Discours 1989 - Lundi, 3 avril 1989


À UN GROUPE DE PÈLERINS FRANÇAIS

Lundi, 3 avril 1989

  Chers amis,



En prenant les «Routes du Pèlerin», vous avez choisi de faire une première escale à Rome. Je suis heureux de vos accueillir à cette occasion et, en vous souhaitant à tous la bienvenue, j’adresse un salut cordial particulier aux responsables du Magazine «Le Pèlerin», que tout le monde, connaît depuis si longtemps!

Je vous souhaite de parcourir votre itinéraire dans la joie du temps de Pâques. Ici, vous venez au tombeau de Pierre, le premier des Apôtres et le témoin insigne de la Résurrection dont il a lancé la nouvelle qui retentit à travers le monde aujourd’hui comme hier; vous irez aussi au tombeau de Paul, lui que la manifestation du Ressuscité a bouleversé au point d’en faire le plus ardent des Apôtres, sur les routes de la Méditerranée, pour la conversion des païens. A leur suite, des témoins – des martyrs – nombreux ont marqué l’histoire de cette Ville. Par le don de leur vie, ils ont étendu encore le rayonnement de l’Eglise de Rome, devenue le centre de l’unité et de la communion entre toutes les Eglises locales fondées travers le monde.

Que ces sources anciennes de la foi, attestées ici, et le rayonnement de l’Eglise de Rome aujourd’hui soient un appui et un enrichissement pour affermir votre sens ecclésial!

Votre route de pèlerins vous conduira ensuite vers d’autres sanctuaires. A Fatima et, en dernier lieu à Lourdes, c’est la présence de la Mère fidèle que vous allez honorer. Marie, en ces jours, nous l’évoquons unie dans la prière au groupe des disciples dans le Cénacle. Nous nous rappelons que la Mère du Rédempteur est devenue notre Mère à tous au pied de la Croix, qu’elle demeure celle qui nous précède dans le pèlerinage de la foi, comme j’aime à le dire en m’inspirant du Concile Vatican II. Puisse-t-elle, dans sa médiation maternelle, éclairer la route de votre vie, la route de toute l’Eglise!

Vous vous rendrez aussi à Saint-Jacques-de-Compostelle, autre haut lieu de l’évangélisation du continent européen, non seulement en raison du souvenir de l’Apôtre, mais aussi parce qu’à son tombeau ont convergé pendant des siècles des pèlerins venus de tout le continent. En parcourant les routes de Compostelle, ils étaient les témoins d’une recherche ardente du sens de la vie et de son inspiration évangélique, de la vérité du salut. Leur démarche établissait comme un lien visible entre les communautés qu’ils rencontraient.

Aujourd’hui, vous le savez, Compostelle demeure un symbole des sources chrétiennes qui ont irrigué toute l’Europe. Et, bientôt, j’y retrouverai des garçons et des filles venus de toutes les régions du monde. Je vous demande de prier là-bas pour que les jeunes qui se rassembleront au mois d’août deviennent à leur tour, comme saint Jacques, des disciples du Seigneur, pour que cette génération qui ouvrira le troisième millénaire soit marquée du sceau de la foi dans le salut de l’homme, pour qu’elle contribue à la beauté et à la dignité de la famille humaine, pour qu’elle soit généreuse et pure dans l’expérience de l’amour qui est à la fois le don et le commandement de Dieu.

Notre rencontre ne peut être que brève, vous le comprendrez. C’est en vous confiant ces intentions que je vous laisse poursuivre votre pèlerinage. Que les Apôtres du Seigneur, les martyrs et les saints soient vos compagnons! Que Marie, la Mère admirable, vous aide à méditer les paroles du Seigneur et vous dispose à de nouveaux services! Et que la Bénédiction de Dieu descende sur vous!





AUX MEMBRES DE LA COMMISSION PONTIFICALE BIBLIQUE

Vendredi, 7 avril 1989

  Monsieur le Cardinal,
Chers Amis,



Je remercie de tout coeur Monsieur le Cardinal Ratzinger pour les paroles aimables qu’il vient de m’adresser en me présentant la Commission Biblique, actuellement réunie à Rome pour étudier une nouvelle question. J’exprime aussi ma gratitude particulière à Monsieur Henri Cazelles, prêtre de Saint-Sulpice, diligent Secrétaire de la Commission, ainsi qu’à tous les membres venus ici des quatre coins du monde, pour leur disponibilité à mettre leurs diverses compétences au service d’une recherche commune.

Le thème de cette recherche est d’une importance vitale pour l’Eglise entière, puisqu’il s’agit de l’herméneutique biblique au regard des méthodes historiques et critiques. Le Concile nous a rappelé que toute la prédication de l’Eglise doit être «nourrie et régie par la Sainte Ecriture» [1]. La première question qui se pose est donc celle que les Actes des Apôtres expriment dans l’épisode de l’Ethiopien, à qui Philippe demandait: «Comprends-tu ce que tu lis?» [2]. L’Ethiopien avait besoin d’une interprétation. Une interprétation ne peut se faire sans méthode.

Votre Président vient d’évoquer la multiplicité des méthodes qui sont proposées de nos jours aux exégètes. Le fait n’est pas nouveau. Dès l’âge patristique, diverses écoles exégétiques se distinguaient précisément en fonction de leurs méthodes d’interprétation et elles donnaient ainsi à la Sainte Ecriture des éclairages complémentaires. Si le grand nombre des méthodes peut donner parfois l’impression d’une certaine confusion, il présente cependant l’avantage de mieux faire apparaître la richesse inépuisable de la Parole de Dieu.

Il est vrai que, plus d’une fois, certaines méthodes d’interprétation ont paru constituer un danger pour la foi, parce qu’elles ont été utilisées par des interprètes incroyants, dans l’intention de soumettre les affirmations de l’Ecriture à une critique destructrice. En pareil cas, il est nécessaire d’établir une claire distinction entre la méthode elle-même qui, si elle correspond aux exigences authentiques de l’esprit humain, contribuera à l’enrichissement des connaissances, et, d’autre part, des présupposés contestables – de type rationaliste, idéaliste ou matérialiste – qui peuvent peser sur l’interprétation et l’invalider. L’exégète éclairé par la foi ne peut, évidemment, adopter de tels présupposés, mais il n’en pourra pas moins tirer profit de la méthode. Dès l’Ancien Testament, le Peuple de Dieu a été encouragé à «s’enrichir des dépouilles des Egyptiens»!

Toute méthode a ses limites. Il est indispensable de les reconnaître. Cela fait partie de l’esprit scientifique, qui se distingue par là du scientisme. S’il a vraiment l’esprit scientifique, l’exégète croyant sera conscient de la valeur relative des résultats de ses recherches, et sa modestie, loin de nuire au rayonnement de son oeuvre, en garantira l’authenticité.

Dans l’Eglise, toutes les méthodes doivent être, directement ou indirectement, au service de l’évangélisation. Ces derniers temps, on a entendu bien des chrétiens se plaindre de ce que l’exégèse était devenue un art raffiné, sans rapport avec la vie du Peuple de Dieu. Cette plainte peut évidemment être contestée; en bien des cas, elle n’est pas justifiée. Il y a lieu, cependant, d’y être attentif. La fidélité même à sa tâche d’interprétation exige de l’exégète qu’il ne se contente pas d’étudier des aspects secondaires des textes bibliques, mais qu’il mette bien en valeur leur message principal, qui est un message religieux, un appel à la conversion et une bonne nouvelle de salut, capable de transformer chaque personne et la société humaine tout entière, en l’introduisant dans la communion divine.

Le soir de Pâques, en se manifestant à ses disciples, Jésus «leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Ecritures»[3]. Je vous souhaite la même grâce, afin que votre travail soit d’une grande fécondité pour l’Eglise et pour le monde. Dans cette intention, je vous donne de grand coeur ma Bénédiction Apostolique.

[1] Const. Dei Verbum, DV 21.
[2] Ac 8,30.
[3] Lc 24,45.


A UN GROUPE DE JEUNES PÈLERINS FRANÇAIS DU DIOCÈSE DE QUIMPER

Vendredi, 7 avril 1989




Cher Monseigneur,
Chers amis,

C’est avec plaisir que je vous accueille ici, à l’occasion de votre pèlerinage à Assise et à Rome. Et il m’est particulièrement agréable d’avoir cette occasion de saluer Monseigneur Francis Barbu, au milieu de ses jeunes diocésains, alors qu’il s’apprête à conclure un long et fécond ministère pastoral à Quimper, en transmettant sa charge à son coadjuteur, Mgr Clément Guillon.

Chers jeunes, en venant dans cette ville, vous venez comme à une double source: la source que représente le témoignage des Apôtres fondateurs de l’Eglise du Christ, puis des martyrs et des saints dont Rome garde vivante, plus encore que le souvenir, la présence; – et l’autre source, si je puis dire, c’est tout ce qu’apporte à l’Eglise la rencontre des chrétiens venus des quatre coins du monde: les pèlerins, ceux qui étudient, et ceux qui travaillent avec moi pour le service de tous. J’espère que vous garderez de vos journées à Rome non seulement le souvenir de belles découvertes, mais une image plus riche de l’Eglise.

Et je souhaite qu’à partir de cette espérance d’un moment privilégié, vous soyez d’autant plus généreux pour fortifier et approfondir votre foi, pour développer votre témoignage de chrétiens sur toutes les routes que vous commencez à parcourir, pour prendre votre part de responsabilité dans la vie de la communauté ecclésiale dans votre diocèse de Quimper.

Je laisse à Mgr Barbu, aux prêtres et aux responsables de vos groupes le soin de prolonger concrètement ces encouragements. Dans notre rencontre forcément brève, je tiens encore à saluer parmi vous ceux qui se préparent au sacerdoce, en les assurant que cette forme de service de l’Eglise, même si elle demande un grand désintéressement, leur donnera une vraie joie.

A vous tous, je souhaite de savoir bâtir un avenir heureux, quelle que soit la voie sur laquelle le Seigneur vous appelle à le suivre.

Et, avec vous, je rends grâce pour ce que Mgr Barbu a apporté à votre diocèse au cours de ses années d’épiscopat. Je lui souhaite une retraite heureuse, en sachant qu’il vous reste fidèle et qu’il continuera de servir le Seigneur. Et je vous charge d’apporter mon salut et mes voeux à Mgr Guillon qui assumera prochainement la pleine responsabilité de l’Eglise à Quimper.

En vous disant à tous: bonne route! Je demande de tout coeur au Seigneur de vous bénir.



AUX ÉVÊQUES DU BURUNDI EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Mardi, 25 avril 1989

  Chers Frères dans l’épiscopat,



1. C’est avec beaucoup de joie que je vous accueille en ces lieux à l’occasion de votre visite «ad limina», et je remercie vivement Monseigneur Evariste Ngoyagoye, Evêque de Bubanza et Président de la Conférence des évêques catholiques du Burundi, de l’adresse très aimable qu’il ma présentée en votre nom.

Votre venue à Rome revêt d’abord une signification sacrée sous son aspect de pèlerinage aux tombeaux des saints Pierre et Paul, pasteurs et colonnes de l’Eglise romaine. Elle a également une signification personnelle puisque chaque évêque rencontre le successeur de Pierre et lui parle en tête à tête. Enfin, elle comporte un aspect de travail en commun par le fait que les visiteurs s’entretiennent aussi avec les membres de la Curie romaine, cet ensemble étroitement lié au Pape pour son ministère au service de l’Eglise universelle.

Notre rencontre quinquennale est motivée par le souci pastoral que nous portons ensemble, puisque le soin d’annoncer l’Evangile par toute la terre revient au collège épiscopal tout entier. Je souhaite que la visite «ad limina», qui exprime concrètement votre communion avec l’Evêque de Rome dans la catholicité de l’Eglise, permette à chacun d’entre vous de se renouveler efficacement pour un service toujours plus qualifié du cher Peuple de Dieu au Burundi, que vous aimez de tout votre coeur d’évêques.



2. Je voudrais maintenant vous proposer quelques réflexions pour vous stimuler dans votre travail apostolique au sein de vos communautés jeunes, vigoureuses, pleines de promesses, et qui ont bénéficié de l’apport précieux de missionnaires, dont le dynamisme, l’esprit de sacrifice et le dévouement à la cause du Royaume sont toujours en notre mémoire.

En cette circonstance, je désire aussi exprimer ma gratitude aux évêques et aux prêtres de votre terre natale qui, aux côtés des missionnaires, ont contribué à faire grandir l’Eglise au Burundi. Voici exactement trente ans qu’était érigée la province ecclésiastique de Gitega et qu’était nommé le premier évêque autochtone, Monseigneur Michel Ntuyahaga: je lui adresse mon salut cordial ainsi qu’au cher Monseigneur André Makarakiza. Dieu veuille bénir ces Frères vénérés pour leur généreux dévouement à la cause de l’Evangile!

Dans un passé encore récent, des événements particulièrement douloureux, de caractère ethnique, ont meurtri vos communautés ecclésiales et votre pays bien-aimé. Comme vous l’avez dit vous-mêmes, il y a là un problème qui affecte tant la société que l’Eglise, et qui touche profondément la dignité de la personne humaine, ses droits fondamentaux et les exigences les plus radicales de justice. C’est pour ainsi dire la marque même du disciple du Christ qui est en cause, quand on pense à cette parole du Seigneur: «Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres» [1].

Votre peuple ne manque ni de ressources ni d’énergie morale pour une réconciliation fraternelle et une participation commune à l’édification d’un avenir serein. Assurément, pour parvenir à vivre en frères dans le Burundi d’aujourd’hui et de demain, il faut faire preuve de patience en même temps que de détermination. Cependant, les efforts déployés et les initiatives concrètes qui ont été prises permettent d’avoir confiance et méritent d’être encouragés et soutenus avec conviction. Que chaque fils et chaque fille de votre pays poursuivent ce but dans un engagement de tous les jours! Que l’Eglise investisse sa grande force spirituelle dans cette oeuvre évangélique de la conversion du coeur!

Le temps pascal, que nous vivons, nous rappelle ce fruit extraordinaire de la victoire du Christ sur les divisions des hommes; saint Paul nous le répète: «Vous êtes tous fils de Dieu par la foi au Christ Jésus. Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ: il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus» [2].

Chers Frères, travaillez sans relâche à la cause de l’unité et de la paix. Que prêtres et évêques vivent en véritables frères pour mieux assumer leur mission de rassembleurs autour du Christ! Que leur témoignage galvanise le laïcat, qui a besoin d’être accompagné par des pasteurs animés d’esprit de réconciliation, de dialogue et d’unité! Dans la prière et la communion des saints, que la mémoire des prêtres, des fidèles, de tous ceux qui ont été, dans le passé, victimes des combats fratricides vous encourage et vous assiste sur la voie de la pacification! Enfin, que tout homme de bonne volonté trouve auprès de vous, auprès de vos collaborateurs et auprès des fidèles d’authentiques artisans de paix, dans la justice!



3. Dans votre désir de contribuer à l’édification de la société burundaise, il est aussi pour vous une autre préoccupation pressante: la famille.

La solidité de la communauté familiale est une des richesses traditionnelles de la société burundaise. Il vous faut revitaliser cette cellule de base et lui «réserver une sollicitude privilégiée, chaque fois surtout que l’égoïsme, les campagnes contre la natalité et aussi les conditions de pauvreté et de misère physique, culturelle et morale... tarissent les sources de la vie» [3]. Pour les fidèles, le couple et la famille constituent également le premier espace de leur engagement de chrétiens, dans la conviction de la valeur unique et irremplaçable de la famille pour le développement de la société et de l’Eglise. Berceau de la vie et de l’amour, la famille est aussi le lieu où se fait entendre aux jeunes le premier appel à la mission: soit comme laïcs engagés, soit comme personnes consacrées à Dieu dans la vie religieuse, soit comme prêtres au service du Peuple de Dieu.



4. L’assemblée générale du Synode des Evêques de 1987 s’est penchée sur la vocation et la mission des fidèles laïcs, et l’exhortation post-synodale Christifideles Laici a relevé l’appel que Dieu lance à son Peuple à grandir, à mûrir sans cesse et à porter du fruit. Après avoir décrit la formation chrétienne comme un processus personnel de maturation dans la foi et de ressemblance au Christ, selon la volonté du Père, sous la conduite de l’Esprit Saint (les Pères du Synode ont clairement affirmé que «la formation des fidèles laïcs doit se situer parmi les priorités du diocèse et trouver sa place dans les programmes d’action pastorale, de sorte que tous les efforts de la communauté (prêtres, laïcs, religieux) convergent à cette fin» [4].

Dans le sillage du Synode, invitez les laïcs à approfondir toujours plus les richesses de la foi et à en vivre. Ayez à coeur de reconnaître, de promouvoir les charismes des baptisés et d’encourager les fidèles à collaborer avec plus de vigueur et d’une façon plus responsable à l’évangélisation des réalités temporelles.

Quant aux jeunes, si nombreux dans votre pays, ils seront l’objet d’une sollicitude pastorale accrue. Ils ont à faire face à des difficultés qui, souvent, les bouleversent. Ils ont besoin d’être soutenus et guidés dans la préparation de leur avenir, afin qu’ils apportent, par leur engagement chrétien, une contribution généreuse au développement de la société. Egalement, on les aidera à découvrir le rôle original qu’ils ont à jouer dans la nouvelle évangélisation du Burundi.

Dans le cadre de la formation d’un laïcat capable de prendre ses responsabilités, il est un ministère qui réclame votre attention: la pastorale des élites intellectuelles et sociales du pays. N’hésitez pas à mettre à la disposition de ces élites les prêtres compétents et les moyens de formation qu’elles souhaiteraient avoir. Invitez-les à s’engager activement dans la vie de leur paroisse. Encouragez-les à apporter les valeurs évangéliques au coeur des grands débats qui mettent en cause l’avenir du Burundi, comme aussi dans les services quotidiens qu’ils sont appelés à rendre, avec honnêteté, sens de la responsabilité et du dévouement au bien commun, dans les domaines de l’éducation, de l’administration et de l’information.



5. Le Seigneur a toujours béni le Burundi en lui faisant don de vocations sacerdotales et religieuses, même durant les temps d’épreuves qu’a récemment traversés votre Eglise. La diminution du nombre des ouvriers de l’évangélisation a encouragé les agents pastoraux qui restaient, prêtres, religieux, religieuses et catéchistes, à redoubler d’efforts dans le travail apostolique. Les sacrifices endurés alors courageusement par vos communautés ont aussi conduit à la redécouverte de l’Eucharistie, de la prière en famille, de la dévotion à la Vierge, favorisant ainsi l’éclosion des vocations.

Je vous confie le soin de transmettre mes encouragements affectueux aux jeunes qui se forment dans les séminaires. Qu’ils soient des passionnés de Jésus-Christ et, en imitant l’ardeur missionnaire de leurs aînés, qu’ils se préparent à être les dispensateurs des dons de Dieu avec un coeur ouvert à tous!

Je voudrais vous inviter, en même temps, à veiller à la formation permanente de votre clergé. Sa besogne est devenue plus pesant en raison de la diminution du nombre des missionnaires – diminution passagère, je l’espère. Offrez aux prêtres les moyens d’approfondir leur vie spirituelle, de sorte que, découvrant toujours avec plus de joie la beauté de leur vocation, dans l’esprit des béatitudes, ils renouvellent le dynamisme de leur engagement apostolique.



6. Enfin, chers Frères, à la veille de l’an deux mille, vous souhaitez donner un nouvel élan à l’évangélisation du Burundi et, dans ce but, il sera utile d’élaborer un plan pastoral pour mettre en relief les priorités de l’action. Je vous encourage d’autant plus volontiers dans ce grand dessein que pour l’Eglise au Burundi il y a une motivation supplémentaire: le jubilé du bimillénaire de la naissance du Christ sera précédé de peu par le centenaire de l’évangélisation du pays. C’est en effet en 1898 que le signe de la Rédemption a été planté sur le sol burundais; et l’année suivante, a été fondée sur la colline de Mugera, dédiée à la Vierge Marie, la première communauté chrétienne de vos pères dans la foi.

En vue de ces commémorations grandioses, faites appel à l’énergie missionnaire des prêtres, des religieux, des religieuses, des catéchistes, des parents, des jeunes et des malades. C’est aux agents de pastorale burundais qu’il appartient aujourd’hui, en premier lieu, d’évangéliser le pays, d’annoncer le Christ à ceux qui ne le connaissent pas encore ou le connaissent mal: chez eux, mais aussi hors de chez eux, car dans d’autres pays d’Afrique déjà la jeune Eglise burundaise prend généreusement sa part de labeur pour l’avènement du Règne de Dieu.

Soyez des guides avertis et enthousiastes dans le nécessaire processus d’inculturation de l’Evangile pour faire pénétrer le message du Christ dans votre milieu socio-culturel. La Bonne Nouvelle peut trouver un terrain particulièrement favorable dans certaines valeurs locales éprouvées. «L’inculturation est l’incarnation de l’Evangile dans les cultures autochtones et, en même temps, l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Eglise» [5]. Cela veut donc dire croissance, enrichissement mutuel des personnes et des groupes, du fait de la rencontre vivifiante avec l’Evangile.


7. Que Marie, à qui votre belle patrie a été consacrée depuis la veille de l’indépendance et que vos fidèles vénèrent avec tant d’amour, vous vienne en aide dans votre cheminement! De grand coeur, je vous bénis ainsi que chacune de vos communautés diocésaines.

[1] Jn 13,35.
[2] Ga 3,26-28.
[3] Christifideles Laici, CL 40.
[4] Ibid., CL 57.
[5] Enc. Slavorum Apostoli, 21.




AUX PARTICIPANTS AU PÈLERINAGE FRANÇAIS DE «LA CROIX DU NORD»

Mardi, 25 avil 1989

  Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,



1. C’est pour moi une grande joie de vous accueillir même brièvement. Tout d’abord, je vous félicite d’avoir tenu à célébrer le centenaire de «La Croix du Nord» par un pèlerinage au coeur de l’Eglise. C’est bien pour elle – à travers les chrétiens de Cambrai, Lille et Arras – que vous oeuvrez dans l’unité et la complémentarité de vos responsabilités. Les pionniers et les continuateurs de ce journal régional maintenant centenaire se réjouissent certainement quoique invisiblement de votre démarche romaine. Avec eux, en quelque sorte, je voudrais vous encourager chaleureusement.

2. Dans le foisonnement des publications écrites ou des informations radio-télévisées, qui s’en tiennent à la neutralité religieuse, veillez lucidement à l’identité de «La Croix du Nord-Magazine». Ce journal régional est né catholique et doit le demeurer. C’est là son originalité. Catholique, cela veut dire que cet hebdomadaire, tout en rejetant le moindre sectarisme, ne peut jamais omettre de défendre et de promouvoir les valeurs humaines et chrétiennes où la foi de l’Eglise est engagée. Cela signifie aussi que «La Croix du Nord» se veut en communion avec l’Eglise, en liens confiants et loyaux avec vos Evêques de Cambrai, Lille et Arras. Ici, je touche d’un mot à la participation des lecteurs: il est souhaitable que leur apport repose sur une connaissance objective des problèmes et soit marqué par le respect des personnes, comme par le sens des nuances.

3. Permettez-moi encore de vous encourager sur un point fondamental, que fait certainement l’objet de vos préoccupations. Que «La Croix du Nord» continue d’aider ses lecteurs à se faire une opinion aussi juste que possible des événements régionaux, nationaux, internationaux. Pour un journal catholique, il n’y a pas de faits «divers». Toute action humaine manifeste le respect de la personne, des groupes sociaux, ou le scandale de leur oppression, les misères de leur déchéance. Sans faire de votre journal une chaire de prédication, il vous est impossible de dissocier la vie sociale et l’inspiration chrétienne. Dieu est présent là où les hommes vivent. La Croix a été plantée sur notre terre. L’événement de la Résurrection est un événement de l’histoire, même s’il la transcende. Ces deux événement donnent aux croyants et proposent aux hommes de bonne volonté une vue profonde des choses et entraînent vers la sainteté.

Chers amis, votre service journalistique de la Région Nord de la France peut vous apparaître modeste à côté de certains moyens plus puissants. En réalité, l’impact de votre journal, immédiatement ou à échéance, peut être grand. La clef de cet impact est dans la qualité de votre collaboration à la réflexion, à la rédaction, à la diffusion de la «Croix du Nord», en dialogue avec vos Evêques, certainement heureux de voir telle rubrique ou telle colonne de ce journal accueillir leur enseignement ou leurs interventions ponctuelles, afin que ces lumières atteignent un public plus large que celui de Bulletins diocésains.

4. J’achève cet entretien en vous reportant aux réflexions exprimées dans mon dernier message pour la Journée mondiale des communications sociales: «La question posée aujourd’hui à l’Eglise n’est plus de savoir si l’homme de la rue peut encore percevoir un message religieux, mais celle de trouver les meilleurs langages de communication, qui lui permettront de donner tour son impact au message évangélique». Dans cette ferme et joyeuse espérance, je bénis de tour coeur vos personnes, votre travail délicat et irremplaçable, et tous les lecteurs de «La Croix du Nord».



VOYAGE APOSTOLIQUE À MADAGASCAR, LA RÉUNION, ZAMBIE ET MALAWI


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport «Ivato» d'Antananarivo, Vendredi 28 avril 1989

  Monsieur le Président,



1. Je remercie Votre Excellence des paroles de bienvenue par lesquelles Elle m’accueille sur le sol de Madagascar. En votre personne, je suis heureux de saluer très cordialement toute la nation malgache dont vous avez la charge d’incarner la souveraineté et de diriger la vie publique, en un temps où la croissance de ce peuple rencontre des difficultés de tous ordres dans le monde actuel. Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à toutes les personnalités gouvernementales et aux autorités régionales qui ont tenu à participer à cette cérémonie d’accueil.

De grand coeur, au moment de ce premier contact, je souhaite aux Malgaches un progrès constant sur le plan spirituel et moral comme sur le plan économique et social, pour qu’ils voient satisfaites leurs attentes et pour qu’ils connaissent tous la prospérité et la paix. Les nobles traditions de ce peuple et sa culture ancestrale sont les gages de sa cohésion et de ses aptitudes à affirmer la personnalité originale du pays dans le concert des nations, tout en mettant en valeur les précieuses ressources humaines et physiques de la Grande Ile.



2. Avant tout, ma venue sur cette terre a une portée pastorale. Comme Evêque de Rome, ayant reçu la charge de veiller à l’unité de l’Eglise catholique, je désire rencontrer, à son invitation, l’Eglise qui est à Madagascar. Je salue avec affection ses Pasteurs présents ici, Monsieur le Cardinal Victor Razafimahatratra, Archevêque d’Antananarivo, et Monseigneur Albert Tsiahoana, Président de la Conférence épiscopale, ainsi que les évêques et les personnalités religieuses qui les accompagnent.

Avec les fidèles malgaches, nous allons nous unir dans la prière, dans la profession de la foi au Christ, dans le témoignage évangélique. Et je viens affermir mes frères dans la foi, comme le Seigneur en a donné mission à l’Apôtre Pierre. Il y a bien plus d’un siècle à présent, l’annonce de l’Evangile a été inaugurée par les missionnaires venus d’Europe; ils sont encore nombreux aujourd’hui à servir l’Eglise dans ce pays. Ils ont fondé une communauté catholique qui a vite montré son propre dynamisme et sa générosité. Très tôt, certains de ses fils et de ses filles ont répondu à l’appel du Seigneur pour être religieux, religieuses ou prêtres; ils ont permis d’affermir la communauté, de désigner des Pasteurs en fondant des diocèses structurés, de prendre à leur compte la mission ecclésiale avec l’ensemble des baptisés.

Dans cette Eglise, c’est une grande joie pour moi de célébrer ici la première béatification d’une fille de cette terre, Victoire Rasoamanarivo, chrétienne laïque exemplaire, vénérée par ses frères et soeurs comme modèle et inspiratrice pour la foi et la foi et la charité, pour la participation active et responsable de tous à l’animation de la communauté.


3. En arrivant dans la Grande Ile, je vais aussi à la rencontre de chrétiens appartenant à d’autres communautés ecclésiales qui entretiennent des relations amicales et ouvertes avec les catholiques. Dès maintenant, je souhaite les saluer et les assurer que je viens dans un esprit de dialogue, de recherche de la vérité, d’action de grâce pour le baptême et la foi qui déjà nous unissent. La coopération des chrétiens dans plusieurs domaines montre qu’une fraternité vivante se construit. J’en vois un signe éloquent dans la très ancienne traduction de la Bible, qui a permis aux Malgaches l’accès au message chrétien dans leur langue et qui est saluée comme un événement culturel et spirituel remarquable de votre histoire.

Le souci du bien-être, de l’épanouissement et de la dignité de l’homme me rend proche aussi des membres de ce peuple qui n’ont pas adhéré à la foi chrétienne. Qu’ils soient assurés de mon respect pour leurs convictions de conscience et de mon estime pour leur bonne volonté et leur tolérance, dans un pays qui s’efforce de promouvoir une pleine liberté religieuse.



4. L’Eglise catholique, pour sa part, souhaite apporter la contribution la plus active au bien de toute la nation. Les évêques de ce pays ont engagé tous leurs frères à travailler avec détermination dans le champ du redressement national; j’encourage volontiers ces orientations qui vont dans le sens de ce que les premiers chrétiens sur votre terre ont cherché à réaliser.

En particulier, ils participent avec dévouement à l’éducation de la jeunesse, nombreuse et dynamique, parfois inquiète dans son désir de réussir son entrée dans la vie active avec les meilleurs atouts. Pour la formation professionnelle comme pour soutenir une bonne maturité morale et spirituelle, les écoles chrétiennes espèrent rendre un véritable service à la nation.

Dans la droite ligne de l’esprit évangélique, les chrétiens tiennent aussi à se consacrer au soin des malades et au soutien des plus pauvres, des plus délaissés de leurs frères. Je sais que leur désintéressement et leur efficacité dans ces domaines sont reconnus, et je souhaite qu’ils poursuivent généreusement ces actions.



5. Monsieur le Président, au moment où vous accueillez le successeur de Pierre sur votre terre au nom de vos compatriotes, je tiens à exprimer de nouveau mon estime et mes voeux pour le peuple de ce pays. Je viens animé de confiance et d’espérance. Je souhaite profondément que ma visite pastorale soit utile à votre pays. Je la conçois comme un service rendu à l’Eglise à Madagascar, pour fortifier la vocation qui est la sienne de réaliser la communion et de contribuer à la solidarité de tout le peuple, suivant le thème qu’elle a proposé pour ces journées.

Je vous remercie vivement des dispositions que vous avez prises pour faciliter ma visite et, vous redisant ma gratitude pour votre bienvenue, je prie le Dieu Tout-Puissant de bénir ceux que leurs responsabilités ont mis au service de la nation et d’accorder ses bienfaits à tous les Malgaches.



RENCONTRE AVEC LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS AU STADE MUNICIPAL «ALAROBIA»

Antananarivo (Madagascar) Samedi, 29 avril 1989

 
Première partie




1. Manào ahoana ianarèo rehètra?


Chers jeunes de toutes les régions de Madagascar, je vous remercie de votre accueil: Je suis heureux de cette rencontre au premier jour de ma visite dans votre beau pays. Vous représentez toutes les régions de la Grande Ile; quand je vous vois et quand je vous entends, j’ai le sentiment de percevoir la vitalité d’un peuple et je trouve dans votre enthousiasme beaucoup de motifs de confiance et d’espérance.

Merci à votre Président de ses paroles de bienvenue et de sa présentation de la jeunesse malgache. Le tableau qu’il a dressé comporte des aspects assez sombres: vous êtes aux prises avec toutes sortes de difficultés, aussi bien dans la société que dans la manière dont chacun conduit sa vie. Il est bon d’être lucide; il est nécessaire de bien regarder ce qui ne va pas, pourquoi cela ne va pas. Il faut savoir quel usage on fait de sa liberté. Il faut trouver les points d’appui de sa personnalité. Et, comme vous l’avez dit, il faut donner sa foi à celui qui éclaire toute la route et qui appelle la famille humaine à l’unité: «Jésus-Christ, le Seigneur, ton aîné, lui qui est chemin et vérité, te donnera la vie».

Si j’ai bien suivi votre coeur parlé, vous êtes sans illusionnes sur les tentations et les faiblesses qui vous guettent; mais vous savez aussi que votre baptême vous a liés au Christ pour entrer dans la communion de l’Eglise et y entraîner vos frères.

Alors je me demande même si, dans vos présentations, vous n’avez pas un peu oublié de dire vos qualités, vos réussites et toutes vos ressources! Parce que je ne vous vois pas comme une pirogue à la dérive! Je pense à la pirogue traditionnelle des pêcheurs malgaches: elle avance portée sur les eux profondes et les courants qui viennent des richesses ancestrales. Le vent de l’Esprit gonfle sa voile, dans le soleil de justice qui est le Christ. Votre pirogue s’équilibre aussi avec le balancier de tout ce que vous apprenez dans votre formation; ensemble, vous constituez un équipage et vous dirigez la navigation. Vous pouvez éviter les écueils. Vous pouvez jeter les filets. Vous pêcherez les produits de la mer. Et le Christ, vivant parmi nous depuis le matin de Pâques, vous appelle pour que vous deveniez des pêcheurs d’hommes!



2. Vous m’avez dit que ma venue devait vous apporter un peu plus d’espoir, d’amour et de foi. Avec la grâce de Dieu, je voudrais être ce messager. Je veux dire que ma mission, c’est de vous interpeller: jeune Malgache, découvre en toi-même les richesses du don de Dieu! Entends par ma voix le Christ, ton Aîné: il est le bon berger qui connaît ses brebis et qui a livré sa vie pour les sauver du mal et du mensonge, pour les détourner des fausses pistes et les empêcher de tomber dans le vide.

La vie, tu l’as reçue de ton Créateur par tes parents, en même temps que la force de ton esprit et l’habileté de tes mains. Maintenant, c’est toi qui dois forger ta personnalité. Tu ne manques pas de guides. Sois persévérant, sois toujours franc; sois loyal, digne de la confiance de tes aînés, de tes camarades, des plus jeunes qui te suivent! Tu sais bien que si tu veux tout recevoir sans donner le meilleur de toi-même, tu ne seras pas heureux. L’apprentissage et l’étude ne te donneront satisfaction que par ta ferme application.

Respecte ton corps, ne risque pas, par inconscience, la maladie ou l’accident. Ne te laisse pas aller aux satisfactions sans lendemains de l’alcool ou de la drogue, ils te réduiraient en esclavage.

Au fond de toi-même, écoute ta conscience qui t’appelle à être pur: il est sérieux de s’engager dans le mariage, c’est une fondation pour un édifice solide. Un foyer ne peut s’alimenter au feu du plaisir qui brûle vite comme une poignée d’herbe sèche. Les rencontres passagères ne font que caricaturer l’amour, blesser les coeurs et bafouer le plan de Dieu.

Si tu mets ta confiance dans le Christ, tu pourras conduire ta vie avec la générosité et la pureté de l’Evangile. C’est vrai pour la morale familiale, c’est vrai pour la morale de l’honnêteté vis-à-vis des biens, c’est vrai dans tous les domaines de la solidarité, où chacun est responsable pour sa part de ce qui fait vivre ses frères et ses coeurs.

Ta personnalité ne sera mûrie que si tu brises l’individualisme qui te fait fuir les autres. Le dialogue est source de sagesse. Le partage est source de richesse. C’est dans la communauté d’études, de travail, de loisirs, de village ou de quartier que chacun prend sa vraie dimension d’homme. Si tu donnes la main à tes compagnons, vous serez «comme des frères qui vont ensemble à la forêt».



3. Chers amis, par ces quelques réflexions, j’ai voulu vous encourager à trouver, votre chemin de chrétiens vigoureux réfléchis, bâtisseurs. Avec vos aînés et vos pasteurs, il faut que vous découvriez encore mieux comment la Parole de Dieu peut vous orienter et comment la communauté de l’Eglise peut vous soutenir.

Mais vous seriez déçus si je m’arrêtais à ces conseils. Car ce que le successeur de Pierre attend de vous, je l’ai dit, c’est que vous deveniez à votre tour des pêcheurs d’hommes. Vous n’avez pas seulement une place dans l’Eglise; vous avez votre part de responsabilité pour que l’Eglise vive fidèle au Christ et remplisse sa mission.

Dans les paroisses, en ville ou dans la brousse, votre dynamisme et votre exigence sont utiles à toute la communauté, pour l’animation liturgique, pour la catéchèse et les activités des enfants, pour l’entraide.

Poursuivez le dialogue avec les aînés, comme le montrait votre choeur parlé; vous l’avez dit, il y a une sagesse à recevoir. Mais le dialogue est utile dans les deux sens: vous pouvez réagir quand vous êtes déçus par vos frères ou même par vos anciens, mais ne le faites pas par une attitude critique qui n’avance à rien. Faites-le en proposant de nouvelles initiatives, tout en acceptant une vraie concertation avec les prêtres et les autres responsables. Chacun doit apporter la petite flamme qui est en lui pour que le feu commun rende la maison-Eglise chaleureuse et rayonnante. Si jeunes et anciens alimentent ensemble le feu, il deviendra une lumière assez vive pour éclairer les frères qui cherchent leur voie dans l’obscurité; alors, veillez à ce que la flamme soit bien celle de l’Esprit Saint et la lumière celle du Christ.

Quand je vous appelle ainsi à être responsables dans la vie des communautés locales, bien sûr je pense aussi à vos Mouvements qui sont bien représentés ici. Que vous soyez étudiants, ouvriers ruraux, rassemblez-vous en équipes, vous irez plus loin. Profitez de l’expérience et des méthodes que les mouvements vous proposent. Ouvrez ensemble l’Evangile, cherchez ce que le Christ et l’Eglise vous disent pour agir avec vos camarades, pour réagir positivement devant le laisser-aller ou l’individualisme qui bloquent la société. J’ai reçu le compte rendu de votre symposium national de 1985 et aussi, il y a quelques jours, le rapport de l’assemblée nationale de votre mouvement des jeunes agriculteurs, le TFMTK. J’ai vu là le témoignage de beaucoup d’actions positives menées par les mouvements de jeunes; beaucoup d’engagements sont proposés. Je voudrais encourager vos résolutions et je reprends quelques phrases qui sont de vous: «En avant! dressons-nous ensemble, partageons dans l’amour, de toute notre âme! Apportons un visage neuf, un visage jeune à toute ce que nous ferons, partout où nous irons! L’Eglise nous fait confiance; allons donc manifester notre maturité, allons montrer qu’on peut compter sur nous!».

Sur votre participation à la vie de l’Eglise, je ne peux pas tout vous dire. C’est à vous d’avancer avec vos pasteurs. Mais je soulignerai encore un appel. Pour «manifester votre maturité» de chrétiens, faites mûrir la foi de votre baptême, écoutez la Parole de Dieu, pas seulement comme un enseignement, mais comme la parole personnelle du Seigneur qui vous aime et s’adresse à chacun de vous. Dans la réflexion et dans la prière, assimilez son message de vérité. Dans l’échange entre vous et avec les aînés, voyez quel chemin prendre. La Parole du Christ, c’est la sève qui passe du tronc dans les branches que nous sommes tous. C’est le don d’une présence qui ne vous manquera pas, si vous savez l’accueillir. Vous l’avez dit, c’est la Parole de l’Alliance conclue entre chaque baptisé et Dieu. Régulièrement, recevez le Christ qui vous donne la vie dans le sacrement de l’Eucharistie, qui réconcilie les pécheurs par le sacrement du pardon.

Alors, jeune Malgache, tu pourras être un témoin fidèle, crédible. Tu pourras répondre avec assurance, dans ta foi personnelle, aux objections que tu entends.

Alors, avec l’équipe, le mouvement, la communauté, vous serez des rassembleurs.Vous ferez progresser l’unité entre chrétiens, par un oecuménisme profond et lucide. Vous serez dans la société malgache des artisans de paix.



4. Entendant ce que vous dites de vos conditions de vie, je comprends que votre avenir vous inquiète. Vous êtes les générations les plus nombreuses, et le développement de l’économie dans votre pays reste précaire. L’emploi n’est pas assuré à tous. Trop souvent vous vous heurtez à l’égoïsme du «chacun pour soi», et cela va jusqu’à la corruption que vous dénoncez.

On est encore loin de la communion et de la solidarité qui sont les objectifs des chrétiens. C’est vrai. Mais pour autant, faut-il baisser les bras parce que la tâche est rude? Vous savez bien que ce n’est pas possible, que ce n’est pas digne de l’homme. Je vous ai dit que vous aviez à prendre vos responsabilités dans la communauté chrétienne; je vous dis aussi de prendre vos responsabilités dans la société de votre pays, en chrétiens qui ne peuvent désespérer de l’homme. Déjà vous relevez des signes d’amélioration, et vous y contribuez.

Mettez toute votre énergie et toute votre intelligence à travailler pour la société de votre pays.

Vous les étudiants, vous avez le sentiment d’être trop nombreux pour les débouchés possibles. Je ne peux pas vous apporter des solutions pratiques. L’Eglise n’a pas cette compétence. Mais ce que je peux vous dire, c’est que votre devoir de chrétiens est de diriger tout l’effort de votre formation vers le service qu’attend de vous la société, de former votre projet personnel et d’acquérir vos compétences pour contribuer au bien commun. Vous êtes déjà responsables de la santé d’un peuple en affermissant votre propre santé physique et morale.

Vous les jeunes ouvriers, artisans, travailleurs dans les services publics et dans les activités des villes, vous disiez dans le choeur parlé votre obsession du salaire, votre crainte de fonder une famille. Je le comprends. Mais, tout en défendant vos droits, soyez exigeants pour la qualité de votre travail; ne perdez pas de vue son utilité pour toute l’économie et pour que toute l’économie soit au service de l’homme. Vous êtes bien conscients des soucis pesants que comporte l’engagement dans le mariage et l’éducation des enfants, mais soupçonnez-vous la richesse inépuisable de la communion d’amour, du don de soi réciproque, dans une famille fondée selon le dessein de Dieu?

Vous les agriculteurs, je sais que votre tâche est lourde, je sais que vous subissez souvent un climat d’insécurité et des actions violentes. Mais j’ai vu aussi dans vos témoignages que vous savez vous unir pour améliorer les résultats de votre travail. C’est bien vous qui dites que «le riz doit être soigné pour arriver à maturité». Votre terre est généreuse. Avec la patience persévérante du travail de vos mains, elle porte du fruit. Tout votre peuple compte sur vous pour la nourriture du corps, condition première pour permettre à tous une vie vraiment humaine.

Un dernier mot. Qui que vous soyez, quelles que soient vos difficultés, vous devez être intransigeants pour la défense du droit et de la justice. En commençant par vos comportements personnels, vous ne serez des chrétiens dans la société malgache que dans une solidarité juste pour le bien de tous. Refusez la violence, refusez le mépris, refusez le mensonge ou la malhonnêteté. Prenez des risquez s’il le faut, mais restez fidèles à l’amour privilégié pour les pauvres et les petits, respectez la dignité de tout homme même s’il vous a déçus. Sachez pardonner et réconcilier, parce que vous êtes les disciples du Christ qui a livré sa vie pour la multitude, dans l’amour infini qui est au coeur de la vie de Dieu et qu’il nous donne de partager en lui.

C’est là la source de la libération qu’apporte le Christ. Oui, dans la foi, ayez à coeur de rassembler les hommes; dans la foi prenez conscience qu’il faut semer l’amour; dans la foi, édifiez ce qui fait l’espérance des hommes!




Deuxième partie

Questions des jeunes posées au Saint-Père


Très Saint-Père, la Vierge Marie était jeune, Jésus-Christ lui aussi, ainsi que les Apôtres et d’autres personnes citées dans la Bible. Nous aussi, nous sommes encore jeunes.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est «la vocation» et comment fait-on pour savoir notre Chemin?

Très Saint-Père, dans un pays en voie de développement comme le nôtre, les Hauts responsables du pays sont presque tous des jeunes Chrétiens.

...Pourtant notre pays se trouve dans une situation de dégradation critique.

Quelles sont d’après vous, qui représentez l’Eglise, les causes de cette dégradation tant sur la vie des jeunes que sur la vie du pays tout entier; et quels remèdes proposez-vous?

Très Saint-Père, notre propre personnalité est en train de se mûrir, mais face à quelques traditions ancestrales et aux diverses sectes, nous sommes tiraillés, écartelés et perplexes.

Que ferions-nous pour sortir de ces engrenages et de tant de difficultés?



5. En m’interrogeant sur la vocation, vous pensez d’abord à Jésus et à Marie. La «vocation» de Jésus, c’était sa mission de Sauveur, sa fidélité totale à la volonté du Père parce qu’il est le Fils de Dieu et qu’il demeure dans l’unité parfaite avec le Père. Pourtant, parce qu’il s’est fait homme, en tout semblable à nous sauf le péché, il a dû affronter la tentation et l’angoisse devant la mort. Devant les choix les plus sûrs, il vit l’obéissance jusqu’au bout. Il est pour notre vocation plus qu’un modèle, il en est la raison d’être, la source dans laquelle l’humanité trouve sa véritable voie.

Marie, la Mère du Seigneur, est sainte dès le premier moment. Elle accepte le rôle particulier de donner au monde le Rédempteur. La mission pouvait effrayer: elle y consent en adhérant sans réserve à l’appel qui vient de Dieu. Elle conservera la Parole dans son coeur; elle sera près de Jésus aux moments cruciaux; elle sera au milieu de l’Eglise naissante au Cénacle. L’Esprit Saint l’a comblée de grâce; elle est présente à la Pentecôte. Sa réponse totalement sainte, nous l’entendons dans son cantique d’action de grâce pour l’amour fidèle de Dieu qui s’étend d’âge, avec prédilection pour les pauvres. Elle précède tous les disciples de son Fils dans le pèlerinage de la foi, comme étoile pure et comme Mère de tendresse et de miséricorde.

La vocation des apôtres s’accomplit à partir de l’appel de Jésus: Pierre et Jean quittent leurs filets de pêcheurs, Matthieu abandonne son métier de publicain. La parole: «Suis-moi» change leur vie. Vous vous rappelez Zachée: Jésus entre dans sa maison, et aussitôt ce publicain malhonnête répare les torts qu’il a causés. On voit dans l’Evangile même que la réponse à l’appel de Jésus reste libre: un jeune homme s’éloigne pour ne pas renoncer à ses «grands biens», alors que Jésus l’aimait.

«Suis-moi»: Jésus le dit maintenant à chacun de vous. Suis-moi dans tout ce qui fait ta vie, heureuse ou difficile. Suis-moi par la foi, par l’espérance, par l’amour. Suis-moi en fondant une famille: c’est la vocation du plus grand nombre. Suis-moi dans le service de tes frères, dans la solidarité avec ton peuple, c’est aussi la vocation de tous. Suis-moi en consacrant ta vie comme prêtre, comme religieux ou religieuse, c’est la vocation de quelques-uns pour que la présence du Christ soit signifiée dans son Eglise.

Ces appels multiples ne vous sont pas imposés comme un ordre soudain venu de loin. La voix du Seigneur, c’est sa présence dans vos frères et dans toute la communauté ecclésiale qui attend les prêtres et les religieux dont elle a besoin. Chacun doit discerner l’appel qui s’adresse à lui, avec l’aide des aînés et des frères. Pour les prêtres surtout, c’est finalement l’Eglise qui a la charge de confirmer authentiquement l’appel et de confier une mission.

Merci d’avoir posé la question; c’est un signe d’espérance pour l’Eglise à Madagascar et un signe de générosité de votre part. Que le Seigneur vous aide à trouver votre voie à sa suite!



6. Votre deuxième question traduit vos inquiétudes pour le développement de votre pays et les difficultés qu’il connaît. Disons clairement qu’il ne m’appartient pas d’analyser tous les aspects, ni de proposer des solutions. Cela d’abord parce que c’est vous, les Malgaches, qui devez agir.

Mon propos, c’est de vous inviter à réfléchir, à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise, sur le sens du développement et les moyens à prendre pour le réaliser. Le développement d’un pays engage la responsabilité de tous, des dirigeants aussi bien que des citoyens. Personne ne peut se décharger du rôle qu’il a à jouer en fonction de sa situation propre. Tout à l’heure, j’ai déjà parlé de vos responsabilités dans la vie du pays.

Je soulignerai encore deux points. A la suite de Paul VI, j’ai redit dans une encyclique récente que le développement, cela concerne tout homme et tout l’homme. Travailler au développement bien compris, c’est un devoir moral. Il s’agit de servir l’homme dans sa dignité: lui donner les moyens d’assurer sa santé, d’accéder à l’éducation et à la formation professionnelle; faire en sorte que chacun ait de quoi vivre et se loger avec sa famille, que chacun ait la liberté de penser, de croire et de célébrer sa foi. C’est le développement intégral qu’il faut viser.

Le second point, devant les difficultés du développement et la répartition inégale des moyens, c’est le devoir de solidarité à l’intérieur d’un peuple, et au-delà des frontières. Finalement, le problème est aussi à l’échelle de la planète: il engage les nations les plus favorisées à l’égard des plus démunies. Des progrès ont été accomplis dans la coopération, il convient de le reconnaître. Mais la route est encore longue. Que chacun prenne sa part de la tâche, pour progresser ensemble dans la paix!



7. Si j’entends bien votre troisième question, vous exprimez la perplexité que vous éprouvez parce que vous êtes tiraillés entre les traditions ancestrales, les sollicitations des sectes et les modes de vie et de penser venus d’occident. De plus, comme votre Président l’a dit, l’équilibre entre ces éléments s’établit différemment suivant que vous vivez à la campagne ou en ville.

Je crois que la tâche de votre génération est de progresser vers un équilibre plus satisfaisant. Les échanges culturels et techniques dans le monde moderne entraînent une sorte de déstabilisation dans les différentes sociétés.

Il faut de la lucidité, de la tolérance, un discernement attentif pour constituer une culture vivante, enrichie d’apports nouveaux sans perdre ses vraies racines.

Le christianisme n’est pas venu sur votre terre pour remplacer une culture par une autre. L’Evangile est pour tous les peuples et ne cherche pas à effacer les traditions qui se sont développées avant l’annonce missionnaire. Mais il les éclaire grâce à la révélation du plan du Dieu unique sur toute l’humanité. Pénétrer à fond son message vous aidera à faire les discernements nécessaires parmi vos coutumes, pour garder le plus précieux et le plus juste et, il est vrai, écarter certains aspects.

L’Eglise souhaite que ce travail se fasse de manière très attentive, avec le souci d’enrichir la perception de la vérité sur l’homme. Et il est bon que le dialogue se poursuive ici entre les générations, et aussi avec l’Eglise universelle. Une inculturation satisfaisante ne peut se faire en cercle fermé: il faut se confronter avec la tradition et l’enseignement de toute l’Eglise. Vos Pasteurs le font avec leurs frères du continent africain et avec les autres Pasteurs dans le monde. Mon ministère de successeur de Pierre comporte le souci de l’unité de l’Eglise, la charge de veiller à la communion dans la foi des membres différents de l’unique Corps du Christ. Je souhaite que, vous les jeunes Malgaches, vous apportiez votre contribution originale à la vie de l’Eglise.

En terminant, je voudrais vous remercier de votre accueil, de vos témoignages et de vos questions. Je suis heureux d’avoir passé ce moment avec vous. Je garde dans mon coeur et dans ma prière vos soucis et vos espérances. Je garde en mon coeur et dans ma prière vos soucis et vos espérances. Je garde dans ma mémoire et dans mon coeur tous les points composant cette réunion. Les points intellectuels, les points affectifs et les points visuels. Maintenant la visibilité est diminuée, alors l’aspect visuel est l’aspect artistique. Et surtout comme dénominateur commun je garde ce qui est essentiel de cette rencontre, de cet échange: la jeunesse. C’est très bien pour un Pape vieux de faire un dialogue avec les jeunes, parce que ça l’aide aussi à devenir un peu plus jeune, au moins psychologiquement, intentionnellement. Je vous confie à Marie, la très Sainte Mère du Seigneur et notre Mère. Et j’appelle sur vous et sur tous vos frères et soeurs de la Grande Ile, sur toute la jeunesse malgache, j’appelle une abondante Bénédiction de Dieu!




Discours 1989 - Lundi, 3 avril 1989