Discours 1986 - IN CRISTO SENZA LA CHIESA


III. NON ACCETTATE DI TRANSIGERE SULLA VERITÀ IL BENE, IL RISPETTO DELLA DIGNITÀ DELL’ UOMO

21. Ce que je ferais à votre place, chers amis? Je regarderais le monde avec vous; je regarderais ma conscience; et je regarderais en même temps l’Evangile.

On y lit qu’un jour Jésus se trouvait devant une grande foule, environ cinq mille personnes avides de l’écouter, d’être libérées de leurs maux, de trouver près de lui des raison e vivre, mais ils n’avaient pas à manger, c’était le soir, c’était le désert. Jésus ne voulait pas les renvoyer sans manger. Les Apôtres étaient désemparés: “Il y a bien ici un enfant qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde?”.

Et vous, chers amis, vous me semblez pleins de sincérité, de générosité devant les foules du monde aux multiples besoins. Mais vous semblez dire: “Qu’est-ce que notre bonne volonté pour tant de monde?”.

Commencez par apprécier ce que vous avez, commencez par discerner les beautés du monde, par découvrir les beaux gestes de vos frères, et même reconnaître simplement les bonnes dispositions que Dieu a mises dans votre coeur. Il me plaît de vous entendre dire: “Nous voulons la paix, une communication vraie entre les hommes. Nous voulons le partage. Nous sommes heureux d’être dans un pays de liberté, de nous appuyer sur une famille qui s’est sacrifiée pour nos études. Nous avons nos projets de famille. Nous voulons vivre, réussir notre vie, et aussi cèle du monde. Et là où c’est nécessaire, nous voulons changer les mentalités”. Le Christ aime ainsi la jeunesse, pleine d’idéal, comme il aimait le jeune homme riche de l’Evangile. J’ajouterais: n’acceptez pas de transiger sur la vérité, le bien, le respect de la dignité de l’homme. Ce sont les principes d’un monde nouveau.

22. Mais cet idéal est soumis à rude épreuve. Résistera-t-il à la dure réalité de ce monde? Finira-t-il comme les utopies? Sera-t-il un feu de paille? E ce rassemblement fervent de ce soir, sera-t-il une fête sans lendemain?

La liste est longue des maux de notre société qui vous préoccupent, parfois jusqu’à l’angoisse: tant de solitudes humaines, le chômage de tant de jeunes, les misères de toute sorte, les illusions d’une fausse liberté même les risques inhérents à nos progrès nucléaires, à l’envahissement des gadgets artificiels, à une technicité qui augmente l’anonymat, qui dépersonnalise et va jusqu’au commerce des embryons humains. Dénoncez sans crainte ce qui est lié d’une façon plus évidente encore au péché des hommes, à leur peurs égoïstes. Est-il besoin de nommer à nouveau l’intolérance, le racisme, la torture, la prostitution, la drogue et les tentations de désespoir, la délinquance, l’avortement, la banalisation des gestes de l’amour, le terrorisme aveugle et sans pitié, quelles que soient les raisons invoquées? A Casablanca, devant les jeunes Musulmans, je faisais cette prière à Dieu: “Ne permets pas qu’en invoquant ton nom, nous venions à justifier les désordres humains”. Car ce qui est sûr, c’est que Dieu ne veut pas le mal. Il a créé les hommes pour l’amour, pour la paix, pour la solidarité, la maîtrise raisonnable du monde. Continuez à compatir, comme Jésus, devant les souffrances. Continuez à appeler mal ce qui est mal.

23. Et vous saurez garder aussi le coeur ouvert aux misères des grandes foules du Tiers monde, affamées de pain, de liberté, de dignité, assoiffées de Dieu. Dans le quartier de La Guillotière, le Père Chevrier souffrait de voir les enfants exploités et analphabètes, les gens épuisés par le travail, mal nourris, mal logés, vieillards à trente ans. Voilà, chers amis, le lot de tant de peuples qui luttent avec peine pour leur développement, celui aussi de vos voisins du quart monde.

24. Vous, soyez lucides. Ne vivez pas pour autant dans l’angoisse. La diffusion surabondante des nouvelles tragiques, des problèmes insolubles, peut mettre sur vos épaules un fardeau trop lourd à porter. Votre angoisse n’apporterait rien aux pauvres. Faut-il vous sentir coupables, ressentir en vous la faute de tous ces maux? Non, vous n’êtes pas, au sens strict, responsables de ces grandes misères, mais vous allez peu à peu y avoir une responsabilité pour contribuer à y remédier. Ne pointez pas non plus trop vite votre doigt accusateur sur les “grands” de ce monde, sur d’autres catégories de personnes, sur d’autres pays. La responsabilité humaine existe pour beaucoup de ces maux, c’est vrai. Mais elle est complexe, beaucoup y ont part de façon solidaire. Dieu a créé le monde solidaire, et le monde en use, pour le meilleur et pour le pire. Mais cette solidarité est une chance; elle va nous permettre de réagir ensemble.

25. Il faut que les choses changent. Il faut d’abord que le coeur de l’homme change. Du coeur dépend le regard attentif et bienveillant, du coeur dépend le geste d’entraide des mains. Le Père Chevrier a commencé par aimer les pauvres de La Guillotière, il s’en est approché, il a vécu au milieu d’eux, il s’est fait pauvre comme eux. Il a regardé le Christ de la crèche, de la Croix, de l’Eucharistie, si pauvre et si proche de nous. Surtout, il a reconnu la dignité des pauvres, le bien dont ils étaient capables. Il a vu le Christ à travers eux. Et il pouvait dire, avec Jésus: “Bienheureux les pauvres, ceux qui ont un coeur de pauvre, car ils sont ouverts au Royaume de Dieu”.

Chers amis, considérez avec ce regard évangélique tous vos frères dans le besoin, vos voisins, et ceux qui sont au loin.

L’amour ne se contente pas de regarder: il essaie d’apporter sa part de soulagement, d’entraide concrète et inventive, de prière. Pauline Jaricot, votre compatriote laïque, a passé sa vie à chercher les solutions à sa portée pour venir au secours des jeunes canuts, elle les a aidés à se regrouper, elle a tenté de créer des emplois pour eux, elle a imaginé une caisse de solidarité, où elle s’est elle-même ruinée. Et pour tous les missionnaires du monde elle a suscité aussi une participation financière et une participation de prière. La pauvre Pauline a remis son âme à Dieu sans voir l’épanouissement de son oeuvre de charité, de son oeuvre missionnaire. Nous en bénéficions aujourd’hui.

26. Mais peut-être votre question demeure-t-elle: “Qu’est-ce que cela pour tant de monde?”. Le Concile Vatican II a bien éclairé ce rapport entre nos modestes efforts actuels et le monde nouveau que nous espérons. Je vous cite ce texte: “A qui demande comment une telle misère peut être surmontée, les chrétiens confessent que toutes les activités humaines, quotidiennement déviées par l’orgueil de l’homme et l’amour désordonné de soi, ont besoin d’être purifiées et amenées à leur perfection par la croix et la résurrection du Christ”, “La loi fondamentale de la perfection humaine, et donc de la transformation du monde, est le commandement nouveau de l’amour... Le Christ apporte la certitude que l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain... Cette charité ne doit pas seulement s’exercer dans des actions d’éclat, mais, avant tout, dans le quotidien de la vie”, “Elle passe, certes, la figure de ce monde déformé par le péché; mais... la charité et ses oeuvres demeureront”, Autrement dit, “s’il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du règne du Christ, ce progrès a cependant beaucoup d’importance pour le Royaume de Dieu...”.

Ainsi les chrétiens ne sauraient déserter les tâches de ce monde, mais les entreprendre avec encore plus d’enthousiasme, dans l’amour et dans l’espérance.

27. Et vous, chers jeunes, dès maintenant, à votre âge, là où vous êtes, prenez votre part au relèvement du monde. D’abord préparez-vous à y jouer un rôle, un rôle de service, par toutes les compétences humaines, scientifiques, techniques que vous êtes en train d’acquérir à l’école, à l’université ou dans votre apprentissage. Et surtout, fortifiez en vous les valeurs morales de droiture du coeur, de loyauté, de pureté, de respect des autres, d’esprit de service, de don de soi, d’endurance dans l’effort, sans lesquelles le changement matériel et technique du monde n’aboutirait pas à un progrès. On le voit dans certains pays qui ont cru progresser en changeant de régime politique ou économique sans élever la valeur morale des personnes.

Mais, en plus de cette préparation importante, vous devez dès aujourd’hui vous engager, non seulement dans le soutien verbal et massif de grandes causes par solidarité avec les efforts des hommes pour un monde meilleur, mais dans les mille gestes concrets que vous inventez et réalisez, personnellement et en équipe, pour améliorer le sort de ceux qui vous entourent et aussi de ceux qui sont au loin, pour aider les mentalités à changer. Vous montrez alors que vous sortez de vous-mêmes pour vous soucier des autres. Ne dédaignez pas ces petites choses qui comptent beaucoup aux yeux de Dieu, et qui ne sont jamais perdues, parce que accomplies dans la charité du Christ. Jésus attribuait de l’importance et une récompense dans le ciel à celui qui offrait un simple “verre d’eau fraîche” à l’un de ses disciples, qui développait avec courage quelques talents. Pourquoi? Parce que le Christ saisit lui-même dans ses mains le pain et le poisson du petit garçon. Il les multiplie à sa façon. Vous avez ébauché un geste d’amour, de justice, de pardon. Le Christ prend votre offrande avec la sienne. Elle a abouti, à travers la Passion, à sa Résurrection. Elle a inauguré le monde nouveau. Oui, le monde nouveau est enfanté aujourd’hui, à travers vos gestes d’amour et grâce au souffle de l’Esprit Saint!

28. Il est un domaine particulier où un monde nouveau est enfanté: je m’adresse à ceux qui se préparent à fonder un foyer, après avoir parlé tout à l’heure des religieux et des prêtres. C’était aussi une de vos questions, une question très importante, et j’aimerais vous en parler davantage. Je m’exprime souvent à ce sujet, en d’autres circonstances, ce matin encore à Paray-le-Monial. Trop d’entre vous souffrent de l’éclatement de leurs familles. Vous dites: “Un amour vrai, durable, est-il encore possible?”. Au nom du Christ, je vous dis: oui, il est possible. C’est tout le projet de Dieu sur le foyer. Le projet d’amour nuptial qui s’inscrit en vous, si c’est votre vocation, est d’une grande beauté: il correspond à un appel de Dieu qui a créé l’être humain “homme et femme”. Mais on apprend l’amour nuptial jour après jour. Là aussi, vous avez votre responsabilité, dès maintenant. Comme je l’expliquais dans ma Lettre aux jeunes, il y a un apprentissage du don désintéressé de soi, dans la limpidité et la simplicité, qui se fait durant toute l’adolescence et la jeunesse, et sans lequel le mariage serait une faillite, un égoïsme à deux. Il y a apprentissage du respect de l’autre, de son intériorité, de toute sa personne dont le corps est l’expression. Il y a un apprentissage de toutes les valeurs morales nécessaires à la vie. Il y a une préparation aux responsabilités que vous porterez ensemble pour le don de la vie et l’éducation des enfants, pour le service de la société. Car le mariage est une expérience qui comble le coeur, mais aussi une tâche à accomplir. Le temps de fréquentations, des fiançailles, est ce temps merveilleux d’apprentissage. Ne le gâchez pas. Prenez soin de vous préparer dès maintenant à un tel engagement. Ne confondez pas l’expérience prématurée de la jouissance avec le don de soi dans l’amour lucidement consenti pour toujours. Je vous souhaite ce grand bonheur de former devant Dieu, avec la grâce du sacrement de mariage, un couple où chaque conjoint cherche sans cesse le bonheur et le bien de l’autre, et ne craint pas, avec lui, de donner la vie, selon le plan de Dieu. C’est à partir de telles familles que se refera le tissu de la société, le monde nouveau auquel nous aspirons.

29. Voilà chers amis, des raisons de vivre. Si elles comportent certains interdits, c’est que le mal moral demeure toujours interdit, non pas d’abord par le Pape, mais par la conscience de chacun qui rejoint la volonté de Dieu. C’est ce mal, quel qu’il soit, qui blesse la dignité de l’homme, son bonheur, son humanité. Mais le Christ ne nous abandonne jamais dans le mal. Au pécheur, à l’homme faible qui met sa confiance en lui il dit: “Lève-toi et marche!”.

30. Je vais d’ici peu me rendre à Notre-Dame de Fourvière heureux d’y prier la Vierge avec les religieux. Pauline Jaricot avait inventé la chaîne de prière du rosaire vivant. Que la Vierge vous accompagne vous aussi dans votre marche! Comme elle, laissez-vous habiter, envahir par l’Esprit Saint. Il vous inspirera les raisons de vivre. Il vous donnera la force de vivre pour Dieu et pour les autres. Et de surcroît, la joie!

AUX FRÈRES ET SOEURS RELIGIEUX

Fourvière (France)

Dimanche,5 octobre 1986



1. “Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour” (Jn 15,9).

Les paroles de Jésus, à la veille de sa passion, s’adressent à vous particulièrement, chers Frères et Soeurs religieux et membres des Instituts séculiers. Car, parmi les baptisés, vous avez entendu avec force l’appel du Christ à demeurer dans son amour; vous avez répondu du fond de vous-mêmes que désormais vous lui appartenez, en rendant grâce pour l’amour infini du Père rendu présent en sa personne.

Le sanctuaire où nous nous trouvons nous invite à nous tourner vers Notre-Dame qui a inspiré ici la fondation de plusieurs de vos instituts. Mère du Sauveur, présente a l’oeuvre de la Rédemption, qu’elle vous accompagne dans la vie religieuse, qu’elle soit votre modèle et votre appui dans la foi et l’amour!

Je sais que tout près de cette basilique ont vécu deux religieuses vénérées dans le monde entier. Sainte Thérèse Couderc, fondatrice des Soeurs de Notre-Dame de la Retraite du Cénacle, a passé dix-huit années de sa vie dans une maison voisine. Et la bienheureuse Claudine Thévenet, fondatrice de la Congrégation des religieuses de Jésus Marie, repose dans la chapelle proche d’Archevêché. Leurs fondations, quasi simultanées et d’inspiration ignacienne, attestent, entre autres, la ferveur et le dynamisme des chrétiens de Lyon, en ce début du siècle dernier.

Je vous remercie de l’accueil que vous me réservez, de votre prière pour mon ministère de successeur de Pierre. Vous avez rappelé que Lyon est l’un des grands foyers d’où la vie religieuse s’est répandue à travers les continents; et vous exprimez vos préoccupations pour la vitalité et la mission de vos Instituts dans les conditions actuelles. Comme vous l’avez suggéré, je reçois, à travers ces paroles, le témoignage de tous les religieux et de toutes les religieuses de France. A tous et à toutes j’adresse mon salut très cordial et mes encouragements affectueux.

2. L’Evangile que nous avons écouté nous place au centre de la vocation baptismale, et de la vocation religieuse qui l’exprime radicalement, en plénitude.

“C’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous partiez...” (Jn 15,16).

“Il n’y a pas d’amour plus grand que de donner sa vie...” (Jn 15,13).

“Maintenant, je vous appelle mes amis” (Jn 15,15).

Votre engagement de religieux résulte d’un choix que fait d’abord le Seigneur. Votre vie, vous l’offrez comme une libre réponse à ce choix, et vous la donnez. Pareille démarche surprend le monde. De fait, elle ne serait qu’une folie si elle n’était accomplie dans l’amitié même du Christ, qui donne sa propre vie, le Fils de Dieu qui demeure dans l’amour du Père et garde fidèlement les commandements. Par lui, avec lui, vous pouvez partir et donner du fruit. Au jour le jour, par votre être et votre agir, vous êtes au milieu de vos frères et soeurs les signes de l’humanité régénérée dans le coeur ouvert du Seigneur.

3. C’est en fonction de cette source évangélique première de la vie religieuse que je voudrais comprendre vos préoccupations. Assurément vous n’attendez pas du Pape une réponse détaillée à chacune de vos questions. Je sais qu’elles résultent des réflexions de votre conseil diocésain qui a le mérite de conduire une analyse lucide et exigeante des conditions présentes où vous vous trouvez.

Aujourd’hui, des mutations sont intervenues dans la société, des changements notables ont eu lieu dans la manière de vivre et d’agir des religieux. Pensant à l’extrême diversité des missions confiées à ceux qui sont dans la vie apostolique, la nécessité m’apparaît d’un discernement attentif, éclairé par une perception claire de ce qui constitue la vie religieuse.

Les disciples du Christ sont envoyés dans le monde sans être du monde (cf. Jn 17,16-18). Il importe que votre rencontre du monde manifeste l’amour dont vous êtes aimés. Proches de vos frères, vous discernez leurs détresses, leurs attentes, la faim du corps et celle de l’esprit, les valeurs positives qui affleurent et aussi les égarements qui déshumanisent.

Disciples du Christ qui vous a fait connaître ce qu’il a appris de son Père (cf. Jn 15,15), vous êtes porteurs du message du salut. Votre vie, votre prière, vos services, votre action ont pour première fin de faire briller la lumière du Sauveur dans le monde. Vos communautés et vos personnes consacrées constituent des signes qui, par la grâce de Dieu, peuvent être transparents et renvoyer ceux que vous côtoyez à Celui qui vous a appelés. Ne craignez pas d’être reconnus et perçus comme des religieux et religieuses.

4. L’authenticité de votre existence religieuse et de votre mission est fondée sur votre appartenance à un Institut, sur vos liens communautaires. Il ne s’agit pas seulement d’être réunis à plusieurs, ce qui cependant représente déjà un signe spécifique. Bien plus, vos constitutions, traduisant les charismes propres à l’Institut, expriment d’une manière particulière le fait fondamental que c’est le Seigneur qui vous a “choisis et établis”. Par les règles de vie, chacun est assuré de ne pas préférer son propre choix à l’envoi par le Christ (cf. Jn 15,16).

Ainsi, pour que votre vie de religieux remplisse pleinement sa raison d’être, les discernements nécessaires ont lieu dans le cadre de la communauté structurée: communauté priante, fraternelle, favorable aux échanges, au conseil, au ressourcement, à la réconciliation, garante et soutien de la fidélité aux voeux. Aidés par le service des Supérieurs et l’obéissance volontiers consentie, les religieux peuvent se rendre disponibles, dans la pauvreté, le coeur chaste et libre, aux appels pressants de la mission, en demeurant ensemble les témoins convaincants de l’amour sauveur du Christ pour le monde.

Et comme le montre l’existence même des conseils diocésains de religieux, l’Eglise locale, conduite par ses Pasteurs, compte sur vous. Elle rassemble et coordonne les initiatives pastorales, confirme les missions, permet les collaborations nécessaires à l’apostolat et enrichissantes pour tous. Dans ce cadre, vous êtes confirmés dans vos engagements tels que l’éducation religieuse et scolaire, l’accompagnement des jeunes, les formes nombreuses d’assistance aux malades, aux plus démunis et aux plus désorientés, dans les tâches de réflexion doctrinale. Et là s’établit la complémentarité entre les membres très divers du grand corps ecclésial, prêtres, personnes consacrées, laïcs, chacun remplissant le rôle qui lui est propre. Avec les apports de tous, il est signe d’unité pour refléter au regard des hommes le visage du Christ.

5. Les communautés contemplatives ont évoqué la contribution spécifique qu’elles apportent à la vie ecclésiale. A Lisieux, j’avais eu l’occasion de leur dire combien leur simple présence importe, car elles répondent de manière très visible à l’invitation de Jésus: “Demeurez dans mon amour”. Elles signifient la primauté de Dieu en accordant à sa louange la priorité sur toute autre activité. Dans la communion avec tout le Corps du Christ, donnant leur vie par amour, elles ont une secrète mais réelle fécondité spirituelle; elles participent à l’oeuvre de la Rédemption.

Le rayonnement des divers monastères contemplatifs se manifeste aussi par la pureté, l’intensité et la beauté de la prière liturgique, référence précieuse pour les autres communautés chrétiennes. L’hospitalité monastique traditionnelle aide profondément beaucoup d’hommes et de femmes qui recherchent en Dieu le sens de leur vie et la force d’espérer, qui désirent découvrir les voies de la prière et approfondir leur adhésion de foi, qui renouvellent dans un temps de silence leur dialogue avec le Seigneur. Des pauvres frappent à la porte et reçoivent le chaleureux accueil que sans doute seuls ceux qui vivent eux-mêmes la pauvreté peuvent offrir.

Oui, que vos communautés contemplatives soient des lieux d’intense communion dans l’amour de Dieu, dans l’amour fraternel, à votre union sans réserve avec Celui qui nous a aimés le premier!

6. Chers Frères et Soeurs, c’est dans la prière que je voudrais achever ces réflexions suggérées par l’Evangile et par vos témoignages.

Seigneur notre Dieu, donne à la présence visible et courageuse des religieux dans le monde d’être signe parlant de ton amour. Permets que, chez les disciples que tu as choisis et établis dans la vie religieuse, la clarté de leur message, le don sans retour de leurs personnes, le désintéressement de leurs services, leur fidélité dans la prière, soient perçus par des jeunes comme des appels de la grâce. Accorde aux Instituts qui ont tant apporté à ton Eglise de voir des vocations nombreuses le rejoindre afin que soit poursuivie leur irremplaçable mission.

Seigneur Jésus-Christ, donne à ceux que tu as bien voulu appeler tes amis de connaître en plénitude la joie que tu as promise: la joie de te louer, la joie de servir leurs frères, la joie de demeurer en ton amour.

A tous ses fils religieux, clercs et laïcs, à tes filles religieuses, aux membres des Instituts séculiers, accorde Seigneur l’appui de ta grâce et l’abondance de tes Bénédictions!

POUR LA BÉNÉDICTION

Notre-Dame De Fourvière (France)

Dimanche, 5 octobre 1986



Habitants de Lyon, habitants des villes voisines, voici que le successeur de Pierre est venu en pèlerinage auprès des saints de ce grand carrefour des Gaules. Ce soir, il s’est prosterné aux pieds de Notre-Dame de Fourvière qui veille sur votre cité depuis des siècles.

L’Evêque de Rome, aux côtés du Primat des Gaules, vous salue très cordialement ce soir, vous tous, chrétiens et non-chrétiens. A chacun, il souhaite la réussite de sa vie, selon ce qui est le plus digne de l’homme. Aux familles, il souhaite le bonheur du soutien mutuel et le rayonnement de leur amour; à ceux qui sont seuls, la sérénité et la satisfaction d’être utiles dans le service d’autrui. A ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur affection, il souhaite la consolation et l’appui de leurs frères. Aux étrangers, il souhaite le réconfort d’un accueil respectueux. O toute la cité, il souhaite la prospérité et la paix.

Vous-mêmes, vous avez allumé ces flammes qui scintillent dans toute la ville, comme pour la fête solennelle de Marie, le 8 décembre. Qu’elles soient le signe de la joie, de la lumière et de l’amitié chaleureuse que vous vous donnez les uns aux autres, pour créer ensemble un monde plus humain, plus juste, plus fraternel, plus éclairé sur le sens de la vie. Qu’elles soient en même temps le symbole de la clarté que Dieu lui-même met dans les consciences qui l’accueillent, de la lumière venue d’en haut par son Fils Jésus-Christ, que Dieu a donné au monde et que Marie, sa Mère Immaculée, ne cesse de nous présenter, de nous offrir. Avancez dans la nuit avec cette lampe allumée à la main, en espérant toujours l’aube d’une vie meilleure avec la présence du Dieu vivant!

D’ici, j’aperçois vos clochers et j’adresse mes voeux particuliers aux chrétiens de toute l’agglomération lyonnaise. Je prie pour qu’ils gardent vivante la foi reçue et transmise depuis les premiers martyrs des Gaules, qu’ils sachent y introduire les nouvelles générations et les entraîner dans une vie de prière, dans le dévouement aux autres et le zèle missionnaire où se sont illustrés tant de fils et de filles de Lyon au bénéfice de l’Eglise entière. Qu’ils fassent grande la part de Dieu dans leur ville!

Notre-Dame de Fourvière, veille sur tous tes enfants qui te vénèrent sur cette colline! Humble servante du Seigneur et Mère admirable, allège les fardeaux trop lourds et montre-nous le chemin où ton Fils nous appelle à la vie plus forte que la mort, au rassemblement de l’humanité renouvelée et sauvée!

Que Dieu bénisse les enfants de Notre-Dame de Fourvière!

SALUT DU SAINT-PÈRE À LA POPULATION

Ars (France)

Lundi, 6 octobre 1986



Chers Frères et Soeurs,

1. Je suis très heureux de me trouver chez vous, à Ars. Mes prédécesseurs ont tour à tour déclaré votre célèbre curé bienheureux, saint, patron des curés du monde.

Aujourd’hui, il est donné à l’Evêque de Rome, successeur de l’Apôtre Pierre, de se faire pèlerin chez vous.

Dès l’époque où je me préparais au sacerdoce, à Cracovie, je lisais la vie du Curé d’Ars. Et l’exemple de ce curé me fortifiait dans mon désir de me consacrer totalement au salut des âmes. Depuis, je n’ai cessé d’aspirer à venir moi-même prier sur les lieux de son ministère, près de sa tombe. Je l’avais dit à Notre-Dame de Paris, lors de ma première visite apostolique en France.

Béni soit Dieu qui me donne cette grâce aujourd’hui!

2. Au temps où Jean-Marie Vianney arrivait ici, il n’y avait guère que 230 habitants. La modestie de ce village de campagne, dans les Dombes, ne permettait pas de penser à la notoriété qu’il connaît désormais partout.

Mais un saint est venu chez vous, déployant ici, comme prêtre, tout l’amour du coeur de Jésus.

Et cette paroisse a changé. Dès 1827, après neuf ans de son ministère, il pouvait dire: “Ars n’est plus Ars”. “Une révolution dans les coeurs” disait Catherine Lassagne. La foi, la prière, la vie selon l’Evangile, avaient donné à ce village un visage nouveau.

Ah, chers amis, c’est ce que chaque curé du monde, chaque évêque, rêve de réaliser dans sa paroisse, dans son diocèse, avec la grâce de Dieu: convertir et conduire librement les gens vers l’Amour de Dieu qui sauve et comble les plus hautes aspirations du coeur humain!

3. C’est une grande journée, une journée mémorable qui commence à Ars. Vers ce village ont conflué aujourd’hui tous les séminaristes de France, les diacres, de nombreux prêtres de France et du monde, avec des évêques, pour méditer avec moi sur le sacerdoce. Car, dans les circonstances assez différentes de notre siècle, la mission du Curé d’Ars doit se poursuivre, adaptée aux nouveaux besoins spirituels. Nous venons puiser à la source du dynamisme de sa sainteté. Je vous invite à prier pour nous.

4. J’ai tenu d’abord à vous rencontrer, vous chers habitants d’Ars et des environs. Je suis heureux de saluer l’évêque de ce diocèse, Mgr René Dupanloup, et ses collaborateurs, le curé actuel d’Ars, fils du bienheureux Antoine Chevrier, les autorités municipales et régionales, toutes les familles ici réunies.

Votre ville a hérité des fruits d’un merveilleux ministère. Certes, les temps ont changé et la population s’est renouvelée depuis un siècle et demi. Mais je suis sûr que les familles restent marquées par cette grâce insigne qu’Ars a reçue.

Saint Jean-Marie Vianney a aimé ses paroissiens, il s’est donné totalement pour leur bien, comme il le promettait au jeune berger rencontré près d’ici: “Je te montrerai le chemin du ciel...”; il continue à prier pour vous.

E¿ moi, je forme les meilleurs voeux à votre intention: que Dieu vous aide à faire face aux nouveaux problèmes humains, familiaux, sociaux, spirituels de cette commune! En son temps, le Curé d’Ars a fait face à ces problèmes à sa manière, avec ses moyens; il a associé les laïcs à cette oeuvre de renouveau. Il a suscité des vocations sacerdotales et religieuses. Qu’Ars continue à briller comme la lumière sur le lampadaire!

5. Nous nous retrouverons sans doute ce soir, à la célébration eucharistique.

Merci de votre accueil! Merci de votre accueil à tous mes frères dont vous favorisez la retraite et la prière! Merci de l’accueil constant que vous réservez aux pèlerins!

Il est temps pour moi d’entrer maintenant dans cette église que le saint Curé a transformée en haut lieu de la prière eucharistique, de la prédication et du pardon.

De tout coeur, je vous bénis!

À L'OCCASION DE LA RETRAITE SPIRITUELLE

DES PRÊTRES, DIACRES ET SÉMINARISTES

Ars (France)

Lundi, 6 octobre 1986

Plus le peuple chrétien prend conscience de sa propre dignité

plus il sentira le besoin de vrai prêtres.


1ère Lecture (Jn 20,19-23):

«Ce même soir, le premier jour de la semaine, les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint et il était au milieu d’eux. Il leur dit: “La paix soit avec vous”.

Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau: “La paix soit avec vous! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie”. Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et leur dit: “Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus”».

1. “Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie... Recevez l’Esprit Saint”.

Chers Frères, c’est le Christ qui nous choisit, il nous envoie comme il a été envoyé par le Père, et il nous communique l’Esprit Saint. Notre sacerdoce s’enracine dans les missions des personnes divines, dans leur Don mutuel au coeur de la Sainte Trinité. “La grâce de l’Esprit Saint... continue à être transmise par l’ordination épiscopale. Puis, par le sacrement de l’Ordre, les évêques font participer les ministres sacrés à ce don spirituel” Les prêtres participent à cette grâce et les diacres aussi.

Notre mission est une mission de salut. “Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que par lui le monde soit sauvé” (Jn 3,17). Jésus a prêché la Bonne Nouvelle du Royaume; il a choisi et formé ses apôtres; il a accompli par la croix et la résurrection l’oeuvre de la Rédemption; à la suite des Apôtres, nous sommes associés d’une façon particulière à son oeuvre de salut, pour la rendre présente et efficiente partout dans le monde. Saint Jean-Marie Vianney allait jusqu’à dire: “Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur ne serviraient de rien. C’est le prêtre qui continue l’oeuvre de la Rédemption sur la terre” ( Marie Vianney, curé d’Ars. sa pensée, son coeur, présentés par l'abbé Bernard Nodet, Le Puy, 1958, p. 100; par la suite: Nodet).

Ce que nous avons à réaliser, ce n’est donc pas notre oeuvre, c’est le dessein du Père, c’est l’oeuvre de salut du Fils. L’Esprit Saint se sert de notre esprit, de notre bouche, de nos mains. Il nous revient notamment de proclamer sans cesse la Parole, pour évangéliser; de la traduire de manière à toucher les coeurs, sans l’altérer ni l’amoindrir; et de refaire le geste d’offrande de Jésus à la Cène, ses gestes de pardon envers les pécheurs.

2. Ce n’est pas seulement une charge que nous avons reçue, une fonction qualifiée à accomplir au service du peuple de Dieu. Les gens peuvent parler du sacerdoce comme d’un métier, d’une fonction, y compris la fonction de présidence du rassemblement eucharistique. Mais nous n’en sommes pas réduits à être des fonctionnaires.

D’abord parce que c’est dans notre âme même que, par l’ordination, nous sommes marqués d’un caractère spécial qui nous configure au Christ Prêtre pour nous rendre capables d’agir au nom du Christ-Tête en personne. Certes, nous sommes pris d’entre les hommes et nous demeurons proches d’eux, “chrétiens avec eux” disait saint Augustin. Mais nous sommes “mis à part”, totalement consacrés à l’oeuvre du salut; “la fonction du prêtre, en tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps” (Presbyterorum Ordinis PO 2-3). C’est le Concile Vatican II qui nous le rappelle.

Nous sommes à la fois dans l’assemblée chrétienne et face à elle, pour signifier que l’initiative de la sanctification vient de Dieu, de la Tête du Corps, et que l’Eglise la reçoit. Envoyés au nom du Christ, nous avons été sanctifiés par lui à un titre spécifique: cela demeure, et atteint en profondeur notre être de baptisés. Le Curé d’Ars avait à ce sujet des formules chocs: “C’est le prêtre que Dieu place sur la terre comme un autre médiateur entre le Seigneur et le pauvre pécheur” (Nodet, 99), nous dirions aujourd’hui: il participe d’une façon spécifique à la mission du seul Médiateur, Jésus-Christ.

Cela entraîne une conséquence dans notre vie de chaque jour. Il est normal que nous cherchions continuellement à conformer au Christ, dont nous sommes les ministres, non seulement les gestes du ministère, mais nos pensées, l’attachement de notre coeur, notre conduite, en disciples qui vont jusqu’à reproduire les mystères de sa vie, comme disait le Père Chevrier. Cela suppose évidemment une véritable intimité avec le Christ, dans la prière. Toute notre personne et toute notre vie renvoient au Christ. Imitamini quod tractatis. Tous les baptisés sont appelés à la sainteté, mais notre consécration et notre mission nous font un devoir particulier d’y tendre, que nous soyons séculiers ou religieux, à travers les richesses inhérentes à notre sacerdoce et les exigences de notre ministère au sein du peuple de Dieu.

Certes, les sacrements tiennent leur efficacité du Christ et non de notre dignité. Nous sommes ses instruments, pauvres et humbles, qui n’ont pas à attribuer le mérite de la grâce transmise, mais des instruments responsables, et, par la sainteté du ministre, les âmes sont mieux disposées à coopérer à la grâce.

Précisément, nous voyons dans le Curé d’Ars un prêtre qui ne s’est pas contenté d’accomplir extérieurement les gestes de la Rédemption; il y a participé dans son être même, dans son amour du Christ, dans sa prière constante, dans l’offrande de ses épreuves ou ses mortifications volontaires. Je le disais déjà aux prêtres à Notre-Dame de Paris, le 30 mai 1980: “Le Curé d’Ars demeure pour tous les pays un modèle hors pair, à la fois de l’accomplissement du ministère et de la sainteté du ministre”.

3. C’est vous dire, chers amis, qu’à bon droit nous pouvons admirer la splendeur du sacerdoce ministériel, comme aussi la vocation religieuse, car il y a une certaine relation entre les deux. Vous connaissez le mot du Curé d’Ars: “Oh, que le prêtre est quelque chose de grand! S’il le comprenait, il mourrait” (Nodet, 99).

Quelle merveille en effet d’exercer, comme évêques ou comme prêtres, notre triple mission sacerdotale, indispensable à l’Eglise:

– celle d’annonciateur de la Bonne Nouvelle: faire connaître Jésus-Christ; mettre en relation vraie avec Lui; veiller à l’authenticité et à la fidélité de la foi, qu’elle ne défaille pas, qu’elle ne soit ni altérée, ni sclérosée; et aussi entretenir dans l’Eglise l’élan évangélisateur, former à l’apostolat;

– celle de dispensateur des mystères de Dieu: les rendre présents de façon authentique, notamment le mystère pascal par l’Eucharistie, et le pardon; permettre aux baptisés d’y accéder, et les y préparer. A de tels ministères, les laïcs ne pourront jamais être délégués; il faut une ordination sacerdotale, qui permet d’agir au nom du Christ-Tête;

– celle enfin de Pasteur: édifier et maintenir la communion entre les chrétiens, dans la communauté qui nous est confiée, avec les autres communautés diocésaines, toutes en lien avec le successeur de Pierre. Avant d’être spécialisé, en fonction de ses compétences personnelles et en accord avec son évêque, le prêtre est en effet le ministre de la communion: dans une communauté chrétienne qui risque souvent l’éclatement ou la fermeture, il assure à la fois le rassemblement de la famille de Dieu et son ouverture. Son sacerdoce lui confère le pouvoir de conduire le peuple sacerdotal (cf. Lettre du Jeudi Saint 1979, n. 5).

4. L’identité spécifique du prêtre apparaît ainsi clairement. D’ailleurs, après les débats des vingt dernières années, elle est maintenant de moins en moins discutée. Mais le nombre très restreint de prêtres et d’ordinations sacerdotales en bien des pays pourrait amener certains fidèles ou même des prêtres à se résigner à ce manque, sous prétexte qu’on a mieux redécouvert et mis en pratique le rôle des laïcs.

Il est vrai que le Concile a heureusement replacé le sacerdoce ministériel dans la perspective de la mission apostolique au sein de de tout le peuple de Dieu. Il a évité qu’on en fasse un enrichissement “en soi”, détaché de ce peuple. Il a mis en relief la tâche primordiale d’annoncer la Parole qui prépare le terrain à la foi, et donc aux sacrements. Il a mieux articulé le sacerdoce du prêtre sur celui de l’évêque, et montré son rapport avec le ministère ordonné des diacres et le sacerdoce commun de tous les baptisés grâce auquel tous peuvent et doivent avoir accès aux richesses de la grâce (adoption filiale, vie du Christ, Esprit Saint, sacrements), faire de leur vie une offrande spirituelle, témoigner comme disciples du Christ dans le monde, et prendre leur part de l’apostolat et des services de l’Eglise.

Mais précisément, pour qu’ils exercent pleinement ce rôle prophétique, sacerdotal et royal, les baptisés ont besoin du sacerdoce ministériel, par lequel leur est communiqué de façon privilégiée et tangible le don de la vie divine reçue du Christ, Tête de tout le Corps. Plus le peuple est chrétien et prend conscience de sa dignité et de son rôle actif dans l’Eglise, plus il ressent le besoin de prêtres. Et il en est de même dans les régions déchristianisées et les milieux sociaux coupés de l’Eglise (cf. Discours à Notre-Dame de Paris, 30 mai 1980, n. 3). Laïcs et prêtres ne pourront jamais se résigner à voir réduit le nombre des vocations sacerdotales et des ordinations comme c’est le cas aujourd’hui en maints diocèses. Cette résignation serait un mauvais signe pour la vitalité du peuple chrétien, ce serait périlleux pour son avenir et pour sa mission. Et il serait ambigu, sous prétexte de faire face avec réalisme au proche avenir, d’organiser les communautés chrétiennes comme si elles pouvaient se passer en très grande partie du ministère sacerdotal. Demandons-nous au contraire si nous faisons tout le possible pour aviver dans le peuple chrétien la conscience de la beauté et de la nécessité du sacerdoce, pour éveiller les vocations, les encourager et les faire mûrir. Je suis heureux de savoir que vos services des vocations prennent de nouvelles initiatives pour relancer l’appel. Ne nous lassons pas de faire prier pour que le Maître de la moisson envoie des ouvriers.

Chers Frères, restons modestes et humbles, puisqu’il s’agit d’une grâce du Seigneur reçue pour le service des autres, dont nous ne sommes jamais vraiment dignes. Le Curé d’Ars disait: “Le prêtre n’est pas pour lui, il est pour vous” (Nodet, 102). Mais, comme lui, ne cessons pas d’admirer la grandeur de notre sacerdoce et de rendre grâce à chaque instant. Et puissiez-vous, chers séminaristes, aspirer davantage encore, dans la joie et l’espérance, à ce très haut service du Seigneur et de son Eglise!


Discours 1986 - IN CRISTO SENZA LA CHIESA