Discours 1987 - Vendredi 6 mars 1987


AUX ÉVÊQUES DE FRANCE (RÉGION CENTRE-EST) EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Vendredi 20 mars 1987




Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat,



1. C'est une grande joie, pour moi aussi, de vous retrouver ici, l’esprit et le coeur remplis des souvenirs de nos rencontres à Lyon, à Paray-le-Monial, à Ars, à Annecy. Si le peuple chrétien de vos diocèses a manifesté un accueil si positif, c’est pour une bonne part parce que vous l’aviez aidé à préparer ces visites.

Vous voilà maintenant, à votre tour, en pèlerinage auprès du tombeau des Apôtres qui ont fondé l’Eglise à Rome et marqué toute l’Eglise du témoignage de leur foi. Vous exprimez votre communion avec le successeur de Pierre et ses collaborateurs et, par eux, avec l’Eglise universelle. Avec eux, vous vous tournez vers le Seigneur qui est l’auteur, le guide et le soutien de votre mission. J’ai noté que, vous inspirant de saint François de Sales, vous avez terminé votre rapport régional par ce souhait: “ Que l’Esprit Saint en nous remonte l’horloge... et la fasse sonner plus juste ”!

Comme je le disais à Lyon, devant le Cardinal Decourtray, si le Pape a le charisme du service de l’Eglise universelle, vous avez le charisme pour servir vos Eglises particulières et, à la lumière de la foi et de la discipline communes à tous, il vous revient de mettre en oeuvre les moyens pastoraux adaptés à votre peuple.

En ce sens, vous venez de me confier cinq axes importants selon lesquels s’oriente actuellement votre sollicitude. Je vous encourage vivement sur tous ces points. Je ne vais pas reprendre avec vous ce que j’ai déjà explicité dans mon voyage ou avec vos Confrères des autres régions. Par ailleurs, en 1982, nous avions traité de l’évangélisation du monde ouvrier, thème toujours très important que la béatification du Père Chevrier nous a fait rejoindre.

Ma confiance et ma prière vous accompagnent dans l’ensemble de votre ministère difficile, où je vous souhaite le discernement, le courage et l’espérance. Que vos diocésains laïcs, religieux et prêtres–coopèrent toujours avec vous dans la sérénité, la confiance et l’unité qui sont indispensables au progrès du peuple de Dieu dont vous avez la pleine responsabilité!

Aujourd’hui, j’ai jugé opportun d’aborder avec vous le sujet de la catéchèse, qui revêt pour vous et pour tous les évêques une importance primordiale; j’y joindrai quelques considérations sur la formation chrétienne des adultes qu’évoquent tous vos rapports diocésains, ainsi que sur la pastorale des milieux intellectuels.



2. Oui, vous avez raison de consacrer beaucoup d’efforts à la catéchèse des enfants et des jeunes. A Lyon, je ne faisais qu’exprimer un constat qui revient dans beaucoup de rapports: l’ignorance religieuse s’étale de façon déconcertante, le besoin d’une proposition claire et ardente de la foi se fait d’autant plus sentir (cf. Ioannis Pauli PP. II, Homilia ad Beatificationem Servi Dei Antonii Chevrier, in urbe «Lyon» habita, 6, die 4 oct. 1986: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, IX/2 [1986] 816). Nous avons contemplé ensemble la figure du bienheureux Antoine Chevrier qui, déjà en son temps, voulait libérer les pauvres de l’ignorance religieuse et qui voyait dans la catéchèse “la grande mission du prêtre aujourd’hui”.

En France, vous avez depuis longtemps cherché à relever ce défi, qui n’est plus seulement celui de l’ignorance, mais celui d’une indifférence religieuse largement répandue. Vous avez renouvelé les pratiques de la catéchèse, dans la perspective d’une situation missionnaire. J’avais évoqué ces efforts en 1982 avec les Evêques de l’Ile-de-France. La recherche et les mises au point ont présenté des difficultés, elles nécessitent toujours votre engagement et votre vigilance. Beaucoup de vos catéchistes, sans renoncer au zèle évangélisateur qui les anime et qui est très appréciable, ont pu, à cette occasion, prendre conscience des diverses exigences de l’annonce de l’Evangile, de la transmission de la foi. Le temps, l’examen critique des pratiques dans un dialogue constructif entre tous les partenaires de l’éducation chrétienne, les questionnements venant des Pasteurs responsables ou des Dicastères romains, le climat plus serein qui s’est instauré, ont pu être l’occasion d’une maturation permettant de mieux discerner les rapports entre le contenu et les méthodes, entre l’expérience et la foi; d’évangéliser ceux qui n’ont pas reçu une éducation chrétienne dans leur milieu familial et de mieux initier chacun à l’essentiel de la foi de l’Eglise avec des expressions plus précises ou plus complètes, tout en faisant appel à la libre adhésion du coeur, à la mémoire, au témoignage de la communauté, et en cherchant les implications dans la vie. Une grande disponibilité est toujours nécessaire en ce domaine; les yeux doivent demeurer fixés sur la Bonne Nouvelle à proposer dans son intégralité, avec une pédagogie adaptée aux auditeurs, sans “ sacraliser ” une méthode, qui est de l’ordre des moyens. Ce n’est pas le lieu de descendre avec vous dans le détail des instruments catéchétiques que vous avez jugé opportun d’utiliser dans vos diocèses et que vous vous souciez d’améliorer encore. Je sais que l’Assemblée de Lourdes de 1986 a demandé aux auteurs des parcours de “ mettre en valeur ” le contenu doctrinal de leurs documents et a décidé de rédiger un “ exposé organique et complet de la foi ” destiné prioritairement aux catéchistes (Compte rendu de la réunion du Conseil permanent, 8-10 décembre 1986).

De son côté, au niveau de l’Eglise universelle, une commission d’évêques travaille avec le Saint-Siège à préparer un catéchisme ou compendium de la doctrine catholique sur la foi et la morale, en correspondance au voeu du Synode extraordinaire de 1985.

Les principes et les orientations fondamentales en matière de catéchèse ont été clairement exposés dans l’exhortation Catechesi Tradendae. Je me contenterai donc avec vous de souligner quelques points pratiques qui rejoignent vos préoccupations.



3. La catéchèse garde son but spécifique de faire mûrir la foi initiale et d’éduquer le vrai disciple du Christ par le moyen d’une connaissance plus approfondie et plus systématique de la personne et du message de Jésus-Christ (Ioannis Pauli PP. II, Catechesi Tradendae CTR 19). C’est là un objectif fondamental et complexe, qui a été confié à votre responsabilité afin d’en étudier toujours davantage les exigences et de les mettre progressivement en oeuvre. Cela n’empêche pas qu’il faille souvent suppléer en outre à une première annonce qui n’a pas été faite, et éveiller, par différentes approches, au sens de Dieu et des réalités spirituelles auquel le milieu familial et scolaire est comme étranger. La foi doit alors être suscitée et sans cesse étayée, avec la grâce de Dieu.

Pour permettre aux enfants et aux jeunes de tenir dans une vie encombrée de beaucoup de choses étrangères à la foi, alors que leurs études s’intensifient, il ne faut pas craindre de nourrir leur intelligence des données centrales et essentielles de la foi. Le Symbole, l’énoncé de la foi baptismale, est l’axe autour duquel s’articule la formation chrétienne. Dans un contexte pluri-religieux comme celui de la France, le catéchisé doit devenir capable de répondre de la foi en la personne de Jésus-Christ et de dépasser un vague déisme. Il est d’abord nécessaire de le familiariser avec Dieu créateur, selon une réflexion proprement chrétienne qui demande aussi un certain sens philosophique. Dans un monde qui a tendance, dans ses idéologies et dans ses réalisations techniques, à se vouloir son propre créateur, la doctrine de l’Eglise sur la Création demeure une clé pour la foi et le comportement moral; elle est une condition pour comprendre comment Dieu est aussi Sauveur et Vie. En tout cela, la catéchèse s’appuie évidemment sur la Parole de Dieu dont elle donne le goûts la Parole de Dieu telle que la Tradition de l’Eglise la lit depuis deux millénaires et en précise la dimension de salut.

La catéchèse ne peut trouver son ancrage profond et durable que si elle s’adresse à toute la personne de l’enfant: à son esprit, à sa volonté, à sa sensibilité, à son sens des symboles où le corps a sa part. Elle doit aboutir à une attitude de prière, personnelle et communautaire, à une célébration. Elle doit entraîner en même temps un comportement cohérent avec la loi d’amour de Jésus, perfectionnant le Décalogue, dans une perspective théologale. Elle doit intégrer l’initiation et la participation aux sacrements et à la vie de la communauté chrétienne.



4. Pour accomplir cette oeuvre immense, vous faites appel à de très nombreux catéchistes: le rapport du diocèse de Lyon parle de 80 laïcs permanents et de 15.000 bénévoles. Ils sont plus de 200.000 dans toute la France. La plupart sont laïcs; et certains reçoivent une “ mission ” à cet effet. Les religieux et les religieuses y trouvent évidemment un terrain de choix pour leur apostolat. J’ajouterai que le prêtre doit y voir une part privilégiée de son ministère, lui qui a été ordonné comme ministre de la Parole de Dieu pour l’enseigner lui-même et pour promouvoir, coordonner et vérifier la formation des catéchistes.

Tout ce dispositif des bénévoles représente une large participation des communautés chrétiennes et des parents. Il a ses richesses, mais aussi ses fragilités.Le Conseil permanent de votre Conférence épiscopale le soulignait en décembre dernier. Car l’enseignement de la foi demande une véritable formation théologique, servie par un talent pédagogique, et le plus possible nourrie par une expérience spirituelle de qualité. Les catéchistes sentent ainsi l’exigence pour eux-mêmes d’une vie de foi authentique. Ils doivent maîtriser l’emploi des instruments catéchétiques pour donner avant tout le témoignage de la foi de l’Eglise, avec l’initiative nécessaire; ils ne peuvent se contenter de répéter, ni s’en tenir à ce qui intéresse ou impressionne, ni réduire la vision théologale à une morale. Il n’est pas question non plus de projeter sur les enfants les objections, les peurs ou encore les objectifs propres aux adultes. Je vous encourage vivement à continuer de mettre en oeuvre tous les moyens de former les catéchistes: réunions, sessions, fréquentation de maisons de formation et d’Instituts, rôle des “animateurs-relais” et surtout initiation personnelle à la vie de foi.

De toute façon, les parents ont, plus que tous les autres, le devoir de former leurs enfants dans la foi par la parole et par l’exemple; ils doivent être, autant que possible, associés à la catéchèse. Vous constatez avec joie qu’ils en recueillent une image positive et sont à même de progresser à leur tour dans une redécouverte de la foi.

Enfin, le fait que diminue sérieusement le nombre d’enfants catéchisés, même par rapport au nombre d’enfants baptisés, appelle un nouvel effort des Pasteurs pour trouver les moyens de faire prendre conscience à tous les parents de l’importance d’une catéchèse précoce et suivie, requise par le baptême déjà reçu, ou à recevoir.



5. Vous vous souciez aussi des conditions de la catéchèse dans votre pays. La question des rythmes scolaires demeure préoccupante, et je partage votre insistance pour que soit sauvegardé, régulièrement et de façon réaliste, un temps substantiel pour la catéchèse, malgré les difficultés regrettables que cause une scolarisation qui souvent retient les enfants même le mercredi. Là où les parents ont été motivés, ils ont pu faire respecter leur liberté et leur droit à la possibilité d’une instruction religieuse pour leurs enfants.

Cela n’empêche pas, bien sûr, d’inventer des formes complémentaires de l’initiation des enfants et des jeunes à la Réalité chrétienne: du “ club informatique biblique ” à la visite des églises, en passant par toutes les activités d’expression et les ressources des médias. L’initiation par excellence est la participation à la liturgie. De toute façon, il faut tout faire pour ménager une catéchèse systématique. En plusieurs pays, les chrétiens, qui ont vu restreindre indûment sur ce point leur liberté, ont dû trouver de nouvelles solutions. Chez vous, il s’agit surtout de convaincre les parents et les enfants de faire ce choix malgré les tentations de dispersion.

Et même les petits enfants devraient être initiés à la foi en famille, afin que leurs facultés soient intégrées dans un rapport vital à Dieu, grâce à une présentation simple et vraie du message chrétien, dans un climat de prière.

Je sais le souci que vous avez par ailleurs d’accueillir les enfants qui, malheureusement, rejoignent tardivement le cycle du catéchisme et doivent pourtant profiter de l’accueil fraternel des autres. Vous désirez que certains groupes particuliers soient accompagnés à leur rythme: retardés scolaires, handicapés, enfants de milieux très marqués et ceux qui se préparent au baptême. Mais vous savez aussi que tous doivent s’acheminer vers les mêmes éléments essentiels de la foi et de la pratique chrétienne, et vers l’intégration dans les mêmes communautés.



6. Si la catéchèse des enfants fréquentant l’école primaire est capitale, il n’est pas moins important que les jeunes trouvent durant le premier et le second cycle de l’enseignement secondaire les moyens adaptés d’une éducation systématique de la foi, d’une réflexion, d’une vie de prière en commun, d’une action chrétienne à leur portée. C’est le rôle que vous avez confié aux aumôneries des collèges et des lycées, avec la collaboration de prêtres, de religieux, de catéchètes laïcs permanents et de parents, souvent en lien avec les paroisses. J’encourage vivement cette pastorale sans laquelle toute une jeunesse risquerait de vivre étrangère à l’Eglise.

Les établissements d’enseignement catholique ont à ce sujet des possibilités et des devoirs dont j’ai parlé à vos Confrères de l’Ouest.



7. La formation des adultes est désormais un objectif que chaque diocèse envisage et essaie de réaliser. La compétence nécessaire pour assurer la catéchèse des enfants en est souvent l’occasion. Mais beaucoup d’autres services d’Eglise demandent cette formation. Et, tout simplement, les adultes ressentent le besoin d’approfondir une foi restée trop infantile, trop sommaire, trop faible pour faire face aux remises en question actuelles; il s’agit de leur donner la capacité d’en rendre compte, de trouver une réponse adéquate aux problèmes nouveaux. A l’heure où un certain nombre de gens acceptent volontiers l’idée d’un recyclage, il est normal que les chrétiens le fassent pour être à la hauteur de leur foi. Plusieurs diocèses ont indiqué les moyens concrets mis en oeuvre: cours, parfois par correspondance, sessions, stages, multiplication des maisons de formation, centres théologiques.

Il ne s’agit pas seulement d’acquérir un savoir ou un savoir-faire; il s’agit de mieux se pénétrer de la Bonne Nouvelle, d’entrer dans une vision plus plénière de la Révélation, articulant les données de l’Ecriture, de la théologie, de l’histoire de l’Eglise, de l’éthique fondamentale, de la morale sociale. L’investissement philosophique et théologique doit être joint à une anthropologie renouvelée.La foi chrétienne ne saurait s’ajouter comme un élément extrinsèque à une anthropologie déjà élaborée sur une base religieuse. Tout l’enseignement éthique de l’Eglise, son engagement en faveur des droits de l’homme perdraient leur enracinement théologal en raison de cette distorsion.

Ainsi les chrétiens doivent-ils être aidés à percevoir l’intelligibilité et la crédibilité des enseignements de l’Eglise pour mieux y adhérer et aider les autres à le faire. C’est bien ce qu’impliquent la foi au Christ et l’adhésion confiante au Magistère, attitudes foncières qui doivent toujours précéder et accompagner l’approfondissement intellectuel. La formation permanente s’inscrit dans le registre de la conversion permanente pour mieux suivre le Christ. Elle se relie à la vie sacramentelle, à l’apostolat, aux responsabilités diverses déjà exercées ou désirées.



8. Dans la ligne de ce que nous venons de dire, la pastorale des milieux universitaires et scientifiques présente des difficultés particulières et semble requérir des initiatives nouvelles.

Beaucoup de savants se veulent respectueux de la foi, certains en vivent remarquablement, d’autres se tiennent à l’écart, plus agnostiques qu’athées. Comment ne pas considérer avec admiration leur recherche passionnée pour mieux cerner, avec les méthodes scientifiques, les lois de la nature, des organismes vivants et du développement de l’homme? Est-il besoin de dire qu’au niveau de la connaissance, il ne peut y avoir aucune opposition entre la science et la foi? Par ailleurs, les savants ont d’ordinaire la préoccupation de déployer les applications des découvertes comme un service qualifié de l’homme.

Mais, à s’en tenir à une simple démarche scientifique et aux pures possibilités technologiques qu’elle ouvre, des savants peuvent éprouver quelque difficulté à accueillir le don de Dieu dans la foi et les enseignements du Magistère. Il arrive que des présupposés idéologiques liés à la pratique de la science s’imposent aux esprits. Ou tout simplement, ce qui est techniquement possible leur apparaît comme ce qu’il faut réaliser, comme si une pure possibilité technique pouvait tenir lieu de qualification morale. Mais, grâce à Dieu, bon nombre de savants s’honorent en admettant la nécessité de respecter des critères moraux pour une pratique humaine de la science, surtout quand il s’agit du respect de la vie humaine. Tout récemment le Saint-Siège a donné à tous les hommes de bonne volonté et en particulier aux croyants les critères qui doivent absolument orienter l’intervention des chercheurs et des médecins en ce domaine. Par ailleurs, au nom des sciences humaines, certains peuvent être tentés de réduire l’homme et son histoire à sa situation sociale, à sa structure psychologique. Les mathématiques et les sciences physiques développent la rationalité sous la seule forme du calcul et des mesures quantitatives. Enfin, le monde universitaire est aussi marqué par une spécialisation croissante et des cloisonnements qui ne facilitent pas l’ouverture à une vision intégrale de l’homme et une approche pastorale. Souvent les universitaires prennent une distance critique par rapport aux institutions et simultanément leur demandent une garantie protectrice pour la liberté des individus.

Je n’ai pas de moyens particuliers à vous proposer pour résoudre ces problèmes. Il vous revient de les chercher au niveau des régions ou de la Conférence épiscopale, avec toutes les instances ecclésiales concernées, avec les laïcs compétents. Ce qui est sûr, c’est que l’Eglise doit demeurer proche de ces milieux intellectuels, avec un esprit de compréhension, de dialogue et d’estime et aussi avec le courage de témoigner de la foi et de l’éthique chrétiennes, pour appeler à une réflexion approfondie. Cette présence spécifique est d’abord assurée par les aumôneries du monde universitaire; mais elle doit un souci largement partagé par les Pasteurs. Les institutions ecclésiales d’enseignement et de recherche, telles que les Instituts catholiques, situées dans le monde universitaire, et agissant en fidélité avec les orientations du Magistère, peuvent faciliter les contacts vrais et le témoignage efficace. Mais il semble que serait utile un Centre chrétien à visée intellectuelle et culturelle qui aurait un rayonnement national et qui, relayé dans les principales villes universitaires donnerait un visage d’Eglise à un effort de réflexion et d’expression publique. De nombreux catholiques, trop souvent isolés dans les “ campus ” universitaires, pourraient s’investir dans cet effort. Les Pasteur, absorbés par d’autres tâches, mesurent-ils assez le poids des courants culturels dans l’opinion publique, dans la formation des esprits et des consciences?

En vous confiant ces réflexions, je prie l’Esprit Saint de vous combler de sa lumière et de sa force. Et je vous donne mon affectueuse Bénédiction Apostolique que j’étends à tous ceux qui collaborent avec vous dans l’oeuvre d’évangélisation que le Seigneur nous confie aujourd’hui.




AUX ÉVÊQUES DE FRANCE (RÉGION DU MIDI) EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Vendredi 27 mars 1987


Chers Frères dans l’épiscopat,




1. Je remercie votre porte-parole de me présenter cette description de votre région du Midi. Vous avez noté, à côté des ombres, les signes positifs d’un besoin religieux, d’une recherche, d’une reprise spirituelle en plusieurs domaines, de la disponibilité d’un certain nombre de chrétiens à une formation approfondie et aux responsabilités dans leurs communautés.

Selon la mission qui vous a été confiée par l’ordination et la désignation de votre charge de Pasteurs, vous devez en effet être attentifs à ces besoins et à ces signes, tels des veilleurs. Surtout, il vous revient d’indiquer les points de repère essentiels, comme éducateurs de la foi et guides sur les chemins d’une vie cohérente avec l’Evangile et les orientations de l’Eglise. Vous êtes les rassembleurs du troupeau, des hommes d’unité et de paix, pour accueillir les fidèles dans leurs différences légitimes et les aider à surmonter des cloisonnements ou des divisions allant parfois jusqu’aux tentations du racisme ou de l’intégrisme. Vous encouragez ceux qui peinent pour semer et faire croître les semences du Royaume de Dieu, en particulier les prêtres. Vous avez à soutenir l’élan de charité de vos chrétiens, spécialement en ce temps de Carême. Autre aspect capital de votre ministère, vous êtes les intendants des mystères de Dieu, afin que vos fidèles participent à la prière liturgique et aux sacrements comme il convient. C’est de ce dernier point que je veux vous entretenir, à l’approche des fêtes pascales. Je complète ainsi ce que j’ai déjà dit à vos Confrères des autres régions sur la prière, la catéchèse, la paroisse, la visibilité de l’Eglise.



2. Les rapports quinquennaux de France font souvent état d’une constatation inquiétant: la baisse de la pratique sacramentelle. Les assemblées dominicales sont moins fréquentées, les confirmands moins nombreux. Vous notez vous-mêmes que la pastorale du baptême, du mariage, de la réconciliation posent des problèmes difficiles. Mais ces mêmes rapports signalent aussi les efforts que vous accomplissez pour aider les chrétiens à retrouver la place des sacrements dans leur vie et dans leur mission de baptisés et de confirmés. La préparation aux sacrements est devenue en particulier un des lieux d’évangélisation et d’ouverture à la mission. Les prêtres ont constitué des équipes de laïcs qui participent à la préparation des parents au baptême de leurs enfants, des jeunes aux sacrements de la confirmation, de l’Eucharistie et de la réconciliation comme aussi des fiancés à leur mariage. Cette pastorale des sacrements commence à porter ses fruits.

Plus que les applications pratiques qui sont de votre responsabilité sur le terrain, je voudrais souligner le sens de la pastorale sacramentelle: ce que l’Eglise exprime d’elle-même et de l’homme en célébrant les sacrements, la place et le rôle efficace de ceux-ci dans la vie et la mission de l’Eglise et de chacun de ses membres. Me limiter à cet aspect, ce n’est pas méconnaître les autres richesses des célébrations sacramentelles, c’est les inclure dans une vision plus large; il y va du lien profond qui existe entre l’Eglise, sacrement du salut, et les sept sacrements.



3. Beaucoup d’observateurs se contentent de décrire l’Eglise de l’extérieur, et nous-mêmes, pour appliquer nos efforts pastoraux, nous prenons soin de déterminer les composantes sociologiques de l’Eglise. Mais ces éléments restent seconds par rapport à la communion créée par les sacrements de l’initiation. L’Eglise est une par le baptême et par l’Eucharistie. La confirmation, donnée avec l’huile bénie par l’évêque, renforce cette unité dans une Eglise locale ouverte à la communion de l’Eglise universelle. La nature de l’Eglise est “mystérique”. Elle est le Temple de Dieu, le Corps du Christ. Elle se définit d’abord par le don que Dieu nous fait en elle de son Esprit, de sa Vie. Nous voyons des croyants se rassembler pour célébrer leur foi, qu’ils soient minoritaires ou majoritaires dans la société. Et vous soulignez un phénomène qui peut grandement favoriser cela: un nouveau goût pour les rassemblements festifs. Nous en avons eu de beaux exemples au cours de mon récent voyage en France. Mais, au sens le plus profond, c’est Dieu qui constitue et nourrit son peuple. Il agit dans l’histoire. L’Eglise est le lieu visible et la bénéficiaire de cette Action que les sacrements renouvellent ou, mieux, rendent présente à chaque génération.

La constitution conciliaire Lumen Gentium, qui commence par évoquer ce mystère de l’Eglise, précise: “ Dans ce Corps, la vie du Christ se répand dans les croyants que les sacrements, d’une manière mystérieuse et réelle, unissent au Christ souffrant et glorifié ”. L’Eglise est sacrement de salut pour le monde parce qu’elle célèbre les sept sacrements. C’est dans les célébrations sacramentelles que l’Eglise naît, grandit et puise la force nécessaire pour unir ses membres dans la même fidélité à son Seigneur et exercer la mission évangélisatrice qui lui est confiée. Il est bon d’initier à cette vision ecclésiale les chrétiens qui ne recourraient aux sacrements qu’avec le souci individualiste d’en profiter pour leur propre satisfaction ou pour leurs fêtes familiales alors qu’il s’agit d’entrer plus à fond dans le grand Dessein de Dieu pour le salut du monde, en communion avec ses frères.



4. Les membres de l’Eglise prennent naissance dans les eaux du baptême.Ainsi, en célébrant le baptême, l’Eglise proclame au monde son origine divine. Elle confesse qu’elle n’existe pas par la volonté des hommes, mais qu’elle jaillit du coeur de Dieu qui veut rassembler tous les hommes en son Fils Jésus par la puissance de l’Esprit. Elle confesse que tout homme est appelé à être fils de Dieu “participant de la nature divine” (2P 1,4).

Depuis l’antiquité, l’Eglise baptise les petits enfants, dès lors qu’ils sont situés dans une communauté chrétienne, présentés par des parents-chrétiens, ou favorables à la foi chrétienne, qui garantissent que l’éducation se fera dans la foi. Cette pratique a parfois été contestée. Elle l’est encore aujourd’hui, au nom d’une certaine conception de la liberté centrée sur l’initiative de l’homme. Or, malgré ces réticences, l’Eglise est toujours demeurée fidèle à cette tradition.

Dans le baptême est en jeu le salut de l’homme et nous devons accomplir la mission confié par le Christ: “ Allez, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit ” (Mt 28,19). Même les petits enfants ont besoin d’être libérés du péché originel et de recevoir l’adoption de fils de Dieu. Leur baptême révèle l’amour universel de Dieu. Ce faisant, l’Eglise confesse en effet que Dieu aime tous les hommes quel que soit leur âge: il veut “que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité” (1Tm 2,3-4). Elle proclame en outre que l’amour de Dieu est un amour prévenant et gratuit: le Seigneur aime l’homme avant même que celui-ci ne s’éveille à la conscience de cet amour (1Jn 4,10), un peu comme il en est pour les parents à l’égard de l’enfant qu’ils mettent au monde. A un monde qui a tendance à mesurer l’homme à son efficacité et à sa productivité, un tel geste témoigne aussi de la valeur de toute personne. Tout être humain a de la valeur, avant même d’avoir accompli quoi que ce soit, parce qu’il est une personne, appelée par Dieu au Royaume de son Fils. Voilà ce qu’il faut s’efforcer de faire comprendre aux parents baptisés qui, aujourd’hui, négligent de faire baptiser leur enfant ou tardent à le faire.

Mon insistance ne veut en rien minimiser l’effort pastoral à poursuivre pour assurer ensuite l’éducation chrétienne “iam a prima aetate”, précisément avec les parents; pour introduire le baptisé dans un milieu chrétien plus large groupe de catéchèse, paroisse; pour lui faire prendre conscience progressivement de la grâce qu’il a reçue, pour susciter sa libre adhésion de foi au don de Dieu et son engagement à suivre l’appel du Christ qui se situe toujours devant lui.

J’apprécie également le soin que vous apportez à accueillir et à préparer les enfants scolarisés qui n’ont pas encore reçu le baptême et qui, souvent grâce au témoignage de leurs camarades, désirent être agrégés à la communauté des baptisés. Le catéchuménat des jeunes et des adultes a repris une grande importance et, pour les baptisés qui n’ont pas donné suite à leur baptême, ou qui sont devenus mal-croyants, toute une démarche catéchuménale est aussi à entreprendre.



5. Baptême et confirmation sont étroitement liés. Ces deux sacrements, au cours des premiers siècles, étaient donnés dans une même célébration. Cette pratique est encore en usage chez nos frères d’Orient, où la chrismation précède toujours l’Eucharistie, et aussi en Occident, pour les adultes.

En Occident, quand il s’agit de ceux qui ont été baptisés tout petits demeurant fermes l’unité organique et le principe de l’ordre des sacrements de l’initiation: baptême, confirmation, Eucharistie (CIC 842,2) -, l’Eglise a admis que ces sacrements soient donnés au cours de célébrations distinctes dans le temps, pour des raisons pastorales, par exemple pour attendre, dans les paroisses, la venue de l’évêque, ministre ordinaire du sacrement de la confirmation, ou, plus récemment, pour mieux préparer les confirmands, au seuil de l’adolescence, lorsqu’ils sont déjà intégrés dans la communauté chrétienne où ils professent leur foi et prennent leur place active et leurs responsabilités de témoins du Christ, grâce à l’Esprit Saint.

Toutefois, vous savez que cette pratique appelle une réflexion théologique approfondie. La pratique actuelle ne doit jamais faire oublier le sens de la tradition primitive et orientale. Cela requiert, pour le moins, la permanence de certains accents. Les Pasteurs doivent insister sur le lien profond qui unit la confirmation au baptême, la considérer comme partie intégrante de la pleine initiation chrétienne, et non comme un supplément facultatif, l’envisager comme le don de Dieu qui parfait le chrétien et l’apôtre, sans la réduire à une nouvelle profession de foi ou à un engagement accru qui pourraient trouver place aux diverses étapes de la vie; surtout il faut éviter de la réserver à une élite.

Dans tous les sacrements, le Saint-Esprit est donné comme source de notre sanctification. Cependant, c’est tout spécialement en célébrant la confirmation que l’Eglise confesse qu’elle est le Temple de l’Esprit, l’Eglise de la Pentecôte; la mission qu’elle accomplit n’est pas son oeuvre, mais l’oeuvre de l’Esprit en elle et par elle. “Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint qui descendra sur vous, dit Jésus à ses Apôtres. Vous serez alors mes témoins... jusqu’aux extrémités du monde” (Ac 1,8). Cette promesse du Seigneur s’est réalisée le jour de la Pentecôte. Elle s’accomplit dans l’Eglise, tout au long de son histoire par les sacrements, notamment par la confirmation. Aussi chaque baptisé doit-il être préparé à recevoir la confirmation.



6. L’Eucharistie est le troisième sacrement de l’initiation chrétienne. Mais toute la vie chrétienne trouve en elle sa source et son sommet (Lumen Gentium LG 11). Je ne m’étends pas sur cet aspect capital pour chaque baptisé, puisqu’il s’agit de s’approcher du Christ notre Sauveur, de se nourrir de lui pour vivre de sa Vie. Il faut vivement encourager tout ce qui est fait pour y préparer les enfants, dès que c’est possible après l’âge de raison, et pour susciter chez les jeunes et les adultes le désir d’y participer souvent et dignement.

Le Concile demande aussi aux Pasteurs de veiller à ce que le sacrifice eucharistique soit le “centre et le sommet de toute la vie de la communauté chrétienne” (Christus Dominus CD 30). L’Eglise fait l’Eucharistie, mais l’Eucharistie fait l’Eglise. C’est ce second aspect qui retiendra notre attention. Concrètement le renouvellement du sacrifice pascal, le jour de la résurrection du Seigneur, est vraiment le coeur de la vie de vos communautés. Or vous constatez une baisse de la pratique dominicale.

On ne dira jamais assez l’importance capitale du rassemblement du dimanche, à la fois comme source de vie chrétienne personnelle et communautaire et comme témoignage du projet de Dieu: rassembler tous les hommes en son Fils Jésus-Christ. Tout chrétien doit être convaincu qu’il ne peut vivre sa foi ni participer, pour sa part, à la mission universelle de l’Eglise, s’il ne se nourrit du Pain eucharistique. Il doit être également convaincu que le rassemblement dominical est signe pour le monde du mystère de communion qu’est l’Eucharistie. En effet, que des hommes et des femmes de tout âge, de toute condition, de toute situation, soient réunis pour célébrer leur Seigneur témoigne de la puissance que possède l’Eucharistie de réunir tous les hommes. Plus grande est la diversité des personnes rassemblées, plus est manifeste cette puissance unifiante de l’Eucharistie. “Que personne donc ne diminue l’Eglise en n’allant pas à l’assemblée et ne prive d’un membre le Corps du Christ” («Didascalie des Apôtres»).



7. Le sacrement de la réconciliation contribue lui aussi à renouveler les baptisés qui ont péché afin que l’Eglise demeure l’Epouse sainte et immaculée du Christ.

Je sais les efforts que vous poursuivez actuellement en France pour faire prendre conscience du besoin d’une démarche pénitentielle et pour proposer à vos fidèles les occasions de célébrer le sacrement dans les deux formes ordinaires prévues par l’Ordo Paenitentiae et rappelées par l’exhortation Reconciliatio et Paenitentia (Ioannis Pauli PP. II, Reconciliatio et Paenitentia RP 32), qui comportent l’aveu et l’absolution personnels. Même si le chemin est dur à reprendre pour certains pénitents et certains pasteurs, vous êtes résolus à “ favoriser cette pratique par tous les moyens”, comme le précise le décret promulgué récemment, au nom de l’Assemblée des Evêques de France, par son Président. Vous avez raison de prévoir toute une catéchèse sur le pardon des péchés.

Sans perdre de vue la dimension ecclésiale du sacrement de pénitence, mieux mise en relief ces dernières années, ni les richesses du nouveau rituel, en particulier pour un examen de conscience en référence à la Parole de Dieu, il est important de bien faire comprendre les sens de la confession individuelle: s’inscrivant dans la ferme tradition de l’Eglise, elle est toujours nécessaire pour le pardon des fautes graves et elle est, dans tous les cas, riche de signification. Elle pacifie intérieurement, donne la force et la joie d’un nouveau départ, stimule sur la voie de la perfection. Elle introduit dans la culture présente un sens de l’homme un peu oublié. En un temps où l’on insiste sur le péché collectif, la reconnaissance du péché personnel et l’aveu individuel - que ce soit à l’intérieur d’une célébration communautaire ou dans une démarche individuelle - nous rappellent que, dans le péché du monde qui offense Dieu et qui atteint nos frères, nous avons notre part de responsabilité. En un temps où l’on pense volontiers que les conflits ne trouvent de solution que dans les réformes de structures, la célébration pénitentielle nous redit qu’aucune solution n’est possible sans la conversion personnelle, car le mal n’est pas dans les choses, mais dans les coeurs. Chaque personne est appelée et doit répondre personnellement à Dieu; si elle est aidée par tous ses frères, nul ne peut répondre à sa place. En un temps où l’on exalte la vie privée et où l’on veut la protéger face à la pression et à l’anonymat des grands groupes humains, confesser son propre péché, recevoir de Dieu une parole de pardon adressée à chacun personnellement, c’est proclamer que, dans l’humanité, chaque homme compte pour Dieu. Le sacrement de réconciliation est la victoire que Dieu nous donne de remporter personnellement sur notre péché et le péché du monde.



8. Avant de parler du sacrement des malades, constatons que les progrès de la science et de la pratique médicales au cours de ces dernières décennies ont entraîné le développement du monde de la santé: monde technicisé, souvent sécularisé. Monde qui est un lieu privilégié d’évangélisation parce que là se pose la question du sens de la vie, de la souffrance et de la mort. Question à laquelle la société séculière ne donne pas de réponse.

L’Eglise est présente au chevet de ceux qui sont affrontés à l’épreuve de la maladie par ses membres qui se dévouent à leur service, prêtres, religieux, religieuses, laïcs associés à l’oeuvre de l’aumônerie. Elle est présente aussi et surtout par le sacrement des malades. Lumen Gentium résume ainsi ce qu’apporte ce sacrement: “Par l’onction sacrée des malades et la prière des prêtres, c’est l’Eglise tout entière qui recommande les malades au Seigneur souffrant et glorifié pour qu’il les soulage et les sauve; bien mieux, elle les exhorte à contribuer pour leur part au bien du peuple de Dieu, en s’associant librement à la passion et à la mort du Christ” (Lumen Gentium LG 11), comme ses membres souffrants. Et Jésus-Christ leur donne pardon et force. Dans une société qui s’emploie généreusement à guérir les corps mais qui ne dit rien sur le sens de cette condition de malade, l’Eglise, par le sacrement, invite les malades à vivre dans l’espérance du salut et de la résurrection.



9. Le sacrement de mariage par lequel les époux se donnent exclusivement l’un à l’autre, de façon indissoluble, pour s’aider mutuellement à se sanctifier dans la vie conjugale, avec la grâce du Christ a bien évidemment une signification ecclésiale: il fonde la famille, cellule de base de l’Eglise et de la société, et il symbolise le mystère de l’unité et de l’amour fécond entre le Christ et son Eglise (Ivi).

Le mariage entre chrétiens, qui est sacramentel dans la ligne de la vocation baptismale, souffre bien sûr des incertitudes, des remises en question et des obstacles qui affectent les mentalités et les moeurs aujourd’hui. L’analyse de ce glissement des moeurs vous est familière, et moi-même j’ai souvent abordé les problèmes de la pastorale familiale.

Mais je vous encourage à poursuivre néanmoins vos efforts pour que les couples soient préparés le mieux possible au mariage chrétien, pour qu’ils soient soutenus dans les difficultés et accompagnés lorsqu’ils sont victimes des carences et des misères déjà évoquées. Surtout, grâce à l’enseignement des Pasteurs, grâce au témoignage des foyers chrétiens, puisse le mariage resplendir aux yeux de tous comme le signe de la dignité que Dieu, Créateur et Sauveur, attache à chaque homme et à chaque femme, à leur union pour la vie, à leur amour et à leurs gestes d’amour, à leur merveilleuse capacité de procréer et d’éduquer des enfants de Dieu!



10. Je n’ai pas besoin de vous parler du sacrement de l’ordre, dont nous vivons chaque jour depuis notre ordination sacerdotale et épiscopale. Comme je le disais à Ars, elle nous a configurés au Christ pour nous rendre capables d’agir au nom du Christ Tête, pour lui permettre de construire, de sanctifier et de gouverner l’Eglise qui est son Corps. Le ministère de l’évêque, du prêtre et du diacre manifeste dans la communauté chrétienne la sollicitude du Christ Pasteur et Serviteur, qui se fait proche et miséricordieux, éducateur de la foi et guide des consciences, dispensateur des mystères de Dieu, et serviteur de la communion. Il montre que l’initiative de sanctification vient de Dieu, par ses ministres ordonnés, et appelle la participation active de tous les baptisés.

Je me réjouis de savoir que vos fidèles redécouvrent la splendeur et la nécessité absolue du sacerdoce ministériel, grâce à une pastorale renouvelée des vocations et à l’importance que revêtent les cérémonies d’ordination aux yeux de tout le peuple chrétien.

Chers Frères dans l’épiscopat, que le Seigneur bénisse votre ministère et celui de vos prêtres auxquels je redis, comme chaque année avant le Jeudi Saint, mon affection et mes encouragements! Qu’Il permette à tous vos fidèles, à vos catéchumènes, à ceux qui sont en recherche, de mieux saisir, à l’occasion de la célébration de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, la grandeur du don de Dieu que signifient et réalisent le baptême, le sacrement de la réconciliation et l’Eucharistie! A eux, comme à vous mêmes, je donne de tout coeur ma Bénédiction Apostolique.




Discours 1987 - Vendredi 6 mars 1987