Discours 1985 - Samedi, 6 juillet 1985


MESSAGE DU PAPE JEAN-PAUL II AU PEUPLE D’AFRIQUE

Mercredi 7 août 1985


Chers Amis d’Afrique,

Je m’apprête à visiter pour la troisième fois votre continent. Je m’arrêterai dans sept pays, dont les Evêques et les Autorités civiles m’avaient depuis longtemps invité. Pour certains de ces pays, c’est ma première visite: le Togo, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Maroc; d’autres célèbrent un événement spécial: l’inauguration de la cathédrale d’Abidjan en Cote d’Ivoire, la première béatification d’une Soeur au Zaïre, la célébration du XLIIIème Congrès eucharistique international au Kenya. Ce Congrès a motivé ma venue en cette période de l’année. Le Christ, présent dans l’Eucharistie, est le centre de la vie des chrétiens; c’est Lui que nous adorons, que nous suivons, que nous cherchons à servir dans la personne de tous nos frères humains.

Je me réjouis de recevoir le témoignage de la vitalité de ces Eglises qui sont florissantes, alors qu’elles se sont développées depuis à peine cent ans. Elles vont maintenant vers leur pleine maturité, authentiquement africaine et authentiquement chrétienne. Je viens confirmer les catholiques dans leur dynamisme missionnaire, et resserrer leurs liens avec leurs frères de toute l’Eglise.

Je rencontrerai volontiers les autres personnes ou les groupes qui sont animés de sentiments religieux ou qui cherchent sincèrement le bien de leur pays, comme les chrétiens s’en font également un devoir. Vos pays entretiennent des relations suivies avec le Saint-Siège, notamment par leurs représentants diplomatiques. Je suis heureux de me rendre moi-même auprès de leurs peuples.

Chacun sait que je viens en responsable religieux, témoin de Jésus Christ et de l’Eglise, serviteur de la paix, désirant la liberté et le respect des personnes, le bien commun des nations l’instauration de l’amour fraternel. Les pays africains aspirent à la paix, au développement de leurs ressources, à la reconnaissance de leur dignité et de leurs valeurs ancestrales. Dans leur sagesse, ils ne veulent pas séparer l’essor culturel, économique et social du progrès moral et spirituel.

Je les remercie déjà de leur bienveillance, de leur confiance, et de l’accueil qu’ils ont préparé au Pasteur de l’Eglise, successeur de Pierre sur le Siège Apostolique. A tous je dis mon estime, mon salut, mes voeux cordiaux, en attendant de leur tendre la main chez eux, et de prier au milieu d’eux.

Que Dieu vous bénisse et vous donne sa paix!

Qu’il bénisse chacun de vos pays!



VOYAGE APOSTOLIQUE AU TOGO, EN CÔTE D'IVOIRE, AU CAMEROUN I, EN RÉP. CENTRAFRICAINE, AU ZAÏRE II, AU KENYA II, AU MAROC


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport International de Lomé - Tokoin (Togo), Jeudi 8 août 1985



Monsieur le Président, Chers Frères dans l’épiscopat, Chers Frères et Soeurs, chers amis,



1. Ma joie est grande et je rends grâce au Seigneur de me trouver aujourd’hui accueilli au Togo! Accueilli chaleureusement, comme sait le faire ce peuple hospitalier! Je sais que vous aviez une certaine impatience de voir le Pape chez vous, après sa visite aux deux pays voisins du Ghana et du Bénin, et à plusieurs autres communautés africaines. Moi aussi, j’étais impatient de vous rencontrer. Aujourd’hui, vous êtes le premier pays que je visite au cours de ce troisième voyage en Afrique. Il me conduira en six autres nations africaines et notamment au Kenya où je vais m’associer, avec des frères et soeurs catholiques du monde entier, au culte que nous rendons au Christ, présent dans le saint sacrement de l’Eucharistie. C’est Lui qui est le Chef invisible de l’Eglise. C’est Lui que nous adorons, que nous suivons, que nous servons dans tous nos frères humains.

L’étape du Togo inaugure ce grand périple missionnaire. Et je me réjouis de passer deux jours chez vous.

2. Je le dois aux invitations convergentes de Son Excellence le Président de la République et de la Conférence épiscopale.

Oui, Monsieur le Président, vous avez manifesté votre disponibilité à me recevoir dès que vous avez rencontré le premier Pro-Nonce Apostolique auprès du Togo, en janvier 1983. Je vous remercie de cette aimable invitation, que vous avez renouvelée depuis lors, et je suis touché de l’accueil que vous m’avez préparé aujourd’hui, de la confiance que vous me faites, et de toutes les dispositions que vous avez prises pour assurer le bon déroulement de ce voyage en plusieurs lieux de votre pays, du sud au nord.

Les évêques, à plusieurs reprises, notamment par la voix de Monseigneur Robert Casimir Dosseh Anyron, m’avaient exprimé le désir de cette visite pastorale, lors de leur venue à Rome.

3. Votre pays a accédé à l’indépendance civile voilà vingt-cinq ans. C’était pour lui une étape importante, exigeante mais nécessaire, pour prendre en mains son destin et pour jouer son rôle sur le plan international. Mais je n’oublie pas qu’il est l’héritier de dynasties prestigieuses et remarquablement structurées, remontant au moins à quatre ou cinq siècles. Votre passé est tissé de gloire et aussi de souffrances. Vous ne voulez pas perdre le bénéfice de la sagesse de votre culture ancestrale et d’autre part vous ne voulez pas manquer non plus l’ouverture aux possibilités de développement que vous offre le monde moderne.

La cité de Lomé s’est justement rendue célèbre en servant de cadre à nombre de réunions régionales et internationales. Son nom est devenu le symbole de la rencontre Nord-Sud, entre les pays industrialisés de la Communauté européenne et les pays africains.

Je sais que je visite ici un peuple à la religiosité très spontanée, un peuple formé de beaucoup de jeunes avides d’apprendre, un peuple de gens qui travaillent souvent avec des moyens pauvres. Succédant à l’Apôtre Pierre, qui avait été choisi par Jésus parmi les pécheurs de Galilée pour être le Pasteur de son Eglise, je me trouve heureux au milieu de vous.

4. Ma visite pastorale s’adresse avant tout à ceux qui partagent pleinement ma foi catholique. Je viens d’embrasser la terre de votre pays. Toute terre est à Dieu, et toute terre est belle, qui est peuplée d’hommes créés à l’image de Dieu, et elle est sainte en quelque sorte, puisque Dieu établit son Alliance sainte avec ces hommes.

Je réalise aujourd’hui comme un pèlerinage à cette terre qui a reçu l’Evangile. Je refais, dans des conditions faciles et sympathiques, la démarche humble et courageuse qui était celle des cinq premiers missionnaires de la Société du Verbe divin, envoyés par le bienheureux Arnold Janssen, leur fondateur, le 27 août 1892. A partir d’eux, et de bien d’autres disciples du Christ, hommes et femmes, la Parole de Dieu s’est répandue ici, a été accueillie, a produit ses fruits. Et aujourd’hui, moins de cent ans après, je viens admirer les fruits de cette évangélisation. Je rencontre une communauté catholique bien africaine, forte en nombre et en vitalité. Dieu soit loué!

5. C’est le Pape Léon XIII qui, en 1887, avait demandé à la Société du Verbe divin d’entreprendre cette évangélisation, et c’est le Saint-Siège qui, cinq années plus tard, avait établi la Préfecture Apostolique du Togo. Le successeur de Pierre ne peut demeurer indifférent lorsqu’un pays entier n’a pas eu la grâce d’entendre la Bonne Nouvelle de Jésus, pour pouvoir y adhérer librement.

Aujourd’hui, l’Evêque de Rome vous rend visite, comme Pierre et Paul visitaient les premières communautés chrétiennes, où parfois ils n’avaient ni semé ni arrosé. Chers Frères et Soeurs, je viens recevoir le témoignage de votre Eglise, prier avec vous, affermir votre foi et resserrer vos liens avec l’Eglise universelle. Selon le thème de vos réunions préparatoires, je vous donne l’occasion de “faire Eglise avec Pierre”.

Les Eglises en Afrique, remarquables par leur jeunesse, arrivent à un stade où leur foi doit mûrir et porter des fruits authentiquement africains et authentiquement chrétiens. Nous approfondirons ce problème.

6. Dans ce pays, je rencontre également des frères protestants qui ont donné eux aussi leur foi au Christ Sauveur. Je rencontre des adorateurs du Tout-Puissant et miséricordieux selon la religion musulmane. Je rencontre un grand nombre de gens qui expriment leur sentiment religieux dans le cadre des religions traditionnelles. Je les salue tous de grand coeur. Chers amis, le Pape vient à vous avant tout comme un homme religieux, un serviteur de Jésus Christ; il vient à vous avec des souhaits de paix, espérant promouvoir en ce pays l’attachement au Dieu vivant et l’amour fraternel qui est sa loi.

Que Dieu bénisse mon ministère au milieu de vous! Qu’il vous bénisse chacun, selon vos besoins! Qu’il bénisse ce cher pays du Togo!



VISITE DU PAPE JEAN-PAUL II AU GÉNÉRAL D'ARMÉE GNASSINGBE EYADÉMA, PRÉSIDENT DU TOGO

Pya (Togo), Vendredi 9 août 1985


Monsieur le Président,



1. Les aimables paroles que vous venez de prononcer renforcent encore mes sentiments de gratitude pour l’accueil chaleureux que vous avez voulu me réserver dans votre beau pays. Vous avez tenu, en signe de particulière bienvenue, à me recevoir avec mes collaborateurs dans votre propre demeure, à Pya, d’où vous êtes originaire. Soyez vivement remercié pour cette marque de considération à laquelle je suis sensible.

Les heures qu’il m’a été donné de vivre jusqu’à présent parmi vous m’ont fait apprécier avec reconnaissance la merveilleuse hospitalité de tout le peuple togolais. Je suis sur qu’à l’occasion de ma visite, beaucoup de vos compatriotes s’interrogent sur les activités de l’Eglise catholique et sur la signification que revêt le message chrétien pour les hommes du Togo d’aujourd’hui. Ils y sont aidés par la résonance que, grâce aussi à vos soins, les moyens modernes de communication donnent à mon bref séjour parmi vous. Pour cette délicate attention, soyez également remercié, Monsieur le Président. Elle illustre combien votre pays, avec ses différentes communautés culturelles, reste attaché au grand principe de la liberté religieuse.



2. Le Pape est venu chez vous, porteur du message éternel de l’Evangile, qui est toujours à comprendre et à traduire en termes vivants et concrets pour qu’il rejoigne les hommes là où ils sont, au moment précis de leur développement personnel et communautaire.

Après plus de 90 ans d’évangélisation, le Togo a largement fait l’expérience du christianisme, des activités multiples de l’Eglise pour la formation, l’éducation, l’entraide) la promotion humaine et sociale. Humblement mais efficacement, quatre générations de croyants déjà ont pu servir leurs frères, en tachant de mettre en pratique le précepte de l’amour universel du prochain que le Christ a enseigné. Ils ont laissé derrière eux des réalisations nombreuses que vous connaissez bien. C’est là l’aspect visible de l’engagement de l’Eglise, qui atteste qu’en devenant disciples du Christ, les chrétiens n’abandonnent pas leurs solidarités humaines. Bien plus, la foi, authentiquement vécue, rend l’homme davantage présent à ses devoirs et à ses responsabilités familiales, sociales, communautaires.



3. La motivation de l’action multiforme de l’Eglise est à chercher dans l’Evangile. Au contact de cette Parole vivifiante l’homme apprend toujours à mieux connaître Dieu, à le prier, à le servir, à rechercher sa volonté et, par voie de conséquence, à se renouveler lui-même, à se dessaisir de ses égoïsmes, à s’ouvrir activement aux besoins de ses frères, à les respecter dans leur dignité, à aller au-devant d’eux. Les chrétiens sont convaincus que certains défis de la vie ne peuvent être relevés qu’avec la force et la clairvoyance que procure la foi en Dieu: le pardon des offenses, l’acceptation de l’autre, le don généreux de soi pour le service de la communauté.

La mission de l’Eglise est de faire connaître à tous les hommes cet Evangile de l’amour de Dieu, de l’amour du prochain, du pardon, de la communion fraternelle des hommes entre eux. L’Eglise n’est pas une entreprise d’inspiration purement humaine; elle est étrangère à toute espèce de compétition temporelle. Elle est tout entière au service de la parole de Dieu à laquelle elle croit. Sa mission religieuse s’inscrit dans la sphère de liberté irréductible qui est propre à chaque personne et qui revient de droit à chaque communauté authentique de croyants.

4. En cherchant à vivre les exigences de l’Evangile, le chrétien n’agit pas en contradiction avec ses devoirs de père ou de mère, de fils ou de fille, de travailleur ou de citoyen: il les accomplit avec la force intérieure de la foi.

Entre les groupes sociaux ou ethniques, entre les cultures et les différentes confessions religieuses, entre les nations du monde entier, l’Eglise, par fidélité à l’Evangile, contribue ainsi à tisser des liens de plus en plus étroits de solidarité et de respect mutuels. Consciente de sa vocation propre, elle aide à défricher de nouveaux chemins pour la paix et la justice. Dans cette mission l’Eglise est fière de pouvoir s’enrichir du témoignage de jeunes communautés ardentes, comme celles de votre pays.

Elle sait aussi que la nation togolaise, avec ses Gouvernants, est intéressées à la solidarité internationale, comme en témoignent les réunions importantes qui se déroulent à Lomé.

5. Monsieur le Président, vous le savez, les Autorités peuvent toujours compter sur la loyauté des chrétiens envers leur patrie terrestre. Ils connaissent bien les taches qui les attendent comme citoyens. Avec leurs frères d’autres croyances, ils participent et participeront toujours de grand coeur à l’oeuvre commune. Les responsables des Etats peuvent aussi compter sur la prière de l’Eglise, pour que Dieu, qui est le Maître de l’Histoire, les assiste dans leur lourde charge au service du bien commun. En m’associant à cette prière, j’implore volontiers sur vous-mêmes, Monsieur le Président, vos collaborateurs et tout le peuple togolais, les bénédictions du Tout Puissant.



ACTE DE CONSÉCRATION À LA VIERGE AU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DU LAC TOGO

Togoville (Togo) Vendredi 9 août 1985


1. Votre joie semble débordante! La mienne est aussi grande que la votre. Il est vrai qu’une rencontre entre amis, et c’est bien le cas, fait grandir l’amitié. Il est non moins certain qu’un rassemblement de pèlerins - et celui-ci est magnifique - réveil le la foi des chrétiens! Et manifestement, la présence du Successeur de Pierre parmi vous met votre enthousiasme à son comble, un peu comme si vous vous retrouviez sur le bord du Lac de Galilée. Que le Seigneur soit loué à jamais pour la grâce qui nous est faite à tous!

Notre rencontre se déroule dans un cadre merveilleux: sur les rives du Lac Togo. Elle se déroule près du sanctuaire commencé en 1910 par les missionnaires du Verbe divin. Elle se déroule tout près de l’image représentant Notre-Dame du Lac Togo, invoquée sous le titre de Mère de Miséricorde. Pèlerins de tous âges, je devine que vous désirez manifester votre joie à la manière africaine et togolaise. Alors vous pouvez battre des mains pour Notre-Dame! Pour la très sainte Mère de Dieu!

Le Dieu que nous adorons est Esprit. Par amour de l’humanité, il s’est rendu visible dans la personne de son Fils unique, qui depuis toujours, ne fait qu’un avec Lui, dans l’unité du Saint-Esprit. Ce Fils, devenu homme, a fait l’expérience de l’existence humaine sur un petit espace de l’immense univers, qu’on appelle, depuis cet événement historique, “la Terre Sainte”. Oui, le Fils de Dieu a voulu naître d’une femme, choisie de toute éternité. Naître d’une femme préservée du péché! Et cette Mère bénie entre toutes, Dieu nous l’a donnée quelques instants avant d’expirer sur la croix où il livrait sa vie pour nous. Geste mystérieux et en même temps si lumineux! Le Fils de Dieu nous a donné sa Mère. Pourquoi? Pour aider les chrétiens, ses disciples de tous les continents et de tous les temps, à comprendre le Mystère de Jésus, l’unique Sauveur du monde, le seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Pour les aider maternellement à suivre Jésus. Elle semble nous dire comme à Cana: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Jn 2,5). Elle nous aide à méditer le témoignage unique au monde de son Fils: disponibilité filiale, envers Dieu, son Père et notre Père, et en même temps ouverture aux autres hommes, et aux autres peuples, fraternelle, généreuse, sans limites de frontières, de races. Ne cessons pas d’adorer un tel Sauveur, débordant d’amour miséricordieux pour tous et pour chacun! Vénérons sans cesse également la Mère de cette Miséricorde divine, incarnée en la personne de Jésus. Elle est elle-même, comme son Fils, toute miséricorde. Comme vous avez eu raison, lors des fêtes de 1973, de compléter le vocable de “Notre-Dame du Lac Togo”, en ajoutant “Mère de la Miséricorde”. Vous vous êtes inspiré de l’Evangile lui-même et de toute l’histoire de la dévotion mariale depuis deux mille ans. Nous ne pourrons quitter ce lieu béni sans nous réfugier spirituellement dans les bras de cette Mère, en faisant notre la consécration que je prononcerai au nom de tous.

2. Mais auparavant, je voudrais m’adresser spécialement aux jeunes, ainsi qu’aux malades et aux handicapés ici présents. Chers adolescents et jeunes aînés, qui avez le bonheur de la santé: remerciez le Seigneur. Respectez ce trésor. Apprenez à maîtriser votre corps dans la discipline du sport, avec une bonne hygiène. Apportez à la société togolaise et à votre famille en particulier, les forces physiques saines d’une personnalité équilibrée. Votre dignité humaine vient de votre ressemblance à Dieu même. Vous savez que vos capacités de réflexion, de décision, de don de vous-mêmes, sont d’ordre spirituel et sont le reflet d’une certaine présence de Dieu en vous. Votre baptême est un événement qui marque toute votre vie. Confirmés dans l’Esprit, unis au Corps du Christ, vous êtes soutenus dans votre dignité d’hommes par la présence de Dieu en vous. Une telle dignité se manifeste et se manifestera chaque jour par votre loyauté, votre courage, votre disponibilité, votre capacité de pardon et de réconciliation, votre fidélité à vos croyances religieuses et à la prière. Les connaissances religieuses que vous avez reçues doivent être développées, approfondies, bien au-delà du catéchisme de votre enfance, surtout si vous faites des études. Elles doivent être à la hauteur de votre culture, vous permettre de répondre aux questions nouvelles et anciennes, de rendre compte de l’espérance qui est en vous. Elles doivent surtout vous conduire à faire totalement confiance au Christ, à entretenir le dialogue avec lui dans la prière, à prendre votre place active dans l’Eglise, à chercher à bâtir un monde nouveau avec lui.

Parmi toutes les créatures, Marie, fidèle, toute donnée au Seigneur et à son oeuvre de salut, est un exemple admirable pour nous tous. Oui, Marie a beaucoup reçu du Seigneur. Elle a aussi développé au maximum les talents reçus. C’est pourquoi elle a beaucoup donné à l’humanité entière et elle continue d’accompagner les individus et les peuples.

Jeunes, l’Eglise en ce pays a besoin de vous. La société togolaise a besoin de vous. L’Afrique a besoin de vous. Soyez prêts, comme Marie de Nazareth, à donner le meilleur de vous-mêmes pour servir Dieu et vos frères.

3. Et vous, chers jeunes ou adultes qui êtes marqués par une infirmité, par une maladie, par des souffrances morales, tournez-vous toujours davantage vers la Mère de Miséricorde. Je pense spécialement aux aveugles qui m’écoutent. La Vierge Marie vous conduira dans l’intimité de son Fils. Oh certes, il importe que, à l’intérieur de chaque pays et entre pays mieux équipés et pays moins avancés, on s’entraide à faire reculer la misère sous toute forme. Il faut davantage de médecins, d’hôpitaux, de centres de soins. Hélas! il existe partout, même dans les pays très équipés, des infirmités et des maladies difficiles à guérir, du moins complètement. Et il y a la souffrance morale, parfois plus lourde que la souffrance physique.

Frères et Soeurs, jeunes et adultes, l’attachement à Jésus Christ, la piété à l’égard de sa Mère, ont aidé des générations de croyants à accepter progressivement leur croix. Les pèlerins de sanctuaires comme Lourdes, ont été bouleversés en constatant la paix et même le discret sourire des malades dans leurs fauteuils roulants ou allongés sur leurs brancards. Le mal demeure une question lancinante qui fait dire à chaque infirme ou à son entourage: pourquoi, pourquoi moi? Le Seigneur Jésus a cependant - et Lui seul - donné en quelque sorte un sens à cette épreuve, une lumière. Il a pris sur lui la souffrance. Il a porté sa croix. Il a été cloué sur la croix. Nous avons médité ces mystères. Mais en lui, il n’y a aucune trace de révolte, ni de sentiment de fatalité: il a offert cette souffrance par amour. Et c’est de cette manière qu’il a remporté la victoire sur le mal. La souffrance, regardée en face, peu à peu acceptée, offerte en union avec le Christ, peut être un chemin de lumière, une ascension spirituelle. Il existe des cas nombreux de chrétiens, privés de l’usage partiel ou complet de leurs forces physiques, de l’usage de leurs sens - vue ou audition - qui éclairent et parfois même convertissent leurs semblables, non par ce qu’ils font, mais par ce qu’ils sont. D’une certaine manière, ils sont des signes évangéliques aujourd’hui. Oui, la Vierge Marie, dans tous les sanctuaires qui lui sont consacrés à travers le monde, aide les pèlerins souffrants à devenir une oblation féconde, une lumière salvifique pour l’humanité. Infirmes et malades, venus à ce pèlerinage, croyez à la valeur de votre existence, vécue avec le Christ et auprès de sa Mère! L’Eglise compte sur votre prière. Et moi aussi, pour le ministère que le Seigneur m’a confié au service de toute l’Eglise.

Un instant de silence nous serait profitable à tous, avant d’unir nos esprits et nos coeurs dans la prière de consécration que je prononcerai au nom de tous.
Acte de Consécration


O Marie, Mère du Fils de Dieu, l’Unique Rédempteur venu pour sauver les peuples de tous les continents et de tous les temps, nous te louons.

Tu es la plus sainte et la plus humaine de toutes les créatures du Seigneur. Tu es la plus grande, “bénie entre toutes les femmes” de la terre. Tu es en même temps la plus humble, la plus abordable! Tu es à jamais la Mère de Dieu. Tu as bien voulu accepter être aussi la très miséricordieuse Mère de toutes les générations humaines, que ne cessent de te dire “Bienheureuse”!

Depuis vingt siècles, alors que tu te tiens près de ton Fils, dans la gloire du ciel, c’est comme si tu visitais la terre! Tu te mets à l’écoute des disciples de ton Fils Jésus, tu te penches sur les pécheurs! Tu accueilles tous les gens de bonne volonté, comme Jésus le faisait lui-même dans les villages et les villes de Judée et de Galilée! Dans le temps de l’Eglise inauguré à la Pentecôte, où tu étais présente, tu ne cesses de présenter aux personnes et aux nations cet Enfant, fruit magnifique de l’Esprit Saint en ta chair virginale, cet Enfant venu, au temps marqué, Lumière pour le monde, Fils de Dieu qui remet sa vie entre les mains du Père pour sauver la multitude. Ressuscité le matin de Pâques en vainqueur de la mort. O Marie, tu ne désires qu’une chose pour que notre joie soit parfaite, même dans les épreuves de l’existence. Tu ne désires qu’une chose: que nous acceptions pleinement Jésus...

O Mère de la Miséricorde, en ce jour, en ce lieu, nous sentons le besoin de te recevoir - davantage encore - comme notre Mère. Te prendre avec nous au fil des jours et des années de façon plus profonde! Pour que tu nous gardes proches, toujours plus proches de Jésus Sauveur, toujours plus fidèles au service de tous ses frères, qui sont aussi tes enfants, surtout au service des plus petits, de ceux qui connaissent les plus grandes détresses. Nos esprits, nos volontés, nos coeurs, le trésor de notre foi, nos limites, nos échecs, nos joies, nos recommencements, nos responsabilités diverses, nos relations humaines, nos efforts de compréhension de l’époque où nous vivons, toute notre vie jusqu’à son dernier souffle... tout est confié à ton regard maternel, à ta tendresse, à ta prière d’intercession! Tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons est remis entre tes mains, à cause de Jésus et pour l’édification de son Royaume de vérité, de sainteté, de justice, de fraternité, de paix.

En ce jour et en ce lieu, nous te confions cette chère patrie togolaise, nos familles, nos communautés chrétiennes, les pasteurs appelés à les conduire. Nous te confions l’Afrique tout entière et son avenir. Nous te confions le monde entier, ce monde que tu aimes et que tu veux sauver, aux cotés de ton fils Jésus.

O Mère, fais-nous sentir ta présence maternelle si discrète et si efficace. Fais de nous des disciples ardents de Jésus et des ouvriers généreux de son Evangile, dans l’Eglise qu’Il a fondée!

Amen.



DISCOURS AUX ANIMISTES

Sanctuaire de Notre-Dame du Lac Togo - Togoville, Vendredi, 9 août 1985

Chers Amis,

Je suis très touché que vous soyez venus me rencontrer et participer à la prière des catholiques, en ce Sanctuaire, dédié à la Sainte Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ. Je sais, que vous étiez venus assister à cette dédicace en 1973, reconnaissant ainsi la place unique que Marie a parmi les amis de Dieu, comme Mère de son Fils bien-aimé. Je vous encourage à venir la prier. Et je me souviens aussi qu’en 1975, une délégation de certains d’entre vous était venue à Rome saluer mon prédécesseur, le Pape Paul VI. Je vous remercie de votre démarche déférente et confiante.

La nature, exubérante et splendide en ce lieu de forets et de lacs, imprègne les esprits et les coeurs de son mystère, et les oriente spontanément vers le Mystère de Celui qui est l’Auteur de la vie. C’est ce sentiment religieux qui vous anime et qui anime, on peut dire, l’ensemble de vos compatriotes. Puisse ce sentiment du sacré, qui caractérise depuis toujours le coeur humain créé à l’image de Dieu, amener les hommes à désirer s’approcher toujours davantage de ce Dieu créateur, en esprit et en vérité, à le reconnaître, à l’adorer, à le remercier, à chercher sa volonté. Ainsi leur prière et leur conduite morale seront inspirées par l’Esprit de Dieu lui-même; leur sentiment religieux surmontera la peur, car nous croyons que Dieu est bon, et que même la nature, sortie de ses mains, est bonne, la crainte viendrait plutôt du mal qui habite le coeur de l’homme lorsqu’il se détourne de Dieu; mais le sens de Dieu en lui-même peut être empreint de paix, de respect, de confiance, de soumission joyeuse.

Pour les chrétiens Jésus-Christ leur a appris à connaître Dieu et à le prier comme “Notre Père”. Ils croient aussi que Jésus-Christ délivre l’homme de ses péchés et de la mort éternelle. En lui, Dieu établit une nouvelle Alliance que tous les hommes désirent secrètement, que les hommes religieux voudraient réaliser; l’arc-en-ciel, entre ciel et terre, leur apparaît comme un symbole de ce lien entre Dieu et les hommes. C’est au nom de Jésus-Christ, au nom de l’Eglise qu’il m’a confié la mission de guider, que je me présente parmi vous.

Nous prions, les uns et les autres, pour que Dieu attire tous les hommes nos frères vers sa Lumière et qu’il les comble de sa Bénédiction.



VISITE DU PAPE JEAN-PAUL II À LA CATHÉDRALE DE LOMÉ

Lomé (Togo) Vendredi, 9 août 1985


Chers Frères et Soeurs,

1. Rassemblés ce soir, dans la cathédrale de Lomé, nous louons Dieu pour toutes les grâces reçues au cours de ces deux journées de visite pastorale, mais aussi pour toute l’histoire de l’évangélisation de votre pays qui trouve une expression significative dans ce temple de Dieu dont la construction a commencé dès 1901. Spontanément, nous y rendons hommage à la mémoire de Monseigneur Jean Strebler, premier Archevêque de Lomé, qui a inauguré la nouvelle construction en 1956 et dont chacun sait les mérites missionnaires dans l’ensemble du Togo.

Moi-même, en saluant toutes les personnes qui sont présentes ici ce soir, je vous remercie de votre accueil, et surtout de la prière que vous venez d’élever vers Dieu pour le successeur de Pierre. Je suis sur que vous continuerez à prier souvent pour mon ministère.

Et, ensemble, nous prions pour ce diocèse, pour l’Eglise au Togo. Cette cathédrale est le symbole de la “Maison spirituelle” que vous construisez tous, chaque jour, à Lomé, avec votre Archevêque, Monseigneur Dosseh-Anyron: prêtres de cette paroisse, des paroisses de la ville et du diocèse de Lomé, unis dans un même presbyterium, religieux et religieuses voués aux taches apostoliques ou à la contemplation, catéchistes, laïcs engagés dans les multiples services de l’Eglise ou portant témoignage dans leurs professions, jeunes gens et jeunes filles, malades, associations et confréries diverses, tous les baptisés.



2. Je voudrais avoir un mot d’encouragement pour chacun en particulier, mais vous pouvez en deviner la teneur. Que chacun se sente comme une pierre vivante, précieuse, utile, qui contribue à la beauté et à la vitalité de toute l’Eglise! Et à tous, je dis: vivez dans la joie d’être le peuple de Dieu, cette joie que vous exprimez si spontanément, si chaleureusement dans vos célébrations. Vivez en approfondissant la connaissance que vous avez de la foi et la relation personnelle avec Dieu dans la prière. Cette cathédrale, comme toute Maison de Dieu, invite continuellement à la prière, à l’adoration. Vivez dans la fraternité: n’oubliez pas que c’est le signe par excellence auquel on reconnaît les disciples du Christ. Ainsi vous serez une Eglise qui célèbre, qui prie, qui aime.



3. A Lomé, vous formez une Eglise vivante, bien visible, vu le nombre des catholiques. Vous sentez sûrement aussi la nécessité de garder votre communauté ouverte aux autres. Dans la fidélité à votre foi, ne craignez pas d’entretenir un dialogue respectueux et fraternel avec eux. Et tout d’abord avec les protestants: notre foi commune au Christ Sauveur, notre méditation commune de l’Evangile, poussent les uns et les autres à progresser dans un sain oecuménisme, tel que le veut l’Eglise, afin de réaliser peu à peu la volonté formelle du Seigneur: “Qu’ils soient un!”. Et maintenant, ce qui est possible c’est l’estime mutuelle, l’accueil, la charité, certaines formes de prière en commun. Et je pense également à tous les hommes de bonne volonté des autres religions, dont la générosité peut nous édifier, et pour lesquels notre témoignage doit être un chemin vers la foi. Votre Eglise diocésaine, je l’ai dit plusieurs fois, doit demeurer missionnaire

4. Cette cathédrale est dédiée au Sacré-Coeur de Jésus. C’est une précieuse indication, c’est tout un programme! plutôt que de prolonger mon discours, je vous invite à prier avec moi le Sacré-Coeur:

Coeur Sacré de Jésus, image parfaite dans notre nature humaine de Dieu le Père, riche en miséricorde, sois béni pour toutes les grâces de foi, de persévérance, de vocations, que tu as répandues sur ce peuple du Togo. Maintiens-le dans la paix, la joie, l’action de grâce.

Fortifie maintenant la foi, l’espérance et la charité de ceux que tu as appelés à connaître en vérité l’Amour de Dieu.

Continue à répandre en eux cet Amour qui leur donne une attitude filiale envers le Père du Ciel, qui les encourage à prier en enfants de Dieu. Donne à chacun le souci de purifier sans cesse son coeur pour le rendre transparent à l’Evangile, le courage de rompre éventuellement avec ce qui est péché, le désir ardent que se développe la vie de Dieu que tu as mise en eux par le baptême.

Jésus, doux et humble de coeur, réconforte ceux qui sont fatigués, donne-leur le repos que tu as promis.

Rends chacun conscient de sa vocation originale, de son rôle de baptisé, de confirmé, de personne consacrée, de diacre, de prêtre. Resserre leur unité. Elargis sans cesse leur charité à la dimension de cet Amour bienveillant, inlassable, sans frontières, que ton divin Coeur n’a cessé de manifester aux hommes.

Que brûle en eux le feu que tu as apporté sur la terre, la passion de ton Royaume! Qu’ils participent toujours davantage à l’oeuvre de la Rédemption, que tu as réalisée pour eux, sur la croix, au prix de ton Sang! Qu’ils poursuivent leur route vers la plénitude de la Vie où tu nous attires tous, dans le face à face du Ciel.

Amen!




Discours 1985 - Samedi, 6 juillet 1985