Discours 1984 - Lundi, 5 mars 1984


AUX DÉLÉGUÉS DU MOUVEMENT «FOI ET LUMIÈRE»

Jeudi, 22 mars 1984



Chers Amis de “Foi et Lumière”,

1. Cette année, plusieurs rencontres comme celle-ci m’ont familiarisé avec le monde des handicapés qui est au coeur de vos préoccupations et même de votre vie. En janvier, j’ai reçu des prêtres vivant dans les communautés de l’Arche; en février, tous les membres de l’Arche de Trosly-Breuil. Et aujourd’hui je suis heureux d’accueillir les fondateurs, les responsables coordinateurs et les délégués du mouvement international “Foi et Lumière”. Depuis sa fondation à Lourdes voilà treize ans, votre mouvement s’est implanté en beaucoup de pays aujourd’hui représentés dans votre Assemblée. Le peu de temps dont nous disposons ce matin, en ce Carême de l’Année sainte, ne me permet pas de développer longuement les messages que j’ai eu l’occasion de vous adresser, surtout lors du pèlerinage a Lourdes en 1981. Mais vous saurez lire dans ces quelques paroles l’estime et l’affection que je vous porte, et mes encouragements à mener à bien une tâche aussi significative pour l’Eglise et pour la société actuelle.

2. Que de chemin parcouru depuis une dizaine d’années! Dans un passé récent, beaucoup d’enfants et d’adultes blessés d’un handicap mental se retrouvaient isolés, marginalisés en maints secteurs de la société, sans grande espérance de progrès; et souvent leurs familles, humiliées, vivaient cette épreuve repliées sur elles-mêmes. Aujourd’hui, vous avez largement contribué à ce que ces handicapés, leurs parents, leurs amis, bénéficient de rencontres régulières au sein de communautés d’amitié à taille humaine. Là, des liens personnels se tissent qui aident à mieux porter les fardeaux les uns des autres et à y faire face ensemble, en recevant et en donnant aux autres réconfort, estime, écoute, entraide. Là, le climat festif permet à chacun, même aux plus démunis, d’exprimer des ressources souvent insoupçonnées et de goûter ensemble une saine joie. Ces rencontres sont aussi marquées par la prière et par les célébrations qui culminent, pour les catholiques, dans l’assemblée eucharistique. La charte et la constitution que vous avez adoptées précisent bien ces moyens, qui demandent un engagement courageux, persévérant et, pour les coordinateurs et animateurs, des compétences humaines de pédagogie et beaucoup d’amour.

3. Vous comprendrez que j’insiste sur la foi chrétienne. Elle apporte en ce domaine un stimulant, un état d’esprit, une grâce qui correspondent remarquablement à une telle oeuvre. Vous ne pouvez oublier votre origine catholique, l’intention de vos fondateurs, et je souhaite que ceux qui, dans le mouvement, partagent votre foi, fassent les efforts nécessaires pour approfondir leur formation spirituelle spécifique, en fidélité à l’enseignement du Magistère. A tous, je souhaite de puiser la lumière dans la révélation de l’amour de Dieu tout au long de la Bible, d’apprendre en particulier de Jésus le respect et l’amour des pauvres: les handicapés mentaux sont bien ces pauvres, démunis des moyens qui font la force et le succès des autres, très vulnérables, mais précieux aux yeux de Dieu, pour qui toute vie humaine a un prix inestimable et toute personne une dignité inviolable. De Jésus, saint Jean nous dit: “Ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout” (Jn 13,1). Les handicapés ont besoin plus que d’autres de cette affection, faite de tendresse et de fidélité, qui les sécurise et les épanouit. Mais la foi nous aide aussi à découvrir les possibilités de leur propre contribution au monde qui les entoure: celui-ci gagne à faire l’expérience de leur simplicité de coeur, de leur humilité, de leur joie, de leur soif d’amour, de leur confiance. Oui, l’Evangile est une Bonne Nouvelle pour ces pauvres et leurs amis, sans oublier qu’eux-mêmes évangélisent à leur façon.

4. Votre mouvement a grandi, s’est structuré, dans la fidélité à ses origines et dans le respect des consciences, en maintenant le cap sur sa finalité humaine et spirituelle. Des questions se posent encore, touchant par exemple votre statut dans l’Eglise catholique, et les exigences d’un authentique oecuménisme qui se fonde sur la véritable insertion de chacun dans sa propre Eglise. Dans vos rapports avec le Saint-Siège, le Conseil pontifical pour les Laïcs pourra vous guider utilement.

De même, vous avez conscience qu’il est nécessaire de coopérer avec d’autres associations de l’Eglise et de la société qui oeuvrent dans le même sens. Et vous demeurez soucieux de participer aux activités de l’Eglise, en particulier dans le cadre des paroisses, des pèlerinages diocésains ou nationaux. Car il importe d’intégrer le plus possible les handicapés et leurs proches dans tout le Corps de l’Eglise où ils doivent avoir pleinement leur place.

5. Au moment de votre bilan des difficultés, des espérances et des projets de votre mouvement, vous vous mettez à l’écoute de Dieu pour lui demander de continuer son oeuvre, selon ses désirs. Je suis très sensible à cette disponibilité foncière, que je vous souhaite de garder et de développer. La présente démarche jubilaire nous permet d’entrer toujours plus à fond dans la volonté du Seigneur, en redécouvrant l’amour de Dieu, saint, proche et fidèle, en purifiant nos consciences, nos comportements et nos désirs, en méditant sur le prix mystérieux de la souffrance rédemptrice, comme je l’ai récemment proposé au monde, en demandant à Jésus ressuscité de libérer nos coeurs de tout ce qui les entrave, pour connaître la joie des enfants de Dieu.

Que l’Esprit Saint éclaire et fortifie tous les membres des communautés “Foi et Lumière”, à travers le monde. Qu’il inspire et soutienne les responsables! Que la Vierge de l’Annonciation, au coeur simple et disponible, les aide dans l’accueil des pauvres que sont les handicapés! Et moi, je vous encourage de mon affectueuse Bénédiction Apostolique.



AUX ÉVÊQUES DU TOGO EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Jeudi 29 mars 1984




Chers Frères dans l’épiscopat,

ces quelques mots, à l’adresse de vous tous, après l’entretien personnel que j’ai pu avoir avec chacun d’entre vous, veulent simplement affermir votre zèle et votre discernement pastoral, et aussi ceux des prêtres, des religieux et religieuses, des laïcs qui collaborent avec vous au Togo. Durant ces quelques jours à Rome, grâce à nos échanges, votre pays m’est devenu plus familier. Vous m’aviez d’ailleurs invité, ainsi que le Président de la République, à me rendre chez vous, comme je l’ai fait dans les pays voisins. J’en ai été très touché. Si je n’ai pas pu encore répondre à cette aimable invitation, j’espère pouvoir le faire un jour. Il me faut procéder par étapes dans ce vaste continent africain! Mais dès aujourd’hui, j’y suis présent par le coeur et la prière.

1. Le premier sentiment qui doit inspirer notre prière, c’est l’action de grâce pour l’oeuvre d’évangélisation accomplie chez vous en moins d’un siècle. Non seulement un beau pourcentage de la population a adhéré à la foi chrétienne, mais l’Eglise née ainsi a acquis une grande vitalité. Un des signes en est le nombre accru des vocations, de prêtres et de religieuses. Oui, nous devons rendre grâce à Dieu. Nous devons avoir aussi une pensée de gratitude pour les valeureux missionnaires qui ont transmis la foi au début, qui l’ont nourrie et soutenue, qui ont fondé l’Eglise et ont pris soin de préparer les chrétiens du pays aux responsabilités ecclésiales. Monseigneur Joseph Strebler, qui vient de mourir à Strasbourg, est de ce nombre. D’autres prêtres, venus d’ailleurs, apportent encore une collaboration précieuse et nécessaire. Enfin, nous apprécions la part active que les Togolais ont prise à leur propre évangélisation. La semence de l’Evangile est tombée dans un bon terrain!

2. Et maintenant, il faut regarder en face cette Eglise en état de croissance. Il semble que le Sud du pays ait connu et connaisse une situation assez privilégiée, pour ce qui est du nombre des baptisés, des prêtres et des religieuses. Or, on l’a dit souvent, les Africains doivent de plus en plus devenir les missionnaires des Africains. Je suis sûr que vous saurez faire comprendre à vos diocésains la nécessité de l’entraide à l’intérieur du Togo, susciter le zèle de ceux qui vont offrir leurs services dans un autre diocèse, et aider les fidèles à accepter des pasteurs d’une autre ethnie. C’est là un des signes de la catholicité de l’Eglise: elle s’est manifestée par une solidarité, un échange et un accueil dès les temps apostoliques et toujours par la suite, comme le montre l’exemple de saint Irénée. Au Togo, beaucoup de ceux qui partagent les religions traditionnelles sont sans doute prêts à accueillir la Bonne Nouvelle, si sa prédication claire est accompagnée du témoignage de vie évangélique. Nous prierons pour eux, et pour que les ouvriers sont plus nombreux dans cette moisson.

3. A vrai dire, pour ce qui est du ministère sacerdotal, beaucoup s’y préparent dans votre pays, dans les petits séminaires, au Séminaire d’aînés de Dapango, au grand Séminaire de Ouidah, au Bénin, et, depuis peu, au grand Séminaire de Lomé, qui pourra rendre un service apprécié, non seulement à cet archidiocèse, mais aux trois autres diocèses.

Tous ensemble, chers confrères, veillez avec soin à la formation de votre clergé, aux études solides des séminaristes, au progrès de leur vie spirituelle, à la formation de leur zèle et de leur discernement pastoral, à leur sens du service désintéressé.

Je suis heureux de savoir que la Congrégation autochtone des Soeurs de Notre-Dame de l’Eglise a connu aussi un bel essor. Vous avez fait l’expérience que le témoignage des religieuses, en ce qui concerne la prière, l’apostolat, la consécration à Dieu dans la gratuité de l’amour, est capital pour l’ensemble de la population, et particulièrement pour aider les femmes togolaises à accomplir leur mission dans la société.

4. Pour ce qui est de l’apostolat des laïcs, quelques associations florissantes se sont implantées chez vous, et il est certain que cet entraînement communautaire est bien nécessaire. Il vous revient de veiller à ce que ces associations permettent une formation profonde de leurs membres à la foi, à la prière, au sens liturgique, et aussi aux services ecclésiaux qui doivent déterminer leur action. Je pense à deux domaines particulièrement importants. L’un concerne la formation catéchétique des adultes mais aussi de tous les enfants et jeunes dans les écoles catholiques et les écoles de l’état; il y va de l’avenir de la foi. Un autre domaine est celui de la pastorale familiale; dimanche dernier, pour le Jubilé des familles à Rome, nous avons eu de beaux témoignages de la façon dont le mariage chrétien peut être vécu en Afrique. Avec les autres Conférences épiscopales de votre région, où se posent les mêmes problèmes, et en union avec le Saint-Siège, vous continuerez à chercher comment aider les chrétiens à se préparer à ce sacrement et à le vivre.

5. Chers confrères, je n’ai pu qu’effleurer ces soucis pastoraux qui sont quotidiennement les vôtres. Pour mieux y faire face, aidez vos diocésains, spécialement en ce temps fort du Carême de l’Année sainte, à se tourner vers le Rédempteur pour recevoir de sa grâce la purification de leurs consciences et un renouveau de vie conforme à l’Evangile. Aidez-les à vivre dans la fraternité! Cette fraternité est spécialement éloquente et importante pour votre presbyterium, qu’il s’agisse de prêtres togolais ou de ceux venus généreusement d’autres pays, diocésains ou religieux. En définitive, c’est sur l’esprit collégial des évêques, sur leur effective solidarité, sur leur commune responsabilité, que s’appuiera cet amour fraternel qui doit briller comme le signe par excellence des chrétiens.

Que le Seigneur vous donne sa lumière et sa force! Que la très sainte Vierge Marie y dispose les âmes! Portez mon salut affectueux à vos communautés chrétiennes, et mes encouragements à tous ceux qui oeuvrent à l’évangélisation. De grand coeur, avec vous, je les bénis.



À S.Exc. M. PIERRE DUMAS, NOUVEL AMBASSADEUR DU CANADA PRÈS LE SAINT- SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DE LETTRES DE CRÉANCE

Vendredi, 30 mars 1984




Monsieur l’Ambassadeur,

je suis heureux d’accueillir ici Votre Excellence, et je vous remercie des sentiments et des voeux chaleureux que vous venez de m’exprimer au nom du Gouvernement et du peuple canadiens.

Je vous saurais gré d’être auprès des Autorités que vous représentez l’interprète de ma gratitude, et aussi de mes souhaits cordiaux pour l’accomplissement de leur haute responsabilité au service de tous leurs compatriotes. Plusieurs fois j’ai eu l’occasion de recevoir ici des personnalités civiles de votre pays et en particulier Monsieur le Premier Ministre Pierre Elliott Trudeau.

Vous prenez place aujourd’hui dans la lignée des Ambassadeurs du Canada qui se sont succédé ici depuis quinze ans et qui ont grandement honoré votre pays tout en s’attirant l’estime du Saint-Siège. L’intérêt que vous avez porté vous mêmes, dès le début, à l’établissement de ces relations diplomatiques, laisse entendre que vous êtes bien préparé à en saisir la signification et la portée tout à fait particulières et qu’elles vous seront vite familières. Pour sa part, le Saint-Siège sera heureux de toujours mieux connaître, par votre entremise, les réalités complexes et attachantes de la vie des Canadiens, et les problèmes qui se posent a leurs dirigeants. Réciproquement, il témoignera volontiers auprès de vous de l’action spirituelle et des efforts de paix qu’il entreprend et offre au monde, conformément à sa mission. En de nombreux domaines, ces efforts rencontrent ceux de votre pays, pour le bien de la Communauté mondiale, et j’espère avec vous que, dans cette perspective, la coopération entre le Canada et le Saint-Siège se révélera toujours plus fructueuse.

Les échanges avec votre patrie vont connaître un temps fort à l’occasion de mon voyage pastoral dont l’échéance approche et que vous avez agréablement évoqué. C’est avec joie que je l’envisage moi aussi. Sa durée et son ampleur semblent, autant qu’il est possible en une dizaine de jours, à la mesure presque continentale de votre pays et correspondent à la variété de vos communautés. Les contacts que j’ai déjà eus ici avec de nombreux Canadiens - en particulier avec les Evêques et avec les Autorités civiles -, s’ajoutant aux visites que j’avais eu l’occasion de faire en rencontrant chez vous les émigrés polonais, m’ont déjà permis d’entrer en sympathie profonde avec vos compatriotes. Le Canada demeure un pays jeune, aux immenses possibilités de toute sorte, plein de dynamisme et d’espérance, sans manquer pourtant de traditions bien établies. Nous formons les meilleurs voeux pour son harmonie dans la diversité, pour le maintien et l’approfondissement des valeurs humaines et chrétiennes de son patrimoine, pour son rayonnement et sa contribution bénéfique à la solution des problèmes internationaux.

Oui, Votre Excellence a bien souligné la diversité culturelle des groupes qui composent actuellement le Canada. Ceux-ci se distinguent par l’origine, la langue, les mentalités, les intérêts locaux et certaines structures propres aux provinces, et pourtant tous sont appelés, dans la Confédération, à rechercher le bien commun nécessaire à l’ensemble et à adopter un même engagement vis-à-vis de l’extérieur. Cet équilibre difficile, toujours à consolider et à parfaire en tenant compte des particularismes, requiert sans cesse le respect des autres, qui sont différents, le dialogue, le souci de compréhension et, bien sûr, une effective solidarité.

Par ailleurs, la mutation rapide qu’a connue et que connaîtra encore la société canadienne et qui est source de progrès sous certains aspects, loin de nuire à l’identité du patrimoine moral canadien, devra toujours permettre, dans un nouveau contexte culturel, d’en vivre toutes les valeurs humaines et chrétiennes. Celles-ci doivent être consolidées et approfondies comme des points de repère indispensables, comme des exigences bénéfiques pour un authentique progrès, et même comme les conditions d’une civilisation vraiment humaine; elles donnent leur plein sens à la vie, à la liberté et à la communauté. Une civilisation n’est grande que par son âme.

Enfin, de même que l’Eglise au Canada a pris conscience de ses responsabilités vis-à-vis des Eglises d’autres pays, surtout de jeunes Eglises, de même le peuple canadien et son Gouvernement peuvent contribuer à développer dans le monde ces préoccupations hautement humanitaires que vous avez énumérées, concernant en particulier le règlement pacifique des différends, la garantie des droits de l’homme et notamment de la liberté de conscience, la solidarité avec les peuples moins favorisés qui manquent tragiquement du nécessaire.

En tous ces domaines, votre pays trouvera dans le Saint-Siège compréhension, appui et stimulant. D’ores et déjà, je prie Dieu d’inspirer le peuple canadien et ses dirigeants sur cette voie honorable et généreuse. Et à vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, je souhaite une heureuse et fructueuse mission.



Avril 1984

À LA CONFÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES DE FRANCE

Jeudi, 5 avril 1984




Chers Frères et Soeurs des Associations Familiales Catholiques,

je suis toujours très heureux de recevoir des familles décidées à vivre l’idéal chrétien du mariage, et je vous félicite d’être venus si nombreux, pour un pèlerinage jubilaire bien organisé, avec sa part de prière communautaire, de réflexion doctrinale et de vie fraternelle. A Rome, nous avons déjà fortement marqué le jubilé international des familles, le 25 mars; vous comprendrez que le temps ne me permet pas de vous redire les orientations affirmées ce jour-là, ni celles que j’avais exposées pour vos familles le 10 novembre 1980.

1. Je sais à quel point vous êtes soucieux de connaître et de faire connaître l’enseignement de l’Eglise, le sens chrétien du mariage et de la famille, tout le dessein du Dieu Créateur et ce qu’implique la Rédemption. Vous avez cherché à diffuser les divers documents du Magistère, et notamment l’exhortation “Familiaris Consortio
”. Le monde d’aujourd’hui présente à ce sujet un mélange d’ombres et de lumières; en puisant aux sources, vous pourrez vous situer “comme conscience critique de cette culture familiale et comme sujets actifs de la construction d’un authentique humanisme familial” (Ioannis Pauli PP. II, Familiaris Consortio FC 7). Il faut poursuivre cette formation personnelle et cet apostolat; le problème n’est pas seulement de savoir, mais de proposer ces convictions d’une manière persuasive qui, sans minimiser l’idéal chrétien et en acceptant parfois d’être signe de contradiction, s’efforce aussi de trouver le mieux possible le langage que des contemporains divers puissent entendre. Cela suppose de pouvoir répondre à leurs interrogations, à leurs inquiétudes, mais aussi à leurs espérances.
2. Appartenant à des familles chrétiennes, vous comprenez aussi le rôle essentiel de la grâce, sans laquelle la morale familiale catholique laisserait les hommes à leurs faiblesses et à leur découragement. Comment ne pas souhaiter que la prière soit au coeur de la vie familiale! Cela demande conviction et simplicité. L’éducation des enfants est une occasion de reprendre cette prière avec eux. Par les sacrements de la Réconciliation, de l’Eucharistie, l’amour, l’affection acquièrent la délicatesse et la profondeur de dons de Dieu. Bienheureux ceux qui ont découvert que le sacrement de mariage est une source inépuisable, capable d’irriguer toute la vie du foyer! J’en avais longuement parlé aux Equipes Notre-Dame. A Rome, vous avez fait une large part à la prière et aux sacrements.

3. L’enseignement de l’Eglise, avec la grâce de Dieu, doit être vécu concrètement, dans tous les domaines. Nous savons votre volonté de servir la famille à tous les niveaux. Vous avez en vue l’aspect spirituel, les exigences d’éducation, les nécessités économiques, les engagements sociaux et politiques qui peuvent soutenir la famille (cf. Ioannis Pauli PP. II, Familiaris Consortio FC 44). Vous voulez promouvoir la famille idéale, mais vous ne pouvez pas ignorer non plus les situations difficiles qui ont besoin d’une compréhension et d’une aide spéciales (Cf. Ivi, FC FC 77-85). Bref, les actions à soutenir ou les initiatives à prendre sont si nombreuses et si complexes que vos associations familiales catholiques doivent tenir compte du principe de subsidiarité en laissant les autres instances responsables jouer leur rôle à leurs niveaux respectifs. Collaborez avec elles ou préparez pour elles des hommes et des femmes compétents. Vous garantirez ainsi toujours mieux votre tâche spécifique de formation, d’animation et d’inspiration, en référence à la Charte des droits de la famille.

4. Cela vaut particulièrement pour la coopération avec toutes les autres forces de l’Eglise ou initiatives catholiques qui portent aussi le souci de la famille: CLER, Equipes Notre-Dame, catéchèse, action catholique, notamment au sein des paroisses. Car un seul mouvement ne peut à lui seul embrasser toutes les tâches familiales

Et bien évidemment, les évêques sont les premiers responsables de la pastorale familiale dans les diocèses (cf. Ivi, FC FC 73). Tout en respectant votre engagement de laïcs, chargés d’inscrire dans le temporel l’idéal chrétien de la famille, ils vous aident, comme le Pape lui-même, à vous inspirer, pour votre action, des orientations pastorales de l’Eglise et à la situer dans l’ensemble de la mission de l’Eglise. Vous aurez donc à coeur de travailler en liens étroits avec les prêtres qu’ils chargent d’être vos conseillers pastoraux.

5. Poursuivez votre effort d’ouverture aux différents milieux sociaux, aux familles très diverses, de telle façon qu’elles puissent se sentir concernées par votre action et touchées par votre écoute de leurs problèmes et vos propositions. Il faut que le levain reste levain, et qu’en même temps il soit inséré dans la pâte.

Ce ferment, vous désirez qu’il agisse, non seulement en renouvelant la mentalité des personnes, mais aussi en marquant les structures et les institutions de la société civile: celles-ci en effet devraient, tout en aidant les familles en difficulté, favoriser la famille stable fondée sur le mariage, le respect de la vie, la préparation à l’amour, les tâches éducatives en reconnaissant les responsabilités et la liberté des parents. Là encore, vous travaillez avec d’autres institutions neutres ou d’esprit chrétien pour faire progresser les réformes positives et le bien commun de tous.

6. J’observe le grand nombre d’enfants et de jeunes qui vous accompagnent et je leur dis: si vous avez eu la chance de grandir dans une famille bien unie, généreuse, imprégnée d’une foi vivante, et soucieuse de vous la transmettre en suscitant votre responsabilité de chrétiens, c’est une grande grâce! Appuyez-vous sur cette expérience, entrez en relation vivante avec Jésus Christ, préparez votre coeur au véritable amour par le don de soi et le maîtrise de vos sens, formez avec vos camarades des groupes où s’exercent votre témoignage et votre sens du service. Sans reprendre tout ce qui j’ai dit pour vous au Parc des Princes et à Lourdes, je forme des voeux fervents pour votre avenir humain et chrétien, sûr qu’un certain nombre seront aussi appelés à connaître la joie d’un service exclusif du Christ et de son Eglise.

Pour vous tous, jeunes et parents, je prie l’Esprit Saint qu’il vous donne sa force et sa lumière! Qu’il vous garde dans sa paix au milieu des épreuves! Qu’il élargisse votre charité, affermisse votre espérance! Et de tout coeur je vous donne ma Bénédiction Apostolique.



À UN GROUPE DE PÈLERINS FRANÇAIS

Mardi 10 avril 1984




Chers pèlerins,

je suis certain que vos yeux et plus encore vos esprits et vos coeurs sont profondément imprégnés - et ils le resteront - par votre longue marche sur les pas de l’Apôtre Paul. Vous avez d’ailleurs bénéficié de guides qualifiés pour vous faire vibrer en profondeur au prodigieux labeur apostolique du converti du chemin de Damas. Avec vous tous, dont la visite m’est agréable, il me plaît de féliciter Monsieur le Cardinal Garrone, vos divers responsables et conférenciers pour l’aide précieuse qu’ils vous ont apportée de manière complémentaire.

En cette brève rencontre - sans prétendre faire la moindre synthèse de vos découvertes - je voudrais pourtant souligner devant vous combien la personnalité, la doctrine et l’exemple de saint Paul constituent à l’intention des chrétiens d’aujourd’hui un remarquable chemin pour la recherche et la pratique de la liberté chrétienne authentique. Dans la société antique envahie par le paganisme - mais beaucoup d’observateurs avisés parlent du néo-paganisme de notre temps -, l’Apôtre présente la liberté chrétienne comme une libération du péché et de ce qui conduit au péché, comme une exigence de discernement spirituel permanent et courageux, comme une route pouvant alors conduire à la vérité, mais encore comme un service de la communauté religieuse et civile à laquelle on appartient, enfin comme une oblation au Seigneur... pouvant aller - comme celle de Paul - jusqu’au martyre. Je demande au Christ “l’Unique Médiateur”, “le Roi immortel des siècles”, et je demande à l’Apôtre Paul de vous soutenir vous-mêmes sur le chemin quotidien du témoignage évangélique généreux, joyeux, rayonnant. Avec ma Bénédiction Apostolique!





JUBILÉ INTERNATIONAL DES JEUNES - AUX JEUNES EN DIVERSES LANGUES

Jeudi 12 avril 1984




Queridísimos jóvenes,



… 2) Durant trois jours, vous allez méditer avec mes frères Evêques sur trois thèmes qui éveillent en vous un écho profond: la joie, la liberté, l’amour. Trois mots-clés, trois expériences que vous avez déjà faites, mais que vous allez approfondir, éclairer, fortifier, pour en vivre davantage encore. Grâce à la parole de grands témoins de l’Eglise d’aujourd’hui, grâce à vos témoignages mutuels, grâce à la prière et aux sacrements. Ce soir, je me contente de faire résonner en vous quelques Paroles de Jésus Christ.

La joie! Regardez votre expérience: accueillez les joies multiples qui sont les dons de Dieu: la santé du corps et la vie de l’esprit, la générosité du coeur, l’admiration devant la nature et les oeuvres de l’homme, la plénitude de l’amitié et de l’amour. Mais aspirez aux dons supérieurs, à la joie parfaite que Dieu révèle.

Rejoignez la joie d’Abraham, le Père des croyants (cf. Jn 8,56). Regardez la joie de Marie, “bienheureuse d’avoir cru”, qui “exulte de joie en Dieu, son Sauveur” (Lc 1,45 Lc 1,47). Ecoutez Jean-Baptiste, l’ami de l’Epoux (cf. Jn 3,29). Rejoignez saint François, saint Jean Bosco, tous les saints.

Surtout contemplez la joie unique de Jésus: il est le Fils bien-aimé: en lui vit tout l’amour du Père (cf. Mt 3,17). Il exulte de voir le Royaume révélé aux petits (Lc 10,21) et livre sa vie pour apporter “aux affligés la joie” (Missale Romanum, «Prex Eucharistica IV»).

Et vous, quelle sera votre joie?

Le Seigneur vous dit: “Si quelqu’un m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour m’asseoir à sa table, moi près de lui et lui avec moi” (cf. Ap 3,20). “Si deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux” (Mt 18,20). “Heureux les pauvres. Heureux les coeurs purs: ceux qui font la paix, ceux, qui ont faim et soif de justice” (Cf. Ibid. Mt 5,3-9)

Oui, chers amis, soyez dans la joie même de souffrir pour le nom du Christ, et d’être avec lui les frères de ceux qui souffrent. Et que la Résurrection du Christ vous remplisse d’une joie qui demeure (Cf. Jn 20,20), avec l’Esprit Saint qui vous est donné (Cf. Rm 5,5).

Au-delà de toutes les joies qui éclairent votre route, cherchez Celui qui vous donne la joie. “Cette joie, personne ne pourra vous l’enlever” (Jn 16,22).

3)



AUX PARTICIPANTS À LA XXXVIeme RÉUNION DE L'UNION EUROPÉENNE DE RADIODIFFUSION

Vendredi, 13 avril 1984




Monsieur le Président de l’Union Européenne de Radiodiffusion,
Monsieur le Président de la Commission technique,
Mesdames et Messieurs,

1. Le 3 avril 1981, peu avant Pâques, j’accueillais ici même la Commission des Programmes radiophoniques de votre Union. Aujourd’hui, trois ans après et en coïncidence avec la même célébration liturgique, la joie m’est donnée de rencontrer les membres de l’Union à son plus haut niveau, au terme des travaux de la Commission technique qui se sont déroulés, sur l’invitation de RadioVatican, à l’intérieur de cette Cité. Soyez les bienvenus, et permettez-moi de saluer en particulier Monsieur Albert Scharf et Monsieur Carlo Terzani. Je les remercie des paroles qu’ils m’ont adressées au nom de tous les participants. Paroles imprégnées de la vive conscience des responsabilités qui vous incombent. Précisément, l’Eglise “experte en humanité”, selon l’heureuse expression de mon prédécesseur Paul VI, et tout à fait persuadée de l’importance de vos activités, ne peut être à votre égard que respectueuse et exigeante. Et que Dieu, Père de tout bien, vous donne d’exercer votre pouvoir considérable avec une conscience qui vous porte sans cesse à chercher le service authentique de l’humanité! La qualification et la finalité de votre Union me sont bien connues. Je pense à votre souci d’étendre le champ de la radiodiffusion, d’échanger des programmes (sur ce point l’Eurovision est l’exemple le plus notoire), de coordonner les études relatives à ce grand moyen de communication, de soutenir également ceux qui sont chargés de mission dans tous ces domaines de la radiodiffusion.

Cette collaboration professionnelle fait partie de l’idéal qui mobilise vos énergies au service du public. Elle exige également beaucoup de créativité, d’engagement, d’humilité. Le véritable esprit de service oblige à regarder au-delà des frontières nationales et à chercher le bien général en se laissant entraîner par une inspiration plus large. Il existe une nécessité croissante d’information exacte, de véritable connaissance réciproque, de conscience des problèmes de l’ensemble de la planète, même si ce travail est souvent dicté par l’anxiété et les peurs. On ne peut séparer ce travail - il en est même l’expression - de l’exigence générale de paix qui gagne de plus en plus les individus et les peuples. Et la paix ne peut être établie sans communication et sans dialogue. Or le dialogue n’existe pas, s’il n’y a pas de place pour l’écoute d’autrui. Tout cela fonde l’importance capitale de votre tâche. En effet, l’époque contemporaine requiert que l’éthique de votre fonction publique devienne un service de l’humanité.

2. Au plan de la finalité de l’Union, une tâche spécifique de la Commission technique est d’étudier et de proposer les améliorations à apporter aux instruments et aux équipements dont se servent d’une part les présentateurs et d’autre part les usagers. La rapidité de l’évolution technique et son impact sur les mutations de la société rendent votre tâche à la fois exigeante et passionnante. Dans les secteurs où la Commission technique a récemment effectué des recherches et des efforts, je voudrais rappeler en premier lieu, et pour ce qui regarde les techniques de production, l’enregistrement magnétique du son et de l’image par procédé numérique et le choix d’une norme unique en collaboration avec l’industrie. Et en second lieu, au plan des techniques de diffusion, je voudrais mentionner: les études en vue de la radiodiffusion directe par satellites en référence particulière aux expériences qui prévoient, à côté d’un certain nombre de faisceaux nationaux, un faisceau dit “européen”, qui couvrira de nombreux pays dans le cadre de l’Union Européenne de Radiodiffusion; le développement de la télévision à haute définition, grâce aux programmes distribués à partir de satellites; la définition d’une norme unique pour la codification des images-vidéo à utiliser dans la transmission directe à partir des satellites; les études préparatoires aux deux conférences internationales de l’Union internationale des Télécommunications, l’une en vue de la planification des ondes métriques destinées à la radiodiffusion sonore en modulation de fréquence, l’autre en vue de la répartition, à l’échelle mondiale, des ondes courtes attribuées à la radiodiffusion. L’Etat de la Cité du Vatican, directement intéressé par ces Conférences, tout spécialement par celle qui traite de la répartition des ondes courtes, a pu constater une fois de plus - comme à l’occasion des autres conférences de l’UIT - l’efficacité de l’aide apportée par la Commission technique de l’Union Européenne de Radiodiffusion à ses membres, soit sous forme d’études et de propositions, soit en mettant à sa disposition les équipements requis pour le calcul.

3. ... en anglais



Discours 1984 - Lundi, 5 mars 1984