Discours 1985 - Namur - Samedi 18 mai 1985

DISCOURS DU PAPE JEAN-PAUL II AUX FIDÈLES DE L'ISLAM

Bruxelles - Dimanche 19 mai 1985


Chers Frères et Soeurs fidèles de l’Islam,

Cette occasion de vous rencontrer est une joie pour moi. Comme chef spirituel de l’Eglise catholique, j’ai eu bien d’autres possibilités d’accueillir des Musulmans à Rome ou de leur rendre visite en divers pays au cours de mes voyages.

Chrétiens et musulmans, nous nous rencontrons dans la foi au Dieu unique, notre créateur, notre guide, notre juge juste et miséricordieux. Nous nous efforçons tous de mettre en pratique dans notre vie quotidienne la volonté de Dieu, suivant l’enseignement de nos Livres saints respectifs. Nous croyons que Dieu transcende notre pensée et notre univers et que sa présence d’amour nous accompagne chaque jour. Dans la prière, nous nous mettons en présence de Dieu pour l’adorer et lui rendre grâce, pour demander pardon de nos fautes et obtenir son aide et sa bénédiction.

C’est en Belgique que nous nous rencontrons aujourd’hui, un pays qui a une longue tradition d’hospitalité à l’égard des personnes d’appartenances religieuses différentes, et dont la législation assure la liberté du culte et de l’éducation. Nous savons que cela ne résout pas tous les problèmes, d’ailleurs communs à l’ensemble des immigrants. Cependant, les difficultés elles-mêmes doivent inciter tous les croyants, chrétiens et musulmans, à mieux se connaître, à dialoguer pour trouver la manière pacifique de vivre ensemble et de s’enrichir mutuellement. II est bon de se connaître en acceptant ses différences, de surmonter les préjugés dans le respect mutuel, de travailler pour la réconciliation et le service des plus humbles. C’est là un dialogue fondamental que tous doivent mener dans les quartiers, dans les lieux de travail, à l’école. C’est le dialogue qui convient à des croyants qui vivent ensemble dans une société moderne et pluraliste.

Il ne nous est pas donné de former une communauté unique; c’est là une épreuve qui nous est imposée. Face à cette situation, permettez-moi de reprendre une consigne de l’Apôtre saint Paul: “Que ceux qui ont placé leur foi en Dieu, aient à coeur d’exceller dans la pratique du bien” (Cfr. Tit Tt 3,8). C’est ce type d’émulation qui peut bénéficier à toute la société) surtout à ceux qui ressentent le plus vivement le besoin de justice, de consolation, d’espérance, en un mot ceux qui ont besoin de raisons de vivre. Sachons collaborer fraternellement, cela nous rapprochera de la volonté de Dieu.


SALUT DU PAPE JEAN-PAUL II AUX HABITANTS DE LIÈGE

Dimanche 19 mai 1985


Chers habitants de Liège,

On dit de votre ville qu’elle est la “Cité ardente”. N’est-elle pas à l’image de son bon peuple, réputé accueillant, prompt à l’enthousiasme, boute-en-train et le coeur sur la main?

Pour ma part, je vous remercie de votre chaleureux accueil. L’Evêque de Rome salue les Liégeois et les Liégeoises assemblés place Saint-Lambert sur les vestiges gallo-romains qui témoignent de l’ancienneté de leur histoire, et à l’endroit où l’évêque saint Lambert a versé son sang.

Je salue Liège, “Fille de l’Eglise romaine”, terre de la foi en Jésus-Christ. C’est chez vous qu’est née la Fête-Dieu, bientôt répandue dans l’Eglise universelle, et qui nous invite toujours à l’adoration du Seigneur présent dans le Saint-Sacrement. Terre aussi de l’attachement affectueux et confiant à la sainte Vierge Marie. Vous la vénérez dans vos églises, d’Outremeuse à Saint-Martin, et notamment à Banneux, mais vous l’avez voulue aussi présente à votre vie quotidienne par les nombreuses “postales” que vous avez érigées dans vos ruelles. Je rends grâce à Dieu également pour le dynamisme de votre foi qui a poussé de nombreux fils et filles de votre pays à porter au loin la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, y compris dans mon pays natal dès le XIe siècle.

Je salue, au milieu de vous, mon Frère dans l’épiscopat, Monseigneur Guillaume-Marie van Zuylen, avec tous ceux, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes, laïcs, qui coopèrent à la mission de l’Eglise, en ce diocèse marqué dans les temps modernes par l’industrialisation. Et je tiens à évoquer la mémoire du grand pasteur qu’a été Monseigneur Louis-Joseph Kerkhofs.

Je salue les responsables civils de la cité et de la province de Liège qui ont tenu à honorer ma visite.

Je salue Liège, éprise de liberté et de démocratie, profondément attachée aux valeurs humaines. “Fille de la Meuse” et proche des frontières, elle est ouverte sur le monde, invitée à demeurer fraternelle et accueillante.

Ses savants, ses artistes, ses musiciens, ses écrivains ont fait d’elle un haut lieu de la culture européenne. Le courage et le savoir-faire de ses ouvriers et artisans, mineurs, forgerons et orfèvres, ont fait sa renommé et l’ont conduite à la pointe du progrès industriel.

Durement confrontés aujourd’hui à la crise, notamment du charbon et de la sidérurgie, vous vous engagez dans une phase de renouvellement, héritiers de la détermination et de l’ingéniosité de vos ancêtres qui surent sortir vainqueurs de tous les bouleversements qu’a connus votre cité au cours de son histoire millénaire. Je viens à Liège, précisément pour découvrir et encourager les nombreuses initiatives des hommes et des femmes de votre pays résolument engagés dans la construction d’un monde plus juste, plus fraternel, plus heureux, plus conforme au plan de Dieu. Je vais maintenant rencontrer les représentants de ce laïcat.

Mais à tous les habitants de Liège et de la région, à toutes les familles, aux enfants et aux jeunes, et spécialement aux malades, aux handicapés et à tous ceux qui connaissent l’épreuve, j’offre mes voeux cordiaux. Je demande au Seigneur de vous réconforter, de vous inspirer dans vos responsabilités, de vous bénir, de vous combler de sa paix et de sa joie!



RENCONTRE DE JEAN-PAUL II AVEC LES RESPONSABLES DES MOUVEMENTS LAÏCS

Liège (Belgique), Dimanche 19 mai 1985



Chers Frères et Soeurs,


1. En vous accueillant ce soir dans la « Cité ardente », je porte au coeur une grande joie et une profonde espérance. Nous sommes assemblés pour découvrir ensemble — et chacun selon ses possibilités — le message proposé par la demande du Pater: Que ton règne vienne. Au terme de ce dimanche, jour de la Résurrection, je souhaite avec ardeur que cette rencontre du laïcat engagé avec le successeur de Pierre renforce votre conviction d'être des témoins de la Résurrection et que le Seigneur vous en rende capables par la force de son Esprit. Elle est pour vous aussi, cette parole du Ressuscité aux Apôtres: « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). C'est à travers l'accomplissement de vos tâches quotidiennes et dans la diversité de vos engagements humains et chrétiens que vous êtes appelés à oeuvrer pour l'avènement du Royaume de vérité et de vie, de sainteté et de grâce, de justice, d'amour et de paix.

L'annonce du Règne de Dieu a tenu une grande place dans le message et la vie du Christ Jésus. Il le présente comme une Bonne Nouvelle, un joyeux avènement, et il en offre les premiers signes de réalisation en guérissant les corps, en amenant les esprits à la lumière, en libérant les coeurs de l'esclavage du péché et du mal, en réintégrant les exclus dans la communauté, en ouvrant à tous le chemin du pardon, de l'espérance, de l'amour fraternel, en révélant la proximité et l'amour de Dieu le Père.

Avec la résurrection du Christ, ce règne devient, en un sens, actuel, le nouveau monde est inauguré et cependant il demeure encore l'objet de notre espérance. Il y a encore à attendre l'intervention définitive de Dieu dans notre histoire, dans notre univers. A la question si souvent reprise aujourd'hui: « Dieu, pour quoi faire? », la Bible n'hésite pas à répondre: pour faire justice. Et dans cette idée de justice, il faut inclure les espoirs de salut et de paix, de lumière et de vie qui soutiennent toute l'histoire du peuple de Dieu. La venue du Règne demeure donc l'objet de nos aspirations et de notre supplication: « Viens, Seigneur Jésus » (Ap 22,20). Il serait cependant trop simple de se cantonner dans une attente passive ou de fuir les problèmes du monde. Les laïcs ont à chercher partout et en tout la justice du Royaume de Dieu (Cfr. Apostolicam actuositatem AA 7).



2. Oui, Dieu a voulu que ceux et celles qui habiteraient la Cité nouvelle aient à participer à la construction du Royaume, à en devenir d'authentiques artisans. Il en résulte que le Règne de Dieu se développe selon une lente maturation, à la manière du grain qui germe dans la terre ou du ferment qui fait lever la pâte. Parce que Dieu fait appel à la liberté humaine et en respecte les générosités et les pesanteurs, il n'y a rien d'étonnant à ce que cet avènement prenne du temps, connaisse des étapes, des avancées et, hélas, des reculs et cependant, cette marche conduit toute l'humanité vers un accomplissement définitif, un bonheur plénier. Pour le chrétien, le temps possède donc une densité réelle, il représente une chance de fécondité. La vie de chaque homme, la vie de l'humanité dans son ensemble a un but, un terme, une finalité, parce qu'elle est préparation au retour du Seigneur et à l'avènement de la Royauté universelle de Dieu.

Après vingt ans, les grandes orientations apportées par la constitution « Gaudium et spes » sur le devenir de la communauté humaine à la lumière du Royaume de Dieu gardent toute leur valeur. Les questions abordées par ce document conciliaire nous intéressent autant qu'hier: l'homme et son destin, la personne et la société face à Dieu, le sens de l'activité et de l'histoire humaine, l'Eglise dans sa relation à la marche de l'histoire humaine, sans oublier les problèmes concrets posés par la famille, la culture, la vie économico-sociale, la communauté politique, la paix et les armements, la communauté des nations. Je sais que vos mouvements l'ont évoqué dans les différents stands. Si, par mes prédécesseurs et par moi-même, si par la voix des diverses conférences épiscopales — dont la vôtre —, l'enseignement de « Gaudium et spes » s'est enrichi et précisé face à des situations nouvelles, notamment certaines crises actuelles, il n'en reste pas moins vrai qu'il demeure un grand appel à la présence et à l'action de l'Eglise en ce monde. A-t-il été suffisamment entendu et mis en application? Sommes-nous même sûrs d'en avoir compris toute la portée?



3. Le Concile a donc mis en lumière cette « métamorphose » progressive de la communauté humaine en Royaume de Dieu, et le rôle que l'Eglise — et en elle chaque baptisé —, joue dans cette mystérieuse « fermentation » suscitée par l'Esprit: « L'Eglise fait ainsi route avec toute l'humanité et partage le sort terrestre du monde; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l'âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu ». (Gaudium et spes GS 40, § 2). Parler d'« achèvement » de la terre et de l'humanité, c'est envisager un passage décisif, un seuil, une nouveauté, une purification, une élévation; mais on peut dire aussi qu'il y a une certaine continuité entre le Royaume de Dieu et ce que nous faisons et accomplissons chaque jour sur terre: « Ces valeurs de dignité, de communion fraternelle et de liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de notre activité, que nous aurons propagés sur terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit, nous les retrouverons plus tard, mais purifiés de toute souillure, illuminés, transfigurés, lorsque le Christ remettra à son Père le Royaume éternel et universel » (Gaudium et spes GS 39). Ainsi donc, le Seigneur ressuscité anime-t-il, par la charité de ceux qui sont devenus ses membres, le devenir de l'humanité, vers son achèvement. Notre monde est un univers tumultueux et soumis à bien des contraintes et des misères, et cependant c'est à travers lui que se dessinent peu à peu les traits du Royaume définitif. Les chrétiens y ont donc un rôle à jouer pour le rendre plus authentiquement humaine, plus digne de la vocation laquelle Dieu l'appelle. Et, sur ce terrain, il y a tant de choses accomplir en solidarité avec tous les hommes de bonne volonté! L'Esprit Saint n'offre-t-il pas « à tous, d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal » (Ibid, GS GS 22)?



4. Pour l'avènement de ce Royaume, pour que notre monde d'ici-bas en devienne de plus en plus l'ébauche, la participation des laïcs est absolument indispensable et leur engagement décisif. C'est par les sacrements de l'initiation — baptême, confirmation, eucharistie — que chaque chrétien est inséré dans le peuple de Dieu, à la fois sacerdotal et missionnaire, pour participer activement et de manière responsable à la mission de l'Eglise et vivre de manière concrète un « service » chrétien, selon sa vocation particulière et ses charismes propres.

Baptisés et insérés dans le monde, tels sont les deux axes de votre condition. Votre identité est unique et indivisible: vous êtes à la fois membres de l'Eglise et membres de la société. Vous ne pouvez sacrifier ou mettre en veilleuse un de ces aspects. Votre terrain d'action est à la fois l'Eglise et le monde.

5. en néerlandais

6. …



7. Mais au-delà de ce témoignage explicite de la foi, ou plutôt à travers lui, c'est tout l'ordre temporel qu'il s'agit de renouveler, c'est l'animation chrétienne du monde qu'il faut assurer (cf. Gaudium et Spes GS 43), comme préparation du Royaume de Dieu dont nous avons parlé. « C'est le travail de l'Eglise de rendre les hommes capables de bien construire l'ordre temporel et de l'orienter vers Dieu par le Christ » (Apostolicam Actuositatem AA 7). Et sur le terrain, cette construction est l'oeuvre des laïcs.

Le Concile, voilà vingt ans, a estimé utile d'insister. La constitution « Gaudium et Spes » enjoignait aux chrétiens, citoyens de l'une et l'autre cité, de ne pas négliger leurs tâches humaines, mais également de ne pas les accomplir comme si elles étaient étrangères à leur vie religieuse, en réduisant celle-ci à l'exercice du culte ou à quelques obligations morales déterminées (cf. Gaudium et Spes GS 43, § 1). Le Concile précisait encore: « En manquant à ses obligations terrestres, le chrétien manque à ses obligations envers le prochain, bien plus, envers Dieu lui-même » (Ibid. GS GS 43). Et, désignant les laïcs, il disait: « C'est à leur conscience, préalablement formée, qu'il revient d'inscrire la loi divine dans la cité terrestre » (Ibid., GS GS 2).

Je pense que sur ce point, les laïcs ont bien progressé dans la conscience de leur vocation, et la preuve, c'est votre présence de laïcs engagés, ce soir, à Liège.



8. Le chantier est immense. Il couvre tous les secteurs de la vie. Il s'agit de « pénétrer d'esprit chrétien la mentalité et les moeurs, les lois et les structures de la communauté où chacun vit » (Apostolicam Actuositatem AA 13), et, en ce sens, de surmonter la rupture entre Evangile et culture, « d'atteindre... par la force de l'Evangile, les critères de jugement, les valeurs déterminantes... les lignes de pensée... et les modèles de vie de l'humanité » (Pauli VI, Evangelii Nuntiandi EN 19, die 8 dec. 1975: Insegnamenti di Paolo VI, XIII [1975] 1391).

Les chemins sont divers et complémentaires. L'engagement dans les différentes oeuvres catholiques — qui ont leur place normale et bienfaisante dans ce pays, comme expression originale et créatrice de la fécondité de l'amour chrétien et complémentaire des autres initiatives — ne représente pas une alternative à la présence des croyants dans les structures officielles et pluralistes où ils apportent leur collaboration selon leur conscience chrétienne, et si possible en réfléchissant avec d'autres chrétiens à leur responsabilité.

Parce que vos champs d'activité et vos responsabilités sont à la fois importants et absorbents, et votre action spécialisée, il peut arriver que les laïcs prennent leur distance, individuellement ou en groupes, les uns par rapport aux autres. Il en résulte parfois une incompréhension, voire des conflits. Il y a donc toujours un dialogue à poursuivre, une communion fraternelle à renforcer, une harmonisation à trouver entre les divers services accomplis dans le peuple de Dieu. Pour être efficace, la mission d'un chacun, la mission de chaque groupement, doit se relier à celle des autres et favoriser une coresponsabilité ecclésiale. Il doit y avoir une estime réciproque, la conviction d'une complémentarité bénéfique, d'une concertation nécessaire. Donnez le témoignage de l'unité.

N'oubliez pas non plus que rien ne remplace le témoignage de la vie chrétienne, la façon de vivre l'Evangile dans l'humble quotidien. En certaines conditions et en certains lieux, n'est-il pas le seul adapté et le seul possible? Et là, tous les baptisés, les simples chrétiens, sont concernés.

9. Dans ce rôle, vous assumez votre propre responsabilité, et vos décisions pour les initiatives à promouvoir. C'est votre mission. Tout en étant fidèle à l'inspiration du Message évangélique, aux principes et orientations de l'Eglise, un laïc peut en arriver à des jugements pratiques ou à des engagements concrets qui sont différents de ceux d'autres laïcs, chrétiens engagés. Le Concile, en insistant sur cette responsabilité propre, a aussi demandé de ne pas trop facilement présenter telle ou telle option concrète comme la seule qui soit expression du message évangélique lui-même. Il a recommandé aux laïcs de ne pas s'enfermer dans leurs choix, mais de dialoguer sincèrement entre eux, de chercher à s'éclairer mutuellement, de respecter les convictions des autres, et de garder la charité, d'avoir le souci du bien commun (cf. Gaudium et Spes GS 43, § 3), et d'attendre des Pasteurs, non pas une solution concrète et immédiate de tout problème, ni la caution officielle de telle ou telle option pratique, mais des principes sûrs, des lumières et des forces spirituelles.

C'est ce que j'essaie de faire ce soir. Je ne peux descendre dans le détail de vos engagements, pas plus que je ne veux visiter chacun des groupes. Mais mon rôle de successeur de Pierre est de vous aider à situer votre action dans celle de toute l'Eglise, à faire en sorte qu'elle soit vraiment chrétienne.



10. En fait, il vous est demandé de vous former un bon jugement chrétien, un discernement spirituel et pastoral. S'appliquant aux réalités complexes du monde, ce jugement suppose le respect des lois propres à chaque discipline et une véritable compétence. Mais il suppose en même temps que vous soyez familiarisés avec l'Evangile, que vous soyez conduits par l'esprit de l'Eglise, soumis à son Magistère, que vous ayez bien assimilé la doctrine sociale de l'Eglise, que vous soyez mûs par la charité chrétienne, que vous alimentiez votre vigueur apostolique à la prière et aux sacrements (cf. Apostolicam Actuositatem AA 7). Comme le Concile (cfr. ibid, AA AA 28-32), j'insiste auprès de vous sur cette formation du laïcat.Je suis heureux de penser que beaucoup de vos mouvements cherchent à en prendre les moyens, dans les réunions, dans les sessions, dans les retraites qu'ils proposent. Comme je le redisais récemment encore à Loreto, «les associations et les mouvements constituent un canal privilégié pour la formation et la promotion d'un laïcat actif et conscient de son rôle propre dans l'Eglise et dans le monde » (Ioannis Pauli II, Allocutio ad eos qui in urbe “Loreto” coetui ecclesiali italico interfuere habita, die 11 apr. 1985: vide supra, p. 998).



11. Nous ressentons d'autant plus cette nécessité que la tentation peut être grande de se conformer à l'esprit du monde, par souci d'efficacité ou manque de lucidité. Or ce monde, malheureusement, n'a souvent plus de réflexes vraiment chrétiens, il a laissé s'affadir le sens moral, il est influencé par l'incroyance, ou même il se durcit selon certaines idéologies. Les chrétiens d'aujourd'hui peuvent être tentés de lui emprunter ses moyens d'analyse ou ses moyens d'action, ou du moins d'accepter des compromis ambigus. Or nous devons témoigner de la vérité chrétienne, sans l'aplatir, des exigences objectives de la justice, de l'amour qui est la marque des disciples du Christ. Le dialogue apostolique part de la foi et suppose une identité chrétienne ferme.

Ici, ou là, on craint, qu'en affirmant l'identité chrétienne, on dérange ou même on blesse celui qui est incroyant ou qui ne veut pas vivre selon nos valeurs chrétiennes. Là il faut être lucide. D'une part, l'autre a toujours droit, comme personne, à notre respect et nous n'avons d'ailleurs pas à juger sa responsabilité morale ou son intention connues de Dieu seul. Chacun, croyant ou incroyant, doit être accepté à part entière comme personne dans la société. Mais le croyant doit, pour sa part, avoir des convictions claires, inspirées du message chrétien, même si, à certains moments, il est encore en recherche, en chemin, il doit tendre vers toute la vérité de l'Evangile. Ensuite, il peut et il doit affirmer ses convictions. De plus, il peut et il doit travailler à ce que les valeurs chrétiennes inspirent aussi la société. Il doit ce témoignage, ce service aux incroyants et même ce témoignage, cette offre de collaboration comporte le respect des autres qui ne sauraient se plaindre d'une pression injuste. Vous vivez ici en Belgique dans un climat de liberté qui permet ces choses. Il y a malheureusement d'autres pays où le croyant n'est pas accepté à part entiére. Et je dirais, qu'en pensant à vos difficultés propres qui sont évidentes, on peut et on doit aussi penser aux difficultés majeures que doivent expérimenter nos frères et nos soeurs dans beaucoup de pays du monde.

De toute façon l'action chrétienne dans le monde, qui veut soulever le monde à la façon du levain, n'est pas de l'ordre des moyens purement humains, encore moins de la propagande ou de la pression. Ce n'est pas une oeuvre technique, économique, politique. C'est un appel, un témoignage, un apostolat qui évangélise les personnes autant que les structures et les cultures, ou plutôt qui évangélise les structures par les personnes. Il s'agit de susciter une humanité nouvelle, et donc des hommes nouveaux. Et cela est inséparablement l'oeuvre de l'Esprit Saint auquel les chrétiens doivent prêter leur concours de façon transparente, avec le souci de leur propre sainteté.

12. ?'étant attardé un peu sur ces principes valables pour toute action du laïcat, je ne puis qu'évoquer les secteurs particuliers de cette action. Je voudrais dire du moins mon encouragement chaleureux à ceux qui s'y engagent.

Je commence par la famille. La messe de ce matin était plus spécialement consacrée aux families. Nous connaissons tous les misères qui affligent la vie familiale, mais aussi les signes d'une redécouverte de la beauté de l'amour salon le plan de Dieu. Prenez, chers amis, toutes les initiatives aptes à promouvoir les valeurs familiales: la préparation des jeunes au mariage, le sens des fiançailles, la valeur de l'engagement définitif des époux et du sacrement, la chasteté des relations conjugales, l'accueil et le respect de la vie naissante. Ce sont les assises de la société qui sont en jeu.

13. Chers enseignants et enseignantes, dans les institutions chrétiennes et ailleurs, vous avez accepté une responsabilité toute particulière, celle que vous ont confiée les parents, premiers et principaux responsables de l'éducation de lours enfants. Il vous est demandé de préparer l'avenir des jeunes, de lui donner une orientation. Votre tâche est ardue, car, plus que d'autres, vous êtes affrontés aux ambiguïtés et aux conflits de ce que notre monde actuel présente comme des valeurs. Il vous faut constamment tenir compte du vécu de vos élèves, des mutations du monde et des pédagogies. A certaines heures, il vous arrive de douter de la valeur et de l'efficacité de ce que vous accomplissez. Il est important que vous puissiez compter sur la collaboration active des parents pour constituer avec eux une vraie communauté éducative, où chaque partie est respectée et considéré? et qui accorde une attention particulière aux plus faibles et aux plus démunis. Que le souci de la réussite individuelle ne se fasse pas au détriment de la promotion des valeurs de solidarité et de partage! Vous avez un défi à relever: dispenser un enseignement qui laisse place à la réflexion en profondeur et à la recherche d'une sagesse; ouvrir le coeur des jeunes à l'Evangile; aider à réaliser de vraies communautés de vie dans la perspective chrétienne. Surtout dans le cours de religion, le témoignage sur Jésus doit être rendu avec clarté, courage et patience. Ils sont plus nombreux qu'on ne pense les jeunes qui sont ouverts à un tel message, quand il est présenté et vécu de manière authentique.

14. Je m'adresse aussi à ceux et à celles qui oeuvrent dans le monde de la santé.Dans les établissements publics ou dans le vaste réseau d'institutions que les chrétiens de Belgique ont su constituer au service des malades, des handicapés, des personnes âgées, sans oublier toute faction pastorale en leur faveur. Votre mission est d'abord et avant tout effort de présence et d'écoute, volonté de service. Vous le savez par expérience, dans votre milieu de vie, ce sont plus des gestes que des mots qu'il faut apporter, dans le sillage du Verbe qui s'est fait chair. Parce que le monde de la santé est un lieu de combat pour l'homme, un lieu où la technologie prend de plus en plus de place, il faut veiller plus que jamais à ce qua la dignité de la personne soit toujours sauvegardée et que malades et soignants aient une vraie participationdans la gestion de la santé.

15. Dans le monde de l'économie, les mutations qu'avait pressenties la constitution « Gaudium et Spes » n'on fait que se développer et s'accélérer depuis vingt ans. Mieux que d'autres, en votre pays industrialisé de longue date, vous découvrez l'impact d'une technologie de plus en plus poussée, tant dans le domains du travail que dans ce qui constitue la vie individuelle et collective. Si l'automatisation, l'informatique allègent considérablement les tâches humaines et pourraient aboutir à plus de liberté, en même temps elles mettent en péril l'équilibre de la société. Elles peuvent renforcer l'hégémonie des puissances et des lieux de décision au détriment de ceux qui sont sans voix et se sentent exclus peu à peu du monde du travail et de la participation. La montée croissante du chômage, en particulier des moins qualifiés, est un de vos premiers problèmes. Non seulement elle mérite une réflexion en profondeur, mais elle exige la mise en route d'initiatives toujours nouvelles pour y répondre et recréer une société vraiment humaine. Pour aborder ce vaste chantier et pour faire face aux problèmes de la société post-industrielle, vous disposez de nombreux atouts et vous ne devez pas laisser le pessimisme entraver votre esprit d'initiative. Votre passé le prouve, il vous invite à aller de l'avant et à espérer. Au siècle dernier, au moment de l'expansion industrielle, ce que vous appelez volontiers le sillon Sambre et Meuse n'a-t-il pas été un terrain privilégié pour des réalisations industrielles comme pour la recherche d'un meilleur équilibre social? Beaucoup de vos concitoyens, partis en divers pays, ont témoigné largement de vos capacités d'ingéniosité et de travail. Aujourd'hui, vous pouvez aussi compter sur un nombre important de chercheurs de qualité, issus de toutes les grandes écoles, sur un personnel très compétent et sur une volonté accrue chez beaucoup de relever les nouveaux défis du monde.

A tous les niveaux de l'industrie et de l'économie, il y a des responsables qui, parfois dans des situations difficiles, continuent à prendre des initiatives pour créer du travail au service du bien commun, en respectant avant tout l'homme dans ceux qui collaborent avec eux.

Tous ces efforts des responsables, des cadres, des employés, des ouvriers, ne produiront des fruits durables que si un nouvel esprit est insufflé dans la société, un esprit de profonde solidarité. N'hésitez pas à prendre toujours plus d'engagements qui créent la participation de tous et favorisent la vie associative, où chacun est vraiment responsable. N'hésitez pas à lutter contre tout ce qui ruine les assises d'une société authentiquement humaine: l'égoïsme individuel et collectif, l'exclusion des plus faibles, la seule recherche du profit matériel, du rendement. Faites tout pour que, dans le concret, soit assuré le primat de la personne sur les choses. L'homme vaut d'abord par ce qu'il est.

16. Je salue encore les laïcs chrétiens qui oeuvrent dans le domaine politique et social, à titre individuel ou en groupes. Il ne faut pas craindre en effet le rôle public que les chrétiens peuvent accomplir pour la promotion de l'homme et le bien du pays, dans le plein respect de la liberté religieuse et civile de tous et de chacun.

Vous portez au coeur le souci du développement de l'homme souci sa vérité totale, c'est-à-dire créé à l'image de Dieu et appelé devenir son fils. La société, l'Eglise, vous savant gré de tout ce que vous accomplissez dans ce but, au milieu de difficultés accrues encore par la crise qui atteint votre pays et qui renforce les antagonismes et les égoïsmes.

Il s'agit de vous mettre au service de l'homme, pour que soit respectée la dignité unique de tous et de chacun, en luttant contre toutes les formes de discrimination ethnique ou sociale. Votre pays a largement contribué à une politique d'accueil et d'hospitalité à l'égard des immigrés. Demeurez, sans la moindre réserve, fidèles à cette volonté d'ouverture et de respect de tous.

Mettez-vous au service de l'homme dans la répartition et l'utilisation des biens de ce monde, pour que soient respectées les exigences de justice et de charité.

Mettez-vous au service de l'homme pour lui procurer l'espace de liberté nécessaire à une vraie rencontre avec son Seigneur et promouvoir des relations vraies avec les autres hommes.

Mettez-vous au service de l'homme pour l'ouvrir à une Participation active et responsable à la vie politique nationale et internationale.

Aidez vos compatriotes à se sentir solidaires des pays de la faim et du sous-développement, de ceux qui luttent pour le respect de leurs droits fondamentaux, de ceux qui oeuvrent vraiment pour la paix entre les nations.

Chers amis, tout ce que vous faites ainsi pour un monde plus humain, selon la ligne de « Gaudium et Spes », dans vos milieux sociaux et professionnels, au niveau des mentalités et des structures de la société, est un témoignage rendu à l'Evangile. C'est un témoignage d'Eglise, accompli en union avec vos évêques et avec le successeur de Pierre. C'est une contribution au règne de Dieu demandé dans le Notre Père. Qua l'Esprit Saint vous donne sa lumière et sa force! De tout coeur, je vous bénis.




RENCONTRE AVEC LES CORPS CONSTITUÉS ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

Bruxelles, Lundi 20 mai 1985


Sire, Mevrouw,

Dames en Heren,

1. en néerlandais

2.

3.



4. Quels que soient les problèmes délicats à résoudre à l'intérieur — auxquels s'ajoutent les difficultés de la crise et des mutations économiques —, la Belgique, pas plus que l'Europe, ne saurait vivre repliée sur elle-même. Et là encore, il me plait de relever dans l'histoire l'intérêt que des hommes et des femmes de cette nation ont continuellement manifesté pour les pays des autres continents. Les motivations on pu être diverses, et doivent être resituées dans leur époque: esprit d'aventure, de conquête, d'entreprise économique et commerciale, souci de rayonnement culturel, esprit missionnaire.

Pour ce qui est de l'oeuvre missionnaire, elle a voulu être un partage désintéressé de la foi: nul en effet n'en est propriétaire mais, l'ayant reçu par grâce, chacun doit contribuer à la proposer, avec l'Eglise, à toutes les nations. Or le service missionnaire de ce pays demeure impressionnant par le nombre et la qualité des prêtres, religieux, religieuses et laïcs balges qui ont consacré leurs forces à l'évangélisation en Afrique, mais aussi dans le Grand Nord de l'Amérique, en Amérique latine, en Chine, en Inde, et ailleurs encore. Les représentants de ces pays, ici présents, pourraient en témoigner.

Oui, des Belges ont eu une influence, un rayonnement, sans proportion avec les dimensions de leur territoire. Il me plaît de souligner leurs mérites, leur ouverture à l'universel; aujourd'hui, un tel engagement ne peut être vécu que comme un service et un échange réciproque entre des nations soeurs, entre des Eglises soeurs.



5. Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite à tous de faire en sorte que la solution des problèmes intérieurs, comme l'action à l'extérieur, s'inscrivent dans un grand dessein humain. On ne peut se laisser absorber par la recherche de compromis ou d'équilibres qui assurent une paix précaire, dans le dosage des intérêts particuliers. Il y a un certain nombre de principes qu'il vous appartient à tous de mettre en oeuvre dans une sincère concertation, parce qu'il s'agit de biens essentiels qui fondent la valeur de toute société et de la communauté mondiale. Ils concernent ceux qui ont des responsabilités dans ce pays, et tout autant les membres du Corps Diplomatique. J'ai d'ailleurs souvent l'occasion de revenir sur ces principes éthiques. Je me contenterai d'en énumérer un certain nombre, ne doutant pas que votre conscience n'y donne déjà son adhésion.

D'une façon générale, il nous faut promouvoir une certaine conception de l'homme qui fonde un authentique humanisme. Il faut refuser que la personne humaine subisse des réductions indues, devienne en quelque sorte un objet, dans une vision matérialiste qui ne voit que sa valeur économique ou qui accepte de la sacrifier comme un moyen, de la manipuler de multiples manières. Et it en est de même pour ce qui est de la dignité de chaque peuple.

Le principe fondamental sera toujours la dignité de la personne humaine, le respect de ses droits fondamentaux, inaliénables, que la plupart de nos contemporains invoquent mais qui sont en réalité bien malmenés en un certain nombre de régions de la terre. Ces droits comprennent naturellement le respect de la vie humaine, à tous les stades de son développement, de la conception à la vieillesse, et aussi le respect de l'embryon humain qui ne peut être soumis à des expérimentations comme un objet. Ces droits concernent aussi la dignité de la vie, c'est-à-dire les possibilités matérielles de vivre décemment, mais aussi la liberté de l'esprit, des opinions, des convictions et des croyances, dans la mesure où elles-mêmes respectent les autres. Cela suppose le bannissement de la torture, des internements et des autres procédés dégradants pour des délits d'opinion. La dignité requiert notamment que l'on n'entrave pas la conscience, la religion et la pratique de sa religion, avec ce que cela comporte de moyens de se former à la foi et de participer au culte, dans des communautés de soutien. La dignité, c'est encore le refus de toute compromission avec le terrorisme qui utilise la vie et les biens de personnes innocentes comme moyens, et cela quels que soient les motifs qu'il invoque; it faudrait absolument mettre le terrorisme au ban de l'humanité, grâce à un consensus loyal de tous les pays. La dignité, c'est la recherche d'une solution équitable pour les réfugiés qui ont dû quitter leur pays pour des raisons de guerre ou d'intolérance politique et qui vivent en grand nombre, à l'écart, dans des camps et souvent dans un abandon intolérable. La dignité enfin, c'est évidemment l'élimination de toute discrimination raciale et le respect de la culture des divers groupes humains.

Je ne doute pas que de telles convictions, simples et fondamentales, ne soient partagées par tous ceux qui m'écoutent ici, surtout en ce pays de Belgique épris de liberté. Je le dis parce que c'est ma mission de rappeler, devant l'humanité, ces principes intangibles, et je souhaite que vous puissiez vous-même contribuer à promouvoir ces exigences dans le monde, avec les moyens dont vous disposez.

Mais it ne s'agit pas seulement de refuser la violence, ou ce qui lèse de façon flagrante les droits fondamentaux. Il s'agit d'entreprendre des actions positives qui expriment notre solidarité pour aider les hommes à répondre à leurs besoins profonds; et il s'agit de les éduquer à cette solidarité. Il nous faut promouvoir, par example, les valeurs de la famille, aider les foyers à être stables, unis, accueillants à la vie; veiller à l'éducation des jeunes à l'amour humain authentique, veiller aussi à ce qu'ils ne s'enferment pas dans un comportement hédoniste et individualiste mais comprennent le sens positif de la liberté, des responsabilités et ce que requiert le bien commun. Sur le plan social, il faut tout faire pour que le progrès économique demeure au service de l'homme et non l'inverse. Dans chaque pays, il y a des initiatives à prendre pour venir au secours des chômeurs, des marginaux, de ceux qui sont victimes de conditions de vie trop précaires, pour protéger les faibles, pour que les travailleurs immigrés aient leur place dans la société. La Belgique connait bien ces problèmes, elle qui a généreusement accueilli beaucoup d'étrangers.

Et si l'on regarde vers les autres pays, it est évident qu'il faut s'employer à réduire les disparités criantes entre le nord et le sud de l'humanité, mettre en oeuvre une solidarité effective avec les pays qui souffrent de la faim dans un dénuement complet de moyens de subsistance et de soins médicaux.

Pour réaliser cette entraide internationale et en même temps sauvegarder la paix, en écartant la menace de graves destructions, it faut fortifier le consensus des nations, pour réduire la course aux armaments, réduire notamment les investissements dans les armes de destruction massive. Il faut encore assayer de remédier à la situation d'un monde scindé en plusieurs blocs trop hermétiques, pour des raisons d'idéologies. Et comment prendre son parti des guerres qui se poursuivent ici et là de façon absurde, avec leur cortège de ruines et de morts? Aujourd'hui comment ne pas penser entre autre au Liban ballotté depuis tant d'années entre la peur et l'espoir, pendant que des innocents continuent à subir les menaces, l'exil ou les massacres. Etant donné la solidarité qui lie aujourd'hui les partenaires de la communauté mondiale, chaque pays est interpellé pour faire ce qui est en son pouvoir afin d'amener les peuples à la sagesse, de les convaincre de renoncer à s'imposer par la force et de chercher des solutions négociées dans la justice.

6. Tout ce que je viens de souligner pour améliorer le sort de l'humanité dépasse bien sûr les compétences et les responsabilités de chacun d'entre vous pris individuellement, et sans doute aussi de chacun de vos pays. Mais ce sont des objectifs que tous les hommes de bonne volonté doivent sans relâche désirer, rechercher, non pas seulement au niveau des discours, mais par des actes concrets qui en préparent la réalisation. Ce sont des principes éthiques qui tracent le chemin obligé d'un humanisme plénier et de la paix véritable, qui correspondent au dessein de Dieu sur le monde. Ce qui est directement en votre pouvoir, ce sont des mesures politiques, à l'intérieur de chacun de vos pays ou dans les communautés qui vous regroupent, ce sont du moins des suggestions de mesures politiques, ou encore des mesures administratives, ou enfin la part que vous prenez à l'éducation, dans l'enseignement ou les médias. Cependant, vous savez bien que la volonté politique, si généreuse soit-elle n'est effective que si elle repose sur une opinion publique préparée, et, disons-le, sur un consensus des consciences. En ce domaine, le monde n'a-t-il pas besoin d'un nouveau souffle, d'un supplément d'âme?

- en allemand -



Discours 1985 - Namur - Samedi 18 mai 1985