Discours 1987 - Mercredi 27 mai 1987


À LA Vème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Vendredi 28 mai 1987

Monsieur le Cardinal,

Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,



1. Autour des membres et collaborateurs permanents du Conseil pontifical pour la Famille, je suis très heureux de saluer tous les participants à votre cinquième Assemblée plénière. Ils mettent au service de la famille les ressources de leur esprit et de leur coeur, l’expérience de leur vie et de leur apostolat. Je les remercie vivement de leur collaboration spécifique à ce Dicastère romain, et je leur demande de continuer toujours à garder, dans leur mission, les objectifs prioritaires qu’ils ont étudiés, pour le bien de l’Eglise et de la société tout entière.

Le thème de votre Assemblée, “la sacramentalité du mariage et la spiritualité conjugale et familiale”, met en lumière l’un des aspects importants que le prochain Synode des Evêques sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise ne manquera pas d’aborder.

La vocation d’époux, de père et mère de famille, est la caractéristique propre de la grande majorité des membres du Peuple de Dieu. Leur condition de baptisés est spécifiée par le sacrement de mariage qui les fait participer au mystère de l’union du Christ avec son Eglise. Prendre conscience de l’appel universel à la sainteté, comme le Concile Vatican II l’a rappelé aux fidèles, suppose que l’on découvre, dans sa propre existence, la volonté concrète de Dieu, et que l’on ait le désir d’y répondre généreusement. La vie ordinaire des époux et de tous les fidèles prend ainsi, dans la lumière de la foi et avec le soutien de l’Esprit Saint, la dimension d’un dialogue de la créature avec son Créateur, de l’homme avec Dieu, du fils avec son Père.



2. L’une des manifestations réconfortantes de l’action de l’Esprit Saint au cours des années qui ont suivi le dernier Concile est précisément la floraison de groupes de spiritualité, dont un certain nombre ont pour but de promouvoir la spiritualité conjugale. De tels mouvements, insérés dans la pastorale de l’Eglise, constituent un instrument qualifié et efficace pour stimuler chez de nombreux fidèles une vie de sainteté et les amener à découvrir la grâce et la mission propres que, comme époux chrétiens, ils reçoivent dans l’Eglise. Vous êtes nombreux, chers membres du Conseil pontifical pour la Famille, à connaître par expérience les valeurs de ces mouvements. A l’origine de ces initiatives pastorales, on trouve des hommes et des femmes, des prêtres et des laïcs qui, poussés par l’amour du Christ, ont pressenti que leur service de Dieu et de la société devait s’accomplir en faveur de la famille. A leurs yeux, les éléments qui font partie intégrante de la vocation humaine des époux comme l’amour conjugal, la paternité, l’éducation des enfants, devraient prendre une dimension surnaturelle et transcendante.



3. Ces promoteurs de la spiritualité conjugale et familiale, se sont donc montrés pleins d’initiative, mais il convient aussi de souligner leur souci de fidélité à l’Eglise. Même lorsque des activités pastorales ont pris naissance dans la mouvance du Magistère, la droiture de pensée et la droiture de vie doivent demeurer sans cesse une conquête dans l’Esprit, au fur et à mesure que les années passent. Des questions qui touchent à la sainteté de vie des époux et des parents chrétiens pourraient perdre leur référence essentielle à la foi, au niveau doctrinal ou dans la vie pratique, sans une reprise constante du sens chrétien de la vie conjugale. Autrement, on arriverait à une désorientation ou même, dans certains cas, à une déformation de la conscience des fidèles. Le Magistère de l’Eglise, qui, ces dernières années, a clarifié des questions fondamentales, doit être fidèlement suivi lorsqu’il s’agit de la formation chrétienne des époux ou de la préparation au mariage.

Certes, en contraste avec cet enseignement, dans nos sociétés, un certain nombre de misères existent qu’il importe de ne pas perdre de vue, celles notamment qui affectent les époux tentés de désunion ou désunis, les enfants de parents séparés, les jeunes tentés de se livrer à des expériences sans se soucier de l’engagement dans le mariage qui seul justifierait leur union intime. Tous ceux-là -et ils sont malheureusement nombreux-, il faut trouver le moyen de les aider, et les préparer à redécouvrir le dessein merveilleux de Dieu sur leur vie comme un chemin, semé de tentations et d’embûches, mais jamais privé de la grâce divine et de l’espérance.

Mais l’on peut dire que, dans tous les foyers, des difficultés surviennent dès lors que l’on veut correspondre pleinement à la vocation conjugale et parentale; il serait illusoire de les ignorer, ou de prétendre les résoudre en niant les exigences morales que la conscience chrétienne impose.

Si l’on aide les époux à atteindre une meilleure qualité de vie humaine et une plus grande perfection chrétienne, le fait de découvrir les fondements d’une meilleure capacité de don de soi entre époux et à l’égard des enfants, de donner à sa vie des motivations valables d’ordre naturel et chrétien, peut transformer un horizon assombri par les obstacles, en une perspective d’espérance, qui s’appuie sur l’ascèse, la conquête et la maîtrise de soi, avec l’aide de Dieu. Beaucoup d’hommes et de femmes, de nombreux foyers, ont pu ainsi approfondir leur propre incorporation au Christ par les sacrements. Toute la spiritualité chrétienne plonge en effet ses racines dans le sacrement du baptême.



4. En nous faisant participer à la filiation divine, Dieu nous a configurés au Christ et nous a mis sous sa loi de sainteté. C’est ce que dit le Concile Vatican II dans la Constitution sur l’Eglise: “ Appelés par Dieu, non au titre de leurs oeuvres mais au titre de son dessein et de sa grâce, justifiés en Jésus notre Seigneur, les disciples du Christ sont véritablement devenus, dans le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par conséquent, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, et leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie ” (Lumen Gentium LG 40).

Cette vie divine que tout chrétien a reçue avec le baptême, se nourrit et grandit au moyen de la prière et des autres sacrements, surtout celui qui rend présentes la passion rédemptrice du Christ, sa mort et sa résurrection. L’Eucharistie est vraiment le centre et la racine de la vie chrétienne. Les époux chrétiens y participent à un titre spécial. En effet le sacrement de mariage est le signe du mystère d’amour par lequel le Christ s’est livré pour son Eglise et un moyen d’y participer (Gaudium et Spes GS 48), l’Eucharistie est précisément le sacrement et le mémorial de ce mystère. La vie eucharistique est donc un élément spécifique de toute la spiritualité conjugale: elle comporte les mêmes lois de don de soi à la gloire de Dieu et pour le salut de l’humanité, et elle apporte la nourriture nécessaire pour suivre ce chemin.



5. Pour sa part, “ le sacrement de mariage, qui reprend et spécifie la grâce sanctificatrice du baptême, est bien une source spéciale et un moyen original de sanctification pour les époux et pour la famille chrétienne ” (Ioannis Pauli, Familiaris Consortio FC 56). L’être du mari et de la femme - et leur relation - a été configuré au mystère de l’union du Christ et de l’Eglise par la célébration de ce sacrement. La spiritualité conjugale jaillit de la docilité même à l’Esprit Saint qui a marqué les époux dans leur être. L’Esprit Saint “ rend l’homme et la femme capables de s’aimer comme le Christ nous a aimés ” (Ibid. FC FC 13)et de manifester a à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Eglise, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres ” (Gaudium et Spes GS 48).



6. Mais si l’insertion au Christ qu’opèrent le baptême et la participation au mystère pascal sont les éléments constitutifs de la spiritualité conjugale, il ne faut pas oublier les contenus spécifiques qui doivent être sanctifiés dans la fidélité à l’Esprit. Le mariage, qui correspond au dessein de Dieu, s’enracine dans la nature humaine. La structure même de l’être humain comporte une exigence de vérité dans son agir. Promouvoir une spiritualité conjugale chrétienne en ignorant totalement ou en partie les authentiques exigences naturelles, ce serait déformer à la fois la valeur naturelle du mariage et son aspect de sacrement chrétien.

La spiritualité conjugale chrétienne n’est finalement pas autre chose que le développement normal de la vie selon l’Esprit du Christ, du don et des exigences de l’être matrimonial. “ Les devoirs que la famille est appelée par Dieu à remplir dans l’histoire ont leur source dans son être propre et sont l’expression de son développement dynamique et existentiel ” (Ioannis Pauli PP. II, Familiaris Consortio FC 17). Ces mêmes devoirs du mariage, perçus avec plus de clarté à la lumière de la Révélation et vécus dans l’Esprit du Christ, font du mariage chrétien un chemin spécifique de sainteté pour tant et tant de laïcs chrétiens.



7. Aujourd’hui, ceux qui ont pris conscience de cette dimension spirituelle et transcendante de l’union conjugale et familiale sauront manifester dans la société les fruits d’un amour généreux et fécond. Un apostolat entre les familles, de foyer à foyer, entre les époux et les parents chrétiens, est particulièrement opportun. Le bien-être humain et chrétien des personnes et des familles, et même la paix et la prospérité de la société, dépendent en grande partie de cette lumière, de ce ferment que les foyers chrétiens sont appelés à être au sein du monde. Lorsqu’ils donnent le témoignage de la concorde entre leurs membres, de l’unité et de la fidélité dans les relations entre époux, de leur amour inébranlable au milieu des épreuves et des contrariétés, lorsqu’ils font preuve de compréhension et d’ouverture envers les autres, en demeurant eux-mêmes humbles et vigilants, ils sont comme des lumières qui, dans les moments d’obscurité et de doute, éclairent et fortifient d’autres époux et d’autres foyers tentés par le découragement et l’abandon, par l’égoïsme, par l’infidélité, voir par le divorce, et aussi par l’avortement.

Les époux et les foyers chrétiens qui remplissent leur mission construisent l’Eglise, à l’intérieur de leur propre famille, et à l’extérieur, dans la société. Ils la construisent à l’intérieur, quand, fidèles à la dynamique de leur propre communion conjugale, ils consolident et fortifient leur union humaine et spirituelle conformément à la promesse de devenir une seule chair, faite lors de l’alliance nuptiale. Ils la construisent encore lorsque cette communion intime de corps et d’esprit fructifie de manière responsable avec la venue d’enfants auxquels ils transmettent une authentique formation humaine et chrétienne; lorsque l’amour pour le conjoint et pour les enfants reste fidèle malgré la tentation de l’infidélité et de l’abandon; et enfin lorsque, même s’il n’y a apparemment plus guère de raisons humaines pour aimer, on continue cependant à aimer, avec la force du Christ. Ainsi, la société elle-même s’enrichit de toutes ces vertus des familles chrétiennes, dans la mesure où elles soutiennent et défendent l’honnêteté et la fidélité, le pardon et la réconciliation, le don de soi et l’esprit de sacrifice, la convivialité et la paix, le respect et l’esprit de concorde.



8. Il vous faut donc, chers membres du Conseil pontifical pour la Famille, promouvoir une pastorale qui fasse découvrir toutes les richesses que comporte la spiritualité conjugale. “La famille chrétienne... édifie le Royaume de Dieu dans l’histoire à travers les réalités quotidiennes qui concernent et qui caractérisent sa condition de vie: c’est dès lors dans l’amour conjugal et familial - vécu dans sa richesse extraordinaire de valeurs et avec ses exigences de totalité, d’unicité, de fidélité et de fécondité (Pauli VI, Humane Vitae, 9)-, que s’exprime et se réalise la participation de la famille chrétienne à la mission prophétique, sacerdotale et royale de Jésus-Christ et de son Eglise” (Ioannis Pauli PP. II, Familiaris Consortio FC 50).

Je souhaite donc que les réflexions de cette Assemblée plénière stimulent le Conseil pontifical pour la famille, les Commissions pour la famille des Conférences épiscopales, les groupes de spiritualité et les autres mouvements chrétiens qui servent la famille, à promouvoir un intense apostolat touchant le mariage et la famille. Dans la multiplicité des initiatives apostoliques que l’Esprit Saint suscite dans l’Eglise et en fidélité à l’unité de la doctrine, le Seigneur bénira de fruits abondants ces activités.

En gage de ces grâces, je vous bénis de tout coeur, et je bénis vos enfants et ceux qui vous sont chers.



Juin 1987

AU NOUVEL AMBASSADEUR D'ALGÉRIE, S.E. MONSIEUR ABDELMADJID ALAHOUM, PRÈS LE SAINT-SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 4 juin 1987


  Monsieur l’Ambassadeur,

1. Je vous remercie de vos aimables paroles et de la considération qu’elles manifestent pour le Saint-Siège, pour son témoignage et pour son action.

Pour ma part, je salue en Votre Excellence le représentant d’une grande nation, d’une nation jeune, qui va bientôt fêter le vingt-cinquième anniversaire de son indépendance, qui occupe une position particulière dans le monde méditerranéen- et donc en lien étroit avec l’Europe-, tout en étant au coeur du Maghreb et, par lui, partie intégrante du continent africain. Votre pays a tissé un vaste réseau de relations internationales, où son avis et sa collaboration sont recherchés.

Avec le Saint-Siège également, la République algérienne démocratique et populaire a voulu établir des relations diplomatiques. Vous prenez place dans la lignée de ses Ambassadeurs Extraordinaires et Plénipotentiaires auprès du Saint-Siège. Et votre Président, Son Excellence Monsieur Chadli Bendjedid, est venu lui-même nous rendre visite. Je vous saurai gré de bien vouloir lui exprimer ma reconnaissance pour les salutations déférentes qu’il a tenu à me renouveler par votre entremise, et mes voeux les meilleurs pour l’accomplissement de sa très haute charge au service de tout le peuple algérien.



2. Vous avez souligné à plusieurs reprises les idéaux qui tiennent à coeur à votre Gouvernement et qu’il s’efforce de mettre en oeuvre, non seulement en Algérie, mais chez les peuples dont il se sent solidaire. Vous avez mis au premier rang la dignité de vie des hommes et des peuples, dans des conditions normales de liberté, de justice, de sécurité, de paix, de fraternité et de progrès. Vous insistez sur la tolérance, sur le respect réciproque entre les hommes et entre les nations, sur les efforts nécessaires de dialogue, de compréhension, sur le recours aux moyens pacifiques pour apaiser les tensions et régler les différends.



3. Tous ces points sont également chers au Saint-Siège, comme vous l’avez reconnu. Ils sont d’ailleurs familiers au langage de presque tous les peuples et des chefs politiques, parce qu’ils correspondent de plus en plus largement à la conscience des gens, dont la perspective est devenue plus universelle, ou du moins aux voeux de l’humanité. Mais il y a souvent loin du langage à la réalité. En certains pays, ce qui est revendiqué pour soi est refusé pour d’autres peuples, parce que des barrières d’a priori raciaux, d’intérêts économiques ou politiques, de systèmes idéologiques font écran à la reconnaissance de la pleine humanité des autres. Les idéaux généreux dont nous avons parlé, pour être bienfaisants et efficaces, doivent se fonder sur le respect authentique de l’homme, de ce qu’il est en fait et de ce qu’il veut être librement sans porter atteinte à la dignité de l’autre -c’est la tolérance -, mais aussi de ce qu’il est dans son être profond, dans son devoir être, dans sa vocation humaine, avec ses droits et ses devoirs.



4. A nos yeux, ce respect réciproque et fraternel est d’autant mieux assuré qu’il s’enracine dans le respect de Dieu, dans la foi en Dieu qui a créé l’homme, qui en a fait, dans un certain sens, son image et son représentant et qui lui demande obéissance par le biais de la conscience éclairée par ce qu’il a révélé lui-même. Oui, les droits de l’homme sont alors l’expression de la volonté de Dieu et l’exigence de la nature humaine telle que Dieu l’a créée. Nul ne doit utiliser son semblable; nul ne doit exploiter son égal; nul ne doit mépriser son frère. Et Dieu a donné la terre à l’ensemble du genre humain pour que les hommes en tirent leur subsistance dans la solidarité. Le respect et la solidarité déterminent les voies de la justice. La paix est le fruit normal de la justice. Le moyen de promouvoir la paix et de la défendre, celui qui est le plus digne de l’homme, et de Dieu, le moins coûteux aussi pour la vie des hommes et notamment des innocents, est la recherche de la concertation et du dialogue, en bannissant la violence, l’escalade de la violence, et à plus forte raison le terrorisme.

Telle est la conviction, le message de l’Eglise catholique. Elle sait que les croyants musulmans trouvent dans leur authentique tradition religieuse des principes qui fondent et encouragent ces attitudes vraiment humaines.

J’ajoute que Dieu ne veut pas que les hommes restent passifs. Il leur a confié la terre pour qu’ils la maîtrisent et la fassent fructifier ensemble, afin qu’ils exercent leur responsabilité pour leur propre croissance et pour le service des autres. Pour sa part, le peuple algérien, qui comporte un grand nombre de jeunes, n’est-il pas résolu à faire face à son avenir avec un grand courage, en développant toutes les ressources de son sol et de son sous-sol, mais plus encore les possibilités de son imagination, de son esprit, de ses talents, de son travail appliqué?



5. Puissent tous les peuples s’encourager mutuellement dans la recherche de la prospérité voulue et bénie de Dieu! Cette prospérité comprend d’abord l’élimination de la faim, de la malnutrition, des graves menaces pour la santé des populations, et l’Algérie, qui a lutté et lutte pour son développement, est évidemment sensible à ce problème chez les autres. Mais l’homme ne vit pas seulement de pain. Il veut être reconnu avec ses valeurs, son patrimoine, ses aspirations légitimes. Il a soif de dignité. Il a besoin de paix. Il ne pourra en être ainsi qu’en bannissant le mépris et la haine. L’homme doit aussi pouvoir développer les valeurs spirituelles et morales qui donnent le plus haut sens à sa vie sur terre et dans l’au-delà. Il doit pouvoir le faire à l’abri des contraintes extérieures qui ne respecteraient pas la liberté la plus fondamentale qui est en lui, celle de sa conscience.

C’est sur ces chemins exigeants que nous situons la Paix et l’Espoir que vous avez eu la bonté de souligner dans le témoignage du Saint-Siège.



6. Enfin, si le peuple algérien est dans sa très grande majorité musulman, je ne puis oublier les modestes communautés de chrétiens qui vivent en son sein. Ce sont en général des personnes qui ont volontiers assumé la nationalité algérienne ou qui séjournent en Algérie durablement pour leur travail et pour contribuer au développement du pays sous ses divers aspects. Vous-même avez évoqué le loyalisme de ces chrétiens qui n’ont d’autre but que le bonheur et le progrès du peuple algérien. Ils ne doutent pas que, dans le dialogue réciproque des religions, des cultures et des civilisations dont vous avez fait l’éloge, le Gouvernement algérien ne prenne soin d’assurer toujours les conditions de leur participation désintéressée à l’essor de la nation et leurs possibilités de vivre leur foi en privé et en public, de pratiquer leur culte, selon leur conscience. De cela, j’ai eu l’occasion de m’entretenir en octobre dernier avec les Evêques d’Afrique du Nord. Et je sais que vous souhaitez la même confiance et le même respect pour vos compatriotes qui vont travailler dans les pays de tradition chrétienne.

7. En terminant, je forme le voeu que la mission inaugurée aujourd’hui par Votre Excellence auprès du Saint-Siège, non seulement renforce les bonnes relations entre celui-ci et la République algérienne démocratique et populaire, mais contribue à promouvoir des dialogues et des solutions de paix dans le monde, particulièrement là où les drames humains demeurent à vif, là où les injustices sont flagrantes et sources de brimades, là où les différends, voire les conflits, entraînent encore des massacres ou des ruines.

Et je renouvelle de tout coeur les voeux que je forme, dans la prière au Très-Haut, pour le bonheur de tout le peuple algérien.




À L’ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE

Samedi 27 juin 1987


  Monsieur le Président de l’Association des Journalistes
Catholiques de Belgique,

Mesdames et Messieurs,



L’an passé à pareille date, il m’en souvient, j’avais le bonheur de vous accueillir. La ponctualité de votre visite annuelle pour me remettre les fruits de votre collecte, en vue d’aider le Pape dans son vaste ministère de charité, provoque mon admiration toujours aussi vive. Assurément les offrandes des chrétiens peuvent revêtir des formes très diverses et il n’est pas requis qu’elles transitent par le canal du Saint-Siège. Cependant, l’Evêque de Rome et le Siège Apostolique ne doivent-ils pas être, face à tant de misères humaines et religieuses, un exemple permanent de charité évangélique?

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie très chaleureusement de votre magnifique contribution à l’action caritative qui incombe au Successeur de Pierre. Et à travers vous, je félicite de tout coeur les très nombreux lecteurs des journaux catholiques belges d’avoir prélevé sur leur avoir, et peut-être même sur leur nécessaire, la part des “ Etrennes Pontificales 1987 ”, qui prendront sans tarder le chemin des populations les plus misérables et des diocèses démunis, incapables de faire face aux besoins urgents de l’évangélisation.

En vous recevant, je pense que le message de la Révélation sur le partage avec les pauvres n’est pas demeuré lettre morte. A toutes les époques, des apôtres de la charité se sont levés grâce à l’action de l’Esprit Saint et ils ont entraîné quantité de disciples du Christ sur ce même chemin du partage avec les défavorisés. Donateurs souvent demeurés anonymes, mais généreux, selon l’enseignement de Jésus, rapporté par Saint Matthieu et Saint Luc, et qui encourage à donner largement et discrètement. On est toujours ému de l’émotion même de l’Apôtre Paul, qui n’en revenait pas des largesses des communautés chrétiennes de Macédoine pour leurs frères de Jérusalem, alors qu’elles étaient extrêmement pauvres elles-mêmes.

Mon dernier mot est comme un pieux memento pour les générations de responsables et de lecteurs des Journaux catholiques de Belgique, qui ont assuré le succès des “ Etrennes pontificales ” depuis plus de cent ans. Une telle fidélité ne peut s’expliquer sans la présence en eux d’un profond esprit ecclésial, d’une grande sensibilité au devoir de solidarité avec les malheureux. En demandant au Seigneur, source inépuisable de toute charité, d’entretenir et de développer sans cesse ce don divin parmi tous les membres de Votre Association, je vous accorde une large Bénédiction Apostolique, étendue à toutes les personnes et les familles qui ont participé à la très généreuse offrande que vous venez de me remettre.




À LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE

Fête des saints Apôtres Pierre et Paul - Lundi 29 juin 1987


  Eminence et Frères très aimés dans le Christ,
Soyez les bienvenus parmi nous!



La visite annuelle à Rome d’une délégation du Patriarcat oecuménique, envoyée par Sa Sainteté Dimitrios Ier pour la fête des saints Apôtres Pierre et Paul, est toujours une nouvelle joie pour moi et pour toute l’Eglise de Rome. Cette visite suscite des souvenirs et ravive des espérances, et tout cela provient de l’expérience croissante de fraternité entre nos Eglises qui se rattachent aux saints frères Apôtres Pierre et André, leurs célestes protecteurs.

Je vous remercie de tout coeur pour cette nouvelle rencontre et je remercie en particulier le Patriarche Dimitrios Ier et le Saint Synode qui vous ont envoyés en fraternelle délégation de charité, de communion et de prière.

Ce soir, tandis que nous célébrerons ensemble le mémorial de la mort et de la résurrection du Christ Jésus, notre unique et commun Seigneur, ce sera, dans la prière, le moment de notre véritable rencontre. Plus les contacts entre nos Eglises s’intensifient et plus se fait pressant le besoin de participer ensemble à la prière, aussi bien pour rendre gloire au Père qui nous a sauvés par le sang de Jésus-Christ que pour implorer ensemble le don de l’unité dans la pleine fidélité à son Evangile et attendre avec espérance le jour béni où nous pourrons communier ensemble au même calice. La rencontre dans la prière nous remet en mémoire la vie de la première communauté chrétienne décrite par les Actes des Apôtres: “ Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres, et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières ” (Ac 2,42).

Cette image parfaite de la communauté est la perspective vers laquelle tend notre regard. Les relations de fraternité entre nos Eglises et le dialogue théologique en cours ont justement pour but d’aider à réaliser à nouveau, pour notre temps et dans les conditions d’aujourd’hui, cette pleine communion de foi, de célébration et de vie dont a témoigné la communauté chrétienne primitive.

Nous avons tous appris avec grande joie les progrès que réalise la commission mixte pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes.

La discussion fraternelle, loyale et précise est indispensable pour pouvoir clarifier les malentendus, résoudre les divergences et finalement proclamer ensemble la foi commune.

Cette démarche délicate, inspirée par un sens profond de la responsabilité personnelle et collective, mérite l’attention de tous. Elle a besoin d’un soutien sympathique et d’une constante prière afin que l’Esprit Saint illumine, fortifie et dirige cette sincère recherche de la pleine communion.

Les inévitables difficultés objectives ou provenant du contexte culturel, social ou psychologique, ne doivent pas détourner d’une oeuvre qui se veut expression d’obéissance à la volonté de Dieu.

Dans les rôles diversifiés, mais dans le même esprit, tous doivent s’engager pour cette oeuvre: non seulement les pasteurs et les théologiens, mais aussi tout le peuple de Dieu qui désire vivre dans la charité et dans la paix.

Nous nous réjouissons déjà de la visite que fera à Rome Sa Sainteté Dimitrios Ier au cours du prochain mois de décembre. Cette rencontre montrera à tous la volonté commune de rétablir la pleine communion et de rechercher ensemble les voies et les moyens les plus adaptés pour cela. Je me rappelle toujours avec émotion la visite que j’ai faite au Patriarche Dimitrios Ier, au Saint Synode et au Patriarcat oecuménique en 1979 pour la fête de saint André, et le noble et fraternel accueil qui m’a été réservé à cette occasion. Je suis sûr que l’Eglise de Rome recevra avec beaucoup de respect et d’amour le Patriarche oecuménique. Ce sera pour tous une grande joie.

Frères très aimés, je vous ai exprimé les pensées que suscite en moi votre présence en cette fête des saint Apôtres Pierre et Paul, patrons de l’Eglise de Rome.

Aujourd’hui je vous reçois personnellement et avec toute l’Eglise de Rome comme des frères dans la foi avec lesquels nous voulons annoncer ensemble à tous les hommes que le Royaume de Dieu est déjà parmi nous (Lc 17,21), ferment de paix et de réconciliation entre tous. Les Apôtres Pierre et Paul et André, frère de Pierre, nous aideront par leur intercession.



Juillet 1987

À UN GROUPE DE «PUERI CANTORES» DE TROIS RIVIÈRES - QUÉBEC

Samedi 4 juillet 1987




Chers Petits Chanteurs de Trois Rivières,



en regardant vos visages, j’ai bien l’impression que vous êtes heureux d’être tout près du Pape, pour célébrer encore le quarantième anniversaire de la fondation de votre Manécanterie. C’est également pour moi une joie de vous accueillir ici. Je voudrais surtout vous encourager dans votre rôle important, accompli au cours des cérémonies liturgiques.

Avec l’aide éclairée de vos responsables dans la formation au chant d’Eglise, visez sans cesse à la perfection. La qualité de vos exécutions peut et doit vous rapprocher vous-mêmes de Dieu; elle doit aussi faire sentir au peuple chrétien rassemblé pour le culte, la grandeur et les bienfaits des mystères du salut.

Il est certain que votre appartenance à une Manécanterie, votre assiduité aux répétitions, votre participation régulière aux célébrations du culte, demandent de votre part beaucoup de bonne volonté et même certains sacrifices. Mais cette générosité est génératrice pour vous de foi approfondie, d’amour du Seigneur, et donc de joyeuse disponibilité à l’égard de votre entourage habituel. On ne peut en effet célébrer le Seigneur en vérité sans être saisi par sa présence, envahi par sa lumière et par sa charité, par sa paix et sa joie.

Je demande au Seigneur de vous enthousiasmer toujours davantage pour votre service d’Eglise et je vous bénis en son Nom.


Septembre 1987



À UN GROUPE DE PÈLERINS DU SÉNÉGAL LORS DE LEUR PÈLERINAGE EN TERRE SAINTE

Vendredi 4 septembre 1987




Chers Frères et Soeurs du Sénégal,



c'est avec beaucoup de joie que je vous accueille aujourd’hui à l’occasion de votre pèlerinage en Terre Sainte, à Rome et à Lourdes, sous la conduite de Monseigneur Adrien Théodore Sarr, Evêque de Kaolak, que je suis heureux de saluer ici avec vous.

On peut décrire la vie chrétienne comme une marche vers Dieu. Aussi, chaque fois que nous allons en pèlerinage nous manifestons ce que nous sommes: un peuple qui va à la rencontre de son Dieu, bien conscient de n’être que nomade sur cette terre. Oui, le pèlerinage est un geste religieux essentiel.

Vous venez de visiter le pays de Jésus: votre foi en aura été stimulée. Désormais, les passages d’Evangile que vous entendrez à la messe seront pour vous plus évocateurs encore, car vous avez marché sur les pas de Jésus et vous avez prié là même où il a vécu.

Je vous félicite d’être venus à Rome vous recueillir sur les lieux où l’Apôtre Pierre et nos ancêtres dans la foi ont donné le premier témoignage de leur attachement personnel au Christ. A Rome, on aime se ressourcer dans l’amour de la personne du Christ, à l’exemple de Pierre, de Paul et des premiers chrétiens. A Rome aussi, on prend mieux conscience de l’Eglise universelle, dont chaque communauté chrétienne est partie intégrante et dont l’unité est spécialement confiée au Successeur de Pierre, en union avec tous ses frères dans l’épiscopat.

Votre pèlerinage de foi va maintenant se prolonger jusqu’à Lourdes, un haut lieu où Marie continue à guider ses enfants vers le Christ. Au cours de l’Année Mariale, nous voulons plus encore lui confier les projets qui germent dans nos coeurs pour que, comme elle, nous sachions nous mettre résolument à l’école du Christ.

Toutes ces visites aux lieux où de nombreux saints ont vécu vous feront mieux saisir, en définitive, que notre foi chrétienne, loin de demeurer une doctrine abstraite, nous met en relation personnelle avec le Dieu vivant et aussi avec ceux qui ont vécu dans son amitié, la Vierge et les Saints. Dans la foi s’enrichissent aussi nos relations avec nos frères et soeurs de l’Eglise et de la famille humaine.

Fortifiés par ces expériences que vous venez de faire, puisiez-vous, chers Frères et Soeurs, une fois de retour chez vous, développer des relations toujours plus fraternelles les uns avec les autres, dans une estime mutuelle. Avec vos pasteurs, vous continuerez à édifier l’Eglise du Christ dans votre pays, et vous contribuerez à instaurer ou à affermir un climat de paix entre tous vos concitoyens, dans le respect de l’identité religieuse et des conditions de vie culturelle des personnes et des groupes.

De tout coeur, je vous donne ma Bénédiction Apostolique et je bénis tous ceux qui vous sont chers.




Discours 1987 - Mercredi 27 mai 1987