Discours 1982 - 22 juillet 1982


La culture et la construction d’un monde juste et fraternel

Message du 24 juillet au directeur général de l’UNESCO


À l'occasion de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles qui a débuté à Mexico le 26 juillet, le Saint-Père a adressé le message suivant au directeur général de l'UNESCO (1) :

(l) Texte français dans l'Osservatore Romano du 1er août. Titre de la DC.


À Son Excellence Monsieur AMADOU MAHTAR M'BOW, directeur général de l'UNESCO

1. La Conférence sur les politiques culturelles, cette manifestation mondiale organisée par l'UNESCO et qui est sur le point de s'ouvrir à Mexico, revêt une grande importance.

Ce sera l'occasion propice de dresser un bilan de l'expérience acquise en matière de politiques et de pratiques dans le domaine de la culture, depuis la Conférence intergouvernementale sur les aspects institutionnels, administratifs et financiers des politiques culturelles organisées par l'UNESCO en 1970.

Qui ne le voit en effet ? Depuis la Conférence de Venise, la décennie écoulée a vu se produire des changements importants dans la vie de l'humanité. Et le moment est venu de susciter une réflexion approfondie sur les problèmes fondamentaux de la culture dans le monde contemporain. Qu'il me suffise de souligner la nécessité de renforcer la coopération culturelle internationale, comme aussi la dimension culturelle du développement. Car il devient de plus en plus clair que le progrès culturel est intimement lié à la construction d'un monde plus juste et plus fraternel.

Conscient de ce que pourra signifier cette Conférence pour l'avenir, et en raison des liens étroits qui unissent l'Église catholique à l'Organisation que vous dirigez avec tant de compétence et de dévouement, le Saint-Siège se fera représenter à la rencontre du Mexique par une délégation d'observation, désirant exprimer ainsi son intérêt, son estime en même temps que ses voeux fervents de plein succès.

2. Depuis la naissance de l'UNESCO, l'Église catholique a toujours suivi avec soin ses programmes, surtout dans le domaine de la culture, et elle s'est sans cesse montrée disposée à toute la coopération possible.

Il est dans son intention de continuer à agir de cette façon à l'avenir, et cela d'une manière généreuse, sans sous-entendus, avec une grande ouverture d'esprit, et avec la conviction qu'elle continuera à trouver les mêmes dispositions de la part de l'UNESCO.

3. Réfléchir sur l'Église et ses rapports avec la culture signifie trouver dans son passé millénaire un motif de juste fierté, tirer de son activité actuelle un précieux témoignage de la valeur de sa mission et entraîner tous ses fils dans la tâche exaltante de préparation et de formulation de son programme d'avenir.

Considérer par ailleurs l'action de l'UNESCO en faveur de la culture signifie regarder les peuples du monde qui se serrent la main par-dessus les frontières et qui, reconnaissant la valeur immense de toute culture, veulent favoriser le développement de la compréhension mutuelle comme aussi le développement commun et fécond visant à l'élévation intégrale de l'humanité.

4. En effet, les rapports de l'Église avec l'UNESCO trouvent très justement leur place dans le vaste réseau des relations que l'Église entretient avec le monde des organisations internationales. Ce réseau, que vous connaissez bien, concerne non seulement le Saint-Siège mais également la base vivante de l'Église elle-même.

Ce sont les exigences de l'humanité, vues à la lumière de Dieu, qui sollicitent l'intelligence et la charité des chrétiens en vue d'une initiative internationale engageant la responsabilité de l'Église vis-à-vis des hommes, et d'une manière spécifique la responsabilité des chrétiens dans leurs secteurs de travail.

Et ces chrétiens seront présents avec toute la richesse de leur âme ; ils apporteront une contribution d'une valeur exceptionnelle à la construction de l'avenir, en agissant selon leur conscience chrétienne, sachant que l'organisation ne représente pas tout mais qu'il faut avoir un respect convaincu des lois intimes de la vie.

5. L'homme est le centre, l'axe auquel se réfère et s'adresse tout propos sur la culture. Il n'est pas possible d'établir une séparation entre la conception de l'homme et la promotion culturelle. Et l'on ne saurait avoir cette conception de l'homme sans revenir à la dimension spirituelle et morale de l'homme même.

C'est justement cette dimension spirituelle, intrinsèque à l'être humain dans toute sa profondeur, qui pourra faire éviter les définitions partiales et incomplètes de la culture et permettra que la culture serve au bien authentique de l'homme et de la société, à la promotion d'une qualité toujours meilleure de la vie de l'individu et de la société.

Tout cela nous aide à comprendre qu'une authentique politique culturelle doit viser l'homme dans sa totalité, c'est-à- dire dans toutes ses dimensions personnelles — sans oublier les aspects éthique et religieux — et dans ses dimensions sociales.

Il s'ensuit que les politiques culturelles ne pourront faire abstraction de la vision spirituelle de l'homme dans la promotion de la culture. Elles devront donc dans les années futures, poursuivre d'une manière plus décisive les objectifs suivants :

— Orientation plus marquée de la culture envers la recherche désintéressée de la vérité et des valeurs humaines ; redécouverte de ces valeurs comme réponse à des modèles de vie qui ne sont qu'apparemment plus avancés ;

— Promotion d'une culture qui fasse ressortir toujours davantage la dignité de la personne humaine de la vie humaine, de son respect et de sa défense, c'est-à-dire une culture qui tende effectivement à la promotion de la vie humaine et non à sa destruction ;

— Remise de la technique à sa juste place, en précisant bien qu'elle est au service de l'homme. Dans ce domaine, il est urgent de se livrer à une réflexion sur l'éthique. Une évolution scientifique et technique qui voudrait se passer des valeurs éthiques se tournerait progressivement contre le destin de l'homme lui-même.

—Au terme de ce message, je voudrais, monsieur le Directeur général, vous présenter mes salutations déférentes et cordiales pour vous-même et tous vos collaborateurs de l'UNESCO, tandis que je forme les meilleurs voeux pour les travaux de la Conférence de Mexico.

Que Dieu bénisse l'UNESCO et ses heureuses initiatives !

Du Vatican, le 24 juillet 1982

JOANNES PAULUS PP. II




Lettre du Pape aux évêques du Salvador - 6 août 1982(1)


(1) Texte original espagnol dans l'Osservatore Romano du 7 août. Traduction, sous-titres et notes de la DC.


CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT,

En la solennité de la Transfiguration du Seigneur, fête si chère à votre nation qui porte le nom du Christ Sauveur et qui l'a choisi comme patron, je désire une fois de plus, vénérables frères dans l'épiscopat, vous adresser une parole de soutien et d'encouragement dans vos activités pastorales. Je vous renouvelle ainsi le témoignage de mon affectueuse sollicitude et ma participation à vos soucis et à vos préoccupations. Cette parole se veut surtout un appel à la paix et à la réconciliation.

Vous ne l'ignorez pas, et vous l'avez prouvé à plusieurs reprises dans le passé : parmi les divers aspects de la mission de chaque évêque — comme je l'ai rappelé à l'épiscopat d'Argentine lors de mon récent voyage —, l'un des plus importants et des plus urgents est de se révéler comme « un artisan d'harmonie, de paix et de réconciliation » (2). Et cela non seulement dans le cadre de l'Église, pour sauvegarder et renforcer les liens d'unité, mais aussi au sein de la communauté nationale, face à des ruptures et à des contrastes qui ne peuvent manquer de préoccuper votre esprit de pasteurs, porteurs d'un message de salut invitant à la fraternité et à la solidarité humaines.

En vous renouvelant cette exhortation, je me rends parfaitement compte que les discordes et les divisions qui troublent encore votre pays et sont à l'origine de nouveaux conflits et de nouvelles violences trouvent leurs véritables et profondes racines dans les situations d'injustice sociale : un problème qui a fait irruption avec force au niveau politique, mais qui est surtout de nature éthique.

La méthodologie de la violence, qui a conduit à une guerre fratricide — plaçant d'un côté ceux qui considèrent la lutte armée comme un instrument nécessaire à l'établissement d'un nouvel ordre social, et de l'autre ceux qui ont recours aux principes de la « sécurité nationale » pour légitimer des répressions brutales —, ne trouve aucune justification rationnelle et encore moins chrétienne.

Les méthodes de la paix

Face aux méthodes de la violence, il devient nécessaire d'instaurer les méthodes d'une paix qui « doit se réaliser dans la vérité ; se construire sur la justice ; être animée par l'amour ; se faire dans la liberté » (cf. Message pour la Journée de la paix, 1er janvier 1981) (3)

Vous savez fort bien, vénérables frères, que l'Église, toujours soucieuse de l'homme dans toute son intégrité et sa dignité (Redemptor hominis, RH 13-14), garde et nourrit ces valeurs ; elle construit sur elles une solide défense des droits de la personne humaine (ibid, 17) et de l'identité morale et culturelle elle-même d'une nation chrétienne ; elle recourt à ces valeurs pour constituer la force morale d'un pays, quand il s'agit de surmonter une crise d'ordre moral bien plus encore que social.

Ainsi, en union avec vous, je me fais l'interprète des profondes aspirations de votre peuple, depuis longtemps désireux de voir se transformer en réalités les concepts authentiques de liberté, de dignité de la personne humaine, de justice sociale, fondés sur le double aspect de l'amour : envers Dieu le Père, dont la Providence est à l'origine de tout bien, et envers les frères.

À vos fidèles, assoiffés de vérité et de justice, continuez à offrir, avec toute la ferveur et tout l'enthousiasme possibles, les enseignements mêmes de la doctrine sociale de l'Église, animés par une vive sollicitude pour les souffrances de la nation, unanimes à proposer une réponse adaptée aux exigences de l'époque actuelle, et unis pour imprimer un élan renouvelé à votre activité pastorale.

Étant donné les nouvelles perspectives institutionnelles ouvertes au pays depuis peu, la tâche d'incarner les méthodes de la paix dans le ministère de la réconciliation, à travers la parole de l'Évangile et l'action qui s'en inspire, devient plus urgente encore.


(2) Discours aux évêques d'Argentine, 12 juin 1982. Cf. DC 1982, n° 1833, p. 640.
(3) Cf. DC 1981, n° 1799, p. 1.


Le ministère de la réconciliation

La réconciliation n'est pas un signe de faiblesse ou de lâcheté ; elle n'est pas non plus renoncement à la justice qui est due, ou à la défense des pauvres et des marginaux ; elle est une rencontre entre des frères disposés à surmonter la tentation de l'égoïsme et à renoncer aux intentions de pseudo-justice ; elle est le fruit de sentiments forts, nobles et généreux qui conduisent à instaurer une vie commune, fondée sur le respect de chaque individu et des valeurs propres à chaque société civile.

Cette réconciliation doit donc pouvoir se réaliser à tous les niveaux et, avant tout, entre ces frères qui prennent les armes, animés par des intérêts contraires et guidés par des idéologies qui sacrifient les aspirations fondamentales de la personne humaine. Pour les uns comme pour les autres, la condition indispensable à la réconciliation est de cesser toute hostilité et de renoncer à l'emploi des armes, avec la garantie assurée que personne ne fera l'objet de représailles ou de vengeance après s'être engagé personnellement dans la noble tâche d'unir les efforts et les initiatives assurant au pays un regain de vitalité et un progrès ordonné.

La réconciliation doit aussi se faire au sein de la famille, à laquelle vous avez consacré une attention particulière dans la Lettre pastorale collective du 24 décembre de l'année dernière ; dans les paroisses et les autres secteurs plus étendus de l'Église ; dans le monde du travail, où les problèmes humains qui tourmentent la communaute nationale s'exacerbent si souvent.

Quant à vous, vénérables frères dans l'épiscopat — et avec tous vos collaborateurs — vous êtes appelés à être ministres et témoins de l'oeuvre de réconciliation dans la perspective de l'idéal évangélique de la charité que le Christ a proposé à ses disciples et à tous les hommes : c'est le seul qui puisse résoudre les contradictions inhérentes à la phénoménologie sociale de la désunion, des discordes, de l'injustice et du conflit armé.

Que, par votre intermédiaire, vos collaborateurs et vos fidèles reçoivent un appel à l'espérance qui les soutienne dans les difficiles circonstances actuelles et les aide à accomplir leurs propres devoirs.

Pour vous, vénérables frères, et pour les fils très aimés de la nation tout entière, j'implore du Christ Sauveur qui est « notre paix et notre réconciliation » d'abondantes grâces divines, en gage desquelles je vous accorde de tout coeur une particulière bénédiction apostolique.

Vatican, 6 août 1982.

IOANNES PAULUS PP. II




« Motu proprio » concernant l’approbation définitive des statuts de la commission théologique internationale - 6 août



Dans un « Motu proprio » en date du 6 août, Jean-Paul II a définitivement approuvé les statuts de la Commission théologique internationale, précisant ceux qui lui avaient été donnés « ad experimentum » en 1969, lors de sa création. La Commission, instituée par Paul VI pour répondre à un voeu des Pères de Vatican II, a pour but d'aider le magistère de l'Église, et particulièrement la Congrégation pour la Doctrine de la foi dans l'examen des questions doctrinales importantes ([30]).

[30] Texte latin dans l'Osservatore Romano du 3 octobre 1982. Traduction, titre, sous-titre et notes de la DC.
Le texte comrnence par les mots « Tredecim anni iam ».


Treize années se sont déjà écoulées depuis que notre prédécesseur de vénérée mémoire Paul VI, accédant au voeu du Synode des évêques (cf. Allocution prononcée au cours du Consistoire du 28 avril 1969 ; AAS LXI, 1969, p. 431-432) (1), créa la Commission théologique internationale. Au cours de ces trois quinquennats presque complets, les théologiens qui ont été appelés à cette tâche ont apporté leur concours avec un grand zèle et une grande prudence, et leurs travaux ont à coup sûr porté de magnifiques fruits. Pour cette raison, le Souverain Pontife Paul Vl et moi-même les avons bien volontiers accueillis pour leur adresser une exhortation paternelle et les féliciter de leurs études et de leurs travaux dont une grande partie est d'ailleurs connue, étant donné qu'elle a été rendue publique de par la volonté de Paul VI lui-même.

En 1969, les statuts de la Commission théologique internationale ont été approuvés « ad experimentum » (cf. AAS LXI, 1969, p. 540-541) (2). Le moment semble venu de leur donner une forme stable et définitive, compte tenu de l'expérience déjà acquise, de manière que la Commission puisse accomplir mieux encore la tâche a elle confiée, telle que Paul VI l'a expressément décrite dans l'allocution qu'il prononça à l'occasion de la première session plénière et où il déclara que « ce nouvel Institut a été fondé pour venir en aide au Saint-Siège et spécialement à la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi ». (Cf. AAS ibid., 713 et s.) (3)

Assurément, Pierre et les autres apôtres, de même que leurs successeurs dans la sainte Tradition — à savoir le Pontife romain et, avec lui, tous les évêques de l'Église —, ont reçu de manière tout à fait unique la charge et la responsabilité du magistère authentique, selon le mandat du Christ : « Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les. en leur apprenant à garder tout ce que Jj vous ai commandé. Moi, voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps. » (Mt 28,19-20). De son côté, le Concile Vatican II, surtout dans la Constitution dogmatique Lumen gentium (chap. III), suivant en cela l'exemple de la Tradition tout entière de l'Église, regarde ces fonctions comme des charismes qui leur confèrent fermeté, force et authenticité.

Toutefois, ce ministère spécifique a également besoin du travail zélé des théologiens et il attend d'eux, pour reprendre les paroles de Paul VI, une « aide précieuse à la mission confiée par le Christ aux apôtres, quand il leur a dit : « Allez, enseignez toutes les nations. » (Cf. AAS ibid, 715.) (4) Il est souhaitable que cette assistance même soit apportée de manière particulière et pour ainsi dire « institutionnelle » par les membres de la Commission théologique internationale. Ces derniers, du fait qu'ils proviennent de plusieurs nations et entretiennent des liens avec les cultures des divers pays, ont une plus profonde connaissance des questions nouvelles qui sont comme la face nouvelle des questions anciennes et peuvent ainsi mieux percevoir les aspirations et les mentalités des hommes d'aujourd'hui ; ils peuvent donc être des plus utiles pour apporter, selon la norme de la foi révélée par le Christ et transmise dans l'Église, des réponses plus profondes et plus adaptées aux questions qui se posent.

C'est pourquoi, après mûre réflexion, de notre propre chef et en vertu de notre autorité apostolique, nous prescrivons les nouveaux statuts de la Commission théologique internationale et décrétons ce qui suit :

Les statuts de la Commission

1. La Commission théologique internationale a pour tâche d'étudier les questions doctrinales importantes, surtout celles qui revêtent un aspect nouveau, et d'apporter une assistance au magistère de l'Église, et tout particulièrement à la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi, auprès de laquelle elle a été fondée.

2. La présidence de la Commission théologique internationale revient au cardinal préfet de la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi qui, toutefois, pour chacune des sessions, si le besoin s'en fait sentir, peut désigner un autre modérateur.

3. La Commission théologique internationale est composée de théologiens de différentes écoles et nations qui se recommandent par leur science, leur prudence et leur fidélité au magistère de l'Église.

4. Les membres de la Commission théologique internationale sont nommés par le Souverain Pontife, au jugement duquel ils sont proposés par le cardinal préfet de la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi, après avoir pris l'avis des Conférences épiscopales.

Ils sont nommés pour cinq ans, au terme desquels ils peuvent être de nouveau confirmés. Mais, sauf cas particulier, le nombre des membres ne devra pas dépasser le chiffre de trente.

5. Le secrétaire général de la Commission théologique internationale, sur proposition du cardinal-préfet de cette même Commission, est nommé pour cinq ans par le Souverain Pontife et fait partie des consulteurs de la

S. Congrégation pour la Doctrine de la foi. Une fois écoulé le laps de cinq ans, il peut être de nouveau confirmé.

Il convient par ailleurs, dans toute la mesure du possible, que le cardinal-préfet procède à une consultation auprès des membres de la Commission, avant de soumettre au Souverain Pontife les noms des personnes aptes à cette charge.

La fonction du secrétaire général consiste de manière générale à coordonner les travaux et à rendre publics les écrits de la Commission elle-même, soit au cours des sessions, soit avant et après la tenue de ces sessions.

6. Le secrétaire adjoint est nommé par le cardinal-préfet. Il assiste le secrétaire général dans sa charge ordinaire et s'occupe particulièrement des questions techniques et économiques.

7. Une assemblée plénière de la Commission théologique internationale est convoquée au moins une fois par an, à moins que des circonstances contraires n'empêchent cette session.

8. Les membres de la Commission théologique internationale peuvent également être consultés par écrit.

9. Les questions et les sujets soumis à l'étude sont désignés par le Souverain Pontife ou par le cardinal-préfet. Ils peuvent être également proposés par la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi, par d'autres dicastères de la Curie romaine, par le Synode des évêques ou par les Conférences épiscopales.

Toutefois, devra toujours être observée la prescription du n° 136 de la Constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae (5).

10. Pour préparer l'étude de questions particulières, le cardinal-préfet crée des sous-commissions spéciales composées de membres ayant une compétence particulière en la matière.

Les travaux de ces sous-commissions sont dirigés par un membre choisi par le cardinal-président, dans le but de mener à bien la préparation des travaux de la session plé- nière, en relation avec le secrétaire général. Ces sous-commissions sont ordinairement composées de moins de dix membres et peuvent se réunir même en dehors de Rome, pour une brève session spéciale.

D'autres experts, y compris non catholiques le cas échéant, peuvent être consultés. Mais les personnes appelées à cette consultation ne deviennent pas membres de la Commission théologique internationale.

Leurs travaux achevés, et également à la fin du quinquennat, les sous-commissions cessent leur fonction. Mais elles peuvent être nommées de nouveau ou être renouvelées pour cinq autres années.

11. Les conclusions auxquelles a abouti la Commission théologique internationale, que ce soit en session plénière ou dans les sous-commissions spéciales, de même que, si cela semble opportun, les voeux individuels des membres, devront être soumises au Souverain Pontife et mises à la disposition de la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi.

12. Les textes spécifiquement approuvés par la majorité des membres de la Commission théologique internationale peuvent faire l'objet d'une publication officielle, s'il n'existe aucune opposition de la part du Saint-Siège.

Les textes qui ne sont approuvés que de manière générale, en tant que travaux personnels des membres de la Commission théologique internationale, peuvent être publiés, mais n'engagent aucunement la responsabilité de la Commission elle- même. Cette disposition vaut d'autant plus au cas où il s'agit de rapports préparatoires et de voeux d'experts étrangers à la Commission. La diversité de ces qualifications devra être clairement notifiée dans la présentation des textes.

13. Les membres de la Commission théologique internationale, dans les questions traitées par la Commission, conformément à la nature et à l'importance de celles-ci, observeront strictement le secret, en observant les normes qui régissent le « secret professionnel ».

Les questions touchant à la collaboration avec la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi, que cette collaboration soit collective ou individuelle, sont couvertes, selon la nature de la question, par le secret propre à cette Congrégation ou par le secret pontifical, conformément à la norme de l'instruction sur ce secret (cf. AAS LXVI, 1974, p. 89-92) (6).

Toutes les choses qui ont été décrétées par nous dans ce Motuproprio, nous ordonnons qu'elles soient fermes et ratifiées et qu'elles prennent intégralement leurs effets à partir du 1er octobre de cette année, nonobstant toutes choses contraires, même dignes de mention spéciale.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 6 août 1982, en la fête de la Transfiguration de Notre-Seigneur Jésus-Christ, quatrième année de notre pontificat.

IOANNES PAULUS PP. II


(1) DC 1969, n° 1540, p. 459.
(2) DC 1969, n° 1547, p. 814.
(3) DC 1969, n° 1549, p. 908.
(4) DC 1969, n° 1549, p. 908.
(5) « Dans toutes et chacune des Congrégations, de même que dans tous les dicastères, il est capital que rien de grave et d'extraordinaire ne soit fait sans avoir été au préalable soumis par leurs chefs au Souverain Pontife. De plus, toutes les décisions ont besoin de l'approbation pontificale, sauf celles pour lesquelles des pouvoirs spéciaux sont donnés aux chefs des dicastères, sauf également les sentences du tribunal de la S. Rote romaine et de la Signature Apostolique rendues dans les limites de leur compétence. » (Regimini ecclesiae, n° 136, DC 1967, n° 1500, Col 1469).
(6) DC 1974, n° 1652, p. 361.


Le danger d’une guerre nucléaire (1)

Lettre du 15 août à des scientifiques, lue le 20 août à Erice


Le Saint-Père a adressé la lettre ci-après aux participants de la deuxième session du « Séminaire international sur les conséquences d'un éventuel conflit nucléaire ». Elle a été lue au cours de la séance inaugurale qui s'est tenue le vendredi 20 août au Centre international pour la culture scientifique « Ettore Majorana » d'Erice (province de Trapani, Sicile).

(l) Texte original anglais dans l’Osservatore Romano des 23-24 août 1982. Traduction et notes de la DC.


AU PROFESSEUR ANTONIO ZICHICHI, DIRECTEUR DU CENTRE INTERNATIONAL POUR LA CULTURE SCIENTIFIQUE,

Vous avez bien voulu m'informer de la seconde session du Séminaire international sur les conséquences mondiales d'une guerre nucléaire, qui se tiendra du 20 au 23 août au Centre international pour la culture scientifique d'Erice, dont vous êtes le directeur.

Tout en vous remerciant pour ce geste plein d'égards, je voudrais adresser mes respectueuses salutations à tous les scientifiques renommés et aux autres experts qui se rassembleront pour étudier l'une des questions les plus cruciales et les plus inquiétantes pour les hommes d'aujourd'hui, et exprimer mes voeux les plus sincères pour que leurs généreux efforts soient couronnés par des résultats consolants.

Il ne m'appartient pas d'entrer dans les aspects techniques des sujets à l'ordre du jour de votre séminaire. L'un d'entre eux est cependant étroitement lié à ma mission pastorale et représente un sujet de préoccupation profonde : réfléchir à la possibilité et aux conséquences d'une guerre nucléaire, cela signifie s'interroger sur la survie même de l'humanité et le destin de l'héritage accumulé tout au long des siècles par la civilisation humaine.

C'est là une question des plus préoccupantes, dont je ressens le devoir de parler avec force au nom de la défense de l'homme et de la civilisation. C'est ce que j'ai fait devant les institutions internationales telles que l'ONU (2 octobre 1979) (2) et l'UNESCO (2 juin 1980) (3), au cours de mes voyages apostoliques, spécialement à Hiroshima (25 février 1981) (4) et à Coventry (30 mai 1982) (5), et dans différentes allocutions à des autorités nationales et à des responsables de la communauté scientifique. J'ai aussi envoyé des délégations, composées de membres de l'académie pontificale des sciences, dans les capitales de certains pays possédant des armes nucléaires, pour faire connaître les résultats d'une étude sur les conséquences catastrophiques d'un conflit nucléaire.

En toutes ces occasions, j'ai parlé au nom de la conscience de millions d'hommes et, dans la ligne de mon ministère, j'ai lancé un appel pour qu'il soit mis fin à la course aux armements, surtout des armes nucléaires, de manière à faire des pas authentiques vers le désarmement et la paix.

Les scientifiques et les hommes engagés dans les applications technologiques des découvertes scientifiques ont un rôle particulier à jouer dans ce domaine. En raison de leur responsabilité particulière, je prends la liberté d'adresser ce message à toutes les illustres personnalités participant au Séminaire.

En tant que participants, vous êtes mieux placés que quiconque pour mesurer les effets apocalyptiques d'une guerre nucléaire : en particulier les souffrances inouïes et les destructions épouvantables de vies humaines et d'oeuvres de civilisation. Vous pouvez plus facilement constater que la logique de la dissuasion nucléaire ne peut être considérée comme un objectif final ou un moyen adéquat et sûr pour sauvegarder la paix internationale.

L'équilibre des armes nucléaires est un équilibre de terreur. Ces armes ont déjà bien trop utilisé des ressources de l'humanité pour des travaux et des engins meurtriers. Et elles continuent d'absorber d'immenses ressources intellectuelles et physiques, détournant la recherche scientifique de la promotion des valeurs humaines les plus authentiques pour l'orienter vers la production d'instruments de destruction.

De cette manière, la science elle-même s'est dégradée et, en un sens, vidée de son sens le plus profond : la découverte des lois universelles et immuables qui régissent la nature, dans le but d'offrir à l'homme une domination (cf. Gn 1,28) qui consiste en une adhésion consciente et docile au dessein d'amour que le Créateur a confié à la nature depuis le commencement.

La science et la religion n'entrent en aucune manière en conflit. Elles sont toutes deux chargées de réaliser le dessein de Dieu sur l'homme. Pour sa part, l'homme a la redoutable responsabilité de prendre des décisions, en harmonie ou non avec ce dessein, et de créer ainsi soit une culture d'amour, soit une culture de haine.

L'Église, consciente des incitations au mal qui peuvent séduire le coeur de l'homme, proclame donc la vérité du Christ, Rédempteur de l'homme, qui a jeté la semence d'une authentique civilisation d'amour, assurant à ceux qui croient en lui le courage d'être les frères et les soeurs de tous ceux qui sont les enfants du même Père dans les cieux, et accordant la grâce qui transforme le coeur de l'homme, le rendant docile à l'enseignement de Dieu (cf. Jn 6,45).

Je vous lance un appel sincère, à vous, scientifiques, à votre engagement, à votre prestige, à votre conscience, de manière qu'en mettant l'accent sur les conséquences insensées et catastrophiques d'une guerre, vous puissiez promouvoir une culture — la seule qui soit digne de l'homme — fondée sur les valeurs éternelles de vérité et d'amour. Sur le travail de votre séminaire, j'invoque la lumière et l'encouragement du Dieu tout-puissant.

Castel Gandolfo, 14 août 1982.

IOANNES PAULUS PP. II

(2) Cf. DC, 1979, n° 1772, p. 872-879.
(3) Cf. DC, 1980, n° 1788, p. 603-609.
(4) Cf. DC, 1981, n° 1805, p. 331-332.
(5) Cf. DC, 1982, n° 1832, p. 591-592.



François d’Assise, l’homme de la joie parfaite

Lettre pour le VIIIe centenaire de sa naissance [23])



[23] Texte latin dans l'Osservatore Romano du 16 septembre. Traduction du Centre franciscain de documentation. Titre et sous-titres de la DC. La lettre commence par les mots : « Radiabat velut stella ».


À mes chers fils John Vaughn, ministre général de l'Ordre des Frères mineurs ; Vital Bommarco, ministre général de l'Ordre des Frères mineurs conventuels ; Flavio Carraro, ministre général de l'Ordre des Frères mineurs capucins ; Roland Faley, ministre général du Tiers Ordre régulier de saint François, en ce VIIIe centenaire de la naissance de saint François d'Assise.


JEAN-PAUL II, PAPE.

CHERS FILS, SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE



I. « POURQUOI TOUT LE MONDE COURT-IL APRÈS TOI ? »

« Il rayonnait comme l'étoile qui resplendit au milieu des ombres de la nuit, comme l'aube dont la clarté chasse les ténèbres » : en ces termes, Thomas de Celano, son premier biographe, présente saint François d'Assise (1). Et cet éloge, nous avons plaisir à le répéter en ces jours où l'on clôt par des célébrations le VIIIe siècle écoulé depuis la naissance de cet homme illustre entre tous.

Déjà, le 3 octobre 1981, nous avions inauguré l'année consacrée à sa mémoire en nous adressant au cours d'une célébration dans la basilique Saint-Pierre au Vatican aux nombreux membres des quatre familles franciscaines, aux religieuses et à tous ceux qui suivent les traces de leur séraphique Père, et plus récemment nous avons parlé par radio à une foule de fidèles rassemblés dans l'église cathédrale d'Assise par l'évêque de ce diocèse. Ce discours, nous le prolongeons par cette lettre aujourd'hui, nous proposant de mettre davantage en lumière quelques-uns des thèmes de l'enseignement évangélique qu'il nous a laissé, et de partager avec vous — et, par votre intermédiaire, avec le plus grand nombre possible — le message qu'il semble adresser encore aux hommes de notre temps.

Dans le livre qui raconte quelques-unes des « petites fleurs » de la vie de saint François, on lit que F. Masséo, l'un de ses premiers compagnons, lui demanda un jour : « Pourquoi tout le monde court-il après toi ? (2) » Huit siècles après la naissance du saint d'Assise, la question garde toute sa valeur ; on aurait encore bien sujet de la poser. Car, sans parler du nombre accru de ceux qui, pour mieux suivre ses traces, ont décidé de vivre selon la règle qu'il a composée, on constate que l'admiration et la sympathie qu'il provoque, loin de diminuer au fil des années comme cela se passe ordinairement dans l'histoire des hommes, ont une diffusion toujours plus vaste et imprègnent plus profondément les coeurs. On en découvre les signes nettement marqués dans la spiritualité chrétienne, dans l'art, la poésie et presque toutes les formes de la culture de l'Occident. La nation italienne, qui se glorifie d'avoir donné le jour à un si grand homme, l'a choisi pour être, avec une de ses illustres disciples, Catherine de Sienne, son patron et principal intercesseur auprès de Dieu. Sa réputation, enfin, a franchi les frontières de l'Europe ; on pourrait à juste titre lui appliquer ces paroles de l'Évangile : « Partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, ce qu'il a fait sera aussi raconté (3). »

La façon dont François se présente, en effet, ne peut que recueillir l'adhésion unanime ; tous ceux qui considèrent sa façon de vivre approuvent le modèle d'humanité qu'il propose. Il ne semble donc pas hors de propos de répéter, en cette année consacrée à sa mémoire, la question que posait F. Masséo dans la simplicité de son coeur : Pourquoi le monde entier vient-il à saint François d'Assise ?

On peut fournir une réponse partielle en affirmant que les hommes admirent et aiment ce saint parce qu'ils voient se réaliser en lui, et de façon extraordinaire, ce qu'ils désirent pour eux-mêmes par-dessus tout sans pouvoir y atteindre au cours de leur vie, à savoir : la joie, la liberté, la paix, la concorde et la conciliation entre les hommes et avec la nature elle-même.

(1) Thomas de Celano, première Vie de saint François, n. 37, p. 224 (les références aux textes franciscains renvoient à la dernière édition française : Saint François d'Assise, Documents, Paris 1982).
(2) Fioretti, n° 10, p. 1084.
(3) Mt 26,13.


II. LA JOIE, LA LIBERTÉ, LA PAIX, LA FRATERNITÉ

Effectivement, toutes ces valeurs, et bien d'autres encore, resplendissent d'une admirable lumière dans la vie du Pauvre d'Assise.

Et d'abord brille la joie, puisque François est universellement connu comme étant l'homme de la joie parfaite. Pendant toute sa vie, « son principal et suprême souci fut de posséder et de conserver toujours au-dedans et au-de- hors la joie spirituelle (4) ».

Il lui arriva souvent, ainsi qu'il est écrit dans les témoignages historiques, de ne pouvoir réfréner l'élan de joie dont son âme était trop pleine ; alors, à la façon des troubadours, et prenant deux baguettes de bois pour imiter les joueurs de viole, il chantait au Seigneur des louanges en français (5). Cette joie, dont François était rempli, avait sa source dans le ravissement où le plongeait la contemplation de tous les êtres et de tous les événements, lui dont l'âme était toute de simplicité et d'innocence, davantage encore, elle avait sa source dans l'espérance qu'il cultivait en son coeur et qui le faisait s'écrier : « Si grand est le bonheur que j'attends que toute peine m'est plaisir (6) ! »

La liberté : il n'a pour ainsi dire jamais utilisé le mot lui- même, mais toute sa vie a été réellement une éclatante démonstration de liberté évangélique. À travers tout son comportement, à travers chacune de ses démarches transparaissaient la liberté intérieure de son âme et cet élan spontané d'un coeur qui avait choisi l'amour pour loi suprême et qui s'était attaché totalement à Dieu. Un exemple entre autres est la liberté accordée aux frères, conformément à l'Évangile, de manger de tout ce qu'on leur offrirait (7).

Mais la liberté que François pratiqua et encouragea ne s'oppose nullement à l'obéissance à l'Église ni même à l'obéissance « à tous les hommes qui sont en ce monde (8) » ; au contraire, elle en dérive. En lui, en effet, on voit resplendir d'une lumière radieuse l'image parfaite et originelle de l'homme libre et maître de l'univers (9). De là proviennent d'ailleurs la familiarité et la docilité que témoignaient toutes les créatures à ce Pauvre du Christ : les oiseaux l'écoutèrent prêcher (10), un loup devint très doux, selon le récit bien connu (11) ; le feu lui-même, modérant ses ardeurs, se fit courtois, c'est-à-dire aimable (12). Ainsi, comme le rapporte encore son premier biographe, « parce qu'il marchait lui- même dans la voie de l'obéissance, parce qu'il se pliait volontiers sous le joug de la docilité, il fut jugé digne par Dieu d'être à son tour obéi des créatures (13) ». La liberté de saint François, enfin, provient surtout de sa pauvreté volontaire : libéré de tout attachement et de tout désir terrestre, il était devenu l'un de ces hommes dont parle l'Apôtre : « Ils n'ont rien, mais ils possèdent tout (14) ! »

Homme de la joie parfaite, homme de la liberté, François est encore et toujours vénéré comme le plus chaleureux promoteur de la paix et de la fraternité universelle. Mais la paix dont François jouissait et qu'il rayonnait autour de lui, c'est en Dieu qu'il la puisait, comme à sa source, en Dieu même auquel il disait dans sa prière : « Tu es douceur, tu es sécurité, tu es repos (15). » Cette paix a pris visage humain et force de rayonnement dans le Christ Jésus « qui est notre paix (16) », en lui, ainsi que François l'écrit après saint Paul, « tout ce qu'il y a dans le ciel et tout ce qu'il y a sur la terre a été pacifié et réconcilié au Dieu tout-puissant (17) ».

« Que le Seigneur te donne la paix ! » C'est en ces termes que, sur révélation divine, il saluait tous les hommes (18). Il était vraiment « pacifique (19) », réconciliateur et artisan de paix, de ceux que l'Évangile proclame bienheureux, car « tout le sujet de son discours fut le devoir d'éteindre les haines et de conclure de nouveaux traités de paix (20) ». Entre les classes de citoyens d'une même ville, qui se livraient des combats meurtriers et sanglants, il ramena la paix et la concorde, mettant en fuite par ses prières les démons fauteurs de discordes (21). Entre des villes qui s'affrontaient et se déchiraient, entre le clergé et le peuple, et même, à ce que l'on dit, entre les hommes et les bêtes sauvages, il ramena la paix. Mais on ne fait vraiment la paix — François en était convaincu — que si on pratique le pardon, c'est pourquoi, voulant un jour amener le podestat et l'évêque de la ville d'Assise à conclure la paix au lieu de poursuivre leurs contestations et leur procès, il fit ajouter au cantique de Frère Soleil ces paroles très connues : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux qui pardonnent par amour pour toi (22) ! »

(4) Légende de Pérouse, n. 97, p. 980.
(5) Thomas de Celano, deuxième Vie, n. 127, p. 432.
(6) Premières considérations sur les stigmates, p. 1210.
(7) 2e règle de saint François, p. 86 ; cf. Lc 10, 8.
(8) Salutations des vertus, n. 14-16, p. 149.
(9) Cf. Gn 1,28 Sg 9,2-3.
(10) Th. de Celano, première Vie, p. 242.
(11) Fioretti, n° 21, p. 1116.
(12) Th. de Celano, deuxième Vie, n. 166, p. 465.
(13) Th. de Celano, première Vie, n. 61, p. 244.
(14) 2Co 6,10.
(15) Louanges pour Frère Léon, n. 4, p. 152.
(16) Ep. 2, 14.
(17) 3e lettre de saint François, n. 13, p. 122 ; cf. Col 1,20.
(18) Testament de saint François, n. 23, p. 95.
(19) Mt 5,9.
(20) Thomas de Spalato, Historia Pontificum, p. 1345-1346.
(21) Th. de Celano, deuxième Vie, n. 108, p. 415.
(22) Cantique des créatures, n. 10, p. 170.


Frère de tous et de toute créature

François n'a jamais considéré personne comme un ennemi, en chaque homme il voyait un frère. Cela explique comment il a pu franchir toutes les barrières qui se dressaient entre les hommes à cette époque, comment il a pu annoncer l'amour du Christ aux Sarrasins eux-mêmes. Il déposait pour ainsi dire dans les âmes des germes de volonté et de désir de dialogue, des semences d'oecuménisme entre des hommes si différents de mentalité, de culture, de race et de religion : toutes initiatives qui font partie des conquêtes les plus remarquables vers lesquelles s'achemine notre époque.

Et ce sens de la fraternité universelle, il l'a même étendu à toute créature, même inanimée : soleil, lune, eau, vent, terre, feu, qu'il appelait frères ou soeurs, et auxquels il témoignait une respectueuse affection (23). « Jamais, a-t-on écrit à ce sujet, on n'avait vu pareille affection pour toutes les créatures : il leur parlait du Seigneur et les invitait à la louange (24). » En considération de ce fait, et désireux de répondre aux voeux de ceux qui aujourd'hui, avec juste raison, se préoccupent de l'environnement naturel dans lequel vivent les hommes, nous avons, par lettre apostolique du 29 novembre 1979, proclamé saint François d'Assise patron céleste de tous les écologistes (25). L'exemple de François en ce domaine démontre encore ceci avec force : les créatures et les éléments ne seront protégés de toute violation injuste et nuisible que dans la mesure où, à la lumière de l'enseignement biblique sur la Création et la Rédemption, on les considérera comme des êtres à l'égard desquels l'homme est lié par des devoirs sur lesquels il ne lui est pas permis d'agir à sa guise, comme des créatures qui, avec lui, attendent et désirent « leur libération de l'esclavage de la corruption pour avoir part a la liberté glorieuse des enfants de Dieu (26) ».

(23) Th. de Celano, première Vie, n. 77, 80, 81, p. 258, 260, 261.
(24) Th. de Celano, deuxième Vie, n. 165, p. 463.
(25) AAS 71 ( 1979), p. 1509.
(26) Rm 8,21.


III. LE CHEMIN DE LA CROIX

Nous avons vu jusqu'ici les titres de François d'Assise à la fierté et à l'admiration continue de l'humanité : la joie, la liberté, la paix, la fraternité universelle. Mais si nous en restions là, il ne s'agirait que d'une admiration superficielle, bien peu capable d'enseigner aux hommes de notre temps la manière de parvenir à ces valeurs dont nous avons parlé ; autant vaudrait espérer des fruits d'un arbre dont on aurait négligé de soigner les racines et le tronc.

Afin donc que la célébration de ce VIIIe centenaire de la naissance de saint François secoue réellement les consciences et y imprime des traces, cherchons quelles sont ces racines et cela nous expliquera comment la vie de cet homme séraphique a pu produire des fruits aussi admirables. Paix, joie, liberté, amour : ce n'est pas de manière purement fortuite ou naturelle que ces dons et qualités ornèrent l'âme de François, mais il les acquit de propos délibéré et au terme d'un rude cheminement ; il résumait lui-même son expérience en ces mots : « Faire pénitence », ainsi qu'il l'écrit au début de son Testament : « Voici comment le Seigneur me donna, à moi, Frère François, la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j'étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m'était insupportable. Mais le Seigneur lui- même me conduisit parmi eux ; je les soignai de tout mon coeur ; et, au retour, ce qui m'avait semblé si amer s'était changé pour moi en douceur pour l'esprit et pour le corps. Ensuite j'attendis peu et je dis adieu au monde (27). »


Vivre dans la pénitence

« Faire pénitence », « vivre dans la pénitence », ces mots reviennent souvent dans les écrits de saint François, ils décrivent à merveille et brièvement ce que furent sa vie et sa prédication. À l'époque où il se demandait quelle orientation donner à son nouveau genre de vie — cette décision à prendre était d'une importance capitale ! — il voulut demander conseil au Christ, il ouvrit le livre des Évangiles et il y trouva exprimée la réponse du Seigneur, à laquelle il se conforma jusqu'à sa mort : « Celui qui veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même (28) ! » Effectivement, le renoncement à lui-même fut pour François le moyen de « gagner son âme », c'est-à-dire de trouver la vie (29). Il conquit la joie en supportant les peines ; la liberté en obéissant et en disant radicalement non à lui-même ; l'amour envers toute créature, en se haïssant lui-même, c'est-à-dire parce que, selon l'enseignement de l'Évangile, il a d'abord vaincu l'amour égoïste de lui-même. Cheminant un jour avec Frère Léon, il lui exposa comment la vraie joie réside dans le support de toutes les amertumes et épreuves accueillies par amour pour le Christ (30).

« Vivre dans la pénitence » équivaut pour François à reconnaître le péché dans toute sa gravité ; entretenir continuellement en soi devant Dieu la contrition ; et traduire concrètement dans les actes de sa vie par une ascèse austère ce sentiment de componction et de peine. François lui- même est allé si loin dans cette voie qu'à la veille de sa mort il reconnut qu'il « avait beaucoup péché contre son frère le corps » et il lui demanda pardon de lui avoir infligé tant de macérations pendant sa vie (31).

Ce chemin que parcourut François, en langage chrétien on l'appelle d'un mot : la croix. Il en fut et il en est encore le héraut et le messager ; par lui l'Église est puissamment sollicitée à redonner l'une des toutes premières places à sa prédication de la croix, comme si Dieu voulait utiliser son pauvre serviteur François pour planter à nouveau le bois de la croix « au milieu de la ville (32) », c'est-à-dire au coeur de l'Église. C'est pourquoi, lorsque nous sommes allé en pèlerinage au tombeau du saint, en cette année consacrée à sa mémoire, nous lui avons adressé cette prière : « Le secret de ta spiritualité réside dans la croix du Christ. Enseigne- nous, comme l'apôtre Paul te l'a enseigné à toi-même, à ne jamais nous glorifier en rien si ce n'est en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ (33). »

Le Christ crucifié fut pour François le guide de son cheminement, du début de sa conversion jusqu'à la fin sur le mont Alverne, le Christ lui imprima extérieurement ses saints stigmates, afin que même aux yeux des hommes il apparaisse comme « l'image du Crucifié (34) ». François voulut se modeler et se conformer tout entier à l'exemple du Crucifié ; le motif le plus profond de son application à la suprême pauvreté, ce fut l'imitation du Crucifié. Aux approches de la mort, il résumait son extraordinaire expérience spirituelle en ces quelques mots très simples mais si profonds : « Je connais le Christ pauvre et crucifié (35). » Et vraiment, depuis qu'il s'était converti à Dieu, il avait toujours vécu comme quelqu'un qui est intérieurement marqué par les plaies du Christ.



(27) Testament de saint François, n. 1-3, p. 93.
(28) Th. de Celano, deuxième Vie, n. 15, p. 334 ; Mt 16, 24.
(29) Mt 10,39.
(30) Fioretti, n° 8, p. 1078 ; 5e admonition, p. 44.
(31) Légende des trois compagnons, n. 14, p. 817.
(32) Ap 22,21.
(33) Osservatore Romano, 19 mars 1982.



Dans la perspective du prochain Synode

Revenons donc à la question que nous posions en commençant : « Pourquoi tout le monde court-il après toi ? » La réponse est maintenant parfaitement évidente, elle est contenue dans ces paroles de Jésus-Christ : « Lorsque j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi (36) ! » Tous les hommes sont, de fait, attirés vers François d'Assise parce que lui-même, pour suivre son divin Maître, a voulu d'une certaine façon « être élevé de terre », c'est-à-dire crucifié, au point que, pour lui appliquer les mots de l'Apôtre, ce n'était plus lui qui vivait, mais le Christ en lui (37).

Les hommes de notre époque tentent par tous les moyens de supprimer la douleur, mais ils n'y parviennent nullement, ils souffrent, au contraire, de tourments d'autant plus torturants qu'ils s'efforcent avec plus d'acharnement d'anéantir ce qu'ils pensent être les causes profondes de la douleur. Saint François, en peu de mots, mais avec l'immense autorité que lui confère sa vie, montre la route chrétienne qui conduit à ce résultat. Il s'agit, en effet, de supprimer la cause ultime du mal et de l'injustice, qui est le péché, surtout le péché de l'amour égoïste et désordonné de soi-même. Quand l'homme crucifiera pour ainsi dire son égoïsme, il triomphera de cette maladie par laquelle, attaché à lui-même et se coupant de son prochain, il ramène tout à lui et à son profit ; brisant pour ainsi dire le cercle de fer de la vieillesse et de la mort, il entrera dans une sphère nouvelle dont le centre est Dieu et à l'intérieur de laquelle se trouvent aussi tous ses frères ; il deviendra, en somme, « une nouvelle créature dans le Christ (38) ».

À considérer tout cela, il semble que l'année de ce huitième centenaire de la naissance de saint François qui touche à sa fin, soit comme une préparation providentielle au Synode des évêques, qui se tiendra en 1983, et auquel est proposé le thème suivant : la réconciliation et la pénitence dans la mission de l'Église. Puisse François, lui qui a fait l'expérience de l'extraordinaire fécondité de la résolution qu'il avait prise de « faire pénitence », nous obtenir à nous aussi, chrétiens d'aujourd'hui, la grâce d'accueillir dans notre âme cette vérité : il nous est impossible de devenir des hommes nouveaux connaissant la joie, la liberté et la paix, si nous ne reconnaissons pas humblement le péché qui est en nous, si nous ne le purifions pas par une réelle contrition, et si enfin nous ne « réalisons pas des actes concrets de pénitence

(34) Ga 3,1 ; cf. Thomas de Celano, première Vie, n. 112, p. 289 : « On retrouvait en lui l'image de la croix et de la passion de l'agneau immaculé qui lava les crimes du monde ; on eût dit qu'il venait d'être détaché de la croix, les mains et les pieds percés de clous, le côté droit percé d'un coup de lance. »
(35) Th. de Celano, deuxième Vie, n. 105, p. 413.
(36) Jn 12,32.
(37) Ga 2,20.
(38) 2Co 5,17.


Pour le renouveau de l'Église

Nous ne voudrions pas terminer cette lettre, par laquelle nous célébrons le VIIIe centenaire de la naissance de saint François, sans rappeler le respect tout particulier du saint envers l'Église, et les liens d'affection et d'amitié qui, d'une manière toute filiale, le rattachaient aux pontifes romains de son époque.

L'homme de Dieu était convaincu que « celui qui n'amasse pas » avec l'Église « disperse (40) », c'est pourquoi, dès ses débuts, il prit bien soin d'obtenir confirmation et garantie en se faisant approuver et protéger par « la sainte Église romaine ». Voici comment, dans la Règle, il exprime son intention : c'est « afin que, demeurant toujours soumis à cette même Église et prosternés à ses pieds, stables dans la foi catholique, nous observions la pauvreté, l'humilité et le saint Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ, comme nous l'avons fermement promis (41) ».

Son premier biographe affirme de lui : « Son premier et inaltérable principe était le suivant : tenir ferme, vénérer et imiter la foi de la sainte Église romaine, la seule qui procure aux hommes le salut. Il vénérait les prêtres et témoignait grande affection à tous les ordres de la hiérarchie ecclésiastique (42). »

L'Église paya de retour la confiance que le Pauvre du Christ mettait en elle : non seulement elle approuva sa règle, mais elle lui témoigna un honneur et une bienveillance signalés. L'amour de saint François pour l'Église, nous en avons parlé lors de l'ouverture de cette année consacrée à sa mémoire ; dans le message déjà mentionné nous déclarions, entre autres choses : « Le charisme et le mandat prophétique du Frère François visaient à montrer clairement que l'Évangile a été confié à l'Église, et que c'est dans l'Église, avec l'accord de l'Édise et avec le soutien de l'Église qu'il faut vivre de l'Évangile, le faire passer dans la vie courante et le donner en exemple (43). »

(39) ».
(39) Lc 3,8.
(40) Lc 11,23.
(41) 2e règle de saint François, 12, 4, p. 92.
(42) Th. de Celano, première Vie, n. 62, p. 245.
(43) DC, 1981, n° 1817, p. 954.


Du Concile Latran IV...

Les conditions de vie que connaît l'Église aujourd'hui semblent nous inviter à considérer plus attentivement comment saint François a su réellement jouer un rôle actif dans l'histoire de l'Église de son temps. Son époque fut importante et remarquable parce que l'Église était alors en plein mouvement de renouveau liturgique et moral, ce mouvement parvint à son apogée lors du Concile oecuménique Latran IV, célébré en 1215. On ne possède pas la preuve absolue que François ait assisté aux sessions de ce Synode universel, mais — cela ne fait aucun doute — il a accueilli avec enthousiasme les propositions et les décrets du Concile ; lui-même et l'Ordre fondé par lui déployèrent une activité remarquable au service de ce renouveau dont le Concile avait défini la forme. C'est bien aux canons de ce Concile et à la lettre d'Honorius III que se réfère, par exemple, l'expression de son zèle et de sa piété envers l'Eucharistie : le saint d'Assise s'employait à promouvoir davantage de dignité et de beauté pour les églises, les tabernacles, les vases sacrés et surtout à promouvoir un plus grand amour envers les très saints corps et sang de notre Seigneur Jésus-Christ (44).

Plus encore : François adopta tout le programme de renouveau de la pénitence proposé par le Pape Innocent III lorsque celui-ci s'adressa à tous ceux qui étaient présents à l'ouverture du Concile de Latran. Dans ce sermon, le Souverain Pontife, notre illustre prédécesseur, exhorta tous les chrétiens, surtout les clercs, au renouvellement spirituel, à la conversion à Dieu et à la réforme des moeurs ; et, commentant les paroles prophétiques du chapitre IX d'Ézéchiel, il parla de la lettre Tau (la dernière lettre de l'alphabet hébreu, et qui a la forme d'une croix) ; il dit que ce Tau était le signe de « tous ceux qui ont crucifié la chair avec ses vices et ses concupiscences (45) », de tous ceux qui gémissent et pleurent sur les hommes qui se détournent de Dieu : « On porte ce signe sur le front si l'on montre en action la force de la croix (46). »

Cette exhortation du Pontife romain à la purification et au renouveau de l'Église, saint François l'accueillit pour lui- même et il l'adopta. À partir de ce jour, en effet, à ce que l'on nous a transmis, il témoigna au signe Tau un respect particulier ; il l'écrivait de sa propre main au bas des lettres qu'il envoyait, comme par exemple sur le billet adressé au Frère Léon ; il le gravait sur le mur des cellules des Frères, au cours de ses admonitions, il le recommandait « comme s'il voulait, dit saint Bonaventure, mettre tout son zèle à imprimer ce Tau, selon la parole du prophète, sur le front de ceux qui gémissent et pleurent leurs péchés, sur le front de tous les vrais convertis au Christ Jésus (47) ».

Ces faits, et bien d'autres, montrent que François s'était fixé de mettre humblement son action au service de l'oeuvre de renouveau spirituel projetée par la hiérarchie. Pour y parvenir, il apporta d'abord la contribution personnelle de sa propre sainteté, apport indispensable et que rien ne peut remplacer. Il s'était tout entier préparé à obéir à l'Esprit, puisqu'il s'était rendu semblable au Christ crucifié ; et il devint comme l'instrument dont l'Esprit se servit pour renouveler l'Église de l'intérieur, pour la rendre « sainte et sans tache (48) ». L'homme de Dieu fit tout cela, « poussé par inspiration divine » — comme il avait coutume de l'affirmer lui-même (49) — c'est-à-dire poussé par la ferveur de l'Esprit-Saint. En toutes choses il cherchait « l'Esprit et la vie » expression de saint

Jean qu'il utilisait volontiers (50). Voilà ce qui explique assurément l'étonnante force efficace de renouvellement qui émanait de sa personne et de sa vie. Ainsi devint-il véritablement promoteur du renouveau de l'Église, non par des réprimandes ou des censures, mais en étant lui-même un saint.


(44) IVe Concile du Latran, can. 19-20 ; lettre d'Honorius III « Sane cum olim » du 22 nov. 1219 (Bullarium Romanum, Turin 1858, t. III, p. 66) ; 2e lettre de saint François, n. 1, 15, p. 119-120.
(45) Ga 5,24.
(46) Innocent III, PL 217, 677.
(47) Saint Bonaventure, Legenda Minor, n. 2-9, p. 715.
(48) Ep 5,27.
(49) 2e règle de saint François, 12, 1, p. 92 ; 1ère règle, 2, 1, p. 55 ; cf. saint Bonaventure, Legenda Maior, 10, 2, p. 654.
(50) Testament de saint François, n. 13, p. 94 ; 1ère lettre de saint François, n. 20, p. 111.


... au Concile Vatican II

L'époque que traverse actuellement l'Église ressemble sous certains rapports au siècle où vécut saint François. Le Concile oecuménique Vatican II a publié de nombreux conseils et propositions de renouveau pour la vie chrétienne. Et cependant, ainsi que nous l'avons écrit récemment pour le 1600e anniversaire du premier Concile de Constantinople et le 1550e du Concile d'Éphèse : « L'oeuvre de renouvellement de l'Église, providentiellement promue et inaugurée par le Concile Vatican II, ne peut être accomplie que dans l'Esprit- Saint, c'est-à-dire avec l'aide de ses lumières et de sa force (51). » Mais cette action du Saint-Esprit, pour capitale qu'elle soit, ne peut habituellement se déployer sans l'intermédiaire des hommes dans l'âme desquels l'Esprit du Christ a pénétré profondément, qui deviennent ainsi ses instruments et sont capables de transmettre cet Esprit à leurs frères de différentes manières.

C'est pourquoi, tenant compte de tout ce que nous avons jusqu'ici exposé, il nous semble que le souvenir de la naissance de saint François, solennellement célébré cette année, est une grâce toute particulière accordée par Dieu à son Église en cette époque. Cette grâce est aussi un avertissement pour les mouvements de fidèles et pour les forces nouvelles suscitées actuellement par Dieu dans l'Église : qu'ils restent indéfectiblement, et avec toute l'énergie de leur âme, attachés à l'Église, comme le fit François ; qu'ils se détournent de la poursuite de singularités ou de petits projets individuels de renouvellement, mais qu'ils s'imposent de mettre humblement le charisme qui leur a été accordé au service des projets adoptés par l'Église au Concile Vatican II. Aujourd'hui comme au temps de saint François, on a besoin d'hommes qui réussissent à renouveler la vie en communiant à la passion du Christ (52), d'hommes que l'Esprit peut utiliser à son gré pour construire le Royaume. Faute de quoi, il est à craindre que les décrets du Concile et ses normes directives, même les meilleures, ne demeurent inefficaces, ou du moins ne produisent pas les fruits que l'on souhaite pour le bien de l'Église.

Cette exhortation, l'Église l'adresse à tous ses fils, mais surtout, en cette occasion, à ceux qui ont décidé de suivre de plus près les traces du Poverello d'Assise au sein des divers ordres ou instituts qui l'ont pour fondateur ou qui s'efforcent d'imiter la vie admirable qu'il a menée. L'Église attend d'eux qu'enflammés d'une ardeur renouvelée, ils apportent au progrès général la contribution de leur sainteté, afin de ressusciter d'une certaine manière la grâce immense que le monde reçut autrefois par l'intermédiaire de saint Francois d'Assise.

Dans cet espoir, très chers fils, nous vous accordons de tout coeur, à vous, aux familles religieuses que vous dirigez, aux moniales et aux soeurs franciscaines, et à tous les membres du tiers ordre de saint François, notre bénédiction apostolique, en gage des grâces du ciel et en témoignage de notre affection.

Donné à Saint-Pierre de Rome, en la solennité de l'Assomption de la bienheureuse Vierge Marie, le 15 août 1982, quatrième année de notre pontificat.

JEAN-PAUL II


(51) DC 1981, n. 1806, p. 367.
(52) Ph 3,10.




Discours 1982 - 22 juillet 1982