Discours 1990






1990

Janvier 1990



À S.E. M. FAGNANAMA KONE, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 4 janvier 1990




Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec plaisir que je souhaite la bienvenue au Vatican à Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui l’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Mali près le Saint-Siège.

Je suis sensible aux paroles très aimables que vous m’avez adressées et je vous remercie, en particulier, de m’avoir transmis le message courtois de votre Président, Son Excellence le Général Moussa Traoré. Veuillez lui exprimer, je vous prie, mes sentiments déférents et cordiaux en lui disant combien je me réjouis de le revoir prochainement à Bamako et de faire la connaissance de ses compatriotes au cours de ma prochaine visite pastorale sur le continent africain.

Vous avez fait allusion, Monsieur l’Ambassadeur, aux efforts du Siège Apostolique en vue de promouvoir des relations plus équitables entre les hommes, dans une lutte persévérante contre la misère et contre ce qui porte atteinte à la dignité de l’être humain. Je constate avec satisfaction l’écho favorable que trouvent auprès de votre pays ces diverses initiatives pour faire progresser la fraternité et la paix.

Egalement, vous avez évoqué l’harmonie qui existe au Mali entre les communautés religieuses. J’en rends grâce à Dieu et je forme le voeu que la foi des uns et des autres soit un stimulant pour la bonne entente entre tous et pour un service généreux du bien commun, dans une ouverture sincère à la solidarité universelle que doit éveiller au coeur de chacun la croyance en un Dieu qui aime tous les hommes et se montre miséricordieux à leur égard. Je souhaite qu’un dialogue toujours plus constructif se développe entre musulmans et catholiques, et aussi entre les membres d’autres confessions et des religions africaines traditionnelles.

Permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, d’adresser un salut affectueux, par votre entremise, à la petite communauté catholique malienne, à laquelle je m’apprête à rendre visite pour l’affermir dans le dynamisme de sa foi. Puissent les fidèles catholiques continuer à participer avec compétence au progrès de la société malienne en s’associant fraternellement à leurs concitoyens dans les tâches considérables du développement national!

Alors que vous inaugurez votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et je vous assure que vous trouverez une aide attentionnée et cordiale de la part de tous ceux qui s’emploient au service de la communauté internationale.

Enfin, ma pensée se tourne à nouveau vers le cher Peuple malien, à qui je voudrais exprimer mon estime pour sa culture, son passé aux riches traditions et sa détermination présente à poursuivre l’édification de la nation. A tous vos compatriotes, dont on sait les qualités de courage, d’endurance, de ténacité et qui aspirent à un avenir toujours plus favorable à leurs enfants, je dis ma joie de les rencontrer bientôt sur leur propre terre. Sur eux tous, sur ceux qui les gouvernent, sur Votre Excellence et sur Monsieur le Président de la République du Mali j’invoque de grand coeur l’abondance des bienfaits su Très-Haut.


À S.E. M. ALLAM-MI AHMAD, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DU TCHAD PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Vendredi, 5 janvier 1990



Monsieur l’Ambassadeur,

C’est avec beaucoup de joie que j’accueille Votre Excellence au Vatican et que je Lui souhaite la bienvenue dans cette maison en qualité de premier Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Tchad près la Saint-Siège.

Je vous remercie vivement des paroles courtoises que vous venez de m’adresser: elles témoignent de nobles sentiments auxquels je suis sensible. En particulier, je vous sais gré de m’avoir présenté les salutations très aimables de votre Président, Son Excellence Monsieur Hissein Habré. Il m’est agréable de lui exprimer, en retour, par votre entremise, mes voeux déférents et cordiaux, dans le souvenir de l’entretien que j’ai pu avoir récemment avec lui.

A la veille de ma visite pastorale dans votre pays, il est heureux qu’aujourd’hui cette rencontre vienne manifester la proximité d’objectifs qui existe entre le Tchad et le Saint-Siège, et qu’elle montre notre intention de coopérer au service du bien commun. Carrefour multi-séculaire entre le Sahara et l’Afrique tropicale, le Tchad a un rôle particulier à jouer pour le progrès de la paix. Monsieur l’Ambassadeur, la mission que vous inaugurez ici sera précieuse, parmi les représentants des nations qui s’emploient à l’édification d’un monde plus humain, car la communauté internationale bénéficiera de l’expérience acquise par votre peuple qui sait favoriser une bonne entente entre personnes appartenant à des traditions spirituelles différentes. Croyez bien que, comme pasteur de l’Eglise catholique, j’en éprouve une grande satisfaction.

Le pays que vous représentez a hélas connu, vous l’avez dit, une longue période d’épreuves. Au cours de ces dernières années, la sécheresse, les irrégularités climatiques, la prolifération des criquets, la famine qui s’en est suivie ont causé bien des souffrances. A celles-ci sont venus s’ajouter les malheurs et les ruines de la guerre. Votre société en a été affectée et les difficultés économiques n’ont pas manqué de laisser leurs traces dommageables sur l’ensemble du tissu social.
Cependant, les signes de renouveau sont bien visibles aujourd’hui et votre pays conserve toutes ses chances d’aller de l’avant en raison du dynamisme de ses habitants, à la ville comme à la campagne, en raison de l’énergie morale qui les anime. En outre, le sentiment croissant d’appartenir à une même nation et le désir de travailler ensemble sont de bon augure pour l’édification d’une société d’avenir, maintenant que la paix a été retrouvée.

De leur côté, les fidèles de l’Eglise catholique, qui cherchent d’abord à vivre leur foi dans leurs engagements quotidiens, ont à coeur de joindre leurs propres efforts à ceux de leurs compatriotes dans l’oeuvre du développement. Encouragés par leurs Evêques, ils souhaitent apporter eux aussi une contribution qualifiée dans la marche vers le progrès. Les structures sanitaires de l’Eglise catholique, ses établissements scolaires, ses foyers de jeunes, ses organismes de secours veulent être au service de tous, dans le respect des convictions religieuses de chacun. Permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, de saisir l’heureuse occasion de votre venue pour exprimer, par votre intermédiaire, toute mon affection à la communauté catholique du Tchad et pour lui faire savoir que je me réjouis beaucoup à la pensée d’aller bientôt célébrer avec elle la foi qui nous unit.

Dans votre pays, les communautés musulmanes et chrétiennes entretiennent de bons rapports. Je rends grâce à Dieu pour ces liens d’amitié: ils garantissent, en effet, le respect de la dignité de chaque être humain et mettent la nation à l’abri de douloureuses déchirures intérieures. Je souhaite qu’un dialogue de plus en plus constructif se développe non seulement entre musulmans et catholiques, mais avec les frères chrétiens d’autres confessions et les membres des religions africaines traditionnelles, dépositaires de valeurs ancestrales. La solidarité atteint sa vraie profondeur lorsque la vie commune intègre clairement la dimension spirituelle de l’homme. Je forme le voeu que l’entente et l’entraide entre croyants tchadiens contribuent au renforcement de l’unité de votre peuple et à son progrès.

Au moment où commence votre mission, je vous offre mes meilleurs voeux pour l’heureux accomplissement de votre tâche. Soyez assuré que vous trouverez toujours ici un accueil attentif et une compréhension cordiale.

Sur Votre Excellence, sur Monsieur le Président de la République, le Gouvernement et le Peuple du Tchad, j’invoque de grand coeur l’abondance des bénédictions du Très-Haut.



À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA CULTURE

Vendredi, 12 janvier 1990



Messieurs les Cardinaux,
Chers amis,

1. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue. Réunis autour du Cardinal Paul Poupard et de ses collaborateurs, une fois encore, vous vous faites l’écho auprès du Saint-Siège des grandes mutations culturelles qui ébranlent le monde. Vous aidez ainsi l’Eglise à mieux discerner les signes des temps et les voies nouvelles de l’inculturation de l’Evangile et de l’évangélisation des cultures. A cet égard, l’année qui vient de s’achever a été riche en événements exceptionnels qui retiennent justement notre attention, en cette dernière décennie de notre millénaire.

Un sentiment commun semble dominer aujourd’hui la grande famille humaine. Tous se demandent quel avenir construire dans la paix et la solidarité, en ce passage d’une époque culturelle à une autre. Les grandes idéologies ont montré leur faillite devant la dure épreuve des événements. Des systèmes soi-disant scientifiques de rénovation sociale, voire de rédemption de l’homme par lui-même, des mythes de l’accomplissement révolutionnaire de l’homme se sont révélés aux yeux du monde entier pour ce qu’ils étaient: de tragiques utopies qui ont entraîné une régression sans précédent dans l’histoire tourmentée de l’humanité. Au milieu de leurs frères, le résistance héroïque des communautés chrétiennes contre le totalitarisme inhumain a suscité l’admiration. Le monde actuel redécouvre que, loin d’être l’opium des peuples, la foi au Christ est le meilleur garant et le stimulant de leur liberté.

2. Des murs se sont écroulés. Des frontières se sont ouvertes. Mais des barrières énormes se dressent encore entre les espoirs de justice et leurs réalisations, entre l’opulence et la misère, cependant que les rivalités renaissent dès lors que la lutte pour l’avoir prend le pas sur le respect de l’être. Un messianisme terrestre s’est effondré et la soif d’une nouvelle justice jaillit dans le monde. Une grande espérance s’est levée, de liberté, de responsabilité, de solidarité, de spiritualité. Tous appellent une nouvelle civilisation pleinement humaine, en cette heure privilégiée que nous vivons. Cet immense espoir de l’humanité ne doit pas être déçu: tous nous avons à répondre aux attentes d’une nouvelle culture humaine. Cette tâche exige votre réflexion et réclame vos propositions. Les nouveaux risques d’illusion et de déception ne manquent pas. L’éthique séculière a éprouvé ses limites et s’avère impuissante devant les redoutables expérimentations qui s’effectuent sur des êtres humains considérés comme de simples objets de laboratoire. L’homme se sent menacé d’une façon radicale devant des politiques qui décident arbitrairement du droit à la vie ou du moment de la mort, alors que les lois du système économique pèsent lourdement sur sa vie familiale. La science manifeste son impuissance à répondre aux grandes questions du sens de la vie, de l’amour, de la vie sociale, de la mort. Et les hommes d’Etat eux-mêmes semblent hésiter sur les chemins à emprunter pour construire ce monde fraternel et solidaire que tous nos contemporains appellent de leurs voeux, aussi bien à l’intérieur des nations qu’à l’échelle des continents.

Aux femmes et aux hommes de culture, il revient de penser cet avenir à la lumière de la foi chrétienne qui les inspire. La société de demain devra être différente dans un monde qui ne tolère plus les structures étatiques inhumaines. D’Est en Ouest, et du Nord au Sud, l’histoire en mouvement remet en cause un ordre qui reposait d’abord sur la force et sur la peur. Cette ouverture vers de nouveaux équilibres requiert sage méditation et audacieuse prévision.

3. L’Europe entière s’interroge sur son avenir, alors que l’écroulement des systèmes totalitaires, appelle un profond renouvellement des politiques et provoque un retour vigoureux des aspirations spirituelles des peuples. L’Europe, par nécessité, cherche à redéfinir son identité par-delà les systèmes politiques et les alliances militaires. Et elle se redécouvre un continent de culture, une terre irriguée par la foi chrétienne millénaire et, en même temps, nourrie d’un humanisme séculier traversé de courants contradictoires. En ce moment de crise, l’Europe pourrait être tentée de se replier sur elle-même en négligeant momentanément les liens qui l’unissent au vaste monde. Mais de grandes voix, d’Est en Ouest, l’invitent à se hausser à la dimension de sa vocation historique, en cette heure tout à la fois dramatique et grandiose. Il vous revient, à votre place, de l’aider à retrouver ses racines et à construire son avenir, à la mesure de son idéal et de sa générosité. Les jeunes que j’ai rencontrés avec joie sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle ont manifesté dans l’enthousiasme que cet idéal vivait en eux.

4. Sur l’autre rive de la Méditerranée, l’Afrique tourmentée, contrastée, parfois affamée, se fait plus proche, tout en proclamant avec vigueur son identité propre et sa place spécifique dans le concert des nations. La prochaine Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques, en communion avec l’Eglise universelle, permettra à ce continent de l’avenir de montrer comment l’Evangile en notre temps est un ferment de culture incomparable dans le développement intégral et solidaire des personnes et des peuples. Au coeur de l’Eglise, l’Afrique est créatrice de cultures enracinées dans la sagesse millénaire des anciens et renouvelées par la vigueur du levain évangélique dont les communautés chrétiennes sont porteuses.

5. L’Amérique latine se prépare à célébrer avec ferveur le cinquième centenaire de son évangélisation. Déjà s’annonce pour 1992 la IVème Conférence générale de ses évêques qui sera tout orientée vers une nouvelle étape de l’évangélisation de ses peuples et de ses cultures, et qui donnera une nouvelle impulsion à ce continent de l’espérance. Entre l’angoisse et l’espoir, l’avenir de la société comme de l’Eglise s’y joue, notamment auprès des plus pauvres. Entre l’Amérique du Sud engagée dans un processus de renouveau et l’Amérique du Nord riche de potentialités économiques incomparables, l’Amérique Centrale entend vivre sa vocation au confluent et au creuset des cultures. Les chrétiens qui sont largement majoritaires sur l’ensemble du continent américain ont de ce fait une vocation culturelle et spirituelle à la mesure de leurs possibilités immenses. Le Conseil pontifical pour la Culture saura, pour sa part, les aider à prendre toute leur place dans ce processus si prometteur, en surmontant les tentations égoïstes et les replis nationalistes. Et je suis heureux que de nouveaux membres de votre Conseil viennent contribuer à l’accomplissement de cette tâche indispensable.

6. Les contrastes qui s’affichent sur les vastes rivages du Pacifique attirent l’attention du monde entier. Un développement économique sans précédent donne à cette zone géographique un rôle nouveau dans l’histoire humaine, avec un poids immense dans les affaires internationales. En même temps, en de nombreuses régions des populations peinent à se libérer de la misère inhumaine. La Chine est en quête d’un nouveau destin à la mesure de sa culture millénaire. Nul doute que ses richesses humaines et son attente d’une communion renouvelée avec les cultures du monde actuel n’apportent à celui-ci de nouvelles énergies. J’aspire au jour où vous pourrez singulièrement enrichir de cet apport appréciable votre dialogue des cultures et de l’Evangile.

7. Chers amis, tels sont les thèmes qui alimentent vos réflexions, au couchant d’un siècle qui a connu trop d’horreur et de terreur, et qui se reprend à aspirer à une culture pleinement humaine.

Si l’avenir est incertain, une certitude nous habite. Cet avenir sera ce que les hommes le feront, avec leur liberté responsable, soutenue par la grâce de Dieu. Pour nous, chrétiens, l’homme que nous voulons aider à croître au coeur de toutes les cultures est une personne d’une dignité incomparable, image et ressemblance de Dieu, de ce Dieu que a pris visage d’homme en Jésus-Christ. L’homme peut sembler aujourd’hui hésitant, parfois encombré de son passé, inquiet de son avenir, mais il est tout aussi vrai qu’un homme nouveau émerge avec une stature nouvelle sur la scène du monde. Son attente profonde, c’est de s’affirmer dans sa liberté, de s’avancer avec responsabilité, d’agir pour la solidarité. A ce carrefour de l’histoire en quête d’espérance, l’Eglise lui apporte la sève toujours neuve de l’Evangile, créateur de culture, source d’humanité en même temps que promesse d’éternité. Son secret est l’Amour. C’est le besoin primordial de toute culture humaine. Et le nom de cet Amour est Jésus, Fils de Marie. Chers amis, portez-le, comme elle, avec confiance, sur tous les chemins des hommes, au coeur des cultures nouvelles que nous avons à construire en hommes, avec les hommes et pour tous les hommes. Soyez-en convaincus: la force de l’Evangile est capable de transformer les cultures de notre temps par son ferment de justice et de charité dans la vérité et la solidarité. Cette foi qui devient culture est source d’espérance. Fort de cette espérance et heureux de vous voir ainsi à l’oeuvre, je demande au Seigneur de vous bénir.


AUX MEMBRES DU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 13 janvier 1990




Excellences,
Mesdames,
Messieurs,

1. A vous tous, aux peuples et aux gouvernements que vous représentez, ainsi qu’à vos familles, je présente mes voeux chaleureux de bonheur et de prospérité pour l’année qui vient de commencer. Ces souhaits se font prière, demandant à Celui qui «s’est fait chair» et «a demeuré parmi nous» (cf. Jn 1,14) de vous bénir, de faire fructifier votre labeur au service de la compréhension entre les hommes et de réconforter ceux qui, parmi vous, connaissent l’angoisse ou l’épreuve.

2. Je voudrais redire aux diplomates récemment accrédités près le Saint-Siège ma joie de les accueillir et combien mes collaborateurs et moi-même comptons sur leur coopération.

Je note avec satisfaction également la présence parmi vous de l’Ambassadeur de Pologne, pays qui, après une longue parenthèse, a renoué ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

3. Je tiens enfin à remercier cordialement votre Doyen, l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire, qui, avec sa délicatesse habituelle, s’est fait l’interprète de vos pensées et de vos souhaits. A côté des développements positifs, souvent inattendus, qui ont marqué l’actualité internationale de l’année écoulée, vous avez tenu également, Monsieur l’Ambassadeur, à mentionner les efforts de la communauté internationale en vue de porter remède aux crises et aux situations d’injustice dont souffrent encore aujourd’hui trop de peuples, souvent parmi les plus démunis. Je vous sais gré de l’appréciation chaleureuse qu’il vous a plu d’exprimer à l’égard de l’activité de l’Eglise catholique et de ce Siège Apostolique qui, par la diffusion du message évangélique, s’efforcent d’apporter leur contribution spécifique à la cause de la justice et à la recherche de la paix.

4. Mesdames et Messieurs, votre présence manifeste clairement que, pour les peuples auxquels vous appartenez et pour leurs dirigeants, l’Eglise et le Saint-Siège ne sont point étrangers à leurs réalisations et à leurs espérances, encore moins aux problèmes et aux adversités qui jalonnent leur route. Vous le savez - vous en êtes les témoins directs, la présence de l’Eglise dans le monde et l’action diplomatique du Saint-Siège en particulier voudraient contribuer à fortifier et à compléter l’union de la famille humaine. Souvenez-vous de ce que déclare à ce propos la Constitution pastorale «Gaudium et Spes
» du deuxième Concile du Vatican: «Comme, de par sa mission et sa nature, l’Eglise n’est liée à aucune forme particulière de culture, ni à aucun système politique, économique ou social, par cette universalité même, elle peut être un lien très étroit entre les différentes communautés humaines et entre les différentes nations, pourvu que celles-ci lui fassent confiance et lui reconnaissent en fait une authentique liberté pour l’accomplissement de sa mission» (n. GS GS 42).

5. En raison même de cette sollicitude et de cet intérêt pour le bien-être spirituel et matériel de tous les hommes le Saint-Siège a accueilli avec satisfaction les grandes transformations qui, en particulier en Europe, ont marqué récemment la vie de plusieurs peuples. La soif irrépressible de liberté qui s’y est manifestée a accéléré les évolutions, fait s’écrouler les murs et s’ouvrir les portes: tout cela a pris l’allure d’un véritable bouleversement. Et, vous l’aurez noté sans doute, le point de départ ou le point de rencontre a souvent été une église. Peu à peu des bougies se sont allumées formant un véritable chemin de lumière comme pour dire à ceux qui, des années durant, ont prétendu limiter les horizons de l’homme à cette terre, qu’il ne peut indéfiniment demeurer enchaîné. Sous nos yeux semble renaître une «Europe de l’esprit», dans le droit fil des valeurs et des symboles qui l’ont façonnée, de «cette tradition chrétienne qui unit tous ses peuples» (Allocution au congrès pour le V centenaire de la naissance de Martin Luther, 24 mars 1984).

Tout en constatant cette heureuse évolution qui a porté tant de peuples à retrouver leur identité et leur égale dignité, on ne saurait oublier que rien n’est jamais définitivement acquis. Les séquelles de la seconde guerre mondiale, déclenchée il y a cinquante ans, incitent à la vigilance. Des rivalités séculaires peuvent toujours resurgir, des conflits entre minorités ethniques s’enflammer à nouveau, des nationalismes s’exacerber. Voilà pourquoi, il est nécessaire qu’une Europe, conçue comme une «communauté de nations», s’affermisse sur la base des principes si opportunément adoptés à Helsinki, en 1975, par la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE).

6. Cette Conférence a fini par imposer, en effet, la conviction fondamentale que la paix du continent dépend non seulement de la sécurité militaire mais aussi - et peut-être surtout - de la confiance que chaque citoyen doit pouvoir mettre dans son propre pays et de la confiance entre les peuples. L’année 1989 avait d’ailleurs débuté par l’adoption, à Vienne, le 19 janvier, du Document final de la troisième réunion de suivi de cette même Conférence. Les trente-cinq pays participants ont adopté un texte important: par les engagements concrets, par l’équilibre qu’il établit entre les aspects militaires, humanitaires et économiques de la sécurité, ce texte a bien mis en relief que la stabilité de la communauté des nations européennes repose avant tout sur des valeurs partagées et sur un code de conduite exigeant. Ce code ne permet pas aux dirigeants d’un pays de devenir les maîtres à penser de leurs concitoyens ou aux nations les plus fortes de s’imposer aux plus vulnérables, dans le mépris de leur dignité.

7. Varsovie, Moscou, Budapest, Berlin. Prague, Sofia et Bucarest, pour ne citer que des capitales, sont devenues comme les étapes d’un long pèlerinage vers la liberté. Nous devons rendre hommage aux peuples qui, au prix d’immenses sacrifices, l’ont courageusement entrepris et aux responsables politiques qui l’ont favorisé. Ce qu’il y a d’admirable dans les événements dont nous avons été témoins, c’est que des peuples entiers ont pris la parole; des femmes, des jeunes, des hommes ont surmonté la peur. La personne humaine a manifesté les inépuisables ressources de dignité, de courage et de liberté qu’elle recèle. Dans des pays où, des années durant, un parti a dit la vérité à croire et le sens à donner à l’Histoire, ces frères ont montré qu’il n’est pas possible d’asphyxier les libertés fondamentales qui donnent sens à la vie de l’homme: la liberté de pensée, de conscience, de religion, d’expression, de pluralisme politique et culturel.

8. Il faut que ces aspirations, exprimées par les peuples, soient satisfaites par l’Etat de droit dans chaque nation européenne. La neutralité idéologique, la dignité de la personne humaine source de droits, l’antériorité de la personne par rapport à la société, le respect des normes juridiques démocratiquement consenties, le pluralisme dans l’organisation de la société sont des valeurs irremplaçables sans lesquelles on ne peut construire durablement une maison commune à l’Est et à l’Ouest, accessible à tous et ouverte sur le monde. Il ne peut y avoir de société digne de l’homme sans le respect des valeurs transcendantes et permanentes. Quand l’homme se fait la mesure exclusive de tout, sans référence à Celui de qui tout vient et vers qui ce monde retourne, bien vite il devient esclave de sa propre finitude. Le croyant, lui, sait d’expérience que l’homme n’est vraiment homme qu’en se recevant de Dieu et en acceptant de collaborer au plan du salut: «Rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés» (Jn 11,52).

9. Le temps est venu pour les Européens de l’Ouest, qui ont l’avantage d’avoir vécu de longues années de liberté et de prospérité, d’aider leurs frères du Centre et de l’Est à reprendre pleinement la place qui leur revient dans l’Europe d’aujourd’hui et de demain. Oui, le moment est propice pour ramasser les pierres des murs abattus et construire ensemble la maison commune. Malheureusement, trop souvent, les démocraties occidentales n’ont pas su user de la liberté conquise naguère au prix de durs sacrifices. On ne peut que regretter l’absence délibérée de toute référence morale transcendante dans la gestion des sociétés dites «développées». A côté d’élans généraux de solidarité, d’un souci réel de la promotion de la justice et d’une préoccupation constante du respect effectif des droits de l’homme, force est de constater la présence et la diffusion de contre-valeurs telles que l’égoïsme, l’hédonisme, le racisme et le matérialisme pratique. Il ne faudrait pas que les nouveaux venus à la liberté et à la démocratie soient déçus par ceux qui en sont en quelque sorte les «vétérans». Tous les Européens sont providentiellement appelés à retrouver les racines spirituelles qui ont fait l’Europe. A ce propos, je voudrais répéter devant cet auditoire qualifié ce que j’ai eu l’occasion de dire aux parlementaires du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, en octobre 1988: «Si l’Europe veut être fidèle à elle-même, il faut qu’elle sache rassembler toutes les forces vives de ce continent, en respectant le caractère original de chaque région, mais en retrouvant dans ses racines un esprit commun... En exprimant le voeu ardent de voir s’intensifier la coopération, déjà ébauchée, avec les autres nations, particulièrement du Centre et de l’Est, j’ai le sentiment de rejoindre le désir de millions d’hommes et de femmes qui se savent liés dans une histoire commune et qui espèrent un destin d’unité et de solidarité à la mesure de ce continent» (Discours à l’Assemblée parlementaire du Conseil d’Europe, 8 octobre 1988). Mesdames et Messieurs, voilà, me semble-t-il, non seulement ce qu’espèrent les Européens, mais aussi ce que le monde entier attend d’un continent qui a tant apporté aux autres.

10. C’est pourquoi je salue avec confiance les efforts entrepris par les responsables des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, soucieux de dialogue et de paix. Mes contacts avec eux m’ont permis de constater leur volonté de faire reposer la coopération internationale sur des bases plus sûres, et de faire en sorte que chaque pays soit toujours davantage considéré comme un partenaire et non comme un concurrent.

Il n’en sera ainsi que si tous les membres de la communauté des nations, en particulier ceux qui ont le plus de poids et donc de responsabilité dans la sauvegarde de la paix, s’emploient a respecter scrupuleusement les principes du droit international qui ont si heureusement contribué à consolider une harmonieuse collaboration entre Etats.

Le nouveau climat qui s’est ainsi progressivement instauré en Europe a favorisé des progrès substantiels dans les négociations pour le désarmement nucléaire, chimique et conventionnel. L’année 1989 pourrait bien marquer le déclin de ce que l’on appelait «la guerre froide». De la division de l’Europe et du monde en deux camps idéologiques opposés, de la course incontrôlée aux armements et de l’enfermement du monde communiste en une société close. Grâces en soient rendues à Dieu qui a voulu inspirer aux hommes ces «pensées de paix» que le Christ, en venant à nous dans la nuit de Noël, a déposées en chacun comme un héritage et un ferment, capables de changer le monde!

11. Cette atmosphère nouvelle s’est aussi répandue fort heureusement bien au-delà de l’Europe.Des processus de pacification ont progressé, en particulier grâce à l’action clairvoyante de l’Organisation des Nations Unies, à laquelle il me plaît ici de rendre hommage.

Des élections libres ont été tenues en Namibie qui devrait accéder bientôt à l’indépendance tant attendue par la population.

Des négociations en Angola et au Mozambique sont à encourager afin que la bonne volonté de tous permette de lever les obstacles persistants qui en retardent l’aboutissement; ainsi sera mis un terme aux cruelles épreuves de populations, déjà matériellement peu favorisées, qui pourront mieux être les artisans de leur propre développement.

Les réformes politiques et constitutionnelles vers lesquelles semble s’acheminer la République d’Afrique du Sud devraient être toujours mieux traduites dans la réalité, favorisant de la sorte le climat de confiance et de dialogue dont toutes les populations ressentent l’urgente nécessité.

Le Burundi semble, lui aussi, être désormais sur la voie permettant de surmonter définitivement les conflits ethniques qui le déchiraient jusqu’à une date récente.

Egalement sur le continent africain, il nous faut prendre acte de la naissance de l’Union Maghrébine Arabe, point de départ d’une nécessaire coopération régionale qui devrait favoriser non seulement les échanges économiques, mais aussi le règlement pacifique des problèmes en suspens et finalement des relations bénéfiques avec la Communauté Economique Européenne.

Enfin, bien loin de là, en Amérique du Sud, la tenue d’élections démocratiques, tout dernièrement au Chili et au Brésil, constitue une étape importante dans la marche des nations de cette région vers plus de liberté et démocratie, une étape que d’autres doivent encore atteindre.

12. Mais, de même qu’à l’heure où l’aube se lève sur certaines terres, d’autres sont encore assombries par le crépuscule, ainsi en est-il de la scène internationale: si des progrès peuvent être enregistrés ici ou là, nombreux sont les pays encore en proie à l’incertitude et à l’épreuve.

Ma pensée se dirige en tout premier lieu vers le Proche-Orient, toujours victime de l’injustice et de la violence. L’avenir du Liban, malgré tant d’efforts déployés, demeure précaire. Il est désormais urgent que les Libanais soient mis en état de décider souverainement de leur avenir, dans la fidélité aux valeurs de civilisation qui ont façonné l’attachante physionomie de ce pays.

Tout près de la terre libanaise, les populations de Cisjordanie et de Gaza sont encore soumises à des souffrances difficilement admissibles. Comment ne pas répéter, une fois encore, que seule la négociation sera en mesure de garantir aux parties qui s’opposent le respect de leurs légitimes aspirations, la paix immédiate et la sécurité pour demain?

Dans le Golfe, la guerre entre l’Irak et l’Iran terminée, il reste à résoudre, entre autres, le problème du rapatriement des prisonniers de guerre, problème humain par excellence. Alors que viennent de s’achever les fêtes de fin d’année, occasion de joyeuses rencontres familiales, nous ne saurions oublier le sort réservé à ces personnes, jeunes pour la plupart, encore retenues loin des leurs sans motif justifiable.

Plus à l’Est, un problème du même ordre est constitué par les réfugiés afghans qui attendent de pouvoir revenir sur leur terre. La communauté internationale ne peut se désintéresser de leur situation ni d’ailleurs de celle des populations d’Afghanistan qui subissent quotidiennement les effets dévastateurs d’un conflit meurtrier. Là encore, il est grand temps que les parties concernées redoublent d’efforts pour que, dans le respect des aspirations légitimes de tous, cessent les hostilités endémiques et les souffrances imposées à des civils innocents.

13. Un regard rapide posé sur l’immense Asie Orientale met devant les yeux de grands peuples, aux nobles traditions culturelles et religieuses, qui devraient pouvoir contribuer davantage à l’harmonieux progrès de la vie internationale. A côté de signes positifs, porteurs d’espérance, subsistent hélas des situations douloureuses.

Je pense au Cambodge où, malgré une première tentative de négociation, on attend toujours une transition pacifique vers un avenir qui inspire confiance à tous. Souhaitons qu’une coopération internationale effective empêche le retour des terribles épreuves déjà traversées par tout un peuple.

Le Sri Lanka continue malheureusement à être secoué par des hostilités de toutes sortes. Elles ont provoqué, pratiquement tout au long de l’année passée, de nombreuses victimes et compromettent dangereusement la cohésion d’une nation pourtant si pacifique.

Mention doit être faite également du Vietnam. Je voudrais encourager les signes discrets d’ouverture qui se sont manifestés dernièrement, y compris dans le domaine de la liberté de religion. L’Eglise et le Saint-Siège sont évidemment disponibles pour tout dialogue susceptible d’améliorer la situation dans ce domaine. La communauté internationale, pour sa part, se devrait de stimuler davantage le courageux peuple vietnamien en l’aidant à toujours mieux occuper la place qui lui revient dans le concert des nations. Et la grave question posée par les réfugiés de ce pays ne sera résolue que par cette même solidarité internationale.

Enfin, je ne saurais quitter cette région sans mentionner la nation chinoise. Les graves événements du mois de juin 1989 m’ont profondément impressionné et dès le début, me faisant un peu la voix de tous ceux qui sont attentifs au sort de l’humanité, je n’ai pas manqué d’exprimer, avec mes sentiments d’affliction, le souhait sincère que tant de souffrances ne soient pas vaines mais servent plutôt à renouveler la vie nationale de ce noble pays. Au seuil de l’année nouvelle, je ne puis que formuler une fois encore ces mêmes voeux, convaincu que les problèmes de la paix ont aujourd’hui des dimensions telles qu’ils concernent tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté. Tous les peuples du monde, en effet, sont appelés à faire oeuvre de paix dans le respect de la vérité, de la justice et de la liberté.

14. En Amérique Centrale les perspectives d’une reprise du processus de paix sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies, qui avait suscité tant d’espoir, se sont quelque peu estompées. Récemment le Salvador a été le théâtre de luttes violentes qui ont surtout frappé la population civile. Nous nous souvenons en particulier, du barbare assassinat de six religieux de la Compagnie de Jésus. Vouloir résoudre des problèmes de société par la violence est tout simplement une illusion, une illusion suicidaire. C’est pourquoi j’ai accueilli avec soulagement la tenue du récent sommet des Présidents des pays d’Amérique Centrale, à San José de Costa Rica, le mois dernier. Ils ont opportunément déclaré leur conviction profonde «qu’il est indispensable de susciter dans la conscience des peuples la nécessité de rejeter l’usage de la force et de la terreur pour l’obtention de fins et d’objectifs politiques» (Déclaration du "Saint Isidore de Coronado", 12 décembre 1989).

Le fléau de la violence et du terrorisme, aggravé par l’infâme commerce de la drogue qui souvent en est la cause, a durement sévi au Pérou et en Colombie, au point de mettre en péril l’équilibre social de ces pays. Dans ce climat d’anarchie, nous avons à déplorer le lâche assassinat d’un évêque, le pasteur du diocèse colombien d’Arauca, Monseigneur Jesús Jaramilla Monsalve.

Et tout dernièrement, à ces préoccupations, est venue s’ajouter la crise du Panama.Là encore, c’est la population civile qui a le plus souffert. Il est à souhaiter que, sans tarder, le peuple panaméen puisse retrouver une vie normale, dans la dignité et la liberté auxquelles a droit tout peuple souverain.

15. Enfin, achevant ce tour d’horizon, il convient de faire une halte sur le continent africain où deux peuples, en particulier, subissent depuis des années un sort tragique. Le Soudan, en effet, a vu s’ajouter aux calamités naturelles celles encore plus néfastes de la guerre dans la partie méridionale du pays. Villes dévastées et exode des populations ont provoqué des détresses pitoyables, dont celle de nombreux réfugiés. L’aide internationale est évidemment urgente, mais elle ne pourra être assurée que si la trêve des armes est observée, en attendant la reprise des pourparlers de paix qui avaient donné tant d’espérance. Au silence des armes devra se joindre le respect effectif des droits fondamentaux de toutes les composantes de la société soudanaise, en particulier des minorités, dans la participation à la gestion du pouvoir, à la production et à l’usage des ressources naturelles; et tout cela dans la pleine liberté et sans discrimination de race ou de religion.

Non moins préoccupante est la situation des populations de l’Ethiopie auxquelles d’ailleurs l’Eglise catholique n’a pas manqué de venir en aide par le moyen de ses organisations caritatives qui se sont associées aux initiatives des évêques du lieu et aux efforts des gouvernements et des organisations non-gouvernementales. Là aussi, les effets dramatiques de la sécheresse, les maladies et la faim ont rendu encore plus dévastatrices les conséquences des conflits internes. Souhaitons que puisse reprendre l’acheminement des secours aux habitants du Tigré si l’on veut éviter, dans les prochains mois, une tragédie aux proportions gigantesques. En outre, les négociations en cours avec l’Erythrée et le Tigré devraient également contribuer à faire prévaloir la conviction que ce conflit ne peut trouver d’issue militaire. Il va sans dire que toute solution devra tenir compte des aspirations légitimes du cher peuple érythréen qui a déjà tant souffert.

16. Excellences, Mesdames et Messieurs, tel est le contexte, fait d’ombres et de lumières, dans lequel l’Eglise catholique est appelée par son Seigneur à porter le témoignage de la foi, de l’espérance et de la charité. Il est rendu visible par la bonne volonté de ses fidèles le plus humbles, par le dévouement inlassable de ses évêques et de ses prêtres, par l’engagement inconditionnel de ses religieux et religieuses. Récemment encore, me faisant pèlerin en Extrême-Orient et à l’Ile Maurice, j’ai pu constater les fruits abondants qu’ont produits le labeur et la persévérance apostoliques de tant d’ouvriers de l’Evangile d’hier et d’aujourd’hui. Grâces en soient rendues à Dieu!

Je souhaite ardemment que, dans ce nouveau climat de liberté qui semble se répandre un peu partout, les croyants puissent non seulement pratiquer leur foi - alors que certains pays et certaines religions majoritaires ne le leur permettent pas toujours - mais également participer activement et de plein droit au progrès politique, social et culturel des nations dont ils sont membres.

L’incroyance et la sécularisation posent, en effet, des défis à relever par tous les croyants, appelés à témoigner ensemble de la primauté de Dieu sur toutes choses. Pour cela, à côté de la liberté religieuse que l’Etat doit leur garantir, il est essentiel qu’existent une meilleure connaissance et une meilleure collaboration entre religions. A cet égard, j’ai pu moi-même constater récemment les bienfaisants effets de cette compréhension inter-confessionnelle en Indonésie où les principes du «Pancasila» permettent à l’Islam et aux autres religions pratiquées par les habitants de ce pays de se rencontrer dans un harmonieux dialogue dont bénéficie la société tout entière. Hélas, il n’en est pas toujours ainsi. Je ne puis passer sous silence la situation préoccupante dans laquelle se trouvent les chrétiens dans certains pays où la religion islamique est majoritaire. L’expression de leur détresse spirituelle me parvient constamment: souvent privés de lieux de culte, objet de suspicion, empêchés d’organiser une éducation religieuse selon leur foi ou des activités caritatives, ils ont la douloureuse sensation d’être des citoyens de second ordre. Je suis persuadé que les grandes traditions de l’Islam, telles que l’accueil de l’étranger, la fidélité en amitié, la patience en face de l’adversité, l’importance accordée à la foi en Dieu, sont autant de principes qui devraient permettre de dépasser des attitudes sectaires inadmissibles. Je souhaite vivement que, si les fidèles musulmans trouvent justement aujourd’hui dans les pays de tradition chrétienne les facilités essentielles pour satisfaire les exigences de leur religion, les chrétiens puissent de même bénéficier d’un traitement comparable dans tous les pays de tradition islamique. La liberté religieuse ne saurait être limitée à une simple tolérance. Elle est une réalité civile et sociale, assortie de droits précis permettant aux croyants et à leurs communautés de témoigner sans crainte de leur foi en Dieu et d’en vivre toutes les exigences.

17. Jamais la contribution des croyants n’a été aussi utile qu’aujourd’hui dans un monde où nombreux sont ceux qui cherchent quel sens donner à l’existence et à l’Histoire. Je suis convaincu en particulier que le témoignage de la prière, de la vie communautaire en Eglise et de la charité effective est aussi nécessaire au développement de ce monde que le progrès technique ou la prospérité matérielle. C’est ce que j’ai voulu dire dans un message au Rassemblement oecuménique européen de Bâle, au mois de mai dernier: «Les pactes et les négociations politiques sont des moyens nécessaires pour arriver à la paix, et notre reconnaissance est grande envers ceux qui s’y consacrent avec conviction, persévérance et générosité. Mais, pour être durablement fructueux, ils ont besoin d’une âme. Pour nous, c’est une inspiration chrétienne qui peut la fournir par une référence à Dieu, Créateur, Sauveur et Sanctificateur, et à la dignité de tout homme et de toute femme, créés à son image» (18 mai 1989).

Oui, que partout la force de l’Esprit procure à cette humanité un élan spirituel renouvelé qui la rapproche de son Créateur! En notre époque où il est beaucoup question de rentabilité, où l’on invoque avec force la liberté, que ne manquent jamais les signes de la transcendance, l’attention aux plus faibles et le respect des aspirations d’autrui!

18. 1990 ouvre la décennie qui nous mènera vers la fin du second millénaire de l’ère chrétienne. Pour chaque homme, pour chaque peuple, pour notre terre, faisons de cette période un «avent». Préparons les chemins de Dieu qui ne cesse de venir à nous, comme dans la nuit de Noël, pour nous enrichir de sa vie et de sa présence. Il reste toujours dans le coeur de l’homme un espace que Lui seul peut combler.

Puissions-nous, chacun à notre place, dans l’accomplissement des tâches qui nous sont providentiellement confiées, aider les hommes de ce temps à découvrir toujours mieux, émerveillés et confiants, que Dieu est leur bien!

Tels sont mes voeux pour vous, Excellences, Mesdames et Messieurs, pour vos concitoyens, pour la famille humaine tout entière! De grand coeur, je les confie «à Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir» (Ep 3,20). Que sa Bénédiction soit avec vous tous!



Discours 1990