Discours 1990 - Bujumbura (Burundi), Mercredi, 5 septembre 1990

RENCONTRE AVEC LES LAÏCS DANS LA CATHÉDRALE DU CHRIST-ROI

Gitega (Burundi), Jeudi, 6 septembre 1990



Chers amis,

1. Votre accueil, en cette cathédrale du Christ-Roi de Gitega, me touche profondément. Je vous remercie de votre union dans la prière. Je suis sensible au souvenir que vous m’offrez, il sera pour moi un signe qui évoquera vos visages et vos voix. Merci aussi à votre porte-parole qui vient de vous présenter, de dire en quelques mots la richesse de votre expérience aussi bien que le sérieux et la profondeur de vos attentes.

En vous saluant de tout coeur ici, j’ai présent à l’esprit tout ce que vous représentez dans l’histoire bientôt centenaire de l’Eglise au Burundi. L’évangélisation féconde de cette terre vous doit une très grande part de son extension remarquable. Le courage et la générosité des catéchistes et des conseillers paroissiaux ont permis de bâtir des communautés vivantes, de faire découvrir à un peuple naturellement ouvert à la vie spirituelle la beauté du message du Christ, la richesse de ses dons, les liens forts qu’il crée entre les membres de son Corps par le baptême et par l’Eucharistie, par la loi d’amour de Dieu et du prochain. Les Mouvements d’action catholique et les Mouvements spirituels sont venus enrichir, au fil des années, l’apport du laïcat à la vie ecclésiale.

Dans une période difficile récente, le laïcat burundais a su faire preuve de maturité et de sens des responsabilités pour que les paroisses et les communautés continuent de vivre, d’annoncer l’Evangile, de préparer aux sacrements, et même d’éveiller des vocations sacerdotales et religieuses. De tout cela, je rends grâce à Dieu avec vous.

2. Votre expérience illustre ce que disait le Concile Vatican II «Tout laïc constitue un témoin et en même temps un instrument vivant de la mission de l’Eglise elle-même, "à la mesure du don du Christ"[1]»[2].

Oui, témoins de l’Evangile, vous prenez une part directe et active à la mission de l’Eglise, spécialement comme animateurs ou membres des communautés et des mouvements. Vous remplissez aussi ce rôle dans votre famille et dans votre travail. Laïcs baptisés, vous partagez la vie quotidienne de vos frères et soeurs Barundi. Il vous revient, à vous en premier, de sanctifier le monde, de pénétrer de l’esprit de l’Evangile vos différentes activités. Et vous savez combien c’est important, et parfois difficile, d’exercer ses responsabilités dans la société en demeurant fidèle à Celui qui nous donne le nom de chrétiens.

Parmi vous, la plupart ont une fonction dans leur communauté d’Eglise ou dans un Mouvement. Vous collaborez étroitement avec les Pasteurs, évêques et prêtres; également avec les religieux et les religieuses. Les vocations sont diverses mais toutes contribuent à l’édification du Corps du Christ. Aussi, en vous rencontrant, mon intention est-elle de vous encourager, vous les responsables, mais aussi d’adresser par votre intermédiaire mes encouragements à tous les fidèles laïcs qui doivent prendre conscience de leur mission quotidienne de témoins et d’instruments de la mission de l’Eglise.

3. Je pense naturellement aux familles, cellules d’Eglise. Les familles sont les premières «communautés de base», où l’amour humain, tout tourné vers le bonheur de l’autre, reflète l’amour de Dieu. Dans la famille, la vie est donnée et accueillie: donnée par les parents et en même temps reçue de Dieu créateur. Et c’est dans leur famille que les enfants reçoivent leur première éducation.
Vous êtes un peuple où la jeunesse, très nombreuse, se trouve confrontée aux incertitudes d’un développement encore insuffisant et à l’évolution des modes de vie qui comporte certains aspects négatifs. Dans cette situation, la responsabilité de la famille est plus grande que jamais.

L’éducation des enfants, pour les chrétiens, fait partie des obligations du mariage, elle doit être en harmonie avec les convictions de foi et avec les principes de conduite de tout laïc chrétien. Sans doute l’école et les mouvements de jeunesse ont-ils un rôle essentiel à remplir. Mais les enfants ont d’abord besoin de recevoir de leurs parents, par la qualité de la vie familiale, par l’exemple des adultes les plus proches d’eux, une véritable formation de la conscience. Eclairés par la foi vécue et partagée au sein du foyer, ils assimilent spontanément les valeurs indispensables à leur épanouissement: le respect de toutes les personnes et des biens, le sens de la vérité avec laquelle on ne transige pas, l’ouverture à la fraternité, le goût du travail et le désir d’acquérir des compétences, l’aptitude à participer de manière responsable à la vie de la communauté ecclésiale comme de la communauté humaine en général, le désir de sauvegarder la terre confiée à l’homme par le Créateur.

L’institution scolaire et les divers mouvements de jeunes tendent aussi à développer ces qualités, mais les parents ne peuvent se décharger de la première formation de l’esprit et du coeur. En particulier, la formation d’une saine maîtrise de l’affectivité et de la vie sexuelle prend appui d’abord sur ce qui a été transmis par les parents. C’est pourquoi je leur adresse un appel pressant pour qu’ils prennent conscience de l’influence décisive sur les jeunes de leur propre vie de couple, de leur fidélité à respecter les valeurs dont nous avons parlé.

Et je voudrais encore ajouter une réflexion: il y a parmi vous des enfants orphelins, d’autres que leur famille ne peut élever dans des conditions favorables. Familles et éducateurs chrétiens, je sais que vous faites preuve à leur égard d’une solidarité généreuse. Je vous y encourage vivement, car le Seigneur aime particulièrement ces petits et il vous confie leur avenir.

4. Je viens d’évoquer l’unité du corps ecclésial à partir de la diversité de ses membres et celle des foyers chrétiens. Je voudrais maintenant souligner la responsabilité des laïcs chrétiens, de toutes conditions et de toutes générations, dans le renforcement de l’unité de la nation tout entière.

Vous avez durement éprouvé les souffrances que provoquent des affrontements entre groupes qui s’excluent. Vous avez à présent la grande tâche de consolider la cohésion de tout votre peuple. Sans prétendre détenir seuls les solutions, les membres de l’Eglise doivent, au nom même du Christ, pratiquer le pardon et tout faire pour la réconciliation. L’égale dignité de chaque homme et de chaque femme est un principe fondamental que respectent les disciples du Christ qui a livré sa vie pour rassembler dans l’unité tous les hommes qu’il aime d’un même amour.

Fidèles laïcs, vous avez le devoir de promouvoir la justice animée par l’amour fraternel, de manière active et responsable. C’est dire que chacun, suivant ses possibilités, est appelé à contribuer au bien commun. J’en ai déjà parlé hier à Bujumbura, je le rappelle simplement à vous qui avez plus spécialement vocation d’animateurs de la communauté chrétienne. OEuvrer pour développer l’activité économique, améliorer l’agriculture, créer des emplois, tout cela vous concerne. Et vous avez à veiller ensemble à résister aux tentations de contredire dans la vie courante la conception évangélique de l’homme liée à la foi que vous proclamez.

Et souvenez-vous que notre Rédempteur a voulu se monter à nous sous les traits du Bon Samaritain: il ne pouvait laisser au bord du chemin un frère blessé et souffrant[3]. La grande pauvreté et la maladie atteignent beaucoup de vos frères et soeurs. Gardez les nobles traditions d’entraide de vos ancêtres. Continuez-les et inspirez-vous de la miséricorde qui est la grande richesse du coeur de Dieu, avec la générosité que Jésus montrait à la Cananéenne[4], au centurion romain[5], aux lépreux sans se soucier de leur origine[6]! Je reprendrai simplement ici la parole de saint Paul: «Que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant»[7]!

5. Chers Frères et Soeurs laïcs de l’Eglise au Burundi, je viens d’évoquer quelques orientations essentielles pour vous. Il vous appartient de les mettre en oeuvre concrètement, en collaborant avec confiance avec vos Pasteurs et entre vous, malgré les obstacles pratiques et la pauvreté des moyens dont vous disposez. Les exigences de l’Evangile sont grandes, dans la vie de l’Eglise comme dans le monde. Les chrétiens ont à répondre aux questions pressantes de notre temps. Vous ne pourrez y faire face fidèlement que si vous poursuivez votre formation spirituelle et si vous progressez dans votre connaissance de la Parole de Dieu. C’était le sens du cycle de catéchèses et de réflexions qui, depuis un an, a préparé ma visite pastorale. Continuez dans ce sens. Et nourrissez votre foi par la prière et la participation active à la liturgie de l’Eglise. Ainsi, votre apostolat sera alimenté aux sources vives; vos dialogues et vos actes seront habités par la présence de Jésus qui est «le Chemin, la Vérité et la Vie»[8].

Vous continuerez à bâtir l’Eglise sur cette terre, dans une rencontre lucide entre le meilleur de votre culture et la Révélation chrétienne. Vous participerez au renouvellement de l’évangélisation que demandent vos évêques.

6. Baptisés, membres du Corps du Christ, prenez la part qui vous revient dans les tâches de l’Eglise, et cette part est grande pour demain comme elle l’a été dans le passé. Vous serez, unis aux pasteurs et aux religieux, les acteurs de la démarche synodale qui va être reprise et qui vous conduira au centenaire de l’évangélisation au Burundi, à l’aube du troisième millénaire. De plus, vous apporterez à vos évêques les fruits de votre expérience et de vos réflexions pour préparer l’Assemblée du Synode pour l’Afrique, où toutes les Eglises particulières de votre continent sont appelées à tracer les voies de l’évangélisation pleinement assumée par les fils et les filles de cette terre.

En union avec mes Frères dans l’épiscopat, j’invoque sur vous l’intercession de Notre-Dame, à qui votre Eglise est consacrée, et j’appelle sur vous l’abondance des bienfaits et de la Bénédiction de Dieu.

[1] Ep 4,7.
[2] Lumen Gentium, LG 33.
[3] Cfr. Lc 10,30-37.
[4] Cfr. Mt 15,22-23.
[5] Cfr. ibid. Mt 8,5-13.
[6] Cfr. Lc 17,11-19.
[7] 1Th 3,12.
[8] Jn 14,6.



RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES ET LES RELIGIEUX DU BURUNDI

Cathédrale de Bujumbura (Burundi), Jeudi, 6 septembre 1990


Chers Frères et Soeurs,

1. Je vous salue de grand coeur, religieux, religieuses, novices et vous qui en êtes aux premières étapes de la vie consacrée. Laissez-moi vous dire toute ma joie d’être avec vous en cette cathédrale de Bujumbura. En effet, dans mes visites pastorales, l’entretien avec ceux et celles qui se sont engagés sur le chemin de la perfection évangélique constitue toujours pour moi un moment privilégié.

Je salue également les membres du clergé diocésain qui ont tenu à participer à cette rencontre et je les remercie d’être venus: leur démarche et leur présence sont assurément de bon augure pour les relations harmonieuses qui doivent exister entre religieux et pasteurs afin que la mission de l’Eglise s’accomplisse avec la meilleure efficacité.

J’offre mes voeux cordiaux à Monseigneur Laurent Rurayinga et à Monsieur l’Abbé Jean Ruraseheye qui célèbrent le cinquantième anniversaire de leur ordination sacerdotale. Je leur souhaite de poursuivre leur vie de prêtre dans la paix et dans la joie de ceux qui se sont longtemps dépensés dans les tâches exigeantes de l’évangélisation.

2. Au cours des mois qui ont précédé ma venue, vous avez tenu, à l’occasion de retraites appropriées, à réfléchir sur les appels du Christ et les façons d’y répondre, sur la libération qu’il offre, sur l’Eglise et sur les sacrements, dons de grâce qui nous aident à progresser vers la sainteté. Vous avez également contemplé et prié Marie, Mère et modèle des disciples. Je vous félicite de vous être ainsi préparés spirituellement à la rencontre d’aujourd'hui. Vous souhaitez être des témoins de Dieu authentiques, efficaces et fidèles, afin de devenir de meilleurs artisans de communion. Pour cela, il convient d’approfondir toujours davantage votre identité de personnes consacrées. C’est ce que je voudrais faire avec vous brièvement ce soir, afin que vous puissiez remplir avec plus d’amour encore votre belle mission.

3. Parlant de l’Alliance conclue entre le Seigneur et son peuple, les prophètes de l’Ancien Testament avaient coutume de présenter les relations entre Dieu et l’humanité dans le cadre de l’amour nuptial. Tout homme, toute femme est l’objet de la part de Dieu d’un amour privilégié, d’un amour sponsal. Le baptême, en nous faisant entrer dans la famille de Dieu, permet à cet amour du Seigneur d’être répandu en nos coeurs par l’Esprit Saint. La vie religieuse, qui se situe dans le prolongement du baptême, manifeste dans l’Eglise cette admirable union sponsale, que Dieu veut établir avec nous et qui est signe du siècle à venir.

A l’origine de la consécration religieuse, il y a l’appel de Dieu, que rien n’explique sinon un amour gratuit et unique de la part du Seigneur. C’est ce que traduit le regard que Jésus portait sur le jeune homme riche: «Posant son regard sur lui, Jésus le prit en affection»[1].

4. Votre engagement de religieux et de religieuses, chers Frères et Soeurs, résulte de ce regard d’amour du Seigneur. Votre vie, vous l’offrez comme une libre réponse à cet amour premier. Vous le faites en choisissant de cheminer sur les voies évangéliques de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance.Ces conseils forment l’axe porteur de la vie religieuse. Ils impliquent la personne humaine au niveau des trois registres essentiels de son existence: l’affectivité, l’avoir et le pouvoir. Vécus de manière authentique, ils revêtent une grande signification pour les hommes car chaque voeu donne une réponse spécifique aux grandes tentations humaines. Par eux, l’Eglise continue d’indiquer au monde les voies de sa transfiguration dans le Royaume de Dieu.

5. La chasteté libère le coeur afin qu’il brûle d’amour pour Dieu et pour tous les hommes. L’une des plus grandes contributions qu’une personne consacrée puisse apporter aux hommes d’aujourd’hui est de leur révéler, par sa vie plus que par ses paroles, la possibilité d’un véritable dévouement et d’une complète ouverture aux autres en partageant leurs joies et leurs peines. Les personnes consacrées sont des êtres humains en qui habite le désir d’aimer, mais qui offrent ce désir et toutes ses expressions à Dieu pour les mettre librement au service de son peuple.

6. La pauvreté religieuse est une attitude spirituelle de base, un dépouillement, une remise de son être à Dieu au service du Royaume. «Voici la servante du Seigneur», disait Marie, la Vierge pauvre. La pauvreté religieuse suppose une vie de travail et de sobriété. Elle encourage à partager, en renonçant personnellement à tout ce qui n’est pas indispensable.

Il existe aujourd’hui des formes de pauvreté à grande échelle, vécues par des individus ou supportées par des sociétés entières: la faim, l’ignorance, la maladie, le chômage, la dépendance par rapport à des administrations discutables, la limitation de libertés fondamentales, la mise à l’écart en raison de l’appartenance à un groupe social particulier. Dans ces conditions, les religieux sont poussés à une plus grande proximité vis-à-vis des plus appauvris et des plus nécessiteux, ceux mêmes que Jésus, depuis toujours, a préférés et auxquels il s’est identifié. Cette proximité les conduit à adopter un style de vie personnel et communautaire cohérent avec leur engagement et à suivre de plus près le Christ pauvre et humilié. Ce «choix préférentiel» des religieux implique le détachement intérieur et l’austérité de leur vie communautaire.

7. La culture africaine est connue pour la valeur qu’elle attache à l’appartenance clanique. Le clan est le canal par lequel on vient au monde, on grandit et on s’épanouit. L’individu met la réussite de sa propre vie dans celle de son clan. C’est pourquoi chacun essaie de bien connaître l’esprit de son clan pour évoluer dans la paix.

Entrer dans une famille religieuse, c’est aussi en épouser le charisme et la spiritualité. C’est l’accepter comme cadre dans lequel la vie offerte au Seigneur doit s’épanouir par le don de soi. Cette attitude fondamentale d’accueil et d’écoute, c’est l’obéissance.

L’obéissance permet de percevoir les messages de l’Esprit de Dieu qui viennent par les constitutions, par les supérieurs, les confrères ou les consoeurs, par les événements.

L’obéissance du religieux ou de la religieuse s’inspire de celle du Christ, qui se faisait un devoir et une joie d’entrer dans les desseins de son Père. «Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son oeuvre»[2]. Loin de diminuer la dignité de la personne, l’obéissance la conduit à plus de maturité en faisant grandir la liberté des enfants de Dieu.

8. Pour faire face aux exigences de la vie consacrée, un ressourcement permanent est nécessaire. Tout au long de leur vie, les religieux doivent poursuivre avec soin leur formation spirituelle, doctrinale et pratique. Il appartient au religieux lui-même de s’en sentir responsable. En effet, à l’appel de Dieu, toujours nouveau, il est sans cesse invité à donner une réponse nouvelle et personnelle. Intérioriser les valeurs de la vie religieuse à chaque étape de la vie et de la mission, c’est pour chacun un devoir de conscience. La formation continue aide le religieux à faire preuve de créativité tout en demeurant fidèle à sa vocation et à son institut. «Suivre le Christ» signifie que l’on se met toujours en marche, pour être capable de rendre un témoignage vivant et vrai du Règne de Dieu en ce monde.

En définitive, qu’est-ce que la formation continue? C’est un processus global de renouveau qui s’étend à tous les aspects de l’activité personnelle. Elle affecte la vie spirituelle et inclut un approfondissement de la foi et du sens de la profession religieuse. D’où l’importance des temps de reprise spirituelle et des retraites. Elle concerne le recyclage doctrinal, l’étude des sources bibliques, de l’enseignement de l’Eglise, jusqu’aux documents récents du magistère, tout en approfondissant la connaissance des cultures des lieux où l’on vit.

Elle permet au religieux d’entretenir une vraie familiarité avec l’histoire de son institut, son esprit et sa mission, afin de vivre fidèle au charisme du fondateur.

On a aussi le souci de mettre à jour les méthodes et les contenus des activités pastorales, en collaboration avec les autres agents de la pastorale locale.

Que les religieux se gardent de considérer leur institut comme une île parmi d’autres communautés ecclésiales: qu’ils développent au contraire un vrai sens de l’Eglise!

9. Ce sens de l’Eglise consiste à avoir conscience d’appartenir à un peuple en marche, à un peuple qui a son origine dans la communion trinitaire et se reconnaît comme le Corps du Christ; un peuple qui s’enracine dans une histoire, s’appuie sur le fondement des Apôtres et sur le ministère de leurs successeurs. Un peuple qui s’ouvre à la Parole de Dieu par le canal de l’Ecriture et de la Tradition; qui aspire à l’unité visible avec les autres communautés chrétiennes; un peuple missionnaire enfin, qui n’a de cesse que l’Evangile soit annoncé partout.

Je sais que certaines familles religieuses burundaises sont ouvertes à l’activité missionnaire hors du pays. Je les en félicite et je souhaite que se développe encore le sens de la mission à l’échelle de l’Eglise universelle.

10. Je voudrais aussi adresser mes encouragements particuliers aux religieuses de vie contemplative: aux Clarisses, aux Visitandines et aux Dominicaines. Qu’elles sachent qu’elles occupent une place de choix dans l’Eglise! Leur apostolat, c’est précisément leur vie contemplative, parce que c’est leur façon caractéristique d’être l’Eglise, de vivre dans l’Eglise.

Par une fréquentation assidue de l’Ecriture, les religieuses de vie contemplative découvrent comment Dieu ne se lasse pas de rechercher sa créature pour faire alliance avec elle et comment, en retour, toute la vie de l’homme ne peut être qu’une recherche incessante de Dieu. En s’engageant elles-mêmes patiemment dans cette recherche, elles témoignent de la joie qu’il y a à se tourner vers Dieu par une conversion poursuivie au long de la vie entière. Enfin, elles encouragent chez l’homme d’aujourd’hui le seins primordial de l’adoration.

11. Dans un monde de conflits, dans un pays qui a connu de graves problèmes ethniques, les consacrés ont à coeur d’être des instruments de réconciliation.

Dans la pensée de Dieu, l’Eglise est composée de gens réconciliés qui ont été lavés dans le sang du Christ et qui ont reçu l’Esprit de paix. Ce peuple existe pour rassembler et réconcilier les hommes. En demandant le baptême, le chrétien s’engage à remplir la mission que reçoit chaque membre de l’Eglise: être un artisan de paix.

Les prêtres, qui ont engagé tout leur être dans le sacerdoce du Christ, et les religieux, qui ont fait profession de développer au mieux les énergies de leur baptême, sont plus que d’autres appelés à être des artisans de paix. Par toute votre vie, proclamez l’amour, la fraternité universelle fondée sur cette qualité d’enfants du même Dieu et Père propre à tous les hommes; proclamez la dignité humaine dont découlent tous les droits fondamentaux de la personne; faites régner la paix entre vous et continuez à construire ensemble une nation unifiée!

12. Avant de conclure, je voudrais encourager les prêtres diocésains à renouveler l’intérêt qu’ils portent à la vie religieuse. Loin de considérer les personnes consacrées uniquement comme des collaborateurs ou des collaboratrices dans l’apostolat, ils auront à coeur de promouvoir la vie religieuse comme telle, c’est-à-dire comme une école de sainteté.

Qu’avec les évêques, ils s’efforcent d’être pour les religieux et les religieuses des maîtres spirituels et des guides de perfection! Qu’ils soient des éducateurs de vocations et qu’ils fassent preuve de diligence pastorale pour éveiller les religieux et les religieuses à un sens toujours plus approfondi de l’Eglise! Qu’ils sachent mettre à profit la disponibilité des religieux et des religieuses qui sont, par leur consécration, volontaires et libres pour tout quitter et aller annoncer l’Evangile!

Enfin, que sous l’impulsion de l’Esprit Saint, qui est créateur par essence, pasteurs et personnes consacrées s’engagent dans des expériences mutuelles qui témoignent de l’esprit de réconciliation et de paix entre les baptisés!

13. Je confie vos efforts d’une manière particulière à la Vierge Marie, notre Mère commune qui prie pour l’unité de la famille de Dieu. Avec vous je la supplie: «Viens au secours du peuple qui tombe et qui cherche à se relever!».

Guéris les blessures de ceux qui ont souffert et souffrent encore dans ce pays!

Garde dans un même amour tous les Burundais!

Aide les religieux et religieuses de ce pays à être artisans de vérité et de communion, pour le bien et la paix de tous!

De grand coeur, je vous donne ma Bénédiction Apostolique.

[1] Mc 10,21.
[2] Jn 4,34.





RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DES COMMUNAUTÉS NON-CATHOLIQUES ET D'AUTRES RELIGIONS

Kigali (Rwanda), Dimanche 9 septembre 1990


Chers amis,

1. À l’occasion de ma visite pastorale en ce pays, je suis heureux de pouvoir vous rencontrer et je vous remercie de vos paroles de bienvenue. Je vous salue en vous appelant amis car l’amitié est certainement la réalité qui donne sa signification à notre rencontre. L’amitié s’exprime par le respect et la confiance en l’autre, par le désir de donner et de recevoir et d’être authentiquement soi-même devant les autres. A travers vous, je rencontre tous les croyants du Rwanda qui, dans la vie quotidienne, tissent des liens d’amitié.

2. Je m’adresse tout d’abord à vous, amis chrétiens. Vous savez comment l’évangéliste saint Jean nous fait connaître le nouveau rapport que Jésus a instauré entre Lui et les Apôtres qu’il avait choisis: «Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle amis» [1]. Nous qui avons reçu l’héritage transmis par les Apôtres, nous sommes ensemble amis du Christ parce qu’il nous a fait connaître tout ce qu’il a appris de son Père [2]. L’amitié que notre Seigneur a pour chacun d’entre nous a été scellée de façon définitive au jour de notre baptême quand nous avons été incorporés à Lui. Il existe ainsi entre nous une communion, certes encore incomplète, mais réelle et profonde, grâce au lien sacramentel du baptême. Notre amitié est donc encore bien plus qu’une expression de bonne volonté, elle est l’effet de l’amour même de Dieu «qui a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné» [3].

C’est dans la lumière de cette extraordinaire réalité que nos relations doivent se développer pour que nous puissions être toujours plus fidèles à la volonté du Christ sur son Eglise et à notre mission dans le monde. Il est donc évident que nous sommes appelés à grandir dans la confiance mutuelle et à être pleins de respect les uns à l’égard des autres, aussi bien entre les personnes qu’entre les communautés, car nous avons reçu la même Parole de Dieu que nous devons laisser pénétrer dans nos vies et que nous devons rendre accessible à nos frères. Il est heureux que vous ayez pu, ensemble, donner aux Rwandais une traduction commune du Nouveau Testament. Je souhaite que, par la grâce de Dieu, avec vos frères catholiques, vous puissiez témoigner de plus en plus ensemble de l’Evangile du Christ et servir avec désintéressement votre chère nation du Rwanda.

Par une initiative prise en commun, vous contribuez de manière active et généreuse aux services de santé de votre pays. Je salue volontiers cet ensemble de réalisations du «BUFMAR» qui répondent à des besoins réels de vos compatriotes, dans un esprit de charité inventive et efficace. J’encourage les croyants à poursuivre de telles collaborations qui nous rapprochent de la fidélité aux exigences évangéliques.

3. Dignes représentants des autres religions, à vous aussi j’adresse mes salutations en cette heureuse occasion. Votre présence ici est un signe du respect mutuel et de la volonté de compréhension et de collaboration qui doivent caractériser toute société bien ordonnée. Il y a quelques années déjà, lors de la Journée mondiale de Prière pour la Paix, à Assise, le rassemblement de chrétiens et de représentants d’autres religions semblait «une préfiguration de ce que Dieu voudrait que soit le cours de l’histoire de l’humanité: une route fraternelle sur laquelle nous nous accompagnons les uns les autres vers la fin transcendante qu’il établit pour nous»[4]. Ici, dans ce pays des Mille Collines, où les montagnes nous invitent à élever notre regard vers le Très-Haut, le Maître de tout, prions-Le afin qu’Il nous donne la force de marcher ensemble sur cette route!

[1] Jn 15,15.
[2] Cfr. ibid. Jn 15,15
[3] Cfr. Rm 5,5.
[4] Ioannis Pauli PP. II Allocutio Assisii, occasione oblata sollemnis precationis pro pace, adstantibus Christifidelibus, Fratibus seiunctis necnon Religionum non christianarum asseclis, 5, die 27 oct. 1986: Insegnamenti di Giovanni Paolo III, IX, 2 (1986) 1262.




AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU RWANDA

Kigali (Rwanda), Dimanche, 9 septembre 1990


Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Après avoir rencontré l’ensemble du Peuple de Dieu, au cours de mon périple rwandais, il m’est particulièrement agréable de me trouver maintenant avec vous, pasteurs de ce cher Peuple, qui vous dévouez de toutes vos forces à son service.

Je remercie vivement Monseigneur Joseph Ruzindana, Evêque de Byumba et Président de la Conférence épiscopale du Rwanda, de son message cordial. J’ai été sensible aux sentiments d’affection et d’attachement qui m’ont été exprimés et je rends grâce à Dieu d’avoir pu vous témoigner, à mon tour, ma sollicitude pastorale en venant chez vous. Je suis très heureux de pouvoir apprécier sur place votre labeur épiscopal et je suis sûr que les moments passés ensemble dans une célébration intense et joyeuse de la foi contribueront à renforcer encore nos liens et à stimuler votre propre zèle.

2. Au seuil du troisième millénaire de la Rédemption, le Rwanda fêtera le centenaire de son évangélisation. C’est pour vous une grande date. Vous êtes, à juste titre, fiers de l’implantation vigoureuse de l’Eglise dans votre pays et cela suscite en vos coeurs un élan de gratitude envers Celui de qui vient tout don excellent.

En rendant grâce pour ce qui a été accompli, vous êtes aussi résolus à poursuivre, dans le sillage de vos devanciers, l’évangélisation en profondeur de votre patrie.

Evangéliser, c’est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux humains pour les transformer du dedans: l’Eglise appelle les personnes à la conversion du coeur et demande que chacun agisse dans la société, guidé par une conscience que renouvelle et fortifie la rencontre du Sauveur.

3. Dans ce processus, il conviendra de mener une réflexion approfondie sur l’inculturation qui constitue un élément indispensable et urgent de l’évangélisation. Le rôle que joue cette inculturation dans la mission de l’Eglise a été clairement défini par les documents du Concile Vatican II et plusieurs exhortations apostoliques promulguées au cours des deux dernières décennies. Le décret Ad Gentes en a souligné l’importance en ces termes: « La parole de Dieu est une semence: quand cette semence prend racine dans une bonne terre fertilisée par la rosée divine, elle y puise des sucs nourriciers, les transforme, les assimile en sa propre substance et, de cette manière, arrive à produire un jour des fruits abondants. Et de ce fait, à l’imitation de ce qui s’est passé pour le Verbe Incarné, les jeunes Eglises enracinées dans le Christ et construites sur le fondement des Apôtres assument pour un merveilleux échange toutes les richesses des nations qui ont été données au Christ en héritage[1]. Elles empruntent aux coutumes et aux traditions de leurs peuples, à leur sagesse et à leur culture, à leurs arts et à leurs connaissances scientifiques, tout ce qui peut contribuer à confesser la gloire du Créateur, mettre en lumière la grâce du Sauveur et ordonner comme il faut la vie chrétienne »[2]. Des études théologiques rigoureuses seront nécessaires pour apprécier coutumes, traditions, sagesse, sciences et arts en vue de faire entrer tout ce qui est vrai, beau et bon de cet héritage dans l’« admirable échange » de l’Incarnation du Christ.

4. La mobilisation de toutes vos forces vives en vue d’une évangélisation renouvelée s’inscrit dans le cadre d’une autre mobilisation, plus générale, celle de toutes les Eglises particulières de ce continent, dans le but de préparer l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques. Chers Frères, je vous invite à sensibiliser vos familles diocésaines à la préparation de cette Assemblée afin que, grâce à leurs prières et à leur participation à la réflexion commune, le visage de l’Eglise en Afrique, et au Rwanda en particulier, corresponde toujours mieux au dessein du Christ et que son action salvatrice soit encore plus reconnue.

5. L’engagement de tous, pasteurs et fidèles, dans la préparation de ces deux grands événements à venir, le Synode des Evêques pour le continent et le centenaire au Rwanda, devrait avoir pour heureux effet, entre autres, de renforcer au sein de vos communautés cette unité dont vous avez tant besoin.

L’unité entre vous, il faut y tendre coûte que coûte. Je sais que c’est une de vos grandes préoccupations pastorales et que vous oeuvrez pour la promouvoir, comme en témoigne le substantiel document « Le Christ, notre unité », que vous avez publié à l’adresse de vos familles diocésaines.

Assurément, c’est avec le dynamisme transfigurant de la foi chrétienne que vous arriverez à déraciner les préjugés ethniques, les séquelles de mentalité féodale, comme aussi les séquelles de mentalité servile. Comme le dit le Christ: « C’est du dedans, du coeur de l’homme, que sortent les pensées perverses »[3]. Travaillez sans cesse à la conversion du coeur, afin que chaque Rwandais comprenne que le prochain que Jésus demande d’aimer, ce n’est pas seulement l’homme du même groupe social, c’est tout homme rencontré sur la route. Il s’agit donc de purifier notre regard sur les autres. C’est une entreprise qui dure toute la vie. Pour la mener à bien, appuyez-vous sur la force du message de l’Evangile. Méditez ces paroles du Christ: « Quand vous dites oui, que ce soit un oui, quand vous dites non, que ce soit un non. Tout ce qui est en plus vient du Mauvais »[4]. Elles vous aideront à écarter toute ambiguïté, qui ferait obstacle à l’unité entre tous les êtres humains et qui serait source de discorde entre les personnes.

Il convient naturellement que l’exemple de l’unité parte d’en haut afin que ce soit un encouragement pour le clergé, les religieux et les fidèles à animer ensemble la vie de l’Eglise, et pour toutes les populations à unir leurs efforts, aux niveaux social, économique et politique, pour le bien de la nation tout entière.

En vue d’une action oecuménique encore plus profitable, dans le contexte rwandais, je vous encourage à approfondir le patrimoine qui nous est commun avec les autres communautés chrétiennes dans des échanges où la spécificité catholique demeure clairement présente. Enfin, vis-à-vis des frères et soeurs qui professent d’autres religions, nous voulons, dans le respect de leurs croyances, poursuivre à la fois le dialogue et la proclamation de l’Evangile.

6. Dans la première lettre de saint Pierre, la mission des évêques est ainsi décrite: « Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié; veillez sur lui... sans commander en maîtres, mais en devenant les modèles du troupeau »[5]. Le berger a la charge de rassembler et de guider. L’évêque a aussi mission de rassembler et de guider. Il le fait quand il préside l’Eucharistie, sacrement qui édifie l’Eglise. Il le fait quand il envoie les baptisés dans le monde accomplir leur mission de témoins de l’Evangile.

L’autorité que vous exercez en votre qualité d’évêques est celle d’un père, qui cherche à aimer, à comprendre et, pour cela, se fait proche de ses collaborateurs et de son peuple; un père qui se soucie d’être accueillant, notamment pour ses prêtres, connaissant leurs souhaits et leurs besoins, comme le bon pasteur de l’Evangile connaît chacune de ses brebis. Il revient à l’évêque de conseiller, d’encourager, d’aider avec bonté et simplicité de coeur ceux qui ont des responsabilités afin qu’ils les assument pour le bien de l’Eglise.

Votre sollicitude s’étend d’une manière particulière aux religieux et aux religieuses, qui ont offert leur vie au Seigneur pour le service de l’Eglise par les voeux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance. Pour que les personnes consacrées donnent le meilleur d’elles-mêmes dans le service ecclésial, avez à coeur de les aider et de les encourager à vivre en parfaite harmonie selon leur charisme propre. La fécondité de leur témoignage est fonction de leur fidélité à leur état de vie. Il vous appartient de promouvoir la vie religieuse comme telle, c’est-à-dire comme école de sainteté, et de favoriser la compréhension et la bonne entente entre les diverses familles religieuses, ainsi qu’entre elles et le clergé.

L’accompagnement des vocations doit faire l’objet d’une sollicitude toute particulière de votre part. Grâce à Dieu, les jeunes répondent en grand nombre à l’appel divin et ils font preuve de beaucoup de générosité. J’apprécie l’effort considérable que vous faites pour le soutien des jeunes qui s’interrogent sur leur vocation, en leur offrant la vie de communauté dans vos petits séminaires. Je comprends que ce soit pour vous une charge lourde, dont les fruits n’apparaissent pas toujours clairement à brève échéance, mais j’approuve d’autant plus votre persévérance. En espérant qu’un soutien extérieur ne vous sera pas refusé, je vous encourage à veiller sur ces institutions qui, bien souvent, ont fait leurs preuves. Quant aux grands séminaristes, suivez leurs itinéraires avec attention. Avec vos prêtres, sachez vous montrer proches d’eux. N’hésitez pas à faire les sacrifices nécessaires pour leur procurer les éducateurs dont ils ont besoin pour bien se préparer au sacerdoce à travers un développement spirituel soutenu et l’acquisition d’une bonne culture.

7. La formation des fidèles laïcs compte aussi parmi les priorités de votre ministère et doit trouver sa place dans les programmes d’action pastorale.

Les catholiques rwandais ont soif de connaître leur foi. C’est tout à leur crédit. Pour mieux assumer leurs devoirs de chrétiens dans le monde, ils ont besoin d’approfondir ce qu’ils ont reçu pendant leurs jeunes années de formation. Il importe de les préparer à rendre compte devant tous ceux qui le demandent de l’espérance qui est en eux, pour reprendre les termes de saint Pierre[6]. C’est d’autant plus indispensable que les sectes jettent le trouble dans les croyances des catholiques, spécialement lorsque leur connaissance de la foi est réduite. Une solide formation, donnée avec confiance en la grâce divine et avec fidélité au Christ et à son Evangile, garantira la sauvegarde de la foi en eux, la fortifiera et fera des fidèles laïcs des missionnaires convaincus et engagés.

8. Dans le cadre de la formation d’un laïcat capable de prendre ses responsabilités, il est un ministère auquel il convient de prêter une attention spéciale: la pastorale de l’élite du pays dont j’ai rencontré hier de nombreux représentants.

Dans la mesure du possible, rendez disponibles des prêtres compétents pour accompagner les personnes cultivées dans l’approfondissement de leur foi. Invitez ces chrétiens formés à s’engager activement dans la vie de leur paroisse. Encouragez-les à apporter les valeurs évangéliques au coeur des grands débats mettant en cause l’avenir du Rwanda, comme aussi dans leur vie professionnelle quotidienne, que ce soit dans les domaines de l’éducation, de l’administration, de l’information ou de la santé. Il sera bon de les aider à discerner la portée de leurs responsabilités dans la sphère des réalités temporelles, selon l’esprit du Concile Vatican II qui demande « que l’on distingue nettement entre les actions que les fidèles, isolément ou en groupe, posent en leur nom propre comme citoyens, guidés par la conscience chrétienne, et les actions qu’ils mènent au nom de l’Eglise, en union avec leurs pasteurs ». Car « l’Eglise, qui... ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique..., est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine »[7].

9. Je voudrais aussi vous dire que je partage vos inquiétudes devant les difficultés graves que connaît votre peuple.

Je pense au fléau du sida qui appelle de la part des chrétiens un double effort, dont j’ai plusieurs fois parlé déjà: rester proches des malades, sans discrimination, avec une charité inspirée par celle du Christ, avec toutes les ressources disponibles pour les assister efficacement; l’autre effort vise à éclairer jeunes et adultes sur les valeurs morales qui, souvent, sont en cause dans la transmission de cette maladie; il faut les appeler à une manière de vivre digne et fidèle aux préceptes évangéliques, afin de ne compromettre ni leur propre vie, ni celle du prochain.

Dans un autre domaine, je sais que votre agriculture est un « problème brûlant », pour reprendre vos propres termes. Dans certains endroits, la famine a sévi; et, pour continuer à nourrir une population nombreuse, il faut lutter contre la dégradation des sols.

Les Rwandais peinent à faire face à de tels problèmes; les moyens matériels sont onéreux; les formations spécialisées encore difficiles d’accès.

Je renouvelle le voeu qu’une solidarité internationale compréhensive se développe pour vous venir en aide.

Et je souhaite que les Rwandais et les Rwandaises continuent à faire face courageusement aux difficultés de ce temps, avec le dynamisme de l’espérance et avec la confiance en Dieu qui aime les hommes. Que l’Eglise investisse sa grande force morale pour stimuler en chacun le souci du bien-être physique et spirituel de son frère! Enfin que, tous ensemble, nous fassions monter vers le Seigneur nos supplications pour qu’il vienne à notre secours!

Avec vous, je prie le Maître du ciel et de la terre et je lui demande de nous libérer des tristesses présentes. Avec vous je supplie Notre Dame d’accorder à tous les Rwandais et à toutes les Rwandaises, en Mère très aimante, la santé de l’âme et du corps.

Chers Frères, c’est de grand coeur que je vous bénis ainsi que chacune de vos communautés diocésaines.

[1] Cf. Ps 2,8.
[2] Ad Gentes, AGD 22.
[3] Mc 7,21.
[4] Mt 5,37.
[5] 1P 5,2-3.
[6] Cf. Ibid 1P 3,15.
[7] Gaudium et Spes, GS 76.




Discours 1990 - Bujumbura (Burundi), Mercredi, 5 septembre 1990