme, et elles sont nombreuses les exigences et les attentes que l'Église met en lui et que je fais miennes en souhaitant un rythme plein d'activité. Je rappelle aussi, avec satisfaction, l'occasion qui m'a été donnée de souligner l'engagement de l'Église pour la sauvegarde des valeurs du mariage, dans l'audience annuelle au tribunal de la S. Rote romaine (28 janvier) (22), comme aussi de confirmer la mission évangélisatrice de la famille avec les dirigeants des oeuvres pontificales missionnaires (7 mai) (23). Quant au travail, comme vous le savez, à partir du mois de mai de l'année dernière, tout s'est déroulé comme pour un approfondissement continuel du thème du travail à l'occasion du 90e anniversaire de Rerum novarum de Léon XIII : je repense à la visite aux établissements de Solway (24), à Rosignano, près de Libourne et, surtout, à cette très récente visite à Genève, à l'occasion de la 68e session de la Conférence Internationale du Travail, au siège prestigieux du « Bureau International du Travail », devant les représentants du monde entier et les rencontres que j'ai eues là avec les délégués des travailleurs et des employeurs (25).

Je ne voudrais pas oublier cette partie particulière du laïcat que je sens si proche et à laquelle va toute mon affection et qui, je le sais, a bien changé : lesjeunes. Que de joie, reçue et donnée ! Quel sérieux de promesses et d'engagements ! Je rappelle les rencontres merveilleuses qui ont eu lieu durant mes voyages avec toute cette jeunesse qui les ont scandés par leur propre participation recueillie et pleine d'allégresse. Comment ne pas réévoquer les jeunes Nigérians d'Onitsha, les Italiens de Bologne, sur la Piazza Maggiore, et des autres villes, ces Portugais de Lisbonne, ces Écossais d'Edimbourg à Murrayfield, ceux du pays de Galles, à Cardiff, au Ninian Park ? À Edimbourg, également, il y a eu la rencontre avec le monde de l'école écossaise. Je ne puis oublier non plus la réponse, toujours généreuse, qui me vient de la part des jeunes universitaires, comme de leurs professeurs, dans d'inoubliables occasions comme la messe de préparation à la fête de Pâques, à la basilique vaticane, le Congrès international « Univ 82 », organisé par l'institut de la coopération universitaire, la rencontre de l'après-midi du jour de Pâques avec plus de 5 000 universitaires. Il me plaît aussi de rappeler que l'audience annuelle au clergé de Rome, au début du Carême, a été consacrée cette année aux problèmes de la pastorale universitaire (26). Je n'oublie pas non plus les rencontres périodiques avec des groupes de jeunes sportifs de différentes spécialités.

Chez 1es jeunes qui se pressent autour de moi, je vois l'homme de la sociéte du troisième millénaire qu'ils formeront par leur préparation attentive et joyeuse ; j'indique aux responsables des Églises locales, évêques et prêtres, que la priorité de leurs soins pastoraux doit aller précisément à la jeunesse qui sera la colonne de la société de l'an 2000.

Les malades et les personnes âgées que j'invite constamment à apporter leur contribution de solitude et de souffrance pour « compléter dans leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ, en faveur de son corps qui est l'Église » (cf. Col 1,24) constitue une partie privilégiée du Peuple de Dieu : à chacune de mes célébrations solennelles, à chaque audience, lors de chacun de mes voyages, la présence des très chers malades ne manque jamais.

(21) DC, 1982, n° 1833, p.653-654.
(22) DC, 1982, n° 1824, p.192-194.
(23) DC, 1982, n° 1831, p.562-563.
(24) DC, 1982, n° 1827, p.399-403.
(25) DC, 1982, n° 1833, p.644-653.
(26) DC, 1982, n° 1828, p.394-399.


La culture

9. Les rapports avec le monde de la culture, dont la sollicitude est pour moi une hantise constante et le point de référence obligé pour mon service pontifical, méritent un chapitre à part. En son temps, dans ce grand forum international de la culture qu'est l'UNESCO, j'avais indiqué les lignes maîtresses sur lesquelles se meut l'Église dans ses relations avec les hommes de la science, de l'art, de la culture, auxquels est confiée la promotion du patrimoine spécifique de la civilisation de tous les peuples (27).

L'académie pontificale des sciences a continué son oeuvre ardue et pleine de mérite dans l'étude et l'approfondissement des problèmes hautement spécialisés. Je rappelle l'audience d'octobre dernier aux académiciens réunis à Rome pour l'étude de la cosmologie et de la physique fondamentale (28). J'ai de même tracé les relations qui existent entre foi et culture à l'audience du mouvement ecclésial du mouvement culturel. Je cite encore les visites à l'athénée pontifical « Antonianum » et à l'Institut de patrologie « Augustinianum » (29) ; les audiences à des Congrès particuliers de spécialistes, les rencontres avec les universitaires de l'Émilie et de la Romagne au couvent Saint-Dominique à Bologne (30) (et la halte qui a suivi a l'Archiginnasio de cette ville), avec l'université catholique de Lisbonne, avec les universités et les hommes de culture de Coimbra (31) et celle, pour moi si significative, avec les chercheurs du Centre européen pour la recherche nucléaire (CERN) lors de ma récente visite à Genève (32).

Ces sollicitudes pour le dialogue avec les cultures de notre temps, « domaine vital dans lequel est en jeu le destin du monde en cette fin du XXe siècle », ont trouvé une expression officielle en vue d'une action approfondie et organique dans la récente institution du Conseil pontifical pour la culture (33) à qui j'ai confié des tâches spécifiques pour faire progresser cette relation fondamentale entre l'Église et la culture. Le Concile Vatican II, dans la constitution pastorale Gaudium et spes (GS 53-62), en avait donné la consigne et donné les fondements. I1 s'agit maintenant de s'engager réellement dans la rencontre des cultures qui, comme je l'ai encore écrit dans la lettre constitutive du Conseil, « est aujourd'hui un terrain de dialogue privilégié entre les hommes engagés dans la recherche d'un nouvel humanisme pour notre temps. L'Église ne veut négliger aucune occasion pour donner « une impulsion commune à la rencontre, continuellement renouvelée, du message salvifique de l'Évangile avec la pluralité des cultures, dans la diversité des peuples auxquels elle doit porter ses fruits de grâce » (ibid.). Que le Seigneur favorise ces nouvelles tâches qui s'ouvrent à l'action du Siège apostolique !

(27) DC, 1980, n° 1888, p.603-609.
(28) DC, 1981, n° 1817, p.957-958.
(29) DC, 1982, n° 1831, p.558-560
(30) DC, 1982, n° 1830, p.483-486
(31) DC, 1982, n° 1831, p.547-550
(32) DC, 1982, n° 1833, p.659-660
(33) DC, 1982, n° 1832, p.604-606


La paix

10. Les voyages accomplis en Grande-Bretagne (34) et en Argentine (35) m'obligent à aborder, même brièvement, le thème de la paix, même si celui-ci concerne plutôt l'action ad extra de l'Église. Mais ces deux voyages accomplis à très peu de distance, en raison de la situation que l'on sait, ont été, je dirais, « atypiques », c'est-à-dire avec un caractère pastoral différent de celui de tous les autres parce qu'ils ont été accomplis dans des conditions telles qu'en général elles déconseillaient la visite d'un Pape dans deux pays en état d'hostilité. Mais ces « risques » rentrent désormais dans l'optique de l'action pastorale universelle du Pape d'aujourd'hui. Je ne pouvais laisser ces deux peuples seuls et je devais du reste rappeler devant l'opinion publique de tous les pays du monde que — comme je l'ai dit aux evêques argentins — « l'universalité, dimension essentielle du Peuple de Dieu, ne s'oppose pas au patriotisme et n'entre pas en conflit avec lui. Bien au contraire, il l'intègre en y renforçant ces valeurs, surtout l'amour de sa patrie porté, si cela est nécessaire, jusqu'au sacrifice ; mais, en même temps, en ouvrant au patriotisme de chacun le patriotisme d'autrui pour qu'il y ait des échanges et qu'ils s'enrichissent mutuellement » (n° 6).

La paix constitue une plate-forme commune pour l'action du christianisme dans le monde. Il en est ainsi en Amérique latine, il en est ainsi au Moyen-Orient où la paix, si compromise mais si nécessaire, a un caractère religieux, une dimension spirituelle. J'affirme ici publiquement que je serais disposé à me rendre, même sans retard, dans la terre martyrisée du Liban, si cela était possible, pour la cause de la paix, en maintenant une ligne de prière et de supplication pour la solution souhaitée des problèmes qui tourmentent ces régions. Et j'accueillerais et j'entreprendrais n'importe quelle initiative pour aider ces peuples, comme me le demande mon ministère de père et de pasteur.

En effet, la juste paix, selon la devise que j'ai donnée pour la journée mondiale de cette année, est un don de Dieu confié aux hommes (36) ; don fragile mais possible ; don précaire mais précieux. Et je ne négligerai aucune occasion pour le proclamer et pour le défendre.

C'est dans cette perspective que trouvent leur explication les nombreux appels que j'ai lancés au sujet de la situation que j'ai rappelée dans l'Atlantique Sud et au Moyen-Orient, comme, antérieurement, à propos du Salvador et du Guatemala ; la messe à Saint-Pierre, le 1er janvier, et celle « pour la paix et la justice » de mai dernier (37), les célébrations eucharistiques à Coventry (38) et au sanctuaire marial de Lujan (39) ; la rencontre avec les jeunes de l'Action catholique italienne sur le thème de la paix.

Que jaillisse de nos coeurs le cri : « Donne-nous la paix ! » Et tous, travaillons inlassablement pour que nous méritions ce don !

(34) DC, 1982, n° 1832, p.583-603
(35) DC, 1982, n° 1833, p.633-644
(36) DC. 1982, n° 1822, p.67-73.
(37) DC, 1982, n° 1833, p.672-673.
(38) DC, 1982, n° 1832 p.591-592.
(39) DC, 1982, n° 1833 p.637-639.


Vocation à la sainteté

1l. La vocation universelle à la sainteté dans l'Église a été l'appel lumineux de Vatican II, illustré au chapitre V de Lumen gentium. L'Église est fondamentalement appelée à la sainteté. La tâche de ce siège apostolique est de favoriser par tous les moyens le chemin de montée du Peuple de Dieu dont les membres « sont appelés à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité, quel que soit leur état ou leur rang ; dans la société terrestre elle-même, cette sainteté contribue à promouvoir plus d'humanité dans les conditions d'existence » (Lumen gentium, LG 40). Les conséquences de cette action sont donc bénéfiques, même sur le plan social de la convivence et de la tranquillité de l'ordre.

Toute l'action de ce Saint-siège pour la vie « ad intra » de l'Église a comme but, comme je l'ai dit au début, de promouvoir la sainteté depuis la vie eucharistique et sacramentelle jusqu'à la prise de conscience des responsabilités inhérentes à tout le Peuple de Dieu, évêques, prêtres, religieux et fidèles, et à l'engagement d'évangélisation à tous les niveaux.

C'est pourquoi, très chers frères et soeurs, en m'aidant à faire progresser cette action, dont j'ai tracé jusqu'ici les lignes, vous contribuez à la sanctification de l'Église, à l'élévation de la vie sociale, à la « consécration du monde ». Je vous dis merci pour cet apport irremplaçable, enrichi par la charge intérieure de fidélité et de générosité que chacun et chacune de vous apporte dans le service quotidien du Saint- Siège. C'est une collaboration dont la richesse n'est connue que de Dieu qui ne la laissera pas sans récompense !

La vocation à la sainteté et l'engagement pour l'atteindre qu'attend tout le Peuple de Dieu devient en même temps un signe du « caractère eschatologique de l'Église pérégrinante » et de « son union avec l'Église céleste », telle qu'elle a été décrite au chapitre VII de la constitution dogmatique Lumen gentium. « Car nous n'avons pas ici-bas de cité permanente mais nous sommes à la recherche de la cité future. » (He 13,14)

Les auréoles lumineuses de cette union entre la vocation à la sainteté de l'Église et son arrivée dans la gloire eschatologique, ce sont les figures des hommes et des femmes qui ont pratiqué héroïquement le double précepte de l'amour de Dieu et des frères et qui sont donc proclamés bienheureux et saints par les actes très solennels du magistère suprême en vue de la vénération de tous les fidèles.

Religieux et religieuses

12. De manière opportune, après l'appel à la sainteté, le Concile a parlé des religieux (Lumen gentium, VI), en illustrant la profession des conseils évangéliques dans l'Église, et la nature, l'importance et la grandeur de la consécration religieuse. Je veux donc ici aussi, rappeler la place spécifique qu'ont dans mon coeur les religieux, les religieuses, les membres des instituts séculiers, bien qu'ils soient compris dans beaucoup des sujets traités jusqu'ici.

Ils font, en effet, partie du Peuple de Dieu, ils sont insérés à fond dans l'économie sacramentelle de l'Église parce que la vie religieuse est l'épiphanie visible de la conséquence, portée à l'extrême, de la grâce communiquée par Dieu aux hommes, spécialement par le baptême et par l'eucharistie. Ils sont l'épine dorsale de l'action missionnaire. Ils sont présents dans le monde de l'apostolat et de la culture. Ils sont le signe de la suite parfaite du Christ et de la présence du « déjà » eschatologique dans le « pas encore » de l'Église pérégrinante aujourd'hui.

Enfin, pour me limiter aux béatifications et aux canonisations auxquelles j'ai fait allusion, ne sont-ils pas tous membres d'instituts religieux ceux à qui j'ai décrété jusqu'ici les honneurs des autels ?

J'exprime donc ma grande reconnaissance, que j'ai déjà eu l'occasion de manifester dans différentes occasions durant l'année : par l'audience accordée à la plenaria de la S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers, au mois de novembre dernier (40), et celle accordée aux supérieurs et supérieures des instituts du Tiers Ordre régulier de saint François (41), aux provinciaux de la Compagnie de Jésus (42), aux Fils de la Charité canossiens ; par les visites aux communautés de Don Guanella et aux Pères augusti- niens ainsi qu'aux autres familles religieuses déjà citées ; et surtout par mes rencontres durant tous mes voyages apostoliques. Parmi celles-ci, je garde un souvenir particulier, en raison du lieu et de l'anniversaire célèbre, de la rencontre avec les Franciscains au couvent de Saint-Antoine, à Lisbonne.

À tous les religieux et religieuses je rappelle l'engagement solennel de sainteté qu'ils ont pris devant l'Église. Que oet engagement soit toujours vivant ! Qu'il soit toujours authentique ! Qu'il soit toujours reconnaissable ! Avec le Concile, je les encourage à apporter tous les soins « pour que, par leur intermédiaire, l'Église manifeste le Christ aux fidèles comme aux infidèles » ; et à présenter leurs frères « à la tendresse du Christ afin que l'édification de la cité terrestre soit toujours fondée sur le Seigneur et dirigée vers lui » (Lumen gentium, LG 46).

(40) DC, 1982, n° 1820, p. 1106-1107.
(41) DC, 1982, n° 1827, p. 345-347.
(42) DC, 1982, n° 1826, p. 302-308.
(43) DC, 1982, n° 1822, p. 91.
(44) DC, 1982, n° 1831, p. 543-544.


Marie

13. La grande constitution dogmatique sur l'Église se termine par le chapitre VIII qui est fondamental et qui illustre le rôle unique de Marie dans l'Église comme « membre suréminent et absolument unique de l'Église, modèle et exemplaire admirable pour celle-ci dans la foi et la charité » (Lumen gentium, LG 53). C'est à cette doctrine, solide et profonde, que l'on doit la renaissance de la piété mariale dans la période postconciliaire et, également, à l'enseignement de Paul Vl (Marialis cultus). Je me sens etroitement lié à cette doctrine dans la poursuite de mon ministère que j'ai mis, depuis le début, entre les mains de Marie.

Cette année, d'une manière particulière, après l'attentat qui a eu lieu par une mystérieuse coïncidence le jour anniversaire de l'apparition de la Vierge à Fatima, l'entretien avec Marie a été, je dirais, ininterrompu. Je lui ai confié de manière répétée le destin de tous les peuples : à commencer par l'acte de consécration du 8 décembre (43), solennité de l'Immaculée Conception, par la consécration à la Vierge des pays visités : du Nigeria, à Kaduna ; de la Guinée équatoriale à Bata ; du Gabon à Libreville ; de l'Argentine au sanctuaire de Lujan. Je rappelle les visites au sanctuaire italien de la Madonna di Montenero à Livourne et de la Madonna di San Luca à Bologne, jusqu'au point culminant du pèlerinage à Fatima au Portugal, « terre de sainte Marie » qui a été un acte personnel de reconnaissance au Seigneur, presque un accomplissement du voeu secret, pour la protection qui m'a été accordée par l'intermédiaire de la Vierge, et un acte solennel d'offrande et de consécration de tout le genre humain à la Mère de Dieu, en union avec l'Église, par l'intermédiaire de mon humble service, dans l'acte duquel j'ai voulu « renfermer encore une fois les espérances et les angoisses de l'Église dans le monde d'aujourd'hui (44) » (ibid, 1).

Il m'est encore cher de rappeler comment, depuis cette année, une douce image mariale veille depuis le sommet du palais apostolique sur les foules qui convergent vers ce centre de la chrétienté pour prier et pour « voir Pierre ».

Je vous demande d'être uni à moi, à l'unisson, dans cette consécration à la Vierge qui doit animer et sanctifier également notre travail quotidien. Ensemble, nous collaborons humblement à cette grande intention que j'ai exprimée dans ma prière à la Vierge : « Que se révèle, encore une fois, dans l'histoire du monde, l'infinie puissance de l'amour miséricordieux ! Que cet amour arrête le mal ! Qu'il transforme les consciences ! Que se dévoile pour tous, dans ton coeur immaculé, la lumière de l'espérance ! » (Ibid., 3.) Que la curie romaine soit également la première à se faire le docile instrument de ce plan d'amour et de réconciliation par lequel la Vierge veut conduire tous les hommes au Christ.

14. Vénérés cardinaux, chers frères et soeurs! Vous voyez à quelle oeuvre vous êtes appelés par Dieu. En traçant l'action que j'ai accomplie pour la vie de l'Église « adintra », la fonction et les tâches que vous y avez, avec beaucoup de mérite, ont été explicitées de manière évidente. Si j'ai pu peut-être vous donner l'impression de vous parler princi- pa1ement des « actes du Pape », en réalité mon exposé mettait en lumière également ceux qui sont les vôtres, « les actes du Saint-Siège » ! Chacun de vous doit voir sa propre part dans le service qu'accomplit le Pape. Chacun doit être convaincu qu'il est, à un titre différent, mais non moins réel, le collaborateur du Pape.

Le travail de la curie romaine, je le suis de très près. Ma présence aux réunions périodiques des cardinaux, chefs de dicastères, est un engagement constant. Les rencontres avec les responsables des différents organismes de la curie ont lieu régulièrement, aussi bien dans les audiences que dans les rencontres familières et fécondes pour le travail qui m'attend à partir de chaque dicastère. Et si je n'ai pas pu les citer tous, je dois dire que, dans les points abordés, le rappel du travail et de la coopération qu'ils ont offerts, a été évident. Chacun a pu se reconnaître dans ce travail énorme que le Saint-Siège a accompli pour la vie de l'Église, pour l'édification du monde !

Pour ce travail, je vous remercie encore ! C'est une action que tous vous faites ensemble, non seulement pour moi, mais en moi et avec moi, pour ce « bienheureux Pierre qui vit et gouverne sur ce Siège, pour garantir la vérité de la foi à tous ceux qui la cherchent » (saint Pierre Chrysologue à Eutichè, inter Ep. S. Léon le Grand, XXV, 2 ; PL 54, 743 s.).

En cette fête de sa solennité, que nous sentons comme étant de manière particulière la nôtre, en ce centre qui se trouve non loin du lieu de son témoignage suprême et de sa tombe, qu'il nous inspire la fermeté de nos résolutions, la fidélité dans le service et surtout la joie, grande et véridique, d'être une partie vivante de ce Siège apostolique dont le désir unique est de promouvoir avec toute l'Église l'édification des hommes, frères dans la vérité et dans la paix.

À tous, de la manière la plus cordiale, j'accorde ma bénédiction apostolique.





Discours 1982 - Lundi, 28 juin 1982