Discours 1983 - Jeudi, 10 novembre 1983


AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES

Vendredi, 12 novembre 1983



1. En cette noble assemblée de savants, qu’honore votre présence, Messieurs les Cardinaux et chers Frères dans l’épiscopat, ainsi que la participation du Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège et de beaucoup de représentants et responsables de la culture, je salue avec des sentiments de vive satisfaction et de haute considération les membres de l’Académie pontificale des Sciences qui s’apprêtent à traiter dans leur Session plénière le thème de “La Science au service de la Paix”.

Dans les mêmes sentiments, je salue les savants venus de toutes les parties du monde pour approfondir, durant une semaine d’études, le thème: “Chemical events and their impact on environment” et, en groupe de travail, une question également importante: “Specificity in biological interactions”.

Dans quelques jours se réunira un autre groupe de travail qui traitera le thème: “Modern biology applied to agriculture”.

Je me réjouis de tout coeur avec vous, Monsieur le Président, cher Professeur Carlos Chagas, pour la sagesse et l’esprit d’initiative avec lesquels vous avez donné de nouveaux et importants développements à la vie de l’Académie, et pour avoir projeté et organisé ces jours-ci diverses réunions de personnalités qui consacrent leurs énergies à la recherche de la vérité au service de l’humanité.

2. Tout savoir tire sa noblesse et sa dignité de la vérité qu’il exprime. C’est seulement dans le culte désintéressé de la vérité que la culture et en particulier la science conservent leur liberté et peuvent la défendre contre toute tentative de manipulation provenant des idéologies et du pouvoir.

“La vérité vous fera libres”: ces paroles de l’Evangile ont une valeur de permanente actualité et elles apportent une lumière divine à l’activité du savant qui ne subordonne son engagement et sa propre recherche à rien d’autre qu’à la vérité.

La vérité est la fin de l’univers: ultimus finis totius Universi est Veritas, comme l’a écrit l’un des plus grands génies de la pensée, Thomas d’Aquin (S. Thomae Contra Gentiles 1,1). L’univers cache en son sein la vérité de tous les êtres, de leurs formes et de leurs lois, et il aspire à ce que sa vérité soit révélée grâce à l’intelligence humaine. Vous, Messieurs les savants, qui accueillez le monde dans vos esprits, qui le traitez dans vos laboratoires, qui le scrutez dans ses replis les plus infimes au prix d’efforts laborieux, que cherchez-vous, sinon la vérité?

Ayez le courage et l’audace de la raison qui cherche inlassablement le vrai et vous trouverez dans l’Eglise, et spécialement de la part du Siège Apostolique, vos alliés les plus convaincus. Sans doute les conquêtes de la science sont parfois provisoires, soumises à des remises en question et à des révisions, et elles ne réussiront jamais à exprimer toute la vérité que renferme l’univers: le sens du mystère fait partie de votre patrimoine intellectuel et vous suggère que tout ce que vous ne connaissez pas est beaucoup plus étendu que ce que vous connaissez. Dans la recherche de la vérité, l’audace de la raison se conjugue avec l’humilité de ses propres limites, la joie de connaître va de pair avec l’admiration de l’inconnu.

Le sens du mystère enveloppe également les vérités que la science ne peut découvrir, mais qui interrogent l’esprit du savant au plus intime de son être, là où il expérimente une aspiration irrésistible et poignante vers le divin. La fin de l’univers n’est pas seulement de révéler la vérité qui lui est immanente, mais de manifester la Vérité première qui a donné au monde son origine et sa forme.

3. Quelles que soient les voies de votre recherche scientifique, que le sens du divin, Messieurs, vous assiste toujours! Comment ne pas rappeler ici Isaac Newton? Celui-ci ne pensait nullement, contrairement à ce qu’a dit par la suite Auguste Comte, que la science doit s’élever sur les ruines de la religion et de la métaphysique, mais il apercevait dans l’univers la présence de Dieu, non pas immanente, mais transcendant la nature. Dans le Scholium generale ajouté à la seconde édition de ses “Philosophiae naturalis principia mathematica”, Newton écrivait: “Cet ensemble très élégant du soleil, des planètes et des comètes ne pouvait naître sans le dessein et la force d’un être intelligent et puissant. Il gouverne toute chose, non pas comme âme du monde, mais comme Seigneur de l’univers... D’une aveugle nécessité métaphysique qui serait absolument identique toujours et partout, il ne naît aucune variété des choses. L’entière vérité des choses, embrassant les lieux et les temps, n’a pu surgir que des idées et de la volonté d’un être qui existe de façon nécessaire” (Cfr. L. Geymonat Storia del pensiero filosofico e scientifico, Milano, Garzanti, 1970, vol. II, p. 646).

Avec Newton, qui était convaincu qu’on ne peut séparer la pensée scientifique de la pensée religieuse, s’accorde le message adressé aux hommes de la pensée et de la science par le Concile Vatican II: “Jamais peut-être, grâce à Dieu, n’est si bien apparue aujourd’hui la possibilité d’un accord profond entre la vraie science et la vraie foi, servantes l’une et l’autre de l’unique vérité. N’empêchez pas cette précieuse rencontre! Ayez confiance dans la foi, cette grande amie de l’intelligence!”.

La vérité scientifique, Messieurs, qui ennoblit votre intelligence et élève votre recherche jusqu’à la contemplation du monde et de son Créateur, doit être transmise à l’humanité entière pour la promotion intégrale de l’homme et des nations, pour le service de la paix est l’objet de vos réflexions et de vos projets.

4. Il y a diverses façons pour l’homme de la culture de vivre la précieuse valeur du savoir. Bernard de Clairvaux, l’une des plus fortes personnalités de l’histoire, qui descendit des plus hauts sommets de la mystique pour communiquer la vérité divine et humaine à la société ecclésiale et civile de son temps, lui, le véritable maître de la charité de l’intelligence, a décrit les divers types de l’homme de la culture que l’on retrouve toujours dans l’histoire. Selon saint Bernard cinq mobiles peuvent inciter l’homme à l’étude: “Il est des gens qui ne veulent savoir que pour savoir: c’est une curiosité basse. D’autres cherchent à connaître pour être connus eux-mêmes: c’est une honteuse vanité, et ceux-là n’échappent pas aux railleries du poète satyrique qui disait à l’intention de leurs pareils: «Pour toi, savoir n’est rien, si un autre ne sait pas que tu sais». Il y a encore des gens qui acquièrent la science pour la revendre et, par exemple, pour en tirer de l’argent ou des honneurs: leur mobile est laid. Mais certains veulent savoir pour édifier: c’est la charité. D’autres pour être édifiés: c’est la sagesse. Seuls les hommes de ces deux dernières catégories n’abusent pas de la science, puisqu’ils ne s’appliquent à comprendre que pour faire le bien” (OEuvres mystiques de Saint Bernard, «Sermon XXXVIème sur le Cantique des Cantiques», Editions du Seuil, 1953, PP 429-430).

Les paroles de saint Bernard le mystique manifestent une profonde connaissance de ce qui motive l’homme de la culture, et elles sont plus que jamais d’actualité pour rappeler aux maîtres de la pensée comme à leurs disciples la véritable finalité de la science. Dans le discours que j’ai adressé le 15 novembre 1980 à Cologne aux savants et aux étudiants des Universités allemandes, je relevais que “notre culture, dans tous les secteurs, est imprégnée d’une science qui procède largement de façon fonctionnelle” et je lançais cet avertissement: “La science purement fonctionnelle, dépourvue de valeur et aliénée par rapport à la vérité, peut être complètement asservie à des idéologies”.

Je rappelle volontiers ici ce que relevait, voilà 40 ans environ, un illustre membre de l’Académie des Sciences, maintenant décédé, dans une conférence à Lausanne adressée à de jeunes universitaires: “A la recherche du vrai on en est venu à substituer la recherche de l’utile. Les jeunes qui, auparavant, se tournaient vers les maîtres de la pensée pour éclairer leur intelligence, commencèrent à leur demander les secrets de la nature d’où jaillissent des biens matériels en si grande abondance. Des diverses branches du savoir, on en arriva peu à peu à valoriser, non pas celles qui visent les plus hauts sommets de la pensée, mais celles qui apparaissent plus fertiles en applications pratiques” (G. Colonnetti, Pensieri e fatti dell’esilio, Conferenza del 12 giugno 1944, Accademia Nazionale dei Lincei, Roma, 1973, p. 31).

Saint Bernard de Clairvaux a élevé le savoir au niveau de l’amour, au niveau de la charité de l’intelligence: “Sunt qui scire volunt ut aedificent et caritas est”.

5. Messieurs les Académiciens, Messieurs les savants, en ce moment si grave de l’histoire, je vous demande la charité du savoir qui édifie la paix.

La paix est un don de Dieu offert aux hommes de bonne volonté. Je parle maintenant à tous les hommes de bonne volonté, à quelque foi qu’ils appartiennent, et avant tout, à vous qui m’écoutez.

La science qui réunit des chercheurs, des techniciens, des ouvriers, qui mobilise les pouvoirs politiques et économiques, qui transforme la société à tous les niveaux et dans toutes ses institutions, a aujourd’hui une tâche qui s’avère plus que jamais urgente et indispensable, celle de coopérer au salut et à la construction de la paix.

De la profondeur des siècles s’élève la voix d’un prophète désarmé, Isaïe: “Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes” (Is 2,4).

Dans les temps récents, alors que menaçait la guerre, s’éleva avec une force biblique la voix prophétique d’un Pontife désarmé, Pie XI, qui citait le psaume: “Dissipa gentes quae bella volunt” (Ps 67,31).

Les prophètes désarmés ont été de tout temps objet de dérision spécialement de la part des politiques avertis, partisans de la puissance. Mais notre civilisation ne doit-elle pas reconnaître aujourd’hui que l’humanité a besoin d’eux? Est-ce qu’ils ne devraient pas être les seuls à être écoutés unanimement par la communauté scientifique mondiale, afin que les laboratoires et les usines de la mort cèdent la place aux laboratoires de la vie? L’homme de science peut user de sa liberté pour choisir le domaine de sa propre recherche. Lorsque, dans une situation historique déterminée, il est presque inévitable qu’une certaine recherche scientifique soit employée dans des buts d’agression, il doit faire un choix qui lui permette de coopérer au bien des hommes, à la construction de la paix. En refusant certains domaines de recherche, inévitablement destinés, dans les conditions historiques concrètes, à des fins de mort, les savants du monde entier devraient se retrouver unis dans une volonté commune de désarmer la science et de constituer une force providentielle de paix.

Devant ce grand malade en danger de mort qu’est l’humanité entière, les savants, en collaboration avec tous les autres hommes du monde de la culture et avec les institutions sociales, doivent accomplir une oeuvre de salut analogue à celle du médecin qui a juré d’employer toutes ses forces à guérir les malades.

6. La paix ne naît pas seulement de l’extinction des foyers de guerre; même si tous s’éteignaient, d’autres surgiraient inévitablement si l’injustice et l’oppression continuent à gouverner le monde. La paix naît de la justice: “Opus iustitiae pax”, “le fruit de la justice est la paix” (Is 31,17). Or la science, qui recherche la vérité et qui est libre de toute idéologie, peut et doit promouvoir la justice dans le monde; elle peut et doit, en ne demeurant pas esclave des peuples économiquement privilégiés, se répandre partout pour veiller, avec des techniques appropriées, à ce qu’à chaque peuple et à chaque homme soit donné ce qui lui revient. Le monde moderne attend la libération de la science qui est une conséquence de la libération de l’intelligence. Soyez unis, Messieurs, dans la défense de vos libertés pour édifier à travers le monde la paix dans la justice!

C’est un travail inlassable qui ne cessera jamais car, à cause du péché, individuel ou social, surgissent continuellement dans le monde des foyers d’injustice. Avec un sens aigu de l’histoire, le Concile oecuménique Vatican II nous en a averti: “Encore que le bien commun du genre humain soit assurément régi dans sa réalité fondamentale par la loi éternelle, dans ses exigences concrètes il est pourtant soumis à d’incessants changements avec la marche du temps: la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire” (Gaudium et Spes GS 78).

Pax perpetuo aedificanda: la paix/sans cesse à construire La paix est un effort continuel confié, en ce qui vous concerne, à votre recherche, aux applications techniques que vous devez orienter, par votre prestige, vers la promotion de la justice, grâce à cette libération, à cette liberté de l’intelligence qui vous permet d’autres choix là où l’on voudrait vous faire violence pour exploiter vos recherches et vos découvertes contre la justice et la paix.

7. La communauté scientifique est plus que toute autre une communauté de paix, car la recherche sévère du vrai qui est la vôtre dans le domaine de la nature est indépendante des idéologies et donc des conflits qui en découlent: votre activité exige une sincère collaboration, une franche communication des résultats de vos recherches.

La communauté scientifique, communauté de paix, doit être élargie à toutes les nations par la fondation en tous lieux d’instituts de recherche et de saine application technologique. Il ne suffit pas que le colonialisme politique ait disparu, il faut que cesse aussi toute forme de colonialisme scientifique et technologique. Je ne puis que me réjouir de voir l’Académie Pontificale des Sciences embrasser un nombre toujours plus grand de savants appartenant à toutes les nations du monde sans aucune discrimination raciale ou religieuse: c’est une forme d’oecuménisme culturel que l’Eglise, promotrice d’un véritable oecuménisme religieux, ne peut pas ne pas considérer avec des sentiments de vive satisfaction.

8. De la communauté scientifique, surtout quand elle s’étend à toutes les régions du monde, sont issues des découvertes qui ont, en tout domaine, aidé le développement de l’humanité: maladies et épidémies ont été surmontées, de nouvelles ressources alimentaires ont été trouvées, les communications entre les hommes on été intensifiées, les peuples de tous les continents se sont rapprochés, des catastrophes naturelles ont été prévues et dominées. Qui est capable d’énumérer les bienfaits apportés par la science? Et ne peut-on dire que ces bienfaits auraient été beaucoup plus importants si les techniques qui découlent de la science n’avaient été manipulées par des puissances maléfiques? Qui peut nier que la science et ses applications peuvent être mises au service de l’homme et d’une plus grande justice?

Il est du devoir irremplaçable de la communauté scientifique de veiller, comme c’est votre intention, Monsieur le Président de l’Académie Pontificale des Sciences, à ce que les découvertes de la science ne soient pas mises au service de la guerre, de la tyrannie, de la terreur.

La ferme volonté d’orienter la science vers la promotion de la justice et de la paix exige un grand amour pour l’humanité. Toute vertu humaine est une forme d’amour. C’est le cas, en particulier, de la justice qui est l’amour pour le prochain, pour les individus, pour les peuples. Seul celui qui aime veut que l’autre ait la justice. Celui qui n’aime pas cherche seulement à obtenir justice pour lui-même.

9. Vérité, liberté, justice, amour: tels doivent être, Messieurs, les pôles fondamentaux du choix généreux que vous avez fait d’une science qui construit la paix. Ces quatre valeurs, pôles de la science et de la vie de la société civilisée, doivent être à la base de l’appel universel des savants, du monde de la culture, des citoyens du monde, que l’Académie Pontificale des Sciences, avec mon approbation entière et convaincue, veut lancer au monde pour la réconciliation des peuples, pour le succès de l’unique guerre à mener: la guerre contre la faim, la maladie, la mort de millions d’êtres humains que l’on pourrait secourir, dont on pourrait promouvoir la qualité et la dignité de vie avec 7% des dépenses qui se font chaque année pour un incessant et menaçant réarmement des nations les plus riches.

Permettez-moi de rappeler ici avec vous, au nom de la science et au nom de votre autorité morale personnelle, l’exigence d’une conversion universelle aux véritables biens de l’homme. La paix ne peut être invoquée, comme elle l’est trop souvent, pour garantir la permissivité sur le plan éthique et la soif de consommation. L’appel universel à la paix doit être empreint d’une profonde réflexion sur le destin de l’homme, sur le sens et la qualité de la vie. Là où la conversion à la vérité, à la liberté, à la justice et à l’amour ne devient pas une exigence largement reconnue et partout mise en pratique, la paix sociale est instable parce qu’elle est privée de sa racine la plus profonde qui se trouve au coeur de l’homme.

10. C’est de Dieu que vient la paix pour ceux qui sont en communion avec lui et aussi pour ceux qui, sans l’avoir trouvé, le cherchent d’un coeur sincère, d’un esprit qui, loin d’étouffer le sens du divin, cherche au contraire à le libérer au-dedans de lui-même. Je vous redis ma confiance, Monsieur le Président, Messieurs les Académiciens, Messieurs les savants, et en terminant, je voudrais faire miennes les paroles que mon prédécesseur Paul VI adressait en 1966 à l’Académie Pontificale des Sciences: “Plus que quiconque, l’Eglise se réjouit de toute véritable acquisition de l’esprit humain, dans quelque domaine que ce soit. Elle reconnaît et apprécie grandement l’importance des découvertes scientifiques... Elle n’y voit pas seulement l’emploi magnifique de l’intelligence: elle y découvre aussi l’exercice de hautes vertus morales, qui confèrent au savant l’aspect et le mérite d’un ascète, parfois d’un héros, auquel l’humanité doit payer un large tribut de louange et de reconnaissance” (Pauli VI Allocutio ad Pontificiam Academiam Scientiarum, die 23 apr. 1966: Insegnamenti di Paolo VI, IV (1966) 199).

A vous, Messieurs, hommes de la pensée et de la science, pèlerins de la vérité, explorateurs des diverses branches de la science et du savoir, de l’homme et de l’univers, à vous qui vous soumettez à la fatigue de l’observation, de la pensée, de la recherche, afin que l’homme soit toujours plus homme et qu’il trouve dans la nature le milieu propre de son développement, à vous je demande de travailler pour la justice, pour l’amour, pour la paix, et de croire qu’aujourd’hui plus que jamais, l’Eglise catholique est votre alliée, cette Eglise qui aime la vraie science et la pensée droite, cette Eglise qui prie pour vous et qui, en ma personne, respectueuse de vos croyances, invoque sur chacun de vous la bénédiction de Dieu.




AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE D'HAÏTI PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 14 novembre 1983




Monsieur l’Ambassadeur,

1. Vous venez de m’exprimer l’émotion avec laquelle vous inaugurez vos fonctions d’Ambassadeur de la République d’Haïti auprès du Saint-Siège, délicate mission que Votre Excellence ressent comme un privilège. Pour ma part, je vous remercie de vos paroles bienveillantes, du souvenir reconnaissant que vous avez évoqué, des salutations dont vous vous êtes fait l’interprète et de la disponibilité que vous manifestez pour développer de façon harmonieuse et fructueuse les bonnes relations entre votre Gouvernement et le Saint-Siège.

En recevant votre prédécesseur le 14 décembre 1979, je faisais allusion a l’attachement filial du peuple haïtien au Pape et à son désir empressé de l’accueillir chez lui, et j’ajoutais: “Nous ferons tout le possible pour réaliser ce projet”.

C’est chose faite depuis le 9 mars dernier. Certes, au terme d’un voyage apostolique très chargé dans presque tous les pays d’Amérique centrale, mon séjour à Haïti devait, hélas, être de courte durée. Mais il a laissé, dans ma pensée et dans mon coeur, un souvenir durable, qui me permet désormais de rejoindre plus facilement votre cher pays au plan de la sollicitude pastorale et de la prière.

2. J’ai pu rencontrer à Port-au-Prince Son Excellence le Président Jean-Claude Duvalier, que je vous prie de remercier de son salut déférent. J’ai été sensible à l’accueil qu’il m’a réservé. J’ai apprécié la volonté qu’il a exprimée de procéder à une mise à jour des normes concordataires, dans la ligne généralement adoptée selon l’esprit du Concile Vatican II, et je souhaite que l’on puisse bientôt arriver à une heureuse conclusion des tractations en cours. Vous voudrez bien l’assurer de ma gratitude pour cette bonne volonté, de ma confiance pour la pleine réalisation du projet, et aussi de mes voeux pour l’accomplissement de sa haute charge.

J’ai rencontré également une part importante du peuple haïtien, et spécialement des chrétiens groupés autour de leurs évêques et de leurs prêtres. C’était surtout dans le cadre de la grande célébration eucharistique et mariale, et j’ai été frappé par la ferveur et la dignité de la prière, par la vitalité de la communauté ecclésiale, par son accueil simple et chaleureux, par le sérieux de son engagement. J’ai lu dans cette attitude la confiance des Haïtiens en l’Eglise, leur bonne volonté, leur désir de progrès, leur espérance.

3. Je sais la lourde tâche qui revient à chacun, selon ses responsabilités, pour que le développement humain, social et spirituel se poursuive. Chaque famille, chaque profession, chaque communauté devra fournir sa part d’initiative, de travail honnête et persévérant, à la mesure de ses forces et de ses moyens, et devra aussi s’y sentir encouragé par un climat de justice et de paix, selon les principes de liberté, d’égalité et de fraternité que Votre Excellence a rappelés. Le souci de tous, que vous avez très heureusement souligné en écho à la nouvelle Constitution, c’est que “chacun trouve sa part dans le développement national”. Je sais que les Gouvernants sont conscients de cet enjeu, qui est l’honneur de leur charge.

4. L’Eglise, vous le savez, qu’il s’agisse des évêques, des prêtres, religieux et religieuses - originaires d’Haïti ou venus généreusement d’autres pays pour aider leurs frères -, des laïcs, continuera à travailler, selon sa compétence, à ce développement. Son premier rôle est de former les consciences pour leur permettre d’approfondir leur foi, d’éclairer et de fortifier leur piété, de faire face à leurs devoirs personnels, familiaux, sociaux. Et il appartient aussi à l’Eglise d’encourager et de promouvoir les oeuvres qui aident les hommes à mieux se nourrir, à s’instruire, à se soigner, à être plus responsables, en répondant ainsi à sa mission universelle au service de l’homme et de son développement plénier. Elle est sûre de pouvoir rencontrer dans cette tâche la compréhension et l’appui dont elle a besoin, pour l’honneur de la religion et le bien du pays.

5. C’est d’ailleurs ce que l’Eglise voudrait réaliser en esprit de service, dans le monde entier. Vous avez évoqué à ce titre quelques grands objectifs qui lui tiennent à coeur: la paix mondiale, le développement des peuples défavorisés, la fraternité des hommes, le renouveau religieux, moral et social. De la contribution spécifique qu’essaie d’y apporter le Saint-Siège, vous serez désormais le proche témoin, comme vous-même vous ferez ici l’écho des souhaits et des efforts de votre pays au niveau national et international.

Je suis heureux de cette occasion qui m’est offerte de redire mon estime et ma sympathie pour tout le peuple haïtien, et mes souhaits sincères à ses Gouvernants. Quant à vous, Monsieur l’Ambassadeur, je vous accueille cordialement dans cette Maison, et vous offre mes meilleurs voeux pour l’accomplissement de votre haute mission, en priant Dieu de vous assister et de vous bénir.



AUX PÈLERINS VENUS POUR LA BÉATIFICATION DE SOEUR MARIE DE JÉSUS CRUCIFIÉ

Lundi, 14 novembre 1983




Béatitudes,
Chers Frères et Soeurs,

1. La béatification de Soeur Marie de Jésus Crucifié, qui vous a réunis à Rome de tous les pays du Proche-Orient, a sûrement été pour vous tous un grand moment de joie, une source de réconfort, une invitation au courage. Ce n’est pas une jubilation passagère: c’est une source de grâces qui demeure ouverte. L’Eglise qui est à Rome a participé à cette joie et, j’ose dire, l’Eglise universelle, en regardant avec émotion cette petite fleur de la Terre Sainte parvenue en peu de temps à l’épanouissement mystique, à la sainteté. Je suis heureux de me retrouver ce matin au milieu de vous, pour vous saluer encore avec toute mon affection, pour converser avec vous, comme en famille, tout en méditant encore sur le sens de cette béatification, pour en recueillir les fruits.

La vie et les vertus de Mariam Baouardy vous sont maintenant suffisamment connues et je les ai évoquées dans la solennelle liturgie d’hier. Mais il est bon de nous redire ce matin à quel point cette “petite Arabe” a été un témoin privilégié de Jésus, de l’amour de l’Eglise, de l’action pour la paix. Et vous comprendrez mieux encore le prix que l’Eglise attache à la vie de vos communautés chrétiennes en Terre Sainte et autour de la Terre Sainte.

2. Mariam est le fruit de cette Terre Sainte. En elle, tout nous parle de Jésus. Et d’abord les lieux où elle a vécu: Nazareth, près de laquelle elle est née, Bethléem où elle a consommé son sacrifice, le Mont Carmel, symbole de la vie de prière solitaire qui a fourni le cadre de sa vie religieuse. Mais surtout, elle nous rend proches du Calvaire, puisqu’elle n’a cessé de porter dans sa vie la croix de Jésus, tout en choisissant son nom de crucifié. Les béatitudes trouvent en elle leur accomplissement. A la voir, on croit entendre Jésus nous dire: bienheureux les pauvres, bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui ne cherchent qu’à servir, bienheureux les doux, bienheureux ceux qui font la paix, bienheureux ceux qui sont persécutés. Toute sa vie traduit une familiarité inouïe avec Dieu, l’amour fraternel des autres, la joie, qui sont les signes évangéliques par excellence.

3. Soeur Marie de Jésus Crucifié se montre en même temps une fille hors pair de l’Eglise. Elle reflète les différents visages de l’Eglise: l’Eglise grecque-melkite dans laquelle elle a été baptisée et élevée, l’Eglise latine où elle a été initiée à la vie carmélitaine. En dehors de son pays natal, elle s’est insérée dans les communautés chrétiennes du Liban, de l’Egypte, de la France, de l’Inde. Elle a partagé l’ardeur missionnaire de l’Eglise, sa soif d’unité, l’attachement à ses Pasteurs et notamment au Pontife romain Pie IX.

Car l’Eglise doit être une dans la diversité et dans la richesse des langues, des cultures et des rites.

4. Enfin, elle qui a été souvent malmenée par les événements et par les gens, elle n’a cessé de semer la paix, de rapprocher les coeurs. Elle se voulait “la petite soeur de tous”. Comme son exemple est précieux dans notre monde déchiré, divisé, qui sombre si facilement dans l’injustice et la haine, sans tenir compte des droits des autres à une existence digne et paisible!

5. Voilà, chers amis, celle qui intercède maintenant pour nous auprès de Jésus. Aujourd’hui dans les divers pays du Proche Orient, vous vivez dans un état de paix très fragile, et parfois même de guerre. C’est une grande détresse pour tous les habitants de cette région, et le monde entier s’inquiète de leur sort, sans parvenir à les aider efficacement en respectant leur liberté. Je ne veux pas aborder ce matin les aspects politiques du problème. Mais à vous, catholiques grecs-melkites, latins ou d’autres rites qui partagez les épreuves de tous vos compatriotes, chrétiens, juifs ou musulmans, je veux redire la sollicitude du Saint-Siège, et ses fervents encouragements. Comme au temps où saint Paul plaidait pour les “saints de Jérusalem”, l’Eglise entière doit vous soutenir. C’est un devoir d’amour fraternel envers vous. C’est une nécessité pour la vie, le témoignage et l’honneur de l’ensemble des chrétiens. Car, si importants que soient en Terre Sainte les vestiges de l’époque de Jésus, les souvenirs historiques, les monuments de l’art sacré que les communautés chrétiennes ont édifiés ou reconstruits au cours des siècles, ce qui importe le plus, c’est qu’y resplendisse l’Eglise vivante, le Temple qui est fait des membres du Corps du Christ témoignant aujourd’hui même de la foi, de la prière et de l’amour, selon le message de Jésus de Nazareth, ou plutôt assurant par là même la présence du Christ Jésus, mort et ressuscité.

6. C’est là votre honneur. Et je vous encourage à garder et à manifester votre attachement indestructible à cette terre qui est vôtre, où vous avez vos racines, comme Mariam Baouardy qui y est revenue pour fonder un Carmel à Bethléem et en projeter un autre à Nazareth. Cela entraîne une exigence particulière, évangélique. Vous devez être au premier rang des artisans de paix, animés des sentiments d’ouverture, d’estime, d’amour, de pardon, de réconciliation envers tous les hommes qui sont liés eux aussi à cette terre, chrétiens, juifs et musulmans. En ce pays, ne l’oubliez jamais, vous représentez Jésus et son amour universel.

Que la bienheureuse Marie de Jésus Crucifié vous accompagne sur ce chemin difficile! Que la très sainte Vierge Marie, mère de Jésus, vous aide à devenir chaque jour davantage des disciples de son divin Fils! Et que Dieu Tout-Puissant vous bénisse, Père, Fils et Saint-Esprit, qu’Il vous garde dans la paix, qu’Il permette à chacune de vos patries de trouver le chemin de la véritable paix, et qu’Il aide chacune de vos communautés chrétiennes, grecque-melkite et latine - dont je salue avec joie les Patriarches et les Evêques - à épanouir le don de Dieu qui leur a été confié!



AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA CONFÉRENCE DES SUPÉRIEURS MAJEURS RELIGIEUX D'EUROPE

Jeudi, 17 novembre 1983




Monsieur le Cardinal,
Chers Frères et Soeurs,

1. Je suis très heureux de vous recevoir. C’est la première rencontre officielle du Pape avec les représentants - hommes et femmes - de la Conférence des Supérieurs majeurs religieux d’Europe, qui en est encore à ses débuts.

Nous voilà réunis au moment où l’Eglise se prépare à célébrer la fête du Christ, Roi de l’Univers, lumière qui brille au terme de la route des hommes, Sui qui est seul capable d’apporter à tous les peuples les bienfaits de l’unité et de la paix. Votre groupement a précisément pour finalité d’aider les religieux européens à porter, plus intensément et de manière toujours plus adaptée aux besoins des hommes, le témoignage de l’Evangile pour établir le Règne du Christ.

Et comment ne seriez-vous pas stimulés par l’expérience passée? Vos devanciers, les religieux européens, ont véritablement accompli une oeuvre d’évangélisation dans tous les sens du terme; non seulement ils ont entraîné leurs frères proches géographiquement, mais ils ont porté l’Evangile et le message du Christ dans de nombreuses régions devenues, grâce à eux, d’authentiques terres de chrétienté, spirituellement riches et fécondes.

Vous vous trouvez dans la situation privilégiée du continent européen, avec des différences sensibles suivant les régions. Malgré la récession actuelle sur le plan des vocations dans bon nombre de pays, le rôle traditionnel des religieux leur crée aujourd’hui des obligations sérieuses et graves dans l’évangélisation.

2. Votre vocation même est, pour vous, religieux et religieuses, un moyen privilégié d’évangélisation; vous témoignez de la sainteté de l’Eglise en incarnant son désir profond de se livrer au radicalisme des béatitudes. Par votre vie, vous êtes signes de totale disponibilité à Dieu, pour l’Eglise, pour les frères (Cfr. Pauli VI Evangelii Nuntiandi EN 69). Le premier moyen d’évangélisation pour les religieux est donc de conformer de plus en plus leur vie à la personne et au message de Jésus-Christ. Avant toute proclamation de la parole, c’est leur vie même qui doit révéler Jésus-Christ et son Evangile. A certains moments de leur vie, et même constamment pour les Instituts contemplatifs, ce témoignage sera la seule évangélisation, d’ailleurs très fructueuse, comme le manifeste le cas de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, devenue dans son Carmel de province Patronne des Missions, et comme l’attestent également les nombreux religieux ignorés durant leur vie, dont la prière et les sacrifices allant parfois jusqu’à la mort, ont été en toute vérité un témoignage admirable de la fécondité de l’Evangile et une semence de chrétiens. Qu’il suffise de citer ici le cas de saint Maximilien Kolbe et celui de la bienheureuse Maria Gabriella, trappistine, apôtre de l’unité! C’est dans ce sens qu’à Lourdes je parlais aux religieuses de la gratuité de l’amour.

3. Le rôle primordial de votre groupement doit donc être d’aider les religieux et les religieuses européens à mieux réaliser leur mission évangélique en vivant plus pleinement leur vocation propre. Vos Conférences nationales et l’ensemble des religieux sont en droit d’attendre une aide, un encouragement et un soutien collégial de la part des frères et des soeurs des autres nations, pour affronter les problèmes qui dépassent les frontières et affectent la vie religieuse du continent. Ainsi vous serez mieux en mesure de mettre en oeuvre une collaboration effective entre les Conférences nationales de religieux. Cette action doit se réaliser, évidemment, dans le respect de la juste autonomie de ces Conférences nationales et des Instituts, ainsi que des légitimes diversités de cultures, de coutumes, de modes de vie et en dehors de toute référence à des conceptions politiques. Par-dessus tout, elle doit contribuer au développement et à l’affirmation du caractère propre de la vie religieuse.

En effet, ce qui diversifie entre eux les membres de l’Eglise constitue une complémentarité réciproque et est ordonné à l’unique communion et à la mission qui revient à tout le Corps. Il faut donc veiller à ce que la vie religieuse conserve ses caractères propres et sa visibilité. Si l’Eglise a besoin d’une visibilité pour témoigner, la vie religieuse également. L’atténuation jusqu’à la quasi disparition aux yeux du monde de ce qui caractérise la vie religieuse n’est un bien ni pour les religieux, ni pour l’Eglise, ni pour l’évangélisation. Ce respect des richesses spécifiques de la vie religieuse doit tenir compte de la nature particulière des Instituts, telle qu’elle a été reconnue par l’Eglise lors de leur reconnaissance officielle.

4. Le fait que plusieurs pays d’Europe connaissent une déchristianisation accentuée, avec des baptisés vivant pratiquement hors de l’Eglise, pose avec une acuité plus intense aux chrétiens et aux religieux la question de leur témoignage et de leur apostolat. Certes les raisons sont complexes et viennent en partie de difficultés extérieures à l’Eglise. Mais on peut aussi se demander: ces chrétiens ont-ils été assez évangélisateurs, et leur témoignage, comme celui des religieux européens, a-t-il été suffisamment authentique et perceptible? Plus que les autres les religieux doivent veiller à ne pas laisser s’affadir le “ sel ” de l’Evangile dans des pratiques et des attitudes sécularisantes, sacrifiant la prière à une action trop humaine, adoptant des comportements socio-politiques déterminés par des critères qui ne sont pas toujours évangéliques. Je sais bien que vous êtes convaincus de cela; n’est-ce pas un des aspects du renouveau spirituel que vous cherchez en reprenant vos constitutions?

Le témoignage évangélique authentique des religieux concerne aussi un nombre chaque jour plus important de travailleurs immigrés non chrétiens venus d’autres continents chercher en Europe des conditions de vie plus favorables. Il est très important que ces pauvres trouvent chez les religieux un reflet de la charité du Christ. C’est une manière nouvelle de prolonger ce qu’ont accompli au loin les missionnaires des générations précédentes.

5. Cette charité fraternelle doit être vécue d’abord entre les religieux eux-mêmes. Le canon 602 voit dans la “ communion fraternelle, fondée et enracinée dans la charité, l’exemple de la réconciliation universelle dans le Christ ”, thème approfondi par le récent Synode des évêques. Si l’union dans la famille religieuse est un puissant témoignage évangélique, la division entre les frères, entre les soeurs, est une pierre d’achoppement à l’évangélisation. Or la désunion ne se trouve pas seulement entre les différentes communautés chrétiennes en Europe, elle se rencontre parmi les fidèles de l’Eglise catholique et parfois même chez les religieux où les polarisations sont un obstacle non négligeable au témoignage de charité fraternelle.

Ces divisions proviennent d’ailleurs le plus souvent d’un oubli pratique de la nature ecclésiale de l’évangélisation; celle-ci doit toujours se réaliser au nom de l’Eglise, en communion avec ses Pasteurs et non selon des critères et des perspectives individualistes (Cfr. Pauli VI Evangelii Nuntiandi EN 60). L’union fraternelle vécue en fidélité au Magistère contribuera à implanter l’Eglise, qui n’existe pas sans la respiration qu’est la vie sacramentelle culminant dans l’Eucharistie (Cfr. ibid. EN 28).

Oui, c’est en union avec la mission de l’Eglise, face à ses besoins les plus urgents, tels que les voient les Pasteurs responsables, qu’il faut envisager les multiples services apostoliques dont vos Instituts sont capables. Car l’Eglise compte sur vous, elle a besoin de vous et elle sait qu’elle trouve en vous, en vos Instituts, des ressources immenses et merveilleuses pour les diverses formes de son annonce directe et indirecte de l’Evangile.

6. A l’heure actuelle, l’Evangile doit être annoncé à un monde qui souffre de faim et de privations. Malgré des différences sensibles entre les régions, le continent européen demeure privilégié sur le plan économique; il ne faudrait pas que des religieux, se laissant gagner par la recherche du confort et l’égoïsme de beaucoup de gens qui les entourent, ferment les yeux sur les catégories sociales défavorisées et les régions plongées dans la misère. Ils doivent par leur disponibilité et leur désintéressement se porter au secours des démunis de toute sorte. Mais je n’insiste pas, car je sais à quel point nombre d’Instituts, nombre de religieux et religieuses, ont aujourd’hui le souci de vivre pauvres et parmi les nouveaux pauvres que notre société secrète. Ce témoignage n’empêche pas, au contraire, d’assumer de vraies responsabilités qui sont un service. En effet l’action éducative et sociale des Instituts, selon leur charisme propre reconnu par l’Eglise et en collaboration organique avec le laïcat, demeure toujours d’actualité, surtout si les religieux y gardent la préoccupation des pauvres, des marginaux, des immigrés, des réfugiés, etc. Leur action dans ce sens est plus que jamais une nécessité pour l’évangélisation, étant une manifestation visible de l’amour de Dieu pour l’homme.

La vue plus large que votre Union porte sur le monde, les relations fécondes qu’elle établit avec le Conseil des Conférences épiscopales européennes, doivent lui permettre d’aider les Conférences nationales de religieux et les Instituts à porter toujours mieux le témoignage évangélique en imprégnant les différentes cultures de la Bonne Nouvelle apportée par le Christ Jésus, sans s’asservir à aucune d’elles.

Au matin de la Pentecôte, la Vierge Marie, Mère de l’Eglise, était présente dans la prière aux débuts de l’évangélisation sous l’action de l’Esprit Saint. Puisse-t-elle être toujours l’Etoile qui guide les religieux dans leur mission et les rende généreux et joyeusement fidèles à l’Evangile et à l’Eglise!

Confiant dans l’action que votre groupement saura mener pour aider les religieux du continent européen à être des témoins toujours plus crédibles de l’Evangile, je vous bénis de tout coeur.



Discours 1983 - Jeudi, 10 novembre 1983