Discours 1987 - Vendredi 4 septembre 1987


AU PÈLERINAGE FRANÇAIS ORGANISÉ À L'OCCASION DE LA 2000ème ÉMISSION «LE JOUR DU SEIGNEUR»

Vendredi 25 septembre 1987




Chers amis,



je suis heureux de vous accueillir dans la maison du successeur de Pierre, au moment où vous allez fêter la deux millième émission télévisée “Le Jour du Seigneur”. Par votre venue à Rome vous marquez votre conviction que la vie chrétienne, reflétée chaque semaine dans vos programmes, ne reste pas enfermée dans des frontières: elle demeure ouverte à la dimension universelle du message du Christ.

Vos émissions s’appellent “ Le Jour du Seigneur ”: quel beau titre! Vous avez un rôle réellement précieux: vous permettez à d’innombrables téléspectateurs de percevoir, par leur écran de télévision, que le dimanche demeure le jour privilégié de la relation à Dieu, de l’attention à sa présence, de la prière. En célébrant le sacrifice eucharistique, vous montrez que le centre de la communion ecclésiale, c’est le don du Christ qui s’unit aux membres de son Corps grâce à l’indispensable rassemblement des baptisés.

Dans ce miroir de la société que constituent les médias, vous êtes des témoins de Dieu parmi nous, de l’Emmanuel. Vous êtes porteurs de la Bonne Nouvelle, non seulement parce que vous la proclamez dans la célébration liturgique, mais aussi parce que vous exprimez les nombreux aspects de la vie chrétienne qu’elle suscite. Votre parole de chrétiens, fidèle à la Parole de Dieu reçue dans l’Eglise, vous devez la dire comme un prolongement vivant et actuel de l’appel de Jésus: “ Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ” (cf. Jn 15,12). Par l’authenticité de la vie des disciples, vous devez appeler vos frères à partager cet amour qui vient de Dieu, la foi en la vérité vitale de l’Evangile, l’espérance du salut de l’homme.

Pour cet anniversaire, j’apprécie votre choix du thème de la paix et votre pèlerinage à Assise. Votre célébration dans la ville de saint François évoquera la Journée mondiale de prière pour la paix, il y a près d’un an; vous rappellerez la dimension fondamentalement spirituelle de la paix: nous la demandons et nous la recevons comme un don de Dieu.

Je remercie Monsieur le Cardinal Roger Etchegaray de vous accompagner ici, avant de présider la Messe à Assise; et je souligne qu’il a la charge de m’aider à manifester au nom de l’Eglise l’amour de la paix et de la justice, l’unité de la charité.

Je voudrais saluer, au-delà de votre groupe, toutes les personnes pour qui Le Jour du Seigneur est un rendez-vous essentiel et qui apportent au Comité français de Radio-Télévision un soutien généreux. Et je dis aux malades, aux personnes âgées, aux isolés qu’en vérité les images de l’écran et les paroles prononcées sont le signe de l’amour vrai de la communauté chrétienne qui désire leur porter toujours mieux le message de l’espérance et de la paix.

A tous ceux qui célèbrent “Le Jour du Seigneur” à la télévision, qui réalisent les programmes et les diffusent, j’exprime la gratitude des téléspectateurs à qui les émissions religieuses apportent le réconfort, l’ouverture d’esprit, le sens de la solidarité chrétienne.

Que Dieu vous bénisse, et que la paix soit avec vous tous!




AU MOUVEMENT INTERNATIONAL DES INTELLECTUELS CATHOLIQUES

Samedi 26 septembre 1987


Monsieur le Cardinal,
Chers Frères et Soeurs,



1. Je suis heureux de vous accueillir ici, vous tous qui participez à la XXVème Assemblée plénière du Mouvement international des intellectuels catholiques, et je vous dis mes cordiales félicitations pour le XLème anniversaire de votre Mouvement, dans le cadre traditionnel de Pax Romana”. Et je remercie Madame Manuela Silva, votre Présidente, des paroles aimables qu’elle vient de m’adresser en votre nom.



2. Votre présence à Rome en cette circonstance témoigne de votre désir de fidélité au Siège de Pierre. Ainsi, vous lui rendez hommage, dans l’esprit de la constitution même de “ Pax Romana ”.

Mais comment ne pas observer que vous êtes réunis à Rome à la veille de l’important événement ecclésial que sera l’Assemblée du Synode des évêques, consacrée au thème de “ la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, vingt ans après le Concile Vatican II ”? Le développement de “ Pax Romana ” a été intimement lié au vaste processus de ce que l’on a appelé la “ promotion des laïcs ”, qui a été approfondi et éclairé par l’ecclésiologie de communion du Concile lui-même.

La constitution et l’évolution de “ Pax Romana ”, et des divers Mouvements qui la composent, ont été, dans la première moitié de notre siècle, un signe, parmi d’autres, de la vigueur croissante de l’apostolat des laïcs, de l’importance des associations apostoliques de fidèles, de leur internationalisation correspondant au développement historique de l’Eglise et des institutions internationales, de la nette affirmation de la dignité chrétienne et de la pleine participation des laïcs à la communion de l’Eglise, à la responsabilité missionnaire. “Pax Romana a fourni d’importantes contributions à ce processus. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait accordé une vive attention au déroulement du Concile Vatican II, auquel plusieurs de ses dirigeants ont participé à titre d’auditeurs laïcs.



3. Mais il est vrai aussi qu’un certain contraste est apparu entre les espérances et les enthousiasmes suscités par le Concile, en ce qui concerne l’apostolat organisé des laïcs, d’une part, et d’autre part, la profonde crise associative, vécue dans l’Eglise dès la fin des années 1960, au cours d’une première phase cruciale, féconde et tumultueuse de l’âpres Concile. Beaucoup d’associations ont vécu difficilement cette situation de transition qui mettait à l’épreuve leurs orientations, leur nature et leur expansion. A présent, nous pouvons nous réjouir du fait que, depuis plusieurs années déjà, après un période d’affaiblissement le MIIC donne des signes de vitalité et de progrès, que vous entendez consolider et faire fructifier à partir de cette Assemblée.

Votre XLème’ anniversaire a lieu au moment même où votre Mouvement s’efforce de promouvoir des échanges et une collaboration toujours plus féconde entre les groupements d’intellectuels et de professionnels catholiques de nombreux pays, ainsi que de développer davantage l’action de vos Secrétariats internationaux d’artistes, de juristes, d’ingénieurs, de scientifiques, notamment. En outre, vous collaborez activement à la Conférence des OIC et aux organismes non gouvernementaux, afin d’offrir une contribution chrétienne à la solution des grands problèmes qui se posent au niveau de la vie internationale.



4. La thématique, particulièrement intéressante, que vous avez choisie pour les échanges dans vos assemblées vous invite à <x répondre aujourd’hui au défi de demain ”. Vous vous proposez d’examiner le drame de la pauvreté et de la faim, et l’abîme créé entre les riches et les pauvres dans notre monde, les nouvelles questions posées par la révolution technologique et par l’urbanisation incontrôlée, le problème démographique avec une forte croissance ou un dangereux déclin selon les régions, la course aux armements et les formes du pouvoir, le déséquilibre écologique, la crise du système politique, financier et économique international, le mépris des droits de l’homme, la liberté religieuse. Je soulignerai seulement, pour ma part, quelques attitudes de fond qui pourront inspirer votre démarche d’intellectuels catholiques en apportant votre contribution à la construction d’un monde plus juste et plus pacifique, plus ouvert à la vérité et à l’amour, plus conforme à la dignité intégrale de l’homme.

Vous formez un mouvement d’intellectuels catholiques: il est clair que le fait d’être catholiques est la substance de vos vies et de vos convictions; vous mettez vos talents, fécondés par des études supérieures et par des formations spécialisées, au service de votre témoignage de chrétiens.



5. Etre disciples du Christ, cela ne se réduit pas à un discours d’ordre intellectuel, encore moins à une idéologie. Il s’agit de la rencontre personnelle avec le Seigneur qui conduit à devenir membre de son Corps. C’est parce que, dans la communion ecclésiale, nous faisons l’expérience de changements dans nos vies, que nous pouvons reconnaître la possibilité de la conversion du coeur humain et d’une évolution positive dans la vie du monde.

Les intellectuels catholiques, dans leurs efforts en vue d’une transformation du monde, ne confondent pas leur espérance avec une exaltation humanitariste du progrès ou avec des messianismes temporels, mais ils la vivent en tant qu’hommes nouveaux, revêtus du Christ, témoins de la puissance de sa Résurrection en acte, qui est le dynamisme déterminant de l’histoire des hommes. C’est grâce à la force de cette rencontre avec le Seigneur qu’est assouvie la soif de vérité, présente au coeur de tout homme crée à l’image et à la ressemblance de Dieu et destiné à Le voir “ face à face ” dans la communion de l’amour.

Le Christ, qui est notre vérité, nous conduit à la vérité tout entière. Dans ce cheminement, nous participons, joyeux et confiants, à la vérité du Christ, en étant fidèles au Magistère de l’Eglise. Cette fidélité n’est certes pas une entrave à notre liberté, mais bien au contraire une impulsion et un éclairage pour affermir notre liberté, pour fonder nos recherches sur une base solide, pour nous engager à favoriser dans l’action concrète le bien des hommes. Je vous invite encore à témoigner d’une adhésion sereine et commune à la vérité qui nous a été révélée par Dieu en Jésus-Christ, qui a été confié à son Eglise, assistée par le Saint-Esprit, qui est enseignée par les successeurs des Apôtres, en communion avec le Siège de Pierre.



6. Dans ce sens, les intellectuels catholiques doivent sans cesse résister aux tentations qui pourraient les guetter. D’une part, la tentation idéologique qui les induirait à soumettre les vérités de la foi à leurs propres catégories intellectuelles et donc à l’emprise des instruments puissants de manipulation culturelle que connaît notre temps. Il faut un ascétisme de l’intelligence, servante de la vérité, vivifiée et fortifiée par son enracinement dans le mystère de communion de l’Eglise.

Le scepticisme est une autre tentation, celle d’abandonner la tension vers la recherche de la vérité. L’intellectuel se résignerait alors à un pragmatisme sans idéal, a une attitude nihiliste et cynique, au fond narcissique



7. Au contraire, vous vous passionnez pour tout ce qui constitue l’aventure humaine, pour tout ce qui exprime le bien, la beauté, la vérité dans la vie des hommes, pour assumer, dans un esprit de solidarité, les besoins concrets et les espérances des peuples, et notamment les plus pauvres. Pour vous guider dans cet engagement solidaire, par lequel vous vous proposez de mettre au service de tous vos ressources intellectuelles et professionnelles, vous possédez une clé fondamentale de discernement. Le Christ, en nous révélant l’amour miséricordieux de Dieu, nous a révélé aussi le vrai visage de l’homme, sa vocation et son destin, les traits qui constituent sa dignité intégrale. Cette anthropologie chrétienne ne nous dispense pas des études et des recherches, des dialogues et des confrontations, mais elle est le fondement de tout service authentique du bien des hommes, et particulièrement le coeur de la doctrine sociale de l’Eglise.

Il ne s’agit pas seulement de proclamer ces principes avec cohérence, mai aussi de les mettre en communication féconde avec les données des cultures et des sciences de notre temps pour proposer des hypothèses d’analyse et des projets de transformation sociale. Les instructions “ Libertatis Nuntius ” et “Libertatis Conscientia” de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi offrent des guides précieux d’orientation à ce sujet. Sur la base des principes de subsidiarité et de solidarité, il est nécessaire de s’engager aussi dans la construction d’un ensemble de réalisations sociales qui répondent aux besoins concrets des hommes et des groupements, en manifestant l’efficacité de la présence chrétienne. Une foi qui ne devient pas activement culture -je l’ai déjà signalé à maintes reprises-est une foi qui n’est pas suffisamment accueillie, ni profondément pensée, ni pleinement vécue.



8. J’encourage donc votre Mouvement - et chacun de ses membres-à être d’audacieux promoteurs de l’inculturation de la foi dans les divers milieux de création et de diffusion de la culture; et, en même temps, à évangéliser toute culture et toute situation humaine, comme le disait mon prédécesseur Paul VI: “... il s’agit... aussi d’atteindre et comme de bouleverser par la force de l’Evangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, le sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en contraste avec la Parole de Dieu et le dessein du salut” (Paul VI, Evangelii Nuntiandi, 19). Le Synode tout proche ne négligera certes pas ces tâches importantes des laïcs et, entre autres, celles des intellectuels catholiques.

Plus que jamais, en cette Année mariale, prenez comme modèle la Très Sainte Vierge Marie, forte de son humble obéissance et de sa confiance dans les desseins de Dieu! A tous, je donne de tout coeur ma Bénédiction Apostolique.




AUX ÉVÊQUES DE L'OCÉAN INDIEN EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Mardi 29 septembre 1987




Chers Frères dans l’épiscopat,



1. Il y a moins d’un an, j’avais la joie de vous rencontrer au cours d’une étape mémorable aux îles Seychelles, lors de mon voyage pastoral en Océanie. Nous avions célébré ensemble l’Eucharistie au stade de Victoria, dans l’atmosphère de ferveur religieuse et d’enthousiasme populaire qui est bien dans la tradition de vos îles joyeuses et accueillantes.

Aujourd’hui, c’est à mon tour de vous recevoir à Rome, à l’occasion de votre visite “ ad limina ”, la première depuis la reconnaissance officielle, en 1985, de la Conférence épiscopale de l’Océan Indien. C’est avec grand plaisir que je vous accueille en cette maison, et je souhaite de tout coeur que votre séjour ici vous apporte le réconfort et les encouragements que vous attendez.



2. Avec vous, je voudrais d’abord remercier Dieu pour cette rencontre fraternelle auprès de la tombe des Apôtres Pierre et Paul. C’est leur foi qui nous réunit; c’est la même foi qui nous anime dans notre ministère. Aussi les échanges que vous avez avec le Successeur de Pierre ou ceux qui l’assistent dans les différents dicastères romains n’ont-ils d’autre but que de vous conforter dans l’exercice de votre charge au service de ceux qui partagent la même foi, dans le sillage des Saints Apôtres.

Nous rendons grâce à Dieu. Frères très chers, pour le don de la foi et pour l’accueil fait à ce don dans vos diocèses. Vous venez de pays, en effet, où les choses de Dieu demeurent familières à des gens dont le cadre de vie est encore relativement à l’écart des structures technologiques envahissantes de notre civilisation occidentale, bien que-dans vos rapports quinquennaux-il soit fait mention d’une certaine modernité qui vous assaille vous aussi. Mais on peut dire que parmi vos populations, la dimension religieuse de l’être humain est généralement reconnue et qu’il en est tenu compte dans l’épanouissement de la personne: il y a là une prédisposition à l’Evangile qu’on ne trouve pas également partout.

Nous rendons grâce à Dieu, enfin, pour la communion ecclésiale qui se développe entre vous et qui permet à la jeune Conférence épiscopale de l’Océan Indien de progresser pour, à l’avenir, apporter plus encore sa contribution originale à l’Eglise universelle. En effet, malgré les situations diverses de vos diocèses respectifs et malgré une tendance naturelle à l’isolement, bien compréhensible pour des îles, vous avez réussi à tisser des liens entre vous par des rencontres régulières et le partage de vos préoccupations apostoliques. Il s’en est suivi une collaboration plus développée entre les différents diocèses, une ouverture plus large des communautés les unes aux autres et un encouragement plus marqué pour les agents pastoraux à oeuvrer en commun.
De tout cela, nous rendons grâce à Dieu.



3. Certes, le Message du Salut, vous l’annoncez dans un environnement qui varie d’un territoire à l’autre de la Conférence épiscopale. Dans l’archipel des Comores, qui se présente comme une sorte d’avant-poste missionnaire, l’annonce de l’Evangile rencontre un milieu fortement islamisé. Aux îles Seychelles, que j’ai visitées l’an dernier, l’Eglise doit se soucier d’avoir toujours la possibilité de répondre aux interrogations des jeunes et de leur proposer le message chrétien dans le respect de leur conscience. A Maurice, le catholicisme, en situation minoritaire, cherche à garder tout son dynamisme pour continuer à être présent aux réalités contemporaines et à favoriser le facteur humain dans le développement économique du pays. En l’île de La Réunion, la Bonne Nouvelle doit faire face à un matérialisme pratique grandissant; à cet effet, l’Eglise cherche à valoriser toujours davantage la perspective éthique pour encourager les chrétiens à maîtriser humainement tant leur vie personnelle que leur vie en société.



4. A lire vos rapports, il apparaît que deux domaines retiennent principalement votre attention: la famille et le laïcat.

A votre Assemblée de mai dernier, la famille faisait l’objet, avec le thème de la présence évangélisatrice des laïcs dans le monde, de vos réflexions prioritaires. Constatant une certaine désintégration du tissu familial, vous estimiez qu’il était urgent d’élaborer une pastorale des couples: je suis heureux que, dans l’esprit de Familiaris Consortio, une authentique pastorale de la famille soit en cours ou sur le point de voir le jour.

L’Eglise, nous le disons souvent, commence avec cette “ Eglise domestique s qu’est la famille chrétienne. Premier lieu du don de la vie et de la formation à la vie, la famille chrétienne est aussi le milieu où se fait entendre l’appel à la mission, soit comme laïc engagé, soit comme personne consacrée dans la vie religieuse, soit comme prêtre.

En outre-et les missionnaires arrivés les premiers sur le terrain le savent bien-on peut dire qu’un minimum d’expérience familiale est requis pour une compréhension du christianisme: le langage de la Révélation fait souvent appel aux termes et aux réalités de la famille au point qu’une méconnaissance des valeurs de la vie familiale rendrait plus malaisée la présentation du message de la foi.

Avec le thème de la famille, celui de la formation et du rôle des laïcs a fait l’objet de la plus grande partie de vos réflexions au cours de ces dernières années. Il est opportun d’en dire un mot à la veille du Synode des Evêques qui approfondira cette question.

La formation d’un laïcat capable de rendre compte de sa foi chrétienne et capable aussi de remplir son rôle de levain dans la pâte en s’insérant dans les structures socio-professionnelles du pays, est assurément une tâche qui requiert tous vos soins.

Vous manifestez le souci de construire l’Eglise selon l’esprit de Vatican II. Cela ne sera pas possible sans la coopération de tous les membres du Corps du Christ. De même que tout membre a besoin du Corps, le Corps a également besoin de tous ses membres. Permettre aux laïcs chrétiens d’approfondir leur foi et de traduire dans leurs actes les grandes intuitions et les élans du Concile Vatican II, voilà l’oeuvre qui vous attend. La formation permanente des laïcs exige un effort catéchistique de toute l’Eglise, tendant, entre autres choses, à réduire toujours davantage la séparation entre la foi et la vie-une dichotomie que vous déplorez vous-mêmes parmi les baptisés.

Loin de restreindre leur engagement aux services proprement ecclésiaux, les laïcs, instruits comme il convient de la doctrine sociale de l’Eglise, doivent se sentir appelés à construire un monde plus adapté à la dignité humaine de chaque individu, à être d’authentiques éléments de progrès civique et moral dans la société à laquelle ils appartiennent, à promouvoir le développement économique tout en disant non à l’esclavage du matérialisme. En résumé, les laïcs, vous le savez, doivent s’efforcer de favoriser la promotion intégrale de l’homme et son insertion active dans la société.



5. En continuant la structuration de vos communautés chrétiennes, il vous sera plus facile d’entraîner les fidèles à prendre leurs responsabilités. A cause du pluralisme religieux, on devra d’autant plus approfondir l’identité chrétienne que l’on est appelé à dialoguer et à collaborer avec ceux qui ne partagent pas la même foi. Le Concile Vatican II a tracé les voies d’un oecuménisme authentique et du dialogue interreligieux, respectueux à la fois de la recherche de la pleine vérité et des personnes qui professent leur foi.

Enfin, une pastorale adaptée est sans doute à envisager pour les touristes qu’attirent la beauté et le climat de vos îles.



6. Quant aux jeunes, qui forment une portion si importante de la population de vos diocèses et qui sont l’espoir de l’Eglise et du monde, ne manquez pas de leur présenter l’Evangile du Christ dans tout son dynamisme exigeant et de leur dire que le Seigneur appelle toujours à son service. Vous êtes bien conscients du besoin de futurs pasteurs sans pour autant renoncer à la nécessaire sélection des candidats au départ, veillant aux motivations, aux capacités, aux possibilités morales et spirituelles de ceux qui voudraient s’engager dans l’état ecclésiastique.



7. En terminant, je voudrais vous demander de transmettre mes salutations cordiales et mes encouragements aux prêtres de vos diocèses respectifs, aux plus âgés, qui souhaitent la relève et grâce à qui l’Eglise a pu grandir, et aux plus jeunes, qui ont besoin du soutien, de la compréhension affectueuse et de la prière de leurs communautés paroissiales.

Aux religieux et religieuses qui cherchent à présenter au monde l’idéal épanouissant de la “ sequela Christi ” en gardant toute leur liberté vis-à-vis des biens terrestres, j’adresse également mes salutations cordiales et mes voeux de progrès dans la recherche des biens du Royaume. Je les encourage aussi à faire progresser encore cette communion ecclésiale entre les diocèses, rendue plus perceptible par leur présence dans l’oeuvre d’évangélisation.

De tout coeur, je vous bénis, vous et tous les fidèles de vos diocèses.



Octobre 1987

AUX PÈLERINS FRANÇAIS

Salle Paul VI, Lundi 5 octobre 1987


Je m'adresse maintenant aux heureux pèlerins de la Béatification de Marcel Callo. Je tiens d’abord à évoquer avec gratitude l’oeuvre du cardinal Paul Gouyon, qui a résolument fait avancer la Cause du jociste rennais, avec le concours efficace du Postulateur, le Père Marcel Martin. Je salue fraternellement le successeur du cardinal, Mgr Jacques Jullien. L’événement d’hier demeurera une grâce pour son ministère épiscopal. Mes salutations vont encore aux Evêques, aux prêtres, aux religieux, aux délégués de la JOC et du Scoutisme, à tous les pèlerins de Bretagne, de France, d’Allemagne et d’Autriche, tous très attachés à la glorification du martyr de la foi de Mauthausen.

Avec émotion, je me tourne vers la famille du Bienheureux. Comme je suis heureux de bénir la mémoire de ses parents, Jean-Marie Callo et Félicité Fanène, qui accueillirent neuf enfants à leur foyer profondément chrétien! Quel hymne à la vie dans cette famille marquée et sanctifiée par la croix! La perte de leur quatrième enfant, âgée de quelques mois; la mort tragique de Marie Madeleine: dans sa vingtième année sous les bombardements du 8 mars 1943; quelques jours plus tard, le départ de Marcel pour le Service du Travail Obligatoire en Allemagne. Frères et soeurs, neveux et autres parents du Bienheureux, que votre vie demeure à jamais irradiée et comme soulevée par la journée du 4 octobre 1987! J’adresse un salut particulier à l’aîné de la famille Callo, Jean, dont le ministère sacerdotal a tant bénéficié de l’invisible soutien de son frère cadet.

A présent, en quelques mots, je lance à tous un appel ardent à vous laisser pénétrer de la spiritualité paulinienne et mariale qui transforma la vie de Marcel. Oui, la mystique de saint Paul l’envahit: “ Si je vis, ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi ”. Voilà l’explication profonde de son rayonnement hors du commun, à Rennes et en Allemagne. Aujourd’hui, la Bretagne, la France, l’Europe ont un besoin urgent d’évangélisateurs de la trempe jociste rennais.

Enfin, consolidez vos liens personnels et communautaires avec la Mère de Dieu. Toute sa vie, Marcel Callo a été comme l’enfant de Notre-Dame de Bonne Nouvelle, dont la sainte image, couronnée en 1908, vénérée à Rennes depuis le XVe siècle, est toujours priée dans l’actuelle Basilique Saint-Aubin. Marcel n’avait pas étudié la théologie mariale, mais l’éducation reçue de sa mère et de sa paroisse l’a conduit vers l’authentique piété mariale de l’Eglise catholique. Il a accordé à la Vierge une place unique, jusqu’à ses derniers moments. La maternité divine de Marie, et sa participation à la naissance et à la croissance de l’Eglise, n’étaient pas pour lui des mots. C’est vraiment par Elle et avec Elle, qu’il a répandu la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Puisse son exemple remarquable, en cette Année mariale, contribuer au réveil dans vos diocèses de la vraie piété à l’égard de la Vierge, la piété qui attache solidement les croyants à la personne du Christ et les pousse à prendre au sérieux les tâches multiples de l’évangélisation contemporaine!

Une fois encore, je vous bénis tous au nom du Seigneur et je vous assure de ma paternelle affection.




AUX DÉLÉGUÉS DE L'UNION MELKITE CATHOLIQUE INTERNATIONALE

Samedi, 10 octobre 1987




Je suis heureux d’accueillir ce matin mon cher frère, Sa Béatitude Maximos Hakim, Patriarche grec-melkite catholique d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem, et, avec lui, un groupe de représentants distingués des communautés melkites catholiques dispersées dans de nombreux pays du monde.

Vous représentez l’“ Union melkite catholique internationale ”, organisme que vous avez voulu constituer, avec votre Patriarche et vos Evêques, pour maintenir vivant l’héritage melkite, pour favoriser l’unité et la solidarité entre les fidèles dispersés dans le monde et l’Eglise-Mère.

Le phénomène de l’émigration - trop souvent cause de souffrances et de sacrifices - a eu comme conséquences, au long des années, la dispersion toujours plus grande de votre Eglise en beaucoup de pays et, pour d’innombrables familles, l’éloignement de cette région du Moyen-Orient où votre Eglise est née, où elle garde vivantes ses traditions riches et profondes.

En s’intégrant pleinement dans la société des divers pays qui les accueillent, les Melkites catholiques peuvent maintenir la vitalité et la richesse de leurs traditions liturgiques et spirituelles et un attachement ininterrompu à la région de leurs origines.

C’est dans cette région que leurs familles ont leurs racines et, surtout, que se trouvent les sièges antiques des Apôtres, à Alexandrie, à Antioche et à Jérusalem, auxquels remonte l’Eglise melkite. L’Eglise-Mère, en même temps qu’elle témoigne d’une histoire très riche, y est vivante et active. Elle fait partie des Eglises orientales à l’égard desquelles le Concile Vatican II a particulièrement exprimé son estime, sa louange et sa sollicitude.

Vous savez à quel point toute cette région demeure constamment présente à mon esprit et chère à mon coeur. Elle a été le berceau du christianisme; elle est source d’inquiétude parce que vivent là des frères dans la foi, des frères en humanité, qui souffrent et qui regardent vers l’avenir dans la crainte et l’angoisse, particulièrement au Liban. C’est une angoisse que partagent évidemment les chrétiens orientaux de la diaspora.

Les grecs-melkites catholiques peuvent être partout, mais surtout au Moyen-Orient, des artisans de dialogue, de compréhension et de paix. Membres de l’Eglise universelle et riches de l’histoire de leur Eglise particulière, ils peuvent être les promoteurs d’une action commune, avec ceux qui appartiennent aux autres Eglises particulières d’Orient et d’Occident. Le Concile Vatican II a dit expressément que la diversité des traditions, loin de nuire à l’unité de l’Eglise, la met au contraire en valeur.

Tandis qu’ici, à Rome, les Evêques venus du monde entier réfléchissent sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, je voudrais m’adresser particulièrement à vous, et, par vous, à tous les laïcs de l’Eglise melkite, pour vous encourager à réfléchir sur votre dignité de membres du Peuple de Dieu et sur les devoirs qu’elle entraîne afin d’être des témoins authentiques de l’Evangile, dans le monde entier et surtout dans la région du Moyen-Orient. Ce n’est pas une tâche facile, mais le soutien de la grâce du Seigneur la rend possible.

Je prie Dieu miséricordieux de bénir vos efforts et, avec vous, je confie à la Vierge Marie les aspirations qui vous tiennent le plus à coeur en union avec votre Eglise.

De tout coeur je vous donne ma Bénédiction Apostolique, à vous qui êtes ici, à vos familles, aux communautés melkites auxquelles vous appartenez et à tous les fidèles de l’Eglise grecque-melkite catholique.



AUX FIDÈLES JAPONAIS, FRANÇAIS, ESPAGNOLS ET ITALIENS RASSEMBLÉS À ROME POUR LA CANONISATION DES 16 MARTYRS DE NAGASAKI

Salle Paul VI, Lundi 19 octobre 1987




… Je voudrais saluer très cordialement le groupe des pèlerins français venus honorer saint Guillaume Courtet. Votre présence, avec Monseigneur Louis Boffet, évêque de Montpellier, et avec le Père Etienne Salvetti, Provincial des Dominicains de Toulouse témoigne de votre fidélité à votre illustre compatriote. De fait sa mémoire est demeurée vivante au cours de ces derniers siècles à Sérignan où il est né, à Béziers, à Toulouse, à Saint-Maximin, en d’autres villes encore. On se souvient que le Père Lacordaire l’invoquait lui même avec confiance.

Vous pouvez être heureux de voir exaltée devant toute l’Eglise la figure de ce religieux languedocien. Entré dans la Congrégation dominicaine réformée d’Occitanie, d’emblée Guillaume Courtet eut le désir de partir en mission. L’exemple des Jésuites martyrisés au Japon l’avait marqué. C’est donc tout naturellement qu’après des années d’études, de vie religieuse et d’enseignement théologique, il accepte avec enthousiasme de rejoindre la Province du Saint-Rosaire à Manille.

A son départ, il écrit à l’un de ses Frères dominicains: “ Je me ferai toujours une gloire... d’être bafoué, méprisé, calomnié, voire même crucifié... pour la vérité, à l’exemple de Jésus Christ... Priez Dieu qu’il lui plaise de me rendre digne de ce grand bien ” (Guillaume Courtet, Lettre au Fr. Adriani, die 30 aug. 1628). Pénétré d’une spiritualité centrée sur la Croix du Rédempteur, il aborde le Japon neuf ans plus tard. Certes, il désire y prêcher l’Evangile et ne cherche pas la mort. Mais sa prédication, en fait, ce sera “imiter le Fils de Dieu et les saints en vérité”, selon ses propres paroles. Le don qu’il fait, c’est sa constance au cours d’une année de prison et de torture, c’est sa fidélité au Christ jusqu’à l’heure où tout est consommé.

Saint Guillaume Courtet rejoint la cohorte des saints de France et des saints dominicains. Puisse-t-il vous inspirer et vous soutenir de son intercession, vous ses Frères de l’Ordre, et vous ses compatriotes, dans la poursuite de l’élan missionnaire qui a tant marqué votre histoire, dans le courage du témoignage évangélique autour de vous chaque jour! Qu’il aide aujourd’hui à susciter des vocations! Que sa sainteté soit pour vous tous un signe d’espérance!

Et que Dieu vous bénisse!



Novembre 1987

AUX ÉVÊQUES DU SÉNÉGAL EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Mardi, 3 novembre 1987


Discours 1987 - Vendredi 4 septembre 1987