Discours 1988 - Vendredi, 25 mars 1988


AU COMITÉ CATHOLIQUE DE COLLABORATION CULTURELLE

Vendredi, 25 mars 1988


Chers amis,




Voici vingt-cinq ans qu’à l’initiative de la section orientale du Secrétariat pour l’unité des chrétiens a été créé le Comité catholique de collaboration culturelle. Par notre rencontre d’aujourd’hui, vous avez voulu marquer cet anniversaire. Je suis heureux de vous accueillir et d’avoir l’occasion de vous dire de vive voix que j’apprécie l’oeuvre de votre Comité et que je souhaite qu’elle continue à se développer, parce qu’elle contribue efficacement aux progrès de la marche vers la pleine communion entre l’Eglise catholique et les Eglises d’Orient.

C’est dans ce but que le Comité a été fondé, puisqu’il cherche à promouvoir des formes de collaboration culturelle qui soient en même temps un moyen de resserrer et d’approfondir nos relations avec l’Eglise orthodoxe et les Anciennes Eglises d’Orient. En particulier, je voudrais souligner l’attribution de bourses d’étude dans les disciplines ecclésiastiques à des étudiants orthodoxes afin qu’ils puissent compléter leur formation par un séjour dans une université ou un institut catholique. Depuis la fondation du Comité, de nombreux étudiants en ont bénéficié, ce qui leur a donné la possibilité de mieux connaître et de mieux comprendre la pensée religieuse de l’Eglise catholique. Ils se sont familiarisés aussi avec la vie de notre Eglise, puisque vous tenez à ce qu’ils soient accueillis dans des collèges ou séminaires où ils peuvent partager la vie des étudiants catholiques. L’expérience communautaire permet ainsi une compréhension mutuelle fondée sur le respect et la charité réciproques. Je ne doute pas que la présence des étudiants orthodoxes dans nos universités, nos séminaires et nos collèges soit aussi bénéfique pour les étudiants catholiques dont la formation spirituelle et intellectuelle doit toujours être marquée par l’ouverture à la dimension oecuménique.

Je tiens à adresser mes remerciements aux Recteurs et Supérieurs de ces universités, instituts, collèges et séminaires qui accueillent des étudiants boursiers du Comité catholique de collaboration culturelle. Je salue les Recteurs et Supérieurs de Rome qui sont présents et je n’oublie pas ceux d’autres pays qui n’ont pas pu venir ici pour cette rencontre. Je les encourage tous à continuer leur participation à l’action du Comité par leur disponibilité à recevoir des étudiants des Eglises de l’Orient et par le soutien généreux qu’ils leur apportent.

Ce soutien est aussi assuré par plusieurs oeuvres qui offrent une aide financière sans laquelle le Comité ne pourrait réaliser sa mission. Les responsables de ces oeuvres ont compris l’urgence et la nécessité d’une connaissance réciproque entre les Eglises d’Occident et d’Orient, notamment grâce aux échanges culturels sous les formes que le Comité cherche à promouvoir. Je sais que si les oeuvres qu’ils animent peuvent apporter une aide, c’est parce qu’elles recueillent les offrandes des fidèles, inconnus pour la plupart et parfois pauvres mais généreux, qui désirent contribuer, selon leurs possibilités, au rapprochement entre les Eglises d’Orient et d’Occident. Je remercie les responsables et les bienfaiteurs de ces oeuvres. Je les invite à continuer leur généreuse participation, en tenant compte de la situation nouvelle des relations entre les Eglises. Grâce au dialogue de la charité et aux premiers fruits du dialogue théologique, la fraternité qui unit l’Eglise catholique, l’Eglise orthodoxe et les Anciennes Eglises d’Orient est une réalité à nouveau vécue et sans cesse grandissante, par laquelle elles prennent chaque jour davantage conscience qu’elles sont des Eglises soeurs qui s’entraident pour la mission que le Seigneur leur confie.

Au cours de sa visite à l’Evêque de Rome, au mois de décembre dernier, le Patriarche oecuménique Dimitrios Ier a rencontré, à l’université du Latran, les délégations des professeurs et des étudiants de nos universités et collèges. Evoquant la renaissance des études bibliques, patristiques et liturgiques, il a rappelé que cette renaissance ne peut donner de fruit «si elle se produit unilatéralement, c’est-à-dire sans une connaissance directe et de l’intérieur de chacune des traditions. C’est donc un signe de bon augure pour notre temps – a poursuivi le Patriarche – que soient constamment en augmentation les échanges d’enseignants et d’étudiants entre nos Eglises». Je m’associe pleinement à ces paroles de Sa Sainteté Dimitrios Ier. J’ai désiré les répéter devant vous puisqu’elles concernent tout spécialement l’oeuvre accomplie depuis vingt-cinq ans par les membres du Comité catholique de collaboration culturelle et par tous ceux qui prennent à coeur l’entraide mutuelle et la connaissance réciproque entre les chrétiens d’Orient et d’Occident.

Chers amis, en vous exprimant ma satisfaction pour votre participation à l’engagement oecuménique de l’Eglise catholique, je souhaite que l’oeuvre de votre Comité se poursuive, en lien étroit avec le Secrétariat pour l’unité des chrétiens. Comme l’avait fait mon prédécesseur Paul VI au moment de sa fondation, je recommande volontiers «à mes frères dans l’épiscopat et à tous ceux qui désirent servir l’Eglise, d’encourager le Comité et de lui apporter une aide qui soit opportune, généreuse et utile»[1].

Sur les membres et les dirigeants du Comité, sur ses bienfaiteurs et coopérateurs présents et future, j’invoque de tout coeur la Bénédiction divine.

[1] Pauli VI Epist. ad Cardinalem Augustinum Bea, die 27 iul. 1964.




À S.E. M. JEAN-CLAUDE LABOUBA, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE GABONAISE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Vendredi, 25 mars 1988




Monsieur l’Ambassadeur,

Soyez le bienvenu au Vatican, où j’ai la joie de vous accueillir, à l’occasion de la présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République Gabonaise.

Je suis sensible aux nobles sentiments dont témoignent les paroles courtoises que vous venez de m’adresser; je suis sensible, en particulier, aux voeux très aimables que vous me présentez de la part de votre président, Son Excellence El Hadj Omar Bongo. En vous priant de le remercier, il m’est agréable de lui offrir, par votre entremise, les souhaits les meilleurs que je forme à son intention ainsi que pour la prospérité et le bien-être spirituel de tout le peuple gabonais.

Vous avez évoqué la bonne entente qui existe entre votre pays et le Saint-Siège – ce dont je me réjouis – et je ne doute pas que votre mission renforcera encore notre convergence de vues et nos liens d’amitié pour une action commune au bénéfice de nos frères.

C’est ma conviction que l’Eglise – dont toute l’ambition est de proclamer librement le message de salut du Seigneur – peut faire beaucoup pour rendre meilleure la vie de la communauté humaine. Dans ce dessein, vous pouvez être assuré, Monsieur l’Ambassadeur, du concours loyal des catholiques gabonais. Portés par le dynamisme de leur foi, ils sont désireux de travailler en fraternelle collaboration avec leurs compatriotes au développement intégral du pays.

Dans le respect des civilisations diverses, l’Eglise cherche à jouer le rôle de ferment d’unité et elle aimerait que l’Evangile vivifie de plus en plus le levain culturel qui est la base d’une nation. C’est à cette tâche que se consacrent les pasteurs et les fidèles du Gabon, voulant ainsi servir les intérêts supérieurs du pays. Avec le souci privilégié des pauvres et des petits, ils souhaitent contribuer, selon leurs moyens, au développement de l’instruction, continuant à former les coeurs et les esprits, à donner le goût du travail désintéressé et du service responsable. Encouragés par leurs évêques, les chrétiens désirent apporter leur contribution à l’établissement d’une société plus juste et à la poursuite d’un dialogue réel entre les ethnies pour garantir la paix, dans le respect des droits de la personne humaine et dans la vérité des relations entre les hommes.

J’ai confiance que dans votre patrie les catholiques – que vous me permettrez de saluer spécialement en cette circonstance – trouveront toujours de la part de l’Etat les conditions favorables à l’exercice paisible de leur vie ecclésiale et de leur action apostolique, dans l’esprit des bonnes relations ayant traditionnellement existé entre nous.

Monsieur l’Ambassadeur, en formulant des voeux fervents pour l’heureux accomplissement de votre haute mission, je vous assure volontiers de l’attention compréhensive dont vous pourrez avoir besoin. En redisant mon affection au peuple gabonais et en adressant mon salut déférent à ses dirigeants, j’appelle sur la nation entière l’aide continuelle du Très-Haut et ses abondantes bénédictions.



AUX ÉVÊQUES DU MALI EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 26 mars 1988


Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Soyez les bienvenus dans cette demeure où je vous accueille avec la plus grande joie! Je suis heureux, en particulier, de saluer le nouveau Président de votre Conférence épiscopale, Monseigneur Jean-Marie Cissé, évêque de Sikasso. Je le remercie des paroles pleines de délicatesse qu’il vient de m’adresser en votre nom et je lui offre mes voeux pour ses nouvelles fonctions.

Votre pèlerinage quinquennal aux tombeaux des saints Apôtres, que les évêques du monde entier se font un devoir d’accomplir, manifeste votre union avec l’Eglise de Rome. En venant ainsi vous entretenir avec le successeur de Pierre et ses collaborateurs dans les divers dicastères de la Curie Romaine, vous exprimez d’une manière tangible les liens profonds qui nous unissent malgré la dispersion géographique. Egalement, vous apportez au Pape le témoignage d’attachement du Peuple de Dieu au Mali: je suis d’autant plus sensible à cette marque d’affection filiale qu’elle provient de fidèles, assurément très minoritaires dans votre pays, mais qui ont su, par la qualité de leur vie de croyants, acquérir l’estime et l’amitié de tout le peuple malien.

2. L’année 1988 est pour vous une année d’une importance exceptionnelle. Elle marque le centenaire de la communauté chrétienne au Mali, un événement qui polarise toutes vos activités pastorales.

C’est en 1888, en effet, que les premiers missionnaires spiritains ont fondé la mission de Kita, confiée par la suite aux Pères Blancs et devenue aujourd’hui un lieu de pèlerinage national.

Déjà, en 1876 et en 1881, deux caravanes de Pères Blancs étaient parties d’Alger pour le Soudan, mais les Pères furent massacrés au cours du voyage. Ce n’est qu’en 1894 qu’une nouvelle caravane se mit en route pour fonder Sègou et Tombouctou en 1895. Le signal de l’évangélisation du Mali était donné, et les disciples du Cardinal Lavigerie ainsi que les Soeurs de Notre-Dame d’Afrique se mirent à l’oeuvre. Avec les Maliens d’aujourd’hui, je rends hommage à ces vaillants pionniers de la foi, en particulier à ceux qui ont versé leur sang pour le Christ.

En cent ans, la petite communauté chrétienne originelle, tel le grain de sénevé de l’Evangile, est devenue un arbre. Vous parlez même d’un baobab solide, plongeant ses racines dans le sol malien, et vous avez raison, car les fruits sont là: une hiérarchie locale, des prêtres autochtones, des religieuses originaires du pays, des catéchistes engagés dans les mouvements et les communautés locales. Surtout, le rayonnement des chrétiens est véritable, témoignant de l’authentique présence du Royaume sur cette portion du continent africain.

3. L’implantation active de l’Eglise dans votre pays éveille naturellement en vous une fierté et une joie légitimes. Chez tous, pasteurs et fidèles, elle suscite la gratitude envers Celui de qui vient tout don excellent.

Je sais que vous auriez aimé que je vienne dans votre pays m’associer aux prières d’action de grâce et aux cantiques de louanges qui montent vers Dieu en l’année du centenaire. Croyez bien que je garde dans ma pensée et surtout dans mon coeur cette invitation à me rendre au Mali. Certes, j’aurais souhaité, en l’Année mariale plus encore, me faire pèlerin à Kita et aller avec vous prier «Notre-Dame du Mali» pour les fidèles de vos diocèses et tous vos compatriotes. Il ne me sera pas possible de le faire cette année. J’ai cependant l’espoir que la Providence conduira mes pas vers votre terre pour y faire la connaissance de votre peuple, qui jouit en Afrique d’une réputation de grande cordialité. Ce sera pour moi une vraie joie de pouvoir vous rendre la visite que vous me faites aujourd’hui.

4. En attendant, vous voici attelés à la tâche exaltante de former les chrétiens du deuxième siècle de l’évangélisation. Quel que soit leur nombre, petit ou grand, leur mission de baptisés revêt, dès aujourd’hui, une réelle importance. Ayant accueilli la Bonne Nouvelle, ils sont maintenant appelés à l’annoncer à leur tour, d’abord et surtout par le témoignage de leur vie. Au sein de la communauté humaine dans laquelle se déroule leur existence, ils ont à manifester leur capacité de compréhension et d’accueil, leur communion de vie et de destin avec les autres, leur solidarité dans la recherche commune de tout ce qui est noble et bon. De la sorte, ils témoigneront d’une façon simple et spontanée de leur foi en Jésus-Christ, par la proclamation souvent discrète, mais motivée en profondeur, de l’Evangile.

L’année du centenaire a pour but, entre autres, de faire retentir auprès de tous les chrétiens du Mali un appel au renouvellement de leur conversion pour mieux suivre le Christ. Invitez-les à raviver en eux l’essentiel de la foi et l’amour fraternel. Bientôt, dans la liturgie de la Semaine Sainte, nous allons réentendre saint Jean déclarer: «Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout». Ces paroles nous suggèrent l’orientation fondamentale de notre vie. Nous aussi, nous sommes appelés, à la suite du Christ, à «passer de ce monde au Père», en formant ensemble, pour ainsi dire, une immense caravane, et nous sommes appelés également à aimer nos frères jusqu’au bout.

Puissent les communautés ecclésiales au Mali donner l’exemple d’une vie chaleureuse et fraternelle, en accord avec les aspirations les plus authentiques de l’homme africain!

5. Je me réjouis de ce que, dans l’ensemble, règne chez vous un climat d’entente entre les communautés catholiques et les communautés musulmanes maliennes, qui sont traditionnellement tolérantes.

C’est en effet un aspect important de la situation de l’Eglise au Mali que d’être invitée à entrer dans un dialogue islamo-chrétien, qui se voudrait toujours plus constructif. Vous le faites, d’une façon particulière, en accueillant bon nombre de jeunes musulmans dans les groupes d’action catholique et les communautés d’étudiants croyants.

Laissez-moi vous encourager sur cette voie difficile du dialogue, qui nécessite des convictions chrétiennes bien trempées. Plus qu’ailleurs, il est souhaitable que les catholiques participent à une catéchèse permanente, comportant notamment une lecture de la Parole de Dieu approfondie en Eglise. Qu’il y ait cohérence entre leur foi et leur vie, de sorte que leurs activités séculières soient éclairées par la lumière de l’Evangile! C’est le voeu qu’ont exprimé les Pères du Synode, l’an passé, en déclarant que la formation intégrale de tous les fidèles, laïcs, religieux et clercs, devait être aujourd’hui une priorité pastorale. Les célébrations du centenaire de l’évangélisation vous offrent l’occasion de mettre en pratique ces orientations.

6. Avec tous vos compatriotes, vous prenez part fraternellement aux entreprises de développement du pays, dans un service désintéressé. Vous êtes engagés dans la grande bataille contre la faim, la malnutrition et l’analphabétisme. Vous participez aux initiatives destinées à porter remède aux fléaux de la désertification et de la sécheresse. Je tiens à souligner ici la qualité du travail accompli et je voudrais vous encourager à poursuivre toutes ces oeuvres sociales. Je vous confie le soin de dire aux prêtres, aux religieux et aux laïcs engagés dans les tâches d’entraide combien le Pape apprécie leur témoignage de charité chrétienne et leurs gestes concrets d’assistance fraternelle. Puisse leur solidarité, à la lumière de la foi, se dépasser elle-même, prendre les dimensions de la gratuité, du pardon, de la réconciliation, et devenir en quelque sorte un «chemin de la paix et en même temps de développement», ainsi que le propose la récente encyclique «Sollicitudo Rei Socialis».

7. Je vous encourage également à poursuivre vos efforts en faveur de la promotion de la femme à travers les centres déjà existants à cet effet.

L’Eglise d’aujourd’hui, comme celle des origines, veut être du côté de la femme, surtout là où celle-ci, au lieu d’être un sujet actif et responsable, tend à demeurer dans un rôle passif. Au Mali, comme dans beaucoup d’autres pays, il y a encore sans doute du chemin, à parcourir pour que la participation des femmes aux différents niveaux de la vie sociale soit non seulement reconnue mais développée et appréciée.

8. J’ai relevé avec une grande satisfaction que, depuis votre dernière visite «ad limina», un effort particulier a été accompli en ce qui concerne la pastorale des vocations, et que le nombre des candidats au sacerdoce et à la vie religieuse augmente progressivement. Je vous en félicite. Je suis heureux d’apprendre que, dans le cadre de la grande célébration nationale qui aura lieu à Bamako, du 13 au 20 novembre prochain, cinq ordinations sacerdotales sont prévues. Veuillez transmettre mes encouragements aux ordinands et leur dire que le Pape les porte dans sa prière.

Je continue à prier en union avec vous que les ouvriers de l’Evangile se fassent toujours plus nombreux car, d’une part, la besogne est immense dans votre pays, et, d’autre part, il faut penser à la relève des prêtres et des religieuses les plus âgés. Beaucoup sont venus de loin apporter leur concours à l’oeuvre de la mission. Je leur exprime la reconnaissance de l’Eglise pour le don de leur vie au service de la communauté.

9. En terminant, je voudrais vous adresser, à vous-mêmes et à votre peuple fidèle, mes voeux de renouveau dans la foi à l’occasion de l’année du centenaire. J’invoque l’aide de l’Esprit Saint spécialement sur ceux et celles qui sont chargés d’animer les diverses activités à raviver l’engagement des baptisés à suivre le Christ et à témoigner authentiquement dans leur vie du message évangélique.

Je confie les souhaits que je forme pour vous tous à Notre-Dame du Mali. Puisse-t-elle vous conduire, pasteurs et fidèles, vers son Fils Jésus et vous donner l’élan missionnaire qu’elle ne manque jamais de communiquer à ceux qui l’en implorent!

De grand coeur, je vous bénis, ainsi que tous les fidèles du Mali.



Avril 1988

AUX ÉVÊQUES DU ZAÏRE EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 23 avril 1988


Cher Monsieur le Cardinal,
chers Frères dans l’épiscopat,



1. Je vous remercie des sentiments de confiance que vous venez d’exprimer, Monsieur le Cardinal, au nom de tous les évêques de vos trois provinces, et de la présentation de vos engagements et de vos soucis de Pasteurs. Je vous accueille ici avec une grande joie et, avec vous, j’accueille l’Eglise au Zaïre. Cette Eglise m’a reçu chaleureusement à deux reprises, en 1980 et 1985; et lors de votre précédente visite « ad limina » en 1983, nous avons également abordé ensemble un certain nombre de thèmes importants. Vous m’aviez adressé l’an dernier un document exposant quelques objectifs majeurs de votre pastorale; je les garde présents à l’esprit; ils rejoignent ceux qui viennent d’être présentés. Ce sont là autant d’étapes et d’instruments de votre communion avec le successeur de Pierre et avec les Dicastères du Saint-Siège.

Je sais le zèle que vous déployez au service de vos compatriotes, les multiples initiatives que vous prenez pour répondre aux nécessités de l’Eglise et aux besoins de la société, au prix souvent de fatigues et de grande sacrifices, dans des diocèses très vastes, avec une population chrétienne dispersée. Que le Seigneur fasse fructifier votre ministère au coeur du continent africain!



2. Je voudrais commencer par méditer avec vous sur notre mission d’évêques. Elle a sa source dans les paroles que le Christ Jésus adressa à ses Apôtres, et auxquelles il nous faut sans cesse revenir. Cette mission est bien exprimée dans la première Lettre de saint Pierre [1] et dans les Lettres de saint Paul. Vous venez précisément en pèlerinage auprès de leurs tombeaux pour communier avec eux dans l’ardeur de la profession de foi sur laquelle ils fondaient ici l’Eglise. Nous gardons aussi en mémoire l’exemple de tant de saints Pasteurs, à Rome et dans les autres Eglises particulières. Qu’il suffise de citer Cyprien et Augustin: nous nous situons dans leur lignée. Le Concile Vatican II s’est longuement arrêté à la mission des évêques [2]: ces textes définissent notre charge de successeurs des Apôtres, aujourd’hui. Et, au moment de votre consécration épiscopale, chacun de vous a reçu, par l’imposition des mains transmise sans interruption depuis les Apôtres, l’Esprit qui fait de vous les grands prêtres et les pasteurs du Peuple saint, Spiritum principalem.

Le Seigneur m’a donné, au milieu de vous, la charge de vous affermir – confirmare – dans cette grande mission, afin qu’ensemble nous assurions l’unité de l’Eglise, sa fidélité, son progrès, selon la volonté du Seigneur.

Cette mission est aussi un grand don de Dieu, un don pour les autres, et de cela nous rendons grâce.



3. Spiritus principalis: le Pasteur est le Chef qui rassemble le troupeau, qui marche à sa tête, qui le gouverne en répartissant les ministères, qui, avec ses collaborateurs prêtres, le mène aux sources de la vie, qui veille à ce qu’il soit nourri de la doctrine et des sacrements de la foi, l’entraîne vers la sainteté de vie. Vous avez été établis personnellement responsables de l’annonce et de l’approfondissement de la Parole de Dieu, responsables de la digne célébration des moyens de sanctification, responsables de l’unité. Pour cela, vous devez intervenir avec clarté auprès des hommes, mais tout autant intercéder auprès de Dieu pour votre peuple.

Les institutions d’Eglise ont leurs lois et leur esprit propres, correspondant à l’Evangile. Le Pasteur n’est donc pas un chef à la manière le la société civile. Jésus nous a avertis le soir de la Cène [3]. Le Pasteur dispose de l’autorité nécessaire, mais avec la disponibilité du Serviteur qui donne pour ses brebis sa vie, ses forces, son coeur. Une autorité renforcée par l’exemple de sainteté qui accompagne le ministère, selon l’exhortation de Pierre: « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu... en devenant les modèles du troupeau » [4]. En somme, l’autorité que nous exerçons comme évêques est celle du père qui cherche à se faire proche des prêtres, religieux et laïcs, les visite, connaît leurs désirs et leurs besoins, comme le Pasteur connaît ses brebis, les conseille, les encourage, les aide à assumer leurs responsabilités avec bonté et simplicité de coeur. C’est ce que nous avons promis au moment de notre ordination épiscopale.



4. Chers Frères, notre charge de Pasteur comprend notamment le charisme de l’unité.

La société peut se composer de beaucoup d’ethnies, ayant chacune son histoire, ses traditions, son originalité, la conscience de ses valeurs. Cette diversité est une richesse pour le pays, à condition que chaque ethnie soit accueillie, respectée, et accepte de collaborer au bien commun de la société et de l’Eglise, sans fermeture, sans défiance à l’égard des autres, sans esprit de clan.

L’Eglise a là encore un témoignage spécifique à donner. A l’exemple du Christ, et selon les exhortations qui jalonnent les Lettres de saint Paul, elle est appelée à manifester accueil, ouverture, bienveillance, solidarité, amour, par-dessus toutes sortes de frontières. C’est dans cet esprit que les diocésains sont invités à recevoir leur évêque, même s’il est d’une ethnie différente, et que celui-ci se fait tout à tous sans privilégier le groupe qui lui est plus familier, sans discrimination d’aucune sorte. La constitution et le bon fonctionnement des conseils diocésains faciliteront notablement l’esprit de communion entre toutes les forces vives. Le conseil presbytéral et le conseil pastoral, prévus par le droit de l’Eglise, sont des instances très utiles pour éviter l’isolement de l’évêque, pour l’aider, dans le dialogue, à prendre les meilleures décisions, à donner les orientations dynamiques dont prêtres et laïcs ont besoin, à exercer son ministère personnel avec toute sa qualité évangélique.

Oui, vous êtes les artisans de l’unité diocésaine, et aussi les serviteurs de l’unité de l’Eglise au Zaïre, grâce à votre collaboration confiante dans le cadre des Provinces et de la Conférence épiscopale. La communion se vit également avec les autres Eglises particulières, avec l’Eglise universelle et spécialement avec le Saint-Siège qui est au service de cette communion. Tel est le plus beau visage de l’Eglise depuis les origines: une unité dynamique, qui n’est pas uniformité mais prise en compte des particularités, adhésion à l’essentiel et, pardessus tout, charité. Et cet exemple ecclésial ne peut manquer d’avoir d’heureuses répercussions sur la société elle-même.



5. Voilà donc la conscience pastorale avec laquelle il convient d’aborder votre ministère épiscopal. L’évangélisation qui est au coeur de ce ministère passe à vos yeux par des nouveaux progrès dans l’inculturation de la foi. Le Saint-Siège en est convaincu. Et il sait le sérieux avec lequel vous voulez confronter la culture de votre peuple avec les données révélées pour mieux incarner le message chrétien dans la liturgie, dans la catéchèse, dans la pastorale du mariage. Cela suppose, comme vous le dites vous-mêmes, une étude approfondie et critique des coutumes en vigueur chez vous. Pour la faciliter, vous disposez d’un institut d’études spécialisé et vous souhaitez la création d’un centre d’archives ecclésiastiques et de traditions africaines.

En effet, le message évangélique joue un rôle prophétique et critique. Il veut régénérer, passer au crible ce qui serait ambigu, mêlé de faiblesse ou de péché, aussi bien dans vos propres coutumes ancestrales que dans les pratiques récemment importées de l’étranger.

Ainsi pourra être assumé tout ce qui est bon, noble et vrai, afin d’exprimer le mystère chrétien selon le génie africain. Cette entreprise demande beaucoup de temps, de lucidité théologique, de discernement spiritual, ainsi qu’une large concertation, en lien avec l’Eglise universelle et en accord avec le Saint-Siège. Tous ceux qui travaillent à cette oeuvre doivent d’abord approfondir la Bible, les Conciles et les documents du Magistère. Assimilant dans la foi le message universel du mystère chrétien, ils pourront l’intégrer dans leur culture. Car, en définitive, ce qui importe au salut, c’est que la même sève du cep qu’est le Christ vivifie tous les sarments.

Pour ce qui est de la célébration de l’Eucharistie, la forme actuellement ad experimentum demande encore quelque examen et certaines précisions de nos Dicastères pour entrer dans un missel à l’usage des diocèses du Zaïre. Mais il y a là un bon exemple du dialogue mené avec le Saint-Siège. Je souhaite qu’il en soit de même pour l’ensemble du rituel des sacrements et sacramentaux que vous avez en vue.



6. Quant à la contribution zaïroise à la recherche théologique, je m’en étais longuement entretenu avec vous en 1983. Il y a chez vous une floraison de recherches, des essais multiples de réflexion, pour mieux comprendre et exprimer le donné révélé dans la culture zaïroise. C’est une chance, et un apport à la catholicité. Comme je vous le disais, il faut éviter de se refermer sur soi, il faut que le lien au Christ soit réel, profond, primordial. Il faut tenir compte du patrimoine commun de la foi. Et il revient aux évêques, Docteurs et Pères dans la foi, de juger en dernier ressort de l’authenticité chrétienne des idées et des expériences.

En ce domaine, les Facultés catholiques de Kinshasa – théologie, philosophie et centre d’étude des religions africaines – peuvent jouer un rôle déterminant. Elles exercent déjà une notable influence chez vous et dans le continent africain grâce à leurs multiples activités et publications. Je souhaite que la recherche y soit toujours sereine, dans la fidélité au Magistère et dans la poursuite objective de la vérité, indépendamment des pressions de certains groupes ou de certaines tendances théologiques partiales. Je sais que le comité permanent de la Conférence épiscopale y veille, et j’encourage la concertation de tous les évêques en ce domaine capital. La compétence, la conscience professionnelle, la qualité spirituelle, le sens ecclésial et l’exemple de vie des enseignants seront, comme partout, les garanties les plus sûres du travail scientifique dont l’Eglise a besoin, précisément pour une authentique inculturation. D’autres centres théologiques naissent en Afrique, avec lesquels le centre de Kinshasa pourra collaborer.

Vous avez fait allusion à la prolifération des sectes et à leur action corrosive. Les raisons sont sans doute multiples. Le fait constitue pour l’Eglise une interpellation sérieuse, invitant à développer la formation catéchétique des fidèles et les communautés ecclésiales vivantes, car ceux qui sont tentés par les sectes y cherchent probablement une réponse simple ou syncrétiste à leurs questions, et un soutien chaleureux, qui est de l’ordre de la charité.



7. Parmi vos préoccupations, la formation d’un laïcat adulte et compétent, capable d’assumer pleinement ses responsabilités dans l’Eglise et dans le monde, a toujours été centrale. Vos efforts dans ce domaine ont déjà porté beaucoup de fruits, au moins en ce qui concerne la manière d’associer les laïcs aux tâches ecclésiales proprement dites.

Il reste à poursuivre le travail considérable qui consiste à éveiller davantage chez eux le sens de leurs responsabilités de baptisés vis-à-vis de la société, dans laquelle ils sont appelés à être « le sel de la terre ». Vous le reconnaissez vous-mêmes: l’impact des chrétiens zaïrois dans la gestion des affaires temporelles, suivant l’esprit de l’Evangile, pourrait être plus réel. Pour reprendre le message des Pères au dernier Synode des évêques, le devoir des laïcs a été et reste d’imprégner toujours plus vigoureusement de l’Esprit du Christ les domaines de la vie en société, de la famille, du travail et de la recherche de meilleures conditions d’existence. C’est de la sorte qu’ils collaborent à la sanctification du monde et à la réalisation du Règne de Dieu.

C’est dire en particulier l’importance de l’apostolat auprès des élites intellectuelles et sociales de votre pays, car il est indispensable – sans confondre les compétences de l’Eglise et de l’Etat – que la parole de salut se fasse entendre au coeur même des grands débats qui mettent en cause l’avenir de votre pays. Faites tout ce qui est possible pour mettre au service des intellectuels de votre nation des prêtres compétents et des moyens de formation adaptés, en vue de les aider à déployer toutes leurs énergies de baptisés.



8. Depuis longtemps déjà, la santé de la famille et du couple vous préoccupe. Vous soulignez que le problème fondamental consiste à favoriser la maturation des personnes, pour qu’elles prennent conscience de leurs responsabilités et qu’elles les exercent en vue du bien de la famille et, en définitive, de la société tout entière. Vous réagissez à juste titre devant certaines politiques malthusiennes qui dévaloriseraient la paternité et la maternité dont vos compatriotes ont toujours reconnu la dignité.

Vous avez relevé, entre autres, qu’une affirmation mal comprise de l’identité culturelle africaine risquait de faire renaître certaines coutumes défavorables au mariage chrétien, à savoir: la polygamie, la conclusion du seul mariage coutumier, la recherche de la fécondité sans l’intention d’une union matrimoniale stable. D’un autre côté, vous notez que le rejet inconsidéré de certaines valeurs culturelles africaines n’est pas sans danger, car il peut mener à des unions fragiles, dépourvues des garanties de stabilité qu’offrent les clans et les familles des deux partenaires. Une catéchèse s’avère en effet nécessaire pour que les fidèles découvrent le sens du mariage chrétien et ce qu’il ajoute à l’engagement coutumier des époux. Un vaste travail d’éducation vous attend donc en ce domaine, sans compter l’élaboration d’un rituel pour la célébration du sacrement de mariage qui tienne compte de certains aspects de la tradition africaine. L’Eglise, pour sa part, met en relief l’acte du consentement mutuel des époux, comme sceau de leur alliance, parce qu’elle tient à ce que l’essentiel apparaisse nettement au coeur des célébrations.

De même, vous savez l’effort de formation qui vous revient pour faire saisir aux époux ou futurs époux l’enseignement de l’Eglise sur la paternité et la maternité responsables, sur l’épreuve de la stérilité, sur le rejet de la polygamie et le respect de l’égale dignité des personnes. Je vous encourage à poursuivre la prise en charge des foyers par les communautés ecclésiales vivantes, elles-mêmes composées de familles croyantes et apostoliques: il y a là des signes prometteurs de développement pour l’Eglise au Zaïre.

Je poursuivrai ces réflexions avec vos Confrères, notamment au sujet des ouvriers apostoliques des vocations. Au cours des échanges dans les Dicastères, vous développerez ces sujets et d’autres que je n’ai pu évoquer. Je voulais surtout vous montrer l’intérêt que je porte à vos préoccupations majeures et vous affermir dans votre mission de Pasteurs. En signe d’encouragement, je vous donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique, que j’étends à vos collaborateurs et à tous vos diocésains.


[1] 1P 5.
[2] Cfr. Lumen Gentium; Christus Dominus.
[3] Cfr. Lc 22,24-27.
[4] 1P 5,2-3.




Discours 1988 - Vendredi, 25 mars 1988