Discours 1985 - Mardi 21 mai 1985

CÉRÉMONIE DE DÉPART

Belgique - Mardi 21 mai 1985




1. Me voici au terme de ma visite pastorale en Belgique. Les rencontres ont été nombreuses et diversifiées, réparties sur presque tout le territoire, dans la plupart des provinces et des diocèses. A chaque groupe, j’ai donné le message que j’estimais approprié, non pour lui révéler des choses nouvelles, mais pour affermir la foi, donner un nouvel élan d’espérance, stimuler et élargir la charité, en écho aux paroles de Jésus à saint Pierre, en témoin de l’Eglise universelle. Ici, je voudrais dire seulement un grand merci et des voeux.

2. J’exprime ma vive gratitude à Sa Majesté le Roi des Belges et à la Reine pour leur accueil digne et cordial. Je remercie avec eux toutes les Autorités qui ont tenu, bien souvent, à honorer nos rencontres de leur présence et qui ont pris les dispositions que requéraient mon voyage et surtout les grands rassemblements populaires. Je remercie également tous ceux et celles qui ont prêté aimablement leur concours aux déplacements, à la sécurité, au service d’ordre, à l’aménagement des lieux et aux installations nécessaires et en particulier le Comité National pour l’accueil du Pape et les divers comités locaux. Vous avez permis à vos compatriotes de vivre dans la paix ces grands moments de communion dans la foi avec le Pape.

3. J’exprime aussi ma vive gratitude et ma profonde satisfaction à tous ceux qui ont pris part à ces rencontres, aux évêques de ce Pays, aux prêtres, aux diacres, aux religieux et religieuses, aux laïques adultes et jeunes, aux enfants qui sont venus à moi avec une telle confiance, aux malades et handicapés, et aussi aux autres croyants et hommes de bonne volonté qui se sont joints à eux. Au delà de votre accueil chaleureux, très chaleureux, envers ma personne, j’ai apprécié votre ardent témoignage de foi - cette foi catholique si bien enracinée dans la terre de Belgique -, votre participation active et digne à la liturgie et aux diverses célébrations et prières, votre ferme volonté d’engagement pour le bien de l’Eglise et de la société, pour la justice et pour la paix, telle que vous l’avez exprimée avec franchise et avec confiance, et telle que je l’ai constatée moi-même dans les conversations que j’ai eues avec vous, dans l’expérience que j’ai faite au milieu de vous. J’ai vu à la fois votre souci de témoigner de votre foi et de respecter la conscience de vos compatriotes. Peut-être pourrait-on dire que cette visite a été l’occasion de révéler l’âme profonde du peuple chrétien de Belgique, qui, tout en étant latente depuis toujours, a trouvé des accents heureux pour s’exprimer. Et cela nous a donné une profonde joie, à vous et à moi. Même si je n’ai pas pu répondre à toutes vos questions, je les garde dans mon coeur et dans ma sollicitude pastorale. Puisse notre commune expérience porter maintenant tous ses fruits! J’emporte le souvenir de tous ces contacts pastoraux et spécialement de vos communautés ressemblées à Bruxelles, à Mechelen, à Antwerpen, à Ieper, à Gent, à Beauraing, à Namur, à Liège, à Leuven, à Louvain-la-Neuve, à Banneux.

Que notre Père du ciel vous garde dans sa sainte volonté! Que le Seigneur Jésus vous maintienne dans sa paix! Que l’Esprit Saint affermisse en vous l’espérance! Sur tous ceux qui m’accompagnent en ce lieu de congé - ou d’au revoir -, j’implore la Bénédiction de Dieu.

Merci à vous tous!

Ich danke euch allen!



                                    Juin 1985

AUX MINISTRES DES TRANSPORTS DES PAYS DE L'EUROPE

Samedi, 1 juin 1985


Messieurs les Ministres des Transports des Pays de l’Europe, Mesdames et Messieurs,

1. Alors que vous êtes réunis à Rome pour votre Conférence périodique, à laquelle participent des Ministres des Nations concernées, d’Amérique du Nord et d’Extrême-Orient, je suis heureux de vous rencontrer aujourd’hui.

Je remercie cordialement Monsieur le Représentant du Ministère des Transports en Italie pour l’aimable adresse qu’il vient de m’exprimer au nom des diverses délégations. Mon salut va à tous ceux qui sont ici présents, au terme de journées de labeur intense et combien important.

2. Celui qui vous accueille ne saurait oublier, en une circonstance comme celle-ci, l’histoire du christianisme. Dès le début de sa diffusion, presque bimillénaire, l’Evangile du Christ bénéficia singulièrement des fameuses voies romaines de communication. C’est ainsi que Pierre le Galiléen, dépositaire avec les autres Apôtres du commandement d’aller enseigner de par le monde entier, aboutit au port d’Ostie pour faire de Rome son siège apostolique. De ce nouveau centre, le message évangélique rayonna très vite dans toutes les directions. Ce fut le début d’une marche ininterrompue.

La foi et la civilisation avancent sur des routes construites par des hommes. Ce qui fut vrai dans Je passé, l’est d’autant plus dans notre société moderne, diversement définissable assurément, mais certainement caractérisée par une très grande mobilité. De là, l’importance croissante du domaine des transports et de leurs structures.

Un texte du prophète Isaïe me revient en mémoire. Huit siècles avant le Christ, ces paroles décrivaient les voyages des temps messianiques à travers l’image du nivellement des montagnes et des vallées. Lorsqu’il nous arrive de parcourir les autoroutes modernes, en traversant tunnels et viaducs, il est difficile de ne point songer à cette antique prophétie biblique.

Votre mission, Messieurs les Ministres, vous pousse sans cesse à procurer aux populations contemporaines, comme séduites par les mirages de la mobilité, des voies nouvelles, rapides et sûres; mais aussi des moyens de transport plus nombreux, plus efficaces et confortables et financièrement accessibles. Et la technique est en train de proposer d’autres possibilités pour développer le réseau déjà très dense des voies aériennes.

La multiplication des liaisons par voie terrestre, maritime et aérienne est l’objet de votre politique à l’intérieur de chacun de vos pays. Mais vos Conférences spécialisées, au niveau ministériel, vous poussent à dépasser les frontières nationales afin de résoudre les difficultés qui vous sont communes; et à nouer des relations plus vastes et plus profondes avec des pays culturellement proches ou géographiquement éloignés.

3. Bien que les agglomérations modernes - surtout à cause de l’état des transports urbains - soient encore loin de la cité idéal pour l’homme, au niveau international, par contre, les transports sont au nombre des moyens les plus efficaces pour réaliser concrètement une société plus juste et une patrie plus vaste.

Grâce aux transports modernes, souvent très sophistiqués, l’échange des biens matériels entre les peuples est facilité, les distances d’un continent à l’autre sont raccourcies; et, à l’intérieur de chaque continent, comme c’est le cas en Europe, des forces de nature variée, orientées vers la construction d’une nouvelle et plus ample unité, se mettent en mouvement.

Actuellement, nous assistons au déplacement de foules humaines considérables - on peut lire des centaines de millions de personnes - sur les routes du monde, bien au-delà de leurs frontières et de leurs fuseaux horaires, pour chercher du travail, faire du tourisme, découvrir d’autres peuples et d’autres cultures.

C’est là un phénomène de mobilité pacifique, inspirée du principe que les biens particuliers et originaux d’une nation sont comme le patrimoine de l’humanité entière. Chaque habitant de l’univers est appelé à en profiter, dans les limites du possible, pour puiser dans ces biens un enrichissement humain et spirituel. Il en va ainsi des splendeurs de la nature, faites pour être contemplées, ou des oeuvres d’art existant pour être admirées de près, ou des chantiers de travail à découvrir, ou encore des lieux de culte à visiter.

La promotion authentique de l’homme est une oeuvre grandiose. Elle peut être singulièrement facilitée par les transports de l’époque moderne. L’homme dont la mission est de construire une société vraiment humaine, doit s’en soucier toujours davantage, y compris dans l’important domaine des transports.

4. Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, l’Eglise, profondément sensible à tout ce qui peut élever l’esprit et le coeur humain et rassembler les peuples, porte un regard plein d’attention et d’espérance sur les travaux d’une Conférence comme celle que vous venez de tenir. Elle le fait au nom de la paix, de la justice sociale, de la fraternité, de la promotion humaine et religieuse.

C’est pourquoi, au terme de cette agréable rencontre, je suis heureux de renouveler à chacun de vous mes salutations et mes voeux les meilleurs. Que Dieu vous soit en aide!



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DU LIBAN PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 8 juin 1985




Monsieur l’Ambassadeur,

La conjoncture libanaise imprègne de gravité la présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Liban auprès du Saint-Siège. Depuis plus de dix ans, votre patrie bien-aimée est dans la tourmente. L’opinion publique s’y est, hélas, peut-être habituée. Par contre, vos compatriotes et les nombreux amis du Liban n’ont cessé d’espérer l’aurore de la paix. Je vous remercie pour votre adresse de tout à l’heure où s’entremêlent la reconnaissance pour la sollicitude constante du Siège Apostolique envers le peuple libanais et l’attente d’une aide urgente des Nations pour coopérer à la restauration d’un pays profondément malheureux. Et je veux exprimer à Votre Excellence l’assurance de ma très vive communion aux souffrances de tous les habitants de cette terre attachante en raison de son histoire marquée par tant de valeurs humaines et imprégné par tant de foi religieuse.

Certes, en ne voyant que la décennie écoulée, on serait tenté de désespérer. Dieu merci, il est encore assez de Libanais, je dois dire de très nombreux Libanais, qui n’ont pas laissé les vents de la lassitude et du défaitisme éteindre la petite flamme de l’espérance. Votre Excellence, comme nombre de personnalités, garde confiance. Il est déterminant pour les populations que les responsables conservent, malgré les difficultés accumulées, la préoccupation du bien commun et l’indispensable lucidité pour sauvegarder l’avenir de cette nation. Je suis également certain que les populations libanaises elles-mêmes sauront coopérer à tous les efforts qui seront entrepris afin de consolider les institutions, de restaurer la vie en société et de créer un climat de mutuelle confiance. L’avenir du Liban est entre les mains de tous ses fils, en ce sens que toute personne humaine - quels que soient ses choix politiques et son appartenance religieuse, et quelles que soient ses épreuves et ses déceptions - porte en elle d’étonnantes réserves de remontée morale et spirituelle. Nous touchons là au mystère même de la personne humaine, qui tient du monde de la matière et en même temps du monde de l’esprit. La personne humaine est créée à l’image de Dieu. Cette dimension spirituelle, lorsqu’elle est reconnue à bon escient, est génératrice de tous les relèvements individuels et communautaires. L’intelligence de l’homme, sa volonté libre, son coeur ouvert avec magnanimité sont source de compréhension, de respect, de solidarité, de dynamisme, d’esprit démocratique authentique apte à faire converger les différences vers le bien général.

Mes propos rejoignent ceux de Votre Excellence. Ils tiennent compte aussi d’un facteur commun à toutes les populations du Liban: la foi au Dieu unique, qui peut et doit alimenter la réconciliation nationale.

Je voudrais encore préciser deux éléments fondamentaux que les Libanais doivent avoir à coeur de développer. D’une part, la persistance sur le sol de leur patrie de la rencontre et de la coexistence de traditions religieuses différentes. L’appartenance à une confession religieuse, loin d’être une cause d’inimitié et d’extrémisme, doit au contraire inspirer des sentiments de compréhension et une collaboration concrète en vue du bien matériel et spirituel de la communauté nationale. D’autre part, le Liban a longtemps accepté un pluralisme culturel. Sa position charnière entre l’Orient et l’Occident explique d’ailleurs ce phénomène. Les observateurs avisés sont nombreux à affirmer que ce pluralisme culturel a été facteur de développement pour le pays, même si l’on peut regretter que telle ou telle région en ait moins bénéficié que d’autres. Il peut sans doute connaître des aménagements, mais il garde toute sa raison d’être. Dans cette double direction, je souhaite ardemment que les responsables, les populations fassent de nouveaux pas. Que le Dieu tout puissant, invoqué par la très grande majorité des Libanais, aide chacun d’eux à revoir et à convertir sa mentalité et ses comportements, afin que prédominent de nouveau dans les esprits et les coeurs les valeurs humaines et spirituelles qui font ou refont le tissu de toute société humaine, de toute civilisation digne de passer à l’histoire: le respect sacré de la vie, l’acceptation de toute personne dans ses différences, le sacrifice d’intérêts particuliers au profit du bien général, la protection des droits et des libertés inaliénables, la fidélité quotidienne aux devoirs et à la conscience. C’est dans ce sens que j’entretenais la délégation parlementaire libanaise, venue me rendre visite le 29 mars dernier.

Mon dernier et ardent souhait est que les Nations de bonne volonté se concertent enfin, et toujours dans le plus grand respect de la souveraineté du Liban, pour libérer le pays du fléau de la guerre et contribuer à lui redonner la paix et le bonheur.

Monsieur l’Ambassadeur, encore une fois je vous suis très reconnaissant de vos paroles empreintes de noblesse et de sagesse. Et je forme pour votre personne, et pour la très haute mission que Monsieur le Président Amine Gemayel vous a confiée, les souhaits les plus chaleureux. Que Dieu vous soit en aide et qu’Il nous donne à tous d’oeuvrer courageusement pour la paix dans le monde!



AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'INSTITUT DES FILLES DE LA CHARITÉ DE SAINT VINCENT

Jeudi, 20 juin 1985



Ma Révérende Mère, Mon Révérend Père, Mes Soeurs,

Cette rencontre familiale nous procure à tous une grande joie d’Eglise. Dieu soit béni pour le Chapitre qui vient de s’achever et pour les 33.000 Filles de la Charité dont vous étiez les déléguées! Dieu soit loué pour vos fondateurs tout à fait remarquables, saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac! L’Eglise éprouve à votre égard, comme envers toutes les congrégations religieuses, une sollicitude imprégnée de respect, de confiance et d’exigence.

En premier lieu, je me dois de saluer la Révérende Mère Anne Dauzan, élue le 28 mai dernier, et de lui présenter mes voeux fervents et priants pour la fécondité du mandat qu’elle a accepté avec un esprit de foi vincentien. Je tiens également à remercier, au nom de l’Eglise, Mère Lucie Rogé pour son vaillant service de l’Eglise et de la Compagnie, à la suite de tant de Responsables générales très méritantes, telle une Mère Guillemin, de récente mémoire.

Un chapitre peut avoir des objectifs variés. Il vise toujours à revigorer la sève première d’un Institut religieux. En cette visite, qui est un nouveau signe de votre attachement exemplaire - je ne crains pas de le souligner - au successeur de Pierre et à l’Eglise, vous attendez aussi mes encouragements. Je pourrais les résumer en une phrase lapidaire, un peu à la manière de Monsieur Vincent: “Contre vents et marées, gardez-bien votre identité”! Je développerai cependant quelque peu mon propos, en me référant à votre fondateur. Il existe un portrait de la Fille de la Charité qu’il brossa lui-même lors de l’envoi de sept soeurs en mission: “Soyez toutes données à Dieu pour le service des pauvres...” (Cfr. P. COSTE, CM, Ecrits et Conférences de saint Vincent, tom. IX, 1925). Chaque terme a son importance. Des commentateurs ont à propos mis en relief la préposition “pour”. C’est bien elle qui finalise la consécration et qui consacre le service. Celui-ci, en effet, n’est pas comme un deuxième temps de la consécration. Il est déjà présent dans la consécration. Pourrait-on comprendre cette consécration en faisant abstraction du service des pauvres? Et le service des pauvres ne serait-il pas faussé, sinon dénaturé, en l’isolant de la consécration? De toute évidence, la consécration est fondamentale dans l’esprit de saint Vincent. C’est une des raisons, parmi d’autres, qui le poussa à en proposer le renouvellement annuel à la date du 25 mars.

Pour que cette radicale donation au Seigneur à cause des pauvres et pour les pauvres conserve sa fraîcheur et son élan quotidien, Vincent de Paul, marqué par les départs de 1647, revient vigoureusement, le 31 mai 1648, sur le problème de la prière: “Il est vrai, mes Soeurs, qu’une Fille de la Charité ne peut subsister si elle ne fait oraison. Il est même impossible qu’elle persévère. Elle durera bien quelque temps, mais le monde l’emportera. Elle trouvera son emploi trop rude... Elle deviendra languissante... et enfin, elle quittera” (Cfr. ibid., p. 416). Votre saint fondateur ose même ajouter un véritable diagnostic: “Et d’où pensez-vous, mes Filles, que tant aient perdu la vocation? Oh! c’est parce qu’elles négligeaient l’oraison” (P. COSTE, CM, Ecrits et Conférences de saint Vincent, tom. IX, 416). Quand on songe que, si souvent, Monsieur Vincent a dit que quitter l’oraison pour le service, c’est quitter Dieu pour Dieu, il demeure certain que cet enseignement ne peut être exploité pour relativiser l’importance de l’oraison. Je me réjouis de savoir que sur ce plan, la Compagnie connaît comme un renouveau de sa fidélité à la prière.

Action et prière distinguées et cependant très unifiées dans la pensée vincentienne, sont favorisées par une vie communautaire digne de ce nom. Depuis une vingtaine d’années, les Instituts religieux en général ont beaucoup réfléchi et beaucoup expérimenté en ce domaine de la vie communautaire. Il semble que le fractionnement excessif des communautés - leur “atomisation” disent certains observateurs - ait engendré d’autres difficultés. En effet, en méditant le dessein de Dieu sur l’humanité, il est évident qu’il ne peut y avoir d’accomplissement de la personne humaine si l’individu ne consent pas à sortir de lui-même pour s’insérer dans une famille, une cité, dans l’Eglise. La vie communautaire, élément indissociable de la vie religieuse quotidiennement vécue et périodiquement révisée, devrait toujours apporter, et apporte en réalité, beaucoup à ses membres, grâce au concours actif et intelligent de chaque soeur, grâce au bienfait de la complémentarité à travers les diversités, grâce à l’entraide fraternelle qui sont autant de tests de dilection dans le Seigneur. Une telle vie communautaire est en outre, comme le rappelle le chapitre VI de “Lumen Gentium”, une manifestation et une annonce du monde à venir, déjà en gestation dans l’histoire présente. Si le témoignage individuel a sa valeur, la communauté religieuse élargit singulièrement la surface du témoignage évangélique, multiplie sa puissance d’impact. Le groupe est plus que la somme de ses membres. Le monde contemporain a grand besoin de la visibilité et de la transparence spirituelle des communautés religieuses.

Puis-je encore vous confier un souhait ecclésial, que saint Vincent de Paul vous aurait sans doute exprimé au cours de votre récent chapitre? Mes Soeurs, faites l’impossible pour aller vers les plus pauvres! Ils sont si nombreux aujourd’hui! Ru nom de l’Eglise, je désigne à votre attention, que dis-je, à la charité de Dieu qui brûle en vos coeurs, les réfugiés, les chômeurs, les affamés, les victimes de la drogue et de la marginalisation. Plus vous serez disponibles aux plus malheureux, plus vous éprouverez le besoin de vivre vous-mêmes cette pauvreté matérielle dont parlait avec ardeur saint Vincent de Paul: “Vous avez droit uniquement au vêtement et à la nourriture, le reste appartient aux pauvres” (P. COSTE, CM, Ecrits et Conférences de saint Vincent, tom. X). L’Eglise tout entière a besoin de se souvenir que, si l’évangélisation ne peut faire fi des moyens du temps, les évangélisateurs doivent apparaître comme les disciples du Christ pauvre.

Allez, chères Soeurs, par le monde entier! L’Eglise compte beaucoup sur vous. Elle sait que la mobilité apostolique fait partie de votre consécration. L’Eglise, de diverses manières, vous communique les richesses du Christ pour aller toujours plus loin dans cet éminent service des pauvres. L’Eglise vous propose aussi son enseignement magistériel pour éclairer les situations socio-politiques et les problèmes éthiques auxquels tant de Filles de la Charité se trouvent affrontées dans leur amour des pauvres. Que les Soeurs utilisent au mieux toutes ces sources!

Au terme de notre entretien, tournons-nous ensemble vers le Christ Rédempteur. Supplions-le de susciter des vocations nombreuses pour votre Compagnie. Tant de jeunes, bouleversées par la misère du monde pourraient trouver place dans vos rangs, investir tous leurs talents pour le service des plus pauvres et connaître paradoxalement le bonheur évangélique des Béatitudes! Supplions aussi la Mère du Rédempteur, l’Unique Mère de la Compagnie, d’accompagner toutes les Soeurs dans leur donation au Seigneur et leurs relations avec les pauvres.

Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.



AUX DÉLÉGUÉS DE L’ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE

Vendredi, 28 juin 1985




Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

C’est toujours avec une joie particulière que je reçois votre visite annuelle, en tant que délégués de l’Association des Journalistes Catholiques de Belgique. Alors même que l’Europe connaît des problèmes économiques qui rejaillissent, hélas, sur trop de familles, vous avez su présenter à vos lecteurs et abonnés la traditionnelle souscription en faveur des oeuvres caritatives et autres charges qui incombent au Pape. En outre, en étroite liaison avec le Cardinal Archevêque de Malines-Bruxelles et à l’occasion de mon voyage apostolique en votre pays, vous avez joint à ladite souscription des “Etrennes pontificales” un appel extraordinaire en faveur des pays qui ont des difficultés plus grandes à accéder au développement. De tout cela, je vous félicite chaleureusement.

Il m’est agréable de vous assurer que j’ai toujours eu une grande confiance dans la générosité du peuple chrétien, comme dans l’esprit de solidarité des hommes de bonne volonté. Le point le plus délicat est certainement la manière de faire appel à leur coeur. Mais que d’occasions me sont données d’être le témoin ému et émerveillé de la générosité de ceux qui peuvent offrir beaucoup et le font de grand coeur, comme de ceux qui, sans beaucoup posséder, accomplissent des gestes étonnants! Le Livre d’or que vous me présentez aujourd’hui est une illustration de ce propos et de la charité du bon peuple belge, dont le récent accueil si chaleureux restera gravé dans ma mémoire. Un accueil digne d’être consigné dans le Livre d’or de l’histoire de la Belgique! Un accueil auquel vous avez vous-mêmes contribué, Mesdames et Messieurs, par la manière dont vous avez présenté le vrai visage de ma visite pastorale et relaté ses différentes étapes. Je vous en suis très reconnaissant.

Dans le monde du journalisme catholique, votre Association est, à ma connaissance, unique en son genre. Je tiens à saluer la mémoire des instigateurs et des continuateurs de cette noble initiative. Je vous encourage à la perpétuer, avec ce savoir-faire et ce sens de l’Eglise qui sont votre honneur et aussi votre bonheur. Vous y pensez très certainement. J’aimerais que vous traduisiez dans vos divers journaux ma profonde gratitude à l’égard des nombreux souscripteurs. Vous leur ferez sentir que le Pape apprécie à leur valeur tous ces gestes de partage qui l’aident à faire face aux oeuvres de charité qui lui incombent au nom du Christ et de l’Eglise, comme aux charges inhérentes aux organismes romains qui collaborent directement à ses responsabilités de Pasteur universel.

Que le Seigneur récompense au centuple les animateurs et les souscripteurs des Etrennes pontificales, tous ceux qui font bénéficier de leurs dons les populations nécessiteuses du tiers-monde! A vous, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, tous mes voeux et ma Bénédiction pour votre importante et délicate profession de journalistes catholiques!

Ed ecco una nostra traduzione italiana delle parole del Papa in fiammingo:

Volentieri voglio esprimere anche in fiammingo la mia grande gratitudine ai membri dell’Associazione dei giornalisti cattolici del Belgio e ai collaboratori e ai lettori dei giornali cattolici belgi per i loro contributi molto generosi alla colletta di strenne. Inoltre voglio ringraziare sinceramente l’Associazione dei giornalisti cattolici per gli auguri che essa mi ha fatto pervenire in occasione del mio compleanno. Dio vi benedica e ricompensi abbondantemente per la vostra affezione e generosità.



À UNE DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

Samedi, 29 juin 1985




Chers frères,

“A vous grâce et paix, de par Dieu, notre Père et le Seigneur Jésus-Christ” (Rm 1,7). La commémoration des saints apôtres Pierre et Paul, fête patronale de l’Eglise de Rome, nous donne une fois encore l’occasion d’une rencontre dans la prière, dans la joie et dans de féconds et fraternels échanges de vues. Je vous souhaite, à vous, Eminence, et à ceux qui vous accompagnent, une très cordiale bienvenue. Je suis profondément heureux de vous accueillir personnellement. A travers vos personnes, je salue et remercie Sa Sainteté Dimitrios Ier, le patriarche oecuménique, de vous avoir envoyés participer à notre fête, répondant ainsi à notre délégation qui, chaque année, se rend au Phanar pour la fête de l’apôtre André, le premier appelé.

La célébration commune des apôtres met en relief notre foi, la foi que nous avons reçue d’eux, et nous rappelle la succession apostolique qui est, dans nos Eglises, un élément fondamental pour la sanctification et l’unité du peuple de Dieu. Dans le Bref “Anno Ineunte” que le pape Paul VI a remis au patriarche Athénagoras à l’occasion de sa visite au Phanar, l’importance essentielle de la succession apostolique est relevée. Par le baptême, nous sommes un dans le Christ Jésus et “en vertu de la succession apostolique, le sacerdoce et l’eucharistie nous unissent plus intimement. En chaque Eglise locale s’opère ce mystère de l’amour divin; et n’est-ce pas la raison de l’expression traditionnelle et si belle selon laquelle les Eglises locales aiment à s’appeler Eglises soeurs?” (Tomos Agapis, n. 176).

Le dialogue entre nos Eglises trouve un fondement solide dans l’expérience commune que nous avons vécue ensemble durant le premier millénaire, malgré les tensions qui n’ont pas manqué durant cette période. Les conciles oecuméniques ont été une expression au plus haut niveau de la vie synodale et de la communion des Eglises. Ils ont formulé et promulgué la foi apostolique, la défendant de toute altération. Ce faisant, ils conduisaient nos Eglises à la doxologie commune dans laquelle nous louons et adorons le Père qui par le Fils et dans l’Esprit Saint nous a révélé les grands mystères de la foi. Au service de cette foi, les conciles se sont en même temps toujours exprimés avec le plus grand respect de la variété légitime de l’expression de cette foi dans les différentes formes liturgiques, disciplinaires et théologiques des Eglises d’Orient et d’Occident. Qu’on se souvienne, aux origines, comment Clément de Rome écrivait à l’Eglise de Corinthe, et comment Ignace d’Antioche écrivait à l’Eglise de Rome. Qu’on se souvienne de saint Irénée et de son oeuvre.

Aujourd’hui nos Eglises se rencontrent dans l’authentique esprit de fraternité qui caractérise les relations entre Eglises soeurs. Après des siècles, nous nous retrouvons dans le dialogue de la charité, au sein duquel s’épanouit le dialogue théologique. Par lui nous essayons de retrouver ensemble une expression commune de notre foi sur les points où des évolutions différentes avaient créé incompréhensions et désaccords. Les principes qui ont guidé nos pères pour maintenir la communion dans le respect de la diversité des usages et des expressions théologiques doivent nous guider pour recomposer entre nous la pleine communion. Nous célébrons cette année le XIe centenaire de la mort de saint Méthode. Il accomplit, avec son frère saint Cyrille, d’une des oeuvres les plus importantes de l’évangélisation de l’Europe. Ils le firent dans le plein accord de Rome et de Constantinople. Qu’ils nous protègent, qu’ils intercèdent pour le progrès de notre dialogue, qu’ils nous soient des modèles.

Je remercie tous ceux qui s’engagent au nom de leur Eglise dans ce dialogue. Je prie le Seigneur de mener à son terme l’oeuvre qu’il a commencé parmi nous. Ce sera pour la plus grande joie de tout le peuple de Dieu, joie qui est elle aussi le fruit de l’Esprit.

Dans ces sentiments, je vous suis profondément reconnaissant pour cette rencontre; cette célébration commune des saints apôtres Pierre et Paul, ravive notre fraternité et renforce notre foi. Ainsi catholiques et orthodoxes se rapprochent dans l’amour, frères d’une unique famille, envoyés ensemble pour proclamer l’unique Evangile à toutes les nations.

Dans le souvenir de notre rencontre au patriarcat oecuménique, il y a six ans, pour la fête de saint André, je vous prie de porter, au patriarche Dimitrios Ier et au saint-synode, l’expression de mon estime et de ma fraternelle charité. Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous et avec nous!


                                 Juillet 1985


AU NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 6 juillet 1985


Monsieur l’Ambassadeur,

Avant toute chose, je souhaite la bienvenue à Votre Excellence dans cette Maison, et j’espère que la mission que vous inaugurez aujourd’hui comme Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République du Cameroun renforcera les liens d’amitié et de collaboration entre votre pays et le Saint-Siège, au bénéfice de tous vos compatriotes. J’ai prêté une vive attention aux propos par lesquels vous avez souligné l’oeuvre de l’Eglise au Cameroun, évoqué les idéaux et les taches envisagés par votre Gouvernement et la coopération que vous souhaitez. Je vous remercie vivement des sentiments et des attentes que vous venez d’exprimer à l’égard du Siège Apostolique.

Je vous serais reconnaissant de dire ma gratitude à Son Excellence Monsieur le Président Paul Biya, et les voeux chaleureux que je forme pour l’accomplissement de sa très haute charge au service de tous les Camerounais.

Le Saint-Siège regarde en effet le Cameroun avec une particulière sollicitude. D’une part, nombre de citoyens camerounais adhèrent à la foi catholique et, à ce titre, sont en relation filiale avec l’Evêque de Rome, Pasteur universel. C’est d’ailleurs dans cet esprit que j’ai reçu ici mes frères les Evêques du Cameroun en visite “ad Limina”. Mais, d’autre part, le Saint-Siège s’intéresse aussi à l’ensemble de votre pays, auquel il souhaite un progrès plénier, humain et spirituel. C’est ce dont témoignent, entre autres, les relations diplomatiques en vigueur depuis près de vingt ans, et que vous recevez mission d’entretenir et de développer.

Je suis d’autant plus heureux de vous recevoir que nous allons vivre dans un mois un moment particulièrement intense de ces rapports mutuels, à l’occasion de la visite pastorale de quatre jours que je vais effectuer dans votre pays, sur l’invitation conjointe des Evêques et du Président de la République.

Ce n’est pas l’heure d’exposer tout le projet de cette visite, mais vous l’avez vous-même évoquée dans des termes qui m’ont touché. Je dirai simplement qu’elle vise en premier lieu à fortifier la foi et la conscience de mes frères et soeurs catholiques, dont l’évangélisation, en moins d’un siècle, et, pour certaines régions du Cameroun, beaucoup plus récemment, a connu une progression étonnante. Pour un chrétien, recevoir le baptême est un événement important. Mais il s’agit de développer toutes les conséquences spirituelles et morales de cette appartenance ecclésiale, d’être en mesure de rayonner le témoignage de l’Evangile et donc aussi d’apporter la contribution heureuse que les autres attendent des disciples du Christ. Je viens encourager, fortifier, épanouir les chrétiens en lien avec leurs Pasteurs, en resserrant leur unité avec l’ensemble de l’Eglise catholique. En même temps, ma visite s’effectue dans des dispositions fraternelles envers les autres chrétiens du pays, comme envers les autres croyants et hommes de bonne volonté, que je rencontrerai volontiers. Je souhaite qu’elle aide les uns et les autres à vivre dans la paix, la justice, et à collaborer pour toutes les taches essentielles au bien commun de tous.

Les lourdes taches humaines qui sont le devoir et le souci quotidien des Autorités civiles, tiennent aussi très à coeur à l’Eglise. Vous avez vous-même évoqué, Monsieur l’Ambassadeur, la nécessité de développer les possibilités économiques du pays, d’accroître le bien être matériel, individuel et collectif, d’en ouvrir l’accès et la répartition à toutes les populations de façon équitable, de favoriser la compréhension et la justice entre les groupes sociaux et les ethnies, de maintenir la tolérance et la paix, en assurant à la fois la sécurité et la liberté. Tout cela suppose un climat de respect de la vie et de l’identité culturelle des autres, une grande honnêteté pour s’acquitter des taches confiées, une volonté de collaboration et de partage dans la justice, un ensemble de valeurs morales et spirituelles, pour lesquelles l’Eglise travaille volontiers avec les moyens qui lui sont propres, en formant la conscience des individus et des responsables. Chacun sait en particulier les services que l’Eglise a tenu à rendre et continue d’assurer dans le domaine capital de l’éducation, mais aussi de l’hygiène et des soins hospitaliers, de l’entraide sociale. Elle n’a d’autre but que l’épanouissement plénier des personnes, selon la charité de l’Evangile. Et elle apprécie, comme une exigence fondamentale, la liberté religieuse, le respect des consciences, avec la possibilité pour les croyants d’avoir les moyens de formation, de culte et de vie communautaire qui leur sont nécessaires.

Nous venons de parler des taches convergentes de l’Eglise et de l’Etat dans votre pays. Mais le Saint-Siège, centre de l’Eglise universelle, étend sa sollicitude à tout ce qui favorise la paix internationale, le dialogue et la coopération entre les nations, la garantie des droits, la défense de ceux qui subissent d’injustes agressions, ou l’oppression raciale, ou simplement des conditions de vie trop précaires. C’est sur ce terrain aussi que le Saint-Siège sera toujours heureux de rencontrer l’engagement du Cameroun, dans les instances internationales et notamment en ce qui concerne le continent africain.

Nous prions Dieu de toujours inspirer les esprits dans ce sens de la justice et de la fraternité qui, seules, assurent durablement la paix et même la survie de l’humanité, selon le dessein du Créateur. Et nous souhaitons que les hommes, dans leur liberté, écoutent et suivent ces inspirations. J’invoque particulièrement les bénédictions du Très-Haut sur tout le peuple camerounais et ses dirigeants, et je Lui demande de favoriser votre mission auprès du Saint-Siège, ainsi que les rencontres que j’aurai moi-même bientôt dans votre cher pays dont je connais l’hospitalité.


Août 1985


Discours 1985 - Mardi 21 mai 1985