Discours 1986 - Vendredi 31 octobre 1986

Novembre 1986



À LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU BURUNDI

10 novembre 1986



A Son Excellence
Monseigneur Evariste Ngoyagoye
Président de la Conférence épiscopale
et à tous les Evêques du Burundi

La difficile situation que traverse l'Eglise dans votre pays est un motif de profonde préoccupation et suscite en moi le désir de vous exprimer ma proximité spirituelle et de ne pas laisser cette chère communauté sans une parole de solidarité et d’encouragement.

Vos souffrances me sont bien connues: depuis quelques années elles sont allées s’aggravant et semblent marquer le chemin de croix que vous-mêmes et vos fidèles gravissez. En fait, vos collaborateurs les plus immédiats ont été douloureusement frappés par l’éloignement de nombreux et méritants missionnaires et même, en diverses occasions, par l’emprisonnement de quelques prêtres. La liberté d’action pastorale et la célébration du culte ont été gravement restreintes. Enfin, ces jours derniers, des mesures encore plus dures ont blessé l’Eglise dans sa structure vitale et pourraient bien compromettre, dans l’avenir, jusqu’à la possibilité de sa mission: de manière soudaine, se sont succédé les dispositions visant à la nationalisation des Ecoles secondaires catholiques, des Petit Séminaires et des Séminaires Moyens, des Centres “Yaga Mukama”, tandis que d’autres ont entraîné la fermeture des Ecoles de formation des catéchistes et des Centres pastoraux ainsi que la suppression des mouvements d’Action catholique et d’apostolat du laïcat. Tout cela semble indiquer un propos délibéré de discréditer l’Eglise et ses Pasteurs par des accusations, des insinuations et des menaces, afin de marginaliser la communauté catholique, pourtant si vivace et florissante dans la société burundaise.

Je désire vous assurer, Frères très chers, de ma vive participation aux épreuves que vous supportez, comme les premiers chrétiens, “à cause de nom de Jésus”. Et je voudrais, de la sorte, me faire l’interprète auprès de chacun de vous de la solidarité de toute l’Eglise: une solidarité qui s’est manifestée encore ces jours derniers par de nombreuses expressions publiques dans diverses parties du monde, particulièrement en Afrique, et qui partout se concrétise par la prière à vos intentions. De toute l’Eglise, en effet, monte vers Dieu la fervente supplication que vous soient accordés grâce et courage, à vous qui êtes appelés à vivre, en ce moment de votre histoire, les pages de ce que je définissais, dans la Lettre apostolique “Salvifici Doloris”, “le premier grand chapitre de l’Evangile de la souffrance”.

J’ajoutais alors: “Ce premier chapitre de l’Evangile de la souffrance, qui parle des persécutions, c’est-à-dire des tribulations à cause du Christ, contient en lui un appel particulier au courage et à la force”. L’Apôtre Paul, dans la lettre aux Romains, affirme: “Nous nous glorifions encore des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l’espérance”. N’est-ce pas cette expérience de la naissance de la force dans la faiblesse et d’un renouvellement d’énergies spirituelles que vous êtes appelés à vivre aujourd’hui? N’est-ce pas la réponse consolante et encourageante que vous donnent vos fidèles qui, au comble de l’épreuve, ont montré une foi accrue et une participation plus intense à la vie liturgique? L’Eglise tout entière soutient votre témoignage laborieux et confiant, sûre que, “de même que les souffrances du Christ abondent pour vous, de même par le Christ abonde aussi votre consolation”.

Que cette solidarité fraternelle de la part de l’Eglise catholique, Frères très chers, vous réconforte et renforce votre unité! Avec raison, vous avez la préoccupation, dans les difficultés présentes, de sauvegarder et de raviver l’unité au sein de votre Eglise. En fait, seule une communion intensément vécue par tous les membres de la communauté peut garantir le succès des efforts que vous déployez pour assurer à vos fidèles la participation aux sacrements - surtout à l’Eucharistie - et une catéchèse adéquate, en dépit de la pénurie d’ouvriers apostoliques et des restrictions qui limitent l’exercice de votre ministère. J’encourage et je bénis tant d’efforts accomplis pour enraciner toujours davantage votre Eglise dans l’amour du Christ et dans l’union fraternelle.

D’autre part, vous savez bien que l’unité des disciples constitue le suprême témoignage à donner au monde, pour qu’il croie dans le Christ, l’Envoyé du Père. En même temps, elle est la meilleure garantie pour que l’Eglise soit effectivement “levain” dans la société humaine. C’est pourquoi je vous exhorte dans le Seigneur à ne jamais vous lasser d’être des artisans d’unité, pour le bien non seulement de la communauté chrétienne, mais de toute la Nation dont vous êtes les fils. Il appartient aux chrétiens, en effet, de travailler sans cesse dans le concret du quotidien, d’un même coeur et d’une seule âme, pour que disparaissent les discordes et les rancoeurs, soient surmontés les déchirements et soient tissés des rapports d’amitié et de fraternité entre tous, afin d’instaurer, dans un monde angoissé par ses divisions et, de ce fait, en proie à la peur, une authentique “civilisation de l’amour”.

Frères très chers, je vous encourage - ainsi que vos fidèles - à poursuivre l’oeuvre que depuis toujours l’Eglise, fidèle au “commandement nouveau”, accomplit inlassablement dans votre Patrie, pour que prévalent les valeurs qui sont essentielles, je dirais même fondamentales, à l’unité: le respect de l’homme, de ses droits et de ses libertés; la paix, fruit de la justice; le développement intégral de la personne; l’attention aux plus petits et aux plus faibles, à qui est opprimé et laissé pour compte. Les multiples oeuvres d’assistance et de promotion sociales, que la charité de Eglise a réalisées au Burundi, seront pour vous une richesse et inspireront encore - si besoin est - de nouvelles formes d’engagement et de nouveaux chemins vers l’unité des esprits et des coeurs.

En continuant généreusement, et en dépit de tout, une action qui relève de votre mission apostolique, soyez conscients que vous offrez de la sorte à votre Patrie une contribution spécifique, enrichie des valeurs de votre culture qui presque naturellement vous a portés à la rencontre des l’Evangile. Vous donnerez également une démonstration convaincante que l’Eglise - qui en soi ne se sent étrangère à aucun contexte humain - représente pour le Burundi comme pour tout autre pays un facteur d’union de la communauté nationale. Personne ne pourra ignorer ce témoignage éloquent, et je souhaite qu’il puisse contribuer à corriger certaines lectures peu objectives ou déformées de la réalité burundaise, dont l’Eglise ne porte aucune responsabilité et qui ont été pour nous tous motif de malaise et de souffrance.

J’ai confiance, Frères très chers, que la cohérence de votre engagement et de celui de toute l’Eglise locale, comme la vérité même des faits, ne pourront que favoriser la reprise du dialogue avec les Autorités de l’Etat, que je vous exhorte à rechercher encore avec une patiente ténacité et une généreuse disponibilité.

L’Eglise ne demande aucun privilège. Elle ne nourrit aucune ambition de puissance ou de pouvoir. Elle n’entend pas s’immiscer dans des domaines étrangers à sa mission religieuse. Elle demande seulement de pouvoir accomplir, comme il est de son droit, son service au bénéfice de l’homme, dans la vérité et la liberté. Dans ce ministère, l’Eglise se trouve aux côtés de l’Etat, étant donné que l’homme appartient à la fois à la communauté religieuse et à la communauté civile. Eglise et Etat donc, dans leur respective autonomie, ne peuvent que se rencontrer et collaborer, puisque les deux servent le même homme, avec ses problèmes et ses espérances. Il s’agit d’une entente et d’une collaboration pour lesquelles l’Eglise a toujours offert et continuera d’offrir loyauté, respect, cordialité et désintéressement. C’est pourquoi je désire exprimer le voeu, bien plus, l’espérance que ceux qui ont en main le sort de la Nation veuillent accueillir votre requête d’une rencontre franche et constructive, empreinte de mutuelle confiance. Nous espérons tous qu’il en résultera une rapide et satisfaisante solution des problèmes qui vous assaillent, spécialement celui des Séminaires, qui occupe la première place dans le coeur de l’Eglise et de ses Pasteurs.

Frères très chers, je vous ai ouvert mon âme avec confiance, voulant vous donner un témoignage de la sollicitude que je porte à l’Eglise bien-aimée qui est au Burundi et à votre Nation: elle vous est d’ailleurs quotidiennement manifestée par mon Représentant parmi vous, auquel je confie le soin de vous transmettre ce message.

Dans ces sentiments, de grand coeur j’invoque l’abondance des dons du Seigneur, sur vous, mes Frères dans l’épiscopat, sur vos prêtres dévoués, sur les religieux et les religieuses, sur les missionnaires qui travaillent au sein de votre peuple - comme sur ceux qui, contraints à l’abandonner, le portent encore dans leur coeur -, sur les jeunes qui se préparent à répondre à l’appel du Christ, sur vos généreux catéchistes et sur tous les frères et les soeurs burundais, tout en vous accordant une affectueuse Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 10 novembre 1986.



IOANNES PAULUS PP.II



AUX ARMÉNIENS DE LYON

11 novembre 1986




Chers Frères et Soeurs dans le Christ,

Dans le souvenir combien émouvant des moments de recueillement et de prière vécus à l’amphithéâtre romain de Lyon qui, en l’an 177, vit souffrir et mourir les premiers martyrs des Gaules, j’éprouve une grande joie à vous accueillir. J’ai encore présent à l’esprit l’adresse chaleureuse de Mgr Norvan Zakarian, votre Evêque, et le souffle oecuménique qui l’animait. Et vous, membres de l’Eglise arménienne apostolique qui n’avez pu me rencontrer à Lyon, soyez les bienvenus et croyez à ma gratitude pour votre visite!

Dieu soit loué! Il nous donne la grâce de tisser encore des liens de respectueuse et fraternelle amitié. Je sais ce que vous réalisez à Lyon avec vos frères catholiques, orthodoxes et protestants. Je connais vos efforts pour répandre ensemble le message chrétien, pour témoigner de l’importance de la prière. Je me réjouis de ce que votre activité est dans la ligne de l’exhortation que j’adressais aux chrétiens de Lyon, les incitant à répondre ensemble aux besoins de l’homme d’aujourd’hui, dans la fidélité à la Parole de Dieu et sans rien faire séparément de ce qu’il est possible de faire ensemble.

Lorsqu’il rendit visite à mon bien-aimé prédécesseur Paul VI, le 9 mai 1970, le Catholicos d’Etchmiadzine disait: “L’Eglise arménienne est heureuse de participer au mouvement oecuménique, et de concert avec les Eglises soeurs, de s’avancer vers l’unité dans l’amour du Christ... Nous devons croire que “les vents et les mers” de nos jours doivent aussi se subordonner à l’impératif de la paix. Pour cela, nous pensons qu’il est nécessaire que toutes nos Eglises et nous tous, nous nous rassemblions avec humilité et fidélité autour du Maître divin”.

Il y a, vous le voyez, une profonde communauté d’intentions et d’efforts entre votre Catholicos et l’Evêque de Rome. Cette volonté de collaboration a été encore confirmée par le délégué du Catholicos d’Etchmiadzine, Son Eminence l’Archevêque Bozabalian, à la journée de prière pour la paix à Assise, le 27 octobre dernier.

Que cette cause de l’unité des chrétiens nous saisisse en priorité, nous mobilise dans une atmosphère croissante de travaux sérieux, de prière ardente, de collaboration fraternelle! Celui qui a commencé cette oeuvre de réconciliation parmi nous saura la mener à son terme. A nous d’être fidèles à ce qu’il nous demande.

Je suis heureux d’invoquer sur vos personnes et sur tous les fidèles de l’Eglise arménienne l’abondance de la Bénédiction de notre unique Seigneur.


Décembre 1986



AU PATRIARCHE D'ALEXANDRIE DES COPTES LORS DE L'IMPOSITION DU PALLIUM

12 décembre 1986




Béatitude,
Chers Frères dans l’épiscopat,
et vous tous, Fils de la vénérable Eglise copte catholique,
entourés des représentants des autres communautés ecclésiales d’Egypte,

1. Soyez les bienvenus dans la Maison du successeur de Pierre, l’Apôtre qui eut des relations privilégiées avec l’évangéliste Marc, glorieux fondateur, selon la Tradition, du Siège d’Alexandrie. Je me suis associé profondément à la démarche de Votre Béatitude, qui a tenu, dès son arrivée sur le sol d’Italie, à se rendre à Venise sur la tombe de saint Marc.

L’église de Rome a été heureuse d’apprendre, en mai dernier, que le saint Synode de l’église copte catholique d’Alexandrie, sa soeur bien-aimée, avait élu un nouveau Patriarche en la personne de Votre Béatitude, pour succéder au vénérable Patriarche Stéphanois Ier Sidarouss. Bien volontiers je vous ai exprimé la reconnaissance de la communion ecclésiastique que vous sollicitiez. Et aujourd’hui, l’imposition du pallium veut être le signe tangible de cette reconnaissance. Ce pallium de laine blanche symbolise en quelque sorte les brebis dont vous avez la charge comme Pasteur à la suite de Jésus; il a été déposé sur la tombe du Prince des Apôtres et désormais il concrétisera, spécialement dans les célébrations de votre sainte liturgie, les liens de communion profonde qui unissent dans la même foi au Christ et dans une commune Eucharistie toute l’église copte catholique avec le Siège de Pierre qui “préside à la charité universelle”. Il est l’expression de l’étreinte affectueuse de la catholicité tout entière, signe de notre fraternelle solidarité qui sera un appui et un réconfort dans l’exercice de votre nouveau service apostolique sur le Siège d’Alexandrie.

2. Oui, soyez béni, bienheureux Frère, car votre visite est le gage de cette paix qui fait de nous tous un seul coeur et un seul esprit dans le Seigneur. Soyez bénis, vous aussi, Frères bien-aimés dans l’épiscopat, qui accompagnez votre Patriarche comme Pasteurs de l’église copte catholique. Au sein des différentes Eglises, la tradition dont vous réclamez occupe une place importante et de grande responsabilité. Vous êtes très attachés à ce qui fait la spécificité de votre Eglise, à ses racines apostoliques.

Je vous souhaite d’être toujours les dignes héritiers des saints qui ont rendu célèbre l’église copte et qui, encore aujourd’hui, sont à la base d’une vitalité spirituelle et théologique remarquables. Les Pères de l’Ecole d’Alexandrie vous ont laissé à la fois un exemple éclatant de fidélité indéfectible au Christ Seigneur qui est le même “hier, aujourd’hui et toujours”, et de courageuse ouverture aux exigences culturelles d’un monde assoiffé de vérité. Les anciens moines du désert vous offrent un modèle inégalé de radicalisme évangélique, ardente mise en garde face aux compromis toujours faciles et témoignage vivant de l’attente du Royaume dans la précarité des entreprises humaines. Bien d’autres trésors sont insérés au plus intime de l’âme de votre peuple: la sainteté du mariage, le caractère sacré des liens familiaux, une hospitalité accueillante et généreuse. Et comment ne pas évoquer cette merveilleuse tradition de prière liturgique qui est la votre, celle de l’Eglise d’Alexandrie, à la fois solennelle et pleine de sobriété, pour ne rien dire de cette austérité rigoureuse qui caractérise votre esprit de pénitence!

Tout en vivant de manière originale votre vie chrétienne, dans la ligne de cette tradition qui a enrichi toute l’Eglise, vous vous sentez greffés sur l’arbre de l’Eglise catholique ouverte à tous les peuples, avec leurs cultures et leurs sensibilités variées, en pleine communion avec le Siège de Pierre, centre et garant d’unité et d’enrichissement mutuel. Ce matin, d’autres évêques, appartenant à différents rites, se sont unis à vous en la présente circonstance: avec vous, ils manifestent dans toute sa beauté la richesse multiforme de la Sainte Eglise.

3. Cette rencontre des fils de la grande famille catholique, qui rejoint la prière sacerdotale de Jésus “qu’ils soient uns”, comporte pour nous tous un appel toujours pressant à être des artisans d’unité. Nous ne pouvons pas oublier en cet instant la grande majorité de la famille copte avec laquelle je désire si vivement que nous progressions vers la pleine communion. Votre Béatitude vient d’affirmer très justement son engagement personnel et celui de toute l’Eglise copte catholique afin que le cheminement oecuménique, lent et souvent hérissé d’obstacles mais sûrement conforme au désir du Seigneur, puisse se poursuivre grâce à l’effort et à la bonne volonté de tous. Cela suppose que, par le respect de l’autre et de ses responsabilités pastorales propres, on rétablisse une profonde confiance réciproque et fraternelle. C’est la condition présupposée à toute collaboration et à ce témoignage commun des chrétiens si nécessaire partout, mais plus encore, peut-être, dans l’Egypte aujourd’hui. En effet, les chrétiens doivent s’intégrer pleinement dans cette société en rapide croissance dans tous les domaines de l’activité humaine. Ils doivent avoir l’ambition de contribuer à ce grand mouvement de progrès et d’ouverture qui semble caractériser votre pays aujourd’hui.

Très chers Frères, quel témoignage de foi, quel message d’amour pourrions-nous offrir au monde si nous-mêmes, nous pour qui le nom du Christ donne un sens à la vie, nous perdions notre temps et nous gaspillions s no s forces en présentant le spectacle de no s propres divisions plutôt que celui de notre commune vocation? Ne savons-nous pas qu’un royaume divisé contre lui-même est inévitablement condamné à se désintégrer? Aussi, pour notre part, soyons toujours les premiers à pardonner, à oublier les torts et à recommencer chaque jour, s’il le faut, en suscitant de nouvelles occasions de rencontre et de dialogue. Qui sème dans la charité et dans la vérité, tôt ou tard, en récoltera les fruits.

4. Par ailleurs, l’esprit de collaboration qui règne entre les diverses communautés catholiques d’Egypte constitue un motif de joie et d’espérance. A une époque où toutes sortes de problèmes nouveaux et difficiles, où les espoirs et les succès, revêtent une dimension régionale et même universelle, je ne puis qu’encourager et soutenir une telle coopération. Seul un échange continu et un enrichissement mutuel seront en mesure de répondre, avec clarté, efficacité et promptitude aux innombrables besoins de l’homme pour mieux le servir. Et chaque communauté ou Eglise y gagnera, en dépassant le cercle restreint de ses propres limites.

Enfin, je n’ignore pas combien est précieux le service que prêtent les religieux et les religieuses de tous rites, en esprit de totale disponibilité, sans distinction de race, de langue ou d’Institut. Ce message, exprimé de façon vécue, incite admirablement à une véritable fraternité et à une compréhension réciproque dans l’action.

C’est pourquoi je suis sur que l’Assemblée des Evêques catholiques d’Egypte, sous la digne présidence de votre Béatitude, ne manquera pas d’assurer la coordination indispensable à une action pastorale incisive et efficiente auprès de leurs fidèles, fondée sur une analyse lucide des situations et des besoins, dans un esprit d’ouverture aux signes des temps et inspirée par la créativité inépuisable que permet le dynamisme des dons de l’Esprit Saint.

5. Dans ce contexte, comme Votre Béatitude l’a relevé, deux taches sont primordiales: la formation du clergé et une mise en valeur de la responsabilité des laïcs.

Parmi les critères qui doivent inspirer l’éducation de ceux qui se préparent à servir la communauté chrétienne dans le ministère ordonné, il nous apparaît d’abord indispensable d’assurer une rigoureuse fidélité à sa propre tradition: les prêtres coptes catholiques doivent être pleinement les enfants de leur peuple formés dans ce climat spirituel qui rendit célèbre la vénérable Eglise d’Alexandrie. Ils devront en posséder la culture et accéder aux sources de cette spiritualité pour en devenir les exégètes avisés, respectueux des valeurs de leur passé et capables en même temps d’en faire une relecture actualisée, ouverte aux interpellations des temps nouveaux. Pour cela, une sage valorisation de votre splendide liturgie, permettant aux prêtres et aux diacres de célébrer les divins mystères avec toute la dignité requise, sera de toute première importance.

Il importe également de veiller à leur formation pastorale. Leur présence ministérielle n’est pas liée exclusivement à une administration occasionnelle des sacrements, qui sont certes des instruments irremplaçables de la grâce, mais qui doivent être reçus et vécus au sein d’une communauté vivante, inspirée par une foi éclairée et agissante, animée d’une charité courageuse. La validité du témoignage chrétien est tributaire de tout un engagement pastoral réaliste que les prêtres auront su mettre en oeuvre avec la communauté des fidèles.

6. C’est précisément dans la perspective d’une Eglise locale admirablement articulée dans ses charismes et ses ministères qu’émerge le rôle fondamental du laïcat que le prochain Synode entend promouvoir. Nous savons combien le développement de l’Eglise dépend de nos laïcs, non seulement grâce aux services par lesquels ils soutiennent les communautés chrétiennes, mais grâce à leur témoignage quotidien et à leur action spécifique au sein des réalités temporelles qui tissent la société et y font advenir le règne de Dieu: une activité professionnelle qualifiée et honnête, un travail réalisé avec amour et abnégation, une vie de famille marquée par l’unité et la fidélité même au milieu des épreuves, l’éducation de la jeunesse, la promotion d’initiatives en faveur des pauvres et des marginaux et, toujours, l’affirmation vécue de la suprématie de la personne humaine sur le pur profit ou le simple avantage personnel, la sauvegarde de la dignité humaine, de la liberté de conscience et d’expression, le témoignage d’une vie tournée vers Dieu, dans une prière fréquente et confiante. Cela suppose que les laïcs se ressourcent dans une vie sacramentelle intense et une formation catéchistique solide. Voilà quelques-uns des nombreux moyens de rendre l’Evangile crédible aux yeux de ceux qui ne partagent pas, en tout ou en partie, le sens de notre vie.

7. Béatitude, chers Frères dans l’épiscopat, ce que je viens d’évoquer devant vous, c’est ce que toutes les communautés ecclésiales sont appelées à réaliser pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. C’est en cela que nous sommes les serviteurs de l’unique Seigneur et Sauveur. Prions les uns pour les autres.

Pour ma part, j’invoque sur vous les dons de l’Esprit Saint, sa lumière et sa force. Et je vous assure que vous pourrez toujours trouver dans le successeur de Pierre le soutien et l’encouragement que vous désirez. Je redis mon estime pour votre jeune Eglise enracinée dans une si antique tradition. Je vous remercie de votre visite et de votre confiance.

A vous et à tous ceux qui vous accompagnent ou que vous représentez, Frères et Soeurs de l’Eglise copte catholique ou des communautés catholiques des divers rites, je donne de tout coeur ma Bénédiction. Que le Seigneur vous affermisse dans la foi qui fait notre joie à tous! Qu’il vous garde dans l’espérance, même lorsque vous avez l’impression d’être “le petit troupeau” de l’Evangile, qu’il vous maintienne prêts à justifier cette espérance qui est en vous! Qu’il élargisse vos coeurs aux dimensions de son Amour! Qu’il accorde à tout le peuple d’Egypte la prospérité et la paix!




Discours 1986 - Vendredi 31 octobre 1986