Discours 1982 - Discours devant l’Académie pontificale des sciences - 23 octobre


AUX ÉVÊQUES DE LA RÉPUBLIQUE DU CONGO EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 23 octobre 1982




Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Je sais combien votre joie est profonde d’accomplir votre visite “ad Limina”, de venir à la source de l’unité ecclésiale, de voir et d’entendre le Successeur de Pierre. Croyez que mon bonheur est au moins aussi grand que le vôtre! C’est assurément une grâce d’état permanente pour l’Evêque de Rome d’aimer d’une égale affection toutes les Eglises locales disséminées à travers le monde entier et de les servir, à la manière du Christ et sur les traces de nombreux et saints Papes. Ensemble rendons grâces pour cette rencontre fraternelle! Que le Seigneur la rende fructueuse pour les diocèses de la République Populaire du Congo, où, le 5 mai 1980, il me fut donné de vivre des heures inoubliables, aussi bien à la cathédrale de Brazzaville que sur l’esplanade du Boulevard des Armées.

2. Tout d’abord, je voudrais vous assurer, et à travers vous, vos diocésains, que je partage profondément les joies et les espérances que suscitent en vos coeurs la préparation et le déroulement des fêtes qui marqueront, le 28 août 1983, le centenaire de l’annonce et de l’implantation de l’Evangile en votre pays, par ces pionniers à jamais célèbres que furent Mgr Carrie et Mgr Augouard. J’approuve chaleureusement le projet de votre Conférence épiscopale, qui est de fêter cet événement sous le signe du Renouveau, au plan de la foi, de la prière, de la vie familiale, de l’engagement dans la société. Comme le Christ l’ordonnait à Pierre et à ses compagnons, je vous redis aujourd’hui: “Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez...” (Jn 21,6). Les obstacles ne manquent pas, vous les connaissez mieux que quiconque. S’ils peuvent être comparés à des courants contraires, à des vents cinglants, à des lames de fond dangereuses, il faut avancer, il faut peiner pour les générations qui montent, en procédant sans doute autrement que les premiers évangélisateurs du Congo mais en vous inspirant toujours de leur courage et de leur foi à toute épreuve.

3. L’Eglise tout entière se réjouit de savoir que 40% de la population totale de votre pays a reçu la grâce du baptême, même si tous ces baptisés, pour des motifs divers, n’ont pas développé au maximum cette grâce initiale. Et ce peuple chrétien bénéficie du ministère épiscopal de trois Pasteurs issus de son sein, du dévouement sacerdotal d’une bonne cinquantaine de prêtres congolais, du témoignage évangélique d’une soixantaine de religieuses du pays. L’Eglise tout entière se réjouit aussi de savoir que les laïcs chrétiens, courageusement engagés dans divers mouvements d’apostolat, augmentent peu à peu en nombre et sont mieux formés. Mais un arbre pourrait-il grandir et porter des fruits, s’il se coupait de ses racines? Ce disant, je songe à ceux qui ont planté l’Evangile au siècle dernier et en ce siècle dans vos régions. Ces ouvriers et ouvrières du Seigneur venaient d’ailleurs. C’est vrai! Mais n’en est-il pas ainsi depuis les débuts du christianisme? Ce sont toujours des communautés chrétiennes qui donnent naissance à d’autres communautés chrétiennes, avec les richesses et les limites d’une telle opération. Il demeure que tout peuple puise des forces, souvent un renouveau, et toujours son unité quand il garde fidèlement la mémoire de ceux qui lui ont transmis le meilleur d’eux-mêmes par le don de la vie, l’attachement à des idéaux de valeur, à une culture originale. Toute Eglise locale doit également reconnaître et aimer sa propre histoire, demeurer respectueuse et reconnaissante du labeur jadis accompli par d’autres, et qui est toujours d’ouvrir les esprits et les coeurs à la personne et au message de Jésus-Christ.

4. Vos rapports m’ont laissé voir où se situaient vos difficultés et vos inquiétudes. J’ai senti que vous mesuriez avec réalisme un affaissement des valeurs morales, telles que le respect de la personne humaine, le respect du bien public, l’esprit civique, le sens de la solidarité et du partage. J’ai senti également vos souffrances face à l’indifférence religieuse de nombreux baptisés, à la séduction d’un matérialisme pratique, qui ne voit plus l’utilité, ni hélas la valeur, des vérités révélées par le Christ et fidèlement proclamées par l’Eglise qu’il a fondée pour “enseigner toutes les nations”.

C’est pourquoi, Frères très chers, je saisis l’occasion de votre visite “ad Limina” pour faire écho à un point de vos rapports et pour vous encourager fortement à voir entre vous, et aussi avec vos prêtres et vos laïcs engagés, comment, à l’occasion du premier centenaire de l’Evangélisation du Congo, pourrait se réaliser concrètement de nouvelles circonscriptions ecclésiastiques, qui faciliteraient à coup sûr une meilleure évangélisation de votre pays. Pour sa part, le Saint-Siège ne demande qu’à vous entendre et à vous aider. Les diocèses à échelle humaine, partout où l’on a décidé de les ériger et après une période inévitable de rodage délicat, ont manifesté progressivement un dynamisme, qui fait souvent penser aux jeunes communautés du temps de l’apôtre Paul. Il faut également ajouter - mais vous y pensez certainement - que votre Conférence épiscopale, s’enrichissant de nouveaux membres, y gagnerait singulièrement aussi bien au niveau de la fraternité qu’au plan des tâches régionales ou nationales à partager. Que l’Esprit de sagesse nous éclaire tous ensemble afin d’avancer sur la bonne voie et pour le plus grand bien du peuple chrétien qui vit sur la terre du Congo!

5. Une autre grande préoccupation que je fais tout à fait mienne est celle du nombre et de la qualité de vos coopérateurs d’aujourd’hui ou de demain, les prêtres et les séminaristes de vos diocèses. Dites-leur combien le Pape compte sur leur générosité, c’est-à-dire leur attachement solennellement scellé par le sacrement de l’Ordre, ou en voie de l’être, à la personne du Christ et à son oeuvre de rédemption. Le clergé africain a déjà donné à l’Eglise bien des évêques et des prêtres de valeur. L’Afrique - ce vaste continent qui est en plein développement malgré des zones de misères et de souffrances encore trop nombreuses - aura de plus en plus besoin d’évêques et de prêtres d’élite, de ministres - j’ose le dire - véritablement passionnés de Jésus-Christ! Actuellement, vous le savez autant que d’autres épiscopats africains, vous avez encore besoin de la coopération des Eglises qui hier ont planté l’Evangile dans votre continent et ont pris en mains son enracinement. Ne vous privez pas inconsidérément de leur présence. Qu’il y ait dialogue, confiance et concertation entre vous et votre clergé d’une part, et ces missionnaires, religieux ou religieuses venus d’ailleurs, d’autre part. Mes voyages pastoraux en Afrique m’ont fait sentir que l’heure était toujours à la coopération entre Eglises anciennes et Eglises plus jeunes.

6. Enfin, je songe aux problèmes du laïcat chrétien au Congo. Dire qu’il n’est pas facile d’être chrétien aujourd’hui est un constat qui ne résout rien. Les pays évangélisés depuis longtemps ont leurs raisons de le dire. Les pays en voie de développement et plus récemment touchés par l’Evangile ont d’autres motifs de l’affirmer. Les explications sociologiques ne sont pas à mépriser. Mais quand donc et en quelles régions du monde l’appartenance à Jésus-Christ Sauveur et la fidélité à son message universel de salut ont-elles été faciles? Il m’apparaît de plus en plus que les civilisations, si diverses de par le monde, ont toutes un choix à faire si elles veulent vivre ou survivre, en ce sens que le Christ Jésus - l’“Ecce Homo” comme disait Pilate sans croire que cet Homme était habité par la divinité et porteur d’un message divin pour tout homme et pour tous les hommes - est non seulement le révélateur qualifié du vrai visage de Dieu, mais aussi du vrai visage de l’homme et donc du sens de sa vie personnelle et sociale. Ces considérations de fond me conduisent à vous encourager plus que jamais à la formation d’un laïcat africain et congolais capable de rendre compte de sa foi chrétienne, et capable de s’insérer de manière crédible dans les structures socio-professionnelles du pays pour y jouer - comme l’Evangile le dit si bien - le rôle du levain dans la pâte. Ils sont encore peu nombreux à l’heure actuelle. Vous me dites cependant que leur nombre augmente. Toujours est-il que les Pasteurs doivent investir beaucoup pour cette formation des laïcs selon l’esprit du Concile Vatican II. Ce qui compte toujours et partout, c’est la qualité. Selon le célèbre philosophe Bergson, la qualité est déjà la quantité à l’état naissant. Je prie avec vous pour que tous les mouvements existants et dont vous m’avez parlé, depuis les catéchistes jusqu’aux Jeunes Témoins du Christ, en passant par les foyers chrétiens et les Focolari, se caractérisent par un approfondissement de la foi et un engagement précis et souvent révisé dans leur propre milieu de vie.

7. Que ces encouragements à l’occasion de votre visite “ad Limina”, et à quelques mois des fêtes du centenaire de l’Evangélisation du Congo, soient pour vous, pour vous prêtres et vos séminaristes, pour les religieux et les religieuses qui coopèrent à la marche de vos diocèses, et pour tous vos chrétiens de Brazzaville, de Owando, et de Pointe-Noire, source de lumière et de ferveur, afin que le renouveau espéré devienne une réalité, pour la gloire du Seigneur et pour la joie de tous ceux qui ont contribué hier et qui contribuent aujourd’hui à l’édification de l’Eglise et au bien général de votre pays.

Je vous bénis de tout coeur, ainsi que votre clergé et vos fidèles.



AUX PÈLERINS RÉUNIS POUR LA CANONISATION DES BIENHEUREUSES MARGUERITE BOURGEOYS ET JEANNE DELANOUE

Samedi, 30 octobre 1982




Chers pèlerins de France et du Canada, de Troyes et de Montréal, de Saumur et d’Angers, et vous chères Soeurs de nombreux pays,

1. Vous êtes tout à la joie et à l’honneur en vous préparant à la célébration de la canonisation des bienheureuses Marguerite Bourgeoys et Jeanne Delanoue. Et moi, je suis très heureux de vous recevoir dans ce cadre familial, avant la solennité de demain. Le temps nous manque pour nous entretenir longuement, et par ailleurs, il faut laisser à cette liturgie, à l’homélie en particulier, le soin d’exprimer l’essentiel du message. Je me limite donc à trois souhaits qui sont plus adaptés à cette rencontre.

2. D’abord de telles canonisations posent une question à vos communautés diocésaines ou nationales. Est-ce que la sainteté d’un homme, d’une femme, prêtre, religieux, laïc, pourrait facilement s’y épanouir aujourd’hui? Y serait-elle préparée, accueillie, soutenue? J’entends bien: la sainteté est une oeuvre de l’Esprit Saint, agissant comme le vent qui “souffle où il veut”, de façon imprévisible, et la réponse de l’intéressé s’exprime avec une telle originalité qu’elle se heurte souvent, sur le moment, à l’incompréhension, voire à l’hostilité d’une partie de l’entourage. Ces épreuves font partie intégrante de la vie des saints. Mais nous savons aussi que l’âme des saints y est généralement disposée par tout un courant religieux qui l’a éduquée dans ses profondeurs et lui permet de trouver des points d’appui. C’était bien le cas dans ce XVIIe siècle français, avec saint Vincent de Paul, le Cardinal de Bérulle, Monsieur Olier, et tant d’autres, qui préparaient ou recueillaient les fruits d’une floraison religieuse très profonde, en écho à la réforme du Concile de Trente. Et de même, au début du XVIIIe, avec notamment saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Demeurez fiers, chers amis français, de ces grandes heures de votre histoire et, dans l’espérance, efforcez-vous d’en préparer de nouvelles pages dans le contexte d’aujourd’hui, en soutenant les vocations personnelles à la sainteté et en entretenant aussi des communautés chrétiennes vivantes qui en seront l’humus nécessaire.

Je pense de même au Canada: après plusieurs bienheureuses Marguerite Bourgeoys est la première qui va être canonisée. Elle voulait jeter les bases d’un monde nouveau, pour ce “nouveau monde”: continuez, chers amis canadiens, de construire sur ces fondements!

3. Je salue à un titre particulier les Soeurs héritières de Marguerite Bourgeoys et de Jeanne Delanoue. La Congrégation de Notre-Dame, fondée par la première, est devenue très nombreuse, 2.600 - je crois - dans les deux Amériques, au Japon, au coeur de l’Afrique et, par un juste retour, finalement en France! Que Dieu fasse fructifier vos oeuvres d’éducation des jeunes, votre travail avec les parents et les anciennes élèves, avec les associations familiales, votre apostolat de préparation aux sacrements et de promotion sociale. Et vous, Soeurs de Jeanne Delanoue, fondée comme Servantes des Pauvres sous le nom dei Sainte-Anne de la Providence, si votre nombre est actuellement plus modeste, je sais que vous apportez un témoignage et une entraide de grande qualité en France, à Madagascar où vous commencez à susciter des vocations missionnaires pour l’Indonésie. Vous êtes la voix des “sans voix” que sont les pauvres, les malades, les personnes âgées, les lépreux, les handicapés, les migrants, les clochards, des villes et des campagnes, qu’il s’agisse des familles à visiter, des enfants à instruire, ou des indigents à recueillir en hospice. Pour tous, vous êtes à la fois un visage de tendresse qui révèle la bonté de Dieu, une main secourable qui aide à se relever et à marcher, une parole qui évangélise.

4. Enfin, je forme des voeux pour que, d’une façon plus générale, dans l’Eglise, beaucoup de prêtres, de religieuses, de laïcs profitent de l’exemple et des grâces propres aux deux bienheureuses qui sont vos compatriotes et vos Mères. Puissent-ils connaître la ferveur missionnaire de Marguerite Bourgeoys, son souci d’épanouir tous les dons de la jeunesse, de préparer des familles saines et chrétiennes! N’avons-nous pas grand besoin de sa lucidité et de son dévouement tenace pour assainir le climat éducatif actuel, lorsque, par exemple, les réalités sexuelles telles qu’elles sont souvent présentées aux adolescents et aux jeunes sont dénaturées, axées sur le plaisir de chacun, et non plus sur l’amour pur de l’autre et sur les responsabilités qui lui sont inhérentes? Et de même, pour que la Bonne Nouvelle soit mieux encore annoncée aux pauvres avec l’amour et l’esprit de pauvreté qui conviennent, puissent les nouvelles générations apprendre de Jeanne Delanoue à payer de leur personne et de leurs sacrifices, à compter sur la Providence, à puiser la charité dans l’aventure d’une union intime avec Dieu!

Oui, nous demanderons ces grâces pour toute l’Eglise. Avec espérance, car, comme nous le dira l’épitre de saint Paul lue demain: “La Parole de Dieu est à l’oeuvre en vous les croyants”.

5. Merci de votre visite. Priez aussi pour moi, pour mon ministère au service de l’unité et de la fidélité de toutes les Eglises particulières, afin qu’il me soit donné de faire connaître hardiment l’Evangile. Je vous recommande mon tout prochain voyage apostolique en Espagne; je l’accomplis comme j’ai commencé à visiter la France et comme j’espère visiter un jour le Canada.

En vous bénissant de tout coeur, je bénis tous ceux que vous représentez, vos familles, vos congrégations, vos communautés paroissiales ou diocésaines, surtout les personnes qui sont dans l’épreuve. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.




Discours à l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques d'Espagne - 31 octobre


Le 15 octobre, à l’occasion du 400e anniversaire de la mort de sainte Thérèse d’Avila, le Pape a adressé aux Espagnols un message télévisé où il dit notamment: « ... J’ai suivi avec intérêt et affection les célébrations de ce centenaire. Vous savez que j’avais prévu de réaliser la visite que je souhaitais faire à l’Espagne à la date d’ouverture, le 15 octobre de l’année dernière. Les événements que l’on sait m’ont obligé à retarder le voyage qui aura lieu très prochainement, si Dieu le veut. Je pourrais ainsi clôturer solennellement le centenaire thérésien à Avila et à Alba de Tormes le 1er novembre prochain.

Je ne pouvais laisser passer cette date importante sans vous envoyer mes voeux et mon souvenir particuliers. Parce que Thérèse de Jésus représente un sommet pour l’Église et pour le patrimoine culturel de l’humanité. Elle a uni la sainteté aux cimes les plus hautes de la mystique. La qualité de ses oeuvres littéraires, la finesse de son style, son témoignage spirituel singulier et jusqu’à la sympathie qu’inspire cette femme supérieurement intelligente, d’une sensibilité exquise et réaliste, sont un exemple lumineux plein de réconfort. Et quelle stimulation pour notre époque que ce message joyeux et solide ! [.] (L'Osservatore Romano du 17 octobre.)

Le voyage du Pape en Espagne a commencé le 31 octobre. Il était 16 h 45 lorsque son avion a atterri à l'aéroport international de Madrid où il a été accueilli par les souverains espagnols et les autorités religieuses parmi lesquelles on remarquait Mgr Diaz Merchan, président de la Conférence épiscopale, et les cardinaux Gonzalez Martin et Jubany Arnau. Après l'échange de discours, le Pape a pris la route de Madrid où il a été accueilli sur la place Gregorio Maranon par le maire de la ville. Il s'est rendu ensuite au siège de la Conférence épiscopale où, après s'être adressé aux quelque cent personnes qui y travaillent, il a présidé la 37e Assemblée plénière de l'épiscopat espagnol. Voici le discours qu'il a adressé aux évêques réunis (1). La première journée s'est terminée par une adoration nocturne à la paroisse de Guadalupe.

(1) Texte espagnol dans l'Osservatore Romano du 1er-2 novembre. Traduction de la DC.


Appliquer les enseignements du Concile


CHERS FRÈRES DANS L'ÉPISCOPAT,

1. L'importance de la rencontre

Au commencement de mon voyage apostolique en Espagne, j’ai la joie de célébrer la rencontre qui, dans tous mes pèlerinages, a occupé une place exceptionnelle : la rencontre de celui qui, par un mystérieux dessein de la Providence, est la tête du collège épiscopal (cf. Lumen gentium,. LG 22 Christus Dominus, CD 3), avec ses frères, membres du même Collège et d’une Conférence épiscopale déterminée.

Le moment que nous vivons reproduit idéalement ceux où saint Pierre se lève au milieu des frères (cf. Ac Ac 1,15) ou « avec les onze » (Ac 2,14), ou bien exhorte les anciens, ancien lui-même, à faire paître le troupeau de Dieu (cf. 1P 5,1). Ce moment est pour le successeur de Pierre un temps fort de sa mission comme « principe et fondement perpétuel et visible d’unité, aussi bien des évêques que de la multitude des fidèles » (Lumen gentium, LG 23).


2. Salutation aux Églises d'Espagne

L’apôtre saint Jean s’adressait aux « anges » des sept Églises d’Asie, c’est-à-dire aux Églises elles-mêmes pour leur souhaiter « la grâce et la paix de la part de Celui qui était et qui vient »..., « et de Jésus-Christ, le témoin fidèle » (Ap 1,4-5). Moi aussi je voudrais adresser, en la personne de leurs évêques, un salut venu du plus profond du coeur à chacune des soixante-cinq Églises en Espagne.

Dieu sait que mon plus vif désir serait de les visiter toutes, grandes et petites, anciennes et nouvelles. Ne pouvant le faire, en raison d’évidentes limites de temps, je voudrais que cette rencontre soit comme une présence spirituelle dans chaque diocèse d’Espagne.

Dans vos récentes visites ad limina, vous aviez conscience d’apporter avec vous les membres de vos Églises particulières. Aujourd’hui Pierre vient à vous pour vous rendre votre visite.

Grâce donc, et paix, à l’Église qui est à Barcelone, à son pasteur et à ses évêques auxiliaires.

Grâce et paix à l’Église qui est à Burgos, à son ordinaire et aux évêques et diocèses de Bilbao, Osma-Soria, Palencia et Vitoria.

Grâce et paix à l’Église de Dieu à Grenade, à son pasteur et aux prélats, avec les diocèses d’Almeria, Carthagène, Guadix, Jaén et Malaga-Melilla.

Paix et grâce à l’Église qui est à Madrid, à son pasteur et à ses évêques auxiliaires.

Paix et grâce à l’Église qui est à Oviedo, à son pasteur et à son auxiliaire, et aux évêques et diocèses d’Astorga, Leon et Santander.

Paix et grâce à l’Église de Dieu à Pampelune, à son pasteur et aux ordinaires et diocèses de Calahorra, La Calzada- Logrono, Jaca et Saint-Sébastien.

Grâce et paix à l’Église qui est à Santiago de Compostelle, à son ordinaire et auxiliaire et aux évêques de Lugo, Mondonedo-El Ferrol, Orense et Tuy-Vigo, avec leurs diocèses respectifs.

Grâce et paix à l’Église de Dieu à Séville, à son pasteur, à son ancien pasteur et aux évêques et diocèses de Badajoz, Cadiz-Ceuta, Cordoue, Huelva, îles Canaries, Ténériffe et Jérez de la Frontera.

Grâce et paix à l’Église qui est à Tarragone, à son ordinaire et aux prélats et diocèses de Gérone, Lerida, Solsona, Tortosa, Urgel et Vich.

Paix et grâce à l'Église de Dieu qui est à Tolède, à son pasteur et aux évêques et diocèses de Ciudad Real, Coria- Caceres, Cuenca, Placencia et Siguenza-Guadalajara.

Paix et grâce à l'Église qui est à Valence, à son ordinaire et aux évêques d'Albacete, Ibiza, Majorque, Minorque, Orihuela-Alicante et Segorbe-Castellon, avec leurs diocèses.

Paix et grâce à l'Église du Christ à Valladolid, à son pasteur et aux évêques d'Avila, Ciudad Rodrigo, Salamanque, Ségovie et Zamora, avec leurs diocèses respectifs.

Grâce et paix à l'Église de Dieu à Saragosse, à son ordinaire et aux évêques et diocèses de Barbastro, Huesca, Tarazona et Teruel-Albarracin.

Enfin, paix et grâce de la part du Père des miséricordes et du Dieu de toute consolation (cf. 2Co 1,3) à tous les anciens pasteurs diocésains d'Espagne, qui vivent aujourd'hui dans l'amour et la prière leur consécration à l'Église et au troupeau du Christ qui leur avait éte confié.

Ces salutations, qui ne veulent pas être de simples formules de politesse, mais une expression de fraternelle affection, se prolongent dans le message que l'évêque de Rome a la joie de transmettre à ses frères dans l'épiscopat de cette terre d'Espagne.

Dans ce but, laissons parler le Concile Vatican II, dont nous commémorons le vingtième anniversaire, et qui a si bien dessiné la mission de l'évêque dans l'Église. Que parlent les documents conciliaires, et tout particulièrement les pages lumineuses de la Constitution dogmatique Lumen gentium.


3. Dispensateurs de la grâce

« Les évêques, en priant et travaillant pour leur peuple, répandent sur lui en abondance et sous des formes diverses ce qui vient de la plénitude de la sainteté du Christ » (Lumen gentium, LG 26).

Cette fonction de sanctificateur est inhérente à la mission des évêques. Ils sont par vocation des « perfectores » (maîtres de perfection) (cf. Christus Dominus, CD 15). Cela veut dire que l'évêque est quelqu'un qui, ayant mûri dans la vie évangélique et l'imitation de Jésus-Christ, entraîne les autres et les aide à cheminer vers la même maturité. Ou, plus précisément, quelqu'un qui, par l'exemple et le témoignage, la parole, la prière et les sacrements, communique aux autres la plénitude de la vie dans le Christ qu'il s'efforce d'avoir en lui-même.

D'eux on attend — Dieu et l'Église attendent — qu'ils « s'efforcent de faire progresser dans la sainteté leurs clercs, les religieux et les laïcs » en sachant que, dans ce but, ils ont « le devoir de montrer l'exemple de la sainteté par leur charité, leur humilité et la simplicité de leur vie » (Christus Dominus, CD 15). En effet, les évêques sanctifient leur troupeau non seulement comme administrateurs des sacrements et prédicateurs de la Parole révélée, mais aussi par leur exemple et leur sainteté. En suivant les pas du Bon Pasteur, les évêques doivent dire avec le Christ : « Je me sanctifie pour eux, afin qu'ils soient sanctifiés dans la vérité. » (Jn 17,19)

Devant cette oeuvre de sanctification qui est, en fin de compte, sa tâche la plus haute, chaque évêque devra sentir, vibrantes au fond de son âme, certaines questions fondamentales. Afin de savoir si l'image qui impressionne le plus les fidèles est celle d'un homme de Dieu, compatissant et sacrifié, imprégné de l'Évangile et le faisant rayonner ; s'il est toujours, de manière particulière, maître d'oraison, transparence et révélation du visage de Dieu pour ses diocésains ; dans quelle mesure enfin il est et apparaît comme le liturge de son diocèse, celui qui marche devant son peuple dans l'adoration de son Seigneur, celui qui anime et dirige le culte divin dans son Église locale.

Je suis sûr que la joie la plus grande pour un pasteur de l'Église de Jésus-Christ qui cherche sa propre perfection est celle qui naît aussi de la croissance de ses fils dans la sainteté. C'est ce qu'écrivait l'apôtre Jean au soir de sa vie : « Il n'est pas pour moi de plus grande joie que d'apprendre que mes fils vivent dans la vérité. » (3Jn 4)


4. La diaconie épiscopale

« Cette charge, confiée par le Seigneur aux pasteurs de son peuple, est un véritable service : dans la Sainte Écriture, il est expressément appele diakonia ou ministère », comme nous le lisons dans la même constitution Lumen gentium (n° 24).

Les Pères de l'Église, les grands maîtres spirituels comme saint Jean d'Avila, Louis de Grenade et tant d'autres ; les authentiques théologiens d'hier et d'aujourd'hui, tous ont su tirer de l'Évangile l'enseignement substantiel du Christ sur le service pastoral : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir » (Mt 20,26 et 23, 11) ; « que le plus grand parmi vous soit votre serviteur » (Mt, ibid ).

Le Concile insiste de nouveau, de nos jours, sur le même appel à l'esprit de service. Il le fait avec un ton particulier en parlant des évêques. C'est pourquoi lorsqu'un évêque, en recherchant la lumière pour son chemin, lit et médite ces écrits, il se sent invité à penser — avec simplicité, humilité et joie du coeur — à sa manière d'être et d'agir en relation avec la dia- conie épiscopale. Autrement dit, accomplit-il sa mission de pasteur, animé d'un réel desir de servir ses frères et ses fils confiés à sa sollicitude ? Ses attitudes concrètes traduisent- elles un tel désir ? Ceux dont il est le pasteur ont-ils la conviction de trouver en lui un véritable serviteur ? Et, au fond de son coeur, il ne peut manquer de se poser la question la plus pressante : est-il parfaitement sensible, à tout moment et en toute circonstance, à sa responsabilité, quelque lourde qu'elle puisse être, de maître et de pasteur ? S'efforce-t-il d'exercer son autorité dans un esprit de service, mais sans abdiquer la vérité, même si cela comporte des sacrifices ?


5. Maîtres et prédicateurs

« Parmi les charges principales des évêques — lisons-nous aussi dans Lumen gentium —, la prédication de l'Évangile est la première » (n° 25). C'est une caractéristique de l'ec- clésiologie de Vatican II que cette priorité accordée à la fonction épiscopale de la prédication. « Les évêques, ajoute le Concile, sont, en effet, les hérauts de la foi, qui amènent au Christ de nouveaux disciples ; et les docteurs authentiques, c'est-à-dire pourvus de l'autorité du Christ, qui prêchent au peuple à eux confié, la foi qui doit régler sa pensée ; les évêques qui enseignent en communion avec le Pontife romain ont droit, de la part de tous, au respect qui convient à des témoins de la vérité divine et catholique. » (Ibid.)

Le Peuple de Dieu a besoin d'évêques bien conscients de cette mission et s'y adonnant assidûment. Les croyants, pour progresser dans leur foi ; ceux qui sont en proie au doute, pour trouver fermeté et sécurité ; ceux qui se sont peut-être éloignés, pour vivre à nouveau leur adhésion au Seigneur.

L'évêque doit rendre un tel service à la vérité et à la foi chrétiennes, sans ambiguïté. C'est pourquoi je me réjouis de ce que ce service de la foi, comme objectif prioritaire de votre Conférence pour les prochaines années, ait été choisi comme thème par vos dernières assemblées plénières.

À ce propos, une partie importante de la fonction épisco- pale consistera aujourd'hui à appliquer correctement, sans déviation par défaut ou par excès, les enseignements du dernier Concile oecuménique. En tenant compte des indications apportées par les documents pontificaux postérieurs et, tout particulièrement, ceux qui sont comme le fruit des travaux de chaque Synode des évêques.

Sans angoisses, sereinement, mais avec la vive conscience d'un devoir allant de pair avec la mission reçue de Dieu et portant le sceau de la consécration épiscopale, chaque évêque doit se laisser interroger intérieurement par les actes qui traduisent un tel devoir : l'attention, l'esprit de foi et d'amour avec lesquels il annonce la Parole de Dieu ; l'importance accordée aux Lettres pastorales, en essayant de les rendre non seulement substantielles, mais encore adaptées au langage de l'homme d'aujourd'hui, compréhensibles et attirantes ; la manière dont il utilise les moyens de communication sociale pour qu'elles soient de vrais multiplicateurs de la parole humaine et le véhicule de la Parole de Dieu ; les relations qu'il maintient avec les théologiens, que ce soit pour les animer, ou, le cas échéant, pour les aider à rectifier d'éventuelles déviations.

Heureux l'évêque qui, à partir des réponses sincères à ces questions, peut tirer, sinon des motifs de pleine satisfaction, du moins des raisons de sérénité ; la sérénité d'un devoir accompli sans peur, sans découragement, sans trêve.

Un domaine important où doit s'appliquer votre service envers la foi est celui de la recherche théologique et de l'enseignement des sciences sacrées. Vous avez une grave responsabilité pour que soient respectées la vérité de la doctrine et sa transmission, en accord avec le magistère.

En conséquence, vous ne pouvez vous désintéresser des publications théologiques et morales qui ont tant d'influence sur la foi du peuple.

Je sais que vous avez conscience de votre responsabilité à l'égard de cette mission. Je sais que vous veillez de même à la sauvegarde de la saine doctrine dans la catéchèse et dans les textes religieux destinés aux écoliers. Ne relâchez pas votre effort. C'est de cette sollicitude que dépend pour une bonne part la formation chrétienne des jeunes et des adultes.

Je sais que vous êtes sensibles aux problèmes que doit affronter votre peuple et que vous connaissez bien. Je demande à Dieu que votre zèle pastoral se sente toujours poussé à affronter avec une foi lucide — tout en restant respectueux de la juste autonomie de l'ordre temporel — les questions doctrinales et morales que, à chaque période de l'histoire, doivent affronter les croyants.

En effet, les chrétiens ne peuvent laisser leur foi de côté au moment de collaborer à la construction de la cité temporelle. Ils doivent faire entendre leur voix, en cohérence avec les valeurs auxquelles ils croient et dans le respect des convictions d'autrui. Il suffit de penser à la défense et à la protection de la vie dès sa conception, à la stabilité du mariage et de la famille, à la liberté de l'enseignement et au droit de recevoir l'instruction religieuse dans les écoles, à la promotion des valeurs qui moralisent la vie publique, à l'implantation de la justice dans les relations du travail. Ce sont là des domaines des plus importants — parmi d'autres — que vous, évêques, ne pouvez manquer d'éclairer à la lumière chrétienne. En effet, là où se trouve l'homme en proie à la douleur, à l'injustice ou la violence doit s'élever la voix de l'Église avec sa charité vigilante et avec l'action des chrétiens.


6. Au service de l'unité

Chaque évêque est, dans son Église particulière — comme le dit Lumen gentium —, « principe et fondement visible de l'unité » (n. 23).

Parmi les traits essentiels de la physionomie de l'évêque, c'est le premier que le Concile a voulu souligner. Et, ce faisant, il est en parfaite cohérence avec sa propre doctrine ec- clésiologique. En effet, s'il est certain que l'Église est sacrement de communion, il est naturel que l'évêque soit avant tout serviteur, organisateur, promoteur et défenseur de l'unité dans l'Église.

Ce service humble et perséverant de la communion est sans nul doute le plus exigeant et le plus délicat, mais aussi le plus précieux et le plus indispensable. C'est là, en effet, servir une dimension essentielle de l'Église et la mission de celle-ci dans le monde. Cette communion n'est pas une simple coïncidence avec des faits statistiquement contrôlables, mais elle est avant tout unité dans le Christ et dans sa doctrine : dans la foi et dans la morale, dans les sacrements, dans l'obéissance à la hiérarchie, dans les moyens communs de sainteté et dans les grandes normes de discipline, selon le principe bien connu de saint Augustin : in necessariis uni- tas, in dubiis libertas, in omnibus caritas.

Cette profonde unité vous permettra en outre d'intensifier l'utilisation conjointe des forces, pour que les prêtres, les religieux, les membres des instituts séculiers, les groupes apostoliques et les petites communautés agissent toujours unis entre eux et dans cette claire coordination des énergies que requiert la bonne marche des Églises locales ; pour que ces dernières, sans cesser de se préoccuper de leur propre problématique ne se referment jamais sur elles-mêmes ou ne perdent jamais de vue la perspective universelle de l'Église.

Mais, surtout, cette unité devra vous conduire à la nécessaire concorde dans des domaines aujourd'hui davantage exposés à la dispersion : dans la prédication touchant la morale familiale, dans la nécessaire observance des normes liturgiques qui règlent la célébration de la messe, le culte eucharistique ou l'administration des sacrements. À ce propos, je voudrais rappeler la correcte application des normes concernant les absolutions collectives, en évitant les abus qui pourraient s'y introduire.

Nous qui avons été placés par le Seigneur comme les garants de la communion ecclésiale, nous ne pouvons manquer de nous interroger chaque jour sur la manière dont nous vivons et exerçons une telle mission, pour savoir : si nous avons toujours une vive conscience de notre devoir de construire l’unité ; si nous nous rendons compte du fait que préserver l’unité, parfois au milieu de conflits, ce n’est pas satisfaire avec habileté les parties en litige, mais les conduire par des chemins évangéliques vers la réconciliation, la compréhension mutuelle et, enfin, une communion renouvelée, comme fruit d’une recherche, peut-être difficile, de la vérité dans la charité, si nous nous efforçons de nous situer au-dessus des factions avec le sens de l’équilibre qui s’impose, sans que cela signifie une commode neutralité, afin de pouvoir attirer les uns et les autres vers l’unique et véritable principe d’unité ecclésiale ; si nous savons être patients et larges d’esprit, persévérants et pleins d’abnégation dans la recherche de l’unité.


7. Pasteurs dévoués et vigilants

Parmi tant de paroles lumineuses du Concile aux évêques, je ne puis manquer de lire celles-ci avec vous : « Envoyé par le père de famille pour gouverner les siens, l’évêque doit garder devant ses yeux l’exemple du Bon Pasteur. Pris parmi les hommes et enveloppé de faiblesse, il peut se montrer indulgent envers les ignorants et les égarés. Destiné à rendre compte à Dieu de leurs âmes, que sa sollicitude s’étende, par la prière, la prédication et toutes les oeuvres de charité » (Lumen gentium, LG 27).

Il est très significatif que le Concile appelle l’évêque, en unissant deux termes apparentés, Père et Pasteur. En effet, c’est lui qui doit marcher à la tête de ses fidèles avec une affection de père et une sollicitude de pasteur. Pour indiquer les sentiers, prevenir les dangers ou protéger contre les embûches.

Dans cet esprit, il s’efforcera de connaître dans la mesure du possible chacun de ceux qui lui sont confiés et de conduire tous ses fidèles vers une participation toujours plus active et personnelle à la vie de l’Église particulière.

Quand, pour remercier Dieu de son service pastoral ou pour être encore plus fidèle à celui-ci l’évêque examine sa propre vie et sa propre activité, il ne pourra manquer de se poser à lui-même les questions qui reflètent le mieux son engagement de fidélité envers Celui qui l’a appelé et de don de soi à ceux qui lui ont été confiés.

Cela dans le but de s’assurer qu’il a toujours, à l’égard de ceux que le Père lui a confiés, un coeur de père ; qu’il unit toujours l’autorité qui lui vient de Dieu à la bonté, à la mansuétude et à la compassion ; qu’il exerce comme il convient sa mission de père et de pasteur auprès des prêtres, des religieux, des laïcs, hommes et femmes, adultes et jeunes, savants et illettrés, riches et pauvres ; qu’il s’efforce, à travers un intime contact avec le Bon Pasteur, de renouveler son esprit pastoral en se préparant à de nouvelles initiatives et de progresser dans les qualités exigées de celui dont la mission est de faire paître un troupeau qui n’est pas le sien, mais celui de Jésus-Christ.

Chers frères : Tandis que, dans une union fraternelle, nous méditions et nous laissions interpeller sur notre commune vocation dans l’Église, je ne pouvais manquer de rendre grâces à Dieu pour votre effort dans cette direction. Et, en même temps, je demande au Prêtre suprême, Jésus, de vous accorder d’abondantes grâces qui vous soutiennent dans votre difficile ministère et dans votre profond amour de l’Église.

Votre pays, qui fait l’expérience d’une transition socioculturelle d’envergure et cherche de nouveaux chemins de progrès ; qui désire la justice et la paix ; qui craint, comme les autres, la perte de son identité, ce pays, et surtout l’Église qui y est en marche vers le Père, rendront infiniment grâces à Dieu s’ils trouvent toujours en vous des maîtres, des pères, des guides, des pasteurs, des animateurs spirituels comme les a décrits le Concile.

8. Frères : Il nous faut conclure cette rencontre. Et je le fais en lançant un vibrant appel à l’espérance. Cette espérance qui veut être mon premier message à l’Église d’Espagne. En effet — laissez-moi le dire —, en dépit du clair-obscur, des ombres et des aléas du moment présent, j’ai confiance en l’Église d’Espagne et espère beaucoup d’elle. J’ai confiance en vous, en vos prêtres, religieux et religieuses. J’ai confiance dans les jeunes et dans les familles, dont les vertus chrétiennes doivent être, comme dans le passé, un vivier de vocations.

Une Église qui est capable d’offrir au monde une histoire comme la vôtre, et la canonisation — le même jour — de fils aussi exceptionnels et universels que Thérèse de Jésus, Ignace de Loyola et François Xavier (et tant d’autres encore, avant et après) n’a pu épuiser sa richesse spirituelle et ecclésiale. Une preuve de continuité est la prochaine béatification de Soeur Angela de la Croix.

C’est dans cette confiance que je vous exhorte à guider, demain encore, votre troupeau comme vous l’avez fait à certaines heures ; à marcher toujours devant lui en donnant l’exemple, afin de lui apporter, en toute circonstance, la sécurité et un nouveau courage.


9. Un motif particulier d’espérance est, pour moi, la solide dévotion que ce peuple, avec ses pasteurs à sa tête, professe en privé et en public à l’égard de la Mère de Dieu, notre Mère.

Vous appartenez à une terre qui a toujours su défendre avec foi, science et piété, les gloires de Marie ; depuis sa Conception immaculée jusqu’à sa glorieuse Assomption au ciel avec son corps et son âme, en passant par sa perpétuelle virginite. N’oubliez pas ce trait qui est vôtre. Tant qu’il sera votre marque de distinction, vous êtes en bonnes mains. Vous n’avez rien à craindre.

Que Jésus, modèle achevé des pasteurs, Fils de Marie, vous aide toujours. Je vous bénis en son nom du fond du coeur.






Novembre 1982




Discours 1982 - Discours devant l’Académie pontificale des sciences - 23 octobre