Discours 1989 - Samedi, 13 mai 1989




AUX ÉVÊQUES DU TOGO EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Lundi, 12 juin 1989



Chers Frères dans l’épiscopat,



1. C’est avec joie que je vous accueille en ces lieux à l’occasion de votre visite «ad limina», la première depuis mon voyage pastoral dans votre pays en août 1985, où je m’étais fait porteur du message éternel de l’Evangile au sein de vos populations si chaleureuses et tellement hospitalières.

Je remercie vivement Monseigneur Robert-Casimir Dosseh-Anyron, Archevêque de Lomé et Président de la Conférence épiscopale du Togo, du message qu’il m’a présenté en votre nom. En vous saluant de tout coeur, je rejoins par la pensée vos quatre communautés diocésaines de Lomé, d’Atakpamé, de Sokodé, et de Dapango, pour lesquelles je renouvelle, dans le ministère qui nous est commun, mes voeux fervents de bien-être physique et spirituel.

Vous trouvez dans cette rencontre quinquennale l’occasion d’un ressourcement pour l’exercice de vos responsabilités de successeurs des Apôtres. Elle vous permet aussi de vivre plus intensément la communion avec le successeur de Pierre, de partager et d’apprécier toujours davantage l’immense patrimoine des valeurs spirituelles et morales que l’Eglise entière possède à travers le monde, grâce au labeur des pasteurs qui font fructifier les multiples talents dispensés par Dieu aux chrétiens de la terre.

Enfin, votre venue à Rome revêt une signification sacrée en ce sens qu’elle est un pèlerinage aux tombeaux des saints Pierre et Paul: je souhaite ardemment que vous puisiez dans votre prière à ces Apôtres, colonnes de l’Eglise romaine, une énergie nouvelle pour le service du cher peuple togolais.


2. Votre visite me permet de méditer avec vous sur certains aspects de notre mission d’évêques, ainsi décrite dans la première Lettre de saint Pierre: «Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié; veillez sur lui, non par contrainte mais de bon coeur, comme Dieu le veut..., sans commander en maîtres à ceux dont vous avez reçu la charge, mais en devenant les modèles du troupeau» [1].

Au moment de votre consécration épiscopale, chacun de vous à reçu, par l’imposition des mains, l’Esprit qui fait de vous les grands prêtres et les pasteurs du Peuple saint. Et le Seigneur m’a donné, au milieu de vous, la charge de vous affermir dans cette grande mission, afin qu’ensemble nous assurions l’unité de l’Eglise, sa fidélité et sa croissance.

«Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié» [2]. Qu’est-ce à dire aujourd’hui? Le berger a la charge de rassembler et de guider. L’évêque a mission de rassembler les chrétiens. Il le fait quand il préside l’Eucharistie, sacrement qui édifie l’Eglise. Il le fait quand il envoie les baptisés dans le monde pour accomplir leur mission de témoins de l’Evangile.

Vous êtes les artisans de l’unité dans chacun de vos diocèses, et aussi en dehors. Grâce aux liens tissés dans la conférence épiscopale, vous manifestez que l’Eglise est une au regard de toute la nation togolaise. Au-delà des divers groupes de croyants qui se forment sur l’initiative des prêtres ou des laïcs dans la communauté diocésaine, vous êtes appelés à élargir l’horizon, à relier les fidèles à l’unique Eglise, et spécialement avec le Siège apostolique, qui est lui-même au service de la communion.

Chers Frères, continuez à exercer votre charisme de l’unité non seulement dans le cadre du diocèse mais dans toute la conférence épiscopale. Ainsi, que celui d’entre vous qui a des ouvriers apostoliques en nombre raisonnable pense à celui qui en a moins. Que celui d’entre vous qui bénéficie de structures ecclésiales de formation en fasse profiter aussi les autres. Bref, que votre Eglise au Togo fasse preuve d’une unité dynamique, fruit d’une adhésion à l’essentiel dans une communion active animée par la charité de Dieu! Que le désir de porter la Bonne Nouvelle à tous les Togolais, voire à tous les fils et filles d’Afrique et aux autres membres de la famille humaine, resserre votre cohésion! Vous poursuivrez ainsi l’oeuvre missionnaire que vos devanciers ont entreprise chez vous avec succès et qu’il vous appartient, à votre tour, de faire progresser. La vitalité de votre Eglise est de bon augure pour l’avenir, comme l’est le dévouement des prêtres et des catéchistes, des religieux et des religieuses de vos diocèses.

L’autorité que vous exercez en votre qualité d’évêques est celle d’un père, qui cherche à aimer, à comprendre et, pour cela, se fait proche de ses collaborateurs et de son peuple. Un père qui se soucie d’être accueillant, notamment pour ses prêtres, connaissant leurs souhaits et leurs besoins, comme le bon pasteur de l’Evangile connaît chacune de ses brebis. Il revient à l’évêque de conseiller, d’encourager, d’aider avec bonté et simplicité de coeur ceux qui ont des responsabilités afin qu’ils les assument pour le bien de l’Eglise.

Sachez créer une réelle solidarité dans le presbyterium et une convivialité joyeuse entre ses membres pour que chaque prêtre reconnaisse en l’évêque un pasteur proche de lui dans le service des fidèles. Que la solidarité traditionnelle aux peuples de votre continent se manifeste dans les rapports entre les ouvriers de l’Evangile!



3. A la lecture de vos rapports quinquennaux, il apparaît qu’au Togo, comme en beaucoup de pays d’Afrique, la pastorale familiale est un objectif prioritaire. Vous êtes conscients du rôle important de la famille pour l’évangélisation, l’inculturation, l’édification de la société, comme aussi pour l’éclosion des vocations sacerdotales et religieuses. Aussi convient-il d’accorder une sollicitude particulière à l’établissement de la communauté familiale: dire clairement ce qu’elle est selon l’Evangile, en inspirer l’estime, mettre en évidence la grandeur de l’union du couple dans son indissolubilité, montrer comment elle est le garant des droits de l’enfant et de l’épouse. Il s’agit là d’une oeuvre difficile et de longue haleine. Néanmoins, ne vous lassez pas de faire comprendre que la famille chrétienne est une communauté d’amour apte, d’une manière unique, à enseigner et à transmettre des valeurs essentielles à la société.



4. Au Togo, les catholiques se trouvent en contact avec des frères et des soeurs appartenant à d’autres croyances ou pratiquant la religion traditionnelle. A cause de la fréquentation de ces personnes, ils sont pour ainsi dire stimulés dans l’approfondissement de leur foi, afin de pouvoir en rendre compte autour d’eux.

En premier lieu, l’Eglise, comme tout organisme vivant, doit assurer sa croissance. D’où l’importance d’une catéchèse appropriée. Je sais quels efforts vous déployez dans ce domaine vis-à-vis des enfants et des jeunes d’âge scolaire. Je vous encourage à offrir aux baptisés les moyens de progresser dans la foi, de même qu’on leur offre, dans votre pays, une scolarisation développée.

Il convient, en outre, suivant le voeu des Pères au Synode des Evêques de 1987, d’entreprendre une évangélisation en profondeur de l’ensemble des fidèles adultes. Devenus alors capables de témoigner de leurs raisons de croire, ils seront mieux à même de dialoguer avec les non-chrétiens et de collaborer, dans une entente toujours plus constructive, à la promotion d’une société vraiment humaine.

Dans ce domaine délicat des rapports avec les groupes religieux non catholiques, je vous encourage à poursuivre à la fois le dialogue fraternel et la proclamation fidèle de l’Evangile de vérité.



5. En 1992, le Togo célébrera le centenaire de son évangélisation. Du reste, la décennie 1982-1992 a été proclamée «Décennie pour le centenaire».

Je souhaite que les Togolais, dans l’action de grâce pour le don de la foi, s’engagent à mieux connaître le message du Christ et à le faire passer dans leur vie quotidienne. Qu’ils soient, selon la parole du Seigneur, «sel de la terre» et «lumière du monde» [3]! De la sorte, ils accéderont à une plus grande liberté à l’égard des forces du mal et ils découvriront en eux-mêmes et en autrui la dignité que Dieu a conférée à la personne humaine et dont la prise de conscience est facteur de progrès: elle rend l’homme capable de prendre ses responsabilités, dans la communauté ecclésiale et dans la cité. Puisse se réaliser au Togo ce qui, dès les premiers siècles, fut dit des fidèles: «Ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde» [4]!

6. En terminant, je voudrais vous demander de transmettre mes salutations cordiales et mes encouragements aux prêtres de vos diocèses respectifs. Je forme des voeux affectueux pour tous les jeunes qui se forment dans les petits séminaires, et j’exhorte les grands séminaristes à se préparer généreusement à accueillir les dons et les charges du sacerdoce pour le service du Peuple de Dieu.

Aux religieux et aux religieuses qui présentent au monde l’idéal épanouissant de la recherche de l’unique nécessaire, j’adresse également mes salutations cordiales et mes voeux pour leur vie consacrée, que l’Eglise tient en grande estime. Je les encourage à faire progresser encore cette communion ecclésiale entre les diocèses, rendue plus perceptible par leur présence dans l’oeuvre de l’évangélisation.

Enfin, je salue de tout coeur les valeureux catéchistes qui apportent leur contribution irremplaçable au développement de la mission.

Que Notre-Dame du Lac Togo, Mère de Miséricorde, à qui j’ai eu la joie de confier votre patrie le 9 août 1985, vous assiste dans votre ministère pastoral!

De grand coeur, je vous bénis ainsi que chacune de vos communautés diocésaines.

[1] 1P 5,2-3.
[2] 1P 5,2.
[3] Cf. Mt 5,13-14.
[4] Lettre à Diognète.



À UN PÈLERINAGE DU VIETNAM

Chapelle «Redemptoris Mater»

Mardi, 13 juin 1989



Je suis heureux de vous accueillir dans cette chapelle à l’occasion de votre pèlerinage en Terre Sainte, à Fatima et à Lourdes, qui s’achève à Rome, à la veille du premier anniversaire de la canonisation des saints martyrs vietnamiens.

Animés du désir d’honorer vous aînés martyrs et d’invoquer leur intercession pour votre chère patrie, vous êtes venus rendre grâce à Dieu pour le don de la foi qui vous a été accordé et pour le témoignage d’amour donné par l’impressionnant cortège d’évêques, de prêtres et de laïcs qui ont suivi le Christ jusqu’à la mort et fécondé votre Eglise de leur sang. Autour d’eux, dans une vive conscience de la communion des saints, vous affermissez l’amitié et l’affection qui vous unissent à travers le monde.

Au cours du sacrifice de la messe, c’est l’Eglise du Vietnam que nous allons présenter ensemble au Seigneur, en lui demandant de la soutenir dans sa foi et son attachement indéfectible à l’Evangile. Nous prierons pour que, dans le sillage des martyrs, les Vietnamiens continuent à donner le témoignage de la force spirituelle, de la patience et de la volonté de vivre en paix avec les autres hommes, pour le bien de tous.

A travers vous, chers Frères et Soeurs, je salue tous les catholiques de votre pays et, en vous bénissant à la fin de la messe, c’est toute votre communauté ecclésiale que je bénirai de grand coeur.




À S.Exc. MONSIEUR MAMADOU MAIGA JOUSSOUFA, NOUVEL AMBASSADEUR DU NIGER PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi, 19 juin 1989


Monsieur l’Ambassadeur,



Soyez le bienvenu au Vatican, où j’ai la joie d’accueillir Votre Excellence en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Niger auprès du Saint-Siège. Votre présence en ces lieux me réjouit, car elle témoigne du désir qu’a votre pays de continuer à mettre en oeuvre dans les liens internationaux le dynamisme particulier des valeurs spirituelles, en apportant la contribution propre de ceux dont le regard sur le monde est imprégné de foi religieuse.

Je suis sensible aux paroles courtoises que vous venez de m’adresser et j’ai aimé vous entendre déclarer que vos compatriotes accordent une place de choix à la solidarité, à la tolérance, au respect de la dignité humaine: ce sont, en effet, des voies qui conduisent à la paix entre les hommes, mon voeu très fervent pour toute la famille humaine.

En cette circonstance, il m’est agréable d’évoquer la bonne entente qui marque les rapports entre la République du Niger et le Saint-Siège. Je ne doute pas que votre mission, officiellement inaugurée en ce jour, resserre encore davantage les liens d’amitié qui nous unissent.

Vous avez bien voulu relever, Monsieur l’Ambassadeur, les efforts qu’avec mes collaborateurs je poursuis afin de venir en aide aux populations qui souffrent de la privation des biens matériels indispensables à une vie humainement digne ou qui sont victimes de calamités naturelles. C’est mon souhait ardent, en ce qui concerne notamment les pays du Sahel, d’encourager la «formation de personnes compétentes qui se mettent au service de leur pays et de leurs frères, sans aucune discrimination, dans un esprit de promotion humaine intégrale et solidaire pour lutter contre la désertification et ses causes, pour secourir les victimes de la sécheresse» [1].

Vous me permettrez de saluer, en cette occasion, la communauté catholique de votre pays. Vous avez souligné l’atmosphère de dialogue au sein de votre peuple «pétri de traditions religieuses», pour reprendre vos propres termes. Je rends grâce à Dieu de l’harmonie des relations entre musulmans et chrétiens. En particulier, j’apprécie que la République du Niger se propose d’offrir un cadre juridique qui permette à la communauté catholique de se développer et de poursuivre ses activités, dans le respect des croyances de tous.

Vous le savez, Monsieur l’Ambassadeur, les catholiques ne manquent pas d’apporter leur concours loyal à l’édification de la nation. Dans l’élan de leur foi, ils sont désireux de se joindre à l’ensemble des citoyens pour la réalisation d’une société en marche vers un idéal de progrès. Ils mettent le levain de l’Evangile là où ils vivent, s’efforçant de témoigner de leur amour fraternel, à l’image du Père Charles de Foucauld qui aimait tant les populations de votre région. C’est dans ce sens que veulent travailler les missionnaires, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs, en collaborant, à la mesure de leurs moyens, à ce qui peut promouvoir l’éducation, la santé et la culture.

Ma pensée se tourne maintenant vers tous les Nigériens et, en premier lieu, vers Son Excellence le Général Ali Saïbou, Chef de l’Etat. Je vous prie de lui transmettre les voeux fervents qui je forme pour la prospérité du Niger ainsi que pour le bien-être physique et spirituel de tous ses habitants.

Quant à vous, Monsieur l’Ambassadeur, je suis heureux de vous présenter mes souhaits les meilleurs pour la réussite de votre haute mission. Soyez assuré que vous trouverez toujours ici l’attention compréhensive dont vous pourrez avoir besoin. En exprimant mon affection au peuple nigérien et en adressant mon salut déférent à ses dirigeants, j’appelle sur la nation entière l’aide de Dieu et l’abondance de ses bienfaits.

[1] Statuts de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, n.2.




À LA VIIème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Vendredi, 16 juin 1989


Messieurs les Cardinaux,

Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,

1. Je suis heureux de vous accueillir ici, vous qui participez à l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Famille. Cette année, le thème de vos réflexions intéresse toutes les familles chrétiennes: «Réalité sacramentelle et pastorale des jeunes couples». En effet, la première étape dans la vie d’un couple peut déterminer positivement son histoire tout entière. En cette période initiale de vie commune, les époux sont marqués non seulement par leur préparation au temps des fiançailles, mais par tous les aspects de la vie conjugale de même que par leur milieu social ou par les problèmes liés a la vie professionnelle. Il s’agit là de réalités normales qui peuvent ou bien favoriser ou bien mettre en difficulté cette vie qui est nouvelle, puisque les deux sont devenus «une seule chair». Dans ce sens, l’exhortation apostolique «Familiaris Consortio» a évoqué «les jeunes familles qui, se trouvant dans un contexte de nouvelles valeurs et de nouvelles responsabilités, sont plus exposées, spécialement dans les premières années du mariage, à d’éventuelles difficultés, comme celles qui proviennent de l’adaptation à la vie en commun ou de la naissance des enfants».

Le nouveau foyer a besoin d’être soutenu afin de pouvoir approfondir son union et affronter les difficultés dues à son environnement. Dans un projet de pastorale réaliste à l’égard des jeunes couples, il faudra tenir compte de certains phénomènes négatifs trop répandus comme «une conception théorique et pratique erronée de l’indépendance des conjoints entre eux..., le nombre croissant des divorces, la plaie de l’avortement, le recours de plus en plus fréquent à la stérilisation, l’installation d’une mentalité vraiment et proprement contraceptive. La pastorale familiale tendra à aider les nouveaux époux et à les rendre capables de «réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille», à leur faire découvrir le danger des propositions qui se présentent sous les apparences de la liberté, mais réduisent le bien des époux et de la famille aux dimensions d’un simple bien-être égoïste. «Dans l’action pastorale vis-à-vis des jeunes familles, l’Eglise devra aussi s’appliquer spécialement à les éduquer à vivre l’amour conjugal de façon responsable, en rapport avec ses exigences de communion et de service de la vie, et de même leur apprendre à concilier l’intimité de la vie de foyer avec la tâche généreuse qui incombe à tous d’édifier l’Eglise et la société humaine.

Pour cette fonction de formation et d’orientation, il est nécessaire que la pastorale offre un soutien amical et sûr aux nouvelles familles, en les aidant à surmonter les écueils qui se présentent chaque jour. Dans la communauté chrétienne, les jeunes couples sauront découvrir leur mission qui a sa source dans la nature et dans le dynamisme propres du mariage.

2. Avant tout, on préparera les jeunes foyers à vivre la communion entre époux ouverte aux enfants et, plus largement, à leurs proches. L’amour qui a poussé les époux à l’alliance continue à vivifier leur communion. Toute la force de cohésion interne de la famille se fonde sur la communion interpersonnelle des époux. C’est une communion naturelle qui, à travers le pacte conjugal, se réalise au niveau ontologique – «une seule chair» – et dont découlent des effets moraux et juridiques propres à la communauté matrimoniale. La loi de l’union conjugale ne limite pas la liberté personnelle, bien au contraire, elle protège et garantit une communication humaine plus profonde, ouverte à une fécondité spirituelle. La grâce du mariage pousse les époux chrétiens à imiter le Christ en donnant leur propre vie et à manifester devant les hommes leur participation à l’union du Christ et de son Eglise.

La communion des personnes progresse continuellement à travers la fidélité quotidienne à un don total de l’un à l’autre. La connaissance mutuelle des qualités réelles et des limites inévitables de chacun éclaire le chemin des premières années du couple. Quand il construit sa vie commune de manière réaliste, jour après jour, il écarte les risques d’instabilité, il met en oeuvre au quotidien l’engagement exprimé par le «oui» du mariage. Dans la vie des jeunes couples, lorsque les défauts et même le péché font éprouver la déception et la souffrance, il faut trouver la force de changer, de se convertir et de pardonner. Ce sont des conditions nécessaires à la réussite et à la durée de la communion familiale. Si le foyer est la première école de sociabilité, c’est parce que le mariage, l’union conjugale des époux, est «l’expression première de la communion des personnes». C’est de là que provient en fait l’influence des familles dans la construction de la société.

3. Un aspect évidemment important de la pastorale des jeunes couples est leur préparation au service de la vie, couronnement naturel de leur amour et de leur alliance conjugale. Pour cela, il est nécessaire que la pastorale familiale aille au-devant de ces jeunes couples pour les aider à réfléchir à cet aspect vital de leur mariage, qui pourrait être déprécié ou même occulté à cause des conditions contingentes de la société actuelle. La transmission de la vie et l’éducation des enfants ne s’inscrivent pas au compte de l’avoir, mais au compte de l’être des époux. Aujourd’hui, il n’est pas facile de dépasser une mentalité dominante peu favorable au don de la vie sans une aide amicale et proche qui conforte l’esprit et consolide la volonté de mettre en pratique les valeurs naturelles inscrites au plus profond de l’être humain. II faut accueillir la grâce à travers la vie de prière et à travers la fréquentation des sacrements. Mais il n’est pas moins utile d’avoir l’appui de couples chrétiens qui transmettent aux nouvelles familles les critères d’examen et de solution des problèmes qui se posent normalement à toutes les familles. Nous avons là une forme d’apostolat des laïcs qui est tout spécialement nécessaire à notre époque. Un apostolat qui vise à conformer la vie d’un couple chrétien aux exigences naturelles et aux exigences révélées qui sont transmises et clarifiées par le magistère de l’Eglise.

4. Dans l’ordre naturel et dans l’ordre chrétien, les époux sont les premiers formateurs de leurs enfants. II faut aider les jeunes familles à vivre ce service dans l’édification du peuple de Dieu et soutenir le dynamisme de tant de foyers qui prennent ainsi conscience de leur vocation chrétienne et de leur responsabilité ecclésiale concrète. Ils seront les premiers bénéficiaires de l’apostolat qui consiste à former leurs enfants, avant tout parce que éveiller à la foi chrétienne, cela suppose un approfondissement et une assimilation personnels des vérités doctrinales essentielles et cela favorise une vie familiale cohérente, vivifiée par les convictions de foi partagées entre parents et enfants.

L’exhortation apostolique «Christifideles Laici» expose les responsabilités qui reviennent aux époux dans la vie et l’édification de l’Eglise. II est important de souligner ici le rôle de la catéchèse familiale. Cette tâche des jeunes familles devrait faire partie intégrante de la mission des paroisses: car, d’une part, c’est un élément fondamental de l’apostolat et, d’autre part, la communauté paroissiale doit aider les parents chrétiens dans leur responsabilité d’ouvrir à la foi les enfants qu’ils ont mis au monde.

Les premières années du mariage forment l’étape durant laquelle la famille s’agrandit par la naissance des enfants. Elle les attend, elle assure leur éducation, elle les assiste dans tous leurs besoins. Les enfants découvriront peu à peu dans leur propre famille comme un noyau qui, au milieu de la société, les favorise et les protège ou, au contraire, les conditionne et les met en difficulté. La société primordiale restreinte qu’est la famille et la société dans son ensemble constituent des pôles d’influence différents et complémentaires au cours de la formation des jeunes.

5. La famille chrétienne, comme toute famille humaine, joue un rôle irremplaçable dans la construction de la société. Elle ne peut rester indifférente aux réalités sociales, bien qu’il ne soit pas en son pouvoir de porter remède à tous les problèmes de la société. Il conviendra que la pastorale familiale invite les jeunes couples à prendre conscience de la dimension sociale de leur agir familial et les aide à repousser avec courage les facteurs de désagrégation, au nom des valeurs chrétiennes acquises au cours de leur formation et de leur préparation au mariage, valeurs lucidement réaffirmées dans l’expérience concrète de leurs premières années de vie conjugale.

De même, les premières difficultés entre les époux et avec leurs enfants seront mieux résolues si les valeurs familiales ont été intériorisées et donnent la force de refuser les égarements. La meilleure garantie pour consolider les valeurs chrétiennes des jeunes familles est toutefois de leur faire découvrir la portée apostolique de leur vie d’époux et de parents, en relation avec les autres familles qui s’apportent mutuellement leur soutien.

Pour résumer cela, on peut rappeler une affirmation de «Familiaris Consortio»: la famille chrétienne est appelée à se mettre au service de l’Eglise et de la société dans son être et dans son agir, en tant que communauté intime de vie et d’amour. Les liens de la chair et du sang, les liens de l’amour forment la base même de la société humaine. C’est cette même réalité que le sacrement de mariage sanctifie et fait participer au mystère fécond de l’union du Christ et de son Eglise.

6. Votre Conseil désire promouvoir auprès des familles une pastorale de réflexion et d’assimilation des valeurs exprimées par la doctrine de l’Eglise. Vous accomplissez là une tâche essentielle, vous mettant à l’écoute des interrogations, des difficultés, des réussites dont vous êtes témoins dans les diverses régions du monde auxquelles vous appartenez. La mise en commun de vos réflexions a la grande utilité d’aider à comprendre et à exprimer le sens fondamental et les exigences de la vie familiale. Vos échanges contribueront à donner à la pastorale familiale toute son ampleur, afin de transmettre l’expérience des diverses communautés qui est celle de l’Eglise même. Vos travaux soulignent la confiance de l’Eglise dans les familles pour qu’elles prennent leur part à sa mission, avec la richesse très diverse de leurs qualités et de leur générosité. Devant les difficultés du moment, loin de s’installer dans une attitude résignée et stérile, il faut que tous prennent les moyens possibles, humains et spirituels tout ensemble, pour faire résonner au coeur de l’homme l’harmonie que Dieu y a inscrite par l’acte créateur de son amour.

En vous assurant de ma prière pour les fruits de vos travaux, je vous souhaite la joie d’être les témoins généreux et attentifs de la sollicitude de l’Eglise pour les familles, et, de grand coeur je vous donne ma Bénédiction Apostolique que j’étends à tous vos proches.



AUX MEMBRES DU CONSEIL DE LA SECRÉTAIRERIE GÉNÉRALE POUR L’ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

Vendredi, 23 juin 1989


Chers Frères dans l’épiscopat,



1. J’éprouve une grande joie à vous accueillir ici, vous tous membres du Conseil de l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques, alors que vous vous réunissez à Rome pour la première fois en vue de préparer cet événement ecclésial très important pour l’Eglise en Afrique comme pour l’Eglise universelle.

Le 6 janvier dernier, après avoir célébré dans la Basilique Saint-Pierre la liturgie solennelle de l’Epiphanie du Seigneur et l’ordination de treize nouveaux évêques, j’ai annoncé, au moment de l’Angélus, qu’une Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques se réunirait sur le thème: «L’Eglise en Afrique à l’approche du troisième millénaire».

En annonçant cette convocation, j’en ai aussi expliqué les motifs. En effet j’ai voulu accueillir «la requête souvent exprimée depuis un certain temps par des évêques africains, des prêtres, des théologiens et des responsables du laïcat, dans le but de favoriser une solidarité pastorale organique dans tout le territoire africain et les îles adjacentes».

L’Afrique est un immense continent, divers et complexe. Les pays qui le composent sont souvent affrontés à des problèmes semblables mais aussi très différents. C’est un continent qui connaît une forte expansion et qui est en pleine évolution. L’Eglise est présente dans tous les pays, à travers des communautés importantes ou plus réduites mais toujours animées d’un incomparable dynamisme missionnaire. Elle participe en tant que telle et avec tous les citoyens à la vie de chaque nation et du continent.



2. Depuis ses origines, l’Eglise a toujours cherché à s’insérer dans les réalités quotidiennes de la vie humaine et dans les diverses cultures pour qu’elles puissent accueillir le message de salut de son Fondateur. C’est pour l’Eglise un devoir constant d’être sans cesse au service de la manifestation du Christ auprès de tous les peuples, dans tous les temps, au coeur des situations culturelles et historiques concrètes. Ce faisant, comme le dit le Concile Vatican II, elle «ne retire rien aux richesses temporelles de quelque peuple que ce soit; au contraire, elle favorise et assume, dans la mesure où ces choses sont bonnes, les talents, les richesses et les coutumes des peuples, et, en les assumant, elle les purifie, elle les renforce, elle les élève» [1].

Mais, dès l’époque apostolique, l’Eglise s’est aussi rendue compte qu’il faut promouvoir la collaboration, l’expression de l’unique foi dans des contextes divers et, là où cela s’avère nécessaire et possible, la coordination pastorale et missionnaire afin de rendre plus convaincante la transmission du message évangélique et de mieux répondre aux exigences qui se présentent. C’est ainsi qu’aujourd’hui il est apparu opportun de convoquer cette Assemblée spéciale.



3. A travers les échos que j’en ai eus et qui continuent d’arriver, je peux dire que la convocation d’une Assemblée synodale des évêques du continent africain a été généralement accueillie avec joie et vive satisfaction. Des évêques et des épiscopats entiers ont tenu à m’exprimer leur joie et à me remercier de leur donner l’occasion de se rencontrer, de se concerter sur les plans pastoraux et missionnaires, de mieux vivre leurs propres responsabilités de Pasteurs et de voir affirmer la personnalité et l’identité de l’Eglise en Afrique.

Je suis heureux, à l’occasion de cette rencontre, d’exprimer ma reconnaissance à ceux qui ont fait partie de la Commission antépréparatoire. Immédiatement après l’annonce de la convocation du Synode pour l’Afrique et l’institution de la Commission, ses membres se sont réunis par deux fois, du 7 au 9 janvier et du 1er au 3 mars derniers, pour une élaboration préliminaire, dans leurs grandes lignes, du thème, de la structure et des normes de la célébration du Synode.

Malgré la charge de leurs propres diocèses, les engagements dans leur Conférence épiscopale ou dans divers organismes régionaux, continentaux ou universels, les membres de la Commission ont fait preuve d’une généreuse et prompte disponibilité dont je les remercie de grand coeur. Je vous remercie également de votre contribution qualifiée et de l’aide que vous avez apportée au Secrétariat général du Synode afin de jeter les bases d’un bon départ du processus synodal.



4. Nous voici donc parvenus au moment où il nous faut entrer dans le vif de ce processus synodal et entreprendre avec détermination la phase suivante des travaux. Dans ce but, j’ai institué le Conseil du Secrétariat général pour l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques, composé des membres de la précédente Commission antépréparatoire auxquels s’ajoutent huit membres que je viens d’appeler à en faire partie.

Le Conseil, en effet, a pour but essentiel d’aider le Secrétariat général à préparer comme il convient les assemblées du Synode et à veiller ensuite à l’exécution de ce qui a été décidé par le Synode des Evêques et approuvé par le Souverain Pontife. Le Conseil de l’Assemblée spéciale développe ainsi son activité en parallèle avec celle de l’Assemblée générale.


5. en anglais …

[1] Lumen Gentium, LG 13.
[2] Pauli VI Allocutio ad sacrum Cardinalium Collegium, omina et vota Summo Pontifici promentium ob eius diem nominalem atque expletum X Pontificatus annum, die 22 iun. 1973: Insegnamenti di Paolo VI, XI (1973) 633.
[3] Synodi Extr. Episc. 1985 Relatio Finalis, II, D, 4.
[4] Jn 14,6.


AUX ÉVÊQUES MARONITES EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 24 juin 1989


Béatitude
et chers Frères dans l’Episcopat de l’Eglise maronite,

1. C’est avec une particulière affection que je vous accueille, alors que vous effectuez votre pèlerinage aux tombeaux de Pierre et de Paul, princes des Apôtres, modèles et intercesseurs pour tout le collège épiscopal. Votre présence à Rome en ces jours rend plus fervente encore ma prière quotidienne pour votre peuple souffrant, pour cette terre bien-aimée si liée aux origines chrétiennes, aujourd’hui déchirée.

En saluant vos personnes, le successeur de Pierre voudrait dire à tous les membres de l’Eglise maronite qu’ils sont proches de son coeur, que l’estime et l’amitié de toute l’Eglise catholique leur sont acquises. Béatitude et chers Frères, portez aux évêques qui n’ont pu venir, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux fidèles laïcs de vos diocèses, et aussi à vos frères des autres rites, le message de solidarité fraternelle du Pape et de toute l’Eglise, avec un encouragement à demeurer fermes dans la foi, à continuer à oeuvrer pour la paix dans l’espérance fondée sur les promesses du Seigneur.

Le même message de solidarité du Pape, je vous le confie à l’intention de tous les Libanais, ceux qui portent avec nous le nom de chrétiens ou ceux qui ont en commun avec nous la foi en Dieu unique et tout-puissant. Je souhaite que tous travaillent avec courage et persévérance pour la paix et le bien de votre pays, sans jamais perdre l’espérance.

Je sais que les Libanais ne considèrent pas comme un conflit de nature religieuse la guerre qui les éprouve depuis tant d’années: la pluralité des appartenances religieuses qui caractérise la région a été longtemps vécue dans une convivialité d’une grande richesse. Il n’est pas pensable qu’au nom de la foi en Dieu on puisse en arriver à causer tant de souffrances et à mettre en péril l’existence même d’un pays.

2. Béatitude, au nom des évêques et des fidèles maronites, vous avez bien voulu m’adresser des paroles de gratitude pour les démarches que j’ai pu accomplir en faveur du Liban, alors que je partage votre peine de voir se prolonger la terrible guerre qui meurtrit votre peuple. Comment n’élèverais-je pas la voix, lorsque me parviennent les échos de tant de souffrances injustes et l’image du sang innocent si cruellement versé?

Il y a un mois à peine, j’ai fait part à de nombreux Chefs d’Etat de mon inquiétude devant les maux qui continuent à accabler votre peuple et devant la situation dramatique qui l’empêche d’envisager librement et sans crainte l’avenir de sa propre patrie.

Au long de ces années douloureuses, aux faiblesses et aux incertitudes des Libanais, à une situation générale difficile, sont venues s’ajouter ou s’imposer des ingérences et des interventions armées non libanaises. Je le répète encore ici, le devoir des pays de la région et de toute la communauté internationale est d’agir concrètement pour mettre fin à ce processus de destruction et pour aider loyalement les Libanais de bonne volonté à renouer le dialogue afin de rétablir le libre fonctionnement des institutions de l’Etat et rebâtir une société fondée sur l’égalité des droits et sur les principes d’une convivialité démocratique.

J’apprécie vivement et j’encourage chaleureusement les initiatives actuellement en cours, et j’espère qu’elles recevront un accueil positif de la part des parties directement concernées et le soutien international nécessaire.

3. En cette période, votre visite «ad limina» prend un relief particulier. Je salue le courage et l’esprit de foi qui vous animent dans l’accomplissement de cette démarche ecclésiale. Je souhaite que votre pèlerinage soit pour vous une source d’inspiration et d’énergie nouvelles dans votre mission. Cette source, en vérité, c’est la foi au Christ. Les Apôtres et les martyrs ont vécu et sont morts pour elle. La foi au Christ vainqueur du mal est le centre même du mystère chrétien. Elle projette sa lumière sur ce qu’il y a d’obscur dans notre histoire personnelle et celle de nos communautés. C’est sur la Croix que le Christ a sauvé le monde. C’est de son côté ouvert que coulent le sang et l’eau qui vivifient le monde. C’est de son tombeau qu’il s’est révélé au matin de Pâques, premier-né d’entre les morts. Alors que la survie même d’un peuple et d’une Eglise nous paraissent dans un extrême danger et qu’à vues humaines la solution nous semble inaccessible, notre regard de foi ne peut être éclairé que par le mystère pascal de la Rédemption, dont l’Eglise tire sa seule raison d’être.

Chers Frères, l’Eglise maronite dont vous portez la charge pastorale, est aujourd’hui appelée à renforcer sa cohésion fraternelle en s’appuyant sur la présence fidèle du Sauveur dans les membres souffrants de son Corps. Par la prière de chacun, par la célébration commune des mystères de la foi, par l’amour fraternel plus fort que tout autre sentiment, soudez l’unité de vos communautés ecclésiales. Vous êtes les héritiers d’un antique patrimoine spirituel, vous constituez un plant précieux dans la vigne de l’Orient chrétien, aimée du Seigneur et respectée de tous. Vos ancêtres, dans leur ténacité, ont forgé de nobles traditions. Il vous revient de les approfondir à nouveau face aux tourments de l’histoire.

Aujourd’hui, il entre particulièrement dans votre mission de savoir encourager et soutenir les fidèles de votre Eglise et tous vos compatriotes de bonne volonté. Aidez-les à vaincre la tentation de la haine, de la vengeance et des représailles, à surmonter les égoïsmes pour entreprendre un dialogue sincère, seule voie possible pour reconstruire votre société et votre pays.


4. Il importe à présent que tous les membres de l’Eglise se sentent impliqués dans la mission essentielle d’être les témoins de l’amour du Christ. Il y faut la concertation et la collaboration des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs avec toutes les responsabilités qu’ils exercent dans l’Eglise comme dans la société. Les uns et les autres, rapprochés dans la prière et dans une foi renouvelée, unis dans des structures ecclésiales toujours à parfaire, seront des témoins plus crédibles du message de paix de l’Evangile. C’est ensemble que vous pourrez renouveler à toute la société libanaise votre appel à reprendre la convivialité fraternelle qui était admirée bien au-delà de vos frontières. Ensemble, en apaisant les divisions et les divergences à l’intérieur de la communauté et entre les groupes, vous donnerez l’exemple du respect mutuel des personnes et de leurs convictions, qui est une condition première de la justice et de la liberté. Je ne doute pas que le Synode patriarcal que vous venez de tenir ait donné des orientations fort utiles dans ce sens.

Je sais aussi les préoccupations que vous inspire une émigration considérable, tant en raison des vides créés par le départ de beaucoup de vos fidèles que par le souci de maintenir des liens étroits entre les Maronites dispersés dans le monde. Vous désirez à juste titre qu’ils restent en relation vivante avec leur Eglise mère et leur patrie.

5. Dans votre pays, la vie religieuse a des racines anciennes; et le rôle joué par les centres monastiques a été important dans le passé, pour animer et même fonder des communautés de villages, pour donner une impulsion spirituelle et intellectuelle. Je souhaite qu’aujourd’hui les ordres libanais masculins et féminins continuent et renouvellent, en pleine harmonie avec l’épiscopat maronite, leur contribution au témoignage évangélique, notamment grâce à la disponibilité que donne l’observance fidèle des voeux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Dans une Eglise particulière, il y a toujours une place de choix pour les religieux et les religieuses, contemplatifs ou apostoliques. Leur vocation les appelle à donner l’exemple du pardon, à être des bâtisseurs de la concorde et des témoins indiscutables de la solidarité dans l’abnégation. Qu’ils sachent que l’on compte sur eux. Des jeunes assez nombreux les rejoignent dans les noviciats, j’encourage leur désir de suivre le Christ par leur consécration désintéressée à la prière et au soutien de leurs frères sous toutes les formes de la charité fraternelle.

6. Vous recevez aussi actuellement un plus grand nombre de candidats au sacerdoce. Je vois là un signe positif: ces jeunes sont porteurs de la ferveur d’un peuple qui se tourne vers le Seigneur, ils représentent par leur générosité un gage d’espérance. Puissiez-vous les conduire a la vie sacerdotale, fermes dans la foi, dévoués aux fidèles inlassables artisans d’unité et de paix au nom du Christ!

J’aimerais rendre hommage à l’ensemble du clergé de vos diocèses, à sa sollicitude pastorale envers les communautés, dans des conditions souvent précaires. Et je ne puis oublier les prêtres, libanais et non libanais, qui, au cours de ces longues années de guerre, sont tombés alors qu’ils accomplissaient leur ministère ecclésial et qu’ils servaient leurs frères, rejoignant ainsi les milliers de victimes innocentes que nous déplorons.

7. Je ne puis aborder aujourd’hui tous les aspects de la vie ecclésiale dans vos diocèses, mais j’aimerais exprimer encore mes encouragements dans deux domaines. Pour la formation des jeunes, la catéchèse et l’école, vous fournissez des efforts très méritoires. Vous direz aux éducateurs, qui demeurent disponibles malgré des conditions souvent à la limite du possible, combien le Pape apprécie leur dévouement et combien leur rôle a d’importance pour que la jeunesse de ce pays développe les virtualités de son héritage, ses qualités, ses dispositions à l’entente fraternelle avec les camarades des autres groupes sociaux et religieux. Autant sur le plan de l’éducation religieuse a proprement parler que sur celui de l’éducation générale, je souhaite que la contribution de vos fidèles demeure aussi grande et d’aussi bonne qualité que par le passé.

Les jeunes d’aujourd’hui pourront ainsi apporter, dans ce Liban vivant que nous espérons tous, la contribution responsable d’un travail de valeur pour la vie politique, économique et sociale. Ils le feront en se montrant fidèles aux principes chrétiens fondamentaux et dans le plein respect de la dignité et des droits de leurs concitoyens.

8. Les souffrances causées par les événements de ces quinze dernières années ont renforcé chez vous le sens de l’entraide, traditionnellement vif parmi vos familles. La Caritas libanaise, d’autres organisations, les initiatives spontanées ont déployé des trésors de charité vraiment fraternelle. Beaucoup de fils du Liban donnent à cet égard un exemple peut-être méconnu à l’extérieur; je tiens à leur rendre hommage. Et je souhaite qu’ils continuent leur action à l’égard des blessés, de ceux que le deuil isole, de ceux que la guerre a privés de tout, de ceux qui ont dû fuir terres et maisons, de ceux que l’insécurité a rendus fragiles. Et que ne manque pas l’appui concret des chrétiens de pays plus favorisés!

9. Béatitude et chers Frères dans l’Episcopat, votre visite «ad limina» me donne l’occasion de vous apporter de tout coeur mon soutien dans votre mission. Par vous, avec tous les membres de vos communautés, l’Eglise maronite continue d’être présente dans la société libanaise, d’honorer la tradition de saint Maron, de saint Charbel, de la bienheureuse Rafqa et de tant d’autres serviteurs de Dieu qui jalonnent votre histoire. Le retour à la paix, tant désiré, nous l’espérons, nous le demandons dans la prière, nous supplions tous ceux qui le peuvent d’y contribuer en écoutant leur conscience. Car il s’agit de sauvegarder les droits essentiels d’homme et de femmes attachés à leur terre, à leur héritage spirituel et à leurs traditions culturelles. Il s’agit de sauvegarder des libertés fondamentales, à commencer par celle de vivre, d’être respecté avec ses croyances et ses liens humains les plus enracinés dans l’être.

Que le Seigneur donne à l’Eglise maronite, à ses Pasteurs, à son clergé, à ses religieux et à ses religieuses, à ses fidèles le réconfort de sa grâce, la force de la foi et de l’espérance, l’ardeur de l’amour du Christ! Invoquant les Apôtres Pierre et Paul, les saints de votre pays et Notre-Dame du Liban, je prie Dieu tout-puissant et miséricordieux de vous combler de ses Bénédictions.



Discours 1989 - Samedi, 13 mai 1989