Discours 1982 - Discours aux cardinaux et aux membres de la Curie, 28 juin


29 juin 1982 - Lettre du Pape aux évêques du Nicaragua (1)


(1) Texte original espagnol dans l'Osservatore Romano du 7 août. Traduction et sous-titres de la DC.


CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT,

Si le Pape, obéissant à l'appel mystérieux qui a fait de lui le Successeur de Pierre, livre bien volontiers ce qu'il a, jusqu'à se livrer lui-même pour le bien de tous (cf. 2Co 12,15), il n'oublie pas ses propres devoirs envers ceux qui, dans les Églises particulières du monde entier, exercent leur ministère de pasteurs au milieu de bien des difficultés.

Un lien particulier l'unit à eux. Particulier par ses racines évangéliques, puisque c'est à Pierre, à qui il avait conféré la première place parmi les douze, que Jésus, à un moment solennel de sa vie, a voulu confier la mission de confirmer ses frères dans la foi et dans le service apostolique (cf. Lc Lc 22,32). Particulier également par sa nature théologique : le Concile Vatican II, en approfondissant l'antique doctrine de la collégialité épiscopale, a souligné avec une grande richesse d'idées et d'expressions que le collège épiscopal, « par sa composition multiple. exprime la variété et l'universalité du Peuple de Dieu ; il exprime, par son rassemblement sous un seul chef, l'unité du troupeau du Christ. » (Lumen gentium, LG 22 cf. Christus Dominus, CD 4 Christus Dominus, )

En vertu de ce lien, dont l'aspect dogmatique n'altère en rien la dimension profondément affective, et étant donné les circonstances particulières dans lesquelles vous êtes appelés à exercer votre ministère épiscopal, sachez que je vous suis très proche. Proche car « je ne cesse de rendre grâce à votre sujet, lorsque je fais mention de vous dans mes prières » (Ep 1,16). Proche par le souci et l'intérêt avec lesquels je m'informe constamment de vos activités pastorales. Proche par le soutien spirituel que j'apporte à votre travail, aussi dévoué qu'exigeant et délicat, en faveur de la promotion humaine, personnelle et collective de votre peuple. Proche enfin par ma sollicitude fraternelle pour vos activités de pasteurs et de maîtres dans les Églises qui vous sont confiées.

En outre, la fête de ce jour, consacrée aux apôtres Pierre et Paul, en ravivant en nous le sens de la collégialité, me donne l'occasion de vous écrire avec le « très vif désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque don spirituel pour que vous en soyez affermis » (Rm 1,11).

Un évêque n'est jamais seul

Je voudrais que vous trouviez déjà dans les considérations précédentes l'expression première et fondamentale d'encouragement et de soutien que je désire vous communiquer. Un évêque n'est jamais seul, car il se trouve en communion vivante et dynamique avec le Pape et ses frères évêques du monde entier. Vous n'êtes pas seuls ; la présence spirituelle de votre frère aîné vous soutient, et la communion affective et effective de milliers de frères vous entoure.

Mais je voudrais vous inviter à penser à une autre dimension de la communion, plus réduite mais tout aussi importante ; la communion entre vous, membres de cette chère Conférence épiscopale du Nicaragua.

Cette communion, née de la participation à la plénitude du sacerdoce de Jésus-Christ, n'est pas purement extérieure, elle n'est pas régie par des conventions ou un protocole ; c'est une communion sacramentelle et, comme telle, elle doit être mise en pratique.

Je vous avoue que, pour moi, la joie la plus grande est de savoir que, au-delà de tout ce qui pourrait vous diviser, prévaut pour vous cette unité essentielle dans le Christ et dans l'Église. Unité d'autant plus exigeante et nécessaire que dépendront d'elle, d'une part, la crédibilité de votre prédication et l'efficacité de votre apostolat et, d'autre part, la communion que, malgré les difficultés connues, vous avez la mission de construire parmi vos fidèles.

Or, cette unité des fidèles apparaît à nos yeux comme le don peut-être le plus précieux — parce qu'il est fragile et menacé — de cette Église du Nicaragua, à la fois nôtre et vôtre.

Vous êtes des signes visibles d'unité

Ce que le Concile Vatican II a déclaré de l'Église universelle, signe et instrument de l'unité qu'il faut construire dans le monde et dans l'humanité (cf. Lumen gentium, LG 1), peut s'appliquer, dans une juste mesure, aux communautés ecclésiales à tous les niveaux.

L'Église du Nicaragua a donc la grande responsabilité d'être sacrement, c'est-à-dire signe et instrument d'unité dans le pays. C'est pourquoi elle doit être elle-même, en tant que communauté, une véritable unité et une véritable image de l'unité.

À cet égard, il faut rappeler que plus il existe, dans un milieu donné, de ferments de discorde et de désunion, de rupture et de séparation, plus l'Église doit être un centre d'unité et de cohésion. Mais elle ne le sera que si elle témoigne qu'elle est « cor unum et anima una » grâce à des principes surnaturels d'unité, suffisamment énergiques et déterminants pour vaincre les forces de division auxquelles elle aussi est soumise.

Puisque vous êtes, par vocation divine, des signes visibles d'unité, puissiez-vous faire en sorte que les idéologies opposées ne divisent pas les chrétiens de votre pays, rassemblés par « un seul Seigneur, une seule foi un seul baptême, un seul Dieu et Père », comme ils ont l'habitude de le chanter en s'inspirant des paroles de l'apôtre Paul. Et plaise à Dieu qu'unis par la même foi et rejetant tout ce qui est contraire à cette unité ou la détruit, vos chrétiens s'unissent autour d'idéaux évangéliques de justice, de paix, de solidarité, de communion et de participation, sans que les choix contraignants nés de systèmes, de courants de partis ou d'organisations les séparent irrémédiablement.

Vue sous cet angle, votre responsabilité grandit, car c'est autour de l'évêque que doit se tisser concrètement l'unité des fidèles.

Vous connaissez la grande importance des lettres de saint Ignace d'Antioche, que ce soit par l'autorité de celui qui les écrit — un disciple de l'apôtre aimé —, que ce soit par l'antiquité qui font d'elles les témoins d'un moment vital de l'histoire de l'Église, que ce soit enfin par la richesse de leur contenu doctrinal. Eh bien, Ignace démontre dans ces lettres en des termes très forts, certainement pour répondre aux premières difficultés en ce domaine, qu'il n'y a pas et qu'il ne peut y avoir de communion solide et valable dans l'Église que dans l'union d'esprit et de coeur, de respect et d'obéissance, de sentiment et d'action avec l'évêque. Ce qu'il dit des cordes de la lyre est une belle image suggestive d'une réalité plus profonde : l'évêque est comme Jésus-Christ, rendu présent au milieu de son Église comme principe vivant et dynamique d'unité. Sans lui, cette unité n'existe pas ou est dénaturée, et elle est donc inconsistante et éphémère.

Une « Église populaire »

De là vient le côté absurde et dangereux d'imaginer à côté — pour ne pas dire à l'opposé — de l'Église édifiée autour de l'évêque, une autre Église conçue comme « charismatique » et non institutionnelle, « nouvelle » et non traditionnelle, alternative, et, comme on l'a proposé récemment, une « Église populaire ».

Je n'ignore pas qu'à cette appellation — synonyme d' « Église qui naît du peuple » —, on peut attribuer une signification acceptable. On voudrait indiquer par là que l'Église naît quand une communauté de personnes, particulièrement de personnes disposées, par leur petitesse, leur humilité et leur pauvreté à vivre l'aventure chrétienne, s'ouvre à la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ et commence à la vivre en communauté de foi, d'amour, d'espérance, de prière, de célébration et de participation aux mystères chrétiens, spécialement à l'Eucharistie.

Mais vous savez que le document final de la troisième Conférence épiscopale latino-américaine de Puebla a déclaré que ce nom d' « Église populaire » « ne paraît pas très heureux » (n° 263). Elle l'a fait après de sérieuses études et réflexions des évêques de tout le continent, parce qu'elle avait conscience que ce nom recouvre, en général, une autre réalité.

« Église populaire », dans son acceptation la plus commune, visible dans les écrits d'un certain courant théologique, signifie une Église qui naît bien plus des valeurs supposées d'une couche de la population, que de l'initiative libre et gratuite de Dieu. Elle signifie une Église qui se réduit à l'autonomie de ce qu'on appelle la base, sans référence aux pasteurs ou aux maîtres légitimes ; ou au moins en superposant les « droits » de la première à l'autorité et aux charismes que la foi fait percevoir chez les seconds. Elle signifie — puisqu'on donne facilement au terme peuple un contenu nettement sociologique et politique — une Église incarnée dans les organisations populaires, marquée par des idéologies, mises au service de leurs revendications, de leurs programmes, et par l'exclusion de groupes considérés comme n'appartenant pas au peuple. On comprend aisément — et le document de Puebla l'indique explicitement — que le concept d' « Église populaire » échappe difficilement à l'infiltration de connotations fortement idéologiques, dans la ligne d'une certaine radicalisation politique, de la lutte des classes, de l'acceptation de la violence, pour parvenir à des buts déterminés, etc.

Dans mon discours d'inauguration de l'Assemblée de Puebla, quand j'ai moi-même fait de sérieuses réserves sur l'appellation d' « Église qui naît du peuple », j'avais en vue les dangers que je viens de rappeler. J'estime donc qu'il est maintenant de mon devoir de répéter, en me servant de votre voix, le même avertissement pastoral, affectueux et clair. C'est un appel que j'adresse à vos fidèles par votre intermédiaire.

Une « Église populaire » opposée à l'Église présidée par ses pasteurs légitimes est — du point de vue de l'enseignement du Seigneur et des apôtres dans le Nouveau Testament et aussi de l'enseignement ancien et récent du magistère solennel de l'Église — une grave déviation par rapport à la volonté et au plan de salut de Jésus-Christ. Elle est en outre un début de lézarde et de rupture dans cette unité qu'il a laissée comme le signe caractéristique de l'Église elle-même et qu'il a voulu confier précisément à ceux que « l'Esprit-Saint a établis pour diriger l'Église de Dieu » (He 20,28).

Je vous confie donc, chers frères dans l'épiscopat, la mission et la tâche d'adresser à vos fidèles, avec patience et fermeté, cet appel d'une importance fondamentale.

Nous avons tous présent à l'esprit l'avertissement dramatique de mon prédécesseur Paul VI, qui a écrit dans sa mémorable Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi que les dangers les plus insidieux et les attaques les plus meurtrières pour l'Église ne sont pas ceux qui viennent de l'ex- terieur — ils ne peuvent que la confirmer dans sa mission et dans son travail —, mais ceux qui viennent de l'intérieur.


Maintenir une solide communion

Que tous les fils de l'Église, en ce moment historique pour le Nicaragua et pour l'Église de ce pays, s'efforcent donc de contribuer à maintenir une communion solide autour de leurs pasteurs, en évitant tous les germes de fracture ou de division.

Surtout, qu'un tel appel parvienne à la conscience des prêtres, qu'ils soient originaires du pays, qu'ils soient des missionnaires consacrant depuis des années leur vie au ministère pastoral dans cette nation, ou qu'ils soient des volontaires désireux d'apporter leur contribution aux frères nicaraguayens, en un moment d'une importance capitale. Qu'ils sachent que, s'ils veulent vraiment servir le peuple en prêtres, ce peuple affamé et assoiffé de Dieu et plein d'amour pour l'Église attend d'eux l'annonce de l'Évangile, la proclamation de la paternité de Dieu, la dispensation des mystères sacramentels du salut. Ce n'est pas par leur rôle politique, mais par leur ministère sacerdotal que le peuple veut qu'ils soient proches de lui.

Qu'un tel appel parvienne à la conscience des religieux et des religieuses, autochtones ou venus de l'extérieur. Le peuple de ce pays veut les voir unis aux évêques dans une inébranlable communion ecclésiale et porteurs d'un message qui ne soit pas parallèle et encore moins opposé à celui des pasteurs légitimes, mais harmonieux et cohérent avec lui.

Qu'un tel appel parvienne à tous ceux qui, à un titre quelconque, se trouvent au service sincère de la mission de l'Église, surtout s'ils occupent des places d'une responsabilité particulière comme à l'université, dans les centres d'étude et de recherche, dans les moyens de communication sociales, etc. Qu'ils soient disposés à servir, dans l'esprit généreux et décidé de leurs évêques et de la très grande majorité d'un peuple qui, avec les évêques, veut le bien du pays, en s'inspirant des orientations de l'Église.

Je vous exhorte enfin, chers frères, à poursuivre, même au milieu de graves difficultés, votre travail infatigable pour assurer la présence active de l'Église en ce moment historique que vit le pays.

Dieu veuille que, sous votre direction de pasteurs dévoués, les fidèles catholiques du Nicaragua ne cessent de rendre un témoignage clair et convaincant d'amour et de capacité au service de leur pays, ni plus ni moins efficace que celui des autres. Un témoignage de clairvoyance face aux événements et aux situations. De pleine disponibilité à servir la cause authentique du peuple. De courage pour proposer, dans chaque situation, la pensée et les orientations — ce que j'ai souvent appelé le chemin — de l'Église, même quand elles ne sont pas en accord avec d'autres chemins proposés.

Mon désir, mon espoir et ma prière est que vous fassiez tout votre possible pour que, en vous et en vos fidèles, la fidélité au Christ et à l'Église confirme et enrichisse la loyauté envers la patrie terrestre, bien loin de la diminuer.

En cette occasion, je me réjouis de vous donner fraternellement, en gage d'abondantes grâces divines pour vos personnes et votre ministère, ma cordiale bénédiction apostolique que j'étends à tous vos fidèles.

Vatican, 29 juin 1982.

IOANNES PAULUS PP. II



L’Église et la défense de l’amour humain

Discours à des participants d’un cours sur la régulation naturelle de la fécondité - 3 juillet 1982


Le 3 juillet, le Pape a reçu, dans la salle du consistoire, les personnes qui participaient à un cours de formation et de recyclage organisé par le Centre d'études et de recherches sur la régulation naturelle de la fécondité. Le groupe était composé d'une centaine de personnes, médecins et couples provenant de différentes villes italiennes.
Voici le discours que le Saint-Père leur a adressé (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 4 juillet. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


TRÈS CHERS FRÈRES ET SOEURS,

1. Votre visite m'est particulièrement agréable. Je vous accueille avec affection et vous redis le salut pascal du Seigneur Jésus : « La paix soit avec vous. » (Jn 20,19) C'est ce que je vous souhaite de tout coeur comme fruit de cette rencontre et comme fruit du travail que vous faites ces jours-ci à Rome. La paix du coeur — et la paix entre les hommes — est en effet le fruit qui provient de l'accomplissement de la volonté du Seigneur, qui, dans son infinie bonté et sagesse, veut toujours le bien de l'homme, de tous les hommes et de chaque homme.

Nous savons bien qu'il n'est pas facile pour l'homme de connaître pleinement la volonté de Dieu, et moins facile encore de la mettre en oeuvre en raison des limites intrinsèques de la condition humaine et des graves blessures que le péché a laissées en nous. Jésus le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16), fait homme dans le sein de Marie, est venu dans le monde pour nous faire connaître la volonté de Dieu, pour nous révéler la vérité plus profonde de l'existence humaine et — par sa mort et sa résurrection auxquelles nous pouvons nous associer par la foi et les sacrements — pour nous donner la force de vivre cet enseignement. C'est en cela que consiste le « chemin » nouveau, la nouvelle forme de vie qu'il est venu instaurer et que l'Église veut et doit accueillir sans réserve, pour être comme « la ville sur la montagne », comme la lumière qui brille dans les ténèbres, et indique aux hommes la route vers le but authentique de leur vie, là où il sera possible de jouir de la joie, de l'unité et de la vraie paix.

Le danger du matérialisme et du naturalisme

2. C'est dans cette perspective que la signification du travail que vous accomplissez prend sa pleine valeur. C'est, en effet, vis-à-vis de la famille et de ses fonctions spécifiques que l'on a perdu de vue le chemin que le Seigneur a voulu pour l'homme et qui est chemin de salut. Les développements marqués par le matérialisme — qui cherche seulement le bien-être terrestre et la possession toujours plus grande des biens de consommation — et par le naturalisme — qui exclut de la vie quotidienne toute référence à Dieu et aux valeurs transcendantes — visent à vider la famille, spécialement dans les pays de plus grand développement économique, de son contenu le plus profond et la plongent dans une crise dangereuse. Beaucoup de jeunes aujourd'hui sont désorientés et ne parviennent plus à voir l'importance de l'institution du mariage et vivent leur amour à l'enseigne du transitoire et de l'infécondité. Tant de familles ne savent pas comment mettre en pratique le devoir d'une paternité responsable, comme le Concile Vatican II l'a enseigné.

L'Eglise, cependant, croit dans la famille. Elle sait qu'elle « possède aussi aujourd'hui des énergies formidables capables d'arracher l'homme à l'anonymat, à la massification et à la dépersonnalisation » (cf. Familiaris consortio FC 43), auxquels le développement moderne conduit souvent. L'Église doit assumer la tâche de susciter des convictions et d'offrir des appuis concrets (cf. Familiaris consortio FC 35) dans tous les domaines où la famille est le plus attaquée. Ceci s'applique, de façon particulière, au domaine de la régulation de la fécondité, devenu un des problèmes les plus délicats et les plus urgents pour les familles actuelles. Et c'est justement là que vous accomplissez un excellent travail. C'est pourquoi je vous remercie et vous encourage à poursuivre vos efforts qui représentent une réponse concrète et efficace à ce que j'ai écrit dans Familiaris consortio : « ... L'Église ne peut pas ne pas faire appel avec une vigueur renouvelée à la responsabilité de ceux — médecins, experts, conseillers conjugaux, éducateurs, couples — qui peuvent aider effectivement les époux à vivre leur amour dans le respect de la structure et de la finalité de l'acte conjugal qui l'exprime. Ceci signifie un engagement plus vaste, décisif et systématique pour faire connaître, estimer et appliquer les méthodes naturelles de régulation de la fertilité » (cf. Familiaris consortio FC 35).

La tâche de l'Église

3. Nous nous trouvons devant une tâche immense : aidés par de grands moyens économiques, les contraceptifs envahissent de plus en plus le monde, s'inspirant de motifs inavouables d'où le respect de l'homme et de ses valeurs les plus profondes est absent. L'Église se présente avec courage pour la défense de l'amour humain, de la vie et des valeurs morales qui s'y rattachent. Il y a des hommes de science, courageux et de valeur qui, avec patience et compétence, lentement, découvrent des chemins basés sur une observation plus attentive des caractéristiques de la sexualité humaine, qui se révèlent compatibles avec les exigences de la chasteté conjugale, et capables de favoriser une communion de vie conjugale harmonieuse et sereine dans le respect des principes fondamentaux de l'Église.

Le travail de recherche, de perfectionnement et d'enseignement des méthodes naturelles de régulation de la fécondité est donc de grande importance. C'est pourquoi je veux dire une parole d'encouragement à tous ceux qui travaillent dans ce domaine, les exhortant à ne pas arrêter leurs recherches. Il est nécessaire que les divers groupes consacrés à ce noble travail apprécient leurs travaux respectifs et échangent réciproquement leurs expériences et leurs résultats, évitant fermement les tensions et les désaccords, qui pourraient menacer une oeuvre aussi importante et aussi difficile. Du fait que les conditions des couples sont assez diverses en raison des différences de culture, de races, de situations personnelles, etc., il est providentiel qu'il existe des méthodes différentes, capables de mieux répondre à des situations si diverses. Pour cette même raison il est bon que les experts en ces domaines connaissent quelques-unes de ces méthodes pour pouvoir suggérer ou aussi enseigner, si c'est nécessaire, la méthode la plus adaptée pour un couple déterminé. L'Église, par ma bouche, vous remercie du travail que vous faites et vous encourage à le poursuivre. Sans faire sienne aucune méthode particulière, elle se limite à proclamer les principes fondamentaux en la matière et à encourager, sous la forme la plus efficace possible, tous ceux qui, avec générosité et fidélité à ces principes, travaillent pour faire en sorte qu'ils puissent être concrètement mis en oeuvre.

Peu à peu, grâce au travail silencieux de personnes individuelles et au témoignage de vie de couples et de familles qui vivent la joie d'une expérience d'un amour chrétien généreux et ouvert à la vie, l'humanité nouvelle se construit, celle à laquelle le Seigneur nous a appelés comme son Peuple, et à laquelle tous les hommes — même sans le savoir — aspirent.

4. Je demande à la Très Sainte Vierge de bénir abondamment votre travail et vos vies. Qu'elle vous obtienne quelque chose de cet infini respect et de cette merveilleuse tendresse qu'elle porte dans son coeur de Mère, afin que vous puissiez favoriser, dans les femmes que vous aidez, la formation d'autant d'images de Marie.

C'est avec ce voeu que je vous donne de grand coeur la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à ceux qui vous sont chers et à tous ceux qui travaillent généreusement dans le domaine de la pastorale familiale.




Discours aux membres du Chapitre général des Capucins, 5 juillet


Le 5 juillet, le Saint-Père a reçu en audience les membres du 79e Chapitre général des Pères capucins. Ils étaient conduits par le R. P. Flavio Roberto Carraro qui a été élu ministre général de l'ordre le 9 juin à la place du P. Pascal Rywalski. Voici le discours que le Pape leur a adressé (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano des 5-6 juillet. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


FRÈRES TRÈS CHERS !

1. Je suis heureux de me trouver aujourd'hui avec vous qui, comme Pères capitulaires, non seulement représentez tous les Capucins disséminés à travers le monde, mais qui en êtes responsables dans la révision de vos constitutions. Ceci arrive l'année du 8e centenaire de la naissance de saint François dont vous êtes les disciples et à qui je vous recommande cordialement.

Cette circonstance ajoute donc une nouvelle raison d'actualité et d'intérêt à notre rencontre et je vous remercie vivement de l'avoir désirée.

Le retour aux sources

2. Dans le décret Perfectae caritatis du Concile Vatican II, il est écrit que « le renouveau de la vie religieuse comprend à la fois le retour continu aux sources de toute vie chrétienne ainsi qu'à l'inspiration originelle des instituts et, d'autre part, la correspondance de ceux-ci aux conditions nouvelles d'existence » (n. PC 2). De ces deux exigences fondamentales — retour aux sources et adaptation aux temps — au cours des années qui ont suivi immédiatement le Concile, c'est surtout — et pour des raisons compréhensibles — le second aspect qui a été accentué, à savoir l'adaptation à ce que le même texte conciliaire appelle « les besoins de l'apostolat, les exigences de la culture et les circonstances sociales et économiques » (n. PC 3). Dans cette ligne aussi, vous, Capucins, vous avez revu vos constitutions et votre vie à diverses reprises pour faire en sorte qu'elles répondent davantage aux exigences des temps et aux directives élaborées par l'Église au Concile Vatican II.

Mais maintenant, après avoir amené à son terme dans ses aspects essentiels cet effort d'aggiornamento, vous avez éprouvé le besoin, vous aussi — comme, du reste, beaucoup d'autres instituts dans l'Église — de vous tourner, avec un engagement renouvelé, vers cette première exigence que le texte conciliaire appelle « le retour continu aux sources ». Non pas pour renier ou laisser de côté les adaptations légitimes et les valeurs nouvelles découvertes et expérimentées au cours de ces années, mais plutôt pour les rendre plus vivantes, en les rattachant au tronc vivant de la tradition dont votre ordre tire sa physionomie et sa force.

C'est précisément pour favoriser un tel équilibre entre les deux exigences que, dans votre chapitre général actuel, après avoir élu les nouveaux supérieurs vous avez voulu revoir vos constitutions pour leur donner, alors que la période d'expérimentation est désormais terminée, la version qui, après l'approbation par le Saint-Siège, devra devenir définitive et permettre à votre Institut d'entreprendre, avec un élan renouvelé et sans aucune incertitude, une nouvelle étape de son chemin dans le service de l'Église et du monde.

Fraternité et humilité

3. Votre « inspiration primitive », vous l'avez redécouverte en réfléchissant, avec une nouvelle sensibilité, sur le nom même reçu en héritage de votre père saint François, à savoir « Frères mineurs ». Dans ce nom, en effet, le saint a renfermé ce qui lui tenait le plus à coeur de l'Évangile : la « fraternité » et l' « humilité », s'aimer comme des frères et choisir pour soi la dernière place, à l'exemple du Christ qui n'est pas venu « pour être servi mais pour servir » (Mt 20,28). On voit en cela comment le retour aux sources est souvent la voie la meilleure pour arriver aux fins de l'adaptation aux attentes et aux signes des temps. Une vie vraiment fraternelle, vécue sous le signe de la simplicité et de la charité, ouverte au sens de la fraternité universelle de tous les hommes et même de toutes les créatures, et où chaque personne — petite ou grande, instruite ou sans connaissances — est reconnue avec une égale dignité et une égale attention, est en effet le témoignage peut- être le plus actuel et le plus urgent que l'on puisse donner de la nouveauté chrétienne à une société comme la nôtre, si marquée par l'inégalité et par l'esprit de domination.

Ces deux traits fondamentaux de votre identité franciscaine — fraternité et humilité —, vous vous êtes efforcés de les proposer aux nouvelles générations, à la lumière de la tradition capucine, qui leur confère cette note unique de spontanéité et de simplicité, de joie et, en même temps, d'austérité, de détachement radical du monde et, en même temps, de grande proximité du peuple, qui a rendu si efficace et si incisive la présence des Capucins au milieu des populations chrétiennes et dans les missions, et qui a produit une foule si importante de saints, parmi lesquels il y a saint Crispin de Viterbe que j'ai eu la joie d'inscrire moi-même au tableau de la sainteté héroïque de l'Église.

La dimension contemplative

4. En parlant de cette première instance de renouveau qu'est le retour aux sources, le décret Perfectae caritatis révèle qu'il ne s'agit pas seulement d'un retour à l'« inspiration primitive », mais aussi nécessairement d'un « continuel retour aux sources de toute vie chrétienne », à savoir à Jésus-Christ, à son Évangile et à son Esprit. Voilà le sens de ces paroles par lesquelles on exhorte tous les religieux de l'Église, quel que soit l'Institut auquel ils appartiennent, à considérer comme règle suprême la suite du Christ, à le choisir comme l'unique chose nécessaire (cf. Lc 10,42), à vivre, en somme, pour Dieu seul (cf. Perfectae caritatis, n° PC 5).

Conscients de cela, vous avez justement réaffirmé, de toutes les manières, la place première que doit occuper dans votre vie, tant personnelle que communautaire, la prière et, en particulier, selon votre tradition la plus authentique, la prière contemplative. De toutes les « racines » elle est, en effet, la « racine-mère », celle qui plonge l'homme dans Dieu lui-même, qui maintient le sarment uni à la vie (cf. Jn 15,4) et qui assure au religieux ce contact avec le Christ, sans lequel, comme il l'affirme lui-même, nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15,5), et avec son Esprit de sainteté et de grâce.

À la suite de saint François

5. Le huitième centenaire de la naissance de votre fondateur, François d'Assise, avec l'écho extraordinaire qu'il a suscité, a montré combien le monde d'aujourd'hui est encore sensible à l'appel du « Poverello », combien il a un besoin et, pour ainsi dire, une nostalgie de lui. On attend de vous, d'une manière particulière, de maintenir cette espérance toujours vivante dans le monde et même de la rendre toujours plus visible et plus reconnaissable. En ce qui concerne votre Institut, cela arrivera si, après avoir renouvelé et perfectionné avec tant d'engagement et de sérieux vos constitutions, chacun de vous et de vos confrères se sent poussé à les traduire dans la pratique, en vous souvenant de cette parole que le Christ a dite à ses disciples : « Sachant cela, vous serez heureux si vous le mettez en pratique. » (Jn 13,17)

Le temps semble, en effet, venu désormais pour les Instituts religieux de passer résolument de la phase de discussion sur la législation à celle de la réalisation pratique des valeurs certaines et fondamentales, de la préoccupation de la lettre à celle de l'esprit, des paroles à la vie, et cela pour ne pas tomber dans ce danger d'illusion que le même saint François d'Assise dénonce, dans un de ses avertissements lorsqu'il écrit qu'« ils sont victimes de la lettre, ces religieux qui ne veulent pas suivre l'esprit de la divine Écriture, mais veulent seulement en connaître les mots et les expliquer aux autres » (Amm. 7 ; FF 156).

La véracité et la sincérité devant Dieu exigent une volonté de conversion et de fidélité renouvelée à sa propre vocation, de manière qu'elle soit toujours authentique, pour autant que lui permettent la fragilité humaine, l'image de soi qu'il a donnée à l'Église et à ses frères à travers ses constitutions.

6. Frères et fils très chers, accueillez ces paroles comme le signe de mon estime pour vous. En même temps, soyez certains que vous avez une place particulière dans ma prière. Je vous confie au Seigneur, vous et toute la famille des Frères Mineurs Capucins, qui a tant de mérite. La sainte Église et le monde lui-même, qui ont déjà beaucoup bénéficié dans le passé de votre zèle attendent encore de vous un apport généreux et intelligent de témoignage évangélique lumineux.

Que le Seigneur vous comble de ses grâces et, dans l'esprit de saint François, avancez joyeux et sûrs.

Que ma bénédiction apostolique, que je vous accorde de tout coeur à vous, Pères capitulaires, avec une pensée spéciale pour votre nouveau ministre général, et que j'étends à tous les chers membres de votre ordre, vous accompagne toujours.




Dieu est la source de notre espérance

Allocution aux évêques autrichiens, 6 juillet


Jean-Paul II, recevant en audience le 6 juillet les évêques de la Conférence épiscopale autrichienne en visite « ad limina », leur a adressé l'allocution ci-après. Le Pape a choisi à cette occasion de développer le thème de l'espérance en vue du Katholikentag autrichien qui se tiendra à Vienne en septembre 1983, et dont le thème sera : « Vivre l'espérance et donner l'espérance (1) ».

(1) Texte allemand dans l'Osservatore Romano du 6 juillet 1982. Traduction, titre et sous-titres de la DC.



VÉNÉRÉS ET CHERS FRÈRES,

1. C'est pour moi une préoccupation particulière d'accueillir également ensemble les évêques d'un pays ou d'une région au cours de leur visite ad limina. En plus de la responsabilité propre de chaque évêque pour son diocèse, tous les évêques de l'Église — indépendamment des questions et des difficultés pastorales concrètes de chacun d'entre eux — sont liés par la mission commune, à eux confiée par le Christ, de poursuivre dans le Peuple de Dieu et dans le monde sa mission de salut et de la rendre féconde à notre époque.

C'est dans l'esprit de cette communion collégiale des évêques et de la responsabilité pastorale cornmune que je vous accueille aujourd'hui de tout coeur, vous qui êtes les responsables pastoraux de l'Autriche, à cette rencontre fraternelle au Vatican. Je salue particulièrement S. Em. l'archevêque de Vienne, président de la Conférence épiscopale d'Autriche, le cardinal Franz Koenig, de même que les évêques d'lnnsbruck, de Linz et de Klagenfurt, qui se sont vu confier récemment la charge de l'épiscopat.

Je vous adresse à tous, avec une grande joie, la bienvenue à l'occasion de votre visite ad limina, et voudrais de même vous faire part de mon intime union avec les diocèses et l'Église d'Autriche tout entière, que vous représentez ici comme ses pasteurs suprêmes. Il y a peu de temps, j'ai eu l'occasion de m'adresser directement dans un bref message de salutation a tous les frères et soeurs dans la foi de votre pays et de les encourager en vue de l'année de renouveau religieux, par laquelle vous voulez les préparer spirituellement à la celébration du Katholikentag autrichien, en septembre 1983. « Vivre l'espérance et donner l'espérance », tel est le thème exigeant de votre travail commun de préparation qui sera aussi celui de la grande fête religieuse de clôture, à laquelle, si Dieu le veut, répondant à votre amicale invitation, je prendrai part personnellement



Sans espérance, nous n'oserions plus rien entreprendre

2. « Vivre l'espérance et donner l'espérance », peut nous servir à nous aussi aujourd'hui, au moment où, en cette brève rencontre à l'occasion de votre visite ad limina, nous réfléchissons de nouveau sur notre charge pastorale au milieu du peuple de Dieu. Par-dessus les multiples devoirs et tâches de votre ministère épiscopal, par-dessus tous les soucis et difficultés qui sont inévitablement liés au travail fidèle de chaque jour dans la vigne du Seigneur, l'espérance doit avant tout se maintenir. Votre visite et votre prière auprès des tombeaux des apôtres dans la Ville éternelle, de même que notre entretien fraternel, doivent en premier lieu contribuer à nous fortifier sans cesse mutuellement, dans cette espérance. Sans espérance, nous ne serions que des hommes malheureux et dignes de pitié, notre activité pastorale tout entière serait stérile et, surtout, nous n'oserions plus rien entreprendre. C'est dans l'inflexibilité de notre espérance que repose le secret de notre mission. L'espérance est plus forte que les déceptions répétées et que les doutes décourageants, car elle tire sa force d'une source que ni notre inattention ni notre négligence ne peuvent épuiser. La source de notre espérance est Dieu lui-même qui, par le Christ, a vaincu pour nous le monde une fois pour toutes et qui, par nous, parmi les hommes, poursuit sa mission de salut.

3. « Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent des comptes » (1P 3,15), nous exhorte saint Pierre. Notre témoignage d'espérance est des plus étroitement lié à la prédication courageuse et intégrale de la Bonne Nouvelle du Christ et de la décision avec laquelle nous conformons notre propre vie à la foi et nous mettons au service de la fraternité chrétienne entre les hommes, de la justice et de la paix dans la société. Nous témoignons le plus efficacement de notre espérance, fondée sur la foi, lorsque nous la vivons pour les autres. Nous la communiquons le mieux à nos frères les hommes, si nombreux, qui sont abattus, privés de courage et d'espoir, dans la mesure où, par nos actes, par notre engagement à leur service, par la défense de leurs droits humains et de leur dignité humaine, nous leur faisons expérimenter concrètement l'espérance, le sens de la vie et la plénitude humaine.

Le Concile Vatican II invite particulièrement les prêtres à avoir « une ferme espérance pour leurs chrétiens, afin que, réconfortés par Dieu, ils puissent eux-mêmes réconforter ceux qui subissent toutes sortes d'épreuves » (Presbyterorum ordi- nis, 13). Chers frères, profitez de cette année de préparation à votre Katholikentag autrichien, tout d'abord en ce qui vous concerne vous-mêmes, vos prêtres et leurs collaborateurs dans la pastorale, pour éveiller de nouveau la vertu d'espérance et l'exercer concrètement dans le ministère pastoral des communautés, dans les familles et auprès de chaque homme.



L'espérance doit être l'âme de toute action pastorale

4. « Vivre l'espérance et donner l'espérance. » En tout premier lieu réaliser l'espérance chrétienne de manière exemplaire, pour pouvoir ensuite la communiquer aux autres. Cette idée directrice de votre Katholikentag convient excellemment aussi à un programme pastoral à long terme dans vos diocèses et paroisses, de même que, au niveau de la Conférence épiscopale, dans toute l'Église de votre pays. Elle ne vise pas seulement à un approfondissement et à un renouvellement de la vie religieuse personnelle, mais appelle aussi un engagement missionnaire plus vigoureux des fidèles dans l'Église et dans la société. Ce n'est pas ici l'occasion d'expliciter et de développer en détail devant vous un tel plan pastoral. Ce sera votre tâche propre, chers frères, de tirer les conclusions pratiques pour votre future pastorale, à partir de votre appel au Katholikentag, sur le plan individuel et collectif — c'est-à-dire dans la responsabilité et la collaboration pastorale collégiale. À ce sujet, en cette brève rencontre à l'occasion de votre visite ad limina, je voudrais vous encourager à faire vous-mêmes de l'espérance le principe et l'âme de toute votre action pastorale et, par des efforts pastoraux communs, au-delà du Katholikentag, à la communiquer aussi à vos prêtres et, par eux, aux fidèles. Quelle nouvelle explosion de Pentecôte pourrait ainsi s'ensuivre dans tous les domaines de la vie de l'Église, si l'Esprit d'espérance devenait à nouveau pleinement vivant et actif chez tous les chrétiens ! La résignation et la pusillanimité disparaîtraient ! La vertu d'espérance nous ouvre de nouveau à la dimension surnaturelle, eschatologique de notre foi. Elle triomphe également de l'esprit de sécularisation, d'absolutisation du monde d'ici-bas qui, aujourd'hui surtout, menace si gravement la vie sociale de l'homme et aussi la conscience de foi des chrétiens.

5. L'espérance chrétienne nous fait dépasser l'étroitesse et la finitude de ce qui est purement factuel dans l'instant et nous renvoie, dans l'espace incommensurable du futur, de l'invisible, de l'éternel, à la promesse divine de la plénitude eschatologique. Si l'espérance se fonde sur la rédemption qui s'est déjà accomplie dans le Christ, elle porte cependant sur un avenir qui a déjà commencé. L'espérance du chrétien a, comme contenu et comme but, la possession des biens du salut qui appartiennent au Royaume de Dieu et qui — comme celui-ci — sont déjà présents et encore à venir. C'est pourquoi saint Paul dit dans l'Épître aux Romains : « Nous avons éte sauvés, mais c'est en espérance » (Rm 8,24). Le chrétien attend encore dans l'espérance l'accomplissement du royaume de Dieu, le retour du Christ, la résurrection et la vie éternelle ; il attend aussi dans l'espérance la participation à la gloire du Christ et aux biens promis du salut, dont la grandeur et la beauté n'ont encore été vues par aucun oeil humain, et qu'aucune oreille humaine n'a encore entendues.

L'espérance chrétienne, qui nous ouvre à cette dimension eschatologique du salut, réservée à notre être chrétien dans le futur, devient pour le chrétien une source invincible de joie, de courage, de force et d'assurance, tout particulièrement pour le ministère auprès des autres hommes dans l'Église et dans le monde d'aujourd'hui. En même temps que la foi et l'amour, auxquels elle est étroitement liée, l'espérance constitue la vie intérieure du chrétien, l'âme qui imprègne le plus profondément son activité apostolique et lui donne sa fécondité. Elle donne à l'engagement du chrétien, pour le progrès et la bonne marche des hommes et des peuples, pour la lutte contre l'injustice, l'oppression et toutes les formes d'esclavage dans le monde, la dimension et la profondeur chrétienne spécifique.

Engager les jeunes à l'espérance

6. Le renouvellement de l'espérance signifie donc aussi un renouvellement de la vie chrétienne tout entière, de même que le renouvellement de l'engagement missionnaire au service des hommes et de la construction du Royaume de Dieu dans le monde. Mais du fait que cette vertu, comme je l'ai souligné dans le message de salutation aux catholiques autrichiens dont j'ai déjà parlé, est foncièrement un don, elle doit être avant tout sans cesse vécue et mise en acte par une réflexion et une conversion personnelles, par un renouvellement constant de la foi et un amour vécu de Dieu et du prochain. Votre devoir primordial de pasteurs du Peuple de Dieu est de préparer toutes les voies et tous les moyens nécessaires aux prêtres et, par eux, aux fidèles, par le moyen d'une prédication opportune de la parole de Dieu, par une formation catéchétique approfondie, par une vitalisation de la pastorale sacramentelle, par le souci intensif des familles et une catéchèse constante des adultes.

Il ne s'agit pas tant d'inventer ou de faire quelque chose de nouveau que de réaliser dans un nouvel esprit ce qui est habituel et a déjà fait ses preuves, autrement dit dans l'esprit d'espérance, et de communiquer celui-ci aux autres. Chers frères, donnez de l'espérance, du courage et de l'assurance surtout à vos plus proches collaborateurs, les prêtres et les religieux. Confiants dans la fidélité sans retour de Dieu, ils sauront d'autant mieux remplir leurs saintes promesses et leurs saints devoirs pour leur ministère de salut auprès des hommes. Donnez aux couples et aux familles un nouveau courage pour la vie et pour la protection de la dignité de l'homme à toutes les phases de son existence. Communiquez une nouvelle espérance en tout premier lieu à la jeunesse, afin qu'elle se sente coresponsable de l'avenir de l'Église et du peuple. Encouragez les jeunes gens et les jeunes filles à oser consacrer entièrement leur vie au Christ dans l'esprit d'espérance, à suivre avec décision son appel au sacerdoce ou à l'état religieux ou à le servir comme laïcs engagés dans la mission apostolique de l'Église. La jeunesse est, précisément, l'espérance du monde de demain. C'est la raison pour laquelle l'attention mondiale se portera aussi sur elle quand, en 1985, sous l'égide des Nations Unies commencera à Vienne l'Année internationale de ia jeunesse. Assurément, l'Église catholique en Autriche mettra à profit ses possibilités pour que soit réservé à l'esprit de l'Évangile, pendant son déroulement, l'espace qui lui revient, et pour que de nombreux jeunes, dans toute la mesure du possible, puissent faire l'expérience de la joie que Dieu procure. De même, continuez de soutenir toutes les belles initiatives de votre pays par lesquelles vos compatriotes, sans oublier les organisations catholiques, portent généreusement secours, en parole et en acte, à ceux qui sont dans le besoin, sont opprimés ou persécutés dans le monde entier. Par ce témoignage concret de solidarité à l'échelle du monde, ces frères éprouvés ne reçoivent pas seulement un soulagement dans leur détresse corporelle, ils sont de plus fortifiés dans leur espérance et dans leur engagement au service des valeurs et des droits inaliénables qui fondent la véritable noblesse de l'homme et dont seules la préservation et la mise en oeuvre garantissent une vie sociale digne de l'homme et des peuples.

7. « Vivre l'espérance et donner l'espérance. » C'est seulement dans la mesure où nous, chrétiens, commençons nous-mêmes à dépasser toute peur devant la vie, toute résignation et toute indifférence, grâce à une vie enracinée dans la foi, l'espérance et l'amour, que nous pourrons devenir, pour les autres hommes aussi, au milieu des égarements et des menaces multiples de notre époque, de vrais messagers et de vrais médiateurs d'espérance : non pas seulement de l'espérance d'un meilleur monde pour demain, mais surtout de l'espérance du salut offert dans le Christ à tous les hommes, un salut qui surpasse infiniment tout bonheur humain digne d'être poursuivi.

Puissent la préparation et la mise en oeuvre du prochain Katholikentag autrichien renouveler profondément, dans l'esprit d'espérance, le travail pastoral dans vos diocèses et vos paroisses, ainsi que la vie religieuse dans votre pays : ainsi l'Église deviendra toujours davantage, pour les hommes de notre temps, « la cellule indestructible de l'unité, de l'espérance et du salut » (Lumen gentium, LG 9).

« Que le Dieu de l'espérance vous comble de joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d'espérance par la puissance de l'Esprit Saint. » (Rm 15,13) Voilà ce que j'implore de tout coeur pour vous pasteurs pleins de zèle, et pour tous les fidèles d'Autriche, avec ma bénédiction apostolique particulière.




Discours 1982 - Discours aux cardinaux et aux membres de la Curie, 28 juin