Discours 1988 - Lundi, 13 juin 1988


À UN GROUPE DE PÈLERINS VIETNAMIENS

Dimanche, 19 juin 1988


Chers Frères et Soeurs vietnamiens,




1. Au soir de cette journée si marquante pour les chrétiens du Vietnam, c’est dans la joie et l’émotion que je vous retrouve. Oui, avec vous j’éprouve une admiration fervente pour les Martyrs que j’ai eu le privilège d’inscrire au nombre des saints de l’Eglise universelle: ces évêques, ces prêtres et ces laïcs qui ont affermi l’Eglise sur votre terre natale dans une parfaite union au sacrifice rédempteur du Christ. Avec vous, j’admire la générosité dans la foi des témoins innombrables qui ont accrédité la parole évangélique par le don de leur vie. Malgré le poids des souffrances accumulées, j’ose parler de joie et d’action de grâce, car nous devons remercier le Seigneur pour le lumineux reflet de sa présence dans la figure des saints, pour la grandeur du don de la foi reçu et noblement accueilli par tant d’hommes et de femmes dont vous êtes les héritiers.

Nous admirons la foule immense de ceux qui «ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau» [1]. Nous admirons ceux qui se sont laissés saisir par l’amour du Christ, dans une totale adhésion à sa parole: «Voici mon commandement: vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Nul n’a de plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis» [2]. Ils ont su unir l’amour du Créateur et du Sauveur à l’amour de leurs pères et de leurs frères, de leur peuple et de leur terre.



2. Pour vous, chrétiens vietnamiens vivant sur tous les continents, les saints Martyrs sont aujourd’hui plus que des exemples. Ils demeurent dans l’amour du Christ et ils communient avec tous les membres du Christ. Ils intercèdent pour que, à partir des racines toujours vivantes, grandissent des rameaux vigoureux. Ils sont proches de vous dans l’unité de l’Esprit. Ils vous appellent à rester fidèles.

Vous pouvez compter sur l’appui de vos saints devanciers pour développer la vie chrétienne dont ils ont donné des exemples si généreux et si purs. A votre tour, soyez des pierres vivantes dans l’édifice de l’Eglise. Approfondissez votre union personnelle au Christ dans la prière. Vivez intensément l’Eucharistie. Recourez à la médiation maternelle de Marie comme ceux qui, au temps de la persécution, puisaient l’énergie de leur constance dans la prière du Rosaire. Approfondissez le message de l’Evangile, pour savoir rendre compte de votre foi. Découvrez sans cesse la beauté du don de Dieu dans le sacrement de la réconciliation. Sachez pardonner, comme bien des Martyrs en ont donné l’exemple admirable. Epanouissez en vous la grâce de votre baptême. Aidez vos enfants à vivre pleinement la condition d’enfants de Dieu. Quand se fait entendre l’appel à donner davantage, avancez, fondez des familles généreuses qui transmettent la vie, ou bien acceptez le haut service du sacerdoce ou de la vie consacrée.

Je sais que, pour beaucoup d’entre vous, l’expérience de l’exil et de la séparation a renforcé une vraie solidarité fraternelle. En cela, vous imitez l’inépuisable charité des saints que nous honorons aujourd’hui; ils ont été dévoués sans borne au service de la communauté entière, ils visitaient les prisonniers, ils secouraient les pauvres, ils accueillaient les orphelines. Beaucoup d’entre eux se sont dépensés pour l’éducation des jeunes. Plusieurs ont contribué notablement à l’étude de la doctrine de la foi et ils l’ont exprimée pour la rendre accessible dans votre riche culture. Toutes ces tâches sont les vôtres aujourd’hui; en les accomplissant en esprit de foi et d’amour, vous édifiez l’Eglise, vous répondez à votre vocation chrétienne.



3. Chers amis, je voudrais vous demander encore d’être, comme les glorieux témoins que nous vénérons, les porteurs inlassables de l’Evangile. Vos frères attendent, souvent dans les difficultés de leur condition d’émigrés, d’entendre le message sauveur du Christ. Il vous revient d’être les évangélisateurs des Vietnamiens de la diaspora. Je ne doute pas que vous en ayez le désir et je vous encourage à développer encore, là où vous vivez, la vitalité de la communauté ecclésiale.

Et ce ne sont pas seulement vos compatriotes qui comptent sur votre témoignage de foi. Dans les pays qui vous accueillent, vous partagez l’existence de sociétés qui se sont souvent éloignées de leurs racines chrétiennes, vous côtoyez bien des hommes et des femmes qui restent dans l’ignorance de la Bonne Nouvelle. Vos communautés ferventes, affermies dans l’épreuve, ont maintenant la charge de rayonner la lumière qui leur a été communiquée. C’est un héritage que vous avez reçu, apporté souvent par des fils des nations où vous séjournez à présent; prenez votre part dans l’apostolat nécessaire de notre temps; unissez-vous aux paroisses ou aux mouvements d’Eglise qui sont près de vous. Ainsi vous manifesterez, en quelque sorte, votre reconnaissance pour les dons qui vous ont été accordés.



4. Chrétiens généreux, témoins actifs les uns pour les autres et autour de vous, vous gardez au fond du coeur, je le sais, une fidélité fondamentale à votre pays du Vietnam, à votre peuple, à votre culture, particulièrement aux parents et aux frères dont vous êtes éloignés. J’ai dit ce matin combien j’étais moi-même proche par l’affection de l’Eglise au Vietnam et de votre nation. Je tiens à le redire avec chaleur au cours de cette rencontre avec vous.

Les distances ne diminuent en rien la communion ecclésiale. Pour un grand nombre d’entre vous, vous avez reçu le baptême, vous avez fondé votre famille, vous êtes entrés dans la vie religieuse, vous avez accédé au sacerdoce dans les paroisses, les communautés et les diocèses du Vietnam. Soyez fidèles à ces racines profondes. Restez présents de coeur aux pasteurs et aux fidèles qui, dans votre pays, sont aujourd’hui l’Eglise du Christ. Les plus jeunes parmi vous garderont, j’en suis sûr, un attachement respectueux à ceux qui, là-bas, communient à la même foi et prolongent des traditions vénérables que les fils de ce beau peuple ne sauraient perdre de vue.



5. Chers fils et filles du Vietnam, saint Dominique Xuyên, prêtre et religieux de l’ordre dominicain, ne cessait de recourir à la Mère du Sauveur en la priant avec le Rosaire. On sait aussi que, dans l’épreuve, il redisait sans cesse: «L’homme sage, riche de la foi et fort dans l’espérance, ne craint pas l’épée». Aujourd’hui, trouvez auprès de lui et de ses compagnons martyrs la même richesse de la foi et la même force de l’espérance. Le beau rassemblement fraternel que vous formez ici est déjà un signe heureux et réconfortant.

Pour que l’espérance anime tous les héritiers des saints Martyrs, nous les invoquons ardemment. Qu’ils vous accompagnent sur vos routes diverses et vous soutiennent dans la foi! Que la Vierge Marie veille sur les fils et les filles du Vietnam! Que le Dieu d’amour et de miséricorde vous garde dans l’unité de son amour! Qu’il vous comble de ses Bénédictions!


Traduction en langue française:

Je me réjouis avec vous puisque l’Eglise au Viêt-Nam compte déjà 117 Saints Martyrs. Je vous remercie de m’avoir fait assister à un certain nombre de manifestations artistiques. Je bénis vous mêmes, vos familles, l’Eglise au Viêt-Nam, et je profite de l’occasion pour saluer la nation vietnamienne tout entière.

[1] Ap 7,14.





AUX PÈLERINS FRANÇAIS ET ESPAGNOLS VENUS À ROME À L'OCCASION DE LA CANONISATION DE 117 MARTYRS DU VIETNAM

Lundi, 20 juin 1988


Chers Frères dans l’épiscopat,

Chers Frères et Soeurs,



1. Au lendemain de la canonisation des Martyrs du Vietnam, je suis heureux de vous retrouver, vous les membres de la Société des Missions étrangères de Paris et de l’Ordre dominicain, vous les pèlerins de France et d’Espagne. Vous avez gardé vivante la mémoire des missionnaires partis de vos pays au cours des siècles derniers pour porter l’Evangile dans l’Orient lointain. Aujourd’hui nous rendons grâce: nous avons le privilège de reconnaître dans de nombreux évêques et prêtres, intimement associés à d’innombrables chrétiens vietnamiens, des saints martyrs. Nous rendons grâce pour leur sacrifice héroïque; nous rendons grâce pour ces témoins irradiés par la gloire du Christ pour l’avoir suivi sur la voie de la Croix.

Oui, le vrai motif de notre joie aujourd’hui, c’est de nous savoir en communion avec ces hommes qui ont porté l’Evangile, fondé l’Eglise sur la terre du Vietnam, répondu sans réserve à l’appel du Christ. Ils avaient quitté leurs provinces sans espoir de retour. Ils sont présents maintenant à tous leurs frères du monde, à ceux du Vietnam comme à ceux de leur patrie. L’Eglise vénère en eux des serviteurs fidèles entrés dans la joie du Maître, intercesseurs et exemples pour les générations à venir.



2. Nous admirons chez ces évêques et chez ces prêtres le courage inébranlable de la foi. Les persécutions et les souffrances ne les ont pas ébranlés: seule comptait pour eux la pureté de leur engagement baptismal à conformer tout leur être à la personne du Christ rédempteur. Dans leur droite simplicité, dans leur ardeur passionnée, les évêques et les prêtres martyrs que nous admirons en ces jours nous rappellent la grandeur du don de la foi que nous avons nous-mêmes reçu, le sérieux de l’adhésion que le Seigneur nous demande, la nécessité d’être, nous aussi, des témoins pour le monde qui nous entoure.



3. Le martyre a couronné une vie apostolique remarquablement féconde des évêques et des prêtres que nous honorons. Pasteurs, ils l’ont été généreusement, dans l’obéissance et l’humilité. Leurs frères missionnaires et les fidèles du Vietnam nous ont conservé le souvenir de leur zèle et nous ont transmis souvent leurs propres paroles. Nous les voyons s’attacher avec désintéressement à l’admirable peuple du Vietnam. Ils se sont initiés à sa langue et à sa culture. Ils ont respecté le meilleur de ses traditions. Ils ont aimé ses familles, éduqué ses enfants. Ils ont marqué leur déférence à ses dirigeants. A l’image de leur Maître, ils sont venus pour secourir les pauvres, pour servir, pour rassembler des frères dans la «Maison de Dieu», pour prêcher l’unité dans l’amour.

Prêtres, ils avaient hâte de voir des fils du Vietnam accéder au sacerdoce et conduire le troupeau, de voir des filles du Vietnam se consacrer au Seigneur comme «Aimantes de la Croix». Catéchistes, ils ont formé des catéchistes qui seront souvent leurs compagnons jusqu’au martyre.

Ils ont su mettre l’Eucharistie au centre de la vie de la communauté. Ils ont fait découvrir les trésors de la miséricorde dans le sacrement de pénitence. Nous en avons maints témoignages. N’est-il pas frappant de voir saint Augustin Schoeffler et saint Jean-Louis Bonnard recevoir le viatique à l’approche de leur exécution grâce à des prêtres vietnamiens intrépides? N’est-il pas frappant de voir saint André Dung-Lac, arrêté avec saint Pierre Pham Van Thi alors qu’il venait auprès de lui se confesser?



4. Chers amis, l’exemple insigne des Pères des Missions étrangères et des Frères prêcheurs nous invite à rendre grâce aussi pour l’élan missionnaire ardent et pur qui a animé tant de jeunes de vos pays, également pour la générosité de leurs familles, des diocèses, de leurs Frères qui soutenaient leur vocation. Ceux que nous célébrons à présent ne nous invitent-ils pas à nous interroger sur l’esprit missionnaire de notre temps? Les conditions ont changé, mais gardons-nous la même conviction que l’Evangile vaut la peine d’être partagé avec nos frères, autour de nous et jusqu’aux extrémités de la terre?

Il y a bien des manières d’être missionnaire, vous le savez. Je ne puis vous le dire longuement. Mais comment ne pas évoquer en cette circonstance celle qui allait devenir la patronne des missions? Car sainte Thérèse de l’Enfant Jésus a vécu, pourrait-on dire, dans l’intimité de saint Théophane Vénard dont l’image ne la quittait pas au temps de son agonie. Elle avait retrouvé sa propre expérience spirituelle dans une lettre d’adieu de Théophane: «Je ne m’appuie pas sur mes propres forces, mais sur la force de celui qui a vaincu la puissance de l’enfer et du monde sur la Croix» [1]. Dans une poésie que le missionnaire lui inspire, elle l’invoque:

«Pour les pécheurs, je voudrais ici-bas
Lutter, souffrir à l’ombre de tes palmes,
Protège-moi, viens soutenir mon bras» [2].

Avec Thérèse qui aurait tant voulu rejoindre le Carmel de Hanoi, avec Thérèse qui offre sa vie pour que la Bonne Nouvelle du salut soit annoncée, nous invoquons saint Théophane et tous ses compagnons:

«O bienheureux Martyr! De ton amour aux virginales flammes viens m’embrasser...!» [3].



5.  en espagnol…

[1] Die 3 dec. 1860.
[2] Die 2 febr. 1897.
[3] Die 2 febr. 1897.
[4] Jn 15,13.
[5] Cfr. Lc 10,2.



À LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

Mercredi, 29 juin 1988


Eminence et Frères très aimés dans le Seigneur,




Soyez les bienvenus, vous qui êtes venus, au nom de l’Eglise soeur de Constantinople, pour prier et vous réjouir avec l’Eglise de Rome qui célèbre ses célestes patrons, les glorieux apôtres Pierre et Paul. Je vous remercie pour votre participation à notre fête, et je remercie en particulier Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios Ier et le saint Synode qui vous ont envoyés.

Les saints apôtres et martyrs Pierre et Paul «ont travaillé», chacun selon sa grâce, à rassembler l’unique famille du Christ; maintenant qu’ils sont unis dans une même gloire, ils reçoivent une même vénération [1]. Avec la grâce de Dieu, par le ministère apostolique qu’eux-mêmes et les autres apôtres nous ont transmis, nos Eglises ont mission d’appeler les hommes et les femmes de notre temps à entrer dans la famille du Christ, et elles vénèrent ensemble ceux qui leur ont légué une si grande responsabilité et un si précieux héritage. Dans cette réalité se trouve le sens profond des visites que l’Eglise de Constantinople et celle de Rome échangent à l’occasion de leurs fêtes patronales.

Votre présence, Eminence et chers Frères, évoque une autre visite, elle aussi riche de sens, de grâce et de promesses. Au mois de décembre dernier, j’avais la joie d’accueillir mon frère bien-aimé le Patriarche Dimitrios, accompagné de dignes métropolites de votre Eglise. Je garde dans mon coeur le vivant souvenir de cette rencontre fraternelle dans la foi et l’amour. Sa signification pour le présent et l’avenir ne doit pas être oubliée. J’espère de tout coeur que le peuple fidèle, et tout spécialement les évêques et les théologiens pour ce qui est de leur responsabilité et de leur compétence, sauront aider nos Eglises à approfondir la grâce qui a été donnée pour tous à cette occasion. La rencontre entre le Patriarche oecuménique et le Pape de Rome a été faite de prières, de conversations et de gestes qui ont exprimé l’état actuel de nos relations ecclésiales, ont rappelé que des difficultés sont encore à surmonter sur notre chemin vers la pleine communion, et ont voulu être un appel à l’espérance, à l’intercession et à l’engagement de tous les fidèles pour qu’arrive enfin le jour béni où nous pourrons célébrer à nouveau ensemble les sacrements du Seigneur.

Les évêques et les théologiens catholiques et orthodoxes qui ont été mandatés continuent d’assurer, pour leur part, l’apport nécessaire et indispensable du dialogue pour que nos Eglises puissent se retrouver dans une même communion de foi et d’amour. Grâce à Dieu, ce dialogue progresse positivement.

Le Cardinal Willebrands, rentré il y a deux jours de Valamo où a eu lieu la cinquième réunion plénière de la commission mixte internationale pour le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe, m’a donné la bonne nouvelle que les membres de la commission ont approuvé à l’unanimité un document commun sur «le sacrement de l’Ordre dans la structure sacramentelle de l’Eglise». Ils ont aussi déterminé le thème de la prochaine session de la commission. Le Cardinal Willebrands m’a également informé de l’atmosphère spirituelle qui a animé la rencontre, et de l’accueil généreux et fraternel réservé aux membres de la commission par l’Eglise orthodoxe de Finlande.

Remercions le Seigneur qui, par son Esprit, nous mène vers la réalisation de notre but tant désiré: la pleine unité entre orthodoxes et catholiques!

En cherchant à répondre toujours mieux à la volonté du Christ sur son Eglise, les catholiques et les orthodoxes ne se replient pas sur eux-mêmes. Ils reçoivent de Dieu «cette charité créatrice qui nous conduit à collaborer pour la justice et la paix, tant au niveau mondial qu’au niveau régional et local», comme le Patriarche Dimitrios et moi-même avons voulu le rappeler dans notre déclaration commune à l’issue de notre première rencontre.

Je voudrais, en terminant, ajouter que votre présence, Eminence, me rappelle une autre visite: celle que j’ai eu le bonheur de faire au Centre orthodoxe du Patriarcat oecuménique de Chambéry. Je vous exprime ma gratitude pour l’accueil cordial et l’atmosphère de prière et de fraternité qui ont marqué les instants de cette rencontre au Centre patriarcal, qui est aussi au service de toutes les Eglises orthodoxes préconciliaires, Secrétariat dont la responsabilité est confiée à Votre Eminence. En s’engageant dans la voie de l’expérience conciliaire, les Eglises orthodoxes s’ouvrent à la grâce de l’Esprit Saint qui rassemble et renouvelle sans cesse l’Eglise pour l’affermir dans la fidélité à la vérité révélée. Cette oeuvre de rénovation de l’Eglise, pour qu’elle réponde toujours mieux à sa vocation, touche les différentes formes de sa vie et contribue directement à la grande cause de l’unité des chrétiens. L’Eglise catholique suit avec espérance et intérêt les travaux des conférences panorthodoxes préconciliaires, et je vous assure de ma prière pour que se réalise le saint projet des Eglises orthodoxes.

Eminence et chers Frères, en ces jours de fête, nous sommes unis plus intensément par «la charité qui édifie» [2]. Puissions-nous la laisser porter des fruits en chacun d’entre nous et dans nos Eglises pour la gloire de Dieu et le bien de toute l’humanité!

[1] Praef. ad Missam SS. Petri et Pauli.
[2] 1Co 8,1.


Juillet 1988

VISITE OFFICIELLE DE SON ALTESSE EMINENTISSIME FRA ANDREW W. N. BERTIE, PRINCE ET GRAND MAÎTRE DE L'ORDRE SOUVERAIN MILITAIRE DE MALTE

Lundi, 4 juillet 1988


  Altesse Eminentissime,



1. A peu de temps de votre élection comme 78ème Grand Maître de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, je suis heureux de vous accueillir. Votre visite confirme en effet l’attachement constant manifesté par vos prédécesseurs au successeur de Pierre. Et je suis d’autant plus sensible à votre geste que l’Ordre entend conserver la haute inspiration de ses fondateurs dans le but premier d’être au service de la foi et d’aller secourir les malades et les pauvres.



2. Les Chevaliers et les Dames ont cette raison d’être de consacrer leurs temps, leurs forces, leur générosité à se porter aux devants de leurs frères blessés dans leur corps et leur esprit, afin de rejoindre l’attitude du Christ qui, à la surprise du monde, affirme avec force qu’il s’identifie avec les plus humbles. Vous gardez le beau nom d’«hospitaliers» qui suggère bien l’accueil respectueux que vous réservez à ceux que vous servez en des circonstances infiniment variées. Il me plaît de souligner l’effort consenti par les membres de l’Ordre pour donner au dévouement qu’ils déploient à travers les continents l’efficacité d’une organisation moderne avec une compétence sans cesse renouvelée.

Vous entendez en effet, dans la société de notre époque, des appels nombreux. Assurément, les traitements médicaux progressent et requièrent des moyens accrus. Mais, mieux que quiconque, vous savez que l’on ne peut s’en tenir à la seule technique médicale lorsqu’on désire soulager un homme ou une femme malade: soigner, cela implique une relation personnelle, un accompagnement affectif, cela demande fréquemment la libération de la solitude et de l’angoisse, cela exige toujours l’exercice d’une solidarité vraiment humaine qui laisse entrevoir la source divine de l’espérance.

Au-delà des problèmes proprement dits de la santé, qui demeurent de grande importance dans le monde, la participation aux activités d’une institution comme la vôtre vous confronte à toutes sortes de victimes dans la société, dans les sociétés diverses. Vous avez à rompre l’isolement grandissant de beaucoup de personnes âgées, vous contribuez à protéger la vie naissante si souvent menacée, vous rejoignez ceux qui restent au bord du chemin et se réfugient dans la toxicomanie, bien d’autres encore qui se trouvent de fait rejetés aux marges de la société et risquent de perdre leur dignité.



3. La présence de l’Ordre souverain dans de nombreux pays et son statut diplomatique vous confèrent de réelles responsabilités et vous permettent aussi d’être à l’écoute des hommes d’une manière originale. Vous êtes en mesure de faire souvent entendre votre voix dans une vie internationale où aucun effort n’est de trop pour faire entrer dans les relations des pays et des grandes régions le respect des droits et des devoirs humains. Vos représentants et vos institutions connaissent bien les multiples exigences du développement intégral de l’homme et les chemins qui restent à parcourir. L’exemple de votre dévouement aux lépreux n’épuise pas les formes de votre action dans le tiers-monde. Je sais pouvoir compter sur les Chevaliers de Saint-Jean pour mettre en oeuvre l’enseignement social de l’Eglise, notamment dans ce domaine du développement sur lequel la réflexion a été reprise récemment, vingt ans après la publication de l’encyclique «Populorum Progressio» du Pape Paul VI.



4. Par ces quelques réflexions, je désirais simplement, Altesse, exprimer le sens que revêt votre démarche. Le successeur de Pierre ne peut oublier l’emblème de l’Ordre qu’il vous revient désormais de gouverner. La Croix du Christ est pour vous plus qu’un signe d’identité. Elle rappelle aux membres de l’Ordre aussi bien qu’aux bénéficiaires et aux témoins de leur action que le salut de l’homme nous a été acquis par le sacrifice suprême du Rédempteur, par la révélation de l’immensité de l’amour divin. En encourageant les multiples engagements de charité qui sont les vôtres, je souhaite qu’y resplendisse en vérité la gloire de la Croix. Ainsi l’Ordre manifestera encore sa fidélité à l’Eglise, pénétrée de la présence du Christ et reflétant son visage au regard du monde.

Cette rencontre a lieu au cours de l’Année dédiée à la Vierge Marie, aussi est-ce vers elle que je me tourne pur lui confier votre personne, les personnes qui remplissent auprès de vous les hautes charges de l’Ordre, des Chevaliers et les Dames de Saint-Jean.

Et de grand coeur, je prie le Dieu tout-puissant de vous bénir.



AUX PÈLERINS VENUS À ROME POUR LA CANONISATION DE SIMÓN DE ROJAS ET DE ROSE PHILIPPINE DUCHESNE

Lundi, 4 juillet 1988




en espagnol et en anglais…
* * *


A vous aussi, chers pèlerins de langue française, vont mes salutations pleines de joie et de reconnaissance. Sainte Rose-Philippine Duchesne est née et a vécu presque cinquante ans sur la terre de France. Je salut cordialement sa famille humaine: les descendants des Duchesne-Perier sont venus nombreux avec les Religieuses du Sacré-Coeur de Mère Barat. Je me tourne aussi vers les diocésains de Grenoble, de Lyon, de Paris. En cette brève rencontre, il me tient à coeur de faire entendre – pour le bien de tous et de chacun – les appels toujours actuels qui jaillissent de l’admirable existence de la nouvelle sainte.

Avec elle, avançons plus résolument sur les chemins de la confiance sans borne dans le Seigneur. Partie en Amérique du Nord sans rien connaître des lieux et des populations à soulager et évangéliser, elle ne cessa de jeter tous ses soucis dans le coeur de Dieu. Son esprit de contemplation nous interpelle tout autant. Pendant trente-quatre ans d’activités intenses, remplies de préoccupations de toute sorte et non dépourvues d’échecs, elle s’appliqua à voir toute chose et toute personne avec le regard du Christ. Cette dimension spirituelle a-t-elle suffisamment de place dans nos existences débordées? Un autre signe de sainteté chez Mère Duchesne est à retenir et à imiter. Nous savons qu’elle connut la barrière des langues. Elle la contourna magnifiquement par le témoignage concret et quotidien de sa vie. Dans notre civilisation, qui porte facilement à user et abuser du discours, il est indispensable de vérifier souvent si notre existence habituelle est suffisamment silencieuse, transparente, bienfaisante dans son simple déroulement. Enfin, dans son action missionnaire, sainte Rose-Philippine, sans théoriser sur l’inculturation de l’Evangile, manifesta toujours un profond respect à l’égard des cultures rencontrées. N’est-ce pas une lumière et un encouragement pour l’Eglise contemporaine, pour les Instituts missionnaires? Que sainte Rose-Philippine Duchesne nous entraîne tous et chacun sur les chemins évangéliques qu’elle a ardemment suivis, afin que là où la Providence nous a fait signe de servir nous travaillions sans relâche à l’expansion du Règne de Notre Seigneur Jésus-Christ! Chers pèlerins de France, je vous bénis de tout coeur.



A UNE DÉLÉGATION DE L'ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE

Lundi, 4 juillet 1988


Monsieur le Vice-Président de l’Association des Journalistes Catholiques de Belgique,
Mesdames et Messieurs,

La ponctualité exemplaire de votre démarche traditionnelle est spécialement digne d’éloge. Chaque année, en effet, aux environs de la Saint-Pierre, vous avez à coeur de remettre au Pape en personne le fruit de la généreuse collecte effectuée parmi les lecteurs, mais également parmi les employés et les responsables des journaux catholiques de Belgique.

Sur les traces des générations qui vous ont précédés, vous avez su maintenir et développer cette collecte considérée comme «Denier de Saint-Pierre», que vous aimez aussi appeler “Etrennes pontificales”. Je suis bien conscient qu’une telle persévérance ne va pas sans esprit de créativité, sans engagements de responsables à divers niveaux et surtout sans un amour profond pour l’Eglise du Christ: attachement à son caractère spécifique d’Institution fondée par le Christ pour le salut de l’humanité, et conscience très éclairée des moyens, même matériels, indispensables au bon fonctionnement des organismes du Siège Apostolique.

C’est pourquoi, au nom de l’Eglise, je vous remercie de nouveau et de tout coeur. Vous saurez certainement, Monsieur le Vice-Président, Mesdames et Messieurs, répercuter au mieux la très grande reconnaissance du Pape auprès de ceux qui ont participé aux «Etrennes 1988». En souhaitant à tous et à chacun des donateurs la joie croissante d’aimer et de servir l’Eglise, je suis heureux de leur accorder une particulière Bénédiction Apostolique.

A vous, Monsieur le Vice-Président, Mesdames et Messieurs, ma vive gratitude pour votre visite réconfortante et pour tout le soin que vous mettez à relancer chaque année le fructueux «Denier de Saint-Pierre» au sein de la presse catholique de Belgique. Que le Seigneur vous comble de ses bénédictions!


AUX CAPITULAIRES DES CLERCS DE SAINT-VIATEUR

Lundi, 11 juillet 1988


Monsieur le Vicaire général,

Chers Clercs de Saint-Viateur,

1. Permettez-moi d’abord d’avoir une pensée et de formuler des voeux pour votre ancien Supérieur général, récemment nommé Evêque auxiliaire de Saint-Jean Longueuil au Canada. Quant à vous, je vous remercie pour votre visite profondément inspirée, je le sais, par votre attachement infrangible au Successeur de Pierre.

2. Depuis les débuts de sa fondation, le 3 novembre 1831, par le Père Louis Querbes, prêtre du diocèse de Lyon, et mise sous la protection de saint Viateur, clerc et lecteur exemplaire de l’Evêque saint Just, à la fin du IVe siècle, votre Congrégation religieuse apostolique s’est répandue en treize pays. On peut vraiment parler de la petite graine qui est devenue un grand arbre. Ensemble, rendons grâce au «Maître de l’impossible» pour tout le bon travail d’évangélisation déjà accompli depuis un siècle et demi, et toujours en expansion en Europe, en Afrique, en Amérique du Nord et du Sud, en Extrême-Orient.

3. Alors que vous achevez le vingt-cinquième chapitre général de votre histoire, je suis profondément heureux de vous confirmer dans votre vocation spécifique, comme je le fais pour tant d’autres Instituts. Aux lendemains de la révolution française, le Père Louis Querbes définissait ainsi le but de sa fondation: “L’enseignement de la doctrine chrétienne et le service des saints autels”.

Je vous félicite d’avoir, au cours de ce chapitre, approfondi et sagement formulé pour notre temps, ce que l’humble et ardent desservant de la paroisse de Vourles, au sud de Lyon, avait médité et proposé à ses disciples. Le souffle puissant et brûlant qui animait votre admirable fondateur était ignatien. Louis Querbes, à l’école de saint Ignace, fut et demeure pour vous un passionné de Jésus-Christ et de son Règne. C’est le secret de sa sensibilité extrême aux besoins de son temps. Toutes les époques de l’histoire connaissent des remous et des misères, et elles attendent des apôtres au coeur de feu. C’est bien ce contact personnel et communautaire avec le coeur du Christ qui donnera à votre mission de Clercs de Saint-Viateur son dynamisme, son esprit surnaturel, son efficacité.

4. Votre vocation spécifique, sereinement méditée et mise à jour pendant ce chapitre, est tout à fait d’actualité. Quoi de plus urgent que la présentation aux jeunes, à leurs familles, aux adultes des paroisses que vous avez en charge, d’un enseignement doctrinal solide, complet, exigeant, et véritablement montré comme la «Bonne Nouvelle» capable d’éclairer la vie de l’homme? Oui, soyez des catéchistes ardents, compétents et fidèles! Vous le savez, gémir sur les mutations de notre temps, n’est pas une solution. Il faut agir avec foi, audace et persévérance: tant de jeunes, d’adultes et de personnes âgées ne savent rien ou si peu du Christ et de l’Evangile! Beaucoup se contentent des nourritures terrestres, véhiculées abondamment par les moyens médiatiques, dont le contenu est trop souvent insignifiant, lorsqu’il n’est pas néfaste.

5. J’apprécie et j’encourage vos efforts incessants et compétents pour rejoindre le monde des jeunes, grâce aux écoles que vous tenez et aux paroisses que bien des Evêques vous ont confiées. J’admire également votre pastorale paroissiale: par tous ces jeunes regroupés pour l’enseignement doctrinal, vous tentez avec succès une approche des parents, heureux de refaire eux-mêmes un chemin de formation ou d’approfondissement religieux qu’ils n’avaient jamais pu faire. J’encourage tout autant vos préoccupations croissantes à l’égard des enfants défavorisés. Ils sont, hélas, nombreux dans le tiers-monde et même en Europe. Vous savez les accueillir dans vos écoles, dans vos centres d’hébergement, dans vos paroisses.

6. Enfin, votre Fondateur a transmis à ses fils son charisme pastoral et son amour de la foi célébrée avec le maximum de dignité et de ferveur. Vous accomplissez une oeuvre d’Eglise dont l’importance et le rayonnement ne sont pas à démontrer. Aimez lire, et méditer, et faire goûter à beaucoup la constitution «Sacrosanctum Concilium». Votre manière de célébrer peut et doit être une excellente catéchèse, à condition de bien harmoniser le respect des rites, la dignité des comportements, la participation bien préparée du peuple des baptisés. J’encourage votre zèle à instruire les jeunes sur la valeur irremplaçable du culte divin, sur ses richesses, sa beauté; à les faire coopérer aussi, à leur place, au déploiement de la célébration des mystères du Salut. La constitution et le développement de communautés de foi, parfaitement instruites et unanimement célébrantes, est un témoignage irremplaçable. Les chrétiens abandonnent les paroisses léthargiques, ils remplissent les églises dont le culte est d’une grande qualité et dignité.

7. Il est un point de vos réflexions en chapitre que je veux encore souligner. Déjà votre Fondateur avait eu le projet d’associer des laïcs à votre mission catéchétique et liturgique. A cette époque, la chose ne put se réaliser. La Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers a approuvé cette orientation dans vos statuts de 1978. Dans la clarté et la sagesse qui doivent présider à l’expansion de ce projet, je souhaite que de nombreux laïcs chrétiens, s’imprégnant de l’esprit de la famille des Clercs de Saint-Viateur, se lèvent pour coopérer à votre vie apostolique.

8. En somme, votre vingt-cinquième chapitre a été un excellent ressourcement à l’esprit du Père Louis Querbes. Avec vous j’espère et je souhaite qu’il donne un élan certain à l’évangélisation que vous accomplissez, pour votre part, dans le champ immense du Royaume de Dieu. Le Christ et l’Eglise vous disent à vous aussi: «N’ayez pas peur!». Avancez et entraînez de nouveaux compagnons d’apostolat, clercs et laïcs, sur les vastes chemins de la catéchèse, de la constitution de communautés de foi, scolaires et paroissiales, de la promotion d’une liturgie vraiment digne de Dieu et vraiment bénéfique aux baptisés, de l’approche accentuée des jeunes en général, des plus défavorisés en particulier.

Avec vous, chers Clercs de Saint-Viateur, je continuerai de porter ces objectifs de travail évangélique et ecclésial. Je vous demeure également uni dans la prière, spécialement avec l’espoir fondé de nouvelles et solides vocations.

Je vous bénis affectueusement, au nom du Seigneur, et cette bénédiction va vers tous les membres de la Congrégation et toutes les oeuvres qu’elle s’efforce de maintenir, d’animer ou de fonder. Que la sainte Mère du Christ, Reine des apôtres, vous accompagne Le Père Louis Querbes vous a montré à aimer Marie: lorsqu’il envoyait en mission de nouveaux Clercs, il les accompagnait toujours à Notre-Dame de Fourvière pour qu’ils remettent leur apostolat dans le coeur maternel de la Mère du Christ. Continuez cette belle et bienfaisante tradition!




Discours 1988 - Lundi, 13 juin 1988