Discours 1985 - Lomé (Togo) Vendredi, 9 août 1985

CÉRÉMONIE DE DÉPART

Lomé (Togo) Samedi, 10 août 1985

Monsieur le Président, Chers Frères dans l’épiscopat, Mesdames et Messieurs, chers amis,



1. Dieu soit loué!

En rendant grâce à Dieu, je vous exprime à vous tous ma joie pour ces deux journées passées chez vous, au début de mon troisième voyage apostolique en Afrique. J’ai bénéficié agréablement de votre hospitalité: elle est proverbiale, mais j’ai constaté que vous méritiez bien cette réputation! J’ai été heureux aussi du témoignage des communautés chrétiennes que j’ai rencontrées, de leur vitalité, de leur prière ardente, de la simplicité chaleureuse de leur accueil. Nos grands rassemblements de prière à Lomé, à Kara, à Togoville, resteront dans la mémoire du coeur, de même que les autres rencontres. Enfin, mon bonheur est aussi de voir que ma visite a renforcé votre joie et votre espérance.



2. En partant, je voudrais exprimer ma vive gratitude à tous ceux qui ont contribué à l’organisation de ces jours de fête. A vous-même, Monsieur le Président de la République, qui m’avez personnellement accueilli avec une grande courtoisie, qui m’avez reçu chez vous avec honneur et qui avez pris généreusement des dispositions nombreuses et exceptionnelles pour garantir le bon déroulement des rencontres qui me tenaient à coeur. Au-delà de ma personne, je veux y voir l’estime dans laquelle vous tenez la mission universelle du Saint-Siège et aussi le rôle important de la communauté catholique en ce pays et son épanouissement dans la liberté religieuse. Ma reconnaissance va de même à toutes les Autorités publiques, à tous les services qui ont apporté leur concours aimable et efficace aux différentes étapes de ce voyage.



3. L’Eglise au Togo a pris également une grande part dans la préparation du programme. Je remercie, avec les évêques, tous ceux qui, prêtres, religieuses et laïcs, ont donné leur temps, leur talents, leur fatigue, pour que nos rencontres soient le plus fructueuses possible. J’ai éprouvé une vive satisfaction, non seulement pour la ferveur de votre participation, mais pour le soin que vous aviez pris de préparer spirituellement ma visite, afin de mieux “faire Eglise avec Pierre”. Je suis sur que le renouveau spirituel amorcé continuera et portera tous ses fruits.

Je salue avec une particulière affection les malades, les handicapés, tous ceux qui souffrent ou qui n’ont pas pu venir à nos rencontres: que Dieu lui-même leur apporte son réconfort!

Pour cette Eglise, j’ai déjà exprimé bien des voeux: je continuerai à les recommander à Dieu dans la prière. Je souhaite par-dessus tout que vous regardiez en avant. Ayant reçu la foi chrétienne, approfondissez-la, tirez-en toutes les conséquences, construisez avec elle une civilisation chrétienne originale, qui puise ce qu’il y a de meilleur dans vos traditions, et qui se réfère en même temps à l’expérience de l’Eglise universelle. Ce n’est pas l’Evangile qui doit changer, ce sont les cultures qui doivent s’efforcer de mieux assimiler les germes de vie et de salut apportés par Jésus-Christ. C’est cette évangélisation en profondeur qu’il importe de poursuivre, selon les orientations du Concile Vatican II, avec la lumière et la force de l’Esprit Saint. Je suis sur que vous pouvez préparer, avec la grâce de Dieu, un bel avenir pour votre Eglise, si vous cultivez avec persévérance la graine authentique de l’Evangile semée dans votre terre, et si vous veillez sur sa croissance. Ainsi, votre communauté catholique apportera elle-même sa richesse dans le concert de l’Eglise universelle, et, dans ce pays, en harmonieuses relations avec tous les citoyens, elle contribuera au progrès de la nation.

Je ne veux pas partir sans saluer nos frères protestants et les autres communautés religieuses qui m’ont accueilli avec bienveillance.



4. Pour tous les habitants de ce pays et leurs dirigeants, mes souhaits sont des souhaits de paix. Je n’ignore pas les difficiles problèmes que le Togo a à résoudre, comme beaucoup de pays de cette région d’Afrique, pour un développement vraiment humain; et ces problèmes sont encore aggravés par certaines épreuves comme celle de la sécheresse. Mais je sais que le Togo est capable d’y faire face, même avec des moyens pauvres, dans la concorde et dans une solidarité respectueuse de la dignité des personnes et des communautés. L’épanouissement spirituel, la justice, la paix, la prospérité - obtenue grâce à la coopération de tous avec la solidarité internationale, et répartie équitablement -, telles sont les conditions d’un avenir heureux pour tout pays, tels sont les souhaits que je forme spécialement pour le Togo.

Je vous remercie encore. Je vous assure que le Togo demeurera proche de mon coeur et de ma prière. En vous disant au-revoir, je demande à Dieu de vous combler de ses bénédictions!




CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport d'Abidjan (Côte d'Ivoire), Samedi 10 août 1985




Monsieur le Président, Eminence, Excellences, Mesdames et Messieurs, Chers Frères et Soeurs de Côte d’Ivoire.



1. Votre invitation était pressante, et j’ai été frappé par votre diligence à achever la Cathédrale d’Abidjan pour le moment de mon troisième voyage sur le continent africain. Aussi est-ce bien volontiers que j’ai cédé à vos instances. Avec une joie réelle, je reviens dans votre pays, même brièvement, cinq ans après ma première visite pastorale dont je garde un vif et heureux souvenir. C’est de tout coeur que je remercie mes Frères dans l’épiscopat, le Cardinal Bernard Yago et les autres évêques de ce pays, pour leur invitation à venir consacrer la cathédrale de votre grande cité. Et je tiens à exprimer ma gratitude aux Autorités et au peuple de Côte d’Ivoire pour l’accueil chaleureux qu’ils me réservent.

Les paroles que vous avez prononcées, Monsieur le Président de la République, me touchent profondément. Non seulement elles manifestent toute votre considération pour le magistère de l’Eglise qui cherche à promouvoir partout la paix, la liberté, le respect des personnes, de leurs vies, mais je me réjouis qu’elles reflètent l’idéal de tout le peuple ivoirien et la volonté de ses dirigeants. En me recevant à nouveau dans votre nation, vous me permettez de retrouver ce peuple dont vous avez marqué l’histoire récente. Et, avec vous, je suis heureux de saluer vos compatriotes, les hommes et les femmes qui habitent ce pays dynamique. Je leur adresse mes voeux cordiaux pour leur bonheur personnel, pour que chacun et chacune d’entre eux connaisse l’épanouissement de ses capacités propres et de sa vie de famille, malgré les difficultés d’une crise aux dimensions internationales qui n’a pas épargné votre région.

2. Ma présence parmi vous aujourd’hui revêt le caractère pastoral de tout mon pèlerinage en terre d’Afrique; et c’est un acte spécifiquement religieux qui m’amène à faire étape à Abidjan. Mais je voudrais saisir cette occasion pour redire à nos frères d’autres confessions chrétiennes notre disponibilité à rechercher l’unité et la coopération fraternelle, et pour exprimer à tous ceux qui se reconnaissent en d’autres traditions religieuses que le christianisme, mon respect et le désir de l’Eglise catholique d’entretenir avec tous des relations confiantes. Je sais que la Côte d’Ivoire est un pays accueillant et que la tolérance y est réelle entre groupes de traditions et d’origines différentes. Dans le cadre de la cité, il importe que tous mettent en commun leurs efforts loyaux pour faire face aux grandes taches nécessaires, afin que l’avenir d’un peuple jeune puisse être envisagé avec assurance et que, demain, les inquiétudes et les doutes aujourd’hui soient surmontés.

Mon souhait est que tous puissent prendre part à un développement harmonieux de la société, donnant à chacun la chance de voir son utilité reconnue dans la diversité des fonctions. Aux jeunes, particulièrement, je dis l’espérance qu’ils soient bien préparés à leurs responsabilités prochaines et accueillis dans la vie active. Et je crois que la plupart partagent la conviction que l’avenir ne sera heureux et digne de l’homme que si les valeurs essentielles de la justice, de la liberté des personnes et des groupes, du respect de la vie, inspirent toute l’activité de la société Et, plus encore, un vrai progrès suppose que les uns et les autres soient ensemble dévoués au bien commun, qu’ils vivent une solidarité fraternelle et concrète avec les plus démunis. Dans cet esprit, un peuple peut contribuer à consolider la paix à laquelle tous aspirent; un pays peut montrer son sens de la coopération et de l’entraide avec ceux qui n’ont pas les mêmes facilités que lui. Je sais que c’est le désir de la Côte d’Ivoire de participer à tous les efforts de paix et de progrès que déploie la communauté internationale, spécialement sur ce continent.

3. Dès mon arrivée, je voudrais m’adresser spécialement aux catholiques et leur renouveler tous mes encouragements dans la vitalité de leurs communautés. En vous, je salue l’Eglise enracinée en Afrique, à la fois fidèle à ce qu’il y a de meilleur dans votre patrimoine ancestral, et riche de l’apport universel du christianisme rendu accessible grâce à la générosité de frères des Eglises plus anciennes venus en témoigner. Vous avez entendu, au nom même de l’Evangile, l’appel à développer les qualités humaines et spirituelles de chaque personne. Avec tout ce qu’il y a de précieux dans la vie chrétienne, apportez généreusement votre contribution à l’éducation de la jeunesse, si importante dans ce continent, pour que les qualités irremplaçables de ses habitants s’épanouissent le plus heureusement possible. Je salue avec prédilection ceux d’entre vous qui répondent à la vocation de donner leur vie entière au service de Dieu et de leurs frères par leur engagement dans la vie sacerdotale ou religieuse.

A tous les laïcs qui se rassemblent avec leurs pasteurs pour approfondir leur expérience et leur formation d’adultes responsables, je dis ma confiance pour assumer aussi bien les taches nécessaires à la vie de l’Eglise elle-même que la présence qualifiée des chrétiens dans la vie professionnelle. En diverses régions, des mouvements s’organisent pour aider leurs membres à acquérir les compétences et la maturité utiles dont la communauté a besoin.

Tous, sachez puiser dans la Bonne Nouvelle, qui est le don de Dieu, les raisons fondamentales d’aimer et de servir vos frères qui attendent d’être reconnus dans leur dignité et soutenus dans leur espérance d’avenir. Ne cessez pas de nourrir de la force de l’Evangile votre participation aux diverses taches que vous accomplissez dans la société de votre pays.

Aux personnalités nombreuses qui ont tenu à être présentes, à vous tous qui me recevez aujourd’hui, je dis mon cordial merci pour votre présence. Je pense aussi en ce moment à tous vos compatriotes que je ne puis rencontrer au cours de cette brève visite, et j’assure particulièrement de mon affection ceux qui traversent l’épreuve de la maladie ou qui connaissent d’autres souffrances; je voudrais pouvoir leur apporter à chacun un réconfort et des raisons d’espérer. A chaque famille, à chaque personne, je dis très simplement ma sympathie et mes voeux.

Que Dieu bénisse ce pays!



CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport de Yaoundé (Cameroun) Samedi, 10 août 1985




1. Dieu soit loué!

Ma joie est grande et mon émotion profonde de pouvoir accomplir au Cameroun la visite que je désirais faire depuis longtemps et que ce pays méritait.

Monsieur le Président, je me tourne d’abord vers vous pour vous remercier des nobles paroles que vous venez de m’adresser. Vos propos manifestent le sens élevé que vous avez de votre charge, comme Président de tous les Camerounais, et aussi la considération profonde que vous avez pour l’Eglise catholique, qui vous est familière, et pour le Saint-Siège dont vous soulignez bien la mission spirituelle et l’action en faveur de la paix du monde. Je vous remercie de l’accueil chaleureux que vous nous avez préparé. Et je salue respectueusement tous ceux qui vous entourent ici, les Autorités civiles et mes Frères dans l’épiscopat.



2. En venant chez vous, je réponds à une invitation exprimée depuis longtemps par vous-même, Monsieur le Président, ainsi que par les évêques de ce pays. En effet, lors de la visite “ad Limina” des évêques du Cameroun, le 13 novembre 1982, Monseigneur Jean Zoa me disait: “Le Cameroun brûle d’une joyeuse impatience de vous voir fouler notre sol; vous l’avez côtoyé et même survolé, à maintes reprises. Ce voeu de votre visite tant désirée est partagé par toutes les couches de la population, tant chrétiennes que non chrétiennes, et par les Autorités nationales”. Je suis reconnaissant de ces invitations que je suis heureux d’honorer aujourd’hui, comme je le ferai en six autres pays africains. Le sommet de notre pèlerinage se situera à Nairobi, au XLIIIème Congrès eucharistique international, dans le culte rendu à notre Seigneur Jésus Christ présent dans l’Eucharistie. Mais l’étape du Cameroun prend un relief particulier car elle comporte une visite aux quatre provinces ecclésiastiques.



3. Le Cameroun n’est-il pas comme une Afrique en miniature, creuset de nombreuses ethnies aux riches traditions, carrefour de toutes les religions majeures du continent africain, à la croisée du monde francophone et anglophone, avec une expansion démographique remarquable, une jeunesse très nombreuse? On a parlé de ce pays comme d’un îlot de paix.

De fait, Dieu merci, le Cameroun connaît aujourd’hui la paix, et il manifeste une volonté tenace de développer toutes ses potentialités, dans un climat qui harmonise le respect des groupes, la justice sociale et l’union nationale, en faisant appel à la coopération active et loyale de tous les citoyens et aux valeurs morales et spirituelles que toute conscience peut apprécier. Vous êtes conscients des grands défis à relever, notamment sur le plan économique et culturel. Nous partageons les espoirs de votre nation en pleine croissance. Je forme personnellement les meilleurs voeux pour son développement harmonieux et pleinement humain et j’exprime ma sympathie à tous les citoyens camerounais. Presque tous honorent Dieu, selon la foi chrétienne ou selon l’Islam ou selon les religions traditionnelles. Ce sentiment religieux, croyez-le bien, est apprécié par celui qui vient à vous comme Chef spirituel, successeur de l’Apôtre Pierre désigné par le Seigneur Jésus comme Pasteur de l’Eglise de Dieu.

4. Under this title I come especially to call together my Catholic brothers and sisters. The Christian faith was presented to the people of this country at the end of the last century by Protestant and Catholic missionaries. They came without knowing you, with the sole desire of sharing with you what they themselves had received as “Good News” and what was the cause of their joy and salvation: the acceptance of our Saviour Jesus Christ. And the Cameroonians welcomed them. The beginning of Catholic evangelization at Marienberg, Mary’s mountain, was very humble, like the little mustard seed of which the Gospel speaks. But this seed was divinely planted and it has brought forth marvellous fruits, the fruits of a Christianity that reflects the character of Africa.

5. Aujourd’hui, après 90 ans d’évangélisation catholique dans le Sud Cameroun et à peine 40 ans dans le Nord Cameroun, je suis accueilli par des évêques et des prêtres Camerounais, travaillant fraternellement avec leurs confrères d’autres pays, et, à leur tête, par Monseigneur Christian Tumi, Président de la Conférence épiscopale. J’apprécie toute la préparation spirituelle et autre qui a précédé mon voyage dans chacun des diocèses.

Responsable de l’unité de l’Eglise universelle, je viens rendre grâce à Dieu avec vous; je viens affermir votre foi, encourager une autre étape d’évangélisation, toujours dans le plein respect de la conscience de chaque Camerounais, pour que la lumière de Jésus brille toujours mieux dans ce pays et que son amour épanouisse les coeurs. Je suis heureux de mettre mes pas dans ceux des pionniers de l’Evangile, de réunir le peuple que Dieu s’est acquis dans ce pays, de sceller l’Alliance avec Jésus Christ par les sacrements de baptême, de confirmation, de l’Eucharistie, d’ordination, de rencontrer les prêtres, les religieux et religieuses, les familles, les jeunes, les intellectuels à tous les niveaux, les responsables politiques et tous ceux qui oeuvrent pour le bien de l’Eglise et de la société.

Que Dieu bénisse mon ministère durant toute cette visite!

Qu’il bénisse votre terre qui lui est chère et que je viens de baiser, car elle est devenue le lieu où il déploie sa grâce!

Qu’il bénisse tous ceux qui m’accueillent selon le sens de l’hospitalité qui vous honore!

Qu’il bénisse tous les Camerounais, en faisant briller sur eux sa vérité, son amour et sa paix!



RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LA COMMUNAUTÉ ECCLÉSIALE

Cathédrale de Yaoundé (Cameroun) Samedi, 10 août 1985


Dieu soit loué!

1. Il vous a appelés, chers Frères et Soeurs du Cameroun, à former, dans ce pays, un peuple qui lui est consacré, à devenir, vous aussi, une partie intégrante de son Eglise, de son Peuple répandu dans tout l’univers. Il vous a depuis toujours discernés dans son dessein d’Amour. Il vous a prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères. Il vous a sanctifiés (Cfr. Ordo Consecrationis Professorum).

C’est ainsi que je salue avec affection l’Eglise qui est à Yaoundé, dans ce diocèse, dans cette province et dans tout le Cameroun. Et, avec vous, je rends grâce à Dieu.

Certes, les habitants de ce pays n’ont jamais cessé d’être dans la pensée de Dieu; depuis toujours vous êtes l’objet de son amour, car “à toute époque et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le craint et pratique la justice” (Lumen Gentium LG 9). C’est donc vrai aussi pour vos compatriotes qui partagent une autre foi. Mais l’évangélisation vous a permis de mieux connaître Dieu selon la vérité - comme il s’est révélé dans son amour - et de le servir dans la sainteté. L’Evangile est toujours porté - ce fut vrai pour mon pays, la Pologne, comme pour tous les pays - par ceux qui déjà ont eu la grâce de le recevoir, et qui donc viennent d’ailleurs, d’Eglises déjà constituées. L’Eglise s’est développée à partir des compagnons de Jésus qu’il a lui-même institués Apôtres, et d’autres à leur suite, de génération en génération. Aussi notre reconnaissance va aux missionnaires qui, en 1890, et sans cesse depuis lors, sont venus partager le trésor de la foi et établir ici l’Eglise apostolique. Vous avez vous-mêmes accueilli cet Evangile comme une Bonne Nouvelle venue de Dieu. Et il n’a pas tardé, comme une semence vigoureuse, à porter ses fruits chez tous ceux qui y adhérèrent par la foi et furent baptisés. En moins d’un siècle - et pour certaines régions en un quart de siècle -, l’Eglise s’est solidement implantée dans une partie notable des populations camerounaises; des prêtres, des évêques, des religieux et des religieuses, des laïcs engagés ont été appelés parmi vous à conduire et à animer cette Eglise, avec l’aide fraternelle de leurs aînés dans la foi.

Successeur de l’Apôtre Pierre, entouré de mes Frères les Evêques, je viens pour la première fois visiter cette Eglise au Cameroun, la reconnaître, confirmer sa foi, consolider son lien nécessaire avec l’Eglise universelle, affermir son élan spirituel et encourager son dynamisme missionnaire, respectueux des personnes et des cultures.



2. Vous exercez dans cette Eglise des responsabilités diverses, vous avez reçu des dons variés, mais je souligne d’abord ce qui vous est commun. “Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous” (1Co 12,4-6). Dans l’unique peuple de Dieu, il n’y a place pour “aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe” (Cfr. Lumen Gentium LG 32). Vous avez accueilli la même foi de l’Eglise qui vous a révélé le même amour du Père pour chacun. Vous avez reçu le même baptême qui vous a fait entrer dans la vie nouvelle par la mort et la résurrection du Christ, et qui a fait de vous les membres de son Corps mystique.

Vous avez part au même Esprit Saint qui fait de vous son temple. Vous avez été adoptés par Dieu comme des fils et des filles. Vous êtes constamment sanctifiés par les mêmes sacrements; en particulier vous participez à la même Eucharistie pour vous offrir avec le Christ et recevoir le Pain de Vie qui est son Corps très saint, vous vous approchez de la même source du pardon dans le sacrement de la réconciliation. Vous possédez en germe la vie éternelle, appelée à l’épanouissement au Ciel. Vous avez la même destinée. Dans “la dignité et la liberté des fils de Dieu” (Cfr. ibid. LG 9), vous êtes tous appelés dès maintenant, par des voies et des états de vie différents, à la même sainteté, à la perfection qui est celle du Père (Cfr. ibid. LG 11). La valeur essentielle est, en chaque personne, sa réponse à la grâce, la sainteté que Dieu seul connaît en pleine lumière. La prière et la charité sont le fondement de votre vie chrétienne. Vous formez, comme saint Pierre le disait déjà, “une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis” (1P 2,9). Et vous avez tous l’honneur et le devoir de contribuer à édifier l’Eglise et de porter témoignage dans le monde où la Providence vous a placés.

Il vous faut donc avoir entre vous une grande estime, “une charité sans division” (Cfr. Lumen Gentium LG 32); pratiquez une entraide et une coopération active, comme entre les membres du même Corps, le Corps du Christ. Et remerciez Dieu sans cesse des dons inouïs qu’il a faits à chacun d’entre vous. Répétons souvent les paroles du psaume que vous avez choisi: “A toi merci, merci infiniment. Ngan ai wa, ntud ngan”.



3. Mais dans l’Eglise, comme dans un corps, les membres n’ont pas tous la même fonction et la même vocation. Leur diversité ne reflète pas seulement ce qui existe dans la société civile où tous n’ont pas les mêmes capacités, les mêmes responsabilités. Elle tient au mystère même de l’Eglise, qui reçoit ses pouvoirs, avec la grâce divine, d’un Autre, du Christ; ses membres reçoivent leurs charismes comme des dons gratuits de l’Esprit Saint qui par eux, rajeunit, renouvelle et étend sans cesse la vie ecclésiale. Il faut donc que chacun exerce au mieux le ministère ou le témoignage qui lui est confié pour le bien de tous, respectueux et solidaire des autres vocations. “Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous” (1Co 12,7). Tous ne sont pas appelés à vendre leurs biens pour suivre le Christ, comme le jeune homme riche de l’Evangile, mais tous sont appelés à faire de leur vie un don.



4. J’ai salué mes Frères dans l’épiscopat que je retrouverai tout au long de ce voyage. Ici, je voudrais m’adresser d’abord aux prêtres qui partagent de si près leur mission, la mission du Christ Prêtre, seul Médiateur entre Dieu et les hommes.

Chers amis prêtres du Cameroun, vous êtes pris d’entre les hommes de ce pays, vous connaissez bien leurs préoccupations, leurs espoirs, leurs faiblesses; vous êtes solidaires de leur culture et de leur ethnie. C’est en leur nom que vous rendez grâce à Dieu et que vous le suppliez. Mais, par l’ordination sacerdotale, vous êtes devenus les ministres du Christ; vous le représentez, Lui, la Tête de l’Eglise qui est son Corps, Lui, l’Auteur du salut et la source de toute grâce. Vous annoncez sa Parole, vous agissez en son nom pour offrir son Sacrifice, pour donner son Pain de Vie, pour transmettre son pardon; tous ces dons de Dieu que le peuple chrétien ne peut produire par lui-même, car il les reçoit d’en haut. Votre mission est sublime et elle est indispensable. Vous devez sans cesse, en toute humilité, rendre grâce à Dieu pour la confiance qu’il vous a faite. Votre ministère mérite également que vous lui consacriez tout votre temps et toutes vos forces, car le Christ, qui vous a regardés avec amour, comme le jeune homme riche, et vous a dit “suis-moi”, ne vous a pas appelés pour que vous retourniez à des activités profanes sans rapport avec l’évangélisation. C’est dans ce but qu’il vous faut organiser et régler ensemble et avec vos fidèles les questions importantes de la subsistance matérielle des prêtres, car le Royaume de Dieu demande des moissonneurs à plein temps, il demande des pécheurs d’hommes voués à leur tache corps et âme, c’est-à-dire sans coeur partagé.

Vous êtes devenus Pasteurs dans l’Eglise à la suite du Bon Pasteur, c’est-à-dire chargés de rassembler le peuple qui vous est confié, en l’aimant et en le servant sans faire de distinction préférentielle entre riches et pauvres, adultes et enfants, bien portants et handicapés, hommes d’une autre race ou d’un autre milieu. Vous représentez parmi eux non seulement l’autorité du Chef, qui les guide de façon sure, mais l’amour du Christ, attentif à chacun et serviteur de tous. Vous êtes aussi les Pasteurs préoccupés par les brebis perdues, éloignées, par celles qui sont loin, ou qui ne font pas encore partie de ce bercail parce qu’elles n’ont pas découvert vraiment l’Evangile. Vous êtes tous en état de mission, comme l’Eglise entière.

De tout cela, nous reparlerons demain, au moment d’ordonner vos jeunes frères. Mais déjà, je prie le Seigneur de vous rendre toujours plus disponibles à son oeuvre, dans un amour plénier et exclusif à son égard, et de vous maintenir en tout solidaires de son Eglise: je lui demande de vous rendre saints et de vous conserver dans sa paix et dans sa joie. Et je le demande aussi pour les diacres permanents qui commencent à apporter à cette Eglise un service très appréciable.

5. J’adresse également mes encouragements aux séminaristes des grands séminaires, des séminaires d’adultes et des petits séminaires. Chaque province a tenu à se doter de ces moyens de formation à la prêtrise, et c’est réellement important pour l’avenir de votre pays.

Chers jeunes ou aînés qui vous préparez au sacerdoce directement ou qui l’envisagez pour l’avenir, vous êtes conscients de la beauté et de la grandeur de la tache qui vous attend. Vous ne serez donc pas étonnés si l’Eglise - à qui revient en dernier ressort la décision de vous appeler aux ordres - se montre exigeante pour votre formation: formation culturelle, qu’on ne saurait sous-estimer dans une société qui invite de plus en plus ses enfants à l’effort intellectuel; approfondissement des études théologiques, qui doivent vous familiariser avec toute la doctrine de l’Eglise élaborée au long de l’histoire et confirmée par le Magistère; méditation de la Sainte Ecriture et formation à la prière; ou encore, discipline de vie qui vous prépare à la maîtrise de votre affectivité, au don de vous-mêmes, à la constance dans le travail; et, bien sur, formation apostolique.

On compte sur vous, sur toutes vos capacités, pour conduire à Jésus Christ un peuple camerounais qui désire ardemment son développement intégral. Mais il peut souvent être troublé par tout ce qu’impose une civilisation technique où le sens religieux s’affaiblit; il peut aussi être tenté par un certain retour au paganisme, ou séduit par diverses formes de fausse religiosité.

La “Ratio nationalis institutionis sacerdotalis” qui a été mise au point par vos évêques et vos responsables trace de voies intéressantes et sures pour la préparation des prêtres. Je souhaite que vous parcouriez ce chemin, difficile mais exaltant, avec vos maîtres. Soyez courageux et confiants, prenez appui sur l’amitié du Christ qui vous fait la grâce de vous appeler à son service.



6. Et maintenant, je me tourne vers vous, chers religieux et religieuses du Cameroun, venus ici répondre à une vocation missionnaire ou natifs de ce pays. Vous aussi, vous avez une place de choix dans cette Eglise. Vous y rendez des services hors pair pour un grand nombre de taches pastorales liées aux paroisses, ou dans l’enseignement, dans l’éducation des jeunes, dans les soins aux malades, dans l’entraide aux pauvres de toute condition. Vous y apportez, avec votre compétence, une disponibilité totale, d’autant plus que vous n’avez pas de famille personnelle à charge. Mais, plus profondément, par votre existence même de religieux, vous témoignez du Royaume de Dieu tel que Jésus l’a décrit dans les Béatitudes, du Royaume à venir qui connaît un début de réalisation sur cette terre. Vous vous y consacrez entièrement. Et ce qui vous anime dans cette vie exigeante, c’est la joie d’imiter Jésus chaste, pauvre, obéissant, c’est la volonté de vivre le radicalisme de ses appels, c’est l’amour gratuit que vous lui portez. Comme disait saint Pierre aux premiers chrétiens: “Sans l’avoir vu, vous l’aimez; sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir le salut qui est l’aboutissement de votre foi” (1P 1,8-9).

Cet amour gratuit trouve une expression spéciale chez les moines et les moniales qui, cloîtrés dans les monastères de ce pays, consacrent leur vie à la louange et à l’intercession, au nom de tous leurs frères et soeurs. Ces contemplatifs servent la gloire de Dieu, ils alimentent secrètement la flamme de l’Eglise, je sais que ces monastères sont également représentés ici.

Tous et toutes, religieux et religieuses, vous êtes associés de façon particulière à la Rédemption du Christ; avec Lui, vous offrez vos personnes en hostie vivante (Cfr. Rm 12,1), en imitant l’amour qui, dans le coeur du Christ, est à la fois rédempteur et nuptial et inaugure une vie nouvelle d’alliance avec Dieu à travers son sacrifice. Vous savez que l’an dernier, dans l’exhortation “Redemptionis Donum”, j’ai développé ces thèmes à votre intention.

Cette manière de suivre le Christ oriente les hommes des congrégations religieuses, de vie active ou de vie contemplative, prêtres et frères. Mais ma pensée se tourne spécialement vers les instituts de femmes, puisque 18 religieuses vont faire maintenant leur profession temporaire ou perpétuelle: Soeurs Servantes de Marie de Douala - Camerounaises et Congolaises -, Filles de Marie de Yaoundé, “Sisters of Saint Therese of the Child Jesus” de Buea, “Franciscan Tertiary Sisters of Brixen”. La vie religieuse et toutes les formes de vie consacrée sont un grand don que Dieu fait à ce pays, un signe de maturité évangélique. Je félicite en même temps les religieuses venues d’autres pays: elles ont apporté dans le passé et elles apportent aujourd’hui un témoignage qui a sans doute été décisif pour l’éclosion de nouvelles vocations et de nouvelles congrégations camerounaises.

en anglais…



7. “Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit pour le bien de tous”.

Je m’adresse maintenant aux catéchistes. Je sais que vous êtes plus de 10.000 dans tout le Cameroun. Sans votre service ecclésial, chers amis, comment le Message évangélique confié aux apôtres et aux Pasteurs serait-il annoncé de façon efficace dans les communautés des villages et des quartiers? Comment serait-il traduit, expliqué, progressivement assimilé dans la culture des Camerounais, adultes ou jeunes? Comment serait assurée la préparation patiente aux sacrements? Comment la foi serait-elle soutenue au jour le jour, comment s’épanouirait-elle dans la prière et dans la vie concrète? Vous avez une tache capitale de témoins, d’enseignants, d’entraîneurs. Un véritable ministère vous est confié, à vous laïcs, ce qui suppose évidemment une collaboration étroite et confiante avec les prêtres, et la formation biblique et catéchistique que vos centres spécialisés vous aident à acquérir. Mais, comme je l’ai dit aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux religieuses, c’est d’abord la qualité de votre propre foi, de votre prière, de votre vie chrétienne, personnelle, familiale et professionnelle, qui rendra fructueux votre service d’Eglise, avec la grâce de Dieu.

8. Au-delà de ceux qui sont à proprement parler des “catéchistes”, je suis heureux de rencontrer ici beaucoup d’autres laïcs engagés dans l’apostolat.

Chers Frères et Soeurs, votre baptême, votre confirmation vous ont donné la grâce et la responsabilité être des membres actifs de l’Eglise et des témoins du Christ au milieu des taches terrestres. Le Concile Vatican II exprimait cela en disant que vous participez au sacerdoce commun des 15dèles, à leur rôle prophétique et royal. Certains d’entre vous aident plus spécialement les communautés chrétiennes pour les réunions de prière et la liturgie, pour l’enseignement et l’éducation dans une perspective chrétienne, ou encore pour l’entraide de charité dont ont besoin les malades ou les pauvres de toute sorte dans la paroisse. Mais vous êtes aussi appelés à être témoins du Christ, de sa justice, de sa charité, de sa vérité, de sa pureté, au milieu du monde, pour contribuer à la conversion des personnes à une vie meilleure, à la transformation des mentalités et même à l’aménagement des structures de la vie sociale qui sont le fruit de ces mentalités ou qui les influencent. C’est à ce prix seulement que se fera en profondeur ce qu’on peut appeler la seconde étape de l’évangélisation.

Le terrain d’une telle action est d’abord le cadre familial: il y a tant à faire pour aider les époux à vivre l’amour conjugal et parental, à s’y préparer comme il convient à des chrétiens, en surmontant les handicaps que certaines institutions traditionnelles ou certaines tentations modernes font peser sur la sincérité, l’unité et la fidélité de l’amour! Nous en reparlerons à Bamenda. Je pense aussi aux réalités si diverses de la vie professionnelle qui doivent s’inspirer toujours davantage de la justice, de l’honnêteté, du courage, pour que personne ne soit lésé et que le bien commun soit assuré. La jeunesse, si nombreuse en ce pays, la jeunesse étudiante ou la jeunesse qui travaille dans les entreprises urbaines ou à la campagne, a besoin notamment être aidée dans sa réflexion chrétienne et dans son action, devant les mutations sociales; car souvent se trouvent menacés la foi, le sens des relations humaines, l’enracinement familial, l’attachement au travail. Je sais qu’ici la JAC, la JEC, la JOC, l’action catholique de l’Enfance, la Légion de Marie, l’action catholique des Foyers, les diverses confréries sont actives; les mouvements - ceux-là et d’autres - peuvent aider sérieusement à l’approfondissement et à la persévérance dans l’apostolat. Mais l’appel et la confiance de l’Eglise s’adressent à tous les baptisés, organisés ou non en mouvements. Il ne s’agit pas d’imposer aux autres concitoyens nos exigences propres, mais d’en donner le témoignage, d’en susciter librement le goût et le désir, pour qu’elles contribuent à former une société plus humaine, où les valeurs morales et spirituelles aient toute leur place. Jésus disait à ses disciples, et je vous le répète aujourd’hui: vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, vous êtes le levain qui doit faire lever toute la pâte.

9. Chers Frères et Soeurs, tous membres du Corps du Christ, vous avez chacun votre vocation, votre râle dans l’Eglise et dans le monde. Accomplissez-le avec conviction et ferveur: votre salut et celui des autres en dépendent. Accomplissez-le avec humilité, car il s’agit d’un appel et d’un don de Dieu, et nous portons tous ce trésor dans des vases d’argile, avec notre part de la faiblesse des hommes qui nous entourent et de la séduction du Mauvais qui rode en nous-mêmes. Accomplissez-le aussi avec audace, confiance et joie, car le Seigneur est avec vous et vous soutiendra toujours si vous êtes fidèles.

Appuyons-nous sur le roc de la foi: après la profession de foi de Pierre, qui reconnaissait en Jésus le Messie et le Fils de Dieu, le Seigneur lui dit: “Tu es le Roc sur lequel je bâtirai mon Eglise”. Je suis venu moi-même, en son nom, vous affermir dans cette foi. Recourons sans cesse à la prière. Que tous nos actes soient inspirés par la charité, qui résume toute la Loi. Faisons de notre vie un don à Dieu et un service de nos frères: c’est à travers ce don de nous-mêmes que les hommes pourront le mieux reconnaître Dieu. Suivons l’exemple de Marie, elle est le modèle de la foi et de la disponibilité. Je suis heureux de savoir que la cathédrale qui nous accueille est dédiée à Notre-Dame, comme lui fut dédié le berceau de l’évangélisation en ce pays sous le nom de “Montagne de Marie”, Marienberg. Elle, votre Mère, vous aidera constamment à édifier l’Eglise, le Corps mystique de son Fils.

Amen.




Discours 1985 - Lomé (Togo) Vendredi, 9 août 1985