Discours 1988 - Samedi, 5 mars 1988


AUX ÉVÊQUES DU BÉNIN EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Lundi, 7 mars 1988

Chers Frères dans l’épiscopat,



1. C’est avec beaucoup de joie que je vous accueille en ces lieux à l’occasion de votre visite «ad limina», et je remercie vivement Monseigneur Christophe Adimou, Archevêque de Cotonou et Président de la Conférence épiscopale du Bénin, de l’adresse très aimable qu’il vient de me présenter en votre nom.

La rencontre d’aujourd’hui est motivée par un souci pastoral qui nous est commun, puisque le soin d’annoncer l’Evangile sur toute la terre revient à l’ensemble du corps des pasteurs. Pour reprendre les termes du Concile Vatican II, les évêques «doivent accepter d’entrer en communauté d’effort entre eux et avec le successeur de Pierre à qui a été confiée, à titre singulier, la charge considérable de propager le nom chrétien»[1].

Où en est donc au Bénin cette propagation du nom chrétien? Où en est dans votre pays l’annonce de l’Evangile? C’est ce bilan quinquennal que vous êtes venus faire à Rome, et je souhaite de tout coeur que votre pèlerinage au tombeau des saints Apôtres, les rencontres que vous faites, les échanges avec les membres des différents dicastères vous apportent un regain d’enthousiasme dans le service exigeant du Peuple de Dieu.



2. Après les efforts des pionniers de l’Evangile et de leurs successeurs, l’Eglise, dans votre pays, a grandi à partir des Béninois eux-mêmes. Elle a ses prêtres, ses évêques et un cardinal. Les vocations sacerdotales sont en augmentation, témoignant de la vitalité des communautés chrétiennes. L’Eglise a recruté dans son sein des laïcs engagés qui acceptent d’être catéchistes de leurs frères. Elle a des religieux et des religieuses; la vie contemplative y est même représentée par des monastères d’hommes et de femmes, donnant ainsi à l’ensemble de l’Eglise locale sa dimension adulte.

Votre souci de la charité fraternelle, signe distinctif des disciples du Christ, continue à se manifester dans les oeuvres sociales et sanitaires. Vous avez à coeur la promotion de la femme. Vous désirez contribuer toujours davantage à la prospérité de votre pays, dans la justice, la paix et l’inculturation progressive des valeurs évangéliques.

De tous ces fruits d’une première évangélisation, nous rendons grâce à Dieu et aussi aux hommes et aux femmes qui en ont été les instruments dans le passé. Dans ce même esprit d’action de grâce, je vous confie le soin de remercier les personnes qui, aujourd’hui, ont pris la suite de l’oeuvre missionnaire: les prêtres et ceux qui les assistent, les religieux et les religieuses, ainsi que les catéchistes. Je vous demande aussi d’exprimer aux moines et aux moniales la gratitude de l’Eglise pour l’exemple qu’ils donnent d’une recherche assidue de Dieu et de son Royaume. En transmettant ainsi à tous les saluts affectueux du Pape, vous leur direz son estime pour leur travail et ses encouragements à poursuivre en profondeur l’évangélisation, qui n’est jamais achevée, si grand est le message à découvrir et si radical est le changement de regard que Dieu attend de nous.



3. Pour continuer à être évangélisatrice, pour garder son dynamisme et sa crédibilité, l’Eglise a un constant besoin de s’évangéliser elle-même. Un des signes encourageants de l’action vivifiante de l’Esprit de Dieu aujourd’hui est précisément ce souci d’approfondissement de la foi que l’on remarque chez beaucoup d’agents pastoraux, les laïcs en particulier.

Le dernier Synode des évêques, l’an passé, dans son message au Peuple de Dieu, relevait ce besoin de formation ressenti par ceux et celles qui veulent s’engager plus activement au service de la communauté ecclésiale et déclarait: «La formation intégrale de tous les fidèles, laïcs, religieux et clercs, doit être aujourd’hui une priorité pastorale» [2].

Je vous invite, chers Frères, à répondre de votre mieux à ce voeu des Pères du Synode, en encourageant les fidèles à écouter et à méditer la Parole de Dieu, reçue dans la Tradition de l’Eglise et interprétée par le Magistère, en leur permettant aussi de participer d’une manière toujours plus fructueuse aux sacrements.



4. Il me faut dire un mot maintenant de l’oeuvre considérable de vos frères prêtres, diocésains et religieux, dans le domaine de l’évangélisation de votre pays.

Le peuple chrétien au Bénin est attaché à ses pasteurs et compte beaucoup sur eux. Puissent les prêtres continuer à enseigner la Parole de Dieu avec clarté, avec une foi ardente et dans un engagement personnel. Ils ont une responsabilité unique pour proclamer la miséricorde de Dieu, pour montrer aux hommes la tendresse du Christ par leur compassion pastorale. En tant que ministres des sacrements, de l’Eucharistie et de la réconciliation surtout, ils les mettent en contact avec notre Seigneur Jésus-Christ, riche en miséricorde. Il est opportun, en ce temps du carême, de rappeler l’invitation à se laisser réconcilier avec Dieu par l’intermédiaire du prêtre.

Tout en me réjouissant de l’augmentation du nombre des vocations, j’émets le voeu que vous gardiez toujours le souci de la qualité de la formation au sacerdoce. Que les séminaristes aient en estime l’intimité avec le Christ, centrée sur l’Eucharistie et nourrie dans la prière et la méditation de la Parole de Dieu, ainsi que le recommandait le Concile Vatican II: «La formation spirituelle doit avoir un lien étroit avec la formation doctrinale et pastorale et, avec l’aide principalement du directeur spirituel, elle doit être donnée de telle façon que les séminaristes apprennent à vivre continuellement dans la familiarité du Père, par son Fils Jésus-Christ, dans l’Esprit Saint» [3].

Une des urgences dont bon nombre d’Eglises prennent conscience, c’est celle d’avoir des éducateurs bien préparés à leur mission de formation des séminaristes. Le concours de religieux et de prêtres étrangers, d’instituts spécialisés, demeure très précieux pour une formation de qualité, unifiée dans la foi, enracinée dans la Tradition de l’Eglise et intégrant les valeurs de la culture locale, atteignant ainsi toutes les zones de la personnalité, l’affectivité comme l’intelligence, et préparant de vrais pasteurs et apôtres de Jésus-Christ.

Quant aux prêtres béninois, à qui il a été demandé d’aller se perfectionner intellectuellement, ils devraient, une fois leurs études terminées, pouvoir trouver eux aussi leur place dans cet important service de la formation des candidats au sacerdoce.



5. Dans votre pays, l’Eglise catholique entretient, en général, de bons rapports avec les groupes religieux non catholiques, et je souhaite que vos relations avec les frères et les soeurs ne partageant pas la même foi conduisent à une entente toujours plus constructive, pour la gloire de Dieu et le bien des croyants.

Je saisis l’occasion pour réaffirmer le profond respect de l’Eglise catholique envers les religions non chrétiennes, en particulier celles qui «portent l’écho de millénaires de recherche de Dieu, recherche incomplète mais réalisée souvent avec sincérité et droiture de coeur», ainsi que l’écrivait mon prédécesseur le Pape Paul VI [4].

En outre, comme le plan du salut embrasse tous les hommes, il existe entre chrétiens et non-chrétiens une base d’échanges fraternels et pacifiques. Laissez-moi vous encourager à poursuivre à la fois le dialogue et la proclamation de l’Evangile. Comme je le disais, le 28 avril 1987, aux membres du Secrétariat pour les Non-chrétiens: «Il ne peut être question de choisir l’un et d’ignorer ou de refuser l’autre. Même dans des situations où se révèle difficile la proclamation de notre foi, nous devons avoir le courage de parler de Dieu qui est le fondement de cette foi, la raison de notre espérance, la source de notre amour».



6. S’il est un domaine où l’Evangile a des difficultés à pénétrer avec toutes ses exigences, c’est bien celui de la famille, et vous êtes conscients du long chemin à parcourir pour édifier solidement la structure familiale, en conformité avec la dignité de l’homme et de la femme, selon le plan de Dieu. Néanmoins, c’est le devoir de l’Eglise de continuer à oeuvrer en vue de l’édification progressive du mariage chrétien, où les époux se donnent l’un à l’autre avec un amour absolu et donc unique et exclusif.

Lieu privilégié de la vie, la famille est aussi le lieu où se fait entendre le premier appel à la mission. Aussi, ne nous lassons pas d’encourager les parents à développer le sens chrétien de la famille: à travers eux et dans l’ambiance d’une famille aimante naissent chez les enfants les appels à la mission, soit comme laïcs engagés, soit comme personnes consacrées à Dieu dans la vie religieuse, soit comme prêtres au service du Peuple de Dieu.



7. En terminant, chers Frères, je saisis l’occasion de cette rencontre pour exprimer mon affection au peuple béninois et ma solidarité avec lui dans sa marche continue vers le progrès. Je renouvelle mon invitation à tous les catholiques à participer activement au développement authentique de leur pays en mettant en pratique la doctrine sociale de l’Eglise. Ainsi que je l’ai relevé dans ma récente encyclique à l’occasion du vingtième anniversaire de «Populorum Progressio»: «L’enseignement et la diffusion de la doctrine sociale font partie de la mission d’évangélisation de l’Eglise» [5].

Je forme des voeux pour que les réflexions que je viens de vous soumettre vous renouvellent dans la foi, vous affermissent dans l’espérance et renforcent en vous l’amour de Dieu et du prochain.

En l’Année mariale, je vous recommande à la sollicitude maternelle de Notre-Dame, et je vous donne ma Bénédiction Apostolique, à vous, à vos prêtres, aux religieux, aux religieuses et à tous les fidèles du Bénin.


[1] Lumen Gentium, LG 23.
[2] Synodi Episcoporum 1987 Nuntius ad Populum Dei, 12.
[3] Optatam Totius, OT 8.
[4] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, EN 53.
[5] Ioannis Pauli PP. II Sollicitudo Rei Socialis, SRS 41.



AUX ÉVÊQUES DU CONGO EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Mardi, 22 mars 1988

Chers Frères dans l’épiscopat,



1. Laissez-moi vous dire la joie que j’éprouve à vous accueillir aujourd’hui, lors de votre visite «ad limina», la première depuis les célébrations du centenaire de l’évangélisation de votre pays et le grand appel au renouveau spirituel qu’à cette occasion vous avez lancé à votre jeune Eglise.

Je remercie vivement Monseigneur Barthélemy Batantu, Archevêque de Brazzaville et Président de la Conférence épiscopale du Congo, de s’être fait très aimablement votre porte-parole.

Notre rencontre est une illustration des liens d’unité et d’affection qui existent entre nous. Elle est aussi le témoignage de l’attachement et de la fidélité de vos communautés diocésaines à celui qui préside à la communion entre les Eglises. Avec vous, chers Frères, je rends grâce à Dieu pour la vitalité de nos liens dans la charité chrétienne.

Je souhaite que votre pèlerinage aux tombes des saints Apôtres Pierre et Paul, vos divers entretiens avec les dicastères de la Curie romaine, ainsi que vos échanges fraternels dans la prière et le dialogue renouvellent votre zèle pastoral pour un service encore plus enthousiaste et plus qualifié de ce Peuple de Dieu que vous aimez de tout votre coeur d’évêques.



2. Permettez-moi maintenant de vous soumettre quelques réflexions, que je voudrais stimulantes pour votre travail apostolique, en vue de l’avènement toujours plus réel du Royaume de Dieu là où le Seigneur vous a envoyés en mission.

Comme dans toute l’Afrique centrale, l’Eglise, dans votre pays, est une grande réalité populaire. Elle peut à juste titre être considérée comme une composante essentielle du peuple congolais lui-même, de cette jeune nation qui s’édifie dans le contexte de l’Afrique moderne et qui prend sa place dans la communauté internationale.

D’où le rôle qui vous incombe de développer chez les fidèles le sens de la responsabilité et du service, en les invitant à dépasser les particularismes locaux, en les ouvrant aux entreprises communes et en stimulant toujours davantage leur volonté de prendre part à l’édification d’une nation unie et dynamique.

Cette prise de conscience de votre existence comme Peuple de Dieu au sein de votre pays doit vous guider et vous inspirer aussi bien dans les relations que vous entretenez avec l’Etat que dans le choix des initiatives sociales que vous serez amenés à prendre en conformité avec votre mission spirituelle.

Ayez à coeur de dispenser largement l’enseignement de l’Eglise en matière sociale pour bâtir des communautés ecclésiales en mesure d’enfouir le levain de l’Evangile dans les profondeurs de votre culture. Ainsi que je le rappelais dans ma récente encyclique, la diffusion de la doctrine sociale de l’Eglise fait partie de notre mission évangélisatrice [1].



3. «Il faut redonner toute sa place à la famille dans la pastorale»: tel était le constat formulé déjà en 1980 par les évêques du Congo, de Centrafrique et du Tchad, à l’issue d’une réunion, à Bangui, sur le thème: «Les fonctions de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui».

Il me semble, en effet, que les réalités familiales sont un objet privilégié de votre action pastorale. Dans votre pays, l’Eglise a une responsabilité réelle dans la promotion de la vie conjugale et des structures familiales, essentielles pour l’avenir de la communauté chrétienne et celui de la nation. Soyez bien convaincus que tout ce que vous aurez semé dans la terre profonde des réalités familiales portera des fruits de justice, de bonheur et de prospérité pour votre nation tout entière, sans parler des vocations sacerdotales et religieuses qui pourront éclore.



4. Un autre point qui devrait mobiliser votre zèle pastoral, c’est, me semble-t-il, la formation d’authentiques élites paysannes.

Suivant les paroles mêmes du Livre de la Genèse, Dieu a donné la terre à l’homme pour que celui-ci la domine, et réalise ainsi sa vocation propre qui est de coopérer par son travail au grand projet divin de la création, toujours en voie d’achèvement.

L’Eglise, en transmettant son message, peut jouer un rôle de premier plan dans le développement rural, qui est une condition essentielle du progrès économique et social des peuples d’Afrique. Elle peut apporter son concours à la renaissance des campagnes: par ses communautés de villages, par le dynamisme propre de l’animation spirituelle dont elle a la charge et enfin par les initiatives qu’elle peut prendre dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la culture.

Le monde agricole, qui offre à la société les biens nécessaires à son alimentation quotidienne, a une importance fondamentale. Et redonner à l’agriculture sa juste valeur comme base d’une saine économie, c’est apporter une contribution positive aux projets de développement du pays.



5. Je voudrais dire un mot maintenant de ce que j’appellerais volontiers une option ecclésiale en faveur de la jeunesse.

On nous rapporte que sur tout le continent africain des jeunes se tournent en grand nombre aujourd’hui vers l’Eglise, dans l’espoir qu’elle leur ouvre les chemins de l’avenir.

Quels que soient les moyens et les libertés dont vous disposez dans votre pays, l’accueil et l’éducation de la jeunesse constituent pour vous une urgence pastorale. En effet, face à la crise qui atteint de plus en plus les générations montantes dans leurs espérances légitimes, il serait grave que l’Eglise demeure sans voix et sans initiatives à l’égard de la jeunesse des campagnes, des ateliers et des écoles, de celle que frappe le chômage dans les grandes villes, de celle qui tombe dans la misère ou même la délinquance.

Dans ce domaine, vos efforts tendront à faire reculer sans cesse les frontières du possible. Que votre action en faveur de la jeunesse s’appuie résolument sur les réalités de votre Eglise, sur ses structures de base, sur les familles chrétiennes, les paroisses et les communautés de quartier et de village, les mouvements et les fraternités d’adultes et de jeunes!

En outre, je vous recommande de mobiliser les Instituts religieux, à l’oeuvre dans vos diocèses, pour le service des jeunes. En pleine croissance, ils sauront, en conformité avec leurs charismes propres et forts d’une longue expérience, se renouveler au contact des réalités culturelles et sociales de l’Afrique pour répondre d’une manière toujours plus appropriée aux besoins d’une jeunesse en recherche de valeurs spirituelles sur lesquelles bâtir un avenir solide.



6. Votre visite «ad limina», qui ravive votre relation à l’Eglise universelle, pourrait être une excellente occasion pour réfléchir aussi sur la manière de développer les liens unissant vos Eglises les unes aux autres.

A mesure que grandit l’esprit collégial, engagez-vous résolument dans une entraide et une collaboration plus actives. Donnez-vous les moyens de vivre en réalité la communion que vos Eglises doivent avoir entre elles, et attachez-vous à multiplier les moyens de mettre vos communautés ecclésiales en communication les unes avec les autres.

Le développement des moyens de communication sociale à l’échelle de votre région doit jouer dans ce domaine un rôle essentiel. Ne négligez aucun effort pour doter vos Eglises de ces moyens d’information, de formation et de connaissance mutuelle devenus indispensables dans le monde moderne.

C’est à la fois un service que vous rendez à cette région de l’Afrique centrale à laquelle vous appartenez et un puissant soutien que vous vous apporterez les uns aux autres dans les secteurs de votre vie ecclésiale. L’animation chrétienne de la société sera assurée sur une plus grande échelle. On répondra mieux aux aspirations légitimes de ceux qui, trop souvent, cherchent à les satisfaire dans les sectes, en donnant à tous les catholiques de meilleurs moyens d’approfondir leur foi et d’affermir leur vie de communauté.



7. Un mot, si vous le voulez bien, de ceux envers qui l’Eglise s’efforce d’avoir une sollicitude particulière: les pauvres.

A un moment où l’Afrique fait l’expérience d’une situation économique difficile et cherche les moyens de relancer son développement, on ne peut pas oublier le grand nombre d’hommes, de femmes, de jeunes et d’enfants, qui risquent de plus en plus d’être touchés par la misère. Dans ma récente encyclique, j’ai évoqué ce drame, qui n’est malheureusement pas circonscrit à votre continent, et j’ai rappelé que devant les souffrances que connaissent tant de nos frères et soeurs, le Seigneur Jésus continue à nous interpeller et à provoquer nos gestes de solidarité.

Au sein de la famille humaine et de l’Eglise, les oeuvres d’aide aux pauvres, aux malades, aux personnes âgées, aux handicapés, aux marginaux, aux aliénés, sont fécondes comme l’amour qui les inspire. Elles sont une force vive des disciples du Christ et permettent aux observateurs d’aujourd’hui de redire ce que les païens disaient autrefois des premiers chrétiens: «Voyez comme ils s’aiment!».



8. Enfin, le ministère auprès des élites intellectuelles et sociales de votre pays réclame aussi votre attention. Que la parole de salut de l’Eglise se fasse entendre au coeur des grands débats qui mettent en cause l’avenir de votre peuple! Le Synode des évêques de l’an passé à rappelé l’urgence de former un laïcat capable de prendre ses responsabilités, d’investir sa foi, son espérance et son amour dans les réalités sociales. N’hésitez donc pas à mettre à la disposition des cadres de votre pays les prêtres compétents et les moyens de formation qu’ils souhaiteraient avoir pour mettre à profit leurs énergies de baptisés! En fait, il y a là un service à rendre à l’ensemble de votre peuple.



9. Avant de conclure, je voudrais vous demander de transmettre mon salut affectueux à vos collaborateurs immédiats, les prêtres, ainsi qu’aux candidats au sacerdoce qui se préparent, au contact d’éducateurs choisis, à être de vrais pasteurs et apôtres de Jésus-Christ. Dites-leur mon estime pour le travail qu’ils accomplissent et mes encouragements à poursuivre l’oeuvre exaltante de l’évangélisation afin de façonner les chrétiens de l’avenir, dans le sillage des aînés du premier siècle de l’Eglise au Congo.

J’exprime ma gratitude aux religieux et aux religieuses qui vivent suivant les conseils évangéliques et en font découvrir la beauté aux Congolais. Que tous continuent à donner l’exemple joyeux d’un authentique épanouissement humain par la maîtrise des biens de ce monde en vue d’un “être” meilleur et plus riche!

Aux valeureux catéchistes, dont le labeur quotidien et persévérant assure les assises solides de l’édifice spirituel congolais, j’adresse mes encouragements les plus cordiaux.

Enfin, je saisis l’occasion de cette rencontre pour dire, à travers vous, chers Frères, mon affection à l’ensemble du peuple du Congo et lui exprimer mon soutien dans sa marche continue vers le progrès.

Reprenant l’exhortation des Pères au dernier Synode, je conclurai ainsi avec eux: «Evêques, prêtres et diacres, formons des communautés vivantes, “assidues à l’enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et à la prière” [2]. Discernons et accueillons les dons de l’Esprit chez les fidèles laïcs et stimulons en eux le sens de la communion et de la responsabilité» [3].

Que Dieu vous vienne en aide, par l’intercession de Notre-Dame vers qui, en l’Année mariale, se tournent nos regards suppliants!

Je vous bénis de grand coeur ainsi que tous les fidèles du Congo.


[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Sollicitudo Rei Socialis, SRS 41.
[2] Ac 2,42.
[3] Patrum Synodi Episcoporum 1987 Nuntius ad Populum Dei, 13.




À S.E. M. TAREK ABDUL RAZZAK RAZZOUQUI, NOUVEL AMBASSADEUR DE L'ÉTAT DU KOWEÏT PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi, 24 mars 1988


Monsieur l’Ambassadeur,

La noble expression des sentiments qui vous animent, en ce jour assurément marquant, a retenu toute mon attention. Je vous en remercie cordialement.

1. Aux yeux de l’opinion publique, la cérémonie de remise des Lettres de créance d’un Ambassadeur auprès du Saint-Siège peut paraître seulement protocolaire. En réalité, elle est une rencontre de personnes et, à travers elles, une rencontre du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel résolus à coopérer dans le respect de leurs compétences respectives au bien d’un peuple déterminé comme aussi, dans la mesure possible et opportune, au bien des autres nations.

Votre Excellence a été choisie et accréditée par Son Altesse Cheikh Jaber Al Ahmed Al Sabah, Emir de l’Etat du Koweït, afin de poursuivre et de perfectionner encore les relations diplomatiques que l’Emirat a voulu établir avec le Saint-Siège depuis des années. Le ministère ecclésial qui m’incombe me procure la joie de vous accueillir dans l’espérance du succès de votre haute mission d’Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire près le Saint-Siège. Souhaitons ensemble, Monsieur l’Ambassadeur, que ces relations diplomatiques contribuent au maintien et à l’application concrète des principes fondamentaux de civilisation et d’humanité, dont la religion catholique, pour sa part, s’efforce d’être la gardienne attentive.

Je m’en voudrais d’oublier que Son Altesse l’Emir de l’Etat du Koweït vous a chargé de me transmettre, pour le rayonnement du Siège Apostolique comme pour ma personne, des voeux déférents et sincères. Je confie à Votre Excellence le soin d’exprimer ma vive gratitude à Son Altesse et d’y joindre mes souhaits les meilleurs pour la paix et la prospérité de l’Emirat.

2. Vous avez souligné, Monsieur l’Ambassadeur, l’heureux maintien des relations entre le Koweït et le Saint-Siège, basées sur une volonté commune de liberté, de paix, de justice. Déjà, votre prédécesseur, Son Excellence Monsieur Essa Ahmad Al-Hamad, a oeuvré dans ce sens pendant douze années. Nous lui en sommes reconnaissants. Et vous-même, Excellence, n’avez qu’un désir: celui d’entretenir et même d’élargir le dialogue, loyal, confiant et constructif entre votre Gouvernement d’une part et le Saint-Siège d’autre part, soucieux de collaborer au bien de l’humanité, spécialement à la paix. La paix, fondement du bonheur auquel aspirent tout être humain et toute nation! La paix que le Saint-Siège veut favoriser de toutes ses forces en accomplissant sa mission spirituelle spécifique, qui comprend le rappel des impératifs éthiques indispensables dans la conduite des tâches humanitaires ou socio-politiques.

En écho à votre propos sur l’esprit de tolérance et l’idéal de paix qui sont l’honneur de votre Gouvernement, vous comprendrez qu’il me tient à coeur d’évoquer la communauté catholique présente sur le territoire de l’Emirat et dont Monseigneur Francis Micallef, Vicaire Apostolique, a la charge. Ces fils de l’Eglise catholique constituent une minorité. Par surcroît, ils viennent de pays étrangers: surtout du Moyen-Orient, mais aussi de l’Occident et de l’Asie du sud. Ils ont assurément le devoir de respecter les lois du pays qui les accueille et leur permet de participer à la vie économique de l’Emirat. Réciproquement, le Gouvernement du Koweït, comme tout Etat acceptant des étrangers sur son territoire, doit respecter et éventuellement protéger ces travailleurs et leurs options de conscience, morales et religieuses. Dans mon dernier Message pour la Journée mondiale de la paix, célébrée le 1er janvier, j’ai tenu à traiter de la liberté religieuse, condition pour vivre en paix. Un aspect délicat de ce problème fondamental était ainsi précisé: «Même lorsqu’un Etat accorde à une religion déterminée une position juridique particulière, il se doit de reconnaître légalement et de respecter effectivement le droit à la liberté de conscience de tous les citoyens, comme aussi des étrangers qui résident sur son territoire, même temporairement, pour des raisons professionnelles ou autres». Votre Gouvernement mérite d’être estimé pour son attitude de bienveillance à l’égard de la minorité catholique, répartie en petites communautés dispersées à travers le Koweït.

Ces familles ou ces personnes venues à titre individuel ont besoin de lieux de culte, assez proches de leur domicile et de leurs lieux de travail, de même qu’ils ont besoin de se sentir libres de s’y rendre. Les foyers catholiques étrangers qui ont des enfants d’âge scolaire souhaitent pouvoir donner une formation humaine et religieuse de leur choix. Pour répondre à leurs besoins, il est juste que des écoles catholiques puissent mener librement leur activité éducative. Enfin je songe aux quelques prêtres qui coopèrent avec Monseigneur le Vicaire Apostolique pour l’assistance spirituelle des fidèles. Ils comptent sur la largeur de vue du Gouvernement et ne peuvent qu’apprécier son action, quand celui-ci facilite leurs déplacements et leur permet de faire venir les documents et les objets nécessaires à l’enseignement et au culte religieux. En tout cela, quoique brièvement, nous touchons au problème grave et délicat du respect absolu de la conscience des croyants.

3. Enfin, je vous sais gré, Monsieur l’Ambassadeur, d’avoir mis en relief les efforts de votre Gouvernement pour contribuer, selon les moyens dont il dispose et en particulier par la voie diplomatique, à la difficile solution des conflits qui persistent dans votre région et, dans le monde, partout où la paix est menacée ou brisée. Si votre pays ne peut réaliser tout ce qu’il souhaiterait effectuer en faveur de la paix, il n’en dispose pas moins d’une influence réelle. Je suis heureux d’avoir l’occasion de l’encourager à se distinguer toujours davantage dans sa volonté persévérante de promouvoir l’esprit de dialogue et de négociation, qui est le seul chemin d’une paix véritable. Je puis vous assurer, Monsieur l’Ambassadeur, que, selon vos propres souhaits, vous trouverez toujours ici l’écoute et le soutien qui pourront être utiles à votre mission et à vos efforts de paix et de fraternité, en vue du bonheur de l’humanité.

Au terme de cette rencontre, je forme des voeux cordiaux pour que votre haute mission, inaugurée aujourd’hui, vous apporte des satisfactions nombreuses sur le plan même du travail diplomatique, mais aussi d’une nouvelle découverte de l’Eglise catholique, de son histoire lointaine et récente, de sa diplomatie, enfin de son action au service du monde contemporain. Et je confie au Dieu Tout-Puissant votre personne, ceux qui vous sont chers, et l’Emirat du Koweït que vous avez désormais l’honneur de représenter auprès du Saint-Siège.



AUX FRÈRES DE L'INSTRUCTION CHRÉTIENNE DE PLOËRMEL

Vendredi, 25 mars 1988


Cher Frère Supérieur général,
Chers Frères délégués au Chapitre,

1. En vous accueillant ici, j’ai comme l’heureuse impression de contempler plus de cent soixante ans d’histoire de l’instruction et de l’évangélisation des enfants et des adolescents. Une fois de plus, l’Eglise remercie chaleureusement les Frères de Ploërmel. Dans le mystère de l’au-delà, vos fondateurs très aimés, les Abbés Jean-Marie de La Mennaie et Gabriel Deshayes, se réjouissent de la vitalité de leur Institut. Certes, je sais vos préoccupations relatives aux vocations. Je sais également que l’Afrique vous donne espoir: les rameaux de l’Institut plantés il y a peu en Ouganda, au Rwanda, au Zaïre, ont déjà porté de beaux fruits. Très heureux de vous accueillir tous, permettez-moi de saluer spécialement le cher Frère Bernard Gaudeul, que vous venez de réélire Supérieur général, en lui renouvelant votre confiance. Je l’assure de mes voeux fervents et priants pour l’accomplissement très fructueux de son ministère de service et d’autorité. Cher Frère Bernard, connaissant votre lieu d’origine, Cancale, dans la baie du Mont-Saint-Michel, je sais que vous pouvez compter sur l’intercession de votre admirable compatriote, la bienheureuse Jeanne Jugan, qui veillera sur vous.

2. Pendant ce Chapitre général, qui s’achève, vous vous êtes penchés avec grand soin sur votre Règle de vie, mise à jour précédemment et approuvée en 1983 par la Congrégation pour les Religieux. Il est vrai que, si les textes expriment bien votre charisme propre, il y a toujours lieu d’en approfondir le sens spirituel, afin de renouveler jour après jour votre manière de le vivre. Ce don particulier, reçu de vos fondateurs, est la recherche ardente et la recontre intime du Seigneur Jésus, contemplé, prié, aimé sans mesure. C’est ainsi, et ainsi seulement, que les Frères découvriront la voie que le Christ leur montre et sur laquelle il appelle toutes vos communautés et l’Institut lui-même à la suivre.

3. Cette forme de sanctification, personnelle et communautaire, toujours mieux réalisée, vous permet de donner un témoignage rayonnant et stimulant à ceux qui vous voient vivre en hommes de prière et de vie intérieure. Dans l’enthousiasme et l’humilité, partagez votre amour de Jésus-Christ, vos richesses de foi, d’espérance et de charité théologales concrètement vécues avec tous les jeunes confiés à vos soins, avec leurs parents, avec les laïcs chrétiens qui ont accepté en conscience de collaborer au projet éducatif de vos écoles et collèges. Vous contribuez ainsi à la vitalité et à la sanctification du Peuple de Dieu, selon la forme originale inspirée à vos fondateurs par l’Esprit du Seigneur. Le Seigneur vous a mystérieusement choisis pour la plus belle oeuvre qui soit: préparer la jeunesse à assumer au mieux son avenir et les multiplex services de la société en référence au Message évangélique, toujours actuel, inépuisable et vivifiant.

4. Témoins du Royaume de Dieu par votre consécration de religieux, vous vivez cette donation radicale à travers vos tâches d’enseignants et d’éducateurs. Votre Institut a été suscité dans l’Eglise pour cette mission de première importance: faire connaître le Christ et sa Bonne Nouvelle par le moyen de l’école. Notre temps, marqué par des bouleversements socio-culturels importants, requiert d’urgence une évangélisation des intelligences à tous les degrés du savoir. C’est pourquoi, sans vous laisser effleurer par le moindre doute, vous avez à demeurer rigoureusement fidèles à votre charisme, comme à ce sens prudent et audacieux de l’adaptation aux conditions de vie et aux cultures dans lesquelles s’exerce votre apostolat. L’Eglise attend de vous que vous soyez fermement attachés à votre mission éducatrice, aussi bien dans les pays de vieille civilisation chrétienne que dans les régions où le christianisme a une histoire beaucoup plus récente.

5. Depuis plus de cent cinquante ans, les Frères de Ploërmel ont affronté avec un courage exemplaire les difficultés de l’apostolat missionnaire sous des climats très éprouvants. Aujourd’hui, l’Eglise vous appelle à relever les mêmes défis dans des contextes différents. Je pense au matérialisme pratique envahissant et réducteur. Je songe aux situations socio-politiques oppressives. Chers Frères, avec l’aide puissante du Seigneur, et grâce à un haut niveau de formation théologique, spirituelle, intellectuelle et technologique, vous serez à même de répondre aux besoins profonds et considérables des jeunes, à ce qu’ils attendent de vous, parfois inconsciemment, dans la catéchèse et la vie spirituelle comme dans le domaine de la culture humaine sous toutes ses formes.

6. Enfin, votre haute mission d’éducation et de sanctification est à réaliser dans un esprit vigoureux de parfaite communion entre vous et avec tout le Peuple de Dieu. Je connais l’indéfectible fidélité de votre Institut au Siège de Pierre et au Magistère des Papes. C’est un précieux héritage de vos fondateurs. Je vous encourage vivement et avec confiance à développer encore votre collaboration effective avec les Conférences épiscopales et les Pasteurs des diocèses ou des paroisses qui vous ont appelés, avec le laïcat chrétien jeune et adulte. Ce «sensus Ecclesiae» sera toujours votre grande force et le signe indiscutable de votre engagement ecclésial pour les hommes de notre temps.

Au terme de cette rencontre, j’invoque la surabondance des bénédictions divines sur toute la Congrégation, sur ses responsables, sur les Frères âgés ou malades, sur les préposés à l’accompagnement des vocations, sur tous les laïcs coopérant à votre oeuvre magnifique, sur tous les jeunes et leurs familles. Je confie les uns et les autres à la maternelle protection de la Mère du Christ Rédempteur.



Discours 1988 - Samedi, 5 mars 1988