Discours 1990 - AU CONSEIL DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

AU CONSEIL DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

Yamoussoukro (Côte-d’Ivoire), Lundi, 10 septembre 1990


Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’épiscopat,

1. Successeur de Pierre, je suis heureux de prendre part avec vous, successeurs des Apôtres en Afrique, à la réunion du Conseil du Secrétariat général de l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques. Vos journées de prière et de réflexion constituent le premier acte, sur le continent même, de la marche désormais bien orientée de vos Eglises particulières vers le rassemblement historique que sera cette Assemblée synodale.

Depuis la première annonce, le 6 janvier 1989, j’ai suivi, avec l’intérêt particulier et l’affection que je porte à l’Afrique, les différentes étapes de la préparation lointaine de cette Assemblée: deux sessions de la Commission antépréparatoire, deux sessions du Conseil et la publication des Lineamenta par le Secrétaire général au cours de la neuvième Assemblée plénière du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar, à Lomé le 24 juillet dernier. Grâce à mes contacts réguliers avec les membres du Conseil à chacune des sessions, j’ai pu voir avec quel enthousiasme l’initiative de l’Assemblée spéciale a été accueillie et me rendre compte de la compétence et de la générosité déployées pour la préparation qui répondait aux exigences et au rythme imposés par la nature même d’une assemblée synodale.

Nous arrivons à une heure décisive pour l’Eglise en Afrique. Après les commencements antiques de l’évangélisation du continent, après la prédication missionnaire reçue généreusement par des millions d’hommes et de femmes accédant à la foi, voici que l’Eglise est enracinée dans votre sol, voici qu’elle envoie ses ouvriers dans les champs immenses qui restent à féconder par le Verbe de Vie! Les pasteurs nés sur cette terre conduisent la marche de l’Evangile, jadis ouverte par les messagers venus partager avec vos peuples le don de la foi, la force de l’espérance, l’ardeur de la charité. Ici, la parole de Jésus a été entendue: « Vous serez mes témoins »[1]. Par les baptisés, les consacrés, les prêtres, les évêques, l’Eglise en Afrique a conscience de sa mission: elle-même annonce l’Evangile, « une force de Dieu pour le salut de tout homme »[2].

2. L’assemblée synodale que nous préparons marquera, telle est ma conviction, une étape nouvelle et lumineuse sur la route bimillénaire de l’Evangile sur ce continent. Nous nous rappelons avec admiration la naissance et la croissance des premières Eglises d’Afrique, en relation étroite avec l’Eglise primitive et la tradition apostolique. Nous évoquons les Pères illustres et les communautés florissantes de l’Afrique chrétienne antique qui occupent une place de choix dans la réalité historique et doctrinale de l’Eglise universelle. Les synodes et les conciles de ces Eglises ont reçu la sacra traditio; par leur ardente recherche de l’intelligence de la foi, ils ont enrichi le patrimoine commun d’une manière irremplaçable. Une part précieuse de leur héritage nous parvient de manière vivante par le témoignage des Eglises de rite oriental: nous rendons grâce pour leur présence en plusieurs régions du continent.

A présent, au prix de siècles de silence mystérieux puis de la générosité des missionnaires et de leur fidélité qui les a poussés à consacrer toute leur vie à l’Eglise en Afrique, l’édifice ecclésial s’élève dans toutes les régions. Le Christ, qui en pose les fondements et qui bâtit avec les pierres vivantes que sont ses disciples, dresse sur cette terre le signe et le sacrement du salut[3]. Les fleuves d’eau vive, promis par le Fils de Dieu fait homme, apaisent la soif d’hommes et de femmes qui attendaient de découvrir le visage et le nom du Dieu vivant. L’inépuisable mystère d’amour de la Trinité Sainte vivifie le Peuple de Dieu qui grandit.

Frères dans l’épiscopat, la construction est commencée, nous rendons grâce à Dieu. Sous la conduite de l’Esprit Saint, il nous revient de la poursuivre, de la faire plus belle, plus vivante, plus fidèle à la volonté divine. L’évangélisation rencontre des obstacles, parfois la routine la ralentit. On peut hésiter sur les orientations à prendre actuellement dans des sociétés qui évoluent. Il faut unir les efforts des personnes et des communautés, il faut que les évêques eux-mêmes se concertent sur leur action pastorale, en fonction d’une analyse lucide et bien informée. Devant ces exigences, urgentes en notre temps, j’ai convoqué votre Assemblée synodale.

3. A Synodal Assembly cannot be reduced to a consultation on practical matters. Its true raison d’être is the fact that the Church can move forward only by strengthening communion among her members, beginning with her Pastors. We are always conscious of the teaching of the Second Vatican Council, which highlighted the Church’s vocation to be, by divine institution, a communio. Using the words of an African - Saint Cyprian - the Council fittingly described the Church as "a people brought into unity from the unity of the Father, Son, and Holy Spirit"[4]. Indeed, it is out of the fruitful and essential reality of communio, characteristic of the Church, that the institution of the Synod of Bishops was born. This institution is meant to manifest and develop solidarity among the heads of particular Churches in the fulfilment of their mission beyond the boundaries of individual Dioceses. On this important point the Council has given a very clear teaching: "Bishops, as legitimate successors of the Apostles and members of the episcopal college, should appreciate that they are closely united to each other and should be solicitous for all the Churches. By divine institution and by virtue of their apostolic office, all of them are jointly responsible for the Church"[5].

In exercising its prerogatives, the Synodal Assembly actualizes the living communio of the Body of Christ, which is the Church, through the visible communion of the bishops. The mission of the Church in Africa, with the specific characteristics which your reflections will identify, is joined to the unique mission which Christ entrusted to the entire apostolic college. As the Successor of Peter, the Bishop of Rome has received the commission to be the guarantor of the unity and apostolicity of the whole Church. It is communion with him that legitimizes the sending forth on mission of those who are to proclaim the Gospel. By their bonds with the See of Rome, the bishops express and affirm their solidarity in a reciprocal exchange. Thus, through the communion of the bishops, the universal Church shares the joys and sorrows of particular Churches. The Council emphasized this when it said: "Just as, by the Lord’s will, Saint Peter and the rest of the Apostles constituted a single apostolic college, so in like fashion the Roman Pontiff, Peter’s successor, and the Bishops, the successors of the Apostles, are joined together... This college, insofar as it is composed of many members, expresses the variety and universality of the People of God; insofar as it is assembled under one head, it expresses the unity of Christ’s flock"[6]. In the name of this unity among us, I appeal to our brothers in the episcopate and to all God’s people throughout the world to feel part of the accomplishments and the expectations that will come to light on the great day of the Synodal Assembly for Africa.

4. The present session of your Council follows the publication of the Lineamenta which you had prepared. This text develops the theme: " The Church in Africa and her Evangelizing Mission Towards the Year 2000 'You shall be my witnesses' "[7]. The synodal process has thus entered a new phase, one which directly involves all the Bishops of Africa and the whole People of God. Here again, it is communion that must express itself.

Those who have received the Good News constitute an ecclesial body which must build itself up through new members and must preserve unity in diversity. We recall the words of the Apostle Paul: "Speaking the truth in love, we are to grow up in every way into Him who is the Head, into Christ, from whom the whole body, joined and knit together by every joint with which it is supplied, when each part is working properly, makes bodily growth and upbuilds itself in love"[8].

The Lineamenta give a clear focus to preparations for the Assembly around a central theme, namely, the evangelizing mission of all the particular Churches on the African Continent. The synodal proceedings will stimulate new efforts at evangelization as a result of the Fathers’ deliberations based on the themes proposed for their reflection: namely, the proclamation of the Good News; inculturation and the Gospel; dialogue with other Christians, with Islam, with African Traditional Religion and other religions; pastoral activity for justice and peace; and lastly, use of the means of social communication in the service of evangelization.

Em virtude do meu mandato apostólico, exorto todos os membros do Povo de Deus que está na África, a empreender activamente a preparação da Assembleia, onde os seus Pastores haverão de orientar o caminho do Evangelho na aurora do terceiro milénio. Dirijo este apelo à comunidade dos fiéis, a vós que fostes baptizados em Jesus Cristo, unidos à sua morte e à sua ressurreição[9], enriquecidos pelo dom da fé: a experiência da vossa vida cristã torna-se, por sua vez, testemunho e manancial para os vossos irmãos. « O amor de Deus foi derramado em vossos corações, pelo Espírito Santo, que vos foi concedido»[10]. Oxalá cada um de vós, na sua oração quotidiana, ouça o que «o Espírito diz às Igrejas»[11]. A Assembleia sinodal será o fruto da vida do Espírito nos vossos corações e da vitalidade das vossas comunidades.

Sacerdotes, filhos da África ou missionários vindos de outros lados, seminaristas, pessoas consagradas, na perspectiva destas Assembleias históricas para este Continente, peço-vos que coloqueis em comum a vossa experiência espiritual e apostólica. Deveis fazê-lo em estreita união com os catequistas, que têm um lugar tão importante entre os seus irmãos, com os conselhos pastorais, os movimentos, as comunidades eclesiais de base, as paróquias. Unidos em redor dos vossos bispos, vós traçareis assim o rosto africano da Igreja que é, na vossa terra, a imagem de Cristo, o reflexo do esplendor do Criador.

5. Dans les mois qui viennent, priez et réfléchissez. A travers vos témoignages, on percevra vos joies et vos souffrances, vos espoirs et vos angoisses. On découvrira le prix de votre fidélité et le poids de votre pauvreté. Dans la vérité et la charité, se dessineront les traits communs des chrétiens d’Afrique, et leurs tâches pour la croissance du Corps du Christ.

En vous situant à l’intérieur des multiples réalités culturelles, spirituelles et ecclésiales du continent, en manifestant la fécondité de la rencontre du Christ avec l’humanité africaine, vous discernerez les voies les plus justes pour l’évangélisation, vous ferez apparaître les requêtes de ce temps pour le ministère sacerdotal et la vie consacrée, pour l’institution monastique qui a pris son essor sur votre continent, pour les assemblées locales et leur célébration du mystère chrétien, pour le rôle des mouvements, pour l’éducation des jeunes, pour un dialogue ouvert et sincère avec les chrétiens d’autres confessions et les croyants d’autres traditions spirituelles, pour la présence des valeurs chrétiennes dans la société et pour la promotion humaine attendue par vos frères et soeurs.

Frères dans l’épiscopat, cet appel à un nouveau départ du Peuple de Dieu sur la route de l’Evangile, je le formule en union avec tous les évêques du continent et, par leur intermédiaire, je l’adresse à tous les catholiques. Leurs évêques guideront la recherche, ils en rassembleront les résultats dans le cadre des Conférences épiscopales, ils les méditeront en fonction de leur charge pastorale.

6. Avec vous, je confie l’Assemblée synodale à venir et sa préparation dans vos diocèses à la protection maternelle de Notre-Dame d’Afrique, de Notre-Dame de la Paix. Qu’elle vous précède, bien-aimé Peuple de Dieu en Afrique, dans le pèlerinage de la foi! Qu’elle vous aide à garder dans votre coeur la Parole qui vous a été confiée et à être les serviteurs du Seigneur, les témoins de sa miséricorde, les artisans de sa paix, les porteurs de sa grâce! Que Marie, Mère du Rédempteur et Mère de l’Eglise, soutienne l’Eglise en Afrique qui, à partir de ce jour, avance tout entière vers le Synode!

Avec les paroles de l’Apôtre Paul, le successeur de Pierre fait monter sa fervente prière: «Que le Dieu de l’espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit Saint!»[12].

Chers fils et filles d’Afrique, que l’Esprit d’amour et de sainteté vous remplisse de joie! Que le Christ Rédempteur, mort et ressuscité pour la multitude, fortifie en vous l’homme nouveau! Que Dieu, notre Père, fasse advenir son Règne!

Que la Bénédiction de Dieu demeure en vous!

[1] Ac 1,8.
[2] Rm 1,16.
[3] Cf. Lumen Gentium, LG 1.
[4] Ibid., LG 4.
[5] Christus Dominus, CD 6.
[6] Lumen Gentium, LG 22.
[7] Ac 1,8.
[8] Ep 4,15-16.
[9] Cf. Rm 6,3-5.
[10] Cf. ibid. Rm 5,5.
[11] Ap 2,7.
[12] Rm 15,13.




CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport international de Yamoussoukro, Lundi 10 septembre 1990


Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Cardinal, chers Frères dans l’épiscopat,
Mesdames, Messieurs,

1. Au moment d’achever ma brève visite en Côte-d’Ivoire, je tiens à remercier Son Excellence Monsieur le Président de la République pour l’accueil prévenant qu’il m’a réservé avec ses collaborateurs. Et ma gratitude va de même aux Pasteurs de ce pays, Monsieur le Cardinal Bernard Yago, Monseigneur Vital Tao ainsi que tous ceux qui les ont entourés pour préparer cette journée.

J’ai été très sensible au dévouement, souvent discret, des autorités civiles et des différents services qui ont assuré avec efficacité le bon déroulement de mon séjour; à nouveau, je les en remercie cordialement.

2. Deux événements ont jalonné cette journée qui restera mémorable. Il m’a été donné de célébrer la consécration de Notre-Dame de la Paix, le grand sanctuaire que vous avez voulu, Monsieur le Président de la République, comme un signe de la foi chrétienne à laquelle plusieurs générations de vos compatriotes ont adhéré et que partage une partie de la population ivoirienne. Et c’est pour moi un sujet de satisfaction que soit érigée la Fondation internationale Notre-Dame de la Paix qui aura pour mission quelques-unes des oeuvres charitables et éducatives auxquelles l’Eglise a toujours été attachée.

Cette fondation témoigne de la vitalité de l’Eglise, établie dans votre peuple grâce à l’apostolat des missionnaires venus d’ailleurs, et qui a désormais une histoire réellement ivoirienne. L’Eglise catholique a maintenant plongé ses racines dans la terre d’Afrique. Je suis heureux de dire ici que l’Eglise universelle bénéficie de l’apport spécifique des jeunes Eglises particulières présentes dans toutes les régions du monde.

L’autre événement de ce jour, c’est la première réunion préparatoire, tenue sur ce continent même, en vue de l’Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique. C’est pour moi une joie d’avoir pu y participer ici, car la réflexion qui va se développer à présent dans toutes les Eglises particulières du continent est un réel motif d’espérance pour l’avenir.

3. Au cours de cette nouvelle visite en Côte-d’Ivoire, je n’ai pu me rendre en beaucoup de lieux où j’aurais aimé rencontrer votre peuple. Aussi voudrais-je exprimer à tous les Ivoiriens ma sympathie et mon estime. Je forme pour chacun d’eux, pour chaque famille, pour chaque communauté des voeux fervents.

Les difficultés qui affectent actuellement votre continent tout entier me sont connues. La crise économique entrave le développement pour lequel tant d’efforts ont déjà été accomplis, elle provoque trop d’inquiétudes et de souffrances. L’Eglise, sans avoir une compétence directe dans ce domaine, ne peut cependant y rester indifférente. Non seulement elle ne cesse d’appeler l’attention sur les enjeux profondément humains des problèmes posés par le développement, mais elle engage ses membres à prendre une part active à tout ce qui contribue à favoriser le bien-être et, il faut le dire, la dignité des hommes et des femmes dans l’ensemble de la famille humaine.

A l’occasion de ce voyage, j’ai tenu à renouveler, une fois encore, mon appel à la communauté internationale pour que la solidarité des peuples s’exerce généreusement en faveur des nations moins favorisées. J’espère que cet appel rencontrera de plus en plus la compréhension et suscitera les initiatives et les engagements rendus nécessaires par la simple justice qui est une dans le monde entier.

Je souhaite à tous les habitants de ce pays de pouvoir poursuivre activement la mise en valeur de leurs richesses, non seulement celles que produit le sol, mais aussi les richesses irremplaçables des personnes, avec leurs précieuses traditions, leur potentiel d’intelligence et de qualités personnelles qu’il faut épanouir. De tout coeur, je souhaite aux Ivoiriens d’avancer dans la concorde et le respect mutuel vers la construction d’une société toujours plus harmonieuse, où personne ne soit délaissé. Ce voeu s’adresse particulièrement aux élites: leurs compatriotes comptent sur leurs compétences, exercées dans un esprit de service désintéressé en faveur de l’ensemble de la communauté. Mes voeux vont aussi aux jeunes, dans l’espoir que leur formation les conduira aux professions qualifiées dans les divers domaines utiles à la vie du pays.

A tous, je souhaite que les valeurs morales, élément primordial du patrimoine ancestral uni à ce qu’inspire l’esprit de l’Evangile, demeurent la base solide de leurs engagements pour le bien commun.

4. J’aimerais maintenant dire ma cordiale affection à tous les membres de l’Eglise catholique en Côte-d’Ivoire. J’adresse ce salut à chacun des Pasteurs, des prêtres, des religieux, des religieuses, des catéchistes, des animateurs des divers mouvements. Je pense à toutes vos communautés de baptisés, celles des villes et celles des villages: je tiens à leur dire que j’apprécie leur fidélité à l’Evangile qu’ils ont accueilli; en chaque communauté, aussi humble soit-elle, les baptisés constituent le peuple de Dieu, le sanctuaire véritable qui a pour pierre angulaire le Christ lui-même, je l’ai dit ce matin.

Chers frères et soeurs catholiques, je vous encourage à travailler pour le bien de tous les hommes et de toutes les femmes de ce pays, en appliquant l’enseignement social de l’Eglise, dans un dialogue ouvert à tous, conscients de la part de responsabilité qui revient à chacun là où il se trouve, dans l’esprit fraternel que le Christ nous demande de vivre. Mes voeux vont à toutes vos familles, dont le rôle est primordial dans le tissu social par leur stabilité, par leur sens de la solidarité élargie au delà du foyer proprement dit, par leur mission de premiers éducateurs qui transmettent aux jeunes les valeurs morales et spirituelles.

Ma pensée va également à tous ceux qui, parmi vous, se dévouent pour apporter soulagement et réconfort à leurs frères et soeurs éprouvés par la maladie et la souffrance. Vous répondez ainsi à une exigence évangélique essentielle, car le Seigneur lui-même reconnaît les malades et les pauvres comme les privilégiés de son amour.

5. J’aimerais adresser aussi un salut cordial aux Ivoiriens qui appartiennent à d’autres confessions chrétiennes ou à d’autres traditions religieuses. Je les remercie de leur accueil sympathique. Je souhaite qu’ils rencontrent auprès des catholiques de véritables frères, qu’ils continuent avec eux un dialogue sincère et empreint de respect mutuel, car l’entente amicale et la connaissance mutuelle favorisent une collaboration positive dans les nombreuses tâches qui requièrent la générosité de tous.

6. Monsieur le Président, en prenant congé de votre pays, je voudrais vous remercier encore d’avoir été mon hôte en Côte-d’Ivoire.

Vous avez désiré que la Basilique de Yamoussoukro soit dédiée à Notre-Dame de la Paix. La piété chrétienne, en effet, invoque souvent la Vierge Marie comme la Reine de la Paix. Aussi, permettez-moi de vous dire que j’apprécie particulièrement votre choix. Et je souhaite que l’intercession de la Reine de la Paix rende fructueux les efforts de tous ceux qui travaillent à régler de manière pacifique les conflits qui déchirent encore certaines régions de ce continent. Que la Vierge Marie, honorée dans ce sanctuaire, éclaire et inspire la vie de tous les Africains!

Au terme de mon septième voyage en Afrique, c’est avec ferveur que je forme des voeux pour l’épanouissement des peuples de cette terre bien-aimée. J’implore la bienveillante protection de Notre-Dame envers les fils et les filles d’Afrique. J’appelle sur tous la Bénédiction de Dieu.



À S. E. M. SANDOR KERESZTES, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DE HONGRIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Samedi, 15 septembre 1990



Monsieur l’Ambassadeur,


C’est avec une joie profonde que j’accueille aujourd’hui Votre Excellence et que je reçois les Lettres qui L’accréditent auprès du Siège Apostolique, en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Hongrie. Voilà donc renoués les liens séculaires qui unissent votre patrie au Saint-Siège, depuis les temps illustres de saint Etienne de Hongrie, lui que mon prédécesseur Pie XII présentait en ces termes: «Figure géante de souverain, de législateur, de pacificateur, de promoteur de la foi et de l’Eglise, véritable “homo apostolicus”» [1].

Votre mission commence en un temps où votre bien-aimée patrie a pris le chemin d’un profond renouveau. Après des années difficiles, la Hongrie rassemble toutes les énergies de son peuple pour rebâtir un Etat moderne, où chacun voit s’ouvrir la possibilité de participer à la vie sociale dans la liberté, où la fidélité aux valeurs les plus précieuses de votre passé permet d’espérer que l’Etat de droit offrira à chacun de ses citoyens la garantie de ses droits humains, la possibilité d’épanouir ses meilleures qualités, le plein exercice de ses responsabilités à l’égard de la société tout entière.

Vous avez justement souligné, Monsieur l’Ambassadeur, la place de votre nation au centre de l’Europe. Avec les pays voisins, vous partagez l’inestimable vocation d’être nourris des nobles traditions de l’Orient et de l’Occident, et de permettre ainsi la rencontre fructueuse et l’amitié constructive des deux familles spirituelles qui ont bâti la civilisation de ce continent.

Aussi est-ce avec satisfaction et avec espérance que je vous ai entendu exprimer le désir de la Hongrie de prendre toute sa place dans le concert des nations européennes. Dans le passé, je n’ai cessé de redire que ce continent ne serait vraiment lui-même qu’en retrouvant une pleine cohésion entre tous ses peuples. La voie s’ouvre à présent pour une coopération toujours plus intense entre les Etats et pour des échanges toujours plus riches entre leurs habitants.

Vous savez l’intérêt soutenu du Saint-Siège pour la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, en raison des perspectives qu’elle a ouvertes à la consolidation de la paix, à l’intensification de la solidarité, à la protection des droits des personnes et des peuples. Votre pays est appelé désormais non seulement à bénéficier du soutien économique dont il a besoin, mais aussi à apporter sa contribution spécifique et spirituel commun. Car la vitalité des cultures diverses des Européens les enrichit mutuellement. Le fait de la présence de minorités vivantes dans divers pays constitue, nous l’espérons, un facteur positif pour l’entente et la coopération des peuples.

Vous avez tenu à évoquer, Monsieur l’Ambassadeur, le rôle historique de l’Eglise catholique dans la fondation de l’Etat hongrois. Retrouvant désormais leur pleine liberté d’action, les catholiques de votre pays sont prêts à prendre loyalement leur part dans l’édification de la société moderne et dynamique à laquelle aspirent tous vos compatriotes. L’esprit de l’Evangile conduit à défendre activement les valeurs humaines, les fondements essentiels de la culture, les vertus nécessaires à une vie sociale marquée par la solidarité généreuse de tous.

L’Eglise catholique espère pouvoir désormais développer librement son activité propre. Elle n’a d’autre ambition que d’être le témoin fidèle du Christ, de rassembler les hommes dans une communion qui les porte à partager avec tous leurs frères leurs raisons de vivre, leur appel à la conversion du coeur, l’amour qui est le don de Dieu et qui conduit à servir le prochain.

Depuis bien longtemps, dans votre pays, l’Eglise a mené une action culturelle et éducative, apportant un soin particulier à la formation de la jeunesse, au soutien des familles, à la santé morale de tous. Désirant apporter à la communauté nationale notamment le service d’institutions d’éducation, l’Eglise se réjouit de renouer avec l’Etat une relation de collaboration confiante. Elle espère que lui seront accordés les moyens concrets de redonner vie aux institutions scolaires et universitaires par lesquelles elle désire se mettre au service de la jeunesse de votre pays.

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez bien voulu dire que le peuple hongrois attend avec ferveur la visite que je dois faire en votre patrie l’an prochain. Je puis dire que, pour ma part, cette perspective me remplit de joie. Je désire ardemment aller encourager les fidèles de l’Eglise catholique et saluer l’ensemble de la nation: c’est le sens d’un tel voyage. Et je suis particulièrement heureux de pouvoir célébrer solennellement la fête de saint Etienne à Budapest, en conclusion de ma visite pastorale au mois d’août 1991. Je ne puis oublier que le saint roi de Hongrie a jeté les bases de la structure ecclésiale dans votre patrie en fondant les principaux sièges épiscopaux. Il a aussi mis en honneur le culte de la Mère de Dieu, « Magna Domina Hungarorum », que j’invoquerai en m’unissant aux fidèles afin que sa protection maternelle accompagne les fils et les filles de votre peuple sur la route qu’ils prennent aujourd’hui avec courage.

Je vous prie, Monsieur l’Ambassadeur, de faire part à Son Excellence Monsieur le Président de la République, ainsi qu’aux membres du Gouvernement, de ma gratitude pour le message courtois dont ils vous ont chargé à mon intention. Je souhaite vivement qu’il leur soit accordé d’accomplir avec succès leurs hautes charges.

Quant à vous-même, Excellence, vous êtes le bienvenu. Vous pouvez être assuré que mes collaborateurs ne manqueront pas de vous apporter tout l’appui dont vous pourrez avoir besoin pour remplir votre mission auprès du Saint-Siège. Je forme des voeux chaleureux pour votre personne, vos proches et vos collaborateurs. Bien volontiers, j’appelle sur vous même, comme sur toute la nation hongroise, la Bénédiction de Dieu.

[1] L'Osservatore Romano, 11 août 1957.





RENCONTRE DU PAPE JEAN-PAUL II AVEC LE PATRIARCHE GREC-ORTHODOXE D'ALEXANDRIE, SA BÉATITUDE PARTHENIOS III

Lundi, 24 septembre 1990


Béatitude,

Vous voici pour quelques heures pèlerin auprès des tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul et hôte de l’Eglise de Rome et de son Evêque, successeur de Pierre. Je vous remercie pour votre visite et vous souhaite de tout coeur la bienvenue.

Je suis vraiment heureux de vous accueillir et de m’entretenir personnellement avec vous. Depuis de longues années, vous vous dépensez avec une grande charité et beaucoup de courage pour la sainte cause de l’unité des chrétiens. Vous le savez, comme Evêque de Rome, je me reconnais chargé d’un service d’amour spécifique et unique pour cette cause qui a fait l’objet de la prière du Christ à la veille de sa Passion. A la fraternité sacramentelle qui nous unit dans un même épiscopat et aux sentiments de charité que je nourris pour votre personne, s’ajoute ainsi comme une parenté de coeur qui suscite entre nous une confiance et une espérance indéfectibles.

Dès la création de la commission mixte de dialogue entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe, vous en étiez un membre particulièrement actif et convaincu. Aujourd’hui, comme Patriarche de votre Eglise, vous en êtes un inspirateur fidèle et décidé. Avec la grâce de Dieu, cette commission a déjà produit des fruits en ce qui concerne notre commune conception sacramentelle de l’Eglise, les rapports entre la Foi et les Sacrements et la succession apostolique qui est fondamentale pour la sanctification et l’unité du peuple de Dieu. En accueillant avec reconnaissance ces progrès de la pensée théologique, nous ne devons pas ménager nos efforts pour qu’ils aient une influence sur le comportement concret de nos communautés. Les occasions ne manquent pas aux catholiques et aux orthodoxes du Patriarcat grec d’Alexandrie de témoigner de ce qui les unit déjà et de collaborer pour le service des peuples au milieu desquels ils vivent au Moyen-Orient et dans plusieurs pays d’Afrique.

Sur le chemin du rétablissement de la pleine communion organique entre elles, l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe rencontrent aussi des difficultés qui ne sont pas seulement d’ordre théologique. J’en suis convaincu et j’ai déjà eu l’occasion de le dire: seul le dialogue nourri par la prière et vécu dans la charité peut permettre de les surmonter. Plus que jamais, nous devons accueillir l’exhortation de saint Paul aux Romains: « Que l’amour fraternel vous lie d’une affection mutuelle; rivalisez d’estime réciproque. D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière »[1].

Béatitude, non seulement dans le dialogue avec l’Eglise catholique, mais aussi au sein de l’Orthodoxie et dans les instances oecuméniques internationales et régionales, vous êtes le témoin infatigable de l’espérance de l’unité et vous cherchez aussi le dialogue avec les croyants des autres religions et tous les hommes de bonne volonté. Vous savez comment, dans mon ministère à Rome et au cours de mes voyages pastoraux à travers le monde, je poursuis les mêmes buts pour que l’humanité connaisse son Seigneur, accepte son Evangile et jouisse de la paix et du salut éternel.

Votre Eglise est moins nombreuse aujourd’hui, mais, pour le Seigneur et pour nous, une Eglise est grande non pas d’abord en fonction du nombre de ses fidèles, mais bien de la vigueur de sa foi, de son élan missionnaire et du témoignage de ses saints et de ses martyrs. Aussi est-ce avec un amour sincère qu’à travers votre personne je salue et accueille dans ma prière et dans mon coeur les évêques, le clergé et tous les fidèles de l’Eglise-soeur du Patriarcat grec-orthodoxe d’Alexandrie. Notre rencontre de ce jour est vraiment une rencontre dans l’amour du Christ, et il me plaît de terminer ce message fraternel en citant le grand Patriarche Athénagoras Ier de Constantinople: « Nous portons aussi notre pensée vers le grand et saint moment où, évêques d’Orient et d’Occident célébrant au même autel, nous élèverons le calice du Seigneur dans l’Eucharistie commune. Cette heure tardera peut-être. Mais l’heure de l’amour est déjà présente, c’est celle-ci »[2].

[1] Rm 12,10-12.
[2] Tomos Agapis, die 26 oct. 1967, n. 193, p. 441.





AUDIENCE DU PAPE JEAN-PAUL II AUX RELIGIEUX DE L’ABBAYE SAINTE-MADELEINE DU BARROUX

Vendredi, 28 septembre 1990


C’est avec joie que je vous rencontre aujourd’hui, Fils de saint Benoît de l’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux qui avez voulu manifester par cette démarche communautaire votre fidélité au Seigneur et votre attachement à son Eglise.

Avec vous, je rends grâce à la divine Providence qui vous a aidés, lors des événements douloureux de juin 1988, à revenir à la communion avec le Siège Apostolique. Depuis lors, votre attachement au successeur de Pierre s’est constamment affirmé et il m’est agréable de savoir que vos relations avec l’Eglise diocésaine deviennent chaque jour plus loyales et plus fraternelles.

Vous avez été également, pour les moniales bénédictines de l’Annonciation qui sont en train de construire leur monastère non loin du vôtre, un précieux encouragement et un appui constant dans leur chemin de communion, et vous avez contribué d’une manière particulièrement heureuse et efficace à affermir leurs liens avec le diocèse.

Le Saint-Siège a concédé à votre monastère la faculté d’utiliser les livres liturgiques en usage en 1962, afin de répondre aux aspirations de ceux «qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine»[1], confirmant ainsi les dispositions de la Constitution conciliaire sur la sainte Liturgie qui rappelle que «l’Eglise, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute la communauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique: bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des divers peuples et elle les développe»[2]. Il est bien évident que, loin de chercher à mettre un frein à l’application de la réforme entreprise après le Concile, cette concession est destinée à faciliter la communion ecclésiale des personnes qui se sentent liées à ces formes liturgiques[3].

J’exprime le voeu que l’«OEuvre de Dieu» et, en particulier, l’Eucharistie, ainsi célébrées dans votre monastère contribuent efficacement à la réalisation de votre idéal monastique, lequel assurément trouve aussi sa nourriture dans le travail, dans un silence qui favorise la contemplation et dans le zèle à rechercher Dieu par-dessus tout, de sorte que, communauté jeune et fervente, vous soyez capables de porter témoignage des réalités invisibles dans le monde contemporain. Ainsi, avec les autres monastères bénédictins, vous continuerez d’être des lieux de retraite pour le renouveau spirituel où, la première place étant justement réservée à Dieu, «ce qui est humain est ordonné et soumis au divin; ce qui est visible à l’invisible; ce qui relève de l’action à la contemplation; et ce qui est présent, à la cité future que nous recherchons»[4].

Je saisis l’occasion de cette rencontre pour m’adresser à ceux et à celles qui sont encore liés à la Fraternité Saint-Pie X. Je les invite instamment à s’en remettre à la conduite du successeur de Pierre et à prendre contact avec la Commission «Ecclesia Dei», instituée pour faciliter la réinsertion dans la pleine communion ecclésiale. L’Abbaye Sainte-Madeleine du Barroux doit être pour eux un encouragement à retrouver l’unité féconde de l’Eglise autour de l’Evêque de Rome.

Je confie à votre prière la grande intention de la réconciliation de tous les fils et filles de l’Eglise dans une même communion.

Pour vous aider dans votre vie monastique au coeur de l’Eglise, notre Mère, je vous bénis de tout coeur.

[1] Cf. Ecclesia Dei, 2 juillet 1988, n. 5, c.
[2] Sacrosanctum Concilium, n. SC 37.
[3] Cf. Ecclesia Dei, n. 5, c.
[4] Sacrosanctum Concilium, n. SC 2.


Octobre 1990


Discours 1990 - AU CONSEIL DU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES