Discours 1990 - Jeudi, 3 mai 1990



Cher Frère dans l’épiscopat, Mesdames, Messieurs,

Alors que le diocèse d’Evry-Corbeil-Essonnes va atteindre bientôt vingt-cinq années d’existence, je suis heureux de vous accueillir et je vous remercie de me présenter le projet de votre cathédrale.
Vous avez mené une ample réflexion non seulement en vue de décider cette audacieuse construction, mais aussi pour bien en situer toute la signification dans une ville moderne. Pour ma part, au cours de cette brève rencontre, je m’en tiendrai à quelques observations.

Dans une ville nouvelle, au coeur d’une société jeune caractérisée par son haut niveau scientifique et technologique, la cathédrale sera l’expression de l’ouverture de l’homme à la transcendance, de sa vocation à connaître et rencontrer Dieu particulièrement dans la communauté des croyants. La présence de l’édifice religieux au milieu de la ville n’évoque pas un domaine étranger à la vie quotidienne; il ne propose pas une sorte de parenthèse par rapport au reste de l’activité. Bien au contraire, il évoque une dimension fondamentale de la vie, qui prend tout son sens dans la relation avec Dieu, créateur et source de vie, sauveur dans le Christ et, par l’Esprit présence d’amour et lien de communion.

La cathédrale doit être, par sa visibilité même, un signe expressif. Il est naturel que ce soit une oeuvre d’art contemporain, où il ne s’agit pas de recherche esthétique pour elle-même, mais d’un monument porteur de sens pour les générations qui vont ouvrir le troisième millénaire. Vous n’oublierez pas pour autant l’ancienne tradition chrétienne qui a modelé votre pays et dont vous conserverez les précieux témoins, mais vous aurez à répondre, dans une expression symbolique visible aujourd’hui, à la quête spirituelle commune à toutes les générations.

En troisième lieu, la construction d’une cathédrale me paraît, pour un diocèse encore jeune, une oeuvre qui montre sa maturité, qui exprime l’espérance, au moment où l’Eglise diocésaine prend conscience d’elle-même et de sa mission dans une démarche synodale. Lieu liturgique, siège de l’Evêque successeur des Apôtres, mère des églises du diocèse, la cathédrale témoigne de l’unité du peuple de Dieu autour du ministère épiscopal, dans le mystère du Christ, pierre angulaire, dans la fidélité à constituer ensemble, grâce à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain, une communauté ouverte et accueillante.

Chers amis, je salue cordialement tous les membres de votre délégation. La diversité de vos compétences permet d’augurer une heureuse collaboration entre les autorités civiles, les artistes, les constructeurs, le mécénat, les animateurs de la vie diocésaine. Je souhaite vivement que vous puissiez mener à bien votre projet et j’exprime ma gratitude à tous ceux qui contribuent à la réalisation de cette oeuvre majeure. Je confie au Seigneur vos personnes et c’est toute la communauté d’Evry-Corbeil-Essonnes que je Lui demande de combler de ses bénédictions.


À LA VIIIème ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Jeudi, 17 mai 1990


Messieurs les Cardinaux,

Chers amis,

1. C’est une joie pour moi que d’accueillir les participants à la huitième assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Famille. Je remercie Monsieur le Cardinal Gagnon de m’avoir présenté vos travaux.

Vous avez pris pour thème « la formation du prêtre et la pastorale familiale », en rapport avec la réflexion que mènera le prochain Synode des Evêques. Oui, cet aspect du ministère des prêtres est de la plus grande importance; dans la société comme dans l’Eglise, la famille joue un rôle essentiel pour le développement de l’homme. Et dans l’Eglise, la dignité de la famille est confirmée par le sacrement du mariage qui sanctifie la communion des époux et qui consacre la fondation d’un foyer chrétien.

Pendant ces dernières décennies, de nombreux époux chrétiens ont plus vivement perçu la nécessité et le besoin de découvrir la grandeur de la vocation à laquelle ils sont appelés par leur mariage, ainsi que les richesses de leur merveilleuse mission, pour le bien de la société et celui de l’Eglise. A la suite du Concile Vatican II, qui a mis en lumière la place des laïcs dans l’Eglise et l’appel universel à la sainteté, nombreux sont les prêtres qui, en ces dernières années, ont su appuyer et guider les familles dans ce sens. Il convient maintenant que la pastorale familiale soit repensée et sa préparation incorporée de façon plus structurée et plus concrète dans le cycle de la formation sacerdotale.

2. En effet, alors que certains aspects de l’activité sacerdotale peuvent ne concerner que des personnes d’âge, de profession, de culture ou de situation bien déterminés, la pastorale familiale, en revanche, a pour champ d’application la vie des fidèles chrétiens à tous les âges. « Toute aide offerte à cette cellule fondamentale de la société humaine trouve son efficacité multipliée, en se répercutant et en se perpétuant dans le temps grâce à l’action éducatrice qui, à travers les parents, atteint les enfants et, à travers ceux-ci, les enfants des enfants »[1].

La nécessité de cette préparation sacerdotale pour la pastorale de la famille se fait sentir de manière plus urgente lorsque l’on considère la fin de tout le ministère et de toute la vie des prêtres: « Rendre gloire à Dieu le Père dans le Christ. Et cette gloire, enseigne le Concile Vatican II, c’est l’accueil conscient, libre et reconnaissant des hommes à l’oeuvre de Dieu accomplie dans le Christ»[2]. Le renouvellement de la vie des fidèles chrétiens promu par le Concile dépend en grande partie du zèle pastoral déployé par les ministres du Seigneur. Cependant, dans le cadre de la vie familiale, les énergies se multiplient pour la venue plus rapide du règne de Dieu parmi les hommes. Quand des époux vivent généreusement leur amour, ils peuvent témoigner authentiquement de la Bonne Nouvelle, car ils font de leur vie quotidienne un instrument d’apostolat et le cadre d’une première annonce de la parole de Dieu à leurs enfants.

Le service des époux et de leurs familles constitue une partie importante du ministère des prêtres, collaborateurs de l’Evêque, qui est le « premier responsable de la pastorale familiale dans le diocèse »[3]. En ce temps pascal, qui rappelle aux hommes le pacte de réconciliation et de paix réalisé dans le Christ, on saisit mieux la nécessité d’éclairer de la lumière du Sauveur et de racheter avec sa force rédemptrice le pacte conjugal des époux et toute la vie de la famille qui en découle. Et la tâche des prêtres est d’aider les foyers chrétiens à refléter par toute leur vie le mystère d’amour sponsal du Christ et de son Eglise: ils réaliseront ainsi ce que propose le Concile Vatican II quand il affirme: « La famille chrétienne, par ce qu’elle est issue d’un mariage, image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Eglise, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Eglise, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres »[4].

3. Il est nécessaire que la formation du prêtre procède d’une intelligence méditée du mystère du Christ et progresse en elle. L’intervention sacerdotale dans la pastorale familiale plonge ses racines dans une connaissance assimilée personnellement du plan de Dieu révélé en Jésus-Christ et elle suppose une compréhension authentique de la nature de l’Eglise. La doctrine sur le mariage et la famille que le prêtre a la charge de transmettre n’est pas seulement de l’ordre de la spéculation; elle traduit aussi la sagesse dont l’assistance ordinaire du Saint-Esprit nourrit les fidèles pour leur croissance dans l’Eglise.

Telle est la perspective de l’enseignement du magistère, qui a été exprimé pour nos contemporains en particulier par l’encyclique Humanae Vitae et l’exhortation apostolique Familiaris Consortio : il faut aider, avec la vérité du mystère du Christ, à découvrir, développer et élever la vérité qui est déposée au coeur de l’homme, la vérité qui est déjà présente à l’intérieur de la relation conjugale de l’homme et de la femme. Ainsi, par exemple, il convient de bien faire découvrir aux époux que « ce qui est enseigné par l’Eglise sur la procréation responsable n’est pas autre chose que le projet originel que le Créateur a imprimé dans l’humanité de l’homme et de la femme qui se marient, et que le Rédempteur est venu rétablir »[5].

En proposant la plénitude de la vérité sur l’amour conjugal et familial, les pasteurs de la nouvelle Alliance savent qu’il ne suffit pas d’enseigner la loi nouvelle qui illumine la conduite de chacun; ils doivent aussi ouvrir à la grâce qui porte remède à la faiblesse que comporte la concupiscence. C’est pour cela que la charité pastorale envers la famille exige une continuelle disponibilité pour offrir la richesse de la grâce sacramentelle dispensée par l’Eglise, sans diminuer en rien la grandeur et la dignité du sacrement qui est propre aux époux et par lequel ils rendent présent au milieu des hommes l’amour qui vient de Dieu.

4. Vous tous qui avez reçu le don de l’amour conjugal, vous devez savoir qu’avec la générosité de votre amour mutuel et de celui de vos enfants, l’union du Christ et de son Eglise est féconde en vos vies. Vous êtes pour vos pasteurs le témoignage clair et vivant du mystère chrétien; vous les soutenez pour qu’ils soient inlassablement les témoins de la force rédemptrice du Christ et pour qu’ils sachent conseiller avec patience et charité les foyers qui leur confient leurs difficultés.

Sacrement du mariage et sacerdoce chrétien: voilà deux sacrements qui construisent le bien de l’Eglise et de la société. Deux participations au mystère du Christ qui se renforcent mutuellement à l’intérieur de l’existence chrétienne, dans la fidélité au charisme propre de chacun, pour le bien de tout le peuple de Dieu.

J’espère que la réflexion conduite par votre Conseil sera utile en particulier aux prêtres qui prennent la responsabilité de la pastorale familiale. C’est dans une collaboration confiante qu’ils ont à mettre leurs efforts en commun avec les animateurs laïcs compétents, afin de servir la famille dans la complémentarité de leurs rôles respectifs. Il est bon que, dès leur formation, les prêtres soient préparés à ce type de responsabilité par une culture humaine qu’éclaire la théologie, par l’expérience du travail en commun avec les foyers, ainsi que par la vie spirituelle qui seule peut faire d’eux des témoins crédibles.

Messieurs les Cardinaux, chers amis, je souhaite à vos travaux, à votre apostolat, le rayonnement que leur assurera l’assistance de l’Esprit Saint. En vous offrant mes encouragements et mes voeux, j’accorde à chacun d’entre vous ma Bénédiction Apostolique.

[1] Allocution du 1er mars 1984, 1.
[2] Presbyterorum ordinis, PO 2.
[3] Familiaris Consortio, FC 73.
[4] Gaudium et Spes, GS 48.
[5] Allocution du 1er mars 1984, 2.



MESSAGE AUX PATRIARCHES, AUX ÉVÊQUES ET AUX CHEFS DES ÉGLISES CHRÉTIENNES DU LIBAN

Vendredi, 25 mai 1990



Béatitudes,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Vénérés Chefs des Eglises chrétiennes du Liban,

1. Informé de votre réunion, je désire en tout premier lieu vous exprimer ma vive satisfaction pour cette initiative.

Votre rencontre, en effet, manifeste l’union et la solidarité spirituelles des hiérarchies chrétiennes du pays et symbolise l’unité qui doit régner non seulement entre les chrétiens, mais aussi entre tous les fils de la communauté nationale.

Je sais que, sous la conduite de l’Esprit Saint, vous voulez réfléchir ensemble sur les actions aptes à éviter de nouvelles souffrances à vos fils et à tous les citoyens du Liban.

2. Je me sens solidaire de votre démarche, vénérables Frères, et, avec vous, je me sens uni à tous ceux qui, dans votre pays, connaissent l’angoisse ou la tentation du désespoir. Nous faisons nôtre l’appel du psalmiste: « Dans mon angoisse j’ai crié vers le Seigneur et Il m’a répondu »[1]. Et nous attendons ardemment le jour béni où les armes se tairont définitivement, où les blessés pourront être soignés, où les morts seront ensevelis dignement, où chacun pourra trouver le minimum de tranquillité qui lui permette de reconstruire un toit, de gagner son pain quotidien et d’éduquer convenablement ses enfants. Et tout cela sans avoir à craindre que la violence aveugle ne vienne à nouveau anéantir tant d’efforts persévérants et souvent héroïques.

Si j’ai choisi de m’adresser à vous par ce message audiovisuel, c’est pour vous dire combien je désire ardemment être parmi vous.

Comme je voudrais pouvoir effacer des yeux des enfants ces horribles images de sang et de destruction! Dire ma compassion à tous les parents qui devront prendre soin d’enfants ou d’adultes à jamais handicapés à cause de leurs blessures! Et surtout prier avec vous, afin que le Seigneur extirpe du coeur de chacun tout sentiment de haine, de violence et de revanche!

3. La population libanaise, qui a déjà beaucoup trop souffert, ne saurait continuer à être l’otage et la victime de calculs politiques nationaux, régionaux ou internationaux.

Avec vous, Responsables des communautés chrétiennes libanaises, j’implore Dieu dans sa miséricorde infinie pour qu’Il donne aux chrétiens la force de témoigner des valeurs évangéliques dans le Liban d’aujourd’hui. Les combats qui se déroulent depuis des mois dans la partie chrétienne du pays sont pour moi un motif de grande douleur: aucun projet politique, aucune autodéfense ne sauraient justifier la violence inouïe qui continue de s’abattre aveuglément sur les maisons, les hôpitaux, les écoles, les églises, précipitant une population entière dans le désespoir et sur les routes de l’exode.

4. A tous les Libanais, du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest, je veux redire avec la fermeté que m’impose mon ministère pastoral que l’emploi des armes ne résoudra jamais les problèmes du Liban. La violence et la haine ne peuvent être les bases sur lesquelles reposera le Liban de demain.
Or, j’en suis convaincu, tous les Libanais désirent voir ressusciter un Liban fidèle à sa vocation historique de terre de dialogue et de convivialité entre cultures et religions diverses. C’est pour ce Liban que nous devons nous dépenser sans compter et continuer à espérer. Je l’ai déjà dit: le Liban est plus qu’un pays, c’est un message!

Chrétiens du Liban, sous la conduite de vos vénérés pasteurs, vous saurez prendre le chemin de la conversion intérieure, dépasser les divisions, faire confiance à votre prochain, pratiquer le plus grand commandement que Jésus-Christ nous a laissé à la veille de sa Passion: « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »[2].

5. Croyant en Dieu unique, nous nous tournons aussi avec un coeur sincère et désintéressé vers les Libanais des autres communautés.

Chers Amis qui appartenez à la religion islamique, nous savons que vous nourrissez envers votre patrie les mêmes sentiments que vos compatriotes de foi chrétienne et que, comme tout être humain, vous conservez aussi au fond de vous-mêmes le sens de l’homme et de sa dignité. Nous sommes donc confiants que ces sentiments de fraternité, qui doivent toujours unir ceux qui croient en un même Dieu, contribueront un dialogue loyal, seul capable de renforcer l’unité nationale, indispensable à la survie d’une patrie commune.

6. Avec les Pasteurs des communautés chrétiennes libanaises, je désire maintenant m’adresser au monde entier, étreignant dans mes bras et sur mon coeur les fils du Liban exténués, en proie aux épreuves de toutes sortes. Avec eux et en leur nom, je demande attention, solidarité et respect pour leur dignité et leur souffrance.

Aucun intérêt matériel et stratégique ne saurait justifier l’indifférence dans laquelle ce pays est trop souvent laissé. Je l’ai déjà dit plus d’une fois: il n’est pas moralement acceptable de faire souffrir le plus faible.

7. Béatitudes, Frères dans l’épiscopat, Libanais de bonne volonté, qui que vous soyez, où que vous soyez, nous devons dire ensemble: Assez de guerre! Assez de violence! Assez de souffrances!
Il est temps encore que tous se ressaisissent et que chacun assume ses responsabilités. Au nom de l’affection que je porte à chacun de vous, je vous demande instamment de rechercher le dialogue, de surmonter vos appréhensions et de continuer à aimer votre Liban! Dieu ne permettra pas que vous soyez abandonnés!

Plus que jamais m’habite le désir de venir visiter votre pays, et de voir de mes yeux commencer la reconstruction d’un Liban pacifié et harmonieux.

Seigneur, détruis les germes de mensonge et de perversité! Donne-nous d’abattre les murs qui séparent et de bâtir la ville où tous ensemble ne font qu’un!

Avec mon affectueuse Bénédiction Apostolique.

[1] Ps 120,1.
[2] Jn 15,12.

Juin 1990

AUX MEMBRES DE LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE

Solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, Vendredi, 29 juin 1990




Chers Frères,

« Que la grâce et la paix vous soient données en abondance »[1], à vous qui venez, au nom de mon cher Frère, Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios Ier, et de l’Eglise de Constantinople, partager la joie de l’Eglise de Rome qui fête les saints Apôtres Pierre et Paul.

Il est bon que nous soyons ensemble comme des frères en une telle occasion, car nos Eglises célèbrent avec une même ferveur ces glorieux témoins du Christ.

Dans les missions évangélisatrices des saints Apôtres Pierre et Paul, nous trouvons une expression de l’universalité de l’Eglise: à Pierre a été confiée l’évangélisation des circoncis, à Paul l’évangélisation des incirconcis, comme le rapporte l’Epître aux Galates[2]. Il est ainsi clairement signifié que tous sont appelés à s’unir dans le Christ.

A notre époque, le Seigneur a renouvelé notre espérance de voir un jour surmontées les divergences qui demeurent entre nous. Dès maintenant, la mission confiée aux saints Apôtres, et dont nous héritons, en reçoit un nouvel élan pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Nous sommes ainsi encouragés à ne jamais ménager nos efforts pour parvenir à la réconciliation complète dans la foi et dans l’amour. Le dialogue théologique entre l’Eglise catholique et les Eglises orthodoxes est un de ces efforts. Depuis dix ans, il a progressé et devrait nous permettre de surmonter des obstacles nouvellement surgis. Je pense à certaines conséquences des grands changements qui ont marqué récemment la vie de nombreux peuples de l’Europe centrale et orientale. Dans ces contrées, nos Eglises ont retrouvé plus de liberté. Par le fait même, des possibilités nouvelles se sont offertes pour le dialogue et la coopération entre elles. Mais on doit aussi reconnaître que des tensions nouvelles ont vu le jour entre nos communautés respectives dans certaines de ces régions. C’est pourquoi j’ai beaucoup apprécié l’initiative de mon cher Frère, Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios Ier, qui, il y a quelques semaines, a chargé Son Eminence le Métropolite Barthélemy de Chalcédonie, présent aujourd’hui à la tête de votre délégation, et Son Eminence le Métropolite Athanasios d’Héléopolis de venir s’entretenir avec nous des répercussions éventuelles de ces tensions sur le déroulement de notre dialogue. Il nous est alors apparu nettement que, pour résoudre ensemble les problèmes pratiques hérités du passé, nos échanges devaient être plus que jamais poursuivis dans la clarté et le respect de la conscience de tous.

Je vous prie de porter à Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios Ier mes salutations fraternelles. Je le remercie de vous avoir délégués ici en signe de l’amour qui unit nos Eglises dans leur commune vénération des Apôtres du Christ.

Je demande au Seigneur, par l’intercession de saint Pierre et de saint Paul, de hâter le jour de notre communion plénière et de nous garder « joyeux dans l’espérance »[3].

[1] 1P 1,2.
[2] Cfr. Ga 2,7.
[3] Rm 12,12.


Juillet 1990


AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA COMMISSION INTERNATIONALE CATHOLIQUE POUR LES MIGRATIONS

Salle du Consistoire, Jeudi, 5 juillet 1990



Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames, Messieurs,

1. À l’occasion de la tenue à Rome de votre Assemblée générale, c’est bien volontiers que je vous accueille, vous qui portez ensemble la responsabilité de la Commission internationale catholique pour les Migrations. Je vous salue cordialement et je remercie votre Président de ses paroles déférentes et de sa présentation de vos travaux.

Vous examinez ensemble le programme d’action de votre Organisation qui se trouve confrontée, depuis sa création il y a quelque quarante ans, à des problèmes anciens et à des exigences nouvelles et pressantes. Sans doute, en bien des régions le climat international est à présent moins tendu, mais nombreux sont toujours les migrants et les réfugiés qui ont besoin d’attention fraternelle et d’assistance efficace, particulièrement de la part de la communauté catholique.

Au long des années, votre champ d’action n’a cessé de s’élargir. Aux flux anciens de migrants se sont ajoutés les déplacements parfois brutaux de personnes qui ont été contraintes de chercher refuge au loin, alors qu’elles n’avaient pas voulu quitter leur terre natale de leur plein gré. De telles situations, souvent dramatiques, touchent des millions de personnes sur tous les continents.

On peut, par là, se rendre compte que, malgré l’engagement généreux de votre Organisation et les résultats déjà obtenus, il reste encore beaucoup à faire en faveur des migrants et des réfugiés. C’est dire combien le rôle de la Commission internationale catholique pour les Migrations demeure précieux et urgent. Cela conduit d’une part à confirmer l’importance de votre Institution, et d’autre part à vous inviter à un engagement renouvelé ainsi qu’à une révision continuelle de vos méthodes et de vos instruments de travail.

2. En raison de la persistance et de l’accroissement des difficultés rencontrées par les migrants et les réfugiés, de nouvelles initiatives ont été prises par l’Eglise afin de contribuer à l’assistance de ces catégories de personnes. Dans la Curie même, des dicastères ont été créés, qui ont pour objectif de promouvoir et de coordonner les initiatives pastorales et les programmes d’assistance mis en oeuvre dans l’Eglise en ce domaine. Je citerai en particulier le Conseil pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement et le Conseil pontifical «Cor unum».

C’est dans cet esprit que vos statuts ont été récemment revus: ils incluent le souci de collaborer de manière suivie avec les organismes du Saint-Siège, particulièrement ceux qui travaillent dans la même sphère de compétence.

Il s’agit d’employer au mieux les ressources humaines et matérielles dont dispose le monde catholique, en évitant le risque de double emploi et de dispersion des énergies.

Sur le plan local, il est clair que les actions ne peuvent être conduites et développées qu’en harmonie avec les directives de l’épiscopat. Dans cette ligne, la meilleure politique que peut appliquer la Commission internationale catholique pour les Migrations sera d’apporter son appui aux activités et aux initiatives de l’Eglise locale, plutôt que d’en organiser d’autres en parallèle. De cette manière, on pourra offrir l’occasion de s’associer dans l’engagement en faveur des migrants et des réfugiés à divers groupes, notamment de jeunes laïcs, ainsi qu’aux membres d’autres communautés religieuses.

3. Dans les limites de cette brève rencontre, j’évoquerai en peu de mots quelques aspects des problèmes auxquels vous êtes confrontés. Lorsqu’on parle de migrants ou de réfugiés, on ne peut manquer de s’interroger sur les causes de leur départ. Et je sais que votre attention se porte souvent sur les «pays d’origine»: on y découvre non seulement des conflits violents, mais aussi la violence de la pauvreté et du sous-développement qui sont des causes d’exil. C’est là que la réflexion et l’action de l’Eglise prend toute sa portée pratique et suppose le maximum de solidarité effective. Car il s’agit, quand c’est possible, d’aider des hommes et des femmes, des familles, à vivre décemment et en paix sur leur terre. Cela tient à de nombreux facteurs naturels, sociaux, économiques et politiques qui ne peuvent être vraiment maîtrisés que par les premiers intéressés. Cependant un soutien économique ou technique leur est bien des fois indispensable pour progresser, allant de pair, je tiens à le dire, avec un respect sans faille de la dignité des personnes, des familles, de leurs traditions, de leur santé, de leur droit de vivre et de donner la vie.

Un regard d’ensemble sur ces problèmes fait comprendre que les pays les plus favorisés ne peuvent s’en désintéresser, qu’ils portent leur part de responsabilité dans les déséquilibres dont souffrent les plus pauvres, qu’ils doivent contribuer à l’atténuation de disparités criantes qui sont autant d’incitations à une immigration, même clandestine, pourtant non désirée. Les organismes de coordination et de réflexion peuvent jouer un rôle déterminant pour que l’on prenne une conscience plus vive de l’ampleur humaine des problèmes et de l’urgence de leur résolution.

4. Plus directement, votre vocation vous amène à vous préoccuper des migrants et des réfugiés dans les pays où ils sont accueillis ou quelquefois à peine tolérés. Pour beaucoup de nos frères, la migration, qui était une voie d’espérance, se transforme en parcours hérissé de difficultés et d’amères désillusions. Des frontières se ferment devant eux; des législations se durcissent jusqu’à entraîner des rejets infiniment douloureux, à maintenir des familles séparées, à créer de véritables apatrides. Ou bien, entrés parfois clandestinement, les immigrés se trouvent exploités, leur travail étant mal rétribué, leurs conditions de vie et de séjour longtemps précaires. Je rappellerai ici ce qu’écrivait mon prédécesseur Paul VI au sujet des travailleurs immigrés: «Il est urgent que l’on sache dépasser à leur égard une attitude étroitement nationaliste pour leur créer un statut qui reconnaisse un droit à l’émigration, favorise leur intégration, facilite leur promotion professionnelle et leur permette l’accès à un logement décent, où puissent les rejoindre, le cas échéant, leurs familles»[1].

Faut-il redire encore que, pour les migrants ou les réfugiés comme pour tout autre être humain, de droit n’est pas fondé d’abord sur une appartenance juridique à une communauté déterminée, mais, antérieurement à cela, sur la dignité de la personne? Dans cet esprit, vous rejoignez l’ensemble de ceux qui luttent contre des discriminations de tous ordres qui, en réalité, contredisent la vocation sociale positive de l’homme et des groupes humains.

Quels que soient les motifs du déplacement des personnes, il est digne non seulement de leur accorder des moyens de subsistance, mais aussi d’entrer avec elles dans un partenariat constructif. Une première aide nécessaire conduira ensuite migrants ou réfugiés à prendre en charge leur propre intégration dans leur pays d’accueil, ou, quand c’est possible, à préparer leur retour dans leur patrie d’origine. Dans tous les cas, il faut qu’ils bénéficient de conditions sanitaires, éducatives, professionnelles qui leur permettent de développer leurs qualités sans détruire le patrimoine de culture et de traditions qu’ils souhaitent préserver.

5. Les préoccupations, évoquées ici à grands traits, sont partagées par de nombreuses personnes et par diverses organisations qui manifestent un intérêt pour cette activité humanitaire urgente. C’est la responsabilité de tous de contribuer à créer un tissu social favorable à l’accueil des migrants et des réfugiés et à la solidarité avec eux. Les catholiques ont ici un témoignage à donner: la révélation évangélique, avec sa lumière et son exigence, leur montre clairement qu’ils ont vocation à prendre une part active dans ces tâches.

Les catholiques qui se mettent au service des migrants et des réfugiés ne peuvent oublier qu’ils sont les disciples de Celui que l’on reconnaît sous les traits du Bon Samaritain et qui, lui-même, nous affirme qu’il s’identifie avec le pauvre et l’étranger[2]. Ceux qui reçoivent sincèrement cet aspect du message du salut ne peuvent manquer du courage et de la persévérance nécessaires pour faire progresser l’accueil des étrangers. Il faut arriver à la conversion de coeur de chacun, et aussi à la conversion des communautés elles-mêmes. Cette conversion sera réelle lorsqu’on aura compris que le service des frères n’est pas une «bonne oeuvre» un peu secondaire, mais qu’il est étroitement lié au rapport personnel du chrétien avec son Seigneur, le Bon Pasteur qui livre sa vie pour qu’il n’y ait qu’un seul troupeau[3]. Une entraide désintéressée est une condition pour que se constitue le Corps du Christ dans l’unité et la diversité de ses membres, dans un même Esprit, sous le même Chef, le Fils de Dieu qui, par sa mort et sa résurrection, réconcilie toute l’humanité avec le Père.

Chers amis, je vous encourage dans l’accomplissement de vos tâches. Que le Seigneur vous illumine et vous fortifie!

[1] Pauli VI Octogesima Adveniens, 17.
[2] Cfr. Lc 10,29-37 Mt 25,35 Mt 25,43.
[3] Cfr. Jn 10,14-18.



À UNE DÉLÉGATION DE L’«ASSOCIATION DES JOURNALISTES CATHOLIQUES DE BELGIQUE»

Vendredi, 6 juillet 1990


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Depuis son heureuse fondation, l’Association des Journalistes catholiques de Belgique s’emploie à aider le successeur de Pierre et les organismes du Siège apostolique qui l’assistent dans le service des Eglises particulières, et votre visite annuelle a toujours été vivement appréciée de mes prédécesseurs comme de moi-même. La remise du produit de votre importante collecte, effectuée parmi les lecteurs et les dirigeants de vos publications, est un signe réconfortant de la générosité des catholiques de Belgique et de leur attachement à l’Eglise du Christ. Tous ensemble, vous continuez d’écrire les «mirabilia» de l’Eglise primitive et des vingt siècles qui ont suivi.

Je tiens à vous féliciter chaleureusement en empruntant à l’Apôtre Paul les paroles qu’il adressait à la communauté de Corinthe pour lui présenter l’exemple admirable des communautés macédoniennes: «Frères, nous voulons vous faire connaître la grâce que Dieu a accordée aux Eglises de Macédoine... Dans leurs multiples détresses, leur extrême pauvreté..., elles ont mis tous leurs moyens et même plus, j’en suis témoin, en nous demandant spontanément comme une grâce et avec une grande insistance de s’unir à nous pour venir en aide aux fidèles de Jérusalem»[1]. Dans les lignes suivantes, Paul exhorte les chrétiens de Corinthe à aller, eux aussi, jusqu’au bout de leur généreuse initiative, selon leurs possibilités, et à donner joyeusement.

A travers le résultat de votre collecte 1990, je retrouve une fois de plus le grand coeur de la Belgique et de ses chrétiens. Terre souvent éprouvée, votre nation est toujours accueillante et secourable sur le plan humanitaire comme sur le plan ecclésial. A l’issue des grands conflits de ce siècle, les réfugiés hongrois ou d’autres pays de l’Europe centrale ont trouvé chez vous une hospitalité qu’ils ne peuvent oublier. L’histoire se souvient également de l’Abbé Joseph Cardijn - le futur Cardinal - qui lutta avec tant d’ardeur contre la misère consécutive à la première guerre mondiale, spécialement dans certaines zones urbaines. Par ailleurs, votre pays a donné au monde et à l’Eglise le grand apôtre des lépreux, le Père Damien De Veuster, qui a entrainé dans son sillage beaucoup de vos compatriotes. Et nous savons que l’«Aide à l’Eglise en détresse» est partie de chez vous.

Fils de la noble Belgique et de l’Eglise catholique, demeurez fidèles à la très belle tradition que, par modestie, vous appelez les «Etrennes pontificales». En accord avec vos Pasteurs, continuez de former les lecteurs de vos journaux et revues catholiques! En les informant objectivement de la vie de toute l’Eglise, entraînez-les à cette participation évangélique aux charges de plus en plus lourdes du successeur de Pierre et du Siège apostolique de Rome qui sont appelés à stimuler et à soutenir toutes les Eglises particulières, surtout celles qui connaissent des conditions de vie et d’action difficiles.

Que votre joie soit à la mesure des efforts accomplis par tous! Encore une fois et de tout coeur: merci à la grande famille des «Etrennes pontificales»! J’invoque sur tous ses membres l’abondance des Bénédictions divines.

néerlandais...

[1] 2Co 8,1-5.



Août 1990


Discours 1990 - Jeudi, 3 mai 1990