Discours 1983 - Jeudi, 17 novembre 1983


AUX PARTICIPANTS À LA XII ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE «COR UNUM»

Samedi, 19 novembre 1983




Monsieur le Cardinal,
chers Frères et Soeurs dans le Christ,

Mon bonheur est grand de vous accueillir et de célébrer avec vous le Sacrifice de Celui qui s’est livré tout entier pour le salut du monde, et votre joie est grande de prier avec le Pape!

Laissez-moi d’abord vous remercier tous et chacun, au nom du Christ et de l’Eglise, au nom des personnes et des populations que vous avez secourues, au nom des organismes caritatifs auxquels vous avez apporté votre soutien et vos suggestions, et proposé des possibilités de coordination efficace. Je ne puis que vous encourager, dans la ligne de cette 12e Assemblée plénière de “Cor Unum”, à continuer de relever le défi de la charité évangélique, en promouvant toujours une vraie théologie de la charité, en éclairant l’articulation cohérent entre justice et charité.

Les droits de l’homme - on pourrait dire les aspects multiples de la justice - ont absolument besoin de s’appuyer sur un ordre qui les dépasse, sinon ils risquent de s’évanouir dans l’abstraction, ou pire encore de sombrer dans quelque idéologie. Sans se substituer à la justice, la charité doit être la source inventive et respectueuse de sa mise en oeuvre. Il s’agit en effet et toujours de sauver des personnes ou des situations concrètes, souvent urgentes: des sinistrés, des exilés, des malades, des affamés, des mourants. La charité est incomparable: elle jaillit du coeur de Dieu dans le coeur des croyants, et même de tout homme de bonne volonté. Elle échappe au raisonnement! En un sens, la charité inverse en quelque sorte le mouvement de la stricte justice, des seuls droits de l’homme, si fondamentaux cependant. La charité vise des sujets. Et elle atteint son but lorsqu’elle suscite dans ces personnes et ces populations secourues, le désir d’entrer elles-mêmes dans un mouvement de gratuité, même si elles n’ont à donner qu’un peu de tendresse, un peu de temps, une présence silencieuse.

Le monde actuel a un immense besoin de se convertir à la charité. Je souhaite que “Cor Unum” continue d’y contribuer au mieux C’est cette grâce que nous demanderons ensemble au cours de cette Eucharistie, pour l’Eglise et pour le monde.



AUX PRÉSIDENTS DES PARLEMENTS EUROPÉENS

Samedi, 26 novembre 1983



Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,

1. La conférence des Présidents des Parlements des Etats membres de la Communauté et du Parlement européen est une institution encore jeune, et cette deuxième réunion à Rome, après celle de Luxembourg, vous a donné l’occasion de venir aussi au Vatican. Je suis touché que vous ayez exprimé vous-mêmes le désir de cette audience et je vous remercie de votre visite et des nobles propos que votre interprète, le Président Cossiga, vient de tenir devant nous.

Dans le cadre du rôle spirituel qui est essentiellement celui du Saint-Siège, il n’est pas question pour moi de traiter des moyens techniques de développer la coopération entre le Parlement européen et les Parlements nationaux, qui était l’objet de votre rencontre. Mais le bon exercice du pouvoir législatif en chacun de vos pays et le développement judicieux de l’unité de l’Europe, ou du moins, en ce qui vous concerne, de la Communauté, intéressent vivement le Saint-Siège, parce qu’il y va de la bonne marche de la vie sociale, du progrès de la justice et de la solidarité entre les hommes de ce continent, et donc de leur propre progrès moral et de leur apport au reste de l’Europe et de la communauté mondiale L’Eglise est loin d’être étrangère au développement équilibré des institutions politiques; le Saint-Siège est d’ailleurs représenté auprès de chacun de vos pays, et auprès des Communautés européennes par un Nonce Apostolique.

2. Je forme d’abord des voeux pour vous, en tant que Présidents et Secrétaires généraux des Parlements nationaux des dix pays representés ici. Avec des variantes qui tiennent à leur histoire, ces pays disposent en général de deux chambres, mandatées par le peuple souverain, pour exercer le pouvoir législatif, en se complétant, en se contrôlant, afin que le bien commun de tous vos compatriotes soit garanti par les lois avec le maximum de sagesse, de prudence, de justesse. Comme je le disais récemment à des parlementaires européens, une telle démocratie, bien comprise, avec une autorité publique suffisamment forte, est une grande chance, si on la compare aux régimes fondés sur la violence, sur la dictature ou sur les privilèges d’une oligarchie toute puissante. Oui, en ce sens, la vraie démocratie doit être défendue avec ténacité. Et vous qui présidez personnellement au fonctionnement des Assemblées parlementaires, avec ce que cela suppose de respect de la loi et des institutions, d’impartialité envers les divers groupes politiques, d’accueil respectueux des personnes appelées à s’exprimer dans l’hémicycle, en un mot d’équité et d’autorité, vous remplissez une charge méritoire, un service qualifié de vos nations, pour lequel je vous exprime mon estime, mes voeux et mes encouragements.

3. Mais le problème est désormais de conjuger le travail législatif et l’autorité de vos Parlements nationaux, d’une part, avec l’activité du Parlement européen, d’autre part. J’oserais presque dire que vous en êtes encore à une période de rodage. Un rodage difficile à plus d’un titre! Car, au plan juridique, le Parlement européen, même s’il est élu au suffrage universel et donc en reçoit directement le pouvoir, a une autorité limitée qui doit s’accorder avec les décisions des Etats membres. De toute façon, ces nations européennes ont chacune, non seulement des intérêts particuliers, mais une longue et riche histoire personnelle, un patrimoine propre, qu’il ne s’agit pas de niveler, mais de respecter et de coordonner. Et pourtant le progrès de la Communauté européenne, son unité et sa force exigent que des pouvoirs efficients soient; graduellement et raisonnablement, transférés ou attribués au Parlement européen, pour que celui-ci remplisse son rôle au service de tous et assure le bien commun des pays membres. Une telle articulation requiert souplesse et prudence, pour allier le respect des instances locales et la volonté d’atteindre une harmonie supérieure. C’est cette coordination délicate que vous cherchez à réaliser ou à préparer; ce sera votre mérite, aux yeux de l’histoire, de réussir cette oeuvre difficile, avec le maximum d’équilibre.

4. Et, au-delà du fonctionnement de vos institutions, je m’arrêterai brièvement sur l’objet de leur activité. Les mesures communes qui sont adoptées au niveau de la Communauté touchent évidemment l’économie, les échanges commerciaux, les productions agricoles, minières et industrielles, les réalités régionales, les réalisations culturelles. Elles affectent aussi la vie sociale des travailleurs, natifs du pays ou immigrés, la vie familiale, l’éducation et donc les conditions de la vie morale. Pratiquement, aujourd’hui, vous rencontrez des problèmes similaires d’un pays à l’autre, pour ce qui est, par exemple, de la jeunesse. Dans les libres débats, les discussions ou les votes sur ces importantes questions, il ne s’agit pas seulement de refléter les moeurs ou les opinions communes de vos électeurs, et pas davantage d’en décider arbitrairement, ni même de suivre nécessairement et toujours la ligne d’un parti, mais de se référer, j’ose dire, de se soumettre à des valeurs qui fondent la vie en société et son authentique progrès, de chercher en conscience le véritable bien, selon des convictions éthiques bien établies et un sens aigu des responsabilités, je veux dire de toutes les suites de vos décisions. Il s’agit en définitive de savoir quelle qualité de société on va promouvoir.

L’Europe que vous représentez correspond à des pays de longue tradition chrétienne; on pourrait même dire que, pour la plupart, leur histoire nationale s’est presque confondue jusqu’ici avec l’histoire chrétienne. Comment ne pas souhaiter que l’Europe donne ici un témoignage original, à tous les plans, y compris celui de la démocratie dont je parlais tout à l’heure? La démocratie ne vise pas un égalitarisme qui nivelle tout, mais le respect des personnes, de leurs droits fondamentaux, de leur liberté, en restant attentif au rôle primordial des familles et des corps intermédiaires, et en gardant également le souci de dépasser les intérêts particuliers lorsque le bien commun est en cause. On peut parler à ce point de vue d’une éthique parlementaire.

5. Je viens de nommer le “bien commun”: celui de vos pays et de l’Europe, bien sûr, mais aussi celui de la communauté internationale. Celle-ci attend de la Communauté européenne un témoignage de justice et de fraternité, une contribution originale et efficace à l’arrêt des guerres en cours, à la recherche de solutions négociées équitables, au bannissement de la violence, du terrorisme, de la torture, et je dirais, plus encore, des exécutions sommaires même perpétrées par des gouvernements légitimes, au désarmement progressif et contrôlé, à l’amélioration des termes de l’échange entre pays riches et pays pauvres, à l’entraide réelle pour faire reculer la faim et permettre le développement des peuples à partir de leurs propres ressources.

Malgré l’acuité de ses problèmes et ses propres faiblesses, l’Europe peut apporter cette contribution. Elle le doit. Car non seulement elle dispose encore de beaucoup de moyens, mais ses fils ont eu tant de possibilités de connaître ce qui est juste et bon, de se former l’esprit et le coeur, de savoir le prix de la vie et de la liberté, de puiser aux sources de l’amour que le christianisme leur a révélé! Oui, les nations du monde sont en droit d’en attendre une aide particulière.

Je prie Dieu de vous inspirer et de vous soutenir dans votre haute charge. Et je Lui recommande l’avenir de vos personnes, de vos familles, de vos patries, de l’Europe, de toute l’Europe.


Décembre 1983

AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE GRÈCE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 3 décembre 1983



Monsieur l’Ambassadeur,

La noblesse de vos propos sur les excellentes relations entre la République de Grèce et le Saint-Siège, comme l’expression de vos sentiments personnels en ce jour de présentation de vos Lettres de créance, sont pour moi un motif de satisfaction et d’espérance. Je vous remercie vivement, et je vous saurais gré de traduire ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Président de la République de vous avoir désigné pour représenter auprès du Siège Apostolique le Gouvernement et les populations d’un pays toujours auréolé de sa prestigieuse histoire.

Depuis le XVIe siècle, sous le pontificat de Grégoire XIII, les représentations diplomatiques, établies avec les nations qui le souhaitaient, sont devenues une institution permanente. Certes, des ombres ont pu marquer leur histoire. Cependant le bilan de cette voie très particulière d’accès au bien général des peuples et des Eglises est positif. La diplomatie doit toujours être un choix bénéfique, même si elle connaît souvent des lenteurs et des résultats modestes. Elle est le chemin du droit sauvegardé, de la solidarité acceptée, du possible reconnu et concrétisé, de la patience inépuisable, face à des situations de tensions, d’injustices et, hélas, de violences, absolument indignes de toute civilisation humaine, en tout temps et plus encore dans le nôtre si enclin à régler ses différends par la force.

Votre adresse de tout à l’heure, Monsieur l’Ambassadeur, me faisait sentir que vous entendiez la diplomatie comme un acte de confiance dans les hommes, dans leurs capacités de chercher la vérité, de construire sans cesse la justice et la paix, au-delà des intérêts particuliers, sinon particularistes, en se référant au droit naturel et international. La diplomatie est véritablement un sentier qui conduit à la concorde et donc au bonheur et à la grandeur des peuples. Mon vénéré prédécesseur Paul VI a souvent mis en relief le rôle de la diplomatie, celle de l’Eglise comme celle des Etats, en insistant toujours pour qu’elle soit animée par l’estime et l’amour des hommes.

C’est pourquoi j’ai plaisir à accueillir Votre Excellence en ce jour où Elle inaugure ses hautes fonctions d’Ambassadeur de Grèce auprès du Saint-Siège. Il me souvient qu’en recevant votre prédécesseur immédiat et premier Ambassadeur nommé par le Président Constantin Caramanlis, j’avais tenu à souligner tout ce que l’Occident doit à la culture grecque, et combien le christianisme est redevable à votre langue véhiculaire de l’Evangile et de nombreuses lettres de l’apôtre Paul. Ce passé lointain a connu les vicissitudes de l’histoire. Mais les relations diplomatiques renouées depuis quelques années - et, à un plan tout différent, le dialogue entre l’orthodoxie et le catholicisme -, sont autant de signes d’espérance fondée pour le développement d’une compréhension et d’une collaboration entre votre gouvernement et les communautés orthodoxes d’une part et le Siège Apostolique de Rome d’autre part. Est-ce que les problèmes majeurs de la paix et de la justice, si aigus aujourd’hui, n’exigent pas l’oubli de divergences qui datent? Vous le dites vous-même dans votre allocution. Est-ce que la promotion des valeurs religieuses et éthiques, indispensables à toute civilisation authentiquement humaine et - qui plus est - à la survie de l’humanité, ne requiert pas le consensus sans équivoque et toute l’entraide possible de ceux qui portent les responsabilités des Etats comme des Eglises?

Veuillez également me permettre, Monsieur l’Ambassadeur, de souligner que votre mention du problème chypriote me trouve particulièrement sensible. Je tiens à exprimer une fois encore tous mes souhaits pour le prompt rétablissement de la paix entre les deux communautés, dans le respect des droits et des aspirations légitimes de chacune d’elles et avec l’assistance et la garantie de la communauté internationale.

Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite vivement que votre haute mission vous donne la joie profonde de contribuer à rendre les relations diplomatiques entre la Grèce et le Saint-Siège encore plus riches et plus efficaces. Je puis vous assurer que vous trouverez en cette Cité du Vatican l’accueil et le respect, la compréhension et le soutien que vous êtes en droit d’attendre. Et je suis certain que les communautés catholiques de Grèce, numériquement peu nombreuses, apprécieront de plus en plus cette liberté que la Constitution grecque leur garantit et qui leur permettra d’apporter en toute tranquillité et loyauté leur appréciable appoint à la concorde et à la vitalité de votre cher pays.

Mes voeux et ma prière se conjuguent pour l’heureux déroulement de votre mission. Et, de nouveau, je vous prie de transmettre mes respectueuses salutations et mes souhaits cordiaux à Monsieur le Président Constantin Caramanlis, à ses collaborateurs, et, en particulier, à Monsieur le Premier Ministre. A travers vous je salue aussi les chères populations de Grèce.

C’est à Dieu que je confie et confierai encore la paix, la prospérité et le rayonnement de votre cher pays!



À LA COUR EUROPÉENNE

Lundi, 12 décembre 1983




Chers Messieurs,

Vous avez manifesté le désir de cette rencontre: je vous en remercie et j’apprécie vivement la signification de votre démarche. Vous savez en effet l’importance que le Saint-Siège attribue à l’administration de la justice et au respect des droits et libertés de chaque personne humaine. Qui pourrait oublier que la conscience de la dignité humaine et des droits correspondants - même si on n’employait pas ce mot - est née en Europe sous l’influence décisive du christianisme?

1. Vous êtes venus à Rome célébrer un trentième anniversaire. Il y a eu trente ans en effet, le 3 septembre 1983, que est entrée en vigueur la “Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales” - signée à Rome le 4 novembre 1950 -, et le mois de mars prochain rappellera l’entrée en vigueur du premier protocole additionnel.

Une telle initiative a marqué, pour une partie de l’Europe, une étape importante, originale. Certes, il est heureusement courant aujourd’hui d’invoquer les droits de l’homme, et la Déclaration universelle, proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1948, en a donné une description intéressante, comme un appel à la conscience des peuples; elle a d’ailleurs inspiré les membres du Conseil de l’Europe qui ont élaboré leur Convention deux ans plus tard. Mais il restait à organiser efficacement la sauvegarde de ces droits, en instituant une véritable juridiction destinée à sanctionner l’atteinte aux droits définis par la Convention; autrement, ils risquaient de demeurer lettre morte. C’est le rôle de la Commission et de la Cour européennes que vous représentez, et dont le fonctionnement a été déterminé avec beaucoup de précision. Depuis lors, les Commissaires se sont vu adresser quantité de requêtes, même si beaucoup n’étaient pas recevables, pour examiner des préjudices ressentis comme tels et essayer un règlement à l’amiable (Art. 28), et les juges ont eu, à leur tour, à connaître un certain nombre de ces causes.

Il y a là une garantie sérieuse et surtout l’espoir que représente toujours la possibilité d’un recours. Quand on pense à tant de pays, dans les divers continents, qui ont bien voulu signer la Déclaration universelle, qui l’invoquent volontiers pour les autres, mais qui font fi chez eux des droits de l’homme les plus élémentaires inscrits dans la Déclaration, on doit admettre que le Conseil de l’Europe a amorcé là un processus très intéressant qui, dûment appliqué, devrait entraîner d’autres initiatives efficaces dans le monde.

2. Quant à vous, Présidents et membres de la Cour et de la Commission européennes, qui devez appliquer les mesures de la Convention et de ses cinq protocoles, vous avez une noble mission, exigeante, délicate, qui requiert une grande compétence et une totale indépendance, comme toutes celles de la Magistrature, et surtout à ce niveau, c’est-à-dire au-dessus des juridictions nationales. Il est important que joue aussi en ce domaine le principe de subsidiarité, et, de fait, votre intervention n’est prévue qu’“après l’épuisement des voies de recours internes” (Art. 26). Ces cas existent, et vos instances représentent un surcroît de garantie de justice pour les personnes qui s’estiment lésées, sans aucune distinction d’origine (Art. 14), pour les groupes de particuliers ou pour les associations non gouvernementales (Art. 25). La profonde équité, la sagesse, la prudence et la liberté avec lesquelles vous êtes appelés à rendre ainsi justice, selon votre conscience, sont certainement un très haut service que vous rendez, un beau témoignage que vous portez, qui vous méritent estime et considération. Pour ma part, je vous exprime mes encouragements et je prie Dieu de vous assister.

3. Je ne puis m’empêcher de dire un mot de la Convention elle-même et des Protocoles que vous êtes chargés d’appliquer. Les textes visent la défense de libertés et de droits essentiels, surtout au plan civique. On peut certes penser que leur liste pourrait être complétée, notamment par les droits économiques et sociaux; ou que leur expression pourrait être développée, précisée. Il appartiendrait aux experts et aux Comités ad hoc du Conseil de l’Europe de parfaire l’oeuvre commencée et de proposer ces amendements à l’adhésion des parties contractantes. Les textes reflètent en effet un certain niveau de conscience, à l’époque où ils ont été élaborés; cette conscience peut progresser, ou, hélas, régresser. Il importe que la formulation positive du droit corresponde le mieux possible aux valeurs fondamentales de l’homme, et vous êtes en quelque sorte les gardiens de ces valeurs, à travers les textes dont vous disposez.

Déjà l’Eglise reconnaît dans la Convention actuelle des éléments fondamentaux de la dignité humaine à sauvegarder. Je pense au droit à la vie, exprimé à l’article 2, qui est inhérent à toute personne humaine, inaliénable, et qui demande donc à être protégé par la loi, depuis le commencement de la vie humaine, dès la conception, jusqu’à la fin. On ne peut qu’apprécier aussi la défense de soumettre qui que ce soit à la torture, à des traitements inhumains (Art. 3). Je pense encore aux différentes exigences de liberté, aux dignes conditions d’arrestation ou de détention (Art. 5), de jugement (Art. 6), au respect de la vie privée et familiale (Art. 8), à la faculté de réunion, d’association, d’expression (Art. 10 et 11). L’Eglise est particulièrement attentive à la reconnaissance de la liberté religieuse, de la possibilité de manifester sa foi, en public et en privé (Art. 9), au droit de fonder une famille (Art. 12) et au droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques (Art. 2). A ce sujet, vous savez que le Saint-Siège vient de rendre publique une charte des droits de la famille, qui s’appuie sur une conception claire, cohérent, de ce qu’est la famille, et il offre cette contribution aux Gouvernements, aux Organisations internationales, aux familles et à tous ceux qui oeuvrent pour sauver la famille en crise et la promouvoir à partir de bases objectives et bien ancrées dans l’expérience humaine.

Bref, l’Eglise souhaite ardemment que soient pris au sérieux et positivement promus les droits fondamentaux des personnes, des familles, des corps intermédiaires, et elle se réjouit, non seulement de voir ces droits réaffirmés par les instances internationales, mais de les voir garantis et sanctionnés d’une façon efficace, comme contribuent à le faire vos instances judiciaires européennes. C’est le signe des régimes vraiment démocratiques. C’est la condition de la justice et de la paix auxquelles nous aspirons tous. Que Dieu nous fasse progresser sur ces chemins, en Europe et ailleurs, et qu’il bénisse vos personnes et vos familles!




Discours 1983 - Jeudi, 17 novembre 1983