Discours 1989 - IV

IV

Étudiez la doctrine sociale

qui est une doctrine sur l’Homme

Dis-nous comment donner un sens à notre vie dans un monde matérialiste?


Dis-nous comment lutter pour la dignité de l’homme dans le travail?



10. Comment donner un sens à la vie dans un monde matérialiste? Comment lutter pour la dignité de l’homme dans le travail? Je comprends bien votre inquiétude. Comme dans beaucoup de pays, le matérialisme marque la vie de tous les jours, il séduit. Mais vous sentez que si l’Ile Maurice n’y prend pas garde, elle pourrait bien faillir à sa mission de carrefour culturel où la rencontre de cultures différentes donne une vision authentiquement spirituelle de la vie.

Certes, le développement économique, industriel et touristique a sauvé l’Ile Maurice de la crise et le sort de beaucoup de personnes s’est amélioré, en particulier grâce aux nouveaux emplois. De tous ces acquis, je me réjouis avec vous.

Cependant, vous constatez déjà par votre propre expérience que la pure accumulation des biens ne suffit pas pour réaliser le bonheur humain. Quand l’homme ne sait pas gérer la masse des ressources mises à sa disposition, en gardant des intentions moralement droites, l’abondance, même relative, se retourne facilement contre lui. Il devient esclave de la jouissance de biens matériels; son horizon se limite à la multiplication des objets continuellement remplacés par d’autres plus perfectionnés. C’est le règne de la civilisation de «consommation» dans laquelle vous êtes entrés vous aussi.



11. Comment réagir? L’Eglise a une parole à dire dans les domaines où les hommes et les femmes déploient leurs activités Elle a ce qu’on appelle une «doctrine sociale», c’est-à-dire une doctrine sur l’homme, sur sa primauté, sur ses droits et ses devoirs, sur son lien avec l’économie de la nation, sur le service que l’économie nationale doit rendre a l’homme et à sa famille.

L’Eglise affirme notamment avec vigueur le primat de l’homme sur les choses: l’homme est le «patron» des créatures. C’est en fonction de sa dignité de créature à l’image de Dieu et sauvée par Jésus-Christ, qu’elle invite à traiter des problèmes tels que l’emploi, le chômage, le travail professionnel des femmes.

Je vous encourage vivement à étudier cette doctrine sociale dans les divers groupes auxquels vous appartenez. Elle vous guidera dans vos engagements pour la justice, la solidarité parmi les travailleurs, le dialogue entre patrons et employés.

Ne perdez pas de vue que vos responsabilités religieuses sont les plus décisives: elles donnent à votre personne, à votre vie, à votre travail leur valeur et leur signification les plus hautes.

Enfin, j’aimerais vous inviter à choisir et à développer, avec l’éclairage de l’Evangile, le meilleur de votre patrimoine ethnique, tout en rejetant ce qu’il y a d’ambigu pour votre équilibre dans la modernité qui vous envahit. Cherchez le développement complet de la personne humaine, attachez-vous en priorité aux valeurs d’intelligence, de force morale, de fraternité, de solidarité et de compassion. Pour cela, le Christ est notre modèle. A ceux qui veulent marcher à sa suite, il propose des chemins de vie, qui se trouvent résumés au coeur de l’Evangile dans une charte: les béatitudes. La première d’entre elles s’oppose directement au matérialisme ambiant: «Heureux les pauvres de coeur!» [10]. La vraie richesse, c’est l’homme et non pas ce qu’il possède. Ce qui compte ce n’est pas d’«avoir», mais d’«être». «Avoir» des objets et des biens ne rend pas plus heureux si cela n’aide pas à «être» digne de sa vocation d’homme à l’image de Dieu.



V

Dans l’Église tous sont appelés à travailler

dans une communion fraternelle

pour l'avent du Royaume

Dis-nous comment prendre place dans notre Eglise, pas toujours adaptée à nos préoccupations?




12. Il y a dans l’Evangile une parabole où l’on voit le maître d’un domaine appeler des ouvriers à sa vigne à différentes heures de la journée: certains viennent travailler au lever du jour, d’autres vers neuf heures, d’autres vers midi, d’autres vers trois heures et les derniers vers cinq heures [11]. On peut voir dans la vigne une image de l’Eglise, et dans les ouvriers qui arrivent aux différentes heures les baptisés appelés à tous les âges de la vie.

Ceci pour vous dire d’emblée que les jeunes ont leur place dans l’Eglise, ou plutôt leur «emploi», tout comme les enfants, les adultes et les personnes âgées. L’Eglise est aussi une société «arc-en-ciel». Tous sont appelés à travailler dans le même but: l’avènement du Royaume, suivant la vigueur et la sensibilité de leur âge, dans une communion d’amour fraternel.



13. Pour être un bon ouvrier, il faut se former. Ma première recommandation est donc la suivante: prenez le temps et les moyens de connaître votre foi, afin d’acquérir cet «oeil clair» qui vous permettra de faire votre chemin en pleine lumière dans la vie. Interrogez vos parents, vos éducateurs et vos pasteurs. Soyez ouverts au message qu’ils vous transmettent.

L’Evangile est une grande force spirituelle: il vous faut l’accueillir, en vivre et le rayonner. C’est un levain: mêlé à beaucoup de pâte, il finit par la faire lever tout entière. Jésus compare aussi le Royaume de Dieu à un homme qui découvre un trésor caché, à un négociant en perles fines. Le trésor et la perle sont recherchés et estimés par dessus tout. On s’y attache comme à un absolu, prêt à sacrifier tout le reste. Ils deviennent le but et la motivation de la vie.

Le trésor caché, c’est le Christ, découvert par la foi. C’est sa personne mystérieuse, mais présente et vivante à laquelle on s’attache vraiment comme à un ami. C’est son Esprit. C’est son message. C’est sa loi. Ce sont les valeurs du Royaume.

Ce trésor a mis en marche beaucoup de jeunes. Il le fait encore aujourd’hui, comme en témoigne le récent rassemblement de Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans votre recherche du Christ, dans votre propre annonce de la Bonne Nouvelle, vous êtes les frères d’une foule de jeunes de par le monde.



14. L’Eglise, dites-vous, parle un langage que vous ne comprenez pas. Sans doute, les pasteurs ont-ils toujours à faire des efforts pour rendre le message du Christ accessible. Mais il faut aussi écouter avec son coeur. Recevoir la Parole comme le trésor que vous confie le meilleur des amis. Au cours de la célébration eucharistique, la Parole de Dieu arrive avec toute sa force, grâce aux rites, aux gestes et aux chants qui l’encadrent, et elle est rendue encore plus explicite par les mots du prêtre. Je vous exhorte à participer activement aux célébrations paroissiales. C’est ainsi que vous y trouverez votre place de jeunes. Vous y introduirez naturellement votre langage et vos préoccupations.

Le mot «dialogue» est revenu souvent au cours de cette rencontre et, à propos du dialogue parents-enfants vous avez exprimé le voeu que vos parents, parfois sous pression à cause du travail, réussissent à vous consacrer du temps. Est-ce que Dieu ne serait pas en droit, lui aussi, de souhaiter que vous passiez davantage de temps avec lui pour ce dialogue qui s’appelle la prière? Vous aussi, donnez à Dieu la joie de votre présence et de votre écoute attentive: «Vous avez reçu en vous la marque du Saint-Esprit de Dieu: ne le contristez pas» [12]. Regardez le Christ, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, et qui est la jeunesse de l’humanité! C’est lui qui deviendra pour vous source de créativité dans votre communauté et au-delà.

Bien formés dans la foi et dans la prière, puissiez-vous devenir vous-même les apôtres de la jeunesse, car, vous aussi, vous avez à porter la Bonne Nouvelle à vos frères! Jésus a posé son regard sur vous. Il vous aime! Le Pape aussi vous aime et vous fait confiance!


[1] Cfr. Jn 21,15-17.
[2] Ioannis Pauli PP. II Redemptor Hominis, RH 10.
[3] Mt 6,22.
[4] Pauli VI Allocutio ad Nationum apud Sedem Apostolicam Legatos, ineunte anno 1978, II, die 14 ian. 1978: Insegnamenti di Paolo VI, XVI (1978) 30 s.
[5] Mc 7,21.
[6] Ep 6,1 Ep 6,4.
[7] Jn 15,13.
[8] Is 49,15.
[9] Fonder sa famille sur le roc, 16 janvier 1989.
[10] Mt 5,3.
[11] Cfr. Mt 20,1-6.
[12] Ep 4,30.



AU PEUPLE DE SAINTE-CROIX

Sainte-Croix (Maurice), Dimanche, 15 octobre 1989



Chers amis,

Votre accueil me touche. Merci d’être venus nombreux à ma rencontre, au moment où le viens moi-même vénérer le tombeau du bienheureux Laval que vous aimez tant à l’Ile Maurice; vous vous considérez un peu comme les enfants de ce magnifique apôtre. Je suis heureux d’être là avec vous, car je n’oublie pas sa béatification, la première qu’il m’ait été donné de célébrer, voici dix ans.

Le Père Laval était un homme infiniment respectueux de tous les Mauriciens, et surtout des plus modestes; il a fait preuve aussi, au long des années, d’une merveilleuse capacité de rétablir l’entente, quand c’était nécessaire, et d’apporter la paix. Mon voeu pour vous tous, c’est que vous viviez dans ce climat d’amitié fraternelle; Jésus l’a demandé à ses disciples en leur donnant comme loi suprême d’unir l’amour de Dieu et celui du prochain; alors, avec générosité, nous devons toujours chercher la paix entre les communautés, à l’intérieur des familles, entre les générations.

Vous confiez volontiers au Père Laval vos soucis, vos peines, vos espérances. Par votre dévotion, vous avez raison de compter sur son intercession. Demandez-lui surtout de vous aider à imiter l’exemple qu’il nous donne, sa fidélité totale au Seigneur, son amour de Marie, Mère du Sauveur et Mère des hommes, son dévouement à tous ses frères.

Avec vous, je recommande au Père Laval tous les habitants de Maurice. Et je prie Dieu de vous accorder ses bienfaits et de vous bénir.

Zotte coné mo bien content Père Laval. Mo content zot pareil. Continué suivre so chemin. Astère là, mo béni zot et zot fami.

(Vous savez combien j’aime le Père Laval. Je vous aime autant. Continuez à suivre son chemin. Maintenant, je vous bénis, vous et vos familles).




RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX ET LES REPRÉSENTANTS DU LAÏCAT

Sainte-Croix (Maurice), Dimanche 15 octobre 1989


Chers Frères et Soeurs,




1. «Ecoutez la voix des guetteurs,... c’est un seul cri de joie; ils voient de leurs yeux le Seigneur qui revient à Sion» [1].

En accomplissant ce pèlerinage au tombeau du bienheureux Jacques Laval, c’est avec joie que je vous rencontre dans la prière et l’action de grâce, vous prêtres, religieux, religieuses, personnes consacrées, laïcs engagés de l’Eglise qui est à Maurice.

Le Père Laval a été ici un merveilleux messager de la Bonne Nouvelle, un de ces guetteurs qui voient le Seigneur consoler son peuple [2]. Et vous tous, par les différentes charges que vous exercez au service de la communauté, vous poursuivez l’apostolat du missionnaire vénéré, héritiers de ce qu’il a fait germer, et nouveaux semeurs pour les générations présentes. L’oeuvre ecclésiale continue et se renouvelle, à l’image de l’église où nous sommes rassemblés, que vous avez sans cesse rebâtie quand les cyclones l’avaient ébranlée.



2. Le messager que le prophète Isaïe voit accourir «vient dire à la cité sainte: il est roi, ton Dieu!» [3]. Oui, le Seigneur nous a promis sa présence qui sanctifie le peuple de Dieu qui est à Maurice. Osons le dire: fidèles laïcs, religieux ou prêtres, l’aspect premier de votre vocation, dès votre baptême, c’est l’appel à vous laisser pénétrer par la sainteté de Dieu, par ce don gratuit, bien plus grand que tout ce que nous pouvons réaliser et mériter par nous-mêmes.

L’exigence est grande, car il s’agit de vivre et d’agir en nous conformant à l’Esprit Saint qui nous est donné; mais l’appel est profondément heureux, car, dans notre faiblesse, la grâce surabonde! C’est Dieu qui sanctifie son Eglise. C’est le Fils qui fait de ses frères les membres de son Corps. C’est dans l’assemblée eucharistique que nous sommes unis par son amour suprême.

Alors, répondons en confiance à notre vocation et à la sainteté: «Le Seigneur a consolé son peuple... Toutes les nations, d’un bout à l’autre de la terre, verront le salut de notre Dieu» [4]. Puissions-nous être les intendants fidèles de la grâce que nous avons reçue, solidaires avec l’Eglise répandue dans le monde, dans l’unité fraternelle de chacune de nos communautés, dans l’amour que nous avons pour tout être humain!



3. La vocation à la sainteté, le Père Laval nous en montre le chemin par son humilité autant que par l’énergie persévérante de son action. Qu’il vous inspire, les uns et les autres, dans les rôles complémentaires qui vous reviennent pour remplir la mission de l’Eglise! Me sentant très proche de votre Evêque, mon frère le Cardinal Margéot qui vient de dire ce que vous êtes et ce que vous vivez, je vous encourage et je vous dis la gratitude de toute l’Eglise pour votre dévouement.

Je pense à vous, prêtres diocésains et religieux, aux séminaristes qui se préparent à vous rejoindre. Soyez dans la joie parce qu’il vous est donné d’être pasteurs à la suite du Bon Pasteur, en union avec votre Evêque. Poursuivez avec audace l’oeuvre des pionniers, comme Monseigneur Collier ou l’Abbé Masuy. Animateurs de paroisses et de communautés en collaboration avec les religieux et les laïcs, puisez dans la prière la force de porter toujours mieux la Parole, de guider les fidèles, de célébrer avec ferveur les mystères, de réconforter les blessés de la vie, d’être vous-mêmes les premiers acteurs de l’évangélisation. Soyez à votre tour les éveilleurs de vocations nouvelles!

Aux religieux, aux religieuses et aux membres des Instituts séculiers, je voudrais dire combien leur généreuse réponse à l’appel du Seigneur a d’importance. Avec le Cardinal Jean Margéot, je salue la mémoire de la fondatrice que fut Mère Marie-Augustine, fille de cette terre. Vous êtes, par le témoignage de votre pauvreté, de votre chasteté, de votre obéissance et de votre prière, des signes éloquents; votre simple disponibilité, votre labeur compétent et désintéressé dans de nombreux domaines attestent aux yeux de vos frères que l’amour de Dieu et l’amour du prochain ne font qu’un; que tout donner pour suivre le Christ est source de joie profonde.

Laïcs qui prenez votre part de responsabilité dans les communautés ecclésiales de base ou les mouvements, vous épanouissez les dons reçus à votre baptême et à votre confirmation. Vous êtes les successeurs des hommes et des femmes que le Père Laval avait chargés d’étendre et d’appuyer l’évangélisation. De manières différents actuellement, vous êtes appelés à pénétrer d’esprit évangélique les activités professionnelles et sociales où vous collaborez avec des hommes et des femmes autrement croyants. Soyez, en toutes circonstances, des artisans de paix et d’unité; témoignez du respect dû à tout être humain quelle que soit sa condition; défendez, par votre façon de vivre, les valeurs morales et spirituelles sans lesquelles l’homme s’amoindrit. Votre présence chrétienne au monde n’est pas un choix qui exclut votre présence responsable dans les diverses instances de l’Eglise. Ces deux formes d’action sont complémentaires, et toutes deux nécessaires.

Le conseil pastoral diocésain, institution qui découle des orientations données par le Concile Vatican II, vous aide, les uns et les autres, à bien situer votre vocation et votre mission, en même temps qu’il aide l’Evêque dans l’exercice de sa responsabilité pastorale. Je suis heureux de voir que votre Conseil est constitué et qu’il est un lieu de collaboration constructive des forces vives de l’Eglise diocésaine.



4. Dans le cadre de notre rencontre, je ne puis évoquer tous les aspects de votre activité pastorale ni de la vie spirituelle personnelle qui vous permet de la mener selon votre vocation. Mais il est un sujet sur lequel j’aimerais insister, celui de l’éducation des jeunes chrétiens.

Depuis longtemps, vous avez fourni des efforts considérables pour donner à vos jeunes un enseignement de qualité allant de pair avec la formation chrétienne. Je souhaite que, dans une bonne relation avec les autorités responsables, vous puissiez répondre ainsi à l’attente des familles dans les écoles catholiques.

Il reste à veiller à ce que l’ensemble des jeunes baptisés soient ouverts à la foi par une catéchèse vivante au long de leur adolescence. La tâche n’est pas aisée, car l’attention des jeunes est sollicitée ailleurs dans une société qui les disperse. Il faut que beaucoup d’adultes acceptent de donner de leur temps, de suivre une formation de catéchiste. Et, plus profondément, il faut que la communauté entière se sente responsable de proposer aux générations nouvelles la rencontre du Christ, la participation à la vie de l’Eglise, la réflexion sur les règles de conduite, un éclairage sur les grandes questions de notre temps qui mettent en cause le sens même de leur vie.

Une telle mission ne peut être remplie par quelques spécialistes; c’est l’affaire de tous les chrétiens, appuyés par les responsables diocésains. Beaucoup d’entre vous prennent leur part de cette tâche. Je souhaite qu’ils entraînent d’autres bonnes volontés, c’est une réelle nécessité.



5. En concluant, je voudrais vous dire mes voeux et mes encouragements pour toutes vos tâches et tous vos ministères. On compte sur vous pour entraîner l’ensemble de vos frères et soeurs à progresser dans la foi et la charité, à servir avec prédilection les petits et les pauvres affrontés aux fléaux de ce temps. Soyez les ministres confiants et inlassables de l’espérance, de la vie plus forte que la mort!

Le successeur de Pierre, venu parmi vous, se réjouit de la vitalité et de la générosité de votre Eglise. Les nombreux missionnaires partis de Maurice pour annoncer l’Evangile ailleurs en sont un heureux fruit.

Avec le prophète Isaïe, rendons grâce:

«Comme il est beau de voir courir sur les montagnes / le messager qui annonce la paix, / le messager de la bonne nouvelle, / qui annonce le salut!» [5].

[1] Is 52,8.
[2] Cfr. ibid. Is 52,7-9.
[3] Ibid. Is 52,7.
[4] Cfr. ibid. Is 52,9-10.
[5] Ibid. Is 52,7.



RENCONTRE AVEC LES ENFANTS DE L'EGLISE PAROISSIALE DE SAINTE-THÉRÈSE

Curepipe (Maurice), Lundi, 16 octobre 1989


Chers enfants de l’Ile Maurice,

1. Vous êtes vraiment très gentils de m’accueillir avec vos chants, avec des cadeaux, avec la joie de votre coeur. En vous disant merci, je suis dans la joie, moi aussi, parce que les enfants savent dire simplement les choses vraies, et ils savent faire plaisir! Votre chant de bienvenue m’a fait très plaisir: vous y avez chanté votre «joli pays», votre «dear island»; eh bien, depuis mon arrivée chez vous, je trouve votre «île multicolore» vraiment jolie, et aussi les Mauriciens bien sympathiques.

2. En résumant les milliers de lettres que vous m’avez écrites, vous avez dit aussi des choses graves. Elles me touchent, parce qu’elles traduisent des souffrances qui rendent certains d’entre vous tristes. Je vais prier pour vos familles et pour vous, comme vous me l’avez demandé. Et puis, je vous dis aussi que vous-mêmes vous pouvez faire beaucoup, par votre sourire, par votre manière de rendre service, par votre affection, par votre prière; comme cela, vous aidez aussi les grands à être un peu plus heureux.

3. D’ailleurs, votre porte-parole a bien montré que vous pensez aux gens malheureux dans le monde entier. Votre coeur a mal quand vous entendez parler de la guerre, quand vous voyez les malades, les pauvres, ceux qui ont faim, et des enfants orphelins. Priez avec moi pour la paix, pour que les malheurs cessent, pour que les blessures soient guéries. Mais ici aussi, je vous demande de commencer à faire vous-mêmes la paix, là où vous êtes; en grandissant, devenez des artisans de paix; vous savez que Jésus a dit qu’ils seront heureux!

4. Vous m’avez appelé «le pèlerin de la paix». Oui, je voudrais l’être partout où je vais, parce que Jésus, au moment où il allait donner sa propre vie pour le monde, nous a donné la paix profonde qui n’a jamais quitté son coeur plein d’amour, son coeur de Fils de Dieu et de Frères des hommes.

Merci pour vos voeux d’anniversaire. Cela fait onze ans aujourd’hui que j’ai reçu la mission de succéder à saint Pierre, l’Apôtre à qui Jésus a demandé d’affermir la foi de ses frères. En réponse à vos voeux, je vous demande de continuer fidèlement à mieux connaître Jésus Christ, à bien vous préparer à le recevoir dans l’Eucharistie, à prier chaque jour, à montrer autour de vous votre joie d’être chrétiens.

5. Avant de vous quitter, je voudrais dire cordialement merci aux prêtres des deux paroisses de Curepipe, ainsi qu’à Monsieur le Maire, parce qu’ils m’ont très aimablement accueilli et qu’ils ont bien organisé notre rencontre. Et je salue cordialement vos parents, vos catéchistes, les responsables de vos mouvements, et les aînés qui vous accompagnent ici. En pensant à tout ce dont nous avons parlé, nous allons réciter ensemble la prière du Seigneur, le Notre Père.


CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport «Sir Seewoosagur Rangoolam» de Plaisance (Maurice), Lundi 16 octobre 1989


Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Cardinal,
cher peuple de Maurice,



1. Le moment est venu pour moi de prendre congé de vous et de quitter votre beau pays. Je rends grâce à Dieu d’avoir pu répondre à votre invitation et d’être venu passer ces journées avec vous.

J’emporte avec moi une ample moisson de souvenirs: les ferventes célébrations eucharistiques de «Marie, Reine de la Paix» ainsi que celle de «La Ferme» avec la chère population de Rodrigues; les inoubliables rencontres avec le clergé du diocèse, les religieux et les religieuses, les responsables laïcs, les jeunes et les enfants, ainsi qu’avec les représentants des diverses confessions et religions.



2. Je voudrais vous exprimer ma profonde gratitude, Monsieur le Premier Ministre, ainsi qu’à toutes les Autorités mauriciennes pour les dispositions prises avec tant de courtoisie afin de faciliter ma visite pastorale. J’ai été sensible au dévouement des personnes qui ont collaboré au bon déroulement des étapes successives de ce voyage ici et à Rodrigues. En particulier, je remercie les médias d’avoir permis à tous, spécialement aux malades, de vivre intensément la rencontre du successeur de Pierre avec ceux et celles qu’il a mission de confirmer dans la foi.



3. A vous, Monsieur le Cardinal, mon hôte attentionné dans ce diocèse de Port-Louis, mon plus cordial merci, ainsi qu’aux prêtres, aux religieux et religieuses, et à tous ceux et celles qui se sont mobilisés pour préparer ce temps fort de la vie de l’Eglise à Maurice: je pense, entre autres, aux membres du Conseil pastoral diocésain.

Enfin, c’est toute la population de Maurice et de Rodrigues que je remercie pour la chaleur de son accueil, bien dans la tradition des îles.

Cette visite a été pour moi l’occasion de connaître vos visages, de partager vos joies et de vous encourager dans vos espoirs. Sachez bien que vous resterez dans la mémoire de mon coeur et dans ma prière: je vous retrouverai dans la vivante présence du Seigneur, lui demandant de faire fructifier en vous les multiples dons que vous avez reçus.

En vous quittant, je vous confie à la Vierge Marie, Reine de la Paix, et je lui recommande vos familles, ainsi que les malades, les handicapés et tous ceux qui connaissent la souffrance. Qu’avec le Bienheureux Père Laval, Notre-Dame soit votre guide dans votre marche vers l’an 2000, dans la fidélité au Christ, «le Chemin, la Vérité et la Vie» [1].



4. L’avenir de votre pays, de vos familles et de vos enfants est entre vos mains à tous, cher peuple de Maurice! Préparez-le ensemble en continuant à agir selon les valeurs fondamentales qui déjà vous rassemblent et garantissent votre paix.

Je souhaite que le sens de la solidarité se développe encore davantage entre vous et que l’«autre» soit toujours mieux perçu comme un «semblable» et un frère, car tous sont appelés à contribuer également au progrès social, dans la convivialité.

Puissiez-vous bâtir une nation où régnera toujours la paix afin que votre pays demeure accueillant envers tous les peuples de l’Océan Indien et envers ceux qui, attirés par le charme et la beauté de votre île, viennent vous visiter de loin! Les jeunes nations comme la vôtre ont tellement à apporter aux autres par l’équilibre et l’harmonie qu’elles ont su établir, et qu’il convient de promouvoir pour le bien de la famille humaine!

Que Dieu bénisse votre pays, Monsieur le Premier Ministre, et qu’il répande ses bienfaits sur tous ceux qui l’habitent! Je garde les Mauriciens dans ma prière et, en m’éloignant de leur île, je les assure de toute mon affectueuse sollicitude pastorale.

[1] Jn 14,6.



                                       Novembre 1989


AUX PARTICIPANTS AU COLLOQUE ORGANISÉ PAR L’ACADÉMIE DIPLOMATIQUE INTERNATIONALE

Vendredi, 3 novembre 1989



Excellences, Mesdames, Messieurs,

C’est avec plaisir que j’accueille l’Académie Diplomatique internationale à l’occasion de son colloque tenu à Rome et portant sur le Saint-Siège dans la communauté internationale. Le choix de ce thème honore le Siège Apostolique, et particulièrement ceux qui le représentent auprès des pouvoirs publics de nombreuses nations ainsi qu’auprès des Organisations internationales. Mais sans doute êtes-vous conduits à élargir votre perspective et à découvrir le rôle spécifique que joue l’Eglise catholique, d’une manière très diversifiée, de par le monde.

Le sujet retenu pour vos entretiens paraît bien correspondre à la vocation propre de votre Institution. Fondée voici plus de soixante ans, au moment où les nations tentaient d’organiser leur dialogue pour surmonter le désarroi d’un premier grand conflit mondial, l’Académie a orienté d’emblée ses réflexions sur les conditions de la paix et sur la défense des droits de l’homme. A ce titre – est-il besoin de le souligner? -, vos objectifs sont proches de ceux que poursuit le Saint-Siège lorsqu’il lui est donné de faire entendre sa voix. C’est donc bien volontiers que je vous exprime mon estime pour votre Institution.

Dans le cadre de cette rencontre, nécessairement brève, je ne reviendrai pas sur les divers sujets que vous avez mis à votre ordre du jour et que vous abordez à partir des contributions éclairées d’universitaires et de collaborateurs de la Curie romaine. Je limiterai mon propos à l’évocation de principes qui guident sans cesse le Saint-Siège dans son activité au sein de la communauté internationale.

En premier lieu, je redirai simplement que dans toute négociation, dans toute concertation aussi technique qu’elle soit, nous désirons ne jamais perdre de vue que l’enjeu véritable, c’est l’homme dans la plénitude de sa vocation. Il s’agit toujours de permettre à la personne d’épanouir tout ce qui compte pour elle: sa vie même respectée et protégée, sa santé, sa capacité de gagner son pain par le travail, tout en se réalisant dans la vie de famille, la conservation de son patrimoine culturel et la possibilité de développer ses connaissances et de communiquer avec d’autres groupes, l’absence d’entraves pour se déplacer, la liberté de sa conscience, de son adhésion à une conviction de foi et de sa pratique religieuse communautaire. Ces mentions suffiront à situer mon propos: l’homme est un; in n’est pas de décision dans des domaines apparemment spécialisés et techniques qu soit sans incidence sur les citoyens, sur les travailleurs, sur les familles, sur les jeunes ou les anciens, les malades ou les handicapés, bref sur l’homme concret qui a le droit de voir sauvegardée en toutes circonstances sa dignité.

Parmi vous, ceux qui exercent la profession de diplomate savent bien que leur mode d’action naturel est le dialogue. Il est bon de revenir parfois aux conditions qui permettent à ce dialogue et aux «relations» entre responsables des Etats d’atteindre réellement leur but. En deçà des aspects multiples des compétences techniques nécessaires, rappelons-nous les premières exigences: ne pas transiger avec la vérité, et respecter l’autre. L’état d’esprit, les convictions, la culture peuvent être différents; les intérêts et les objectifs poursuivis peuvent être opposés; mais dans une négociation, la recherche d’un accord, ou d’un compromis, ne peut jamais être conduite au prix d’une occultation de la vérité ou du mépris d’un partenaire. Pour parvenir à une entente, il faut que les partenaires s’écoutent en se respectant mutuellement et qu’ils puissent se fier à la parole prononcée.

Ainsi énoncées, ces exigences paraîtront sans doute bien générales ou éloignées du débat quotidien. Mais peut-on, par pragmatisme, les taire? Doit-on renoncer à l’idéal parce qu’il est difficile de l’atteindre? Le Pape Paul VI a écrit, dans son Message pour la Journée mondiale de la paix de 1973, que «la paix absolue et définitive entre les hommes... ne peut être qu’un idéal, non pas irréel, mais à réaliser». J’appliquerai volontiers cette remarque aux exigences de vérité dans le dialogue pour le service de tout l’homme et de tout homme auquel sont appelés les diplomates. Lorsqu’on prend conscience de peurs ou de refus devant la vérité, ou de blessures à la dignité humaine, il n’est pas irréaliste de réagir! Travailler pour reprendre ensemble les chemins de la vérité et de la solidarité, ce n’est pas poursuivre une chimère, c’est répondre à ce qu’on attend de personnes responsables et réalistes.

Dans la vie internationale, si l’Eglise désire faire entendre sa voix, ce n’est pas, vous le savez, en intervenant sur les aspects techniques de la plupart des problèmes. Mais elle croit utile de rappeler, à temps et à contretemps, les conséquences humaines de nombreuses décisions pratiques ou de dispositions institutionnelles. Et elle considère que l’on ne peut accomplir un véritable service de la communauté humaine sans une régulation éthique que son expérience et son indépendance l’invitent à proposer sans cesse. Elle souhaite aussi redire que la dimension spirituelle est essentielle à l’homme, et même qu’il n’y a de bonheur et de paix durables que lorsque chaque personne peut en discerner au profond de sa conscience les fondements transcendants.

Mesdames et Messieurs, par ces considérations, j’espère rejoindre des préoccupations présentes à l’esprit et au coeur de tous ceux qui oeuvrent pour le bien de l’humanité par l’activité diplomatique. Je sais que la tâche est souvent rude, et que des déceptions peuvent assombrir le regard porté sur le chemin parcouru. Mais je voudrais exprimer à nouveau l’estime en laquelle le Siège apostolique tient la mission irremplaçable de la diplomatie et la confiance que lui inspirent la haute conscience et le dévouement désintéressé de ceux qui en ont la charge.

Priant à toutes vos intentions, je demande au Seigneur de vous accorder les dons de la Sagesse éternelle et ses Bénédictions.



AUX FAMILLES DE LA CONFÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS FAMILIALES CATHOLIQUES DE FRANCE

Vendredi 3 novembre 1989




Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,



1. Au terme de votre pèlerinage à Rome, je suis heureux de pouvoir vous rejoindre auprès du tombeau de Pierre. Je remercie le Cardinal Decourtray et votre Président de m’avoir présenté les Associations Familiales catholiques de France dont vous constituez une importante délégation.

Prière et réflexion ont marqué vos journées en cette ville où, à la suite de Pierre le premier des Apôtres, de Paul l’Apôtre des nations, les martyrs, les saints et de nombreuses générations de chrétiens ont travaillé intensément à bâtir l’Eglise. A votre tour, familles chrétiennes, vous prenez une conscience renouvelée de votre vocation et de votre mission, dans l’Eglise et dans le monde.

L’enseignement du dernier Synode des Evêques a récapitulé ce qu’on attend des fidèles laïcs. Vous avez tenu à prendre à votre compte le contenu de l’exhortation apostolique qui a traduit le message du Synode; je vous en félicite. Il était bon de faire cette halte de méditation, afin de repartir plus ardents sur vos chemins de baptisés, époux, parents, jeunes et enfants. Familles, vous constituez les cellules fondamentales de l’Eglise. Reconnaissez votre mission et sachez que toute la communauté ecclésiale compte sur votre vitalité et votre générosité!



2. En tant que membres des Associations Familiales Catholiques, le premier témoignage que l’on attend de vous, c’est celui de familles qui vivent leur vocation propre selon l’Evangile, en accord avec les orientations que donne l’enseignement de l’Eglise. Dans ce sens, votre Président vient de dire votre adhésion à cet enseignement qui vous paraît à la fois vrai et proche de votre condition. Le témoignage des familles est essentiel: il répond à l’intention profonde de la doctrine morale de l’Eglise qui respecte l’être humain, qui désire son bien, qui l’invite à se montrer fidèle à Dieu créateur.

Il est vrai que vous vous trouvez quotidiennement affrontés à l’incompréhension ou à la contestation de principes éthiques pourtant fondamentaux pour la vie et l’épanouissement de chacun dans le couple et la famille. On en vient à donner peu de prix à la fidélité conjugale et même à l’institution du mariage. En revendiquant la liberté d’accepter ou de refuser la paternité et la maternité, on en vient à détourner de son sens l’exercice de la responsabilité des couples, légitime assurément, mais à condition de ne pas faire violence à la condition naturelle de la sexualité humaine qui est le don de Dieu. On en vient aussi, malheureusement, à ne pas respecter la vie même de l’enfant déjà conçu, à se déclarer maître de son droit de vivre. En somme, dans le monde contemporain, on réduit souvent les relations interpersonnelles à un désir de possession, sans véritable accueil de l’autre. On pense exalter l’autonomie de l’homme et l’on méconnaît les sources vives de l’amour qui sont en Dieu et l’infinie générosité dont Dieu rend capables ceux qui se savent aimés de lui.



3. Face à ce qui nous inquiète ainsi, vous savez bien qu’il ne suffit pas de parler ou d’avertir. Le témoignage le plus convaincant est donné par ceux qui vivent les exigences évangéliques, qui les comprennent intimement et y trouvent leur épanouissement dans une conception équilibrée de la vie familiale. Baptisés accueillant en vous la présence du Sauveur et l’aide de sa grâce, membres vivants de la communauté ecclésiale, vous pourrez proposer le «modèle» chrétien de la famille d’autant mieux que votre manière d’agir sera fondée dans la charité du Christ Sauveur. Pour demeurer fidèles aux engagements du mariage, les efforts et les renoncements nécessaires, accomplis en union avec le sacrifice rédempteur du Christ et offerts dans le sacrement de l’amour sauveur qu’est l’Eucharistie, apparaîtront comme les fruits d’une générosité consentie sans raidissement et même heureusement.

Dans un mouvement familial comme le vôtre, on peut faire beaucoup pour assimiler l’enseignement moral, pour lui donner l’expression simple qui découle de l’expérience, avec plus de crédit quand on voit les familles s’entraider mutuellement pour résoudre leurs difficultés de toute nature! Que les familles se montrent accueillantes et capables d’encourager les foyers blessés qui ont besoin de compréhension et de soutien.

Ce que je viens d’évoquer, ce sont quelques objectifs de toute pastorale familiale: aider les familles à s’épanouir sainement et à remplir leurs rôles dans l’Eglise. La première responsabilité de cette pastorale revient aux Pasteurs des diocèses et à ceux qu’ils ont délégués. Je vous encourage à continuer une collaboration confiante avec eux, dans la complémentarité avec les mouvements de spiritualité, avec les organismes de formation de jeunes et d’adultes, de préparation au mariage, les uns et les autres travaillant dans le même but.



4. Il est une tâche sur laquelle je voudrais insister car vous y avez une responsabilité particulière. Je pense à l’éducation religieuse des enfants et des jeunes. Le document post-synodal le souligne: «Il va de soi que les parents chrétiens sont les premiers catéchistes, irremplaçables, de leurs enfants, habilités qu’ils sont à cette tâche par le sacrement du mariage» [1]. Les parents remplissent d’abord ce rôle au foyer, pour l’éveil religieux des petits. Ensuite la paroisse et l’institution scolaire constituent un cadre essentiel pour la formation religieuse des jeunes. Mais, à ces stades, les parents ne peuvent rester des observateurs. Il leur revient de soutenir activement l’école catholique et aussi de collaborer personnellement à la catéchèse, cela dans les établissements confessionnels comme dans les aumôneries de l’enseignement public. Tout le monde est conscient des difficultés de la tâche et de la nécessité de coordonner les efforts de nombreuses bonnes volontés. Il faut que les parents entretiennent une relation suivie et approfondie avec les éducateurs, et que, pour ceux qui en ont la possibilité, ils jouent un rôle actif, au besoin après avoir suivi la formation appropriée proposée par les responsables diocésains. Les familles n’oublient pas que la catéchèse est une mission de l’Eglise, mère qui enfante ses fils et ses filles dans la foi. Et tous les membres du peuple de Dieu sont appelés à participer à l’acte de «tradition», c’est-à-dire de transmission de la révélation reçue par le Christ.



5. D’un autre point de vue, vos Associations familiales remplissent une fonction statutaire importante, celle de faire entendre la voix des chrétiens dans la société et auprès des autorités afin d’obtenir en faveur de la famille des conditions plus favorables, sur le plan juridique et sur le plan économique notamment. A ce sujet, je rappellerai simplement ce que dit l’exhortation post-synodale: «Il est urgent de déployer une activité vaste, profonde et systématique, soutenue non seulement par la culture mais encore par des moyens économiques et des institutions législatives, dans le but d’assurer à la famille sa place de lieu premier d’"humanisation" de la personne et de la société» [2]. Ces actions prendront prochainement une dimension nouvelle, dans la perspective européenne; vous avez à y penser et à examiner les conséquences de l’intensification des échanges entre pays pour les familles.

D’un mot, je voudrais mentionner également un thème de réflexion important dans ce contexte, c’est celui de la place de la femme dans la société. Avec le Synode, le point de vue catholique a été présenté; j’ai aussi développé la méditation et la réflexion dans une Lettre apostolique. Comme je l’ai dit tout à l’heure à propos de l’ensemble des questions éthiques, ces enseignements seront mieux compris par ceux à qui ils s’adressent si les femmes et les hommes qui constituent le peuple de Dieu les assimilent personnellement et en donnent une expression juste, attestée par leur expérience.



6. Avant de conclure, je voudrais m’adresser à vos enfants qui participent à ce pèlerinage. Mes amis, je viens de parler à vos parents, et mon discours vous a paru sans doute un peu difficile; je vous remercie d’avoir été patients. Je me réjouis de votre présence. Et j’aimerais que vous gardiez un beau souvenir de moments heureux passés en famille à Rome, au centre de l’Eglise. Rappelez-vous saint Pierre, nous sommes près de son tombeau; rappelez-vous saint Paul. Tous les deux, ils ont été jusqu’au bout de leur fidélité au Christ. Leur foi et leur enthousiasme pour la communiquer nous encouragent encore maintenant. Rappelez-vous aussi Marie, la Mère de Jésus qui est aussi notre Mère; aux jours de joie comme aux jours de peine, vous savez qu’elle écoute notre prière avec tendresse. Mes jeunes amis, je vous souhaite de découvrir toujours, en grandissant, la beauté du message de l’Evangile et le bonheur d’être des frères dans l’immense famille qu’est l’Eglise du Christ.



7. Au terme de cette rencontre, je voudrais saluer avec beaucoup de sympathie les prêtres qui prennent en charge la pastorale familiale dans vos diocèses et ceux qui accompagnent vos Associations. Je les encourage vivement dans leur ministère.

Aux familles ici rassemblées, et à celles que vous représentez, je confirme leur mission, qui a sa source dans le baptême et dans le sacrement de mariage. A la suite de Marie, accueillez la présence du Christ dans votre vie et son appel à la sainteté! A la suite de Pierre et de Paul, soyez prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous [3]! Vivez dans l’unité de l’amour qui est le don suprême de Dieu! Je vous laisse la parole de Jésus: «C’est moi qui vous ai choisis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure... Ce que je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres» [4]. J’invoque sur vous la Bénédiction de Dieu.

[1] Ioannis Pauli PP. II Christifideles Laici, CL 34.
[2] Ibid. CL 34
[3] Cfr. 1P 3,5.
[4] Jn 15,16-17.



Discours 1989 - IV