Discours 1983 - Vendredi, 18 mars 1983


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE FRANCE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 21 mars 1983




Monsieur l’Ambassadeur,

Je suis très touche des propos que vous venez de tenir et j’apprécie hautement la généreuse conception que vous avez de l’action du Saint-Siège, de la vocation de votre noble Pays et des buts humanitaires que la France entend poursuivre. Votre témoignage est presque un programme, dont nous souhaitons évidemment, les uns et les autres, la pleine réalisation. Vous y contribuerez, pour votre part, dans ce rôle d’Ambassadeur de France pas le Saint-Siège que vous inaugurez aujourd’hui, après d’illustres prédécesseurs.

1. La France! Votre Excellence en a évoqué le passé chrétien, je pourrais dire, les fibres chrétiennes de son histoire, et je vous en remercie. Je suis moi-même très sensible aux origines de votre nation - la première, dans le monde qui succédait à l’Empire romain, à accepter officiellement la foi et le baptême - et je me réfère plus encore à cette tradition quasi ininterrompue d’attachement à l’église, de vitalité spirituelle souvent intense et toujours renouvelée, avec l’éclosion de nouvelles initiatives, de nouveaux foyers d’influence, de centres universitaires, de théologiens, de familles religieuses, d’apôtres de la charité, de missionnaires intrépides, de saints et de saintes donnés en exemple à toute l’église. Cette foi, parfois bouleversée ou déviée, mais toujours renaissante, n’a pas seulement laissé son empreinte dans les monuments et oeuvres d’art admirables du passé, mais aussi, et encore maintenant, dans les mentalités, les habitudes et les idéaux humains, même lorsque ceux-ci semblent s’être détachés d’elle. Mon court voyage dans votre Pays m’a fait toucher du doigt cette France profonde, comme d’ailleurs les pèlerinages qui viennent ici.

Ce disant, je n’oublie pas tous les autres sujets de renom et de fierté de votre peuple, au plan civil, dans les domaines littéraires, scientifiques, sociaux, floraison dont le monde reçoit également l’influence. Et c’est pour le rayonnement de ce qui constitue le meilleur de la France entière que je forme des voeux cordiaux, des voeux qui sont en même temps un espoir et un appel aux responsabilités de votre Pays au service des autres peuples.

Mais vous comprendrez que je souhaite particulièrement, et avant tout, l’essor des forces vives spirituelles de l’église en France, qui contribuent à donner une âme à votre Pays: je désire qu’elles se renouvellent et qu’elles progressent, avec les moyens dont elles ont besoin, afin d’apporter à toute votre Nation, dans le respect des consciences, leur précieuse contribution, et de poursuivre leur mission au bénéfice de l’église entière et des autres Pays qui comptent sur leur apport. Cette France-là, cette France de toujours, vous en porterez ici le témoignage, Monsieur l’Ambassadeur, tout en étant le représentant du Gouvernement qui, aujourd’hui, a la charge de conduire les destinées de la Nation et d’assurer k bien commun de tous.

2. D’autre part, vous serez ici le témoin privilégié de l’action du Saint-Siège, de ses interventions, de ses propositions, de ses voeux. Je n’ai pas à insister sur son rôle, qui est bien connu et que vous avez si bien mis en lumière. Vous avez évoqué les efforts du Saint-Siège dans les divers domaines touchant le sort des personnes et des peuples, par exemple pour le dialogue, la paix, la liberté, le respect de l’homme, le relèvement de ceux qui sont dans l’épreuve. Vous avez signalé son engagement sur le terrain, et l’universalité de sa vocation qui garantit son désintéressement et son impartialité. Je vous remercie de ce témoignage.

Nous sommes bien conscients des limites d’un tel engagement. En fait, l’action du Saint-Siège a, pour le moins, deux caractéristiques. Elle vise à susciter l’espérance; elle fait appel au libre progrès des consciences Oui, là où les hommes sont immergés dans des situations inextricables et fatigués de chercher des solutions pleinement humaines par des voies onéreuses, patientes et pacifiques, le Saint-Siège essaie de faire qu’ils se reprennent à espérer, en les convainquant que le dialogue, la paix et la justice sont encore possibles et en encourageant d’humbles commencements. Par ailleurs, son action fait appel à la persuasion des consciences, en les supposant capables de vérité et de bien.

Mais là, il ne suffirait pas au Pape, ni aux organismes du Saint-Siège, de parler, d’écrire, d’indiquer les voies du redressement; les consciences les entendent surtout à travers le témoignage des Eglises locales qui, sur le terrain, les interpellent et travaillent avec elles. C’est dire l’importance que le Successeur de Pierre attribue au soutien des évêques, pasteurs de ces Eglises. Et vous savez combien ces évêques, en votre Pays comme ailleurs, tout en cherchant l’approfondissement religieux de leurs fidèles, se préoccupent des problèmes humains inséparables d’une authentique charité: ceux du monde du travail, du monde de la santé, des marginaux; ceux de la culture; et aussi les valeurs familiales d’amour, de fidélité, de respect de la vie, sans lesquelles une société se désagrège; le souci des libertés et du respect des autres; la recherche de l’honnêteté et de l’équité; la volonté d’entraide et de partage avec le tiers-monde; et par-dessus tout les sens même de la vie à proposer aux jeunes générations.

3. Et maintenant, au niveau de la vie internationale, si l’on regarde les objectifs du Saint-Siège et ceux que veut poursuivre votre Pays, je ne doute pas qu’il y ait des convergences entre eux, et des possibilités de coopération sur les chemins de la liberté, de l’égalité des droits et de la solidarité des peuples, qui sont chers à la tradition française.

Sur la liberté, vous avez rappelé la phrase de Monsieur le Président François Mitterrand; je l’apprécie d’autant plus qu’elle a été prononcée dans un contexte qui me touche de près. On pense fondamentalement à la liberté de tout peuple de choisir et de gérer son destin. Mais la liberté est indivisible: il y a aussi la juste liberté d’expression des personnes et des groupes; il y a la liberté des consciences, que vous avez heureusement soulignée non seulement la faculté pour l’église d’organiser leur vie et leur culte de façon indépendante - ce qui est bien acquis dans les moeurs françaises - mais encore le respect témoigné en public, jusque dans les médias, pour les convictions intimes; et également la liberté des familles d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions.

Quant à l’égalité foncière entre les hommes, elle s’exprime notamment dans la façon de respecter les droits fondamentaux des personnes en toute circonstance. Je sais que les Français sont très soucieux de la défense de ces droits, y compris pour les ressortissants des autres Pays, tout comme le Saint-Siège intervient fréquemment pour demander leur protection.

La fraternité réelle, enfin, doit prendre le visage de la solidarité: solidarité des citoyens pour le bien commun de la nation, solidarité des peuples européens, solidarité des peuples de la Communauté mondiale. Vous avez évoqué l’unité de l’Europe. Cette unité, malgré les racines communes qui sont chrétiennes, s’avère difficile! Et pourtant, qui ne voit le grand progrès réalisé puisque, en une trentaine d’années, on est passé d’un nationalisme exacerbé à une collaboration en un bon nombre de domaines? Le Saint-Siège est attentif au rôle important qu’y joue la France, et il encourage vivement, lui-même, ce projet d’une Europe encore plus solidaire. Mais il souhaite aussi que cette unité, suivant en cela l’idéal chrétien qui a nourri l’Europe, ne referme pas ce continent sur ses problèmes, ni sur la situation privilégiée qu’elle connaît encore à bien des points de vue, mais qu’elle lui permette de contribuer, de façon désintéressée, au progrès des autres Pays et de leurs rapports, en particulier des Pays moins favorisés, au plan du développement économique, sanitaire et scolaire, des échanges commerciaux équitables, des échanges culturels réciproques, de la diminution des tensions entre ethnies ou entre Pays, du règlement des conflits, de la désescalade des armements, bref, de la paix au sens le plus noble et le plus profond du mot.

Voilà le rôle exaltant que les nations ont à proposer à leurs citoyens et l’église elle-même à ses fidèles! Puissent, sur ce chemin, les pas de la France et du Saint-Siège progresser dans le même sens!

Je vous saurais gré, Monsieur l’Ambassadeur, de bien vouloir remercier Son Excellence Monsieur le Président de la République du souvenir: qu’il vous a chargé de m’exprimer et des voeux qu’il forme pour l’harmonie des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, sentiments que je partage moi-même! La mission qui vous échoit pourra contribuer à réaliser ce souci commun. Je vous souhaite de la remplir de façon heureuse et fructueuse, et je vous assure que vous trouverez toujours ici la sympathie, la compréhension et l’aide que vous désirez.



AU PREMIER AMBASSADEUR DE L'ORDRE SOUVERAIN DE MALTE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 26 mars 1983


Monsieur l’Ambassadeur,

Je suis très heureux de vous accueillir désormais comme Ambassadeur. J’ai vivement apprécié vos propos évoquant l’esprit, les traditions, les engagements actuels de l’ordre Souverain de Malte. Votre souci de jeter des ponts entre les hommes atteints par la souffrance, d’être leurs bons samaritains, est un idéal qui mérite très largement le respect et l’admiration de nos contemporains, et qui vous vaut en tout cas, de la part du Saint-Siège, une sympathie toute spéciale.

Le climat que vous trouvez ici et la charge que vous assumez sont des réalités qui vous sont déjà très familières, puisque vous étiez depuis plus de quatre ans l’Envoyé extraordinaire et le Ministre plénipotentiaire à la tête de la Légation de votre Ordre. Mais l’élévation de cette Légation au rang d’Ambassade apporte à votre fonction une qualité nouvelle, et donne aux relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’ordre une importance accrue. En effet, l’ordre de Malte se distingue de manière évidente et à plusieurs titres des Etats qui sont ici représentés dans le Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège. S’il est souverain, et reconnu comme tel par le Droit international, il a une certaine universalité, étant implanté par ses Prieurés et ses Associations en beaucoup de pays fort divers. Il comporte un engagement religieux ou laïc, il est de tradition chevaleresque et militaire, et tout entier tourné, aujourd’hui, vers le service des malades et des pauvres. Et n’est-ce pas dans l’église catholique elle-même que les membres de cet Ordre indépendant puisent l’inspiration de leur service? C’est donc avec une bienveillance particulière que vous êtes reçu dans cette Maison.

L’intuition originelle de votre Fondateur, le bienheureux Gérard, qui, voici presque 900 ans, voulait secourir et soigner les pauvres pèlerins de l’hospice Saint-Jean de Jérusalem, trouve aujourd’hui sa pleine confirmation sur tous les continents. Les besoins de la chrétienté des Croisades avaient très tôt fait adjoindre à ce service hospitalier un rôle de défenseur, de type militaire, qui a laissé un grand souvenir dans l’histoire et dont les îles de Rhodes et de Malte on été tour à tour le siège, au point de qualifier L’ordre. Mais l’évolution que vous avez vous-même évoquée vous a réorientés et comme spécialisés, depuis, longtemps déjà, dans des oeuvres uniquement charitables.

On peut dire d’ailleurs qu’il s’agit là aussi d’une grande bataille, d’une noble lutte, à livrer à la détresse des malades, des lépreux, des blessés des guerres ou des catastrophes naturelles, des réfugiés, des orphelins et des pauvres de toute sorte. Non seulement vos maisons prennent en charge de tels services - hôpitaux, cliniques, dispensaires, ambulances, centres d’enfants -, mais vous voulez donner dans le monde un élan de charité, auquel beaucoup d’hommes de bonne volonté, notamment de jeunes, sont sensibles. Je sais que vous remplissez cette mission avec des moyens très modernes, comme j’ai pu le constater moi-même; vous tenez à un service de qualité, à la pointe du progrès que la Providence nous permet, notamment dans vos écoles de médecine, de chirurgie, ou vos centres de recherches.

Je vous en félicite, mais je tiens à relever surtout l’esprit dans lequel vous accomplissez cette oeuvre humanitaire. C’est un esprit chevaleresque, dans la ligne de votre grande tradition, qui met sa noblesse dans l’affrontement courageux des misères et dans l’attitude de service, ce qui requiert en soi simplicité et humilité. C’est un esprit chrétien, qui veut s’inspirer de l’Evangile et des enseignements de l’église, et dont la Croix caractéristique de Malte est l’emblème. C’est même, pourrait-on dire, un esprit religieux, puisqu’un certain nombre de chevaliers font des voeux ou des promesses qui s’apparentent aux voeux monastiques et que pour tous, la prière, la vie de foi et l’esprit des béatitudes doivent aller de pair avec l’engagement de charité.

Certes, devant la multitude des détresses actuelles, je pense par exemple aux affamés et aux réfugiés, vos actions ont un impact limité. Il vous faut demeurer ouverts aux nouvelles détresses, aux nouveaux appels, pour aller aux misères les plus urgentes. Mais ce qui compte surtout, c’est l’exemple, l’élan que vous donnez dans ce monde trop souvent fermé sur son égoïsme ou sur des soucis secondaires; et c’est la qualité des donneurs de soins que vous préparez.

Sur les chemins humanitaires que vous parcourez, vous croisez évidemment l’action de multiples institutions catholiques, et l’action du Saint-Siège lui-même, qu’il s’agisse de l’activité diplomatique, de l’oeuvre de “Cor Unum”, dans le domaine caritatif et sanitaire, ou de la participation du Saint-Siège aux travaux des Organismes internationaux pour l’amélioration des conditions de vie et la défense des droits de l’homme. Les relations qui trouvent aujourd’hui leur expression dans un cadre d’Ambassade renforceront ces liens réciproques que la nature d’activités humanitaires convergentes et le même esprit puisé dans le coeur de l’église incitent à nouer de façon plus étroite.

Je forme des voeux fervents pour que de telles relations portent tous leurs fruits. Mes souhaits vont aussi à la personne de Votre Excellence et à sa famille, à Son Altesse Eminentissime le Prince et Grand Maître Fra Angelo de Mojana di Cologna, qui vous accrédite ici comme Ambassadeur, à l’ensemble des Chevaliers et des Dames de L’ordre Souverain, Militaire et Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, à leurs familles, et à ceux qui collaborent avec eux, avec une pensée spéciale pour leurs chapelains. Sur tous et chacun, sur vos oeuvres, et sur l’ordre lui-même, afin qu’il brille toujours davantage comme un haut lieu de paix, de dialogue et de charité, en témoignage à l’Evangile, j’implore les Bénédictions abondantes de Notre Seigneur et la protection de Notre-Dame.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 28 mars 1983


Monsieur l’Ambassadeur,

Au moment ou vous remettez les Lettres vous accréditant en qualité d’Ambassadeur de la République Algérienne Démocratique et Populaire près le Saint-Siège, ma première pensée va vers Son Excellence Monsieur le Président Chadly Bendjedid. Je vous serais vivement reconnaissant de lui faire part des voeux que je forme pour sa personne et pour l’heureux accomplissement de ses hautes responsabilités au service du peuple algérien.

Vous avez bien voulu, en prononçant vos aimables paroles, évoquer l’action du Saint-Siège dans la conjoncture internationale difficile que nous connaissons. Vous avez également eu la délicatesse de mentionner le témoignage de ces chrétiens lucides et courageux qui ont su donner à leur foi un champ d’application dans leur détermination à promouvoir avec vos compatriotes - que ce soit en Algérie ou en Europe - les chemins de la solidarité effective et de la compréhension entre croyants au Dieu unique.

En cela, ils ont été aidés par les riches qualités de coeur et d’intelligence dont le Très-Haut a doté les fils et les filles d’Algérie. Ce sont d’ailleurs ces qualités qui ont permis à votre peuple, malgré l’adversité, d’acquérir rapidement, dans le concert des nations ayant obtenu leur indépendance, un prestige certain. Et je suis sur que le peuple algérien saura utiliser pour sa part cette expérience acquise à travers les souffrances d’une longue épreuve, pour travailler à établir fermement la paix et la justice là ou elles sont si nécessaires, et tout d’abord au coeur du Maghreb, mais aussi sur le continent africain tout entier.

Une telle attitude trouve son inspiration la plus féconde dans l’intime conviction des croyants, sincèrement attachés à accomplir la volonté de Dieu, et donc persuadés que celui-ci les invite à construire une communauté solidaire. Celle-ci doit être recherchée non seulement dans les multiples liens qui créent la nation, mais aussi dans ceux qui soutiennent la vie internationale. Ce dernier aspect constitue, à côté des multiples dangers qui pèsent sur l’avenir de l’humanité, une heureuse découverte de ce siècle, dont les effets se font sentir vaille que vaille. Cette volonté d’oeuvrer ensemble doit être particulièrement entretenue parmi ces nombreux peuples, parvenus à l’indépendance dans des conditions plus ou moins analogues, dans le respect des différences dues aux institutions et au génie propres de chacun d’eux.

Vous savez combien l’église catholique contribue pour sa part, partout ou se trouvent ses fils, à la réalisation tangible de tels idéaux. C’est en particulier le cas pour les communautés chrétiennes présentes en Algérie. Leur rôle est de prier pour le peuple au sein duquel elles vivent. C’est aussi d’apporter le concours de compétences et du dévouement de leurs membres aux diverses taches qui permettent d’oeuvrer ensemble en vue du développement de la société algérienne, en mettant en relief tout ce qui est authentiquement humain et spirituel. Pour cela, ces communautés chrétiennes demandent seulement que les cadres institutionnels et les moyens nécessaires au déroulement régulier des activités propres à l’église jouissent de façon stable de la protection du droit, dans le respect des lois en vigueur, de même qu’il est souhaitable qu’en jouissent les communautés musulmanes dans les pays à majorité chrétienne, dans des conditions analogues.

C’est en effet à partir des divers éléments de reconnaissance réciproque dans les réalités du droit que se mettent efficacement en place les conditions propres à favoriser un dialogue entre musulmans et chrétiens qui pourra se situer au niveau le plus profond grâce à la bonne volonté, et plus encore à la ferveur spirituelle, seule capable d’ouvrir dans le respect amical les esprits et les coeurs.

Je tiens à vous offrir mes voeux fervents pour la réussite de votre haute mission et à vous assurer, Excellence, que vous trouverez toujours dans cette maison, auprès de moi-même et de mes collaborateurs, le meilleur accueil, animé par notre souci commun de promouvoir une compréhension et une collaboration entre l’Algérie et le Saint Siège.



Avril 1983



AUX ÉVÊQUES DU ZAÏRE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Mardi, 12 avril 1983




Chers Frères dans l’épiscopat,

Je remercie le Cardinal Joseph Malula des paroles et des sentiments d’attachement confiant qu’il vient de m’exprimer en votre nom à tous, en attirant mon attention sur quelques points qui vous tiennent à coeur.

En effet, comme vous venez de le dire, en vous retrouvant maintenant à Rome, j’évoque avec une grande joie les rencontres qu’il m’a été donné d’avoir chez vous voilà presque trois ans: avec vous-mêmes, avec tout le peuple de Dieu, avec les prêtres, les religieuses, les familles, avec les Autorités civiles, avec le monde universitaire, le monde rural, avec les postes de mission. J’ai pu expérimenter la belle vitalité chrétienne de l’Eglise au Zaïre.

Et aujourd’hui, c’est vous qui me rendez en quelque sorte ma visite, comme pour fortifier le lien de votre Eglise avec celle qui est chargée, depuis les origines, de présider à la charité, à la suite des apôtres Pierre et Paul qui avaient reçu du Seigneur une mission hors pair, avant de donner ici leur suprême témoignage. Le service du Siège apostolique - avec l’autorité qui y correspond - est en effet de contribuer à ce que la foi des chrétiens demeure authentique au fur et à mesure qu’elle est annoncée, célébrée et vécue, à ce que leur unité soit sauvegardée à travers la communion des Evêques, et à ce que l’Eglise poursuive sa marche, avec l’harmonie, la sagesse, l’audace et la prudence nécessaires, au milieu des épreuves et des circonstances nouvelles.

2. Nous avons donc célébré ensemble le centenaire de la seconde évangélisation du Zaïre, de l’évangélisation décisive. Tout en demeurant lucide sur les difficultés et l’immense travail à accomplir encore, je pense qu’il faut d’abord et toujours rendre grâce à Dieu pour l’oeuvre merveilleuse réalisée par ceux qui, brûlant d’amour pour vous et pour le Christ, sont venus de loin partager avec vos pères la foi qu’ils avaient eux-mêmes reçue, et par vous-mêmes, Africains, qui avez si bien pris le relai, assumé vos responsabilités, tout en continuant à accueillir la collaboration des autres Eglises ou des congrégations religieuses. On demeure stupéfait de constater qu’en l’espace d’un siècle, tant de progrès aient été accomplis, tant d’âmes converties et baptisées, tant de communautés implantées, sur tout le territoire de votre immense pays au coeur de l’Afrique. C’est dire qu’il importe de considérer d’abord l’aspect positif de toute cette vitalité, de reconnaître avec bienveillance le mérite et les efforts de votre Eglise, l’élan de ses recherches, sa marche généralement enthousiaste - nécessairement tâtonnante en certains domaines, vu les difficultés et les imperfections provisoires -, bref, les promesses d’une jeune Eglise que l’Eglise universelle et le Saint-Siège en particulier regardent avec estime, amour et confiance, en formant pour elle des voeux fervents, dans l’espoir aussi d’un échange bénéfique et d’une entraide réciproque.

3. La seconde étape de l’évangélisation, comme je le disais à Kinshasa, sans cesser d’être celle de l’annonce missionnaire pour les milieux non encore touchés par l’Evangile, devrait être celle de la persévérance, ou, mieux, de l’affermissement de la foi, de la maturation de l’Eglise, de la conversion en profondeur des âmes et des mentalités, de l’expression typique, à tous les plans, de la foi vécue. Oui, c’est bien le but qu’il faut envisager, avant même de parler de moyens, de technique, de méthodes, de structures qui ont bien sûr leur importance: faire vivre l’Evangile, tout l’Evangile, à ces populations zaïroises.

4. C’est une oeuvre mystérieuse, qui fait appel à la grâce, à la disponibilité profonde des messagers et des destinataires de l’Evangile. L’entraînement à proposer au peuple de Dieu est un entraînement à la sainteté de vie, qui suppose une annonce, une catéchèse, une prédication, une action pastorale très adaptées aux personnes et aux milieux, mais plus encore l’exemple vécu d’une telle sainteté, dans les divers domaines que Jésus a indiquées comme typiques des moeurs chrétiennes, notamment par les béatitudes: amour, pardon, sacrifice, justice, vérité, pureté. N’est-ce pas ce que vous demandez constamment au peuple chrétien, et particulièrement à ceux qui, avec vous, ont une mission spéciale dans la communauté: prêtres, religieux, religieuses, catéchistes? Les chrétiens doivent, pour cela, garder le sens de leurs limites, de leurs faiblesses, de leurs péchés, donc de la conversion à opérer sans cesse, avec le désir de promouvoir avant tout le progrès moral et spirituel, en comptant sur la miséricorde de Dieu; sans cela, ils risqueraient l’illusion et l’hypocrisie. Mais ils doivent en même temps faire preuve d’une grande espérance, et donc d’audace évangélique: comme je le disais ici le jour de Pâques de cette année, il ne faut pas craindre de tout soumettre à la puissance du Christ à qui rien n’est impossible pour ce qui est de renouveler nos âmes, nos mentalités, nos structures de vie.

5. C’est donc cette foi authentique au Christ qu’il faut approfondir, affermir, rayonner, en en puisant la sève dans l’Eglise, le “lieu” où s’est déployée et se déploie sans cesse la puissance de l’Esprit du Christ, à travers une Tradition ininterrompue, une réflexion sur la foi qui a déjà élaboré des solutions à beaucoup de problèmes difficiles, des formes de prière et de vie communautaires qui ont fleuri en correspondance avec leurs milieux et dont l’Eglise a sanctionné la valeur. Comment une foi vraiment mûrie ainsi, profonde et convaincue n’arriverait-elle pas, dès lors, à s’exprimer dans un langage, dans une catéchèse, dans une réflexion théologique, dans une prière, dans une liturgie, dans un art, dans des institutions qui correspondent vraiment à l’âme africaine de vos compatriotes?

C’est là que se trouve la clef du problème important et complexe que vous m’avez soumis à propos de la liturgie, pour n’évoquer aujourd’hui que celui-là. Un progrès satisfaisant en ce domaine ne pourra être le fruit que d’une maturation progressive dans la toi, intégrant le discernement spirituel, la lucidité théologique, le sens de l’Eglise universelle, dans une large concertation. Il y faut du temps. La prière doit certes pouvoir jaillir des coeurs de vos compatriotes zaïrois avec` l’aisance, la chaleur, la spontanéité qui correspondent à leur culture. Ils devront en même temps comprendre toute la profondeur du rite chrétien qui doit garder sa signification originale reçue du Christ, et son lien substantiel avec la liturgie catholique, universelle. Son caractère de fête, de fête communautaire, est particulièrement vif et doit être encouragé; est-il besoin d’ajouter qu’il est inséparable, dans la liturgie chrétienne, de l’aspect de mystère qui unit la communauté et chaque personne à la Passion et à la Résurrection de son Seigneur? Tout cela, encore une fois, demande maturation et réflexion, en liaison avec les Dicastères compétents du Saint-Siège.

6. Je le disais à Kinshasa, en ce domaine comme dans tous les autres, le Saint-Siège ne vous déchargera d’aucune responsabilité; il vous invitera au contraire, il vous aidera à aller jusqu’au bout de vos responsabilités. Ce chemin passe nécessairement par la coopération, la cohésion, L’unité. Cette conviction, l’Eglise la tire de son message et de son expérience. Je le rappelais récemment encore en Amérique centrale, entre autres à Managua.

Il y a une unité à promouvoir et à parfaire au niveau d’abord de votre presbyterium, entre prêtres africains et prêtres venus des autres Eglises, religieux ou séculiers, tous appelés à coopérer à la même mission et à témoigner de l’entraide fraternelle en esprit de service; et, bien sûr, elle est fondée sur l’unité première entre chaque Evêque et ses prêtres. Cela se réalise d’autant mieux que les prêtres se sentent plus proches du Pasteur de leur diocèse qui les visite et s’enquiert de leurs opinions, et qu’ils sont prompts, par ailleurs, à accepter un Evêque nommé pour ses différentes qualités intellectuelles, spirituelles ou pastorales, même s’il est d’une ethnie différente. L’accueil d’un Pasteur venu d’ailleurs, qui cherche à s’adapter et à parler la langue, représente aussi une chance d’ouverture et un échange qui a toujours caractérisé l’Eglise catholique.

Au niveau national, je sais que votre Conférence est dotée de structures permettant un bon travail collégial.Ce travail, qui nécessite un rythme soutenu de réunions, ou au moins d’assemblées générales, doit demeurer avant tout celui des Evêques eux-mêmes avec l’aide éventuelle de secrétariats qui restent à leur service - à leur place subordonnée - et je dis: de tous les Evêques du Zaïre, surtout lorsque leur responsabilité pastorale est engagée dans de graves questions touchant la théologie, la liturgie, l’éthique familiale, les décisions dans le domaine scolaire. Cette responsabilité des Commissions épiscopales compétentes et surtout de l’ensemble de l’épiscopat permettra d’abord de mûrir les solutions à de telles questions, autrement que par des projets d’experts élaborés dans l’abstrait.

Je pense aussi que, pour les gros problèmes évoqués, une concentration avec les épiscopats voisins d’Afrique représente une garantie supplémentaire de sagesse et de prudence, en même temps qu’elle prépare des pastorales similaires ou convergentes sur un même continent.

Dans la dynamique de l’unité, est-il besoin d’ajouter la nécessité de se situer dans 1’Eglise universelle, dont les apports sont éclairants pour chacun, comme on le voit dans le synodes très représentatifs tenus à Rome? Et quand je parle de l’ensemble de l’Eglise, je pense aux communautés ecclésiales actuelles des divers pays, mais aussi à celles de l’Eglise ancienne, dont l’expérience est irremplaçable.

Quant au Saint-Siège, on pourrait dire qu’il est précisément là pour assurer le jeu de toutes ces possibilités de réflexion approfondie, de perspectives à long terne, de concertation élargie. Son optique universelle ne traduit pas seulement un souci de fidélité et d’unité de toute l’Eglise - dont le Successeur de Pierre est chargé au premier chef -, mais elle garantit la valeur des expériences au bénéfice du pays qui les fait, et la pleine responsabilité des Pasteurs locaux. Pour cette oeuvre, et en particulier pour déterminer les critères de jugement de ces expériences, vous savez que le Pape compte tout naturellement sur les Dicastères de la Curie, avec lesquels il vous invite à toujours coopérer avec confiance.

L’étude et la mise en application des documents du Saint-Siège sont encore des façons de promouvoir l’unité d’action et de pensée dans les domaines fondamentaux. Je songe par exemple au nouveau Code de droit canonique, que j’ai promulgué après une très large consultation de Pasteurs et d’experts de toute l’Eglise, ou encore à l’exhortation Familiaris Consortio, où j’ai développé les fruits du Synode des Evêques.

C’est dans de telles conditions, chers Frères, que l’Eglise au Zaïre pourra, avec l’aide du Seigneur et en communion avec les autres communautés de l’Eglise, tracer son chemin, le chemin qui lui convient, afin que ses fils soient évangélisés en profondeur, et puissent exprimer leur foi, leur culte, leur vie communautaire, avec les fibres de leur être et de leurs traditions culturelles que le christianisme aura permis de purifier et d’élever, comme il le fait pour toutes les cultures qu’il transcende. Et ils apporteront en même temps leur contribution au progrès multiforme de l’Eglise à la gloire du Seigneur.

Portez à vos prêtres, à vos fidèles, aux catéchistes, aux foyers, aux enfants, aux jeunes, aux religieux et religieuses, à ceux qui sont dans l’épreuve, le salut cordial du Pape qui se souvient d’eux avec émotion. Et aussi ma Bénédiction Apostolique, que je vous donne à vous-mêmes avec une particulière affection, une grande confiance et mes vifs encouragements à être les bons pasteurs dont parlait saint Pierre dans son épître. Que l’Esprit Saint vous affermisse de sa lumière, de sa force et de son amour!



À SA SAINTITÉ KAREKIN II CATHOLICOS DE CILICIE

Samedi, 16 avril 1983



A Sa Sainteté Karekin II
Catholicos de Cilicie


En ce temps de l’année liturgique, illuminé par la célébration de la Pâque du Christ, et alors que nos coeurs sont remplis du sentiment renouvelé de sa présence, voici que se rencontrent au nom du Seigneur le Catholicos de Cilicie et l’Evêque de Rome, précisément dans cette cité où Pierre et Paul ont proclamé, au début de l’histoire chrétienne, la victoire de Jésus-Christ sur la mort, scellant leur témoignage avec le langage mystérieux mais combien significatif du sang répandu.

La rencontre d’aujourd’hui est un nouveau pas dans le dialogue fraternel entre nos Eglises. Le baiser de paix échangé en 1967 entre votre prédécesseur et le mien est un moment inoubliable de ce rapprochement entre elles. Dociles aux inspirations de l’Esprit Saint qui nous pousse à recouvrer la pleine unité et à reconnaître les “liens très étroits” (Unitatis Redintegratio UR 15) qui déjà nous rassemblent en une profonde communion, nous sommes conscients aujourd’hui, vous et moi, d’être fidèles à l’héritage précieux de leur grand exemple et de leur espérance, et ceci à un moment où est encore vive dans nos coeurs l’émotion suscitée par la récente disparition de Sa Sainteté Khoren I.

Depuis le matin de Pâques, la lumière de la résurrection n’a jamais cessé d’éclairer l’expérience intime de tant d’hommes et de femmes et, par elle, celle de peuples entiers.

En vous accueillant, vénérable frère, je veux rendre hommage à la grande page de l’histoire chrétienne qui a commencé quand saint Grégoire l’Illuminateur a porté cette lumière immatérielle dans le coeur du peuple arménien.

En votre personne je veux honorer aussi la grande famille chrétienne que, en communion avec Sa Sainteté Vasken I, Catholicos-Patriarche Suprême de tous les Arméniens, vous guidez sur les chemins sinueux de l’histoire, de cette histoire qui résulte, comme toujours, des appels inexprimables de l’Esprit et de la libre réponse de l’homme.

L’expérience du peuple arménien rend un témoignage éloquent à ce “lien organique” entre la foi chrétienne et la culture dont j’ai parlé dans mon discours à l’UNESCO.

Quand un peuple accueille la lumière du Christ, ses convictions profondes en sont purifiées et confirmées; sur le terrain de l’ancienne culture, une nouvelle éclôt dans laquelle l’homme trouve un équilibre plus profond et une manière plus libre et libérante d’affronter la réalité. Il y trouve aussi la force de résister aux revers de l’histoire. Une telle culture, dans les circonstances difficiles, se révèle être d’une puissance plus grande que toutes les autres forces (Cfr. Ioannis Pauli PP. II Allocutio ad eos qui conventui Consilii ab exsecutione internationalis organismi compendiariis litteris UNESCO nuncupati affuere, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III/1 [1980] 1636 ss.). Votre histoire rend un magnifique témoignage au fait que l’Evangile donne à chaque peuple, comme aussi à chaque homme, son vrai visage.

La diversité qui résulte de ce fait, diversité de tempéraments qui devient ensuite une diversité d’usages et de coutumes, non seulement ne s’oppose en rien à l’unité de l’Eglise, mais “en accroît la beauté et lui apporte une aide précieuse pour l’accomplissement de sa mission” (Unitatis Redintegratio UR 16). La richesse particulière donnée à chacun est pleinement conservée et ne peut se développer que dans la mesure où elle est voulue pour le bien de tous. Cette claire conscience alimente la passion pour l’unité de l’Eglise: s’il y a un don particulier de l’Esprit à chaque homme et à chaque famille du peuple de Dieu, c’est pour que chaque membre puisse remplir sa fonction dans l’unique corps du Christ.

Votre présence parmi nous, vénérable frère, rend présent à mon esprit, avec une acuité encore plus grande, le drame du pays dont vous provenez et dans lequel, depuis longtemps déjà, une partie de votre peuple a été accueillie, et qui est devenu sa nouvelle patrie. Cette terre du Liban, si chère a mon coeur, qui a si longtemps montré au monde entier qu’il était possible que des hommes de cultures diverses et appartenant à différentes religions puissent vivre ensemble en une unique nation, dans le travail et la paix, cette terre du Liban continue à être soumise à une dure épreuve. Chaque événement de l’histoire est l’expression d’une lutte décisive: celle de l’espérance contre le désespoir. Dans cette lutte les chrétiens puisent à la source intarissable qu’est la croix du Christ la force de vivre leur idéal de réconciliation, de paix et de fraternité, et de tout faire pour contribuer à ce qu’il redevienne une réalité vécue par tous dans la justice et la liberté.

Dans le moment présent, c’est un devoir, pour tous ceux qui confessent la victoire du Christ, de témoigner, dans l’unité, de leur espérance à la face du monde. C’est leur devoir d’inviter à l’espérance et à la reconstruction tous ceux qui croient en Dieu et tous les hommes de bonne volonté.

Le mystère pascal sollicite les chrétiens et, à travers les chrétiens, tous les hommes, à prendre une décision fondamentale: s’agit-il de vivre tournés vers un jour qui finit, ou en regardant la lumière de l’aube qui déjà chasse les ténèbres? S’agit-il de vivre fixés sur ce qui a été, ou de vivre ouverts à l’absolue nouveauté créée dans l’histoire par le Christ ressuscité, le Rédempteur de l’homme? La rencontre d’aujourd’hui continue parmi nous ce qui a été commencé par le Christ au matin de Pâques: réunir de nouveau dans l’Esprit Saint les disciples jadis rassemblés autour de sa présence physique, puis dispersés à l’heure des ténèbres.

Votre présence ici, aujourd’hui, témoigne de l’amélioration constante des relations entre nos deux Eglises. C’est là une source de joie et de profonde satisfaction. Les divergences et les difficultés du passé sont en voie d’être progressivement surmontées. De tout coeur je souhaite que cette rencontre marque le début d’une nouvelle étape dans ce cheminement commun.

Que le Seigneur nous donne l’énergie nécessaire pour communiquer à tous les fidèles qui sont confiés à nous, et spécialement à ceux qui vivent dans cette chère terre du Liban, la joie qui, aujourd’hui, est la nôtre. Puisse cette joie devenir celle, non seulement des chrétiens, mais de tout le peuple si cher et si travailleur qui vit dans cette contrée! Et que ce peuple redevienne un signe d’espérance offert à tous les hommes!


Discours 1983 - Vendredi, 18 mars 1983