Discours 1990 - Samedi, 17 novembre 1990


AUX PARTICIPANTS À LA XVIIIe ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL «COR UNUM»

Lundi, 19 novembre 1990




Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l'épiscopat,
Chers amis,

1. En vous accueillant à l'occasion de votre Assemblée plénière, je suis heureux de saluer particulièrement les nouveaux membres et consulteurs de « Cor Unum » récemment nommes. Je les remercie de mettre leur compétence et leur dévouement au service d'un dicastère dont la mission me tient à coeur.

Les objectifs formulés par mon prédécesseur Paul VI en 1971 demeurent d'actualité. Le Saint-Siège compte sur votre Conseil pour que la priorité à la charité qui doit marquer l'action des chrétiens dans le monde ait une portée toujours plus concrète. Il est très utile que vous vous attachiez à harmoniser les forces et les initiatives des nombreux organismes catholiques d'entraide qui animent l'exercice pratique de la charité dans le Peuple de Dieu. Des échanges d'informations et une concertation constante vous permettent d'être à la disposition des évêques comme de ceux qui exercent des fonctions publiques pour les mettre en relation avec les organisations catholiques d'entraide. Vous pouvez aussi collaborer utilement avec les organisations analogues des autres Eglises et communautés ecclésiales, et c'est là un témoignage de fidélité à l'Evangile que le monde attend de tous les disciples du Christ. Aptes enfin à intervenir dans les cas de cataclysmes naturels ou d'autres urgences, vous êtes appelés à exercer directement la charité du Pape. Je vous remercie de votre générosité dans l'accomplissement de vos missions.

2. Vos réflexions reprennent un thème actuellement fondamental: « Solidarité et développement, une réponse évangélique au problème de la faim ». Pour ma part, je m'en tiendrai à quelques observations, pour souligner l'importance d'un problème dont l'ampleur reste immense et que l'humanité tarde à affronter avec toute l'énergie voulue. Prend-on assez vivement conscience des situations paradoxales qui persistent, avec la surabondance de biens et donc d'alimentation en certaines régions tandis qu'en d'autres sévissent la famine et la misère?

Nous savons que les causes ne sont pas seulement naturelles; l'opinion mondiale devrait mieux mesurer les facteurs économiques, sociaux et politiques qui créent ou maintiennent des situations de dénuement trop souvent mortel. Sans se livrer à des explications excessivement sommaires, on ne peut passer sous silence le rôle mystérieux du péché des hommes dans les terribles atteintes à la solidarité dont souffre une si grande partie de l'humanité.

Il est nécessaire de procéder à l'analyse objective des causes de la famine, mais il revient à un organisme d'Eglise comme le vôtre de montrer à quel point la conscience des personnes est engagée lorsque l'on voit des conflits internationaux ou intérieurs à certains pays semer ruines et mort. Les mécanismes économiques ne doivent pas être des monstres froids, inaccessibles aux besoins vitaux de populations entières. Qu'il s'agisse du service des dettes extérieures, de la régulation des marchés ou des programmes d'ajustement, accorde-t-on assez de considération au bien-être des plus pauvres qui devrait être la vraie priorité? Lorsqu'on exploite les forêts et les sols pour en tirer un profit immédiat, a-t-on le souci de léguer une terre féconde et hospitalière aux générations à venir?

Devant la gravité de la faim et de la misère, il faut être lucide mais non découragé. Les ressources de la terre, et surtout les ressources de l'humanité sont considérables. Lorsqu'un véritable esprit de solidarité et de charité motive l'action, l'espérance est permise, des prodiges peuvent être accomplis. Les divers organismes caritatifs que vous représentez en témoignent. De nombreuses réalisations concrètes dont j'ai pu avoir connaissance, notamment au cours de mes voyages, m'incitent à vous encourager, et à vous demander de continuer sans relâche votre rôle d'agents compétents du développement, de messagers qui stimulent la solidarité, d'éveilleurs de la charité.

3. Votre ouvre ne se limite pas au partage des biens matériels, pour nécessaire qu'il soit. Il vous faut aussi accomplir un travail d'éducation à tous les niveaux: dans vos entourages immédiats, au niveau de chaque nation, et au niveau international. Jeunes et adultes ont à découvrir que la solidarité à l'égard des plus démunis ne doit pas faire de ceux-ci des assistes, mais qu'elle doit permettre « à tous les peuples de devenir eux-mêmes les artisans de leur destin »[1]. Une vraie solidarité comporte l'ouverture au don que je puis toujours recevoir de l'autre, aussi pauvre qu'il paraisse de prime abord; elle devient un échange entre partenaires mutuellement respectueux de leur dignité; devant Dieu créateur et sauveur, elle devient une authentique forme de la communion à laquelle tous sont appelés.

4. Je ne voudrais pas m'en tenir à l'évocation des graves inquiétudes que suscite l'objet de votre réflexion, ni à un rappel de vos tâches. Il me parait légitime d'exprimer également ici la vive gratitude que m'inspire le travail de nombreuses institutions gouvernementales ou non gouvernementales qui, dans une grande diversité d'échelle, de moyens et de méthodes, participent à la lutte commune contre la faim et son cortège de maux. Et je remercie de tout coeur le Conseil « Cor Unum » et les organisations qui y sont représentées pour leur dévouement et leur esprit évangélique.

Du point de vue chrétien, on peut constater en maints lieux et auprès de tant d'hommes et de femmes compétents et personnellement désintéressés, la manifestation d'une vraie charité. Dans l'acte de fondation de « Cor Unum », le Pape Paul VI citait ce propos de saint Ambroise: « Le peuple chrétien doit se distinguer par le service, conformément à cette parole du Seigneur à ses disciples: "Celui qui veut être le premier parmi vous, qu'il soit le serviteur de tous"[2]. Et c'est la charité qui en rend capable »[3]. Rendons grâce au Seigneur pour tous ses fils et ses filles à qui il a donné de montrer les voies d'un service fraternel inspire par son amour!

Puisez aux sources de l'amour infini de Dieu, reportez-le sur nos frères et soeurs du monde entier! C'est ainsi que vous-mêmes, vos collaborateurs, et vos amis qui oeuvrent dans le même sens, trouverez le courage de continuer sans jamais renoncer: il est difficile de maintenir longtemps un élan de solidarité en faveur de partenaires qui se débattent au milieu de difficultés qui peuvent paraitre insurmontables. Que la médiation maternelle de Marie vous soutienne! Que Dieu vous donne de renouveler vos engagements avec ténacité! Et que la Bénédiction du Père de toute miséricorde vous rende forts et persévérants au long des chemins de la charité!

[1] Populorum progressio, n. PP 65.
[2] Mt 20,27.
[3] Lettre Amoris officio, 15 juillet 1971.



AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LES LAÏCS

Vendredi, 23 novembre 1990



Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,

1. La treizième assemblée plénière du Conseil Pontifical pour les Laïcs accueille la première participation de nombreux membres nommés il y a quelques mois. Je suis heureux, à cette occasion, de vous souhaiter très cordialement la bienvenue. Je vous remercie d’avoir accepté d’ajouter à vos obligations la charge que représente pour vous cette collaboration avec le Saint-Siège. Votre disponibilité, vous pouvez en être assurés, est précieuse, car elle permet à votre Conseil d’accomplir sa mission en demeurant à l’écoute des fidèles laïcs de toutes les parties du monde et de tous les types d’engagement ecclésial.

2. Votre assemblée a lieu vingt-cinq ans après la conclusion du deuxième Concile du Vatican. Il n’est pas inutile de le souligner, lorsque l’on réfléchit à la mission des laïcs que ce Concile a précisément fortement marquée. Avec le recul d’un quart de siècle, il est bon de prendre une vue d’ensemble sur l’oeuvre de ce Concile. Il a exprimé dans une remarquable synthèse la conscience que l’Eglise prend de sa nature propre et de sa mission; ou plutôt, il a reflété la lumière que le Christ Rédempteur jette sur le visage de l’homme, sur la condition humaine, sur la communauté des disciples unis à Lui en un corps vivant, comblé de ses dons, animé de son Esprit. Vous trouvez là le point d’appui irremplaçable de toute réflexion sur la vie des fidèles laïcs dans l’Eglise et sur leur participation à la mission commune confiée par le Rédempteur à tous les baptisés.

Mais il est clair que, vingt-cinq ans après Vatican II, il nous faut reprendre sans cesse le chemin de l’évangélisation, sous les formes multiples qu’elle doit aujourd’hui revêtir pour être fidèle à la mission que le Seigneur a donnée à ses disciples jusqu’à la fin des temps, et pour s’adresser à nos frères et soeurs de la manière la plus juste et la plus utile. Le décret conciliaire «Ad Gentes» a confirmé la nécessité de la première évangélisation, dans les larges parties de l’humanité qu’elle n’a pu encore rejoindre. Et, en tant d’autres régions, c’est une évangélisation nouvelle qu’il s’agit de mettre en oeuvre, pour raviver la foi, donner un dynamisme nouveau à la construction de l’édifice, nous rapprocher de l’unité voulue par le Seigneur entre ses disciples, répondre aux attentes de l’homme souvent désorienté. Je le disais en inaugurant mon ministère de successeur de Pierre, et je vous le redis aujourd’hui: «A toutes les époques, et plus particulièrement à la nôtre, le devoir fondamental de l’Eglise est de diriger le regard de l’homme, d’orienter la conscience et l’expérience de toute l’humanité vers le mystère du Christ, d’aider tous les hommes à se familiariser avec la profondeur de la Rédemption qui se réalise dans le Christ Jésus»[1]. Sachez donc reconnaître les chemins au long desquels les fidèles laïcs participeront de manière toujours plus sainte et plus missionnaire à la grande oeuvre de l’Eglise.

3. Si l’on regarde les nombreuses associations de fidèles qui entretiennent des relations avec le Conseil Pontifical pour les Laïcs, la diversité des vocations et des modes d’action apparaît aussitôt. C’est une grande richesse pour l’Eglise. A partir de l’appel universel à la sainteté, à la communion, à la mission, les uns et les autres exercent leur générosité spirituelle et apostolique de mille manières. A l’image de l’assemblée liturgique qui rassemble autour du même Seigneur et de son sacrifice rédempteur des hommes et des femmes de toutes conditions et de toutes vocations, les activités spécifiques des laïcs s’harmonisent dans une oeuvre commune. Aider à en assurer l’unité est évidemment une de vos tâches primordiales.

D’une part, l’engagement des fidèles laïcs se situe dans le cadre général des Eglises particulières; ils participent à la vie des diocèses et des paroisses, prennent leurs responsabilités dans les conseils pastoraux, dans les services caritatifs, dans les organismes d’apostolat ou d’éducation; et il est bon que la valeur de leur travail dans tous ces domaines soit bien reconnue. D’autre part, des associations regroupent les fidèles suivant divers critères d’appartenance sociale, de spiritualité plus définie, de méthode d’apostolat, d’itinéraires de formation, de style de vie commune. La vigueur de nombre de mouvements ecclésiaux, souvent de fondation récente, est un bien précieux pour l’Eglise. Votre Conseil a particulièrement la charge, en lien avec les évêques concernés, de veiller aux discernements nécessaires pour favoriser à la fois l’épanouissement de chacun suivant sa vocation et l’unité fraternelle de tous. L’exhortation apostolique «Christifideles Laici» a énoncé les principaux «critères d’ecclésialité» qui permettent de reconnaître la légitimité des associations de fidèles; votre réflexion à ce sujet permettra de les faire bien comprendre et de les appliquer pour le bien des personnes et le progrès de l’évangélisation.

4. Le vaste tour d’horizon auquel vous vous livrez au cours de votre assemblée vous amènera sans doute à prendre également en considération les champs multiples où les fidèles laïcs ont à manifester leurs convictions et à donner leur témoignage, en fonction de leur condition proprement séculière. Ce sont de véritables mondes que nous souhaiterions voir éclairés par le message chrétien. Je pense à ceux de la famille, de la culture, au monde de l’économie - celui des travailleurs et celui des responsables des entreprises - au monde de la science et des techniques, à celui des communications sociales. Je me contente d’y faire allusion; certains problèmes sont abordés, du point de vue du Saint-Siège, par des dicastères spécialisés. Mais il est bon que vous portiez un regard d’ensemble sur la présence chrétienne dans le monde de ce temps, dont vous savez quelle importance Vatican II lui a donnée. Car il s’agit bien d’«aller dans le monde entier, de proclamer l’Evangile à toute la création»[2], d’enraciner l’Eglise dans tous les milieux de vie, de rayonner la charité sans lui assigner de frontières.

5. Chers amis, en achevant mon propos, nécessairement bref, je voudrais vous remercier à nouveau de prendre part à la mission du Saint-Siège. Nous nous trouvons ici en un lieu exceptionnel de rencontres. Les dicastères ont des tâches de discernement, et parfois d’arbitrages, ils ont aussi un rôle d’initiative, de promotion. A cet égard, je voudrais souligner l’heureuse activité de votre Conseil à l’égard des jeunes, en particulier pour les Journées mondiales qui ont déjà porté des fruits, vous pouvez en témoigner.

Je vous encourage à poursuivre vos réflexions et vos actions afin d’affermir la vigueur et l’universalité de la mission des fidèles laïcs de toute l’Eglise, dans l’unité et la diversité de l’unique Corps du Christ. En vous exprimant ma cordiale sympathie, je vous confie à Marie, Mère de l’Eglise, la Vierge de l’attente et de l’espérance. Pour vous, pour vos familles et pour tous ceux avec qui vous travaillez, j’invoque avec ferveur la Bénédiction du Seigneur.

[1] Ioannis Pauli PP. II Redemptoris Hominis, RH 10.
[2] Cfr. Mc 16,15 Mt 28,19.



AUX ÉVÊQUES DU VIÊT-NAM EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM»

Samedi, 24 novembre 1990




Chers Frères dans l’Episcopat,

1. Ma joie est grande de vous retrouver pour un entretien commun en ces jours remarquables pour l’Eglise au Viêt-Nam. Il nous est donné, en effet, de commémorer ensemble l’institution de la hiérarchie catholique dans votre pays, voici trente ans, et de célébrer les saints martyrs que j’ai eu le privilège de canoniser en 1988.

Ainsi votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres martyrs qui ont fondé l’Eglise de Rome coïncide avec la célébration des martyrs qui ont fécondé l’Eglise au Viêt-Nam.

Il est émouvant de penser que vous vivez votre ministère épiscopal sous le patronage de ces martyrs. Puisse votre venue à Rome, pour ce rendez-vous régulier qui n’avait été possible que pour peu de délégués il y a cinq ans, être pour vous à la fois une halte spirituelle réconfortante et un stimulant pour votre action pastorale!

En vous accueillant fraternellement, je voudrais vous dire toute l’estime chaleureuse du successeur de Pierre pour l’Eglise qui est au Viêt-Nam, pour sa fidélité dans la foi, dans la piété, dans la charité fraternelle. Les Evêques réunis en Synode le mois dernier ont déjà manifesté ces sentiments d’admiration et de profonde communion; je vous les exprime à nouveau avec émotion et je vous charge d’en faire part aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et aux laïcs de vos diocèses, car leurs épreuves les rendent d’autant plus présents dans ma prière chaque jour.

2. Votre visite a lieu peu de jours après le retour de la mission conduite par le Cardinal Etchegaray au Viêt-Nam. Comme vous le savez, il s’agissait de la première visite d’une délégation officielle du Saint-Siège au Viêt-Nam, pour traiter avec les autorités gouvernementales compétentes de quelques-uns des problèmes les plus importants et les plus urgents auxquels l’Eglise doit faire face dans votre pays.

Dans un climat de respect mutuel, de compréhension et de bonne volonté, s’est ouvert un dialogue qui augure bien de l’avenir. Le chemin sera encore long et les difficultés ne manqueront pas, mais il semble que ce soit le bon chemin. Je souhaite donc que, dans un proche avenir, l’Eglise vietnamienne voie toujours mieux reconnue la place qui lui revient dans la société. La communauté catholique de votre pays, qui a contribué à son indépendance dans le passé, désire aujourd’hui travailler pour le bien de ses compatriotes et pour la reconstruction du pays, par l’apport de tous ses membres, des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs; et je sais qu’elle le fait déjà avec générosité, discrétion et fidélité. Personne ne peut douter que les catholiques soient vraiment prêts à se mettre au service des pauvres, des déshérités, des malades, dans la perspective d’une société de justice, d’amour et de bien-être.

Soyez assurés que le Saint-Siège fera tout ce qui dépend de lui pour que ces premiers pas dans le dialogue puissent conduire à une entente qui porte des fruits durables pour le bien de l’Eglise au Viêt-Nam.

3. Vous m’avez entretenu de l’accomplissement de vos charges pastorales. Et je tiens à vous renouveler ici le témoignage de mon estime, à vous qui portez un fardeau souvent bien lourd. Je vous encourage vivement à continuer sur la route exigeante mais belle de votre mission de successeurs des Apôtres. Vos communautés savent qu’elles peuvent compter à tout moment sur votre dévouement de pères dans la foi, vous qui présidez à la charité qui a sa source en Dieu même.

A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur la mission qui revient à la Conférence épiscopale comme telle; elle vous aidera à affermir l’unité des diocèses dans les diverses régions du pays. Ensemble, vous pouvez vous apporter un précieux soutien mutuel pour mieux porter vos responsabilités pastorales et entrer dans un dialogue constructif avec les responsables de la société. La création de diverses commissions et le travail suivi que votre collaboration active y permettra, contribueront à approfondir votre réflexion sur les signes des temps, sur les besoins spirituels des fidèles, sur l’animation liturgique, les moyens de formation à prévoir. Votre Conférence épiscopale, avec ses diverses instances, vous permettra de mieux situer l’Eglise dans la nation. Votre collaboration confiante vous aidera à créer les meilleures conditions pour le développement de la vie interne de l’Eglise, de même que pour l’accomplissement des services qu’elle désire rendre au peuple viêtnamien; car ses membres font partie de ce peuple et lui sont sincèrement attachés, en un temps où il faut apaiser les séquelles des souffrances du passé et reconstruire une vie commune digne du noble héritage reçu de vos ancêtres.

4. Ma pensée se porte vers les prêtres de vos diocèses, en particulier vers ceux qui vieillissent en continuant d’assurer un ministère considérable, vers ceux qui ont été ou sont encore empêchés d’exercer leur sacerdoce. Veuillez leur dire à tous, les anciens et les plus jeunes, que je tiens à leur rendre un hommage fervent pour leur fidélité à leur vie sacerdotale, pour leur constance au temps de l’épreuve, pour leur dévouement à leurs communautés allant bien des fois à l’extrême limite des possibilités humaines. Que le Seigneur les soutienne, lui qui récompense les bons et fidèles serviteurs qu’il a chargés d’être les intendants de ses mystères[1]!

Les prêtres, dont vous connaissez la fidélité à leurs engagements et le zèle pastoral, seront les premiers à recevoir avec gratitude le fruit de la réflexion des commissions épiscopales et les directives de leurs propres évêques. Dans vos contacts quotidiens, veillez à coordonner au mieux leurs activités et à leur donner en même temps la possibilité du ressourcement spirituel et de la formation permanente dont ils ont besoin. Pour cela, je souhaite que vous puissiez constituer et animer les diverses instances de concertation prévues par l’Eglise. Mais, au-delà des cadres formels, et malgré les graves difficultés auxquelles vous vous heurtez, il importe surtout que les prêtres aient la possibilité de renouveler leur approche de l’Ecriture sainte, la réflexion théologique et pastorale qui nourrit leur ministère quotidien.

Vous avez naturellement le souci de la relève, car votre clergé, trop peu nombreux et vieillissant, ne peut suffire à la tâche. Grâce à la vitalité généreuse du peuple fidèle, bien des jeunes entendent l’appel à consacrer leur vie au Seigneur dans le sacerdoce. Quant aux séminaristes qui ont déjà accompli leur préparation, il faut espérer qu’ils pourront être librement ordonnés par leurs évêques et commencer au plus tôt leur ministère. Vous ne disposez encore que de quatre séminaires; deux autres doivent ouvrir au centre du pays; je souhaite vivement qu’aucun obstacle ne s’y oppose et que vous puissiez recevoir dans ces maisons, sans limitation de nombre, les candidats présentant les aptitudes requises. Un prêtre bien formé est un bien pour l’Eglise et aussi un don précieux pour le peuple qu’il a mission de servir. Et je souhaite aussi que vous parveniez à préparer les pères spirituels et les professeurs dont les candidats au sacerdoce ont besoin, en envoyant à l’étranger les prêtres que vous désirez affecter à ces tâches pour leur faire acquérir les compétences nécessaires dans les meilleurs centres universitaires. De même aussi, j’espère que ne vous manqueront pas les moyens de réaliser la publication des ouvrages religieux nécessaires pour les séminaristes et pour l’ensemble du peuple de Dieu.

5. Vous m’avez dit combien vous appréciez la générosité des religieux et des religieuses qui, malgré les difficultés, ont su rester au service de leurs frères et soeurs, témoins courageux de la foi dans la simple et éloquente fidélité à leurs voeux et à leur consécration à Dieu. Dites-leur que je remercie le Seigneur avec vous pour tout ce qu’ils donnent à l’Eglise et à votre peuple, en associant les membres des Instituts séculiers aux religieux.

Suivant leurs charismes propres, les religieux et religieuses peuvent jouer un rôle considérable dans la vie pastorale, et aussi dans divers services éducatifs ou caritatifs auxquels l’Eglise a toujours pris une part active, dans le cadre de ses propres institutions ou en s’intégrant à celles de la nation. Je sais que, chez vous, religieux et religieuses se montrent disponibles pour assurer des tâches d’enseignement, des services sanitaires et d’autres missions d’ordre social. C’est une manière très appréciable de contribuer au bien de leur peuple, à la reconstruction de ce pays qui a besoin du dévouement de tous ses fils. En travaillant pour le bien commun, stimulés par l’esprit de l’Evangile, ils montrent et montreront concrètement que les chrétiens sont solidaires de tous leurs frères. L’Eglise ne demande pas de privilèges, mais qu’il lui soit accordé la liberté de servir le pays avec toutes ses capacités.

Il est désirable que les diverses Congrégations religieuses aient la possibilité d’accueillir les vocations et de bien former les novices. Pour cela, ils ont besoin de pouvoir ouvrir sans entraves des maisons de formation. Par ailleurs, ils devraient avoir la liberté d’envoyer leurs membres dans les lieux où ils sont attendus, conformément à la mobilité et à la disponibilité qui ont toujours caractérisé la vie des religieux apostoliques. On ne peut que souhaiter l’heureux développement de la vie religieuse au Viêt-Nam qui a déjà donné tant de belles vocations.

6. Les circonstances ont amené les laïcs non seulement à une ardeur plus grande dans la piété et la fréquentation des sacrements, mais aussi à développer leur participation active à la mission ecclésiale. Ils ont été, souvent dans des conditions très austères, de vrais témoins de la foi, partageant généreusement leur expérience spirituelle, assurant la formation catéchistique des jeunes et des adultes. Qu’ils trouvent leur récompense dans la vigueur de la foi et de l’espérance vécues par leurs communautés!

Vous pouvez attendre beaucoup des laïcs, de leur participation responsable à la vie de l’Eglise, de leur manière de vivre avec simplicité les exigences évangéliques dans leur vie familiale et professionnelle comme dans l’ensemble des services rendus au bien commun. L’enseignement du Concile Vatican II et celui qui a été donné depuis insistent sur l’importance de la «consecratio mundi» qui est particulièrement à la charge des fidèles laïcs et représente leur première forme de témoignage. Avec les changements profonds que connaît la société dans tous les pays, il importe que les laïcs soient aidés à progresser dans leur lecture chrétienne des réalités sociales, dans leur appréciation des critères de la vie morale et de la justice, dans le respect de la vérité, dans leur résistance à toutes sortes de corruption, dans l’expression personnelle et commune de la foi. J’espère que vous pourrez mettre en oeuvre des initiatives adaptées pour que les laïcs poursuivent leur formation chrétienne et reçoivent un appui proportionné à leur rôle dans l’Eglise.

7. Vous l’avez pressenti, en pensant aux divers groupes de personnes qui composent vos Eglises particulières et en évoquant leur mission, j’avais toujours présent à l’esprit l’enseignement du Concile Vatican II qui a si vivement projeté la lumière du Christ sur l’Eglise. Votre tâche s’éclaire si vous la concevez comme la mise en oeuvre de l’élan donné par Vatican II. Je rappellerai notamment le Synode extraordinaire de 1985, auquel participait le regretté Cardinal Trinh Van Can, qui a bien mis en valeur les intuitions essentielles du Concile, notamment son insistance sur l’ecclésiologie de communion dont il faut sans cesse s’inspirer. Dans cet esprit, montrez à vos frères de mieux en mieux que l’Eglise, le Corps vivant dont le Christ est la Tête, est signe et instrument d’union et de réconciliation. Invitez tous les fidèles - prêtres, religieux et laïcs - à prendre leur part de responsabilité, grâce à une concertation constante, auprès de vous qui exercez le ministère apostolique. En partageant expériences et opinions, que tous apprennent à se mettre au véritable service de l’homme et de la société. Que l’on retrouve les fondements d’une conception authentique de l’homme, ouvert à la transcendance, éclairé par la foi sur sa propre condition, guidé dans son travail et dans la vie avec les autres par la doctrine morale et sociale de l’Eglise, frère pour tous les hommes, fils créé et sauvé par Dieu.

8. Chers Frères, entraînez tout le peuple de Dieu qui vous est confié dans un mouvement de prière fervente pour qu’il accueille la grâce du Sauveur et prenne les voies de la sainteté. Avec humilité, sincérité, désintéressement, que les fidèles sachent rayonner la lumière reçue au baptême, l’amour partagé dans l’Eucharistie! Qu’ils oeuvrent pour le renouveau de leur Eglise et de leur pays, dans un esprit de réconciliation, entre catholiques là où c’est nécessaire, entre catholiques et compatriotes de convictions différentes là où des oppositions se sont durcies. Que ne subsiste pas d’amertume entre frères et soeurs d’un même peuple! Que tous soient ouverts à la nouveauté de l’Evangile et à l’espérance d’un monde réconcilié dans la paix!

9. Au terme de cet entretien, je voudrais simplement vous redire combien le successeur de Pierre vous est proche. Même si nos rencontres ont été peu nombreuses, au fil des années, notre communion est forte et notre solidarité profonde. Et vous pouvez compter sur les sentiments fraternels de l’ensemble des Pasteurs et des fidèles de l’Eglise.

Avec vous, j’invoque l’intercession de saint Pierre et de saint Paul, ainsi que celle des saints Martyrs du Viêt-Nam pour l’Eglise dans votre pays. Je la confie particulièrement à la médiation maternelle de la Très Sainte Vierge Marie. Et de tout coeur, j’appelle sur vous-mêmes, sur les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles de vos diocèses le secours bienfaisant de la Bénédiction du Père de tout amour, du Fils incarné pour notre salut, de l’Esprit de lumière et de charité.

[1] Cf. Mt 24,45 et 1Co 4,1.



MESSAGE AUX PATRIARCHES ET AUX ÉVÊQUES CATHOLIQUES DU LIBAN


Aux Patriarches, aux Archevêques et aux Evêques

des Eglises catholiques du Liban.



Béatitudes et chers Frères dans l’Episcopat,

À l’occasion de la réunion annuelle de l’Assemblée des Patriarches et des Evêques catholiques du Liban, je désire vous donner l’assurance que je suis spirituellement présent au milieu de vous et que je prends part avec intensité à vos préoccupations de pasteurs en ce moment décisif pour les communautés qui vous sont confiées.

Les fidèles de vos Eglises ont été profondément éprouvés et beaucoup d’entre eux, poussés par un sentiment d’insécurité, par la peur, et préoccupés pour le sort de leurs familles, ont quitté le pays ou pensent le faire. D’autres se sentent désorientés et, voyant que l’avenir est très incertain, peuvent être facilement victimes du découragement ou, pire encore, de la tentation de s’en remettre une nouvelle fois à la violence destructrice.

Ce sont là, je le sais, quelques-unes des graves préoccupations qui vous assaillent, mais je suis certain que, fidèles à la responsabilité de votre ministère, vous saurez, avec votre paternelle sollicitude, avec l’aide des prêtres et celle des personnes consacrées, assurer l’animation spirituelle, les priorités pastorales et la coordination des diverses activités, plus que jamais nécessaires.

J’invoque avec vous le Seigneur afin qu’il vous donne la force et la grâce de conforter vos fils spirituels dans la foi au Christ, source de la conversion des coeurs, de la pacification des âmes et surtout, du sentiment d’appartenance à «une seule Eglise», rassemblée autour de Lui. Ainsi, il sera non seulement plus facile de surmonter les divisions imposées par la guerre et les divergences crées par les choix politiques, mais l’on pourra également rendre plus vive l’espérance dans le futur. Avec votre aide et votre témoignage, les fidèles de vos Eglises sauront traduire le grand commandement de l’amour dans la vie si exigeante de chaque jour: par la miséricorde et le pardon, ils sauront dominer les rancoeurs causées par la violence aveugle de la guerre, être ouverts à un dialogue respectueux avec tous et, en particulier, avec ceux de leurs compatriotes qui appartiennent à d’autres familles spirituelles, être compatissants et solidaires à l’égard des personnes les plus éprouvées par les circonstances douloureuses dans lesquelles elles se trouvent.

Je partage avec vous la conviction que seules cette force spirituelle et cette bonne volonté permettront le retour progressif d’une situation normale dans le pays et la renaissance en profondeur d’un Liban ouvert au pluralisme où tous les habitants, chrétiens et non chrétiens, pourront se sentir citoyens à part entière et responsables. Un immense champ d’action s’ouvre aujourd’hui aux laïcs catholiques du Liban, en vue de contribuer à la reconstruction morale du pays et de préparer des jours meilleurs pour leur patrie. Votre Assemblée fera naître sans doute des orientations très utiles pour guider les catholiques de votre nation dans leur apostolat.

De mon côté, je confie vos travaux à la protection maternelle de Notre Dame de Harissa et je l’invoque avec vous afin qu’elle obtienne à tous, pasteurs et fidèles, la lumière et la force nécessaires pour répondre aux urgences apostoliques de l’heure présente.

Avec ma Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 24 novembre 1990.

IOANNES PAULUS PP. II



Décembre 1990


AUX PÈLERINS VENUS POUR LA CANONISATION DE SAINTE MARGUERITE D’YOUVILLE

Lundi, 10 décembre 1990


Discours 1990 - Samedi, 17 novembre 1990